M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord souligner une nouvelle fois les apports de Mme le rapporteur Sylvie Desmarescaux à ce texte. Je pense notamment à la question du prêt de main-d’œuvre en lien avec les partenaires sociaux – il s’agit, me semble-t-il, d’un véritable gisement d’emplois – et aux groupements d’employeurs. Il me paraît très important de prendre en compte les discussions entre les partenaires sociaux.
Madame Gonthier-Maurin, vous avez abordé le taux d’insertion des apprentis. Sachez que 82 % des publics concernés ont moins d’un an d’ancienneté. Comparez ces chiffres avec le taux de 60 % en vigueur du temps des emplois-jeunes de Mme Aubry : il n’y a vraiment pas photo !
M. Jean-Claude Carle. Eh oui !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Je n’ai jamais été ministre du travail, excusez-moi !
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous voyons clairement lequel de ces deux systèmes sert le mieux les intérêts des jeunes !
Permettez-moi d’évoquer un débat qui tarde à débuter du fait de l’attitude du parti socialiste et de la gauche, qui parlent très peu des solutions possibles : il me paraît peu responsable de proposer aux jeunes des emplois publics qui ne dureront que quelques mois avec de l’argent public que l’on n’a pas ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous, nous faisons le choix de proposer aux jeunes un avenir dans l’entreprise !
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous avez aussi abordé la question de la taxe d’apprentissage ; il est d’ailleurs curieux de vous entendre défendre les grandes écoles. Pour notre part, nous avons levé le quota au profit des centres de formation d'apprentis et des lycées professionnels qui font de l’apprentissage. Nous restons ouverts sur la question des grandes écoles, mais il faut tout de même savoir ce que l’on veut. À cet égard, j’ai trouvé vos propositions pour le moins surprenantes.
Quant à vos critiques sur le contrat de sécurisation professionnelle, elles m’ont paru tellement excessives que je me suis demandé s’il ne s’agissait pas en d’une pique adressée aux partenaires sociaux. Je vous laisse donc la responsabilité de vos propos. Pour notre part, nous pensons qu’il faut être réaliste, raisonnable et responsable, ce qui n’empêche nullement d’être ambitieux !
Monsieur Carle, comme vous le savez, avec Nadine Morano, nous sommes en train de réformer la taxe d’apprentissage par voie réglementaire. Mais, rassurez-vous, nous associerons évidemment les parlementaires les plus impliqués dans cette démarche. Vous êtes d’ailleurs bien placé pour savoir qu’il s’agit d’un sujet sensible. À terme, notre réforme permettra de réorienter 400 millions d’euros par an de taxe d’apprentissage vers l’apprentissage. Cela faisait longtemps que vous nous interpelliez en ce sens ; vos vœux sont à présent exaucés !
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. Je vous remercie également de votre amendement sur les contrats de professionnalisation. Le dispositif que vous proposez permettra de mettre de l’ordre dans les périodes de professionnalisation et de réorienter rien de moins que 300 millions d’euros sur les contrats de professionnalisation. Discrètement, c’est donc une réforme fondamentale que vous enclenchez !
Madame Férat, vous avez souligné à juste titre l’apport que constitue l’ouverture aux particuliers employeurs des contrats de professionnalisation. Je sais que des négociations auront lieu sur le sujet. Je sais aussi que vous avez à cœur d’enrichir ce texte, notamment en améliorant la transposition de l’accord conclu par les partenaires sociaux avec la prise en compte de l’ancienneté des stagiaires pour leurs droits. Nous saluons cette initiative.
En ce qui concerne l’apprentissage dans la fonction publique, sujet évoqué par Jean-Claude Carle, certes l’État peut faire des progrès. Cependant, nous sommes confrontés à un problème, celui de l’égalité d’accès à l’emploi public. Cet accès, qui se fait par concours, doit être articulé à l’apprentissage. La piste du « gagnant-gagnant » est peut-être à explorer. Pourquoi ne pas envisager l’apprentissage dans la fonction publique comme une formule d’études payées en échange d’une obligation de servir, comme cela se pratique déjà pour les infirmières ? Certains ont même pensé à aller plus loin, mais il ne faudrait pas non plus que cela conduise à transférer une charge supplémentaire sur les collectivités en raison du pacte que l’État a souhaité conclure avec elles.
