M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi à mon tour de saluer la présence, dans notre tribune d’honneur, de M. l’ambassadeur de Croatie.
Notre assemblée se réunit aujourd’hui pour approuver le projet de loi autorisant la ratification du traité relatif à l’adhésion de la République de Croatie à l’Union européenne. C’est un beau symbole que cette nouvelle adhésion, car elle témoigne que le projet européen n’est pas mort, qu’il garde toute sa force, alors que l’Union européenne traverse une période de crise et de doute. C’est le témoignage que celle-ci réunit autour de valeurs qui sont toujours actuelles, qui ont une signification à ses frontières, particulièrement pour les Balkans occidentaux, qui furent, voilà peu de temps, le théâtre de tant de tragédies.
Avec cette adhésion, comme nous le rappelle également le cinquantième anniversaire du traité de l’Élysée, on en revient aux fondements de la construction européenne : la construction de la paix, qui demeure une exigence forte, essentielle et fondatrice. Il est important d’en avoir pleinement conscience à un moment où l’Europe fait face à de nombreuses difficultés qui ne doivent en rien nous conduire à tout remettre en cause ou à croire que les acquis de la construction européenne sont éternels.
N’imaginons pas que, pour la Croatie, cette adhésion n’a pas signifié de nombreux efforts, voire des sacrifices. Il a fallu, bien sûr, transposer en droit interne les acquis communautaires, mais c’est aussi dans son activité, dans la structure de son économie et de son agriculture que la Croatie a dû accepter de nouvelles règles. Je pense aux chantiers navals, où cela a été particulièrement douloureux, ou à son économie, qui était fortement intégrée à celle de la Bosnie-Herzégovine.
L’entrée dans l’Union européenne modifie profondément les habitudes, oblige à réorienter des coopérations commerciales et industrielles, rend moins facile pour la Croatie son commerce avec la Bosnie-Herzégovine ou la Serbie. Pourtant, la Croatie a voulu cette adhésion, qui est le symbole de son retour dans la famille européenne. Mais cela crée pour nous une obligation : poursuivre la démarche, ne pas laisser de côté les autres États des Balkans occidentaux, qui doivent pouvoir adhérer à leur rythme et quand ils le pourront. Il en va non seulement de la crédibilité du projet européen, du sens que nous donnons à nos valeurs communes, mais aussi de la stabilité de la région.
Malheureusement, dans les Balkans du sud-ouest, il n’y a à ce jour de négociation ouverte qu’avec le Monténégro, et ce depuis peu. Faudra-t-il attendre au-delà de 2020 pour que l’Union européenne atteigne une intégrité territoriale dans cette région, au risque d’engendrer d’ici là de nouvelles instabilités ?
Reprenons tout d’abord le processus de négociation tel qu’il a été conduit avec la Croatie. Il a su tirer les leçons de la vague précédente de négociations avec la Bulgarie et la Roumanie, ce qui explique qu’il ait été plus âpre, plus exigeant.
Les accents portés sur l’indépendance de la justice et sur la lutte contre la corruption ont permis de tester la stabilité des institutions croates, notamment lorsqu’il s’est agi de poursuivre de très hauts dignitaires du pouvoir en place.
De même, l’arrestation de personnes supposées coupables de crimes de guerre dans le cadre de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie n’a pas entraîné l’exacerbation de tensions nationalistes pourtant coutumières à Zagreb dans les années quatre-vingt-dix.
Enfin, le compromis passé au début des années deux mille entre les forces politiques croates sur le bien-fondé de l’adhésion a permis au pays de procéder à une profonde remise en cause de son modèle politique, que nous pouvons aujourd’hui considérer comme exemplaire. Les alternances politiques se sont déroulées sereinement, les minorités nationales sont associées aux prises de décision, les forces syndicales sont parties prenantes à tous les sujets concernant le modèle social ou la restructuration du tissu économique. Nous pensons en particulier aux difficiles négociations sur la réforme du système de retraite ou à la privatisation des chantiers navals.
