M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après les remous suscités par l’affaire de la crèche Baby Loup, qui avait licencié une puéricultrice voilée, Mme Laborde a envisagé de généraliser l’application du principe de neutralité à tous les professionnels agréés de l’accueil de la petite enfance. Cette solution était aussi simple qu’inconstitutionnelle, puisqu’elle ne permettait pas d’atteindre l’équilibre qu’il nous faut rechercher entre la liberté de conscience de l’enfant et des parents et la liberté religieuse du professionnel.
En se fondant sur la jurisprudence existante, le rapporteur, notre collègue Alain Richard, a réalisé un travail remarquable, et ce, je tiens à le souligner, dans un souci de dialogue avec toutes les composantes de la commission des lois. Finalement, il est parvenu à la nécessaire clarification des règles existantes selon le mécanisme suivant.
En premier lieu, si la crèche est privée, n’a pas déclaré de caractère propre et reçoit un financement public, elle sera tenue à la neutralité religieuse. Cela a le mérite de la clarté.
En deuxième lieu, si la crèche a choisi de déclarer un caractère propre, elle pourra manifester celui-ci dans le cadre de l’activité d’accueil qu’elle assure, quand bien même elle percevrait un financement public. Dans ce dernier cas, elle devra accueillir les enfants sans discrimination, quelle que soit leur confession. Jusque-là, tout va bien !
En troisième lieu, s’agissant des assistants maternels agréés, M. le rapporteur n’a eu de cesse de sauvegarder l’équilibre entre les deux libertés que j’évoquais au début de mon propos. Il y est parvenu en instaurant un principe de neutralité par défaut en matière religieuse. Une éventuelle dérogation à ce principe devra être expressément stipulée dans le contrat de travail conclu entre les parents et l’assistant maternel, afin que les choses soient bien claires.
Cette construction a le mérite de la clarté. Toutefois, dans le cas où l’enfant serait accueilli au domicile d’un assistant maternel, sans que le contrat de travail comporte de stipulations telles que celles que je viens d’évoquer, je souhaite que l’on ne présume pas un quelconque prosélytisme à partir de signes extérieurs, tels que par exemple le port d’un voile. Cela me semble très important, car je connais beaucoup d’assistantes maternelles qui portent le voile tout en accomplissant leur travail dans des conditions n’appelant aucune suspicion de quelque nature que ce soit : il ne faudrait pas qu’elles se trouvent empêchées d’exercer la seule profession qui leur soit accessible. Voilà ce que je tenais à dire en toute modestie à cette tribune, en tant que maire de Roubaix… (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Jean Jaurès, rendant compte de la loi de 1905 à ses lecteurs, écrivait, dans l’Humanité : « La loi que la Chambre a votée laisse la liberté à tous les cultes […]. La liberté de conscience sera garantie, complète, absolue ; la loi de séparation, telle qu’elle est, est libérale, juste et sage. »
La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui fait explicitement référence à l’affaire Baby Loup, du nom de la crèche associative de Chanteloup-les-Vignes dont la directrice-adjointe, salariée depuis 1997, a été licenciée en 2008 parce qu’elle portait le voile dans l’exercice de son activité professionnelle. Elle avait alors saisi la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, qui avait conclu, dans une délibération du 1er mars 2010, à une discrimination fondée sur un critère religieux, avant de se raviser dans une seconde délibération en date du 28 mars 2011.
À la suite de cette affaire, certains ont proposé au Gouvernement l’élaboration d’une loi tendant à étendre l’obligation de neutralité s’appliquant aux agents publics à tous ceux qui travaillent dans le secteur de la jeunesse. La proposition de loi qui nous est aujourd’hui soumise ne fait que reprendre cette préconisation, en visant à étendre le concept de mission de service public à des domaines d’activité privés.
C’est la même idée qui est invoquée pour exclure les parents d’élèves portant des signes religieux de l’organisation des sorties scolaires. Un arrêt du tribunal administratif de Montreuil du 22 novembre dernier dispose ainsi que « les parents d’élèves volontaires pour accompagner les sorties scolaires participent […] au service public de l’éducation ».