Comme vous, je pense que les écoles de production offrent une excellente solution pour l’insertion des jeunes. Il conviendrait d’annualiser juridiquement la meilleure réponse à apporter pour en étendre la formule, Nadine Morano et moi-même sommes prêts à en discuter avec vous.
Madame Schillinger, je ne peux pas vous laisser dire que l’avis des partenaires sociaux n’a pas été pris en compte. Deux accords nationaux interprofessionnels ont été conclus sur le sujet. Au reste, six accords sont intervenus depuis le début de l’année. Quant à tous ceux qui pronostiquaient que le dialogue social serait en panne dans notre pays après la réforme des retraites, ils en sont pour leurs frais !
En réponse à Mme Printz, je rappelle que l’État a mis 350 millions d’euros par an sur la table en faveur des contrats d’objectifs et de moyens. La proposition que nous faisons avec Nadine Morano est simple : pour tout euro de la région, l’État donnera également un euro.
Mme Gisèle Printz. Mais la région le fait déjà !
M. Xavier Bertrand, ministre. Cela n’a pas toujours été le cas par le passé ! Bien souvent, quand l’État versait 1 euro, la région versait 20 centimes d’euro. Quoi qu’il en soit, laissons les réflexes partisans de côté…
L’intention du Gouvernement est bien de faire profiter les jeunes de ces mesures, car tout le monde y gagnerait. Je ne doute pas que celles et ceux qui bénéficieront d’un contrat d’apprentissage et auront un débouché vers l’emploi nous en seront reconnaissants ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par M. Kerdraon, Mmes Printz, Schillinger, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Demontès, Ghali et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Godefroy, Gillot, Jeannerot, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels (n° 660, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Ronan Kerdraon, auteur de la motion.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien des raisons justifient le renvoi en commission de la proposition de loi pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels. Ces raisons portent tant sur le fond que sur la forme de nos travaux. Mes collègues Gisèle Printz et Patricia Schillinger ont d’ailleurs exposé certaines d’entre elles au cours de la discussion générale.
La précipitation avec laquelle il nous a été demandé d’examiner ce texte n’est pas conforme aux exigences de sérieux et d’expertise qui doivent présider au travail du législateur. Nous en avons encore eu la preuve ce matin en commission, puisque l’opposition y était majoritaire, ce qui me conduit à douter du soutien de la majorité à ce texte.
M. Guy Fischer. Il n’y avait personne de la majorité en commission ce matin, sauf Mme la présidente de la commission !
M. Ronan Kerdraon. À l’Assemblée nationale, cela a été rappelé par Patricia Schillinger, le vote final a eu lieu mardi 21 juin vers seize heures cinquante. Au Sénat, le délai limite pour le dépôt des amendements en commission avait été fixé par la conférence des présidents à dix-sept heures le même jour. Il était donc très difficile de déposer des amendements sur une proposition de loi qui ne nous avait pas encore été transmise, sauf à le faire hors délai, ce qui a d’ailleurs été accepté.
À trois cents jours de l’élection présidentielle, on voit que les grandes manœuvres ont commencé autour de l’alternance et de l’apprentissage, à grand renfort de plans de communication. Mme la ministre en a cités quelques-uns.
Le texte qui nous est proposé fait écho aux propos du Président de la République, qui, le 1er mars dernier, à Bobigny, annonçait : « L’alternance c’est une formule gagnante pour tout le monde. Nous allons donc nous fixer des objectifs ambitieux et prendre des décisions. » Nous sommes d’accord avec lui, mais nous ne sommes pas dupes de ce discours, relayé avec beaucoup de zèle par les membres du Gouvernement et de la majorité. Vous donnez le sentiment d’avoir trouvé avec l’apprentissage l’antidote susceptible de guérir le « cancer » du chômage des jeunes !
Malheureusement, le nombre d’apprentis ne se décrète pas. Il relève des entreprises, de l’évolution de leur carnet de commandes et non de la volonté d’un homme, quand bien même celui-ci serait chef de l’État.