Néanmoins, l’expérience de certaines adhésions – je pense notamment à celles de la Hongrie et de la Roumanie – souligne que, si nous savons être exigeants sur l’appropriation de notre système de valeurs et l’intégration des acquis communautaires durant les périodes de négociation, il y a ensuite un réel relâchement quand ces nouveaux membres deviennent acteurs de nos institutions.
À ce jour, seul le Parlement européen dispose d’une réelle capacité de mobilisation de l’opinion publique européenne dès qu’un État membre s’écarte de l’esprit de nos traités fondateurs. Pourtant, les instances de contrôle existent, mais elles semblent totalement anesthésiées par la place trop importante laissée à l’Europe intergouvernementale, au détriment d’une Europe plus intégrée institutionnellement.
Nul doute qu’il y a, là aussi, un débat à mener de façon urgente, car ce qui pèche aujourd’hui, ce n’est pas l’élargissement, mais ce sont les retards pris dans l’approfondissement.
À l’heure où l’on disserte sur une prétendue « fatigue de l’élargissement », il est urgent de montrer combien ce processus contribue au renforcement de l’État de droit sur notre continent, au renforcement du poids de l’Europe et de ses valeurs dans le monde.
La réussite de l’adhésion croate est donc vitale non seulement pour la relance de cette politique, mais aussi pour notre capacité à approfondir notre modèle politique, les deux étant intimement liées. Mais, ne vous en déplaise, monsieur Arthuis, la causalité n’est pas celle que l’on croit : ce sont les difficultés de l’approfondissement qui freinent l’élargissement, et non l’inverse !
Un nouveau membre, c’est une nouvelle jeunesse pour nos valeurs, car il en rappelle l’actualité. Les drames vécus voilà vingt ans par la Croatie et le chemin qu’elle a parcouru depuis lors en témoignent.
C’est un beau symbole d’ouvrir les travaux du Sénat français en 2013 avec ce projet de loi de ratification. Dans l’intérêt de l’Union européenne tout entière et de l’ensemble du continent européen, il serait judicieux que l’agenda d’une adhésion au 1er juillet 2013 soit respecté. Là où il pourrait exister des différends bilatéraux ou des difficultés liées à l’agenda politique interne de pays membres de l’Union européenne, aucun de ceux-ci ne devrait interférer avec la finalisation du processus d’adhésion et sa ratification par les parlements nationaux.
J’ai confiance en la bonne volonté de toutes les parties et de tous les États membres pour que nous puissions ensemble accueillir notre vingt-huitième membre le 1er juillet prochain.
Vive la Croatie dans l’Union européenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique.
Article unique
Est autorisée la ratification du traité relatif à l'adhésion de la République de Croatie à l'Union européenne (ensemble neuf annexes et un protocole), signé à Bruxelles le 9 décembre 2011, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. La parole est à M. René Teulade, sur l'article.
M. René Teulade. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je salue moi aussi la présence dans notre tribune d’honneur de M. l’ambassadeur de Croatie.
Au moment du déclenchement et de l’enlisement de la troisième guerre balkanique, en 1991, l’Europe était, selon les mots de Paul Garde, universitaire slavisant émérite, « en retard sur l’événement » ; vingt ans plus tard, sur la voie de l’intégration des pays de l’ex-Yougoslavie, l’Union européenne est à l’heure. En effet, au 1er juillet 2013, la Croatie deviendra le vingt-huitième État de l’Union européenne, sous réserve de la ratification du traité d’adhésion par l’ensemble des États membres.
Cette dernière couronne les nombreux efforts et progrès réalisés par l’État croate depuis son accession à l’indépendance à l’été 1991.
En deux décennies, la Croatie a effectué d’importantes réformes, notamment en matière de justice et de respect des droits fondamentaux, afin d’être en conformité avec les principes constitutifs de l’Union européenne.
Le travail réalisé par les gouvernements croates successifs doit être d’autant plus salué que le processus d’adhésion s’est déroulé dans le cadre du consensus renouvelé sur l’élargissement, adopté par le Conseil européen de décembre 2006, qui prévoit l’application d’une stricte conditionnalité et met l’accent sur les questions relatives à l’État de droit.
