Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Bravo !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Absolument !
M. Jean-Claude Carle. Il est vrai que, dans ce ministère, certains pédagogues ne montrent que peu d’intérêt pour l’apprentissage. Je voudrais simplement leur dire que, pour moi, un apprenti en marche fait plus avancer la France qu’un pédagogue assis.
Mme Françoise Férat. Oh !
M. Guy Fischer. C’est une insulte aux pédagogues ! Vous jetez le discrédit sur les enseignants !
M. Jean-Claude Carle. Pas du tout !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Il a dit « un pédagogue » !
M. Jean-Claude Carle. La deuxième réponse consiste à donner une certaine souplesse au contrat d’apprentissage préparant au baccalauréat professionnel en trois ans en prévoyant, comme l’a voulu le rapporteur à l’Assemblée nationale, qu’un avenant puisse être signé au terme de la première année du contrat pour réorienter la formation vers l’obtention d’un certificat d’aptitude professionnelle.
Je tiens à remercier la commission d’avoir accepté mon amendement, qui permet d’aller plus loin que le dispositif proposé par Gérard Cherpion, en instaurant un véritable système « 1+2 » ou « 1+1 » permettant d’adapter l’apprentissage au baccalauréat professionnel en trois ans.
Ce système dit « 1+2 » ou « 1+1 » permet aux apprentis, tout en étant sous contrat d’apprentissage, de suivre une année de préparation générale qui sera validée et à l’issue de laquelle ils s’engageront soit vers un CAP, soit vers un baccalauréat professionnel. Cela permet aux jeunes de mûrir leur choix, aux employeurs de tester leur motivation, et ainsi de faire baisser le taux de rupture des contrats, évalué à 20 %.
Enfin, pour les « décrocheurs », la commission a également retenu l’idée d’un dispositif innovant de préparation à l’apprentissage afin de redonner une chance aux jeunes demandeurs d’emploi, qui rencontrent les difficultés les plus importantes.
Cette réforme sera notamment financée par la rationalisation de l’utilisation des périodes de professionnalisation dans les grandes entreprises, ce qui montre que nous avons essayé – et réussi, je l’espère – à conjuguer la justice sociale et la bonne gestion des deniers de la formation professionnelle.
Je tiens également à souligner le travail remarquable de notre rapporteur, Sylvie Desmarescaux, malgré les délais très courts qui lui étaient accordés.
Je formule le vœu, monsieur le ministre, madame la ministre, que les décrets et autres circulaires d’application soient publiés avec la même célérité que celle qui est demandée au Parlement pour examiner les textes.
Mmes Françoise Férat et Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, nous partageons la même conviction que l’apprentissage ne se développera pas sans la coopération complète des entreprises et que, pour y parvenir, il faut l’ouvrir à de nouveaux secteurs économiques, notamment le travail temporaire ou les activités saisonnières.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-Claude Carle. Je me réjouis également des propositions innovantes de la présidente de la commission, Mme Dini, comme la possibilité maintenant offerte aux particuliers employeurs de recourir aux contrats de professionnalisation.
Je souhaite également, à travers un amendement que j’ai déposé, aborder le cas des écoles de production et de leur statut juridique. En effet, ces écoles se révèlent être un outil particulièrement performant pour conduire les jeunes qu’elles forment vers l’emploi durable. Ces écoles poursuivent une démarche d’excellence par la force de la pédagogie du « faire pour apprendre », en conditions réelles de production et par la qualité des jeunes professionnels ainsi formés.
Les employeurs ne s’y trompent pas. Pour eux, le jeune ainsi formé est « du métier », ce qui est un atout décisif ; il n’est pas rare que des élèves finissent l’école avec plusieurs propositions d’emploi et le taux de placement en fin de cursus avoisine les 100 %. De plus, ces emplois s’inscrivent dans la durée. Un nombre significatif de ces jeunes se mettent à leur compte, notamment en tant qu’artisan.
Au-delà de ces avantages, il faut encore noter que les écoles de production, de part leur état d’« école-entreprise » ou d’entreprise intégrée dans l’école, permettent d’accueillir des élèves qui rencontreraient des difficultés pour s’insérer directement dans le monde du travail, comme l’exige une démarche d’apprentissage classique. Le travail éducatif, alors indispensable, qui n’est pas du ressort d’une entreprise ordinaire, trouve toute sa place dans le contexte d’une école de production.
Il n’est pas acceptable que ces écoles ne bénéficient pas d’une reconnaissance juridique suffisante de l’État, pour garantir à leurs élèves l’absence de discrimination par rapport à leurs camarades fréquentant les filières traditionnelles de l’apprentissage et de la formation professionnelle. C’est d’ailleurs le système scolaire dit « classique » qui les a exclus ou les a laissés sur le bord du chemin.
Enfin, je souhaite appeler l’attention du Gouvernement sur le décret d’application relatif à l’utilisation des machines dangereuses par les apprentis. Plus de deux ans après la promulgation de la loi du 24 novembre 2009, aucun texte réglementaire n’a été pris.
Dans notre pays, nous avons tendance à surprotéger et le principe de précaution est souvent dévoyé, invoqué à tort et à travers pour esquiver les problèmes. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités. Comment former des jeunes s’ils ne peuvent utiliser les machines indispensables à l’apprentissage de leur métier ?
La formation en alternance et l’apprentissage sont l’objet d’enjeux économiques et sociaux cruciaux pour notre pays. La proposition de loi revêt donc une importance particulière, dans la mesure où elle permettra aux générations futures de croire encore en l’avenir.
Un dispositif de formation moderne et sécurisé, tel que celui que nous proposons aujourd’hui, est une des conditions pour lutter efficacement contre le chômage. Ce texte constitue une étape importante. Il devra, pour être pleinement efficace, s’accompagner de mesures permettant d’optimiser les moyens dédiés à l’apprentissage, en particulier à la taxe d’apprentissage, à la collecte de cette dernière, à sa répartition et à son affectation.
Le groupe de l’UMP votera avec conviction et enthousiasme ce texte porteur d’avenir pour notre jeunesse. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un monde où les jeunes rencontrent de plus en plus de difficultés pour s’insérer sur le marché du travail et où les parcours professionnels sont marqués par une instabilité croissante, la présente proposition de loi constitue un volet important de la bataille pour l’emploi.
Cette proposition de loi, cela a été dit, concrétise le plan annoncé par le Président de la République à Bobigny le 1er mars dernier en faveur des jeunes suivant une formation en alternance.
Nous abordons aujourd'hui l’examen d’un texte pragmatique, dont les mesures les plus emblématiques sont, pour la plupart, relativement consensuelles.
Enfin, la présente proposition de loi met en œuvre l’interaction et la complémentarité entre démocratie sociale et démocratie parlementaire, sur lesquelles repose tout notre modèle social. Ainsi, le texte donne-t-il une base législative à l’accord national interprofessionnel que les partenaires sociaux ont signé le 7 juin dernier sur l’accès des jeunes aux formations en alternance et aux stages en entreprise.
En sens inverse, la proposition de loi vise à relancer le dialogue social sur des points aussi fondamentaux que le contrat de sécurisation professionnelle ou le groupement d’employeurs, en fixant un cadre de négociation, ce que nous ne pouvons que saluer. Ce n’est qu’en misant sur la démocratie sociale que nous ferons avancer les choses.
Même si ce processus global de coproduction législative est extrêmement constructif, je ne peux, hélas ! m’empêcher de tempérer mon enthousiasme par deux réflexions.
Première réflexion : une fois de plus, nous sommes confrontés à un phénomène de démembrement législatif puisque l’ensemble du plan concerné par la présente proposition de loi s’étend en réalité sur trois textes. En effet, cette discussion prolonge celle que nous avons eue sur l’article 8 du projet de loi de finances rectificative pour 2011, qui instaurait un système de bonus-malus dans le domaine de l’apprentissage.
De même, l’une des parties les plus importantes du texte originel est devenue la mesure phare du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011. Je veux bien sûr parler de la partie consacrée au partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise, …
M. Guy Fischer. La fameuse prime !
Mme Françoise Férat. … autrement dit de la fameuse prime de 1 000 euros.
Même s’il nous renvoie au débat actuel sur l’orthodoxie budgétaire et même s’il est évidemment justifié d’un point de vue technique par le principe du monopole fiscal que l’on met en place aujourd'hui, ce démembrement n’est pas de nature à améliorer la lisibilité immédiate de l’ensemble du dispositif.
Seconde réflexion : je ne peux que regretter les conditions d’examen très précipitées du présent texte, que nous avons étudié en commission le lendemain de son vote par l’Assemblée nationale. Dans de telles conditions, le travail remarquable fourni par la commission des affaires sociales, par sa présidente Muguette Dini et par le rapporteur du texte Sylvie Desmarescaux, force le respect.
En première lecture, nos collègues députés ont considérablement enrichi le texte, dont le nombre d’articles a plus que triplé. Malgré les délais tendus que je viens d’évoquer, la commission a su toiletter, clarifier et compléter la proposition de loi pour en conforter l’efficacité et la pertinence.
Nous voici donc saisis d’un texte articulé autour de quatre volets.
Le premier volet est consacré au développement de l’alternance. Nous ne pouvons que souscrire à l’objectif fixé par le Président de la République de parvenir à franchir le seuil des 800 000 jeunes en alternance à l’horizon de 2015, soit une hausse de plus de 30 %.
Pour ce faire, la présente proposition de loi aborde la question sous tous les angles, en offrant de nouvelles possibilités de formation en CFA, en créant des passerelles afin de faciliter les réorientations, en ouvrant, surtout, l’apprentissage au secteur du travail temporaire et aux activités saisonnières, enfin, en revalorisant la fonction de maître d’apprentissage.
C’est bien dans l’optique d’aborder tous les aspects du dispositif que s’inscrit l’amendement de notre rapporteur, qui vise à élargir temporairement les missions des médiateurs de l’apprentissage afin de prévenir autant que possible la rupture des contrats d’apprentissage. Nous saluons cette initiative.
De même, nous saluons vivement l’initiative de notre collègue Muguette Dini, qui a fait adopter en commission un amendement tendant à permettre aux particuliers employeurs de recourir aux contrats de professionnalisation. C’est là une mesure très intéressante, parce qu’elle peut contribuer à exploiter un gisement d’emplois qui est aujourd’hui très insuffisamment utilisé. Nous avons la conviction que c’est ainsi que nous gagnerons la bataille de l’emploi, en libérant des énergies réelles, mais inexploitables en raison de la structure même du marché de l’emploi. Dans cette perspective, nous croyons toujours au potentiel des services à la personne.
Le deuxième volet du texte, consacré à l’encadrement des stages, nous tient particulièrement à cœur.
Dès la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances, le groupe de l’Union centriste s’était mobilisé pour que les stages en entreprise soient encadrés par la loi. Or l’accord national interprofessionnel du 7 juin dernier, auquel le présent texte donne une base légale, reprend et complète les principales mesures de ce cadre en donnant aux stagiaires accès aux activités sociales et culturelles de l’entreprise et, surtout – nous avions réclamé cette mesure dès 2006 –, en prévoyant la prise en compte de la durée du stage dans la période d’essai.
Par ailleurs, le texte fixe à six mois la durée maximale de stage par an. Cette borne de principe salutaire souffrira toutefois des exceptions pour les stages de longue durée intégrés à un cursus de formation de l’enseignement supérieur. C’est par souci de réalisme que la commission a très pertinemment inscrit ces exceptions dans le texte.
Le troisième volet de la proposition de loi, qui porte sur l’accompagnement des personnes victimes d’un licenciement économique, est évidemment fondamental. Nous ne pouvons que saluer les deux principes fondateurs du dispositif proposé : la simplification et la négociation.
Une simplification est en effet nécessaire compte tenu, cela a été rappelé, de la coexistence de deux dispositifs non harmonisés qui arrivent à échéance : le contrat de transition professionnelle et la convention de reclassement personnalisé. L’unification de ces dispositifs au sein du contrat de sécurisation professionnelle ne peut être qu’une bonne chose pour rendre effectifs l’accompagnement et la reconversion professionnelle des publics intéressés. Par ailleurs, les modalités précises du contrat de sécurisation professionnelle devront être déterminées, d’une part, par les partenaires sociaux entre eux et, d’autre part, par négociation entre les partenaires sociaux et l’État, ce qui est tout à fait conforme à l’idée que nous nous faisons de la démocratie sociale.
En conclusion, je dirai un mot du quatrième grand volet du texte, qui traite des groupements d’employeurs. Si cette formule est ponctuellement intéressante, il faut toutefois en souligner d’emblée les limites.
Ces groupements, je le rappelle, ont été créés en 1985 par l’actuelle opposition, au départ pour une activité bien spécifique : l’activité agricole. Leur création est tout à fait cohérente avec une conception de gauche de l’emploi. En effet, exactement comme celle des 35 heures, la mise en place des groupements d’employeurs correspond à une logique malthusienne de la gestion du travail. Autrement dit, il s’agit de considérer l’emploi comme un gâteau de taille fixe, dont il convient de distribuer les parts.
Par principe et par pragmatisme, nous ne sommes pas hostiles à une libéralisation des groupements d’employeurs s’ils deviennent un moyen de s’adapter aux variations de l’activité tout en offrant un cadre protecteur aux travailleurs, sans précariser leur situation. Le champ des groupements d’employeurs doit toujours être étroitement borné. C’est particulièrement flagrant s’agissant de leur utilisation par les collectivités territoriales.
Afin d’éviter que les groupements d’employeurs ne soient détournés au détriment de la fonction publique territoriale, nous souscrivons au maintien, effectué par la commission, de la règle en vertu de laquelle les activités exercées pour le compte d’une collectivité ne peuvent représenter plus d’un mi-temps pour les salariés d’un groupement.
Vous l’aurez compris, le groupe de l’Union centriste votera ce texte, qui nous semble particulièrement important. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les formations en alternance au cours desquelles se succèdent des périodes d’enseignement théorique et des stages en entreprise présentent de réels avantages pour l’insertion professionnelle des jeunes. Elles leur ouvrent les portes du monde du travail pendant un temps déterminé, leur permettant ainsi de gagner en autonomie, en maturité professionnelle et d’acquérir de l’expérience, laquelle sera un plus sur leur CV, si leur contrat à durée déterminée n’est pas transformé en contrat à durée indéterminée.
Pourtant, ces formations, efficaces si l’on en juge d’après les chiffres, puisque le taux national d’embauche des élèves en alternance atteignait 70 % en 2010, peinent encore à attirer massivement les jeunes. En outre, de nombreuses entreprises se montrent réticentes. Ainsi, en France, elles ne sont que 33 % à y avoir recours, contre 60 % chez nos voisins allemands.
Pour pallier ce retard, le Président de la République a présenté une série de mesures à Bobigny, le 1er mars dernier, destinées à favoriser la formation en alternance. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui reprend les annonces présidentielles. Elle prévoit le développement de l’alternance, la fusion de la convention de reclassement personnalisé et du contrat de transition professionnelle ainsi que la déréglementation des groupements d’employeurs.
Il s’agit là d’un texte fourre-tout, dans lequel on trouve à la fois quelques bonnes mesures et de nombreuses autres que nous n’approuvons pas.
Nous sommes favorables à la fusion du contrat de transition professionnelle et de la convention de reclassement personnalisé pour les salariés victimes d’un licenciement économique. Nous l’appelions d’ailleurs de nos vœux dès le contre-plan élaboré par le parti socialiste en janvier 2009.
De même, nous approuvons les mesures visant à mieux encadrer les stages, trop souvent synonymes de précarité pour les jeunes.
Beaucoup reste encore à faire, notamment en ce qui concerne la prise en compte des cotisations sociales des stagiaires pour leur retraite et l’obtention d’une rémunération dès le premier mois.
Mais, comme je l’ai dit, le texte contient également beaucoup d’autres mesures auxquelles nous sommes vivement opposés.
Tout d’abord, j’évoquerai la possibilité de souscrire un contrat d’apprentissage avec deux employeurs pour l’exercice d’activités saisonnières. Un tel dispositif ne peut qu’accroître les difficultés de l’apprenti et de sa famille et susciter chez l’employeur la tentation d’exploiter une main-d’œuvre à coût réduit.
Ce dispositif appelle plusieurs questions : comment s’harmoniseront les périodes en entreprise ? Quelles seront les conditions de validation des heures de formation ? Comment résoudre les problèmes d’hébergement et de transport, qui sont souvent un obstacle à la formation ? Pour des raisons pratiques, il semble indispensable que les deux contrats, voire les deux diplômes, soient dans la même branche.
Ensuite, la proposition de loi ouvre l’apprentissage aux entreprises de travail temporaire. Mais comment un tel dispositif peut-il fonctionner ?
Contrairement au contrat de professionnalisation, l’apprentissage, qui est une formation longue, n’est pas adapté à l’intérim. De nombreuses questions se posent ici aussi : comment se réglera la rupture anticipée du contrat d’apprentissage ? À l’issue de son apprentissage, le jeune aura-t-il une chance de demeurer dans l’entreprise utilisatrice avec un CDI ou retournera-t-il en intérim ? On peut se demander si l’objectif de cette mesure n’est pas de permettre aux employeurs de réaliser des économies par rapport à un contrat d’intérim normal.
Par ailleurs, c’est très bien que les apprentis se voient délivrer une carte d’étudiant des métiers, mais s’il doit y avoir une harmonisation entre les avantages des étudiants et ceux des jeunes alternants, il conviendrait de veiller à ce que celle-ci se réalise par le haut. Une telle harmonisation doit aboutir à un véritable statut de l’étudiant, qui intègre l’ensemble des jeunes en formation et prenne en compte tous leurs besoins – en matière de logement, de santé, de restauration –, sans revenir sur la protection que le droit du travail confère à une partie d’entre eux.
Enfin, nous regrettons vivement que l’apprentissage à partir de l’âge de quatorze ans revienne à l’ordre du jour. Nous l’avions dénoncé lors de l’examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, car il s’agit d’une remise en cause de facto du principe de la scolarité obligatoire jusqu’à seize ans. Cette disposition est archaïque et n’a rien à faire dans un texte au XXIe siècle.
J’ai moi-même débuté ma carrière professionnelle en tant qu’apprentie à l’âge de quinze ans, et cela n’a pas été facile.
M. Guy Fischer. Vous êtes certainement la seule dans cet hémicycle !
Mme Gisèle Printz. Et je pense que je serai aussi la dernière !
Je ne veux pas que les jeunes d’aujourd’hui subissent les mêmes épreuves que les jeunes d’hier.
Par ailleurs, comment ne pas s’interroger sur le décalage entre les promesses du Président de la République et les moyens financiers annoncés pour cette nouvelle réforme ?
Actuellement, 600 000 jeunes sont en alternance, dont 418 000 en contrat d’apprentissage. L’objectif annoncé par Nicolas Sarkozy est d’atteindre le chiffre de 800 000 jeunes en alternance. Or cela coûterait 1 milliard d’euros. Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 et ce texte permettent de mobiliser à peine 70 millions d’euros. Qui va payer la différence ? Nous avons notre petite idée à ce sujet. Vous avez simplement oublié de mentionner dans votre texte le rôle des régions, qui sont pourtant les chefs de file de la formation professionnelle.
À ce propos, nous regrettons l’absence d’une concertation approfondie avec les conseils régionaux. Ainsi, il apparaît nettement que l’État veut se donner le beau rôle à peu de frais, tout en organisant le transfert de la formation initiale professionnelle vers les régions.
D’autres mesures auraient pu être proposées dans ce texte. Je pense par exemple à l’amélioration de l’orientation des jeunes, qui passe avant tout par une meilleure information sur les métiers et les filières de l’alternance. Je mentionne aussi la lutte contre les ruptures de contrat et les abandons ainsi que la lutte contre les discriminations dont souffrent les jeunes candidats à l’apprentissage, surtout lorsqu’ils sont issus des quartiers difficiles, ou tout simplement les jeunes filles, qui représentent seulement un tiers du public en apprentissage.
Pour conclure, comment ne pas évoquer la situation des jeunes sur le marché du travail ? Avec un taux de 23,2 % en 2011 pour la tranche d’âge des jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans, voire le double dans certains quartiers, la France se situe largement au-dessus de la moyenne européenne, qui est de 20,6 %, sans compter les différences liées au genre et l’envolée en un an du taux de chômage des jeunes femmes, qui culmine à 25 %, selon l’indice INSEE pour le premier trimestre de 2011. Les jeunes sont 21 % à vivre sous le seuil de pauvreté, contre 11 % pour la moyenne des Français.
La proposition de loi n’est pas de nature à répondre à l’enjeu essentiel que représente l’emploi des jeunes. On peut sérieusement douter de l’efficacité des mesures proposées quand on sait que le Gouvernement promet depuis dix ans de doubler les effectifs et les places d’apprentissage sans jamais y parvenir. Au final, il s’agit donc d’un texte d’affichage qui manque cruellement d’ambition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’aborder le contenu de cette proposition de loi, je souhaiterais dans un premier temps évoquer les conditions dans lesquelles nous sommes amenés à nous exprimer sur ce texte, conditions que je qualifierai d’inadmissibles. Nous sommes à nouveau en présence d’un texte fourre-tout. Cela dit, nous en avons l’habitude depuis 2007 !
La proposition de loi a été rédigée dans la précipitation, à la hâte, sans méthode, associant désordre et désinvolture à l’égard des partenaires sociaux. (Mme le rapporteur s’exclame.)
Il convient de rappeler que les protocoles Larcher et Accoyer prévoient la consultation des partenaires sociaux dans des formes précises,…
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Ils sont satisfaits !
Mme Patricia Schillinger. … et avant l’examen d’une proposition de loi à caractère social.
Il aurait été plus logique et conforme aux textes régissant la procédure parlementaire de laisser les partenaires sociaux mener la négociation à son terme et de tenir ensuite compte de son résultat.
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur. Cela fait deux ans qu’ils négocient !
Mme Patricia Schillinger. Tel n’a pas été le cas. Ils n’ont pas disposé de délais de négociation suffisants. Et le choix d’une proposition de loi permet aussi de passer outre l’avis du Conseil d’État !
Début mai, Pierre Méhaignerie, le président de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, a indiqué aux partenaires sociaux qu’il leur donnait jusqu’au 3 juin pour conclure un accord sur l’emploi des jeunes, ce qui était parfaitement irréalisable.
Un accord national interprofessionnel a finalement été conclu le 7 juin, mais il porte seulement sur l’alternance et les stages. Il convient d’ailleurs de rappeler que cet accord est en deçà du texte du collectif, lui-même téléguidé par l’Élysée sur le sujet.
Par ailleurs, les délais ne sont pas respectés au Sénat. Le texte à l’Assemblée nationale a été voté le 21 juin en fin d’après-midi et nous devions déposer les amendements en commission au Sénat le même jour à dix-sept heures. En pratique, c’est impossible. En effet, il n’est pas possible de déposer des amendements sur un texte qui n’a pas encore été transmis au Sénat. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas déposé d’amendements en commission. Ce n’est pas sérieux. Un peu de respect pour les parlementaires et leurs équipes, s’il vous plaît !
Ce texte concerne l’avenir de la jeunesse, la formation en alternance, l’emploi ou le reclassement des salariés licenciés économiques, autant de sujets importants qui demandent des débats approfondis. Il s’agit de plusieurs millions de salariés et de jeunes en formation.
De plus, on observe que le grand texte sur l’emploi, notamment l’emploi des jeunes, que l’on nous avait tant annoncé a disparu ainsi que les crédits afférents. Avec 23 % de chômage chez les jeunes, votre politique en matière d’emploi est un échec.
La proposition de loi que nous sommes amenés à examiner ne semble pas à la hauteur de ces enjeux, et l’on peut s’interroger sur ses objectifs. En effet, les principales mesures qu’elle comporte ont déjà été prises dans le cadre du projet de loi de finances rectificative ou par décret.
Le texte qui nous est présenté aujourd’hui propose la possibilité de conclure avec deux employeurs conjointement un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation pour l’exercice d’activités saisonnières, ce qui concerne surtout le tourisme, l’agriculture et l’agroalimentaire. Cette mesure comporte des risques de dérive, dont la plus importante concerne la gestion de la pénurie de main-d’œuvre dans certains métiers. Dans les domaines de l’hôtellerie et de la restauration, plus particulièrement dans les régions touristiques, il est courant d’observer que certains métiers usent d’un grand nombre d’apprentis, dont 11,6 % dans la restauration, 9 % dans l’agroalimentaire.
Cette disposition appelle plusieurs questions : comment s’harmoniseront les périodes en entreprise ? Quelles seront les conditions de validation des heures de formation ? Comment seront financés les organismes de formation sur ces types de formation ? Comment résoudre les problèmes d’hébergement et de transport, qui sont souvent un obstacle à la formation, surtout s’il y a une grande distance entre les deux activités saisonnières ? Que se passera-t-il en cas de rupture avec l’un des deux employeurs et pas avec l’autre ? Il n’est pas possible d’autoriser ce système avec légèreté ; cela pose beaucoup de questions et apporte peu de réponses. Pour des raisons pratiques, il semble indispensable que les deux contrats, voire les deux diplômes soient dans la même branche.
En moyenne, le taux de rupture des contrats d’apprentissage est de 20 %, et de 40 % dans la restauration. Les premiers motifs restent la mauvaise qualité des conditions de travail, la mésentente avec l’employeur, les rythmes de travail, les horaires excessifs ou inadaptés et la rémunération trop faible. Les ruptures sont beaucoup moins fréquentes dans l’industrie, qui dispose depuis longtemps de structures de formation de qualité. Selon une étude, 13 % des employeurs déclarent accueillir des apprentis comme supplément de personnel, et 6 % pour les avantages financiers.
J’ai bien peur que l’orientation qui nous est présentée aujourd’hui soit de « faire du chiffre », les alternants n’étant pas comptabilisés dans les statistiques du chômage. Et il apparaît que le véritable objectif est de fournir aux employeurs une main-d’œuvre précarisée, donc docile, non comprise dans les seuils d’effectifs sociaux et sous-payée. Aucun engagement d’embauche en contrat à durée indéterminée n’est demandé aux employeurs après l’obtention de titres. Cela ne permettra pas de revaloriser la formation en alternance.
Il est essentiel d’améliorer l’image de l’apprentissage ainsi que sa qualité, tant matérielle que pédagogique.
Par ailleurs, ce texte permet à des élèves ayant accompli la scolarité du premier cycle de l’enseignement secondaire et n’ayant même pas encore atteint l’âge de quinze ans de signer un contrat d’apprentissage, c’est-à-dire un contrat de travail, ce qui constitue de facto une légalisation du travail dès quatorze ans. Il n’est pas acceptable de permettre l’apprentissage à quatorze ans. Une telle mesure remet en cause deux principes : l’obligation scolaire jusqu’à seize ans et le fait qu’un jeune puisse travailler seulement à partir de seize ans. Nous voulons protéger le travail des mineurs et des enfants, car, je le répète, les conditions de travail sont souvent mauvaises, avec des rythmes de travail et des horaires excessifs ou inadaptés.
De plus, la proposition de loi souhaite transformer la nature des groupements d’employeurs, qui deviennent progressivement des formes d’entreprises de travail temporaire.
Issu de la loi du 25 juillet 1985, ce dispositif d’abord réservé aux petites entreprises de moins de dix personnes a été étendu à celles employant jusqu’à 300 salariés avec l’existence d’un accord collectif. Il respecte deux règles majeures : la solidarité entre membres du même groupement et l’impossibilité pour la même entreprise d’être membre de plus de deux groupements à la fois.
Aujourd’hui, vous nous proposez d’adopter un certain nombre de règles qui dénatureront totalement les groupements d’employeurs. Avec ce nouveau cadre juridique, vous permettez la possibilité de détourner le code du travail. En effet, le texte renforce la flexibilité au bénéfice des entreprises et aux dépens de la protection des salariés.
Je tiens à souligner que nous soutenons l’alternance, mais une alternance de qualité, pas celle du chiffre. Actuellement, 600 000 jeunes sont en alternance, dont 418 000 en contrat d’apprentissage. L’État veut porter le chiffre de 800 000 jeunes en alternance à l’horizon de 2015. Or cela coûterait 1 milliard d’euros. Le projet de loi de finances rectificative pour 2011 et ce texte permettent de mobiliser à peine 70 millions d’euros. Qui va payer la différence ? Une fois de plus, c’est sur les régions qu’on fera porter le développement de l’apprentissage. Et cela sans concertation !
En outre, nous aurions souhaité un dispositif plus clair sur la carte d’étudiant des métiers, afin de garantir les mêmes droits à tous les étudiants en formation, y compris aux apprentis. L’ensemble des mesures de cette proposition de loi détricotent une fois de plus le code du travail. On surfe toujours sur la même vague, celle de la flexibilité et de la précarité au détriment des conditions de travail et des salariés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)