Sommaire
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Anne-Marie Payet, M. Daniel Raoul.
2. Communications du Conseil constitutionnel
3. Démission d'un membre d'une mission commune d'information et candidature
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président.
MM. Jean-Pierre Sueur, le président, Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.
MM. Jean-Pierre Michel, le président.
5. Communication relative à l'élection d'un président de groupe
6. Immigration, intégration et nationalité. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
Amendements identiques nos 138 de Mme Éliane Assassi et 320 de M. Richard Yung. – Mme Éliane Assassi, MM. Richard Yung, François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Jean-Pierre Michel, Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 17 A
Amendement n° 323 de M. Richard Yung. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 321 de M. Richard Yung. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre, Mme Alima Boumediene-Thiery. – Rejet.
Amendement n° 322 de M. Richard Yung. – MM. Jean-Pierre Sueur, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 136 de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 93 rectifié quater de M. Laurent Béteille. – MM. Laurent Béteille, le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 17
Amendement n° 133 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendement n° 347 rectifié de M. Richard Yung. – M. Alain Anziani.
MM. le rapporteur, le ministre, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Alain Anziani. – Rejet des amendements nos 133 et 347 rectifié.
Amendement n° 325 de M. Richard Yung. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 324 rectifié de M. Richard Yung. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 134 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 135 de Mme Éliane Assassi et 344 rectifié de M. Richard Yung. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Alain Anziani, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 137 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 139 de Mme Éliane Assassi. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 326 de M. Richard Yung. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 95 rectifié de M. Louis Nègre. – MM. Philippe Dominati, le rapporteur, le ministre. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
Amendements identiques nos 140 de Mme Éliane Assassi et 327 de M. Richard Yung. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Alain Anziani, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 18
Amendement n° 267 rectifié bis de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 145 de Mme Éliane Assassi. – Mme Josiane Mathon-Poinat.
Amendement n° 330 de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.
Amendement n° 268 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery.
Amendement n° 328 de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.
Amendements identiques nos 143 de Mme Éliane Assassi et 329 de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.
MM. le rapporteur, le ministre, Mme Alima Boumediene-Thiery. – Rejet des amendements nos 145, 330, 268, 328, 143 et 329.
Adoption de l'article.
Amendement n° 146 de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 331 de M. Richard Yung. – M. Richard Yung.
Amendement n° 147 de Mme Éliane Assassi.
Amendement n° 332 de M. Richard Yung.
MM. le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Sueur. – Rejet des amendements nos 331, 147 et 332.
Adoption de l'article.
Amendement n° 333 de M. Richard Yung. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 21
Amendement n° 149 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
7. Nomination d'un membre d'une mission commune d'information
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
8. Questions cribles thématiques
Aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire
Mme Françoise Laborde, M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
MM. Jacques Legendre, le ministre.
MM. Yannick Bodin, le ministre.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. le ministre.
Mme Jacqueline Gourault, M. le ministre.
MM. Alain Dufaut, le ministre.
Mme Françoise Cartron, M. le ministre.
MM. Philippe Darniche, le ministre.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
9. Immigration, intégration et nationalité. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
Articles additionnels après l'article 21 (suite)
Amendement n° 334 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – MM. Alain Anziani, François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. – Rejet.
Amendement n° 335 de Mme Monique Cerisier-ben Guiga. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 336 de M. Jean-Étienne Antoinette. – MM. Jean-Étienne Antoinette, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 150 de Mme Éliane Assassi. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 21 bis
Amendement n° 345 rectifié de M. Richard Yung. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 487 de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 39 rectifié de M. Jacques Mézard, 151 de Mme Éliane Assassi et 337 de M. Richard Yung. – M. Jacques Mézard, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre, Mme Catherine Tasca. – Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 21 ter
Amendement n° 497 de la commission. – MM. le rapporteur, le ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 342 de M. Richard Yung. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 343 de M. Richard Yung. – M. Alain Anziani.
Amendement n° 295 rectifié bis de M. Jean-Étienne Antoinette. – M. Jean-Étienne Antoinette.
Amendement n° 148 rectifié de Mme Éliane Assassi. – Mme Éliane Assassi.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 343, 295 rectifié bis et 148 rectifié.
Amendement n° 489 rectifié bis de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait.
Amendement n° 316 rectifié de M. Richard Yung. – M. Alain Anziani.
Amendements identiques nos 132 rectifié de Mme Éliane Assassi et 346 de M. Richard Yung. – Mmes Éliane Assassi, Alima Boumediene-Thiery.
