M. Jean-Pierre Sueur. Mme Tasca ayant montré brillamment et efficacement qu’il était judicieux de substituer au défaut de « titre » celui « d’autorisation de travail », je ne m’étendrai pas davantage, la même cause produisant le même effet.
M. Richard Yung. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement, qui avait déjà été déposé en première lecture, est satisfait par le texte de la commission.
Aussi, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 57.
(L'article 57 est adopté.)
Article 61
(Non modifié)
Après l’article L. 8254–2 du même code, sont insérés deux articles L. 8254–2–1 et L. 8254–2–2 ainsi rédigés :
« Art. L. 8254–2–1. – Toute personne mentionnée à l’article L. 8254–1, informée par écrit par un agent mentionné à l’article L. 8271–1–2, par un syndicat de salariés, un syndicat ou une association professionnels d’employeurs ou une institution représentative du personnel que son cocontractant ou un sous-traitant direct ou indirect de ce dernier emploie un étranger sans titre enjoint aussitôt à son cocontractant de faire cesser cette situation.
« L’employeur mis ainsi en demeure informe la personne mentionnée au premier alinéa des suites données à l’injonction. Si celle-ci n’est pas suivie d’effet, la personne mentionnée au premier alinéa peut résilier le contrat aux frais et risques du cocontractant.
« La personne qui méconnaît le premier alinéa ainsi que son cocontractant sont tenus, solidairement avec le sous-traitant employant l’étranger sans titre, au paiement des rémunérations et charges, contributions et frais mentionnés à l’article L. 8254–2.
« Art. L. 8254–2–-2. – Toute personne condamnée en vertu de l’article L. 8256–2 pour avoir recouru sciemment aux services d’un employeur d’un étranger sans titre est tenue solidairement avec cet employeur au paiement des rémunérations et charges, contributions et frais mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 8254–2. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 172, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 8254–2–1. - Toute personne mentionnée à l'article L. 8254–1, constatant auprès des services de l'administration, que son cocontractant ou un sous-traitant direct ou indirect de ce dernier emploie un étranger sans titre, enjoint à son cocontractant, par lettre avec accusé de réception, de faire cesser cette situation dans un délai de vingt-quatre heures suivant la réponse de l'administration.
II. - Alinéa 5
Supprimer le mot :
sciemment
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’objet du présent amendement est d’éviter que le simple fait de ne pas avoir été informé de l’emploi de travailleurs sans papiers par son sous-traitant puisse couvrir juridiquement l’employeur.
Cet article ouvre en effet une possibilité d’échapper à la responsabilité solidaire de l’employeur, c'est-à-dire à la contribution de chacun des cocontractants à une condamnation du juge en cas de travail illégal, puisqu’il suffit de suivre la procédure prévue et d’en garder trace : il suffira donc à l’employeur d’envoyer au sous-traitant une lettre qui l’enjoint de mettre fin à l’emploi illégal pour être exonéré de toute responsabilité !
Dans l’optique du renforcement de la lutte contre le travail illégal, nous estimons nécessaire que l’employeur qui sous-traite soit tenu à la même obligation de vérification des conditions de légalité des salariés embauchés que le sous-traitant lui-même.
Le seul fait de se soustraire à la vérification des conditions d’embauche des salariés de son sous-traitant devrait pouvoir entraîner la responsabilité in solidum de l’employeur.
L’amendement que nous avions déposé à l’article 57 imposait au maître d’ouvrage et à l’entrepreneur principal l’obligation de vérifier les conditions d’embauche des salariés sous-traitants.
Il les contraignait, après vérification, d’enjoindre l’employeur sous-traitant de cesser de faire travailler une personne qui n’est pas munie d’une autorisation de travail enregistrée par les services de l’administration.
M. le président. L'amendement n° 114, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 8254–2–1. - Toute personne mentionnée à l'article L. 8254–1, constatant auprès des services de l'administration que son cocontractant ou un sous-traitant direct ou indirect de ce dernier emploie un étranger sans titre, enjoint son cocontractant, par lettre avec accusé réception, de faire cesser cette situation dans un délai de vingt-quatre heures suivant la réponse de l'administration.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous proposons une nouvelle rédaction des alinéas 2 à 4 de l’article 61 pour ouvrir une porte de sortie, qui permettra d’échapper à la condamnation in solidum. C’est vraiment le jour du latin !
