Article 14
(Non modifié)
Avant le dernier alinéa de l’article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’avocat est tenu de conclure avec son client une convention d’honoraires pour les procédures de divorce. Des barèmes indicatifs des honoraires pratiqués par les avocats pour ces procédures, établis à partir des usages observés dans la profession, sont publiés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, pris après avis du Conseil national des barreaux. Ces barèmes sont révisés au moins tous les deux ans. »
M. le président. L'amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 2, deuxième et troisième phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Au travers de cet amendement, nous souhaitons supprimer la disposition de l’article 14 relative au barème indicatif des honoraires pratiqués par les avocats pour les procédures de divorce.
Nous sommes tout à fait favorables à la disposition de l’article qui oblige les avocats à conclure une convention avec leurs clients. Celle-ci est absolument indispensable pour améliorer le conseil rendu aux clients et apporter plus de transparence.
En revanche, sur le point particulier des « barèmes indicatifs […] établis – en fonction de qui et de quoi ? – à partir des usages – lesquels ? – […], publiés par arrêté du garde des sceaux […] après avis du Conseil national des barreaux », nous sommes en désaccord. Cette disposition tout à fait atypique, nous semble-t-il, n’a pas lieu d’être.
Je sais que M. le rapporteur a tenté, conformément à sa pratique habituelle, de trouver une solution modérée et consensuelle (Sourires.), mais je ne crois pas que celle-ci soit réellement efficace.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Lors de la première lecture de ce texte, je le rappelle, chacun trouvait très utile d’apporter un minimum d’information sur les coûts du divorce aux couples qui sont amenés à emprunter cette procédure et qui, en général, n’en ont pas l’habitude.
Beaucoup de gens doutaient que nous puissions trouver une solution qui convienne à tous. Or nous y sommes parvenus. J’y insiste : il s'agit de barèmes indicatifs, et nous ne tenons donc pas la plume des avocats.
Dans ces conditions, – vous le comprendrez, mes chers collègues – il ne me paraît pas souhaitable de revenir sur une disposition que nous avons votée, et j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 42 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Mézard, j’ai beaucoup de peine à comprendre le sens de votre amendement.
En effet, nous traitons ici de contentieux familial, et il s'agit simplement de donner quelques informations à des gens qui ont engagé une procédure de divorce ou qui doivent régler d’autres problèmes de famille devant le juge, mais qui ne sont pas des habitués de la justice.
En rendant obligatoire la conclusion d’une convention d’honoraires, nous faisons en sorte que les clients ne soient pas dans la main des avocats parce qu’ils ignorent ce qui se pratique en la matière.
Il s'agit d’information ! Cette disposition vise uniquement à créer un barème établi d’après les usages. Très honnêtement, il faut donc la maintenir en l’état, me semble-t-il. Nous ne pouvons pas refuser d’apporter une information supplémentaire à des gens qui ne sont pas des habitués des palais de justice. Ce texte n’empêchera pas les avocats de fixer leurs honoraires, mais au moins les clients sauront sur quelle base ils peuvent discuter avec eux.
Monsieur Mézard, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, car si vous souhaitez faciliter l’accès de tous à la justice, il faut aussi prendre en compte cette question.
M. le président. Monsieur Mézard, l'amendement n° 42 rectifié est-il maintenu ?
M. Jacques Mézard. Je ne suivrai pas les recommandations de M. le garde des sceaux : s'agissant de l’accès à la justice, la priorité serait plutôt de renforcer l’aide juridictionnelle, en augmentant les moyens qui lui sont accordés.
M. Jacques Mézard. Pas suffisamment. En effet, le véritable problème est là : ce sont nos concitoyens les plus défavorisés qui éprouvent le plus de difficultés à accéder à la justice, dans tous les domaines et de plus en plus en matière pénale, ce qui est particulièrement regrettable.
Je comprends bien que cette disposition a surtout un usage médiatique. Il n’en reste pas moins qu’il n’y a guère de sens à viser uniquement les procédures de divorce, qui ne constituent qu’une minorité des cas dont sont saisis les juges aux affaires familiales, surtout au travers d’un barème indicatif, établi dans des conditions sur lesquelles nous n’avons guère de précisions. Tout cela ne signifie rien, sauf en termes de communication.
Je maintiens donc cet amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Pour ma part, je souscris tout à fait aux propos de M. Mézard sur l’insuffisant financement de la justice et la nécessité de réformer profondément l’aide juridictionnelle. Je partage également son sentiment lorsqu’il affirme que cette disposition devrait non pas s’appliquer uniquement aux procédures de divorce, mais être généralisée. Toutefois, je ne puis soutenir l’amendement qu’il a défendu.
