M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Joël Billard, pour la réplique.
M. Joël Billard. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces réponses, qui, j’en suis certain, ne pourront qu’éclairer l’Association des maires ruraux de France. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Vous permettrez enfin au sénateur que je suis, qui est aussi l’auteur du rapport ayant encouragé le Président de la République à créer le premier ministère de l’espace rural en 2009, de formuler une simple remarque.
Les maires ruraux, dans leur communiqué, s’adressent aux sénateurs parce qu’ils considèrent que, en la matière, c’est le Sénat qui est le représentant des collectivités locales et le défenseur des territoires ruraux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne s’est pas vu avec vous !
M. Joël Billard. En cela, ils ont tout à fait raison. (M. Roland Courteau s’exclame.)
C’est pourquoi il me semble regrettable que la mission qui vient d’être créée sur l’ensemble des problèmes liés aux normes en milieu rural ne soit composée que de quatre députés, et ne comprenne aucun sénateur.
Permettez-moi de conclure mon propos en vous faisant part d’une réflexion personnelle.
Messieurs les ministres, confier la ruralité à des conseillers qui n’ont jamais été élus et n’ont jamais traversé le périphérique, c’est voué à l’échec ! (M. Alain Bertrand applaudit.)
M. Claude Bérit-Débat. Il faut supprimer le périphérique ! (Sourires.)
M. Joël Billard. Je vous demande tout simplement, au nom de mes collègues, d’utiliser les compétences du Sénat dans ce domaine ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Ma question porte sur une dimension importante de l’aménagement du territoire.
Avec la révision générale des politiques publiques, certains territoires connaissent aujourd'hui une situation très angoissante. Je parle certes de certains territoires ruraux, mais aussi de certaines cités.
En effet, dans ces territoires, avec la carte scolaire, de nombreux postes sont supprimés. Avec la nouvelle stratégie de La Poste, des bureaux de poste réduisent l’amplitude de leurs horaires et se préparent à fermer ou à passer le bébé, si je puis dire, aux collectivités. On y constate aussi une baisse impressionnante des effectifs de la police ou de la gendarmerie nationales lors de la signature de contrats locaux de sécurité. Et que dire de la politique de la forêt que nous essayons de mettre en place avec un Office national des forêts amputé d’une grande partie de ses effectifs !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, la question que je veux vous poser est simple : comment pouvons-nous mener une politique d’aménagement du territoire avec cette saignée dans les effectifs des services publics ?
Vous le savez, une politique d’aménagement du territoire requiert de la patience ; il faut des années pour la mettre en place, car il s’agit d’une question très difficile et très complexe. Or, chaque fois que l’on interroge les préfets, les sous-préfets ou les recteurs d’académie, ceux-ci nous font la même réponse : il faut rendre des postes ! Mais c’est une vision purement comptable de l’aménagement du territoire !
Mme Maryvonne Blondin. C’est exact !
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, je vous le demande avec force et gravité : mettez un terme à cette politique aveugle de la révision générale des politiques publiques !
M. Roland Courteau. Et sans tarder !
M. Martial Bourquin. Il faut, au contraire, un État stratège ! Il faut mener une politique d’aménagement du territoire qui fasse en sorte que politiques publiques et investissements privés soient intimement liés, car nous sommes en train de déménager nos territoires ruraux, nos cités et nos villes. Cette situation est, je le dis avec une certaine solennité, très grave. (Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)
Il faut maintenant stopper cette politique pour que nos territoires retrouvent leur dynamisme ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur le sénateur Martial Bourquin, je vous rejoins parfaitement, il faut un État stratège. Mais un État stratège, ce n’est pas un État qui pense le monde d’hier, c’est, au contraire, un État qui pense le monde de demain ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Ce n’est pas un État qui estime qu’il faut systématiquement plus d’emplois publics, et donc plus de dépenses publiques, pour répondre aux besoins de nos concitoyens ! C’est un État qui essaie d’inventer des solutions nouvelles, plus économes et plus efficaces (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.),…
M. Pierre-Yves Collombat. Moins d’impôts et plus de chômage !
M. Bruno Le Maire, ministre. … pour à la fois offrir à nos concitoyens de meilleurs services publics et réduire notre endettement dont nous payons aujourd'hui la facture.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est faux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moins de milliardaires et plus de services publics !
