Mme Nathalie Goulet. Absolument !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. La commission mixte paritaire a donc échoué. L’Assemblée nationale a réexaminé le projet de loi en nouvelle lecture. Elle est revenue au texte qu’elle avait adopté initialement sur la plupart des points les plus importants.
Nous nous félicitons du maintien de l’article 9 bis, que l’Assemblée nationale avait elle-même introduit pour soumettre à des essais comparatifs les médicaments proposés au remboursement et, ainsi, en quelque sorte, contourner les limitations à la sécurité sanitaire, impliquées par la législation européenne. Nous ne ferons pas de procès d’intention, car nous ne voulons pas croire que les députés ont soumis l’application de cet article à un décret en Conseil d’État pour en limiter les effets. Néanmoins, le texte qui nous est soumis aujourd’hui est évidemment en retrait par rapport à celui du Sénat.
Tout en le félicitant de la qualité de son travail et, plus globalement, de celui de la commission des affaires sociales, je me joins donc à notre rapporteur pour regretter trois reculs en particulier.
Premièrement, je déplore un recul en matière de conflits d’intérêts, sujet qui constituait pourtant l’axe central du texte. Il est très dommage que la procédure de contrôle des déclarations d’intérêts prévue pour les acteurs de la sécurité sanitaire par le présent texte n’ait pas été harmonisée avec celle prévue par le projet de loi dit « Sauvé », en cours d’examen, relatif à la déontologie et à la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique.
Notre collègue Nathalie Goulet le soulignait déjà dans la discussion générale en première lecture, les dispositions du présent texte doivent être correctement articulées avec la réforme globale en cours. Aujourd’hui, le résultat n’est pas satisfaisant et notre crainte, exprimée en filigrane, d’un saucissonnage de la question, source de complexité, s’est en partie concrétisée.
Le texte actuel est globalement moins disant en matière de conflits d’intérêts puisque l’Assemblée nationale a refusé l’interdiction de tous liens d’intérêts pendant trois ans pour diriger les principales agences sanitaires, à laquelle le Sénat tenait.
Recul encore au sujet des autorisations temporaires d’utilisation, puisque nos collègues députés ont choisi d’en assouplir le cadre législatif.
Le troisième point est, à nos yeux, encore plus édifiant que les deux premiers : il s’agit de l’expérimentation de la visite médicale collective dans les établissements de santé. Le détricotage est minutieux, l’Assemblée nationale ayant réintroduit toutes les dérogations à l’expérimentation : autant d’exceptions susceptibles de vider totalement la loi de son contenu.
Mais le plus préoccupant pour nous touche au cadre légal des dispositifs médicaux qui sont, dans leur totalité, purement et simplement exclus du champ de la visite médicale collective.
Nous ne prétendons pas que la visite médicale collective était une panacée pour sécuriser l’usage des dispositifs médicaux. Nous soutenons simplement que, d’une part, elle aurait pu représenter une garantie non négligeable et que, d’autre part, il nous faudra mettre en place un véritable cadre législatif pour le dispositif médical, comme il y en a un pour le médicament.
En revanche, monsieur le rapporteur, je serai plus mesuré concernant l’action de groupe.
Certes, une action de groupe doit d’urgence être mise en place, en particulier pour être accessible aux victimes d’accidents médicamenteux. Mais il serait de loin préférable qu’il s’agisse d’une action de groupe générale et non sectorielle. Ne saucissonnons pas le débat. Le projet de loi sur les droits des consommateurs devrait nous fournir très prochainement l’occasion d’en traiter.
En conclusion, je dirai que, constatant l’impossibilité de parvenir à un accord, nous jugeons sage et responsable la décision de notre rapporteur de déposer une motion tendant à opposer la question préalable sur le présent projet. Le Sénat n’a pas de temps à perdre si cet examen est voué à demeurer platonique.
Nous regrettons une nouvelle fois le jeu politicien, d’où qu’il vienne. C’est la raison pour laquelle le groupe UCR ne prendra pas part au vote sur la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier notre collègue rapporteur Bernard Cazeau du travail considérable qu’il a fourni, avec son équipe, sur ce texte. Je ne reprendrai pas tous les arguments qu’il vient de développer, mais sachez que je les fais miens sans réserve.
Je sais également gré à tous mes collègues de la commission des affaires sociales pour la qualité des échanges que nous avons su maintenir tout au long de l’examen de ce projet de loi, et ce en dépit de délais extrêmement serrés.