En effet, cette disposition de l’article 14 constitue un progrès, et elle est fortement encadrée.
Ces barèmes indicatifs sont tout de même réclamés depuis des années par les barreaux et les associations de consommateurs.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Alain Anziani. Dans le passé, un dispositif similaire a d'ailleurs été annulé au motif qu’il n’était pas conforme à notre droit et en particulier au principe de la libre concurrence.
Ici, il s'agit de barèmes indicatifs, qui sont établis après avis du Conseil national des barreaux à partir des usages observés dans la profession et qui sont révisés tous les deux ans. Je le répète, il s'agit d’un progrès. Il me semble donc que nous sommes sur la bonne voie, même si nous devrions aller plus loin.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 1 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 15 |
Contre | 301 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants afin de permettre les derniers préparatifs de la retransmission, par Public Sénat et par France 3, des questions cribles thématiques.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quarante-cinq, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
9
Questions cribles thématiques
malaise des territoires
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le malaise des territoires.
L’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Je vous rappelle que ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de Frédéric Taddéï.
Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été mis à la vue de tous.
La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, depuis vingt ans, les lois de décentralisation successives et les progrès de l’intercommunalité ont engendré de réelles dynamiques territoriales en favorisant l’initiative et le développement local.
Elles ont placé les élus territoriaux au cœur de cette démarche qui, grâce à un partenariat souvent fructueux avec l’État, a porté ses fruits.
Aujourd’hui, plus de 70 % des investissements publics sont réalisés par les collectivités locales. Elles exercent en effet de nombreuses compétences en matière d’aménagement du territoire et d’organisation des services de proximité.
Cette dynamique incontestable a également favorisé l’émergence d’une nouvelle attractivité des territoires. À cette dynamique s’ajoute l’aspiration croissante de la population à s’installer en milieu rural.
Toutefois, force est de constater qu’une inquiétude grandissante gagne actuellement nos collectivités en raison de l’affaiblissement considérable de leurs marges de manœuvre. Nos finances locales sont en effet particulièrement touchées par le gel des dotations de l’État et par les conséquences de la réforme de la fiscalité locale, et, de ce fait, se dessine une inadéquation entre les compétences des collectivités territoriales et les moyens dont elles disposent pour les exercer.
Dans le même temps, le maillage territorial des services publics est remis en cause par une diminution trop systématique du nombre des agents de l’État, à tel point que les possibilités de développement des collectivités sont parfois elles aussi remises en cause.
Cette situation provoque effectivement un malaise dans les territoires et, force est de le reconnaître, c’est le pacte de confiance entre les collectivités locales et l’État qui est mis à mal. Dans ce contexte, ce sont les collectivités et les territoires les plus fragiles qui souffrent le plus, ce qui rend la solidarité nationale plus que jamais nécessaire.
Aussi ai-je deux questions à vous poser, monsieur le ministre.
Tout d'abord, les dispositifs de péréquation verticale en faveur de ces territoires seront-ils maintenus et renforcés, et les mesures d’appui au développement des zones de revitalisation rurale, en cours d’expertise, seront-elles reconduites ?
Plus généralement, comment garantir demain aux collectivités des ressources propres suffisamment vigoureuses et pérennes afin que ne soit pas remise en cause leur forte implication dans l’investissement public, et que soit ainsi préservée une dynamique territoriale qui a fait ses preuves ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur Pierre Jarlier, j’aurai sans doute l’occasion, cet après-midi, de revenir sur un certain nombre des points que vous avez évoqués, mais je répondrai tout d'abord de manière précise à vos questions.
Permettez-moi de vous rappeler que le développement de la péréquation est une préoccupation constante du Gouvernement ; nous travaillerons bientôt à nouveau sur ce sujet afin de formuler des propositions.
En 2012, si le Gouvernement maintiendra le gel des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales – je rappelle qu’ils se montent à 50,6 milliards d'euros sur plus de 100 milliards d'euros de reversements de l’État –, il a pour objectif d’augmenter la dotation de solidarité rurale, ou DSR, de près de 40 millions d'euros. Cette dernière atteindra ainsi 891 millions d'euros, alors qu’elle ne représentait que 420 millions d'euros en 2004.
Le dispositif de « DSR-cible » que vous avez proposé l’an dernier sera naturellement reconduit, afin que les communes les plus fragiles soient celles qui bénéficient du soutien le plus important.
Enfin, pour l’avenir, je présente, dans le projet de loi de finances pour 2012, un article sur le fonds de péréquation des recettes fiscales intercommunales et communales, le FPIC. La loi de finances pour 2011 avait instauré un fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, perçus par les départements. Nous souhaitons créer un système similaire pour les communes et intercommunalités. Le FPIC redistribuera environ 250 millions d'euros dès l’an prochain, et plus de 1 milliard d'euros à l’horizon 2015, afin que les communes, et notamment les plus petites d’entre elles, qui éprouvent des difficultés, puissent bénéficier des dynamiques existantes.
Grâce à ce système, les intercommunalités et communes isolées de moins de 10 000 habitants devraient recevoir 53,5 millions d'euros, pour un prélèvement de 35,9 millions d'euros, ce qui constitue là encore une possibilité de favoriser les petites communes. Les intercommunalités rurales seront donc bien le lieu privilégié de la péréquation et de la solidarité nationale.
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, pour la réplique.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le ministre, j’aurais aimé obtenir une réponse à ma question sur le maintien des mesures d’appui au développement des zones de revitalisation rurale. En effet, ce sont des dispositifs très importants pour compenser les handicaps naturels de certains secteurs qui sont en difficulté. Ces mesures ont permis d’attirer des entreprises et ont contribué de manière notable au développement local. Dans les zones rurales, nous souhaitons donc vivement le maintien de ces dispositifs.
Concernant la péréquation, monsieur le ministre, je suis heureux d’apprendre qu’elle sera poursuivie l’an prochain. Je voudrais toutefois faire une remarque : nous passons tout de même d’un dispositif de péréquation verticale à un dispositif de péréquation horizontale, puisque l’enveloppe est fermée. Il faut donc trouver des moyens dans le complément de garantie ou dans les dotations de compensation pour alimenter la péréquation verticale, qui consiste donc désormais en une répartition à l’intérieur de l’enveloppe fermée.
En revanche, j’observe avec satisfaction que le principe de la péréquation horizontale, sur lequel nous avons travaillé, sera bien inscrit dans le projet de loi de finances pour 2012.
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le malaise des territoires a donné lieu, voilà quelques semaines, à une expression démocratique des élus locaux.
À mon sens, la principale cause de ce malaise est la question des ressources des collectivités territoriales et des financements susceptibles d’être mobilisés pour l’investissement. Chacun le sait, en France, les collectivités territoriales assurent plus de 70 % de l’investissement public. Or il existe aujourd'hui des interrogations quant aux moyens dont elles disposent pour financer cet investissement.
Ces interrogations portent tout d'abord sur les ressources traditionnelles des collectivités territoriales, qui proviennent du budget de l’État : du fait de leur gel, la situation est inquiétante ; elle est d’ailleurs ressentie comme telle... En outre, les réformes mises en œuvre ces dernières années – je pense notamment à la réforme de la taxe professionnelle, mais ce n’est pas la seule – ont amenuisé l’autonomie et la capacité de prélèvement de ressources des collectivités.
S’ajoutent à cela les difficultés liées aux emprunts. Il n’est pas rare d’entendre dire, par certains élus territoriaux, qu’ils n’arrivent plus à trouver de banque pouvant apporter tous les financements nécessaires. De ce fait, certains projets sont à l’arrêt ou du moins retardés.
Enfin, messieurs les ministres, à en juger par ce qui s’est dit ces derniers jours, le Gouvernement a la volonté d’accentuer encore l’effort demandé aux collectivités territoriales, en leur réclamant 200 millions d'euros supplémentaires dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. Cela entraîne, pour les élus locaux, une totale incertitude quant à la capacité qu’ils auront demain de financer des projets d’investissement.
La question du maintien d’un service public de proximité est donc posée. De fait, si le Gouvernement ne prend pas conscience du besoin d’améliorer le financement des collectivités territoriales, je crains que nous n’allions au devant de très lourdes catastrophes, car de nombreux projets publics seront arrêtés, avec les conséquences que l’on sait sur notre économie, et plus encore sur notre service public de proximité.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le sénateur François Marc, permettez-moi de vous répondre tout d'abord qu’il revient aux collectivités territoriales, comme à l’État, de participer à l’effort que la nation se doit de fournir pour stabiliser les finances publiques.