La proposition de loi déposée par Mme Laborde, et excellemment remaniée par M. le rapporteur, va, quant à elle, bien au-delà. Son article 3 a en effet pour objet d’étendre l’obligation de neutralité aux assistantes et assistants maternels dans le cadre de leur activité d’accueil d’enfants à leur domicile.
Rappelons que l’article L. 1132-1 du code du travail interdit pourtant les discriminations directes et indirectes, notamment celles qui sont fondées sur les convictions religieuses, au moment du recrutement ou durant l’exécution du contrat de travail.
Eux-mêmes très attachés au principe de laïcité, les sénatrices et sénateurs écologistes considèrent que cette proposition de loi n’a pas lieu d’être et s’interrogent d’ailleurs sur sa constitutionnalité. Ils s’opposent plus particulièrement à son article 3, qui, au motif de faire primer la liberté des familles et la liberté psychologique des enfants, donne à l’employeur le droit de contrôler les pratiques religieuses de ses salariés. Si la liberté de conscience des enfants doit être respectée, celle des assistantes et assistants maternels doit l’être tout autant.
Aristide Briand, rapporteur de la loi de 1905, appelait à opter pour des solutions libérales tant que « l’intérêt de l’ordre public ne pourrait être légitimement invoqué ». En l’occurrence, seul le principe de laïcité est invoqué, nullement l’intérêt de l’ordre public.
Laïcité ne signifie pas laïcisme, cette nouvelle religion. Restons fidèles à ce bien commun qu’est la laïcité, en évitant les dérives et la stigmatisation de quelque religion que ce soit ; vous savez à quoi je fais allusion !
Comme la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 l’énonce en son article 18, « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion », y compris, ajouterai-je, les assistantes maternelles.
Parce qu’elle ne leur paraît donc, pour reprendre les mots de Jaurès, ni libérale, ni juste, ni sage, les sénatrices et sénateurs écologistes voteront contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si l’on se réfère à la Convention internationale des droits de l’enfant, le mineur a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, et ses parents ont le devoir de le guider dans l’exercice de ce droit selon ses capacités.
Le code civil dispose quant à lui que le parent titulaire de l’autorité parentale a le devoir de protéger l’enfant jusqu’à sa majorité dans sa sécurité, sa santé et sa moralité. Il associe l’enfant aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité.
Il ne fait donc aucun doute que les choix des parents relatifs aux conditions d’accueil de leur enfant doivent être respectés. Il y va du respect de l’enfant lui-même.
La législation actuelle mérite d’être clarifiée sur ce plan, car, au-delà de la garantie d’un service professionnel répondant à un cahier des charges précis validé au travers de l’agrément délivré par les conseils généraux pour les modes d’accueil tant collectifs qu’individuels, chaque famille doit pouvoir être assurée de la neutralité des personnels qui prennent soin de son enfant et du respect par ces derniers du principe de laïcité.
Cette garantie concerne les structures collectives non confessionnelles – crèches, haltes-garderies, maisons d’assistantes maternelles, multi-accueils, centres de loisirs – ou les formules d’accueil individuelles – assistantes maternelles, assistantes familiales.
Ce préalable, assurant neutralité et laïcité dans l’exercice professionnel, permet de respecter le droit des salariés à la liberté de conscience, car le principe de laïcité induit, de fait, le respect de la liberté de religion dans la vie personnelle.
C’est pourquoi, pour ma part, je soutiens ce texte qui vise à une clarification des obligations des uns et des autres, dans le sens d’une plus grande transparence et d’un respect mutuel entre familles et professionnels.
Afin de rendre plus explicite et plus concret ce dispositif, il faudrait, me semble-t-il, prévoir une sensibilisation au respect de la laïcité et de la neutralité dans le cadre de la formation aux métiers de la petite enfance et, plus généralement, du secteur social. Il conviendrait également de préciser ces principes dans les différents documents d’information remis préalablement à la formation des assistantes maternelles.