En déposant cette motion de renvoi en commission, je nous invite à réfléchir à ce que devrait être un véritable plan pour l’alternance et l’apprentissage.
A priori, il s’agit là d’un thème consensuel. Quelle que soit notre place dans cet hémicycle, nous souhaitons tous encourager l’apprentissage et faire en sorte qu’il débouche sur un emploi pour les jeunes, comme nous avons pu le constater lors des rencontres sénatoriales de l’apprentissage, qui se sont tenues il y a quelques semaines.
Nous mesurons tous combien l’apprentissage est un outil formidable pour insérer les jeunes, en particulier ceux des banlieues, qui sont touchés par le chômage pour près de 40 % d’entre eux.
Les chiffres sont cruels et ne mentent pas. Dans la catégorie des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans, le taux de chômage atteint 23,2 % en 2011, soit un taux plus de deux fois supérieur à celui des adultes et de trois points au-dessus de la moyenne européenne, qui se situe à 20,6 %.
Pendant ce temps, Pôle emploi, selon un rapport du Conseil économique, social et environnemental, va perdre 1 800 agents. Par ailleurs, les missions locales sont en train de se séparer des quelque 1 000 conseillers que le plan de relance avait permis de recruter pour faire face à une augmentation de 30 % du chômage des jeunes.
M. Guy Fischer. Les missions locales sont étranglées, asphyxiées !
M. Ronan Kerdraon. Pourtant, le chômage des jeunes n’a baissé que de 6 %. Faut-il également rappeler que les financements, effectivement bien perçus par les régions, ne sont pas répercutés au niveau des missions locales ? J’en sais quelque chose pour en présider une !
Les objectifs affichés de la proposition de loi sont triples : améliorer la situation et l’insertion des jeunes sur le marché du travail par le développement de l’alternance, sécuriser les parcours professionnels tout au long de la vie, ouvrir le débat sur le partage de la valeur ajoutée. Il s’agit d’intentions louables, mais encore faudrait-il se donner les moyens de les concrétiser !
J’observe déjà que le texte dont nous débattons aujourd’hui est amputé des deux mesures phare qui avaient pourtant été annoncées : l’obligation d’embauche en alternance et la répartition de la valeur ajoutée.
Certes, tout n’est pas à rejeter dans cette proposition de loi, comme l’a souligné ma collègue Gisèle Printz. Nous saluons d’ailleurs la qualité du travail de notre rapporteur, qui a œuvré avec sérieux et conviction sur ce texte. Cet exercice était quelque peu malaisé compte tenu des conditions que j’ai décrites en débutant mon propos.
Cela étant posé, entrons dans le vif du sujet.
Nous reprochons à ce texte son caractère fourre-tout ainsi que la faiblesse des priorités affichées et des moyens financiers alloués. Il est fourre-tout, parce que les deux mesures phare ont été supprimées. Un tel manque d’ambition laisse une impression de bricolage.
En outre, ce texte comporte de fausses bonnes idées dont l’application pourrait entraîner des difficultés. Il en va ainsi de l’article 1er, qui a pour objet de créer une carte d’étudiant des métiers. En 2005, la loi dite « Borloo » l’avait déjà instituée sans grand succès. L’intérêt d’une telle mesure serait de contribuer à l’accès à la culture, aux transports, au logement et à l’ensemble des services nécessaires à l’apprenti. Nous formons le vœu qu’il en soit ainsi.
L’article 2 vise à mettre en place un service dématérialisé. Avait-on besoin d’une loi pour cela ? Le futur portail internet permettra-t-il réellement aux jeunes qui le souhaitent de trouver une première information sur les métiers, les conditions de travail, les parcours professionnels possibles ou les salaires pratiqués ?
Je crains également fortement que ce texte ne soit l’occasion pour le Gouvernement de mettre en application la vieille idée d’abaisser l’âge légal de l’apprentissage à quatorze ans.