Si l’on ôte au budget de l’État les reversements aux collectivités territoriales, il lui reste environ 280 milliards d'euros ; si l’on fait le total de l’ensemble des budgets des collectivités territoriales, on obtient un budget de 220 à 230 milliards d'euros. Ces chiffres montrent que, si le budget de l’État est plus important que celui des collectivités, les ordres de grandeur sont désormais comparables. Il est donc évident que, si l’effort que doit fournir la nation inclut évidemment celui de l’État, qui s’est beaucoup plus endetté que les collectivités territoriales,…
M. Philippe Richert, ministre. … il nous faut également prendre en compte le budget des collectivités.
Permettez-moi maintenant de vous répondre, monsieur le sénateur, au sujet de la taxe professionnelle. Sa suppression, vous le savez, a été entièrement compensée ; c’est la réalité…
M. Jean-Jacques Mirassou. Mais non !
M. Roland Courteau. C’est faux !
M. Philippe Richert, ministre. … et personne ne peut dire le contraire.
Avant la réforme de la taxe professionnelle, le bloc communal – communes et intercommunalités – pouvait fixer ses recettes de manière autonome à hauteur de 47 % de son budget ; aujourd'hui, il le peut à hauteur de 41 %. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Permettez-moi enfin d’aborder l’importante question des emprunts. Nous le savons, certaines collectivités territoriales n’ont pas obtenu de réponse à leurs demandes de prêt. C'est pourquoi le Premier ministre a demandé à la Caisse des dépôts et consignations de libérer 3 milliards d'euros, sur le modèle de ce qui avait été fait en 2008 : une moitié sera directement versée aux collectivités territoriales, et l’autre sera fournie aux banques afin de permettre les refinancements nécessaires.
J’ai rencontré les dirigeants des banques qui travaillent avec les collectivités territoriales : cette somme correspond aux besoins que nous avons identifiés. La décision du Premier ministre permettra aux collectivités territoriales de continuer à financer 70 % de l’investissement public.
M. Jean-Jacques Mirassou. On ne vous croit pas !
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour la réplique.
M. François Patriat. Monsieur le ministre, je comprends bien votre réponse, mais il n’en reste pas moins que les collectivités territoriales – vous le savez, étant vous-même président de région – se trouvent aujourd'hui dans un état de désarroi et d’inquiétude à cause des difficultés insurmontables auxquelles elles doivent faire face.
Preuve en a été donnée dans les urnes il y a quelques semaines. De fait, les résultats des élections sénatoriales s’expliquent à mon sens par le divorce entre les territoires et le pouvoir, par la colère montante des collectivités qui constatent que la manière dont on leur a présenté les trois réformes ne correspond absolument pas à la réalité…
M. Roland Courteau. On nous a trompés !
M. François Patriat. … puisque ces réformes ont entraîné une diminution de leurs ressources…
M. Roland Courteau. Tout à fait !
M. François Patriat. … et de leur autonomie, et n’ont pas dissipé le flou qui entoure leur avenir.
J’en veux pour preuve le fait que le rendement de la part de taxe intérieure sur les produits pétroliers, TIPP, qui a été attribuée aux régions baisse, alors même que cette ressource nous avait été présentée comme dynamique. En outre, les collectivités territoriales ignorent à deux mois de la fin de l’année le montant de la CVAE – cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – promise. Elles savent bien que la diminution se poursuivra l’année prochaine.
En un mot, après leur avoir fait les poches, après avoir diminué leurs ressources, voici que l’État cloue les collectivités territoriales au pilori comme responsables des difficultés que connaît aujourd'hui notre pays.
M. Roland Courteau. Effectivement. C’est la vérité !
M. François Patriat. À la veille de leur débat d’orientation budgétaire, à la veille donc d’établir leur budget, les collectivités territoriales ne disposent plus des mêmes ressources que par le passé, leur perte n’ayant même pas été intégralement compensée si l’on tient compte de l’inflation. Celle-ci a, par exemple, déjà fait perdre plus de 2 millions d'euros à la région que je préside, et nous ne savons pas de quoi demain sera fait !
Alors même qu’on transfère des compétences supplémentaires aux collectivités territoriales et qu’on leur demande d’assumer davantage de responsabilités, ces collectivités – en particulier les régions – n’ont plus la maîtrise de leur devenir. C'est la raison pour laquelle, vous le comprendrez, nous ne pouvons pas accepter la réponse qui nous est donnée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC ainsi que sur plusieurs travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le résultat historique des élections sénatoriales du 25 septembre dernier (Protestations sur les travées de l’UMP. – Eh oui ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV) traduit clairement le malaise des territoires ainsi que la défiance croissante des élus.