Je suis par ailleurs reconnaissante à tous les groupes de la majorité sénatoriale pour la solidarité dont ils ont fait preuve lorsqu’il a fallu se mobiliser pour défendre certains amendements.
Enfin, je tenais à saluer les services de la commission, qui se sont mobilisés pour nous permettre de travailler aussi sérieusement que possible. Sachons rendre hommage à leur travail minutieux et attentif, même s’il s’opère par définition dans l’ombre.
Au nom de tout ce travail accompli au Sénat, je voulais vous faire part, monsieur le ministre, de ma tristesse, pour ne pas dire de ma colère.
Création de la possibilité légale de mener des actions de groupe, publicité des déclarations d’intérêt, amendes à la fois plus justes et plus dissuasives pour les laboratoires pharmaceutiques puisque proportionnelles à leur chiffre d’affaires, engagement d’une réflexion sur la profession de visiteur médical et sur la formation initiale et continue des médecins : voilà ce que le Sénat proposait. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas nier que les avancées obtenues ici même, voilà quelques semaines, allaient dans le bon sens : le sens du desserrement des liens d’intérêt entre laboratoires médicaux et prise de décision publique ; le sens du droit des victimes d’accidents médicamenteux; le sens de la sécurité sanitaire et le sens de l’intérêt général.
Oui, monsieur le ministre, ces amendements allaient clairement dans le sens de l’intérêt général et visaient à ce que, réellement, comme vous l’aviez souhaité, il n’y ait plus jamais de scandale comparable à celui du Médiator.
Mais ce travail, fourni par le Sénat renouvelé, a véritablement été taillé en pièces par la majorité de l’Assemblée nationale, qui, je le regrette profondément, n’a pas fait preuve de beaucoup d’esprit d’ouverture.
Les députés membres de la commission mixte paritaire nous ont indiqué d’emblée que de nombreux points étaient « non négociables ». Et bien voyez-vous, monsieur le ministre, nous estimons pour notre part que c’est la santé des français qui est non négociable !
Je considère qu’il est choquant que, sur un sujet aussi sensible de santé publique, d’intérêt général, sujet qui clairement devrait dépasser les clivages partisans, votre majorité ait été aussi intransigeante et fermée au débat.
Tout d’abord, en tant qu’écologiste, je suis déçue par le manque d’ambition – c’est le moins que l’on puisse dire – du projet de loi en ce qui concerne la réforme de la visite médicale.
Mme Aline Archimbaud. Je l’avoue, le fait que la simple demande d’un rapport gouvernemental à ce sujet ait été refusée me dépasse. Heureusement, la commission des affaires sociales du Sénat s’apprête à acter la création d’un groupe de travail sur ce thème !
Par ailleurs, le raisonnement qui consiste à dire que les actions de groupe sont importantes mais que leur mise en place attendra une prochaine loi m’échappe complètement. Comment reprocher aux sénateurs d’avoir inséré ces actions dans le projet de loi au détour d’un amendement alors que c’était la seule solution à notre portée ?
En revenant sur cette avancée obtenue au Sénat et saluée par toutes les associations de patients, vous laissez les malades dans leur solitude, dans leur précarité, dans leur souffrance. Ils apprécieront ! En tout cas, pour notre part, nous estimons que cela est inacceptable.
Pour moi, mais je ne crois pas être la seule, le texte tel qu’il nous revient aujourd’hui est un aveu de démission face aux intérêts privés de l’industrie pharmaceutique. Une fois de plus, dans ce pays, il apparaît clairement que certains lobbies sont encore capables de faire plier la décision publique.
Hélas ! la santé publique n’est pas le seul domaine victime d’une telle ingérence. D’autres secteurs, tout aussi sensibles, subissent l’influence des lobbies.
En qualité de parlementaires, nous avons la responsabilité de dénoncer pied à pied l’action des lobbies privés. C’est ce que je fais aujourd’hui du haut de cette tribune. Comptez sur moi pour réitérer cette dénonciation toutes les fois que ce sera nécessaire et pour œuvrer à ce que la loi protège la décision publique de l’influence des intérêts privés.
Maintenant qu’il est pratiquement acté que le texte a été vidé de sa substance, que notre majorité sénatoriale n’y peut plus grand-chose, je tiens à dire à l’ensemble de mes collègues que le travail accumulé n’est pas perdu : il pourra être réinvesti à l’avenir. L’attitude très fermée de la majorité gouvernementale aurait pu nous décourager, mais le temps que nous avons consacré à ce projet de loi n’a pas été inutile.
D’une certaine façon, nous, membres d’une nouvelle majorité sénatoriale, avons cette responsabilité de mettre en chantier des questions importantes pour dessiner ce que nous aurons demain, je l’espère, les moyens institutionnels de mettre en œuvre.
Si, comme je le crains, au terme de cette nouvelle lecture, la majorité de l’Assemblée nationale reste sur ses positions, le Sénat aura au moins envoyé un message fort d’encouragement à tous ceux qui, professionnels, malades, citoyens, espèrent qu’il n’y aura plus en France d’affaires comparables à celles du Mediator, du Distilbène, du Vioxx ou des hormones de croissance… et je pourrais égrener encore longtemps cette triste liste.
Monsieur le ministre, malgré vos efforts pour nous convaincre, je reste persuadée que le projet de loi, en l’état, n’empêchera pas de nouveaux scandales sanitaires. Le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale est une déclaration abstraite de bonnes intentions de façade, vidée de la plupart de ses dispositions concrètes et opérationnelles qui seules permettraient à la décision publique d’être prise sans influence.
L’actualité est là, brûlante, qui nous rappelle à quel point l’industrie pharmaceutique est encore influente à tous les niveaux de la prise de décision.
Vous pensiez remettre les laboratoires pharmaceutiques à leur place ? C’est un véritable pied de nez que vous a adressé la société Servier la semaine dernière en demandant à la Cour de cassation de regrouper à Paris les procédures sur le Mediator, afin de tenter d’échapper à un procès en mai à Nanterre ; un pied de nez aux autorités sanitaires, mais également aux 5 millions de patients qui ont pris du Mediator entre 1976 et 2009 !
Du côté des autorités sanitaires, le bilan n’est pas beaucoup plus brillant, puisqu’une femme médecin ayant travaillé pour Servier a failli être nommée au poste de directrice produit à l’ASSAPS, preuve qu’une partie du lobby pharmaceutique a bien intégré qu’il pouvait agir à tous les niveaux de la décision publique.
Vous l’avez compris, la menace de futurs dérapages est omniprésente et appelle à une vigilance de chaque instant. La situation actuelle aurait donc demandé une autre réponse qu’une loi faite de rhétorique et d’affichage, autre chose qu’une loi alibi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, nous voilà donc à nouveau saisis du projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé.
Ce texte – chacun en conviendra – a vécu de nombreuses péripéties et, malheureusement, pas des plus heureuses. Aussi, permettez-moi d’ouvrir mon propos par un petit rappel chronologique.
En juin dernier, monsieur le ministre, vous annonciez le dépôt imminent de ce texte en redoublant d’intentions volontaristes, promettant notamment « une réforme en profondeur, qui ait du sens, dans un seul et unique objectif, protéger le patient ».
Cet objectif, louable s’il en est, ne pouvait que recueillir un large consensus et donc être partagé par l’ensemble des parlementaires, de nos concitoyens, des victimes et des professionnels. Il convenait d’agir vigoureusement pour éviter que ne se reproduise un scandale de la magnitude de celle de l’affaire dite du Mediator.
Conformément aux engagements que vous aviez pris au premier semestre, nous attendions donc – peut-être naïvement, me direz-vous – un texte ambitieux, courageux et efficace, bref, un texte qui réponde aux inquiétudes légitimes de nos concitoyens sur les effets des produits sanitaires destinés à l’homme.
Mais, en août dernier, nous avons eu la désagréable surprise de découvrir un projet de loi mièvre, en décalage complet avec les ambitions affichées à l’époque et, surtout, bien en deçà des préconisations et des propositions formulées par les parlementaires de tous bords à l’occasion de récents travaux sur la question.
Avez-vous été sensible aux intérêts économiques de l’industrie du médicament ? Avez-vous cédé aux pressions des lobbies pharmaceutiques, consciencieusement relayées par quelques conseillers vertueux ? Toujours est-il que vous vous êtes contenté d’une loi a minima, manifestement très insuffisante au regard des attentes de la société.
Le texte initialement présenté par le Gouvernement ne contenait, globalement, que des apports très limités au droit existant et écartait d’emblée les réformes rendues nécessaires, telles que la création d’un véritable statut de l’expert.
Si bien que votre projet de loi, s’il comportait quelques avancées ici et là, était très en retrait par rapport aux conclusions de la mission commune d’information sur le Mediator qui, je le rappelle, avaient pourtant été votées à l’unanimité quelques semaines auparavant.
Lors de la première lecture, au Sénat, il nous a donc paru indispensable de réviser en profondeur le texte que vous nous proposiez pour permettre de réorienter la politique du médicament au bénéfice des patients et de la santé publique, et non au profit des intérêts commerciaux des laboratoires.
C’est ainsi que les travaux de notre commission des affaires sociales, sous l’égide de notre rapporteur, Bernard Cazeau, suivis de l’examen par notre assemblée, ont permis d’enrichir considérablement ce texte, en y inscrivant une série de mesures que nous considérons comme indispensables. J’en citerai quelques-unes : l’obligation de déclaration publique d’intérêts pour les membres des cabinets ministériels ; …
M. Ronan Kerdraon. … des sanctions plus lourdes et proportionnelles au chiffre d’affaires pour les personnes morales ayant omis de rendre publique l’existence de conventions avec le corps médical ; le renforcement des pouvoirs de l’Agence pour contraindre les industriels à appliquer ses décisions, via notamment des astreintes journalières plus importantes ; la possibilité de recourir aux autorisations temporaires d’utilisation lorsque des conséquences graves à court terme pour le patient sont probables, et non plus seulement pour les personnes en fin de vie ; une meilleure représentativité des différentes catégories de malades lors des essais cliniques ; un nécessaire renforcement de la formation des professionnels de santé ou encore, grande avancée qui mériterait d’être généralisée, la possibilité de mener des actions de groupe pour les victimes d’accidents médicamenteux.
Ainsi revu et corrigé, ce projet de loi reprenait tout son sens et répondait aux préoccupations de nos concitoyens.
Mais voilà, c’était sans compter sur la force d’inertie des parlementaires UMP, qui, après s’être abstenus lors du vote au Sénat, ont délibérément fait capoter la commission mixte paritaire, arguant que la nouvelle version du texte allait trop loin.
Chronique d’un échec annoncé !
Mes chers collègues, je vous interroge : est-il possible d’aller trop loin dans la protection sanitaire des patients ?
Est-il possible d’aller trop loin dans la réparation du préjudice des victimes ?
Est-il impossible d’oser demander réparation aux laboratoires ?
Est-il impossible d’espérer une meilleure transparence de la chaîne du médicament ? Dans tout pays normal, non. En « Sarkozie », oui !
Aujourd’hui, voilà que ce projet de loi revient devant nous, après que l’Assemblée nationale eut pratiqué un travail de sape et d’épuration méthodique des principaux renforcements que nous avions apportés.
Passé sous les fourches caudines des députés de votre majorité, le texte qui nous est soumis n’est, au final, que la simple transposition de la directive communautaire relative à la pharmacovigilance.
Pour le reste, il faut se contenter du strict minimum, en renvoyant bon nombre de dispositions à des mesures réglementaires, ce qui, lorsqu’on sait le sort qui est parfois réservé aux mesures réglementaires et aux décrets d’application, est loin de nous rassurer.
De régressions en suppressions, de renoncements en reniements, la plupart des articles de ce projet de loi ont retrouvé leur état d’origine, celui du texte qui nous avait été transmis le 4 octobre dernier.
Exit les apports effectués sur la question des liens d’intérêt, de même que sur les dispositions relatives aux avantages consentis.
Régressions également sur la question de la gouvernance du médicament pour laquelle les choix opérés par le Gouvernement et la majorité présidentielle dépassent difficilement une portée purement cosmétique.
Reculade sur l’encadrement des procédures d’octroi des autorisations temporaires d’utilisation pour lesquelles le texte auquel l’Assemblée est revenue reste au milieu du gué en ne fixant aucun critère précis de durée de ces autorisations.
Suppression des mesures visant à mieux protéger le droit des patients face aux fabricants de médicaments, en dépit d’attentes sociétales extrêmement pressantes en la matière.
Recul encore sur les mesures de promotion, d’information et de formation des professionnels médicaux qui s’avèrent pourtant indispensables pour limiter l’emprise de l’industrie pharmaceutique.
Au total, ce sont presque toutes les avancées que nous avions adoptées ici, au Sénat, qui ont été supprimées par l’Assemblée Nationale à l’occasion de cette nouvelle lecture du texte !
Pourquoi un tel climat de défiance de l’Assemblée nationale à l’égard de nos travaux ?