Amendement n° 340 de M. Richard Yung. – M. Roland Courteau.
MM. le rapporteur, le ministre, Roland Courteau. – Rejet de l’amendement no 316 rectifié ; adoption des amendements identiques nos 132 rectifié et 346 insérant un article additionnel ; rejet de l’amendement no 340.
Amendement n° 349 de M. Richard Yung. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 348 de M. Richard Yung. – MM. Roland Courteau, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
10. Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure. – Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : MM. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Mmes Anne-Marie Escoffier, Éliane Assassi, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Virginie Klès, Catherine Troendle, M. Jacques Mézard, Mme Alima Boumediene-Thiery.
Clôture de la discussion générale.
Texte élaboré par la commission mixte paritaire
Amendement no 1 de M. Jean-Patrick Courtois. – M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois. – Vote réservé.
Amendement no 2 de M. Jean-Patrick Courtois. – M. le rapporteur. – Vote réservé.
MM. Alain Anziani, Marc Laménie.
Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi.
11. Immigration, intégration et nationalité. – Suite de la discussion d'un projet de loi (Texte de la commission)
Amendements identiques nos 40 rectifié de M. Jacques Mézard et 152 de Mme Éliane Assassi. – M. Jacques Mézard, Mme Éliane Assassi, MM. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Alain Anziani. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 350 de M. Richard Yung. – MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 22
Amendement n° 153 de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 154 de Mme Éliane Assassi. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 423 rectifié de M. Richard Yung. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 155 de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
M. Louis Mermaz, Mme Bariza Khiari.
Amendements identiques nos 41 rectifié de M. Jacques Mézard, 156 de Mme Éliane Assassi et 351 de M. Richard Yung. – M. Jacques Mézard, Mme Éliane Assassi, MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre, Jean-Pierre Sueur. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 42 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendements identiques nos 43 rectifié de M. Jacques Mézard et 352 de M. Richard Yung. – Mme Françoise Laborde, MM. Richard Yung, le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 353 de M. Richard Yung. – MM. Louis Mermaz, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 160 de Mme Éliane Assassi et 357 de M. Richard Yung. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Louis Mermaz.
Amendement n° 45 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 359 de M. Richard Yung. – M. Louis Mermaz.
Amendement n° 44 rectifié de M. Jacques Mézard. – Retrait.
Amendement n° 157 de Mme Éliane Assassi. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Amendement n° 354 de M. Richard Yung. – Mme Alima Boumediene-Thiery.
Amendements identiques nos 48 rectifié de M. Jacques Mézard et 490 de M. Richard Yung. – Mmes Françoise Laborde, Alima Boumediene-Thiery.
Amendement n° 47 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Anne-Marie Escoffier.
MM. le rapporteur, le ministre. – Retrait de l’amendement no 47 rectifié ; rejet des amendements nos 160, 357, 359, 157, 354, 48 rectifié et 490.
Amendement n° 49 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 158 de Mme Éliane Assassi. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 50 rectifié de M. Jacques Mézard, 161 de Mme Éliane Assassi et 362 de M. Richard Yung. – Mmes Françoise Laborde, Brigitte Gonthier-Maurin, Alima Boumediene-Thiery.
Amendement n° 46 rectifié de M. Jacques Mézard. – Mme Françoise Laborde. – Retrait.
Amendement n° 363 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.
Amendement n° 355 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.
Amendement n° 358 de M. Richard Yung. – M. Jean-Pierre Sueur.
Amendement n° 356 de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari.
Amendement n° 389 rectifié bis de M. Richard Yung. – Mme Bariza Khiari.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 50 rectifié, 161, 362, 363, 355, 358, 356 et 389 rectifié bis.
Adoption de l'article.
Renvoi de la suite de la discussion.
12. Mise au point au sujet d'un vote
MM. François Zocchetto, le président.
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Anne-Marie Payet,
M. Daniel Raoul.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communications du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du vendredi 4 février 2011, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (n° 2010-93 QPC, n° 2010-96 QPC, n° 2010-97 QPC et n° 2010-98 QPC).
Acte est donné de ces communications.
3
Démission d'un membre d'une mission commune d'information et candidature
M. le président. J’ai reçu avis de la démission de M. Jean Desessard, comme membre de la mission commune d’information sur les dysfonctionnements éventuels de notre système de contrôle et d’évaluation des médicaments, révélés à l’occasion du retrait de la vente en novembre 2009 d’une molécule prescrite dans le cadre du diabète commercialisée sous le nom de « Mediator », et sur les moyens d’y remédier en tant que de besoin.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom du candidat proposé en remplacement.
Cette candidature va être affichée, et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
4
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l'article 36 de notre règlement relatif au fonctionnement du Sénat.
L’attitude du Président de la République et du Gouvernement à l’égard de la justice constitue une atteinte grave et répétée au principe républicain de la séparation des pouvoirs.
Alors que trois cents magistrats du tribunal de grande instance de Paris, soit les deux tiers des effectifs de première instance, étaient réunis ce matin en assemblée générale pour voter le report des audiences, alors que, partout, dans ce pays, magistrats des ordres judiciaire et administratif se mobilisent, ainsi que de plus en plus de policiers, il est temps que le Parlement rappelle le Président de la République au respect de la Constitution.
Le mouvement des magistrats, qui fait tache d’huile, la colère de plus en plus forte des policiers face à la réduction des effectifs et la fermeture de compagnies républicaines de sécurité sont les signes non seulement de ce que l’on peut appeler un « ras-le-bol », mais aussi d’une réaction démocratique forte à l’affichage législatif et au populisme des discours.
Monsieur le président, il serait opportun que le Parlement se manifeste et rappelle solennellement à l’exécutif les principes fondateurs de notre République. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne vous étonnera pas que mon rappel au règlement, formulé au nom du groupe socialiste, aille dans le même sens que celui de notre collègue.
Nous sommes ici pour discuter d’un texte relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, texte qui relève de la compétence de la commission des lois. Celle-ci travaille beaucoup en ce moment, dans un contexte qui ne peut nous laisser indifférents – monsieur le président de la commission des lois, je sais que vous y êtes sensible.
En effet, des propos ont été tenus au plus haut niveau de l’État. Il se trouve que j’étais présent à Orléans. Nous avons reçu de très nombreux témoignages de l’inquiétude – le mot est bien faible ! –, du mécontentement et de la colère que ces propos ont suscités.
Soyons clairs. On peut poser toutes les questions, demander toutes les enquêtes, une chose est sûre : dans la mesure où les moyens ne sont pas là, dans la mesure où les effectifs ne sont pas là, il est difficile de mettre en cause les personnels qui, eux, sont là, mais en nombre très insuffisant pour assurer le suivi des personnes sortant de détention.
Notre collègue Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois sur le programme Administration pénitentiaire de la mission « Justice », a souligné dans son rapport qu’il faudrait créer 1 000 postes de conseiller d’insertion et de probation. Malheureusement, dans la réalité, nous en sommes très loin !
Par conséquent, on peut tenir tous les discours, faire les déclarations les plus fracassantes : sans création de postes, il est impossible de répondre à la question posée.
M. Roland Courteau. C’est évident !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, le malaise que nous constatons au sein de la magistrature est très profond et sans précédent, me semble-t-il, dans notre pays ! Il est partagé par les avocats, qui se sont exprimés, comme par les policiers, dont les déclarations rejoignent souvent celles des magistrats.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Sur ce sujet, je poserai deux questions.
Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour répondre au malaise très profond des magistrats qui, nous le savons, sont viscéralement attachés à l’indépendance de la justice et à l’esprit républicain, tout comme à la séparation des pouvoirs ?
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Je n’en suis pas aussi sûr que vous !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous contestez cet attachement à la séparation des pouvoirs ? Vous pourrez vous en expliquer tout à l’heure, monsieur le ministre.
Monsieur le président du Sénat, la Haute Assemblée joue un rôle important dans notre pays ; nous savons tous combien vous y êtes attaché. Face à des réactions aussi fortes de la part du monde judiciaire et policier, ne pensez-vous pas que le Sénat, singulièrement son président, pourrait prendre des initiatives et œuvrer pour faire en sorte que des réponses soient apportées ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Courteau. C’est une proposition intéressante !
M. le président. Monsieur Sueur, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai non pas au nom du Président de la République – ai-je besoin de rappeler le principe de la séparation des pouvoirs ?– (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…
M. Roland Courteau. On peut se le demander !
M. Philippe Richert, ministre. ... mais au nom du Gouvernement, en reprenant simplement les propos de M. le Premier ministre, qui a été interpellé à ce sujet.
Le Gouvernement est attaché au principe de la séparation des pouvoirs, et je le suis tout autant.
Comme l’a rappelé M. le Président de la République, devant cet acte ignoble qui a été commis, et sans avoir encore tous les éclaircissements attendus, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien le problème !
