M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. En engageant une nouvelle fois le débat sur le désormais tristement célèbre conseiller territorial, nous prenons, il est vrai, le risque de lasser nos collègues de l’ancienne majorité sénatoriale…
D’ailleurs, certains d’entre eux seront sans doute tentés, dans un esprit de simplification abusive, de commenter notre démarche d’un lapidaire : « On prend les mêmes et on recommence ! »
Eh bien non, cela ne se passe pas ainsi ! Chacun doit avoir en tête que, sur ce sujet plus que sur bien d’autres, il y a désormais un avant et un après le 25 septembre, date du basculement à gauche de la majorité du Sénat. (Mme Catherine Tasca applaudit.) Cette alternance a signé le rejet massif de la politique d’étouffement du Gouvernement à l’égard des territoires et des collectivités locales, ainsi que de la réforme territoriale qu’il a essayé d’imposer dans les conditions que l’on sait.
Du reste, nous n’avions pas manqué de vous avertir, car depuis de longs mois nous sentions tous monter la colère et l’incompréhension des élus locaux devant cette obstination à mettre en place une réforme incarnée par le conseiller territorial et qui suscite la confusion dans notre paysage institutionnel.
En effet, en raison de sa nature hybride, le nouvel élu que vous avez inventé remettrait en cause, dans l’exercice de ses fonctions, l’autonomie de décision à la fois du conseil général et du conseil régional auxquels il appartiendrait, portant ainsi atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales.
M. Alain Gournac. N’importe quoi !
M. Jean-Jacques Mirassou. Faut-il également rappeler que le mode de scrutin envisagé pour l’élection du conseiller territorial affaiblirait mécaniquement la représentation féminine au sein des conseils régionaux et généraux?
Faut-il répéter que cet élu, à force de devoir être partout, ne serait nulle part ? C’en serait alors fini de la proximité à laquelle tant nos concitoyens que les élus communaux sont particulièrement attachés.
Les griefs contre la création du conseiller territorial exprimés ici même et partagés par la plupart des élus locaux sont bien plus nombreux encore. Ils ont été largement évoqués par d’autres orateurs.
J’ai indiqué en préambule qu’il y avait un avant et un après le 25 septembre. En effet, le changement de majorité intervenu au Sénat a constitué une sanction à l’égard du Gouvernement et de l’ancienne majorité sénatoriale, qui ont voulu imposer cette réforme des collectivités territoriales. Pour sa part, la nouvelle majorité de gauche du Sénat considère que, par leur vote, les élus locaux nous ont donné mandat pour faire en sorte que la Haute Assemblée, au-delà du rôle qui lui revient dans le cadre du bicamérisme, s’adapte aux nouvelles exigences démocratiques qui s’expriment dans notre pays.
Je pense notamment à la nécessité de rétablir un lien de confiance entre les collectivités territoriales, leurs élus respectifs, le Parlement et le pouvoir central dans le cadre d’une décentralisation aboutie. Cela suppose d’ailleurs que le Sénat, représentant des collectivités territoriales, fasse vivre sa spécificité au service d’une République dont l’unité doit être renforcée par l’organisation des territoires et la libération des initiatives locales.
Mes chers collègues, cette ambition, cette volonté politique et cette détermination nous animent au moment où nous entendons jeter les bases d’une nouvelle étape de la décentralisation. Cette démarche, faut-il le préciser, sera conduite en tirant la leçon du passé récent : nous prévoyons de laisser toute leur place au dialogue et à la concertation.
Nul doute que l’organisation des états-généraux des élus locaux voulus et annoncés par notre nouveau président, Jean-Pierre Bel, caractérisera cette nouvelle étape vers la décentralisation que nous appelons de nos vœux.
Pour le moment, s’agissant du texte qui nous occupe, l’objectif est simple. Il s’agit de stopper le formidable recul démocratique que constituerait l’avènement du conseiller territorial, cet élu à contre-courant de l’histoire. En abrogeant purement et simplement les articles 1er à 6 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dont nous savons qu’elle a été adoptée ici d’extrême justesse et dans la douleur, nous ferons un pas en avant.
Mes chers collègues, le vote qui clora ce débat aura l’immense mérite de faire disparaître du paysage politique un élu qui n’aurait jamais dû y figurer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le ministre, j’aurais aimé pouvoir m’exprimer tout de suite après votre intervention, car vos propos sur la parité étaient tout à fait consternants. Je remercie M. le rapporteur d’avoir remis les choses à leur place.