M. Bruno Le Maire, ministre. Nous ne maintiendrons pas – et ne le laissons pas croire aux Français ! – des classes uniques dans tous les villages de France parce que ce n’est ni efficace ni responsable du point de vue des finances publiques. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Nous ne maintiendrons pas des bureaux de poste ouverts dans tous les villages de France lorsque ceux-ci ne sont fréquentés que par un ou deux clients seulement par jour, parce que ce n’est ni responsable du point de vue des finances publiques ni responsable du point de vue du fonctionnement de ces services publics. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Vous avez évoqué la gestion de la forêt et l’ONF, mais c’est le meilleur exemple ! Quelles sont les raisons pour lesquelles la France ne profite pas suffisamment de l’exploitation de son bois ? Quelles sont les raisons pour lesquelles la France n’exploite pas suffisamment le tiers de son territoire qui est composé de forêts ? Il ne s’agit pas d’un problème de recrutement, de nombre de personnels à l’ONF ! C’est une question de regroupement de l’offre, de valorisation de notre bois, de structuration de la filière, de compétitivité économique ! Voilà les vraies réponses à l’aménagement du territoire de demain ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Pierre-Yves Collombat. Que ne le faites-vous pas ?
M. Bruno Le Maire, ministre. En matière de fonds publics, il me semble préférable de consacrer 2 milliards d’euros à l’équipement numérique de notre territoire en très haut débit, comme l’ont voulu le Président de la République et le Premier ministre,…
M. Pierre-Yves Collombat. Cela fait deux ans qu’on en parle !
M. Bruno Le Maire, ministre. … plutôt que de maintenir des services publics dans des endroits où nous n’avons plus les moyens de le faire ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour la réplique.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, votre réponse est très idéologique ! (Exclamations sur plusieurs travées de l’UMP.) En aucun cas, elle ne correspond à une vision d’avenir.
Avoir une vision d’avenir, c’est agir pour créer de la valeur, en faisant en sorte que nos territoires soient productifs, tant au niveau des usines que, plus généralement, au niveau des territoires ruraux. Or, pour que nos territoires continuent à produire, il faut trouver un mix très inédit entre les politiques publiques et les entreprises, qui créent aussi de la valeur. Ce n’est pas en supprimant les politiques publiques comme vous nous le proposez que nous y arriverons !
Il faut, au contraire, par exemple, mettre en œuvre une fiscalité beaucoup plus juste. Comment se fait-il que les groupes du CAC 40 paient environ 8 % d’impôt sur les sociétés, alors que les PME et les artisans paient 33 % ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Vous qui cherchez à faire des économies, il y a là des recettes à prendre, monsieur le ministre ! Pourquoi ne le proposez-vous pas ?
Il faut savoir que cette politique aveugle de la révision générale des politiques publiques, qui est profondément injuste, ampute durablement les territoires de leur dynamisme. Il leur faudra de nombreuses années pour être de nouveau au goût du jour. Le retour du dynamisme passe par une politique plus juste !
Pourquoi une famille habitant dans une vallée encaissée, qui souffre du verglas trois à quatre mois dans l’année, est-elle obligée de faire prendre le bus scolaire à ses enfants une heure avant le début des cours ? Parce qu’on a décidé de supprimer des postes ! (Murmures sur les travées de l’UMP.) Il existe d’autres sources d’économies que celle-ci ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur le malaise des territoires.
Avant de reprendre la suite de la discussion des articles du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures dix, sous la présidence de M. Didier Guillaume.)
PRÉSIDENCE DE M. Didier Guillaume
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 18 octobre 2011, qu'en application de l'article 61–1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité (2011–206 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
11
Démission de membres de commissions et candidatures
M. le président. J’ai reçu avis de la démission :
- de M. François Rebsamen comme membre de la commission des finances ;
- et de M. Christian Bourquin comme membre de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Les groupes intéressés ont fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.
Ces candidatures vont être affichées et leur nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
12
Contentieux et procédures juridictionnelles
Suite de la discussion en nouvelle lecture et rejet d’un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion en nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre VI, à l’article 15.
Chapitre VI (suite)
Aménagement des règles régissant la procédure en matière familiale
Article 15
(Non modifié)
À titre expérimental et jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle de la promulgation de la présente loi, dans les tribunaux de grande instance désignés par un arrêté du garde des sceaux, les dispositions suivantes sont applicables, par dérogation à l’article 373-2-13 du code civil.
Les décisions fixant les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant ainsi que les dispositions contenues dans la convention homologuée peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande du ou des parents ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.