Il ne semble exister aucune possibilité de trouver un accord sur les points essentiels, en raison d’une volonté délibérée d’écarter toute solution.
Mes chers collègues, c’est donc à la fois une grande déception, une profonde frustration, une certaine amertume et une grande colère qui m’animent aujourd’hui.
M. Ronan Kerdraon. Nos travaux sur ce texte s’inscrivaient, comme le rapporteur l’a rappelé, dans le droit fil des conclusions de la mission d’information sur le Médiator sur lesquelles le consensus s’était imposé au sein de la commission des affaires sociales.
Alors que tous les observateurs s’accordent sur l’urgence d’une réforme ambitieuse, l’examen de ce projet de loi nous donnait l’occasion de concrétiser nos travaux et d’apporter des réponses réelles aux problèmes posés. Il nous permettait également de restaurer la confiance perdue de nos concitoyens dans le médicament et les agences sanitaires.
Au lieu de cela, c’est à un constat d’échec que nous arrivons. Les belles intentions du printemps dernier ont cédé devant la pression des lobbies. Et aujourd’hui – pour reprendre l’expression d’une victime que je recevais hier matin dans ma mairie –, vous culpabilisez les victimes.
Vous comprendrez donc que, dans ces conditions, nous refusions de nous prêter au simulacre de débat démocratique auquel vous nous invitez : nous considérons qu’il est inutile de prolonger la discussion, en tout cas sous cette législature, et nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable qui sera proposée par M. le rapporteur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par M. Cazeau, au nom de la commission, d'une motion n°1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat,
Considérant que l’Assemblée nationale n’a retenu aucune des rédactions approuvées par la commission mixte paritaire sur les articles relatifs aux liens d’intérêts, aux avantages consentis par les entreprises et à la gouvernance des produits de santé ;
Considérant que les dispositions tendant à renforcer les droits des victimes d’accidents médicamenteux ont été supprimées et que, tant l’Assemblée nationale que le Gouvernement, ont manifesté leur volonté de reporter sine die toute avancée dans ce domaine ;
Considérant que les dispositions du texte, par leur imprécision ou le renvoi à des textes d’application réglementaire, le vident en grande partie de sa portée ;
Considérant que cette entrave à l’application directe des mesures votées par le législateur porte en particulier sur l’obligation d’essais contre comparateurs actifs pour l’admission au remboursement des médicaments prévue à l’article 9 bis ;
Considérant que toute réflexion sur la question de la création d’un corps d’experts indépendants, sur le financement des associations d’usagers et sur l’avenir des visiteurs médicaux a été écartée ;
Considérant, dans ces conditions, que ce projet de loi n’est pas de nature à empêcher la survenance d’une nouvelle affaire comme celle du Mediator alors que des conclusions unanimes avaient été adoptées en mission sénatoriale d’information ;
Décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 130, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.
M. Bernard Cazeau, rapporteur de la commission des affaires sociales. Lorsque l’Inspection générale des affaires sociales a remis en janvier dernier son rapport sur le Mediator, le ministre de la santé a déclaré : « Notre responsabilité aujourd’hui, ma responsabilité, mon devoir, c’est de rebâtir un nouveau système du médicament, un nouveau système de sécurité sanitaire, avec un objectif : qu’il n’y ait pas demain de nouveau Mediator. »
Quelle belle et vigoureuse ambition ! Malheureusement, monsieur le ministre, je suis au regret de vous l’annoncer, le projet de loi, tel qu’il est issu de la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, en est bien éloigné. Vous aviez semé l’espoir, mais, comme l’a dit Mme Archimbaud, vous ne récoltez que la déception.
Nous disposions pourtant d’une occasion unique de réformer vraiment notre système de sécurité sanitaire et construire, au-delà des clivages partisans, un texte consensuel. La majorité présidentielle a préféré l’affichage, la demi-mesure et le renvoi répété à des dispositions réglementaires qui, même si elles sont prises prochainement, laissent entendre que le législateur n’est pas en mesure d’exercer pleinement sa compétence.
Si l’on s’en tient à l’exemple du Sunshine Act à la française, les avancées sont bien timides. Vous aviez déclaré, monsieur le ministre, que, sans transparence totale, il n’y aurait pas de confiance totale. Pourtant, votre majorité à l’Assemblée nationale a refusé la proposition du Sénat consistant à publier sur un site internet unique et accessible gratuitement l’ensemble des conventions passées par les entreprises pharmaceutiques. Elle a également refusé que les avantages consentis par ces entreprises soient rendus publics dès le premier euro, renvoyant, une fois de plus, à un décret au prétexte qu’il ne faudrait pas obliger les entreprises à déclarer les cafés et les stylos.