Pour notre part, nous sommes totalement opposés à la remise en cause de l’obligation scolaire jusqu’à seize ans et nous souhaitons voir réaffirmer le fait que le contrat d’apprentissage est un contrat de travail. Il est nécessaire que les apprentis acquièrent, avant de quitter le collège, un socle commun de compétences. Qu’en est-il de l’instauration d’un véritable service public de l’orientation et de la formation des professeurs principaux ?
Nous sommes dubitatifs devant la possibilité offerte à deux employeurs saisonniers d’embaucher une même personne.
Une fois de plus, nous avons le sentiment que bon nombre de mesures visent à répondre aux attentes d’une partie du MEDEF. Il en va ainsi des groupements d’employeurs.
On pouvait – pourquoi pas ? – envisager d’introduire plus de souplesse dans le dispositif existant. Mais le texte prévoit de supprimer toutes les règles relatives au nombre de groupements auxquels une entreprise peut adhérer. De plus, la coexistence dans une même entreprise de salariés issus de plusieurs groupements d’employeurs, appliquant des conventions collectives différentes, est loin d’être un élément de sécurisation. Le risque est grand que les droits des salariés soient nivelés par le bas ! C’est non pas un principe de souplesse qui prévaudra, mais une absence totale de règles, ce qui permettra tous les abus.
Madame la ministre, vous affichez l’objectif d’atteindre 600 000 apprentis en 2015. Nous pourrions partager cette ambition quantitative si les moyens financiers étaient au rendez-vous ! Cette ambition a un coût : 1 milliard d’euros. Or le projet de loi de finances rectificative permet tout au plus de mobiliser 70 millions d’euros.
Mme Gisèle Printz. Eh oui !
M. Ronan Kerdraon. Où trouver le reste ? Sans doute dans les « poches » des régions, lesquelles sont les grandes absentes de ce texte. Comment ces dernières pourront-elles mobiliser de telles sommes alors que leurs ressources sont gelées ?
Renforcer l’attractivité de la formation par alternance suppose de la revaloriser. C’est à cette tâche que se sont attachées les régions, qui – faut-il le rappeler ? – se sont vu transférer la compétence de la formation dès les premières lois de décentralisation. Il suffit pour s’en convaincre de voir l’engagement irréprochable des régions socialistes dans ce domaine. Il s’agit en effet de leur premier poste budgétaire puisqu’il représente au moins 30 % des dépenses.
Les régions valorisent les filières de l’enseignement professionnel, rendant leurs accès plus lisibles. Elles développent l’alternance dans le secteur public – ce que vous avez négligé de faire –, notamment dans les collectivités territoriales. Elles mettent l’accent sur la qualité des formations et sur l’amélioration des conditions matérielles dans lesquelles s’exerce l’apprentissage grâce à la modernisation de l’appareil de formation, à de meilleures conditions d’hébergement ou, encore, à l’aide à la mobilité des jeunes. Elles ont également largement rénové les CFA et développé des partenariats fructueux avec l’ensemble des organisations professionnelles ou consulaires gérant ces équipements.
En annonçant vouloir porter le nombre d’alternants de 600 000 à 1 million, l’État s’engage sur une compétence qu’il ne maîtrise pas et place les régions en situation de faire des choix difficiles, qui se traduiront nécessairement par une restriction des moyens consacrés aux autres voies de formation des jeunes. Bref, vous prévoyez de déshabiller Pierre pour habiller Paul, selon l’expression consacrée.
Faudra-t-il que les régions diminuent les moyens accordés aux lycées ? Devront-elles revoir à la baisse les efforts mis en œuvre pour les formations sanitaires et sociales ? Seront-elles obligées de « rogner » sur d’autres formes d’accompagnement des demandeurs d’emploi ?
Mes chers collègues, il est éminemment paradoxal de demander toujours plus d’efforts aux régions alors même que l’État diminue les moyens pour l’apprentissage, en prévoyant de ne pas renouveler les aides mises en place au plus fort de la crise. Je pense notamment à la fin de l’aide à l’embauche d’apprenti à hauteur de 1 800 euros pour les entreprises de moins de cinquante salariés et à l’arrêt des exonérations de cotisations sur les apprentis.