M. Philippe Richert, ministre. ... on est en droit de remarquer qu’un homme au passé judiciaire lourd s’est trouvé sans suivi, sans que personne sache où il en était, et qu’il est peut-être l’auteur de ce crime odieux.
Une procédure est en cours. Dans ce contexte, M. le Président de la République a indiqué que, si des erreurs avaient été commises, des sanctions devaient être prises. Ce principe s’applique à tous les niveaux, quels que soient les pouvoirs, et en toute indépendance.
Monsieur Sueur, je répondrai à votre remarque sur l’indépendance et le respect des institutions qui représentent les différents pouvoirs dans notre République.
À titre personnel, il m’est arrivé, lors d’audiences solennelles de rentrée de certains tribunaux, d’entendre tel premier président mettre en cause très directement le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.
M. François Trucy. C’est courant !
M. Philippe Richert, ministre. J’ai décidé de ne plus y assister systématiquement, car je pense que les donneurs de leçons sur la séparation des pouvoirs ne sont pas toujours les mieux placés.
M. François Trucy. Tout à fait !
M. Philippe Richert, ministre. Ce respect que nous devons à l’indépendance de la justice, la justice le doit aux autres piliers de la République. C’est dans ces conditions seulement que notre pays pourra fonctionner de façon plus équilibrée.
À mon sens, M. le Président de la République a le droit de déclarer que, lorsque des erreurs ont été commises, il faut trouver les responsables,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avant même de savoir ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il ne faut pas désigner les coupables d’avance !
M. Philippe Richert, ministre. Madame Borvo Cohen-Seat, j’ai écouté votre intervention du début à la fin sans vous interrompre. Veuillez me permettre de terminer mon propos !
Telle est ma position, en tant que ministre de la République, qui croit à l’indépendance de la justice, qui considère que la séparation des pouvoirs doit être garantie dans notre pays, mais qui insiste pour que les différents acteurs se manifestent une estime réciproque.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Voilà qui a le mérite d’être clair !
M. Philippe Richert, ministre. À entendre un certain nombre de responsables de la justice s’exprimer comme ils le font, parfois même en assemblée, il me semble qu’il serait bon, en effet, de réagir pour ramener les choses à leur juste place...
Mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec le plus grand calme et une parfaite sérénité que je vous livre mon sentiment. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, je rejoins mes collègues : nous sommes le Parlement, nous votons les lois, qui sont en général proposées par l’exécutif, lequel est chargé de les exécuter.
Il est donc absolument regrettable que le chef de l’État, qui est avocat de formation, qui connaît les lois, emploie des termes qui ne peuvent y figurer parce qu’ils en ont été bannis. Le Président de la République a notamment fait état, depuis Orléans, d’un « présumé coupable », propos qui ont été retransmis à la télévision. Le présumé coupable n’existe pas dans notre législation, qui ne connaît que des présumés innocents !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Michel. Je me demande dans quel monde je suis ! Où allons-nous si le plus haut personnage de l’État ne respecte pas la loi que nous avons votée !
M. Roland Courteau. Oui, où allons-nous ?
M. Jean-Pierre Michel. Je vous demande donc, monsieur le président du Sénat, avec votre collègue de l’Assemblée nationale, de rappeler au pouvoir exécutif qu’il doit respecter les lois que le Parlement vote. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Monsieur Michel, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
5
Communication relative à l'élection d'un président de groupe
M. le président. J’ai le plaisir d’informer le Sénat que le groupe de l’Union centriste a élu ce matin à sa tête notre collègue François Zocchetto.
Je forme, pour le président de l’Union centriste, des vœux de pleine réussite. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
6
Immigration, intégration et nationalité
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (projet n° 27, texte de la commission n° 240, rapport n° 239).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III du titre II, à l’article 17 A.
Titre II (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS
Chapitre III (suite)
Dispositions diverses relatives aux titres de séjour
Article 17 A
Après l’article L. 121-4 du même code, il est inséré un article L. 121-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-4-1. – Tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale, les citoyens de l’Union européenne, les ressortissants d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de leur famille tels que définis aux 4° et 5° de l’article L. 121-1, ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois, sans autre condition ou formalité que celles prévues pour l’entrée sur le territoire français. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 138 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 320 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 138.
Mme Éliane Assassi. Cet article a été inséré à l’Assemblée nationale après l’adoption en commission d’un amendement du Gouvernement.
La disposition en cause subordonne la poursuite du séjour à la condition que les intéressés ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale français.