Ainsi, bien que certaines problématiques restent d’actualité, telles que la restructuration des chantiers navals, la lutte contre la corruption et les conflits d’intérêts, l’organisation du système judiciaire, le plan d’action révisé adopté par le gouvernement croate le 31 octobre dernier est de nature à satisfaire les dernières exigences communautaires.
Par ailleurs, l’entrée de la Croatie dans le sérail européen est l’opportunité de rappeler la « vocation européenne » des Balkans occidentaux, reconnue par le Conseil européen de Zagreb en 2000, et réaffirmée par celui de Thessalonique en 2003. Sans brûler les étapes, les institutions et États européens doivent se fixer l’objectif d’intégrer au plus tôt la Serbie, le Monténégro, la Macédoine, la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie et le Kosovo, dès lors qu’il sera reconnu par l’ensemble des pays de l’Union européenne et par la Serbie.
Le traumatisme de la guerre est encore vivace dans cette région, comme dans nos mémoires, confuses devant le souvenir des exactions commises, les charniers humains non pas aux portes de l’Europe – abus de langage que certains employaient –, mais en son cœur, à la lisière du berceau de la civilisation européenne : la Grèce ; confuses aussi devant notre impuissance, dont la réminiscence prend la forme d’une interrogation : où étions-nous ? Ni à Vukovar, ni à Srebrenica, ni à Bihać, ni dans toutes les provinces qui portent, encore aujourd’hui, les stigmates de la guerre. Et permettez-moi une brève observation : où sommes-nous aujourd’hui en Syrie ? Peut-être partout, mais probablement nulle part ; l’histoire jugera !
L’Union européenne doit donc continuer à promouvoir, avec vigueur, la réconciliation et l’unité des États de l’ex-Yougoslavie, dans le respect des différences de chacun, en soutenant ardemment les initiatives qui donnent corps à l’esprit de rassemblement et de tolérance, à l’instar du dialogue nourri entre Ivo Josipović et le précédent Président serbe, Boris Tadić, dont je tiens à mettre en exergue le courage politique dont il fit preuve lorsque, en 2010, il reconnut officiellement – ce n’était pas facile – le massacre de Srebrenica.
Afin de lutter contre le nationalisme exalté qui gangrène toujours cette région, l’Union européenne doit demeurer un idéal tangible, accessible, et ne doit pas se muer en un idéal lointain que les États des Balkans occidentaux n’apercevraient que d’une infime lucarne donnant sur un mur politique. Ce mur politique, c’est le risque d’affadissement des valeurs consubstantielles à l’Union européenne, pourtant fondatrices de la politique d’élargissement définie par l’article 49 du traité sur l’Union européenne et réclamées aux États souhaitant faire partie du projet européen ; c’est le risque aussi de voir la tolérance et la solidarité, valeurs éminentes posées par l’article 2 du traité sur l’Union européenne, s’évaporer dans un contexte de crise et de défiance généralisée au profit d’un individualisme d’État que l’on retrouve, malheureusement, dans les discussions actuelles portant sur le budget communautaire.
Au sortir de la tragédie des deux guerres mondiales, Jean Monnet avait fait de la méthode des « petits pas » le moyen de rassembler les États européens autour d’intérêts communs, à travers une gestion collective et, par là même, avait créé une solidarité de fait. Aujourd’hui, cette solidarité ne doit plus seulement être la résultante de petits pas, elle doit être l’expression de grandes consciences européennes qui permettent d’approfondir et d’élargir le projet européen à tous ceux qui adhèrent à son esprit, à sa vocation et à sa vision, qui est sans doute une des rares et une des seules visions d’avenir. Telle est la signification du traité qui est aujourd’hui soumis à notre approbation, et j’espère qu’il sera adopté à l’unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP.)