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Ah non, il ne s’agit pas d’un mensonge !
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Mais si, vous l’avez déclaré ! Je comprends bien, monsieur le ministre, que vous soyez déçu, mais il est inutile de m’interrompre, vous aurez la parole tout à l’heure. Ce n’est pas la peine de m’interrompre.
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Non, ce ne sont pas des mensonges. Nous essayons de dire la vérité, c’est tout.
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Nos vérités ne sont peut-être pas les vôtres mais cela ne vous donne pas le droit d’être impoli avec les parlementaires de cette assemblée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
Soyez au moins poli ! Je le serai en tout cas avec vous, et vous ne parviendrez pas à me faire déraper.
Mme Chantal Jouanno. Vous n’êtes pas obligé de dire des mensonges !
M. Bernard Cazeau, rapporteur. Nous pensons que les médecins pouvaient sans dommage se passer de cafés et de stylos ! Il est vrai que vous avez accepté sans broncher que, dès leur formation initiale, les futurs professionnels de santé puissent accepter que des avantages leur soient consentis par des entreprises. Là commencent les liens d’intérêt, monsieur le ministre.
Je l’ai dit en discussion générale, le Sénat avait tenté, en première lecture, de renforcer ce texte en se fondant sur les conclusions largement partagées des travaux d’information et législatifs réalisés précédemment.
Après l’échec de la commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a fait le choix de ne reprendre qu’à la marge – à la petite marge ! – certaines de nos propositions.
Cette intransigeance nous conduit aujourd’hui à prendre acte de l’échec de la navette parlementaire et à demander l’adoption d’une question préalable.
Je me contenterai pour terminer d’évoquer les trois points qui me paraissent essentiels et qui justifient à eux seuls notre position.
En premier lieu, avant qu’elle n’échoue sur un article 5 bis d’intérêt limité, la commission mixte paritaire était parvenue à un accord sur les articles 1er à 5, traitant des liens d’intérêts, des avantages consentis par les entreprises et de la gouvernance des produits de santé, soit une fraction essentielle du texte. L’Assemblée nationale n’a rien retenu de ce début de compromis et a préféré revenir en grande partie à son texte de première lecture.
En deuxième lieu, je déplore la nouvelle rédaction proposée pour l’article 9 bis qui soumet à la réalisation d’essais contre comparateurs actifs l’admission au remboursement des médicaments.
Compte tenu des conséquences importantes qu’emportera un tel changement pour les entreprises pharmaceutiques, le Sénat avait prévu que les dispositions prévues à cet article entreraient en vigueur au 1er janvier 2013. L’Assemblée nationale a certes choisi d’avancer la date au 1er janvier 2012 mais a renvoyé la mise en œuvre des dispositions prévues à cet article à la publication d’un décret en Conseil d’État. Il est particulièrement regrettable, sur cette disposition centrale du projet de loi, d’afficher un calendrier ambitieux et de se laisser des marges de manœuvre par le renvoi à des dispositions réglementaires dont on peut craindre qu’elles n’interviendront pas tout de suite. La position du Sénat était à la fois plus simple et somme toute, permettez-moi de le dire, plus honnête.
En troisième lieu, nous ne pouvons cautionner le mauvais coup porté à la protection des droits des patients par l’Assemblée nationale. Trois articles avaient en effet été insérés au Sénat, sur l’initiative de trois formations – socialistes, Verts et groupe CRC – pour la renforcer.
L’article 17 bis alignait le régime des médicaments sur celui des produits issus du corps humain pour la responsabilité sans faute.
L’article 17 ter assouplissait la charge de la preuve qui pèse sur les patients lorsqu’ils doivent établir le lien de causalité entre un effet indésirable et un médicament, ce qui, on le sait, est parfois bien difficile pour eux.
Enfin, l’article 30 bis A introduisait l’action de groupe en matière de réparation pour accidents médicamenteux, que vous estimez très positive mais dont vous jugez pour le moment prématuré de parler.
Préférant l’immobilisme au dialogue, l’Assemblée nationale a supprimé ces trois articles.
Pour ces motifs, je vous demande, mes chers collègues, d’adopter la motion opposant la question préalable déposée par la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)