Comment croire dans les intentions du Gouvernement quand l’État pratique une politique de vases communicants particulièrement pernicieuse ? D’un côté, on supprime des sections en lycées professionnels ; de l’autre, on prévoit d’augmenter corrélativement les effectifs en sections d’apprentissage. Au final, c’est un transfert de charges de plus que doivent assumer les conseils régionaux.
Plus généralement, c’est la question du modèle financier global de l’alternance et de l’apprentissage qui est posée.
Pour ce qui concerne l’apprentissage, l’activité économique morose a provoqué une baisse de la taxe d’apprentissage ces deux dernières années.
De plus, les secteurs professionnels qui avaient « fongibilisé » leurs fonds de l’alternance vers l’apprentissage tendent à revenir sur leurs positions du fait de la mise en œuvre du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels.
Enfin, les charges de fonctionnement des CFA, pour l’essentiel composées de frais de personnels, sont en augmentation constante.
Tous ces facteurs engendrent un effet ciseau très délicat pour le plus grand nombre des centres de formation et entraînent de très grandes disparités d’un CFA à l’autre.
Il est inacceptable que les moyens des CFA soient si fluctuants, variant au gré de la politique d’attribution de la taxe par les collecteurs.
Pour garantir la pérennité du dispositif de formation et répondre aux enjeux de son développement, il est indispensable que le financement des CFA fasse l’objet d’une véritable réforme, qui passe par une refonte du fonctionnement de la taxe d’apprentissage.
Le dispositif actuel de collecte favorise l’opacité et les inégalités et aboutit à ce que 40 % du produit de la taxe d’apprentissage soient affectés à d’autres formations, au premier rang desquelles les grandes écoles de commerce !
À ces questions, votre texte n’apporte pas de réponse crédible, et les seules propositions concrètes visent à diminuer les contraintes des employeurs en allégeant la réglementation.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Ronan Kerdraon. Permettre l’apprentissage en emploi saisonnier fait courir un réel risque d’exploiter une main-d’œuvre à coût réduit, notamment dans des secteurs déjà très sensibles tels que l’hôtellerie-restauration, où la baisse de la TVA n’a d’ailleurs pas eu beaucoup d’effets.
Autoriser l’entrée en apprentissage à quinze ans remet évidemment en cause le principe de la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans. Le souhaite-t-on vraiment ?
La possibilité offerte par le texte d’enchaîner les contrats de professionnalisation ouvre grand la porte à des pratiques de sous-emploi et de précarisation. Est-ce bien votre objectif ?
La suppression du contrôle de la validation des contrats d’apprentissage par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, ou DIRECCTE, empêchera l’administration d’exercer son rôle de garde-fou. À l’heure où vous proposez par le biais de ce texte plusieurs mesures visant à déréguler le secteur de l’alternance, est-ce bien raisonnable ?
Comme cela a été souligné à de nombreuses reprises lors des débats à l’Assemblée nationale, votre précipitation à légiférer répond essentiellement à une logique d’affichage ainsi qu’à quelques préoccupations catégorielles qui nous privent d’une vision cohérente sur les objectifs réels qui vous poussent à développer l’alternance.
En parallèle, la proposition de loi ouvre un champ d’une grande complexité qui exige que nous ayons le temps et la possibilité d’en apprécier toutes les répercussions.
La logique de la proposition de loi est comptable et électoraliste : permettre à court terme de dégonfler les chiffres du chômage sans pour autant créer de nouveaux emplois !
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. Ronan Kerdraon. Majax le magicien n’aurait pas fait mieux !
Force est de constater que le grand texte annoncé sur l’emploi, et plus particulièrement sur l’emploi des jeunes, n’est pas au rendez-vous, bien au contraire ! Nous voici face à un texte rassemblant plusieurs mesures hétéroclites, dont on perçoit bien qu’il a été écrit à la va-vite, et sur lequel vous nous demandez de nous positionner dans l’urgence, à quelques jours de la fin de la session parlementaire.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous demande, au nom du groupe socialiste, de voter la motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Je tiens à remercier mes collègues du groupe socialiste de leurs propos fort aimables à mon égard. Je leur sais gré de se soucier de mon bien-être et de mes conditions de travail.