M. Michel Delebarre. Très bien !
Mme Bernadette Bourzai. Depuis le début de cette réforme des collectivités territoriales, qui nécessitera par ailleurs d’être largement repensée, la création de cet être hybride et « hors sol », naviguant entre la préfecture du département et la capitale régionale, qu’est le conseiller territorial a suscité de nombreuses réticences. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Personnage à deux têtes dont l’institution ne peut qu’être source de confusion, assumant la double charge de conseiller général et de conseiller régional,…
M. Alain Gournac. C’est affreux !
Mme Bernadette Bourzai. … le conseiller territorial est censé porter des dynamiques territoriales qui déboucheront inévitablement sur la mise sous tutelle d’un des niveaux de collectivités par l’autre, ce qui était bien la finalité de votre projet, fût-elle inavouée.
Nous ne sommes pas dupes : des considérations électorales ont présidé à cette initiative malheureuse. Mais, comme l’ont souligné les rapports de Mme Michèle André au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes et de l’Observatoire de la parité, l’une des conséquences les plus préjudiciables pour la démocratie de cette innovation sera une régression de la parité.
En effet, le mode de scrutin retenu par la loi, après les revirements que nous avons connus dans cette assemblée, c'est-à-dire le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, ne favorise pas, par nature, l’accès des femmes aux mandats électoraux.
C’est un fait incontestable, hélas ! La composition actuelle des conseils généraux le prouve. En effet, aux élections cantonales, pour lesquelles s’applique le scrutin uninominal, près de 80 % des candidats sont des hommes, les femmes étant cantonnées à la suppléance. Le résultat est là : actuellement, les conseils généraux comptent 12,3 % de femmes.
En revanche, une réelle parité s’est instaurée au sein des conseils régionaux, qui sont élus au scrutin de liste. Les chiffres sont là aussi parlants : ces assemblées comptent 48 % de femmes.
Ainsi, il est à craindre que le recours au scrutin uninominal pour les futures élections territoriales n’engendre un phénomène comparable à celui que l’on constate actuellement pour les conseils généraux. Cela irait à l’encontre de l’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives inscrit à l’article 1er de la Constitution.
Or, depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 juin 2000 tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, la parité, ultérieurement ajustée, progresse significativement, en particulier dans les exécutifs régionaux et municipaux ; il faut le souligner, notre vie publique locale fonctionne plus démocratiquement. Dans ces conditions, un retour en arrière serait inimaginable et pour nous inacceptable.
Monsieur le ministre, votre prédécesseur avait pour habitude de nous inviter à ne pas nous inquiéter, arguant que le mode de scrutin municipal et de désignation des élus communautaires permettrait un accroissement du nombre de femmes élues. Il sous-entendait ainsi que les femmes devraient refaire leurs classes avant de pouvoir accéder à des mandats territoriaux…
J’ai commencé ma vie politique en Corrèze à l’occasion des élections législatives de 1978, face à un candidat nommé Jacques Chirac, qui déclarait : « Pour moi, la femme idéale, c’est la femme corrézienne, celle de l’ancien temps, dure à la peine, qui sert les hommes à table, ne s’assied jamais avec eux et ne parle pas. » (M. Philippe Bas applaudit.) Eh bien sachez, monsieur le ministre, que nous ne nous tairons plus ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des motions.
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial (n°88, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, auteur de la motion. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest. Chers collègues de la majorité sénatoriale, nous voici une nouvelle fois confrontés à votre entreprise de démolition systématique de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
M. Bruno Sido. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Voilà deux semaines, M. Sueur nous a soumis une adaptation mineure de ce texte relative à l’intercommunalité, sur laquelle un consensus aurait pu s’établir en prenant en compte nos propositions, que notre collègue député Jacques Pélissard, président de l’Association des maires de France, avait présentées à l’Assemblée nationale. Mais vous avez préféré mettre à bas toute la démarche visant à conforter et à rationaliser l’intercommunalité…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce n’est pas vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Je puis vous l’assurer, contrairement à ce que vous affirmez, votre démarche ne rencontre pas l’assentiment des élus locaux,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est le contraire qui est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. … qui, dans nombre de départements, se sont engagés dans un dialogue constructif en vue de la révision de la carte des établissements publics de coopération intercommunale, l’objectif étant d’instaurer une meilleure cohérence territoriale.
M. Gérard César. C’est sûr !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Les grands électeurs se sont exprimés !
M. Jean-Jacques Hyest. Il ne suffit pas que vous vous agitiez pour que la loi cesse d’être appliquée. Elle l’est, et cela fonctionne !