J’appelle également de mes vœux l’extension de cette exigence d’impartialité aux professionnels d’autres secteurs du champ social ou médicosocial, en particulier à ceux qui s’occupent de personnes handicapées ou de personnes âgées dépendantes, ces populations étant elles aussi vulnérables. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Richard, rapporteur. Nous allons bientôt devoir interrompre cette discussion. Auparavant, je tiens à remercier l’ensemble des orateurs ayant pris part au débat, lequel a été, me semble-t-il, à la hauteur des enjeux et du défi que nous devons relever.
Je voudrais en outre apporter quelques précisions.
Tout d’abord, je pense que tous ceux qui ont participé à cette discussion, notamment ceux qui approuvent la proposition de loi, ne font pas de discrimination entre les religions.
Nous pouvons tout à fait entendre que tel ou tel considère que notre réflexion vise une religion en particulier, mais je pense pouvoir dire au nom de tous que personne n’a une telle intention. Les tentations de prosélytisme et les tentatives d’abuser de la vulnérabilité des enfants sont regrettables, mais elles peuvent être le fait de toutes les croyances.
À cet égard, il me semble en particulier que nous devons veiller à ce que des parents musulmans puissent confier leurs enfants à une assistante maternelle en sachant si elle respectera ou non leur liberté de conscience. (Mmes Françoise Laborde et Michelle Meunier applaudissent.)
Par ailleurs, j’indique que les dispositions de la proposition de loi visent à instaurer non pas des contraintes, mais de la transparence. Il est parfaitement licite d’accompagner l’accueil et l’éducation d’un enfant d’un message religieux. Mais cela ne doit pas être dissimulé, il faut que cela soit dit ; c’est là une condition élémentaire de l’exercice de la liberté. Or certaines assistantes maternelles –nous sommes un certain nombre à le savoir – ne respectent pas cette condition.
En outre, l’employeur n’imposera pas de contrainte à l’assistante maternelle dans le contrat qui le lie à elle. Une telle analyse est un contresens. Il demandera simplement à être informé des intentions religieuses de l’assistante maternelle, et il est vraisemblable qu’il y consentira dans la plupart des cas. Il n’y a là aucune interdiction.
Quant à la question de l’ampleur de l’engagement religieux de l’assistante maternelle, elle doit se résoudre, naturellement, par le dialogue.
Dès lors que la loi fait obligation à l’assistante maternelle de faire part de ses convictions et de ses réserves, dans la très grande majorité des cas, les parents, nous pouvons en être certains, auront toutes les raisons, une fois qu’ils auront été informés, d’avoir confiance en elle. À cet égard, je partage le point de vue de René Vandierendonck. Le contrat se nouera de cette façon ; il ne sera pas nécessaire d’ajouter un mot.
En revanche, dans le cas où un véritable endoctrinement serait constaté et où l’assistante maternelle n’aurait pas déclaré ses intentions dans le contrat, les parents bénéficieraient d’une garantie.
En conclusion, nous cherchons à garantir un ensemble de libertés, et ce de façon non discriminante. Il serait évidemment très souhaitable que ce texte soit adopté. Avant d’aborder l’examen des articles de la proposition de loi, je tiens à remercier une fois encore tous ceux qui ont participé à cette discussion de haute tenue. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. J’ai déjà précisé, au cours de mon intervention liminaire, la position du Gouvernement sur cette proposition de loi.
Le Gouvernement s’est exprimé à de nombreuses reprises en faveur d’une application très stricte du principe de laïcité. À cet égard, l’engagement du ministre de l’intérieur, en particulier, ne saurait être mis en question.
Toutefois, le Gouvernement ne pourra approuver le présent texte, en particulier parce que son application risquerait de conduire à une intrusion dans la vie privée des assistants maternels. Je comprends que certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, puissent souhaiter aller dans cette direction, mais le Gouvernement ne saurait les suivre.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à saluer le travail très important qui a été effectué, en particulier par M. le rapporteur. L’intention de Mme Laborde était d’une évidente clarté et nous la remercions d’avoir ouvert ce débat.