Ce faisant, cette mesure tend à vider de sa substance le droit au séjour de moins de trois mois des ressortissants de l’Union européenne, pourtant reconnu par le droit communautaire.
Elle remet en cause, par là même, les missions d’accueil et d’hébergement d’urgence exercées par un certain nombre d’associations. Sont expressément visés ici les Roumains et les Bulgares !
Selon le droit communautaire, tous les citoyens de l’Union européenne peuvent se déplacer librement sur le territoire des autres États membres sans qu’aucune condition, autre que celle d’être en possession de son passeport ou de sa carte d’identité en cours de validité, leur soit opposable.
Quand bien même cette condition ne serait pas remplie, il est prévu par l’article 5, paragraphe 4, de la directive de 2004, que « l’État membre concerné accorde à ces personnes tous les moyens raisonnables afin de leur permettre d’obtenir ou de se procurer, dans un délai raisonnable, les documents requis ou de faire confirmer ou prouver par d’autres moyens leur qualité de bénéficiaires du droit de circuler et de séjourner librement, avant de procéder au refoulement ».
En aucun cas la notion de « charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » en France ne saurait être un motif nécessaire et proportionnel pour limiter la liberté fondamentale de circulation dont jouit un citoyen de l’Union.
Certes, l’article 14 de la directive visée laisse penser que les États membres seraient en droit de mettre fin à cette liberté pendant les trois premiers mois de séjour si les personnes concernées deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de cet État. Néanmoins, la notion de « charge déraisonnable » reste très encadrée par le droit communautaire.
Dans les textes comme dans la jurisprudence, cette notion est en effet très contraignante pour l’État qui l’invoque.
Ainsi, dans ce même article 14 de la directive on peut lire : « Le recours au système d’assistance sociale par un citoyen de l’Union ou un membre de sa famille n’entraîne pas automatiquement une mesure d’éloignement ».
Cela signifie, vous en conviendrez, que le seul recours au système d’assistance sociale ne constitue pas une charge déraisonnable !
Au-delà, cet article nous paraît très dangereux en ce qu’il véhicule l’idée selon laquelle les étrangers ne viendraient en France que pour abuser des droits sociaux.
Je me contenterai de dire que cette affirmation est complètement démentie par les faits et par les textes : l’accès aux droits sociaux pour les ressortissants communautaires est en effet subordonné à une présence sur le territoire français de plus de trois mois de manière ininterrompue.
Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 320.
M. Richard Yung. Cet article important est revenu après le débat qui a entouré la fameuse circulaire du 5 août dernier, dans laquelle on montrait du doigt de façon assez extraordinaire la communauté Rom. On s’étonne que de telles choses soient encore possibles aujourd’hui dans notre pays !
Vous vous rappelez que la Commission européenne s’en était émue et avait fait valoir à la France que le texte de la circulaire était inacceptable – ce qui va de soi. De plus, elle considérait, ce qui valut à Mme Reding de devenir une sorte d’ennemie de la France – j’ai cru qu’on allait envahir le Luxembourg peu de temps après ! (Sourires.) –, que la transposition des circulaires européennes était insuffisante et n’offrait pas assez de garanties, en particulier vis-à-vis des communautés.
À l’époque, nous avions, Jean-René Lecerf et moi-même, rédigé un rapport au nom de la délégation pour l’Union européenne dans lequel nous indiquions qu’à notre sens il fallait que le gouvernement français prête attention aux observations de la Commission européenne, notamment pour être plus clair dans ses transpositions. C’est la réponse à ce débat.
Permettez-moi de vous lire le considérant n° 9 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil : « Les citoyens de l’Union devraient avoir le droit de séjourner dans l’État membre d’accueil pendant une période ne dépassant pas trois mois sans être soumis à aucune condition, ni à aucune formalité autre que l’obligation de posséder une carte d’identité ou un passeport en cours de validité… » Ces dispositions sont assez claires !
Parallèlement, l’article 6 du même texte dispose : « Les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l’exigence d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité ».
Les textes de base de l’Union sont donc très clairs et autorisent chaque citoyen communautaire, s’il possède un passeport ou une carte d’identité, à séjourner sur le territoire d’un autre État pendant une durée de trois mois.
Il est tout aussi clair que la notion de « charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale » n’est un motif ni nécessaire ni proportionnel pour limiter la liberté de circulation.
L’article 14 de la directive laissait à penser que les États membres seraient en droit de mettre fin à cette liberté ou de la moduler pendant les trois premiers mois de séjour si les ressortissants devenaient une charge déraisonnable pour leur système d’assistance sociale, mais la notion de « charge déraisonnable » est très encadrée par le droit communautaire et par la jurisprudence.
C’est ainsi que le même article 14 prévoit que le recours au système d’assistance sociale par un citoyen de l’Union ou un membre de sa famille « n’entraîne pas automatiquement une mesure d’éloignement ». Cela veut dire que l’administration doit se prononcer au cas par cas sur les dossiers des ressortissants de l’Union qui séjournent sur notre territoire. Il s’agit donc non d’une règle d’application générale, mais d’une mesure qui prend en compte la situation personnelle de l’individu.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Richard Yung. De plus, et pour conclure, monsieur le président, la référence à une période de trois mois n’a pas de sens, puisque c’est le délai minimum pour pouvoir accéder aux différentes prestations de sécurité sociale en France.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Richard Yung. Elle est donc complètement « à côté de la plaque » et inutile !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L’article 17 A du projet de loi place au niveau législatif des dispositions qui figurent dans la partie réglementaire du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Or celles-ci constituent déjà la fidèle traduction de l’article 14 de la directive du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leur famille de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. Toutes les inquiétudes sont donc largement couvertes.
J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur les amendements identiques nos 138 et 320.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Il s’agit en l’occurrence de faire figurer dans la loi ce qui, jusqu’à présent, relevait en France du domaine réglementaire. Comme l’a rappelé de façon très pertinente M. le rapporteur, cette réglementation intégrait elle-même les normes européennes. Nous savons que, sur ce sujet, il est impossible que notre pays ne tienne pas compte des directives européennes dans sa réglementation.
En outre, je veux repréciser, si tant est que ce soit encore nécessaire, que cet article 17 A transpose très fidèlement la directive de 2004 relative à la liberté de circulation dans l’Union européenne.
Voilà autant de raisons qui s’opposent à la suppression de cet article 17 A.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 138 et 320.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je veux dire pourquoi cet article me paraît tout à fait inacceptable. Puisque vous avez évoqué la directive européenne sur la liberté de circulation, je rappelle les termes du considérant n°16 de cette même directive : « Une mesure d’éloignement ne peut pas être la conséquence automatique du recours à l’assistance sociale. » Vous n’appliquez donc pas la directive européenne !
En outre, je vois dans cet article le second élément d’un duo qu’il sera amené à former avec la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, ou LOPPSI 2, pour les expulsions quasi automatiques des occupants d’habitats précaires, des Roms comme par hasard…
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Je voudrais plutôt demander des explications à M. le rapporteur et, surtout, à M. le ministre qui sait tout, bien entendu !
Je n’arrive pas à comprendre le sens de cet article, dont la rédaction ne veut strictement rien dire. Ces personnes ressortissantes de l’Union ont le droit de séjourner en France pendant trois mois si elles détiennent une pièce d’identité ou un passeport. Très bien !
Au bout de trois mois, si elles restent et si elles ont un titre de séjour, elles ont droit à des allocations sociales. Comment faut-il comprendre : « Tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable » ? Qu’est-ce que cela signifie ? À quel moment devient-on une charge déraisonnable ? Est-ce avant trois mois ? Après trois mois ? Cela ne veut rien dire ! Les rédacteurs du ministère de l’intérieur devraient, à mon avis, réapprendre à écrire le français !
L’interprétation de ce texte va poser des problèmes absolument insolubles ! Personnellement, je ne comprends pas. Peut-être mon intelligence est-elle déficiente ; à moins que ce ne soit le poids des ans… (Sourires.)
M. François Trucy. Mais non !
M. Jean-Pierre Michel. Je m’adresse au représentant du Gouvernement, qui devrait être très au fait de ces questions. M. le ministre de l’intérieur, maître d’œuvre de cette loi, délègue alternativement la défense de ce texte à son ministre chargé des collectivités territoriales ou à sa ministre chargée de l’outre-mer. Peut-être a-t-il autre chose à faire. Quoi qu’il en soit, il n’est pas là pour expliquer son texte. Pourriez-vous le faire à sa place, monsieur le ministre ?
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je reprendrai le dernier argument que j’avais développé : je ne comprends pas à quoi sert cette disposition !
Je le rappelle, l’accès d’un citoyen communautaire aux droits sociaux est subordonné à sa présence sur le territoire français depuis plus de trois mois. Cela vaut notamment pour la couverture maladie universelle, la CMU, pour l’aide médicale de l’État, l’AME, pour le revenu minimum d’insertion, le RMI, et pour l’allocation de parent isolé, l’API.