M. Gérard César. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Les élus locaux sont heureux !
M. Jean-Jacques Hyest. Dans mon département, ils le sont,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ils sont dans la béatitude !
M. Jean-Jacques Hyest. … d’autant que les instructions du Premier ministre ont largement apaisé les craintes légitimes qu’ils avaient pu éprouver.
Il faut dire que ces craintes avaient été bien instrumentalisées : on a affirmé n’importe quoi à propos de l’intercommunalité et la désinformation a fait son effet, à la satisfaction de certains ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV. – Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Delebarre. Quelle perversité !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce soir, à une heure aussi incongrue que lors du précédent débat, la création du conseiller territorial est sur la sellette. Que n’aviez vous dit de l’institution de ce conseiller territorial, élu du département, mais siégeant aussi au conseil régional !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En quoi le présent texte est-il inconstitutionnel ?
M. Jean-Jacques Hyest. Le rapporteur, M. Gaëtan Gorce, a repris tous les arguments qui avaient été développés dans la discussion générale de la loi de réforme des collectivités territoriales et lors de l’examen de son article 1er, au cours duquel plus de soixante sénateurs socialistes et communistes avaient pris la parole pour s’opposer à la création du conseiller territorial : pas d’économies à attendre, ni de meilleure coordination entre les actions du département et celles de la région, mise en place d’assemblées régionales pléthoriques, cumul des mandats institutionnalisé… Or, curieusement, dans mon département, les élus qui siègent à la fois au conseil général et au conseil régional sont de gauche et opposés au cumul des mandats ! (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
Mais ce qui m’amuse le plus, personnellement, c’est le débat sur les hémicycles…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Quel rapport avec l’inconstitutionnalité ?
M. Jean-Jacques Hyest. J’y arrive !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je l’espère !
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur Sueur, il n’est pas rare que vos interventions s’écartent complètement du sujet en débat ! Pour ma part, je n’encours pas ce reproche ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Certains ont construit de véritables palais des collectivités locales ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. Bruno Sido. Guérini !
M. Jean-Jacques Hyest. On a également évoqué une tutelle de la région sur le département – l’inverse peut d’ailleurs également être soutenu ! –, sous prétexte que les conseillers généraux seraient aussi conseillers régionaux. Or un tel cumul est déjà possible aujourd’hui, sans qu’il soit question de tutelle de la région sur le département !
M. Éric Doligé. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. Pour ma part, j’étais favorable à une organisation fondée sur des couples communes-intercommunalité et départements-interdépartementalité.
M. Gérard Larcher. Je m’en souviens !
M. Jean-Jacques Hyest. Oui, j’ai toujours soutenu cette position depuis que je suis élu !
M. Pierre Hérisson. Exact ! À l’assemblée nationale déjà !
M. Jean-Jacques Hyest. Certains sont régionalistes, mais les régions, quoi qu’on en pense, n’ont pas trouvé leur place dans nos institutions,…
M. Christian Cointat. Absolument !
M. Michel Delebarre. Ce n’est pas vrai !
M. Raymond Vall. Vous les avez tuées !
M. Jean-Jacques Hyest. … peut-être en raison du mode de désignation des conseillers régionaux. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Certains défendent les régions parce qu’ils ont été ou sont encore à la tête d’un exécutif régional ; d’autres défendent les départements parce qu’ils président ou ont présidé un conseil général ! En tout état de cause, permettez-moi, à cet instant, d’évoquer le souvenir d’un président de la République qui était très départementaliste, peut-être parce qu’il avait le sens de la tradition française…
Tous vos arguments ont servi de base au recours devant le Conseil constitutionnel que les groupes de ce qui était alors l’opposition sénatoriale avaient déposé sur cette question. Vous connaissez tous le sort qui a été fait à ces objections contre l’institution des conseillers territoriaux. J’ai pourtant encore entendu dire, ce soir, qu’elle était contraire à l’article 72 de la Constitution. Eh bien le Conseil constitutionnel a dit qu’il n’en était rien !
Au cas où certains n’auraient pas encore pris connaissance de la décision du Conseil constitutionnel, je peux donner lecture de ses considérants relatifs aux conseillers territoriaux. (Oui ! sur les travées de l’UMP.).