Il semble qu’il n’y ait pas beaucoup de divergences entre nous sur les deux premiers articles. En ce qui concerne l’article 3, je voudrais en donner lecture, afin que les choses soient bien claires : « À défaut de stipulation contraire inscrite dans le contrat qui le lie au particulier employeur, l’assistant maternel est soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse dans le cours de son activité d’accueil d’enfants. »
La règle est donc la neutralité. Toutefois, il n’est pas interdit que l’enfant soit accueilli dans un contexte à caractère religieux ; il faut simplement que cela soit précisé dans le contrat de travail. Ainsi, les choses seront parfaitement claires et transparentes.
Cette rédaction permet, me semble-t-il, de concilier les principes de liberté religieuse et de laïcité auxquels nous sommes attachés. La seule lecture de l’article 3 suffit à répondre à un certain nombre de procès d’intention.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission.
Article 1er
L’article L. 2324-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le troisième alinéa, il est inséré un II ainsi rédigé :
« II. – Lorsqu’ils bénéficient d’une aide financière publique, les établissements et services accueillant des enfants de moins de six ans sont soumis à une obligation de neutralité en matière religieuse.
« Les établissements et services ne bénéficiant pas d’une aide financière publique peuvent apporter certaines restrictions à la liberté d’expression religieuse de leurs salariés au contact d’enfants. Ces restrictions, régies par l’article L. 1121-1 du code du travail, figurent dans le règlement intérieur ou, à défaut, dans une note de service.
« Les deux alinéas précédents ne sont pas applicables aux personnes morales de droit privé se prévalant d’un caractère propre porté à la connaissance du public intéressé. Toutefois, lorsqu’elles bénéficient d’une aide financière publique, ces personnes accueillent tous les enfants, sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyances de leurs représentants légaux. Leurs activités assurent le respect de la liberté de conscience des enfants. » ;
2° En conséquence, le premier alinéa est précédé de la mention : « I. – » et le quatrième alinéa de la mention : « III. – ».
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, sur l'article.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat a bien compris, je pense, l’attachement de notre groupe à la laïcité, principe que nous défendons, dans cette enceinte et dans d’autres, depuis des décennies.
Selon certains donneurs ou donneuses de leçons, nous entrerions avec cette proposition de loi dans une nouvelle religion, le laïcisme, et le texte de la commission ne serait ni libéral, ni juste, ni sage… Le passé montre à quel point le groupe RDSE a toujours défendu la liberté de conscience et la liberté religieuse. Toutefois, la religion, selon nous, relève de la sphère privée, et non de la sphère publique.
Quant aux affirmations selon lesquelles ce texte porterait atteinte à la liberté de pratiquer la religion musulmane, elles témoignent d’une ignorance absolue de ce que sont nos valeurs, aujourd’hui comme hier.
Nous prenons acte de la position de nos collègues écologistes, dont nous tirerons les conséquences. Chacun est libre de s’exprimer comme il l’entend, mais il est faux de prétendre que cette proposition de loi porte atteinte à la liberté de conscience, à la liberté religieuse : elle vise, tout au contraire, à protéger ces libertés.
Par ailleurs, je tiens à rendre hommage au travail de M. le rapporteur, dont je salue la compétence, l’ouverture d’esprit et la tolérance. L’exercice auquel il s’est livré n’était pas facile, mais la qualité de sa réflexion honore la commission des lois et le Sénat tout entier.
Enfin, pour répondre à ceux qui doutent de notre attachement à la liberté religieuse et à la laïcité dans ce que cette notion a de plus noble, je citerai un discours de 1906 de Georges Clemenceau :
« La proclamation, la réalisation du principe de la liberté de conscience impliquent un état d’esprit nouveau. Le dogme, par son essence même, veut posséder l’homme tout entier, le dominer, le régir dans toutes les manifestations de sa vie. La quotidienne pratique de la liberté que le régime de la séparation suppose, implique au contraire, chez les citoyens, l’esprit de tolérance dont le dogme s’est efforcé pendant des siècles de les détourner. »
C’est parce que nous sommes fidèles à ces principes que nous avons déposé cette proposition de loi ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, sur l’article.