Toutefois, à peine d’irrecevabilité que le juge peut soulever d’office, la saisine du juge par le ou les parents doit être précédée d’une tentative de médiation familiale, sauf :
1° Si la demande émane conjointement des deux parents afin de solliciter l’homologation d’une convention selon les modalités fixées à l’article 373-2-7 du code civil ;
2° Si l’absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime ;
3° Si cette tentative de médiation préalable risque, compte tenu des délais dans lesquels elle est susceptible d’intervenir, de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai raisonnable.
Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation en vue de décider de sa généralisation, de son adaptation ou de son abandon.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 43 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 17.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Loin de moi l’idée de refuser la médiation, mais la mesure prévue à l’article 15 est contraignante.
En effet, elle oblige les parties à engager une tentative de médiation familiale, à peine de nullité de la procédure pouvant être soulevée d’office par le juge. Évidemment, les deux parties iront devant le médiateur, par crainte d’être sanctionnées par le juge.
Certes, seule une expérimentation est pour l’instant prévue à l’article 15. Mais toute expérimentation a vocation à être généralisée, en tout cas peut-on le supposer !
Autrement dit, de 6 271 mesures judiciaires de médiation familiale ordonnées en 2009, on passerait rapidement à 360 000 par an. C’est totalement irréaliste en l’état actuel des possibilités. Selon notre rapporteur, il faudrait multiplier par six le nombre des médiateurs ! Comment faire ? Où les trouver ?
Par conséquent, non seulement l’expérimentation est irréaliste dans les faits, mais on nous demande d’adopter une mesure pour la mise en œuvre de laquelle nous ne disposons d’aucun financement. Or, nous le savons bien, il n’est pas possible de proposer des mesures sans avoir les moyens de les appliquer !
Voilà pourquoi nous proposons cet amendement de suppression de l’article 15.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié.
M. Jacques Mézard. Nous demandons également la suppression de l’article 15. En effet, comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, cet article me paraît strictement inapplicable et dangereux.
En lui-même, le principe de la médiation n’est pas une mauvaise chose, comme l’a rappelé Mme Borvo Cohen-Seat. Mais, en l’occurrence, le système ne correspond pas à la réalité ! Il n’y aura pas suffisamment de médiateurs, personne ne nous dit qui va les payer et, surtout, cette expérimentation est impraticable sur le terrain.
En effet, normalement, lorsque des parents ou des conjoints saisissent le juge aux affaires familiales, c’est toujours pour une urgence. Prévoir dans le texte que la saisine du juge doit être systématiquement précédée d’une médiation, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office par le juge, avec des cas d’exceptions, c’est, encore une fois, je suis désolé de le dire au rapporteur, une mesure strictement inapplicable !
Selon l’article 15, la saisine du juge ne serait pas précédée d’une tentative de médiation familiale dans trois cas.
Premier cas : si la demande émane conjointement des deux parents pour solliciter l’homologation d’une convention. C’est tout de même la moindre des choses, car, s’ils sont d’accord, ils ne vont pas passer chez un médiateur ! Par conséquent, une telle précision dans l’article frise le ridicule.
Deuxième cas : si l’absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime. C’est le juge qui va apprécier le motif légitime, c’est-à-dire que n’importe lequel des deux plaideurs pourra dire qu’il ne veut pas de la médiation en raison d’un motif légitime. C’est absurde !
Troisième cas : si cette tentative de médiation préalable risque de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai raisonnable.
On fabrique là une disposition législative qui n’a aucun sens et il faut vraiment ne pas être allé souvent sur le terrain et ne pas avoir assisté à des audiences devant le juge aux affaires familiales pour en arriver à écrire ce type d’article, je le dis tel que je le pense ! Ce n’est pas raisonnable, même si ce n’est qu’une expérimentation, car elle ne peut pas fonctionner ainsi.
Par conséquent, je vous demande de répondre à nos questions. Où trouverez-vous les médiateurs nécessaires ? Qui les payera ? Comment éviter ces exceptions ridicules ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est précisément en raison des observations que viennent de formuler Mme Borvo Cohen-Seat et M. Mézard que la commission des lois, soutenue par le Sénat, et l’Assemblée nationale ont prévu, uniquement à titre expérimental, cette médiation. Trois cas de dérogation, sur lesquels M. Mézard vient d’ironiser, avaient toutefois été retenus.
L’expérimentation vise à tenir compte des réalités. Elle permettra de distinguer les cas où la médiation peut être généralisée de ceux pour lesquels il serait « ridicule », pour reprendre l’expression de notre collègue, d’y avoir recours.
Selon moi, l’obligation de médiation préalable est assortie des garde-fous nécessaires pour éviter tout excès. Nous pourrons tirer les conséquences, dans quelques années, de cette expérimentation.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame Borvo Cohen-Seat, monsieur Mézard, je rappelle à mon tour que cette médiation fera l’objet d’une expérimentation. J’ajoute que la discussion parlementaire a permis d’instaurer des garde-fous, pour les cas où celle-ci pourrait se révéler dangereuse.
L’expérimentation nous permettra de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, ce qu’il faut changer et ce qu’il faut garder. Je le rappelle, le contentieux familial, qui ne relève pas forcément du contentieux au sens traditionnel, représente, dans de très nombreuses juridictions, plus de 60 % des affaires. On saisit le tribunal lorsque l’on est confronté à de vraies difficultés, alors que celles-ci ne nécessitent pas toujours l’intervention d’un juge, c'est-à-dire d’un magistrat doté d’une autorité particulière. Si d’autres méthodes permettaient de régler ces affaires, ce serait une bonne chose. Tel est le sens de l’article 15.
Doit-on décider une fois pour toutes que seul le juge est compétent, alors que la médiation en matière familiale est déjà utilisée, par exemple pour ce qui concerne les allocations familiales ? Le ministère entend faire en sorte que le tarif dégressif, calculé en fonction des ressources, qui est retenu en matière de médiation par les caisses d’allocations familiales ou les associations, soit également appliqué aux contentieux familiaux. Lorsque vos revenus sont supérieurs au RSA mais inférieurs au SMIC, la séance de médiation revient à cinq euros.
Dans la mesure où le Parlement a prévu des garde-fous, laissons vivre, sans a priori, une telle expérimentation. Nous verrons si elle donne de bons résultats. Madame Borvo Cohen-Seat, monsieur Mézard, je vous invite à être moins conservateurs et à vous ouvrir un peu au changement.
Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Monsieur le garde des sceaux, que vous me traitiez de conservateur ne m’empêchera pas de dormir ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Vous l’avez dit maintes fois dans cette enceinte, il vaut mieux, parfois, conserver les choses de qualité, plutôt que de changer tout le temps pour faire n’importe quoi. Au demeurant, je préfère considérer votre remarque comme une boutade.
Vous l’avez indiqué, c’est le justiciable, même s’il bénéficie d’un tarif dégressif, qui devra payer. Ainsi, on s’efforce de priver les magistrats d’un certain nombre de compétences dans le domaine des affaires familiales. Il s’agit de rétribuer le médiateur par le biais du justiciable et de diminuer le rôle des juges aux affaires familiales.
Ce n’est pas, me semble-t-il, ce que demandent nos concitoyens, d’autant que la médiation existe d’ores et déjà. Elle est souvent ordonnée par le magistrat, qui apprécie avec sagesse les cas dans lesquels le recours à un médiateur peut permettre de trouver un consensus entre les deux parties, entre les deux parents.
L’expérimentation que vous proposez n’a donc guère de sens. Il s’agit simplement, comme pour les autres textes que vous nous avez déjà présentés, de déjudiciariser à tous crins.
M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.
M. François Pillet. Selon moi, l’adoption de ces amendements identiques enverrait un très vilain signe à la médiation et au traitement alternatif de certains conflits, en particulier en matière familiale.
On le sait bien, les contentieux les plus irrationnels sont l’apanage des conflits familiaux. Les enfants représentent traditionnellement les armes des deux parties en cause et le juge, même s’il prend la meilleure décision possible, ne peut traiter un conflit qui, se développant dans le temps, permet aux époux de se nuire l’un l’autre.
Ce serait desservir la médiation que d’adopter ces amendements, car celle-ci est peut-être, dans le domaine familial, la seule manière de gérer correctement un conflit que le juge ne peut éteindre par sa seule décision.
Ce serait donner une image très négative de ce mode alternatif de résolution des conflits, qui a fait ses preuves, en particulier pour ce qui concerne les plus durs d’entre eux.
Au surplus, je ne comprends pas le maintien de ces amendements, puisque les dérogations prévues, lesquelles permettent au juge de ne pas faire systématiquement appel à la médiation, ont été conservées dans le texte qui nous est soumis.
En outre, il s’agit, je le rappelle, d’une expérimentation. Je ne vois pas pour quelles raisons on se paierait le luxe de ne pas expérimenter une solution qui a déjà fait ses preuves dans notre droit, en particulier dans le règlement des conflits familiaux.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 43 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)