M. Gérard Larcher. Oui, c’est important !
M. Jean-Jacques Hyest. « Considérant que, selon les requérants, l’institution du conseiller territorial siégeant dans les conseils généraux et dans les conseils régionaux viole l’article 72 de la Constitution ; que, d’une part, la création d’un élu commun aux départements et aux régions méconnaîtrait la distinction constitutionnelle entre ces deux collectivités ; que, d’autre part, elle porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales qui impliquerait que “chaque collectivité soit gérée par un organe délibérant qui lui soit propre, lui-même composé d’élus qui lui soient propres” ; qu’enfin, elle conduirait à l’instauration d’une tutelle de la région sur les départements, en particulier lorsque la région n’est composée que de deux départements ;
« Considérant que l’institution des conseillers territoriaux n’a pas pour effet de créer une nouvelle catégorie de collectivités qui résulterait de la fusion de la région et des départements ; qu’ainsi, elle ne porte pas atteinte à l’existence de la région et du département ou à la distinction entre ces collectivités ;
M. Bruno Sido. Voilà !
M. Jean-Jacques Hyest. « Considérant que les dispositions critiquées ne confient pas à la région le pouvoir de substituer ses décisions à celles du département ou de s’opposer à ces dernières ni celui de contrôler l’exercice de ses compétences ; que, par suite, elles n’instituent pas une tutelle de la région sur le département ;
« Considérant que, si le principe selon lequel les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus implique que toute collectivité dispose d’une assemblée délibérante élue dotée d’attributions effectives, il n’interdit pas que les élus désignés lors d’un unique scrutin siègent dans deux assemblées territoriales. »
Par conséquent, les griefs que vous avez soulevés contre la création du conseiller territorial doivent être écartés !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. On ne sait toujours pas en quoi la présente proposition de loi serait inconstitutionnelle !
M. Jean-Jacques Hyest. Je vais vous le dire !
Je pourrais poursuivre la lecture de la décision du Conseil constitutionnel concernant les articles 3 et 5 de la loi, mais je ne voudrais pas vous lasser (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.), d’autant que certains, tels M. Derosier, M. Bartolone ou Mme Borvo Cohen-Seat, ne manquent jamais de remettre en cause l’impartialité du Conseil constitutionnel…
M. Gérard Larcher. Oui, des noms !
M. Jean-Jacques Hyest. Au risque de vous paraître légaliste, je dois vous avouer que j’ai toujours été choqué que l’on puisse critiquer les décisions du Conseil constitutionnel. Certes, elles ne plaisent pas toujours à l’opposition, mais elles plaisent parfois encore moins au Gouvernement ; M. le ministre l’a souligné.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En quoi le présent texte est-il inconstitutionnel ? Il ne vous reste que cinq minutes pour le dire !
M. Jean-Jacques Hyest. Je pourrais, à cet égard, citer quelques décisions récentes concernant la justice,…
M. Gérard Larcher. Oui, allons-y ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest. … qui ont amené de profondes mutations de notre procédure pénale.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En quoi la proposition de loi est-elle inconstitutionnelle ?
M. Jean-Jacques Hyest. Il est vrai que l’instauration de la question prioritaire de constitutionnalité, votée par notre majorité présidentielle, donne un pouvoir accru aux citoyens pour contester la constitutionnalité des lois. C’est un progrès pour la démocratie, comme l’avait été l’institution de la saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés ou sénateurs sous la présidence de M. Valéry Giscard d’Estaing ! (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Michel Delebarre. Et si on revenait au sujet ?
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis parfaitement dans le sujet, monsieur Delebarre !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En quoi le présent texte est-il inconstitutionnel ?
M. Jean-Jacques Hyest. Cessez de faire le perroquet ! (Rires sur les travées de l’UMP.)
Vous auriez pu aussi proposer la suppression de l’article 2.
M. Bruno Sido. Oui ! Que disait l’article 2 ?
M. Jean-Jacques Hyest. Cela aurait sans doute permis un débat intéressant sur le mode d’élection des conseillers généraux, qui aurait pu être éclairant sur vos intentions en matière de recours à la proportionnelle ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Mais passons…
M. Michel Delebarre. Ne soyez pas impatient !
M. Jean-Jacques Hyest. Certains d’entre vous ont déclaré avec une belle assurance que le résultat des élections sénatoriales emportait la condamnation définitive du conseiller territorial.
M. Michel Delebarre. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Personnellement, je pense que ce résultat a de multiples raisons.