M. Joël Guerriau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors des débats sur la loi Falloux dans cette assemblée, Victor Hugo fut un précurseur, puisqu’il insista particulièrement sur le fait que l’éducation religieuse devait être dispensée dans un cadre spécifique, et non dans la sphère publique.
Une assistante maternelle joue forcément un rôle éducatif. Un devoir de neutralité s’impose donc à elle. À ce titre, je tiens à féliciter Mme Laborde d’avoir déposé cette proposition de loi, que j’approuve d’autant plus que, en tant que maire d’une commune de 26 000 habitants, j’ai été confronté à la situation suivante : un jour, des pétitionnaires sont venus me trouver, à ma grande surprise, pour m’informer que l’une des assistantes maternelles de la ville était témoin de Jéhovah. Nous avons dû faire face à cette situation extrêmement difficile, avec peu d’outils à notre disposition pour la régler.
S’agissant des assistantes maternelles, le dispositif de cette proposition de loi est excellent. Il a une portée informative et ne vise à stigmatiser personne. Au contraire, il permettra le respect des convictions de chacun, dans un esprit de tolérance.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai, avec enthousiasme, les trois articles de la proposition de loi, qui sont étroitement liés. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, sur l'article.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à féliciter très chaleureusement Mme Laborde et M. le rapporteur.
Si ce débat a été de haute tenue, j’ai néanmoins découvert avec un peu d’amertume que nous n’avons manifestement pas tous été nourris à la mamelle républicaine et que le communautarisme n’est pas que religieux…
Ayant été pour ma part nourri à la mamelle de l’école républicaine et de la laïcité, je voterai avec enthousiasme cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l'article.
M. Philippe Bas. Je suis très réservé sur cette proposition de loi. Je ne la crois pas réellement utile. Elle trouve son origine dans l’affaire Baby Loup, qui a été tranchée par la jurisprudence. Or vouloir fixer une jurisprudence dans la loi est toujours hasardeux, d’autant qu’un certain nombre de situations nouvelles peuvent se présenter.
Quid du port de la kippa ou de la croix ? Quel sort réserver aux agents qui ne sont pas directement en contact avec les enfants ? L’article 1er n’est-il pas quelque peu excessif à cet égard ? Compte tenu du fait que les difficultés en la matière ne sont pas très nombreuses, ne vaudrait-il pas mieux continuer à faire confiance au juge pour régler les quelques problèmes qui peuvent se poser ?
Le plus inquiétant dans cette proposition de loi est l’article 3. Étendre le principe de neutralité à la sphère privée.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Et alors ?
M. Philippe Bas. … qui implique pour beaucoup d’assistantes maternelles de déclarer, en quelque sorte par précaution, leurs convictions religieuses si celles-ci sont inhérentes à leur mode de vie.
M. Alain Richard, rapporteur. C’est un contresens complet : relisez le texte.
M. Philippe Bas. À partir de quand la neutralité n’est-elle plus respectée ? L’affichage de photographies, la présence de crucifix ou de tapis de prière sont-ils des faits contraires au principe de neutralité ? Vous le voyez, de proche en proche, on multiplie les sources de contentieux et de conflits en voulant les prévenir.
Cette proposition de loi est lourde de dangers. Il y a en effet quelque inconvénient à vouloir poursuivre les logiques jusqu’à leurs termes les plus extrêmes. Au reste, pourquoi se concentrer seulement sur la neutralité à l’égard de la religion ? Après tout, on pourrait aussi soutenir que les parents aimeraient connaître les convictions politiques exprimées au domicile de l’assistante maternelle. (M. François Fortassin s’exclame.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Quel amalgame !
M. Philippe Bas. Mes chers collègues, la neutralité est un principe qui peut s’étendre à bien d’autres domaines. Ne rentrons pas dans un processus de suspicion systématique à l’égard du fait religieux, qui a assez largement trouvé son équilibre en France depuis que nous avons affirmé nos conceptions laïques. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, conformément à la décision de la conférence des présidents, je suis contraint d’arrêter là l’examen de la proposition de loi afin que nous puissions procéder au débat préalable au Conseil européen du 9 décembre 2011.
Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.