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Adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière
Adoption définitive en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (projet n° 224, texte de la commission n° 248, rapport n° 247).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de transposition des directives en matière économique et financière qui vous est présenté aujourd’hui est bien connu de vous.
Il a été adopté en première lecture le 26 septembre dernier par l’ensemble des groupes du Sénat, sous réserve de l’abstention du groupe communiste républicain et citoyen.
Il a ensuite été adopté le 12 décembre dernier à l’unanimité par l’Assemblée nationale, dans une version ne différant du texte du Sénat que par des modifications rédactionnelles.
Votre commission des finances ayant elle-même adopté le texte de l’Assemblée nationale le 19 décembre dernier, le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui reste au plus près de celui que vous aviez examiné en septembre.
Sans revenir sur les débats que vous aviez eus alors ici en présence de mon collègue Benoît Hamon, je voudrais tout d’abord remercier votre commission des finances, en particulier son rapporteur, Richard Yung, pour ses travaux approfondis sur ce texte, travaux qui ont beaucoup facilité son parcours.
D’importants enjeux s’attachent en effet à l’adoption rapide de ce projet de loi, et ce, d’abord, au regard de nos obligations européennes.
Dès sa prise de fonctions, Pierre Moscovici a tenu à remédier à des retards qui s’étaient accumulés dans la transposition des directives économiques et financières. L’objet de ce texte est de transposer en droit français trois directives adoptées par la France et ses partenaires en septembre 2009, en novembre 2010 et en février 2011.
Il est d’autant plus nécessaire de le faire que, en raison du retard accumulé pour la transposition de la première de ces directives, relative à la monnaie électronique, la France est exposée à une menace de sanction pécuniaire par la Cour de justice de l’Union européenne.
Il y va surtout du crédit de la parole de la France en Europe et de la sécurité juridique pour nos concitoyens et nos entreprises. Chacun a bien à l’esprit que, à l’échéance de leur transposition, les directives sont invocables devant les juridictions et que le juge écarte au besoin la loi nationale contraire. C’est donc à un embrouillamini juridique considérable que les opérateurs économiques et nos concitoyens sont confrontés lorsque surviennent des retards de transposition.
Les opérateurs français de monnaie électronique n’ont pas manqué de le rappeler en se plaignant de l’incertitude juridique dans laquelle ils se trouvent depuis deux ans, alors que leurs concurrents européens peuvent d’ores et déjà appliquer le cadre juridique commun à l’ensemble des États membres.
Quant à l’objet même de ce projet de loi, ce sont en outre, vous le savez, des mesures assurément utiles qu’il vous est proposé d’adopter définitivement.
Avec la transposition de la directive du 16 septembre 2009 sur la monnaie électronique, les consommateurs disposeront de moyens de paiement sûrs, ce qui est plus que jamais nécessaire en période de crise, et ce, en permettant aux opérateurs nationaux d’agir dans un cadre juridique stabilisé, alors qu’ils souffrent d’être les derniers en Europe à ne pas bénéficier entièrement du régime européen.
Les dispositions de transposition de cette directive prévoient la création d’une nouvelle catégorie d’acteurs dans le secteur des moyens de paiement, à savoir les établissements de monnaie électronique qui seront habilités à émettre de la monnaie électronique à destination de leurs clients. Elles fixeront les règles d’exercice de cette activité.
Ce nouveau régime doit contribuer au développement de la monnaie électronique en fixant un cadre simplifié pour ces établissements et sécurisé pour ses utilisateurs, dans le respect des règles de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Avec la transposition de la directive du 24 novembre 2010, dite « Omnibus I », nous allons contribuer au renforcement de la régulation financière européenne, à laquelle le Gouvernement est tout particulièrement attaché et dont vous savez qu’elle connaît actuellement des avancées importantes, dans le droit fil des conclusions du Conseil européen de juin 2012.
Par ailleurs, les mesures de transposition correspondantes sont en complète cohérence avec le projet de loi de régulation bancaire et financière déposé en décembre par le Gouvernement. Elles renforcent les échanges d’information entre les autorités de supervision nationales – l’Autorité de contrôle prudentiel et l’Autorité des marchés financiers – et les autorités européennes de supervision, contribuant ainsi à l’efficacité de la supervision des acteurs financiers.