M. Michel Delebarre. Bien sûr, mais il y a aussi celle-là !
M. Jean-Jacques Hyest. Le souci des maires, des présidents d’EPCI, est d’avoir des interlocuteurs proches aux échelons régional et départemental. Ils ne veulent pas risquer de se perdre dans le maquis technocratique qui résulte de l’accumulation des structures, des agences diverses et variées, coûteuses pour le contribuable et dont l’efficacité n’est pas prouvée !
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. En Île-de-France, mes chers collègues, on atteint à cet égard un sommet ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Larcher. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest. Les maires nous demandent comment atteindre le conseil régional, où il n’y a jamais personne ! (Exclamations et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Ils se plaignent de ne jamais voir les conseillers régionaux et disent ne pas même les connaître ! Mieux vaut donc un élu de proximité : le conseiller territorial.
Monsieur Delebarre, vous avez tout à l’heure jugé scandaleux de diminuer le nombre d’élus.
M. Michel Delebarre. Je n’ai pas dû employer ce terme !
M. Jean-Jacques Hyest. C’était néanmoins l’idée !
Savez-vous que l’écart de représentation entre conseillers généraux est aujourd’hui de un à soixante-trois ? (M. Alain Gournac s’exclame.)
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. Je connais un grand département qui compte quarante conseillers généraux pour 1,3 million d’habitants, tandis qu’un autre en compte soixante-trois pour moins de 300 000 habitants ! Comment peut-on parler d’égalité de représentation ? (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous n’avez plus qu’une minute et demie pour nous dire pourquoi ce texte est inconstitutionnel !
M. Jean-Jacques Hyest. Il était donc nécessaire de faire une réforme. La proposition de loi dont nous débattons est à mille lieues des préoccupations des élus locaux, qui ont un peu l’impression que le maintien des situations acquises est la principale préoccupation de certains !
Comme plusieurs de mes collègues l’ont exprimé dans la discussion générale, nous considérons que la création du conseiller territorial est le volet de la modernisation de la gouvernance locale le plus intéressant.
Que n’a-t-on entendu sur la « cantonisation » de la politique régionale, comme si les conseillers généraux actuels n’avaient pas en vue l’intérêt général, au-delà de celui de leur territoire !
Ce qui m’a étonné – mais ce n’est peut-être que partie remise –, c’est que vous n’ayez pas évoqué l’article 73 de la loi du 16 décembre 2010, relatif à la fameuse « clause de compétence générale », que l’on aurait supprimée alors que tous les étudiants en droit savent qu’elle n’a jamais existé.
M. Bruno Sido. Il n’y a que M. Sueur qui ne le sait pas !
M. Jean-Jacques Hyest. Je vous renvoie, là encore, à la décision du Conseil constitutionnel, qui a été très clair sur ce point ! Ce n’est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République, car seul l’État a compétence générale, n’en déplaise à ceux qui confondent décentralisation et laisser-faire !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Plus que quarante secondes pour nous dire en quoi la présente proposition de loi serait contraire à la Constitution. C’est tragique…
M. Jean-Jacques Hyest. Certains petits roitelets auraient intérêt à méditer cette jurisprudence…
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Jean-Jacques Hyest. Quoi qu’il en soit, la proposition de loi initiale de Mme Borvo Cohen-Seat était manifestement inconstitutionnelle,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Pourquoi ?
M. Jean-Jacques Hyest. … puisqu’en conséquence de la suppression du conseiller territorial, la région et le département se trouvaient sans élus. C’est pourquoi je me suis dit qu’il fallait absolument déposer une motion tendant à opposer à ce texte l’exception d’irrecevabilité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez épuisé votre temps de parole !
M. Jean-Jacques Hyest. Si la commission des lois a corrigé la copie en revenant aux articles L. 210-1 et L. 221 du code électoral actuel,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oui, elle a bien travaillé, le texte n’est donc plus inconstitutionnel !
M. Jean-Jacques Hyest. … alors que les conseillers généraux élus au mois de mars l’ont été pour trois ans, comment cela est-il compatible avec le renouvellement par moitié des conseils généraux ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le temps de parole est dépassé !
M. Jean-Jacques Hyest. Votre proposition de loi est incomplète.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Votre temps de parole est épuisé !
M. Jean-Jacques Hyest. J’ai bien envie de demander à la commission des finances de vérifier que l’article 40 de la Constitution ne s’applique pas ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC tentent de couvrir la voix de l’orateur en tapant sur leurs pupitres.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est terminé !
M. Jean-Jacques Hyest. Le caractère improvisé de votre texte justifie largement le dépôt par notre groupe d’une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité ! (Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
La parole est à M. Didier Guillaume, contre la motion.