Franchement, à quoi sert cet article puisque, de toute façon, ces personnes n’accéderont pas à la protection sociale avant trois mois ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur Michel, vous vous êtes plaint de ne pas bien comprendre l’expression « charge déraisonnable » figurant dans l’article 17 A. Il ne s’agit pourtant que de la transposition stricte et rigoureuse en droit français de l’article 14 de la directive du 29 avril 2004 précitée, qui dispose : « Les citoyens de l’Union européenne et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu à l’article 6 tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil ».
J’ai bien compris que vous vouliez réécrire le droit européen, mais nous ne pouvons pas le faire ici !
Je réitère donc mon avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. Jean-Pierre Michel. Je demande la parole, monsieur le président.
M. le président. Je ne peux pas vous la donner, mon cher collègue, car vous avez déjà expliqué votre vote. (M. Jean-Pierre Michel proteste.)
Je ne fais qu’appliquer le règlement, cher collègue !
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous retrouvons ici une difficulté déjà rencontrée au cours de nos débats, lorsque nous avons examiné des articles qui ne présentaient aucune rigueur juridique et étaient, de ce fait, tout à fait inapplicables.
Votre réponse est insuffisante, monsieur le ministre. Si légiférer consiste simplement à réécrire les directives, alors nous ne sommes que des scribes, vous aussi, et le débat est clos ; ce n’est même pas la peine de discuter...
Mais nous en sommes en train de faire la loi de la République française. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
Deux problèmes se posent.
Tout d’abord, comme vient de l’expliquer Richard Yung, il existe un certain nombre de prestations sociales auxquelles les ressortissants européens n’ont droit que s’ils peuvent justifier d’une présence minimale de trois mois dans notre pays. Nous sommes d’accord sur ce point.
À quoi sert-il de préciser à nouveau, dans la loi, ce qui existe déjà ? J’essaie de comprendre. Pourriez-vous nous apporter une réponse sur ce sujet, monsieur le ministre ? Si vous considérez que cette démarche est logique, expliquez-moi !
À mon sens, c’est incohérent ! On ne peut pas écrire dans la loi que les étrangers communautaires « ont le droit de séjourner en France pour une durée maximale de trois mois », et, dans le même temps, vouloir éviter, toujours par la loi, qu’ils ne deviennent une charge déraisonnable pour notre système social alors précisément qu’ils n’ont accès aux prestations sociales qu’au-delà de trois mois de séjour sur notre territoire !
Se pose ensuite un problème de rédaction.
L’article 17 A commence par les mots suivants : « Tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale ». Si nous continuons à rédiger la loi de cette façon, où va-t-on ?
Le droit doit énoncer des principes clairs. Sinon, ce n’est plus du droit, c’est du tordu ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.- Oh ! sur les travées de l’UMP.)
Notre droit prévoit les conditions d’attribution de certaines prestations, ce que chacun comprend. De deux choses l’une : soit on a droit aux aides prévues, soit on n’y a pas droit. Nous sommes là pour définir ces conditions. Or nous n’y parviendrons pas – et je m’adresse à tous mes collègues, quelle que soit leur tendance politique ! – si nous continuons à élaborer des textes ainsi rédigés...
Enfin, monsieur le ministre, à quel moment considérez-vous que la charge devient déraisonnable pour notre système de protection sociale ? Qui en jugera ? Et, selon vous, qu’est-ce qu’une charge déraisonnable pour le système ?
Ce projet de loi est vraiment « mal fichu », monsieur le ministre, et je ne comprends pas pourquoi vous ne souscrivez pas à notre amendement de suppression, qui éviterait ces discours creux, vagues, flous et amphigouriques ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE. – Rires sur certaines travées du groupe CRC-SPG)
M. le président. Après cette analyse sémantique (Sourires), la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une analyse sémantique ne peut pas faire de mal de temps en temps !
Je partage l’avis de mon collègue. Vous dites que cet article est la transposition d’une directive. Or transposer une directive en droit national, c’est l’appliquer. En l’occurrence, cette directive s’applique déjà pour un certain nombre de prestations ; elles ne sont d’ailleurs pas si nombreuses...
Quel est le sens de cet article ? S’agit-il de répéter que la directive est appliquée en France, les étrangers communautaires ne pouvant pas bénéficier de telles prestations s’ils n’ont pas séjourné trois mois au moins sur notre territoire ? À moins que vous souhaitiez ajouter d’autres prestations – lesquelles ? – que ces personnes pourraient obtenir avant le terme du délai, afin de les en priver.