Réforme des collectivités territoriales, « casse » des services publics de proximité – la poste, l’école, l’énergie et j’en passe ! –, schémas départementaux de coopération intercommunale largement rejetés, réforme des finances locales et suppression de la taxe professionnelle, voici, très clairement, les causes du malaise !
Tout cela est vécu par les élus comme une rupture du pacte qui devrait réunir État et collectivités territoriales au service des populations, quand frappent durement la crise économique, la précarité de l’emploi, des conditions de vie difficiles et quand règne l’incertitude du lendemain.
Cette rupture est sensible quand on examine les relations financières entre l’État et les collectivités locales.
En 2012, comme cette année, les dotations budgétaires de l’État vont être gelées en euros courants, c’est-à-dire qu’il n’y aura pas un euro supplémentaire confié aux élus locaux pour répondre aux besoins de la population,…
M. François-Noël Buffet. Il faut faire des économies !
M. Éric Bocquet. … pas un euro de plus pour la petite enfance, pour la santé, pour l’éducation, pour l’entretien du patrimoine, pour les travaux nécessaires à la qualité du service public local, à l’assainissement comme à la préservation de l’environnement, à la prévention des accidents routiers comme aux économies d’énergie !
Tout cela, pourquoi ? Tout simplement parce qu’il faut se plier aux injonctions des agences de notation et des marchés financiers et réduire le déficit de l’État, quitte à y faire contribuer, sans contrepartie, les élus locaux et les citoyens. Il est bien loin le temps où la politique de la France ne se faisait pas à la corbeille !
Accorder les moyens nécessaires aux collectivités locales, on l’a rappelé, c’est soutenir plus de 70 % des investissements publics, irriguer le tissu économique et résister à la crise qui nous touche : les collectivités doivent être regardées par le Gouvernement comme un levier utile pour aider notre pays à sortir de cette crise.
Monsieur Richert, avez-vous l’intention de persévérer en 2012 dans la voie du rationnement des moyens financiers des collectivités locales, en gelant dotations et ressources fiscales et en organisant la péréquation de la pénurie au moment même où les attentes de nos citoyens sont particulièrement fortes ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et sur plusieurs travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le sénateur Éric Bocquet, vous avez raison de dire que les collectivités sont des outils au service de notre République, des leviers pour dynamiser les territoires et nous permettre d’être plus réactifs pour relever les grands enjeux face auxquels nous nous trouvons.
M. Yves Rome. Bravo ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. Philippe Richert, ministre. Pour autant, permettez-moi de dire que nous ne pouvons pas faire comme si les contraintes budgétaires actuelles, tant internes qu’internationales, n’existaient pas. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
Permettez-moi également de rappeler que lorsque la crise a frappé notre pays et que les recettes de l’État ont chuté de 20 %...
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. À qui la faute ?
M. Philippe Richert, ministre. Mesdames, messieurs, c’est un peu trop facile : nous ne sommes tout de même pas le seul pays en ce monde qui ait vu la crise s’abattre sur lui en 2008 ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Eh bien, avec 20 % de recettes en moins, le Gouvernement n’en a pas moins décidé de compenser intégralement la taxe professionnelle aux collectivités locales…
M. Bernard Piras. C’est faux !
M. Philippe Richert, ministre. … et de maintenir globalement leurs ressources au même niveau qu’avant. (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Les reversements de l’État, qui ont été de 99 milliards d’euros cette année, atteindront sans doute au cours de l’année à venir 100 milliards d’euros, c’est-à-dire 1 milliard d’euros supplémentaires : voilà la réalité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Au cœur de cette crise, qui est la plus grave que nous ayons connue,…
M. Roland Courteau. Elle a bon dos, la crise !
M. Philippe Richert, ministre. … l’État reste donc au rendez-vous des collectivités, avec des moyens qui, certes, ne sont pas en expansion infinie mais qui permettent de faire face. (M. Claude Bérit-Débat s’exclame.)
Enfin, nous ne sommes pas au garde-à-vous devant les agences de notation,…
M. Bernard Piras. Si !
M. Philippe Richert, ministre. … mais permettez-moi de rappeler que, si certains considèrent qu’il est possible de s’engager dans la « démondialisation » et de faire comme si la mondialisation n’existait pas, la France est bel et bien dans le monde et qu’elle ne peut s’exonérer de l’obligation de regarder en face les réalités de ce monde ! (M. Jackie Pierre applaudit.) Or, de ces réalités il découle que, si la notation de la France baisse, il sera plus cher demain d’emprunter…