Enfin, avec l’achèvement de la transposition de la directive du 16 février 2011 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, nous allons contribuer au soutien aux petites et moyennes entreprises et franchir une première étape vers l’objectif de réduction à vingt jours, d’ici à 2017, des délais de paiement de l’État, ce qui constitue la décision n° 3 du pacte national de compétitivité, de croissance et d’emploi, adopté le 6 novembre dernier.
Les dispositions de transposition de la directive prévoient un renforcement des sanctions en cas de retard de paiement des sommes dues en exécution d’un contrat de la commande publique, afin de réduire les délais de paiement de la sphère publique et d’améliorer ainsi la situation de trésorerie des entreprises. Elles instaurent notamment une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement en sus des intérêts moratoires, dont le taux sera augmenté par décret.
Pour être au rendez-vous de l’échéance de transposition fixée en mars, le ministère de l’économie et des finances a d’ores et déjà mis en ligne depuis le 29 novembre dernier, sur son site internet, pour consultation publique, les éléments du dispositif réglementaire qui permettra d’appliquer la loi.
Vous en avez été convaincus dès sa première lecture, ce texte est donc non seulement nécessaire, mais surtout utile.
Permettez-moi, avant de conclure, de revenir sur la méthode de transposition choisie par le Gouvernement, car cette méthode a elle aussi son importance.
Nous avons écarté la solution qui aurait consisté à placer en quelque sorte le Parlement au pied du mur, en lui demandant de voter de toute urgence des habilitations à transposer par ordonnances des directives dont les mesures nationales de mise en œuvre avaient manqué d’être prises en temps utile.
Nous avons choisi de soumettre à la délibération du Parlement, par le présent projet de loi, l’intégralité des mesures législatives qui restent nécessaires à la transposition des trois directives dites « monnaie électronique », « Omnibus I » et « retards de paiement ».
Il est dans l’intention du Gouvernement de procéder de la même manière dans les prochains mois avec des projets de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne thématiques, dans d’autres domaines que le droit économique et financier.
Entendons-nous bien, dans le domaine de la transposition des directives, le plus important est que, comme cela a été le cas pour ce projet de loi, le Gouvernement et le Parlement aient un dialogue étroit afin de déterminer les voies et moyens les plus adaptés pour assurer, dans la durée, la meilleure articulation possible entre le droit de l’Union européenne et le droit national. Il est objectivement des situations dans lesquelles ce dialogue pourra conclure à la nécessité de recourir ponctuellement au mécanisme de l’ordonnance ou à l’engagement de la procédure accélérée sur un texte d’adaptation au droit de l’Union européenne à caractère essentiellement technique. Mais ce ne peut évidemment être la solution de référence, comme cela a pu être trop souvent le cas par le passé.
À la faveur du dialogue étroit qui a commencé à se nouer entre Gouvernement et Parlement au sein d’un comité de liaison de la transposition des directives, en accord avec le Premier ministre, MM. Claude Bartolone et Jean-Pierre Bel, nous aurons à vérifier ensemble si certaines transpositions appellent des solutions particulières, comme le recours aux ordonnances, pourvu, bien évidemment, que ce ne soit pas au prétexte de retards que le Gouvernement aurait lui-même laissé naître faute d’avoir préparé en temps utile les mesures d’adaptation de notre droit.
Tel est l’un des éléments tangibles du respect que le Gouvernement porte aux travaux de la représentation nationale, suivant les souhaits du Président de la République et du Premier ministre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures qui sont aujourd’hui soumises à votre examen sont non seulement une nécessité juridique, mais aussi une modernisation de notre droit attendue par nombre de consommateurs et d’opérateurs économiques. Le Gouvernement souhaite donc que, tout comme cela a été le cas en première lecture, au Sénat et à l’Assemblée nationale, ces mesures recueillent aujourd’hui le plus large assentiment, pour être définitivement adoptées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Richard Yung, rapporteur de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, dit « DDADUE » – c’est un peu plus romantique ! (Sourires.) –, revient au Sénat en deuxième lecture. Comme l’a rappelé M. le ministre, ce texte vise à transposer en droit français trois directives européennes, dont la principale est relative à la monnaie électronique.