L’article 61 complète le dispositif de la responsabilité solidaire du maître d’ouvrage avec son cocontractant.
Lorsqu’une entreprise est informée par écrit par un agent de contrôle du travail illégal ou un syndicat de salariés que son cocontractant ou l’un de ses sous-traitants emploie du personnel en situation irrégulière, elle doit aussitôt lui ordonner de mettre fin à cette situation.
L’entreprise fautive mise en demeure informe le donneur d’ordre des suites données à l’injonction, lequel peut résilier le contrat aux frais et risques de son cocontractant si la situation perdure.
Cette procédure donne l’illusion d’une plus grande responsabilisation des donneurs d’ordres.
Mais, en regardant de plus près, force est de constater qu’il n’en est rien !
Une société pourra s’exonérer de toute responsabilité en envoyant une simple lettre recommandée à son sous-traitant lui enjoignant de faire cesser la pratique d’emploi de travailleur irrégulier.
Cette simple lettre suffira à absoudre le donneur d’ordre et à prouver sa bonne foi, alors que, normalement, dans le cadre de leurs relations de travail, il ne pouvait ignorer la situation.
Aussi, notre amendement tend à obliger le donneur d’ordre à avoir un rôle plus actif dans la lutte contre l’emploi irrégulier de travailleurs par ses sous-traitants.
M. le président. L'amendement n° 112, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer le mot :
sciemment
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. L’article 61 tend à renforcer la responsabilité pécuniaire dans le cadre des contrats commerciaux.
La finalité de la réglementation est d’amener les différents employeurs concernés par la même situation et contractuellement liés à vérifier les conditions d’engagement des travailleurs.
Ainsi, toutes les entreprises intervenant dans le cadre d’une chaîne de sous-traitance sont incitées à contrôler la situation administrative de leurs salariés.
Nous regrettons que le projet de loi ouvre une porte de sortie pour échapper à ces condamnations.
Comme je l’ai dit précédemment, il sera en effet facile pour une société de se prémunir de cette obligation en envoyant à ses sous-traitants une simple lettre.
J’en viens à l’utilisation de l’adverbe « sciemment ». Sachant que la commission fait la chasse à toute cette terminologie discutable, je pense que vous suivrez notre proposition concernant ce mot, monsieur le président de la commission…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas dans ce cas-là !
M. Richard Yung. Certes, ce n’est pas le mot « notamment », mais le mot « sciemment »,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas pareil !
M. Richard Yung. … néanmoins cela se rapproche !
En tout état de cause, l’utilisation de l’adverbe « sciemment », à l’alinéa 5 de l’article 61, participe de cette échappatoire offerte aux donneurs d’ordres.
L’emploi de main-d’œuvre irrégulière en connaissance de cause serait impossible à démontrer.
Aussi, nous demandons la suppression du mot « sciemment ».
M. le président. L'amendement n° 113, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
sans titre
par les mots :
non muni d'une autorisation de travail
II. - Alinéas 4 et 5
Remplacer les mots :
sans titre
par les mots :
sans autorisation de travail
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les préoccupations des auteurs de ces amendements sont satisfaites par le texte de la commission qui responsabilise le maître d’ouvrage.
D’une part, il lui interdit, aux termes de l’article 57, de recourir volontairement aux services d’un employeur de salariés étrangers sans titre de travail.
D’autre part, il lui impose de mettre en œuvre une procédure d’injonction de faire cesser cette situation dès qu’il a connaissance de cette dernière.
Dans les deux cas, il engage sa responsabilité solidaire au paiement des rémunérations, charges et contributions qui sont dues.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Voilà !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Pour ne pas tomber sous le coup de l’infraction, il doit impérativement vérifier la régularité de la situation des salariés de son cocontractant en se faisant remettre la liste évoquée tout à l’heure.
À défaut de vérification de cette liste, sa responsabilité est encourue et sa condamnation sera prononcée.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est responsable !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 172, 114, 112 et 113.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Claude Guéant, ministre. Le Gouvernement partage l’analyse et les conclusions de M. le rapporteur.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 14 avril 2011, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit (n° 404, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 405, 2010-2011).
2. Suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (n° 357, 2010-2011).
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois (n° 392, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 393, 2010-2011).
3. Projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles (Procédure accélérée) (n° 344, 2009-2010).
Rapport de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois (n° 394, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 395, 2010-2011).
Avis de M. Marcel-Pierre Cléach, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 367, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART