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Abrogation du conseiller territorial
Suite de la discussion et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et plusieurs de ses collègues.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les semaines se suivent et tendent à se ressembler.
Si le sénateur que je fus et le ministre que je suis, toujours à la disposition du Parlement, se réjouit de venir à la Haute Assemblée et s’exprime avec bonheur à cette tribune, je dois reconnaître une certaine perplexité lorsque j’envisage l’utilité de la proposition de loi qui requiert aujourd’hui ma présence.
La majorité sénatoriale a souhaité, une nouvelle fois, débattre de la réforme territoriale dans le cadre des séances réservées à l’initiative parlementaire.
J’attache trop de prix aux droits fondamentaux des parlementaires pour ne pas accepter avec bonheur la nouvelle occasion de débat que nous offre l’examen de la proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial.
M. Michel Delebarre. Merci !
M. Philippe Richert, ministre. Enseignant de formation, j’ai naturellement le goût de la pédagogie et de l’effort, mais aussi celui de la répétition, qui, d’une certaine façon, est inséparable de la pédagogie.
Mais, tout de même, je m’interroge…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Surtout dans la conjoncture actuelle !
M. Philippe Richert, ministre. Il y a seulement deux semaines, j’ai défendu devant vous les dispositions de la réforme territoriale relatives à l’intercommunalité, dans le cadre de la discussion de la proposition de loi déposée par M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. Philippe Richert, ministre. Je sais que nous ne partageons pas exactement les mêmes options sur l’avenir de nos collectivités locales.
Un sénateur de l’UMP. C’est un euphémisme !
M. Philippe Richert, ministre. Nous en avons d'ailleurs largement débattu.
Après l’intercommunalité, la majorité sénatoriale réitère donc, au sujet cette fois du conseiller territorial. Je lui reconnais de la constance dans son opposition.
M. Michel Delebarre. Merci !
M. Philippe Richert, ministre. Je n’ai aucune illusion sur l’issue des débats d’aujourd’hui. Cependant, dans l’esprit de dialogue qui caractérise le Gouvernement,…
M. Ronan Kerdraon. Pas tout le temps !
M. Gérard César. Ce n’est pas la peine !
M. Philippe Richert, ministre. … de vous en convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs : la création du conseiller territorial constitue une réponse adaptée aux défis que doivent relever nos territoires.
Permettez-moi de commencer par deux remarques liminaires.
J’observe tout d’abord que, dans sa rédaction issue de l’amendement de M. le rapporteur adopté en commission, l’article unique de la proposition de loi supprime des dispositions importantes du code électoral.
M. le rapporteur a proposé de compléter la suppression, dans le code électoral, des dispositions qui régissent le conseiller territorial. Je lui reconnais le mérite de la cohérence. Toutefois, sa démarche emporte des effets secondaires indésirables, dont je souhaite m’assurer qu’ils ont bien été mesurés par la Haute Assemblée.
En abrogeant l’article 81 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, qui modifie l’article 8 de la loi du 11 mars 1988, l’article unique issu de l’amendement de M. le rapporteur supprime la nouvelle sanction liée au non-respect des dispositions en faveur de la parité pour les élections territoriales.
Je ne suis pas sûr que chacun ait mesuré les conséquences d’une telle suppression, qui me semble malvenue en considération des objectifs de parité défendus par le Gouvernement.
La proposition de loi revient aussi à l’ancienne rédaction de l’article L. 210-1 du code électoral, qui prévoit, notamment, les modalités d’accès au second tour. On reviendrait ainsi au seuil de 10 % des inscrits, au lieu de 12,5 %.
Surtout, la rédaction proposée par M. le rapporteur conduit à abroger une disposition introduite par la loi du 14 avril 2011 – le « paquet électoral » –, selon laquelle, pour que sa candidature soit recevable, un candidat doit avoir procédé à la déclaration d’un mandataire. Cette disposition de bon sens, votée il y a six mois, ne me semble pas non plus devoir être remise en cause.
Ensuite, l’article unique de la proposition de loi, issu de l’amendement de M. le rapporteur, revient à l’ancienne rédaction de l’article L. 221 du code électoral, relatif aux modalités de remplacement des conseillers généraux.
Le conseiller général ne pourrait plus être remplacé par son suppléant pour tout motif, mais seulement dans les cas de décès, de démission pour cause de cumul des mandats, de présomption d’absence et de nomination en qualité de membre du Conseil constitutionnel.
Une telle disposition défavoriserait indirectement la parité, en rendant plus difficile l’accès des suppléants aux mandats. (Rires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Celle-là n’est pas mal !
Mme Bernadette Bourzai. Il fallait oser !
M. Philippe Richert, ministre. De la même façon, la rédaction proposée par le rapporteur conduit à abroger une disposition introduite par la loi du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits et permettant à un conseiller général nommé Défenseur des droits de se faire remplacer par son suppléant. (Mme Bernadette Bourzai s’esclaffe.)
Je vous le concède : là n’est pas l’essentiel de notre débat. Toutefois, il m’a semblé utile d’appeler l’attention du rapporteur et de la commission des lois sur ces problèmes de rédaction législative, qui me semblent résulter, pour le moins, d’une certaine précipitation…
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Avez-vous prévu d’amender cette proposition de loi, puisque nous nous serions précipités ?
M. Philippe Richert, ministre. Ma seconde remarque liminaire portera sur l’organisation de nos débats.
Je ne reviendrai pas – ce point a été évoqué ce soir – sur les conditions dans lesquelles a été examinée la proposition de loi de M. Sueur. En trois jours, nous avons siégé douze heures,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Mais c’était à la fois passionnant et utile ! (Sourires.)
M. Philippe Richert, ministre. … qui s’additionnent aux près de deux cents heures consacrées à l’examen de la loi du 16 décembre 2010.
Je redis, naturellement, ma totale disponibilité pour venir au Sénat. Je souhaiterais simplement que, dans la mesure du possible, nous puissions avoir une certaine visibilité sur nos débats, afin de pouvoir les organiser dans les meilleures conditions possibles.
Cela me paraît d’autant plus souhaitable que, si j’en juge par l’ordre du jour du Sénat de ces dernières semaines, il existe une certaine volonté de recommencer des discussions que nous avons déjà menées il y a moins d’un an.
Mme Catherine Troendle. Eh oui !
M. Philippe Richert, ministre. L’organisation de ce débat permanent ne me semble pas correspondre à une gestion optimale de l’agenda politique – c’est mon appréciation personnelle –, ni à ce qu’attendent les Français de leurs responsables.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Surtout dans la conjoncture actuelle !
M. Philippe Richert, ministre. Avant de la remettre en cause, il faut laisser du temps à la réforme territoriale pour qu’elle produise ses effets. Évaluons-la le moment venu, corrigeons-la le cas échéant en procédant à des ajustements, comme le Gouvernement était lui-même partisan de le faire s’agissant de son volet intercommunal.
Toutefois, je ne crois pas qu’il soit raisonnable de refaire en permanence ces débats.
Le calendrier rend difficile, pour ne pas dire impossible, toute recherche « de solutions toutes simples, pratiques, concrètes », comme l’appelait de ses vœux M. Jean-Pierre Sueur le 2 novembre dernier ; la meilleure illustration en est sa propre proposition de loi relative à la situation transitoire des exécutifs intercommunaux.
Nous aurions pu nous entendre si le texte initial n’avait pas été dénaturé. D’un texte qui aurait dû et pu être consensuel, qui faisait écho à la proposition de loi de Jacques Pélissard, la majorité sénatoriale a fait un texte mettant à mal la réforme territoriale, ses longs travaux préparatoires comme ses riches développements dans les territoires depuis onze mois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. Pélissard a parlé de « convergence ». Ne lui faites pas dire ce qu’il n’a pas dit !
M. Philippe Richert, ministre. La culture politique de la Haute Assemblée a toujours permis de faire avancer les sujets importants dans un esprit de responsabilité, et sans confusion des rôles. C’était sa marque de fabrique et sa profonde utilité dans notre paysage institutionnel.
Je ne conteste pas à la nouvelle majorité le droit de s’opposer au Gouvernement.
M. Jean-Jacques Mirassou. Le devoir !
M. Ronan Kerdraon. Cela va mieux en le disant !
M. Philippe Richert, ministre. Toutefois, je remarque que, sur le conseiller territorial, nous sommes non plus dans le débat, mais sur une position de suppression pure et simple.
M. Ronan Kerdraon. Eh oui !
M. Philippe Richert, ministre. La discussion au fond, dans un esprit républicain, laisse place désormais à une position de principe de refus de débattre.
Tout à l’heure, M. le rapporteur parlait d’apaisement.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Un mot que je tente de vous apprendre !
M. Philippe Richert, ministre. En réalité, je ne vois que la volonté de supprimer.
Par conséquent, plus les semaines passent et plus les hommes de bonne volonté ont du mal à se rejoindre pour faire avancer la décentralisation.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Et cela ne risque pas de s’arranger !
M. Philippe Richert, ministre. Ce n’est pas une critique que je formule, c’est un constat que je dresse.
J’ai eu l’occasion de le dire à maintes reprises, ici et ailleurs : la décentralisation est un bien commun de notre République décentralisée. Elle fait partie d’un héritage que chacun peut assumer et revendiquer. Elle n’est plus ni de droite ni de gauche. Elle mérite par conséquent mieux que des postures. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
C’est ma conviction profonde d’élu local depuis près de trente ans, viscéralement attaché aux libertés locales.
Je pense avoir démontré, pour ce qui me concerne, que j’étais toujours prêt au débat sur ces sujets. Je n’en ai jamais refusé un seul et le Gouvernement reste malgré tout dans une attitude constructive. Cela veut dire qu’il est prêt à discuter demain sur les conditions de la mise en œuvre de la réforme, comme il était prêt à le faire hier sur le volet intercommunal en proposant lui-même des ajustements techniques.
Cependant, l’ouverture n’est pas synonyme de renoncement. Le Gouvernement n’entend pas faiblir dans sa volonté de réforme.
M. Ronan Kerdraon. Il a tort !
M. Philippe Richert, ministre. Le Premier ministre l’a d’ailleurs rappelé avec force le 5 novembre dernier devant l’assemblée générale des maires de Haute-Savoie : il a redit sa fermeté pour atteindre les objectifs de la réforme territoriale, mais également sa volonté de dialogue dans sa mise en œuvre.
Ni le sujet – la décentralisation – ni le contexte – la crise en Europe – ne peuvent justifier un tel renoncement, que les Français ne nous pardonneraient pas. Pour autant, tout n’est pas écrit et des débats restent à venir.
J’en viens donc à présent au fond, c’est-à-dire au conseiller territorial lui-même, à sa pertinence, à sa légitimité et au pragmatisme qui guide sa mise en œuvre.
La création du conseiller territorial répond à un vrai besoin de modernisation de notre démocratie locale, qui doit aller vers plus de lisibilité démocratique, plus d’efficacité politique, plus de vertu économique.
Le conseiller territorial est un nouvel élu destiné à rendre la démocratie locale plus efficace.
Je veux rappeler ici les trois raisons fondamentales qui justifient pleinement la création du conseiller territorial.
Tout d’abord, une lisibilité démocratique accrue. Tel est bien le défi majeur auquel répond la création du conseiller territorial.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est un défi, en effet !
M. Philippe Richert, ministre. Il est une réponse pragmatique à la défiance croissante et inquiétante de nos compatriotes à l’égard de leurs élus. Même les élus locaux sont désormais frappés par ce phénomène.
Il devient donc urgent de rapprocher nos élus d’électeurs qui ne comprennent plus qui fait quoi dans un paysage démocratique atomisé.
Des élus mieux identifiés siégeront à la fois au conseil général et au conseil régional. Chaque conseiller sera élu dans un canton « rééquilibré » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.) : le lien entre l’électeur et son élu sera ainsi maintenu, tout comme la représentation des territoires qui composent chaque région et chaque département.
On a dit et redit, et je l’ai encore entendu tout à l’heure, qu’un élu qui serait à la fois conseiller général et conseiller régional serait un élu hybride. J’ai donc été un élu hybride puisque j’étais à la fois conseiller général et conseiller régional ! (Oui ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.) Je crois savoir que, même au sein des partis de gauche, on trouve des élus siégeant dans chacune de ces deux assemblées. (Oui ! sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On a des noms !
M. Philippe Richert, ministre. Je salue donc ces hybrides, puisque c’est ainsi que vous les qualifiez !
Quand on est élu à la fois d’un conseil régional et d’un conseil général, on peut faire son travail très sérieusement et être aussi efficace que lorsqu’on est à la fois parlementaire et conseiller général, ou bien parlementaire et conseiller régional, ou bien parlementaire et responsable d’un exécutif local.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Absolument !
M. Philippe Richert, ministre. Il est parfaitement envisageable que ce conseiller qui siégera à la fois au département et à la région s’investira autant pour l’un que pour l’autre sans qu’on puisse le qualifier d’hybride. Pourquoi porter par avance sur ces élus une appréciation négative ? Il s’agit simplement de rendre de la cohérence, de la lisibilité, de faire en sorte que, lorsqu’un responsable d’association s’adressera à un conseiller territorial, il s’exprimera à la fois en tant que conseiller général et conseiller régional.
La cohérence est accrue par la réforme : ce sont les mêmes élus qui pourront relayer à la région et au département les préoccupations de leurs électeurs et les priorités de leur territoire.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Et le cumul des mandats ?
M. Philippe Richert, ministre. Un chef d’entreprise, une association, un maire, un particulier aura ainsi, à travers son conseiller territorial, un interlocuteur unique, le même pour le département et la région. Que de temps gagné pour eux, que de simplification apportée !
M. Jean-Luc Fichet. Mais non !
M. Philippe Richert, ministre. Un conseiller territorial pourra, par exemple, aider dans sa démarche une entreprise sollicitant une subvention de la région pour s’agrandir, monter une formation pour ses salariés ou bien améliorer la route départementale qui la dessert. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Pour le maire qui délivre le permis de construire relatif à l’extension de l’entreprise, c’est aussi une vraie facilité que d’avoir un seul interlocuteur. En effet, nous savons bien que même les maires ont parfois du mal à savoir qui fait quoi entre le conseil général et le conseil régional. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Mesdames, messieurs les sénateurs – j’ai failli dire : mes chers collègues –, cet effort de lisibilité dans ce que l’on appelle à raison le « millefeuille » des collectivités est la véritable valeur ajoutée de ce nouvel élu.
M. Jean-Luc Fichet. Cela ne change rien au millefeuille !
M. Philippe Richert, ministre. Les Français l’ont bien compris et soutiennent cette réforme de bon sens, comme d’ailleurs bon nombre d’élus locaux, notamment les maires. (Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Un seul élu aux compétences élargies, ancré sur son territoire, proche de ses concitoyens : voilà l’alchimie de cette réforme que vous contestez !
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est beau comme du Sully Prudhomme !
M. Philippe Richert, ministre. Le conseiller territorial sera par ailleurs le véritable moteur d’une meilleure articulation entre les conseils régionaux et les conseils généraux. Naturellement, il imposera dans ses deux collectivités d’élection une cohérence et une complémentarité accrues qui déboucheront sur une efficacité politique renforcée.
Les interventions parfois concurrentes du département et de la région, même s’ils sont de la même couleur politique, sur un territoire identique ne seront plus possibles (Mais si ! sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Leurs interventions complémentaires seront facilitées.
Oui, le conseiller territorial ne pourra pas dire une chose le matin au conseil général et affirmer, le soir venu, le contraire au nom du conseil régional ! (Sourires sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, vous n’allez pas me dire que les élus se contredisent ! Un conseiller est constant dans ses propos… Vous n’allez pas commencer à douter des élus de la Nation ! Je n’ose l’imaginer ! (Mêmes mouvements.)
Le conseil régional et les conseils généraux d’une même région devront définir la manière dont ils souhaitent travailler ensemble, en fonction des spécificités et des enjeux de leur territoire. Ils élaboreront ensemble un schéma d’organisation des compétences et des services qui définira la répartition optimale de leurs compétences.
La loi, mesdames, messieurs les sénateurs, maintient par ailleurs une capacité d’initiative locale permettant au département ou à la région de se saisir de tout domaine d’intérêt départemental ou régional s’il apparaît que celui-ci n’entre pas dans les compétences attribuées à une autre collectivité publique.
Cette précaution prise par le législateur permet d’éviter les « conflits négatifs », c’est-à-dire que des secteurs de l’action publique ne soient pas couverts par des collectivités qui s’estimeraient incompétentes pour intervenir.
Dans le prolongement de la loi du 16 décembre 2010, qui clarifiait déjà les blocs de compétences, le rapport de Jean-Jacques de Peretti a, quant à lui, ouvert des pistes intéressantes en proposant des schémas d’organisation entre collectivités qui laissent la place aux spécificités locales et aux expérimentations.
Au-delà, une remise à plat des compétences des différents niveaux de collectivités territoriales sera sans doute nécessaire à l’avenir pour parachever, dans le prolongement de la réforme territoriale, l’architecture de nos institutions locales.
Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, je suis prêt à y travailler.
Néanmoins, c’est bien le conseiller territorial qui constitue le moteur de cette indispensable dynamique de convergence et de cohérence. Le supprimer, c’est revenir au statu quo, à un moment où nous devons, plus que jamais, innover pour optimiser la dépense publique dans un contexte de crise.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La dépense, ils ne savent pas ce que c’est…
M. Jean-Luc Fichet. Et les bâtiments ?
M. Philippe Richert, ministre. Troisième argument qui milite en faveur du conseiller territorial : le contexte de crise qui pousse à ne pas fléchir dans l’effort de réforme. Qui ne le voit pas ?
Le Président de la République et le Gouvernement se battent dans la crise pour sauver le modèle social français, auquel nous sommes tous très attachés.
La crise nous oblige à une attitude de responsabilité. Aussi, tous nos efforts, ceux du Gouvernement, ceux du Parlement, ceux des collectivités territoriales, ceux des entreprises, ceux aussi des Français doivent être tournés vers cette exigence supérieure.
Les collectivités ne sauraient être exemptes de l’indispensable effort de rationalisation de la dépense publique. La création du conseiller territorial participe de l’effort général demandé à tous, aux collectivités comme à l’État ou aux autres acteurs publics, pour réduire les dépenses publiques.
M. Yves Daudigny. C’est faux !
M. Philippe Richert, ministre. La création du conseiller territorial permettra une meilleure coordination des différents niveaux de collectivités. Des gains très importants de productivité seront ainsi réalisés grâce à ces gisements de coopération et de mutualisation. Je pense notamment à l’entretien des collèges et des lycées, ainsi qu’à la restauration scolaire. (M. Yves Daudigny s’exclame.), mais bien d’autres champs sont à explorer.
Il existe aussi une autre source d’économies, que certains pourraient contester. Chaque élection coûtant 111 millions d’euros, nous pourrons ainsi réaliser autant d’économies en organisant non plus trois scrutins – les élections cantonales et régionales –, mais un seul – les élections territoriales. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est une découverte… Le plus simple serait de supprimer les élections !
M. Philippe Richert, ministre. Certes, là n’est pas la question essentielle, mais il n’est pas inutile de rappeler les dépenses qu’engage l’État pour organiser ces élections. Si vous diminuez le nombre d’élections, vous réduisez tout simplement les dépenses ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
D’ailleurs, cela aurait pu être, mesdames, messieurs les sénateurs, une raison d’invoquer l’article 40 de la Constitution… (Mêmes mouvements.)
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Philippe Richert, ministre. Personne ne l’a fait ! J’indique simplement que ce serait une dépense supplémentaire, puisqu’il s’agirait de mettre en place les conditions de l’organisation d’élections supplémentaires. Or personne ne peut ignorer ici que l’organisation des élections a un coût.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Supprimez le droit de vote !
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Vous affinez votre modèle !
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai entendu, çà et là, des chiffres sur les coûts liés à cette réforme, s’agissant de la construction d’hémicycles régionaux, notamment.
Ces estimations sont totalement infondées. Elles sont erronées parce que la question immobilière n’est pas généralisée à tous les conseils régionaux : j’en veux pour preuve la situation de l’Alsace ou du Limousin.
M. Gérard César. Au hasard !
M. Philippe Richert, ministre. L’Alsace, vous le savez, s’est engagée dans une démarche spécifique, que je ne souhaite pas du tout généraliser à l’ensemble du pays d'ailleurs.
Mme Bernadette Bourzai. De toute façon, on n’en veut pas !
M. Philippe Richert, ministre. Nous avons prévu de réunir les conseillers généraux et les conseillers régionaux dans une collectivité unique. Nous le faisons dans une démarche transversale, tous partis politiques confondus.
Cette réforme a été votée au conseil régional, à l’unanimité, par les socialistes, les écologistes,…
M. Alain Gournac. Ils sont bien, là-bas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La main dans la main ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Richert, ministre. … dans l’intérêt de notre région. Nous avons recherché les moyens d’aboutir à une organisation plus efficace.
Je ne souhaite pas la généralisation de cette expérience, je le répète. Toutefois, nous avons constaté que les enceintes du conseil général du Haut-Rhin, à Colmar, ou du conseil régional, à Strasbourg, offraient suffisamment de place pour accueillir tous les élus, sans qu’il soit nécessaire d’engager des dépenses supplémentaires.
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
M. Philippe Richert, ministre. Les dépenses qui ont été avancées – un milliard d’euros, parfois ! – pour adapter les hémicycles me paraissent pour le moins surévaluées.
Sur ce chapitre, permettez-moi enfin de relever que poser la question des hémicycles régionaux avant celle de l’articulation du conseil régional et du conseil général me semble une erreur de perspective.
Je pense avoir démontré que la création du conseiller territorial était pertinente. Mais vous ai-je convaincu quant à sa légitimité ? (« Oui ! » sur les travées de l’UMP. – « Non ! » sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Je vais donc essayer une nouvelle fois !
N’en déplaise à ses détracteurs, le conseiller territorial est un élu pleinement légitime de la République.
Je veux rappeler – mais est-ce bien nécessaire ? – que le conseiller territorial a déjà fait l’objet de débats très larges tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, tout d’abord dans le cadre de la loi du 16 décembre 2010, ensuite dans celui de la loi du 26 juillet 2011 fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région.
Le Parlement s’est souverainement prononcé, à plusieurs reprises. Par conséquent, ce nouvel élu ne souffre d’aucun déficit de légitimité parlementaire.
J’ajoute, s’il en est encore besoin, que le Conseil constitutionnel a très clairement validé la création du conseiller territorial, comme il a validé le tableau de répartition par département et par région.
Pour ma part, j’ai le plus grand respect pour les décisions de la Haute juridiction,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Bel argument.
M. Gérard Larcher. Bien sûr !
M. Philippe Richert, ministre. Vous me permettrez donc de relever que tous les arguments développés contre la création du conseiller territorial ont été écartés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 décembre 2010.
Permettez-moi d’en rappeler les principaux éléments.
Tout d’abord, la création du conseiller territorial n’entraîne pas la tutelle d’une collectivité sur une autre.
Ensuite, le Conseil a validé le seuil minimum de quinze conseillers territoriaux pour sauvegarder la représentation de nos territoires ruraux. Et s’il a réformé les effectifs du tableau, ce n’est qu’à la marge.
Enfin, le Conseil constitutionnel a été très clair sur la parité : le conseiller territorial n’y porte pas atteinte ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.) Il le précise sans ambiguïté dans le considérant 34 de sa décision. Le Conseil considère que le conseiller territorial porte d’autant moins atteinte à la parité que la loi du 16 décembre 2010 prévoit deux dispositions favorisant la parité à l’occasion des élections territoriales de 2014.
L’article 4 dispose en effet que les futurs conseillers territoriaux élus au scrutin majoritaire pourront être remplacés par leur suppléant pour « quelque cause que ce soit », alors qu’un conseiller général ne l’était que dans un nombre limité de cas.