M. Jean-Claude Carle. Vous le méritez !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Quelle solidarité dans cette commission des affaires sociales ! (Sourires.)
Soyez sans crainte : je vais bien ! Voilà plusieurs semaines que je travaille sur le sujet. Le rapport que j’ai remis est donc le fruit d’une réelle réflexion.
Il est tout à fait normal que l’Assemblée nationale ait enrichi la proposition de loi au cours de son examen. En réalité, les députés ont apporté des modifications importantes, je dirais même nécessaires, en matière d’encadrement de l’apprentissage et des stages.
Quant aux partenaires sociaux, ne me dites pas que les principes du dialogue social ont été bafoués ! Au contraire, ils sont désormais pleinement pris en compte. Il y a encore deux ans, les syndicats n’auraient pas eu leur mot à dire sur l’élaboration d’une telle proposition de loi.
Désormais, grâce au protocole relatif à la consultation des partenaires sociaux sur les propositions de loi à caractère social, initié en 2009 par le président du Sénat, Gérard Larcher, et repris en 2010 par l’Assemblée nationale, toutes les organisations représentatives des salariés et des employeurs ont été consultées. Comme cela a été dit par Mme la ministre, par M. le ministre et par plusieurs intervenants, elles ont conclu deux accords nationaux interprofessionnels que la proposition de loi reprend. Je les ai moi-même auditionnées au Sénat pour préparer mon rapport.
Il n’y a donc pas lieu de donner suite à cette motion de renvoi à la commission.
Je reconnais toutefois, ainsi que je l’ai déjà dit, que nous avons été quelque peu brusqués,…
M. Guy Fischer. Quand même !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. … voire bafoués, mais tels sont les aléas du travail parlementaire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Ce travail a été fait à marche forcée !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Cela n’a pas empêché la commission des affaires sociales d’adopter mercredi dernier un texte équilibré et de qualité.
M. Guy Fischer. Les parlementaires sont méprisés !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Néanmoins, contre l’avis du rapporteur, la commission a émis un avis favorable à l’adoption de cette motion.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nadine Morano, ministre. Je tiens tout d’abord à rappeler à ceux qui ont l’air de l’oublier que nous examinons une proposition de loi et non un projet de loi. Nous agissons donc bien dans le cadre de l’initiative parlementaire. En l’occurrence, ce texte est l’initiative du député Gérard Cherpion.
M. Guy Fischer. M. Cherpion était en service commandé !
Mme Nadine Morano, ministre. De plus, la proposition de loi vise à transcrire la volonté des parlementaires, que le Gouvernement partage, de favoriser l’entrée des jeunes sur le marché de l’emploi. Après avoir entendu s’exprimer l’ensemble des orateurs, il convient surtout de retenir que le Sénat reconnaît l’apprentissage comme un facteur important et un levier utile dans ce domaine.
Mme Gisèle Printz. Naturellement !
Mme Nadine Morano, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez également été nombreux à rappeler que la France est en train de sortir d’une crise économique et financière qui a fortement touché les jeunes.
M. Guy Fischer. On est encore loin de la sortie de crise !
Mme Nadine Morano, ministre. Vous le savez, il y a urgence à agir. C’est pourquoi nous devons faire preuve de rapidité.
Vous avez souligné que les principales mesures seraient éclatées entre plusieurs textes. Mais l’essentiel est qu’elles soient adoptées par le Parlement. Qu’elles figurent dans un texte ou dans un autre, ce qui compte, c’est qu’elles soient au service des jeunes !
M. Guy Fischer. Au service de l’entreprise !
Mme Nadine Morano, ministre. J’en appelle au respect du travail des parlementaires. D’ailleurs, Mme le rapporteur vient de dire qu’elle avait longuement réfléchi sur le sujet, et vous reconnaissez vous-mêmes la précision et la qualité de son travail.
J’en appelle également au respect du dialogue social, puisque ce texte transcrit des propositions qui émanent d’un accord national interprofessionnel.
J’en appelle surtout au respect des jeunes, qui attendent notre action. Tel est notre devoir !
Cette motion de renvoi à la commission semble donc inutile au Gouvernement. Il y a urgence à agir pour les jeunes !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)