La France aurait dû transposer cette directive voilà plus d’un an et demi. Nous sommes par conséquent sous la menace d’un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne et d’une condamnation pécuniaire, qui n’est pas négligeable, puisqu’elle pourrait être de l’ordre de 20 millions d’euros. Dans la phase actuelle de lutte contre les déficits, avouez qu’il y a mieux à faire !
La Commission européenne se fait de plus en plus pressante ; il est donc urgent de conclure l’examen de ce projet de loi.
D’un côté, nous pouvons espérer que des entreprises se saisissent de ce nouveau cadre réglementaire pour développer des activités de monnaie électronique en France.
De l’autre, nous subodorons que le texte européen sur la monnaie électronique de même que la directive sur les établissements de paiement sont déjà plus ou moins dépassés compte tenu de l’évolution rapide du paysage des paiements en Europe.
Il est donc probable que, dans peu de temps, l’ouvrage devra être remis sur le métier. En tout état de cause, cette remarque n’aurait pas lieu d’être si nous avions transposé la directive en temps et en heure.
Les deux autres directives concernées par le projet de loi DDADUE sont la directive dite « Omnibus I » et la directive relative à la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales.
La directive « Omnibus I » rend possible l’échange de données entre les autorités prudentielles françaises et les trois nouvelles autorités prudentielles européennes : l’Autorité bancaire européenne, l’Autorité européenne des assurances et l’Autorité européenne des marchés financiers. Ces mesures rejoignent, cela a été dit, les dispositions qui figureront dans le projet de loi bancaire que nous examinerons prochainement. Cette transposition est donc nécessaire pour que les différentes autorités prudentielles disposent d’une base juridique pour collaborer entre elles.
Enfin, la transposition du volet public de la directive contre les retards de paiement dans les transactions commerciales permettra d’inciter les différentes autorités publiques à mieux gérer les relations financières avec leurs fournisseurs. En effet, le délai maximal pour effectuer un paiement sera fixé à trente jours, et ce pour l’ensemble des contrats de la commande publique, sous peine du paiement d’une indemnité forfaitaire de 40 euros au minimum.
L’enjeu économique et financier n’est pas négligeable, que ce soit pour les personnes publiques ou pour leurs partenaires privés.
Voilà, mes chers collègues, les principaux éléments de ce projet de loi.
En première lecture, au Sénat, la commission des finances avait adopté une dizaine d’amendements sans modifier substantiellement le texte proposé par le Gouvernement. Elle avait également adopté deux amendements tendant à insérer un article additionnel afin de mettre en cohérence le droit monétaire et financier avec les nouvelles règles européennes relatives aux agences de notation et aux ventes à découvert. Je vous rappelle que les agences de notation sont sous le contrôle prudentiel de la seule Autorité européenne des marchés financiers ou European securities and markets authority, et non de l’Autorité des marchés financiers.
En séance publique, aucun amendement n’avait été déposé.
L’Assemblée nationale a adopté 93 amendements rédactionnels, ce qui est quelque peu étonnant pour un texte en préparation depuis deux ans...
Au total, en deuxième lecture, 23 articles sur 46 sont encore en discussion.
Sur le fond, l’Assemblée nationale n’a donc pas du tout bouleversé l’équilibre du projet de loi.
En conséquence, et compte tenu de l’urgence, la commission des finances a adopté sans modification les 23 articles restant en discussion.
Je vous invite désormais à confirmer cette position, puisqu’aucun amendement n’a été déposé en vue de son examen en séance publique, et d’établir ainsi le texte définitif de la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – MM. Jean Arthuis et Michel Bécot applaudissent également.)