Ou alors, ne dites rien, puisque transposer une directive, c’est prendre des dispositions pour l’appliquer : il ne sert à rien de répéter ce qui est écrit dans la directive, car cela ne donne aucune indication précise sur sa signification en droit français. Imaginez que de telles prestations n’existent pas en France ; à quoi cela servirait-il d’inscrire cette phrase ?
Cette répétition est tout à fait inutile et injustifiée, à moins de préciser le sens de l’expression « charge déraisonnable », qui n’est peut-être pas le même dans les autres pays. On pourrait spécifier, par exemple, que cela correspond dans notre droit à tel niveau de prestation.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 138 et 320.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pourtant « invotable » !
M. le président. Je mets aux voix l’article 17 A.
(L’article 17 A est adopté.)
Articles additionnels après l'article 17 A
M. le président. L’amendement n° 323, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 17 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 211-2-1 du même code est ainsi modifié :
1° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
2° Le début du quatrième alinéa est ainsi rédigé : « Le visa pour... (le reste sans changement) » ;
3° Après le mot : « Français », la fin du cinquième alinéa est ainsi rédigée : « dans un délai de deux mois ».
II. - La section 2 du Chapitre Ier du Titre Ier du livre II du même code est complétée par un article L. 211-2-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 211-2-3. - Lorsque la demande de visa long séjour émane d'un étranger souhaitant célébrer un mariage en France avec une personne de nationalité française, les autorités diplomatiques et consulaires sont tenues de statuer sur cette demande dans un délai de deux mois. La décision de refus de visa doit être motivée. Le visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois à un étranger souhaitant célébrer un mariage en France avec une personne de nationalité française donne à son titulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-11 pour une durée d'un an. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. L’exigence d’un visa de long séjour pour la délivrance d’une carte de séjour aux conjoints de Français pose de nombreuses difficultés.
L’article L. 211-2-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que les conjoints de Français entrés régulièrement en France, mariés en France et justifiant de six mois de vie commune avec leur conjoint en France peuvent déposer leur demande de visa auprès de la préfecture.
Cette formalité devrait en principe suffire pour leur éviter un renvoi vers leur pays d’origine. Dans les faits, cette procédure fonctionne mal, notamment lorsque le consulat ne répond pas à la demande dans le délai légal de deux mois qui lui est imparti, ce qui est, hélas ! fréquent. Bien souvent, en effet, le fait que le consulat ne réponde pas dans les deux mois est interprété par la préfecture comme une décision implicite de refus, et les personnes ayant droit à un titre de séjour se trouvent de fait privées de ce droit en raison de ce dysfonctionnement.
Cette exigence du visa de long séjour pour les conjoints de Français déjà présents en France porte donc une atteinte disproportionnée au droit à une vie familiale normale, et cela d’autant plus que les vérifications qui sont effectuées par les consulats lors de la délivrance du visa apparaissent superflues, puisqu’un nouvel examen du dossier est effectué par les préfectures au moment de la délivrance du titre de séjour.
Cet amendement, dont nous espérons qu’il suscitera votre assentiment, monsieur le ministre, simplifiera les choses, puisqu’il vise à supprimer, pour les conjoints de Français, l’obligation de production d’un visa de long séjour pour la délivrance d’une carte de séjour temporaire, compte tenu des garanties qui existent déjà.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à réformer le droit en vigueur s’agissant des visas de long séjour délivrés aux étrangers mariés ou souhaitant se marier à un ressortissant français.
Il est notamment proposé de supprimer l’exigence de connaissance préalable de la langue française et des valeurs de la République, et d’instaurer une procédure accélérée et renforcée d’examen des demandes émanant de personnes souhaitant se marier avec un Français.
Ces modifications ne paraissent pas opportunes. S’agissant de la délivrance d’un visa de long séjour, il est parfaitement légitime de contrôler la capacité de l’étranger à s’intégrer dans la société française.
Par ailleurs, les étrangers souhaitant se marier avec un Français ont vocation à demander un visa de court séjour plutôt qu’un visa de long séjour. Or je vous rappelle que l’ensemble des dispositions relatives aux visas de court séjour sont désormais déterminées au niveau communautaire.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur Sueur, vous souhaitez, en matière d’obtention de visa, donner les mêmes droits à l’étranger qui déclare avoir l’intention de se marier avec un Français qu’à celui qui est déjà marié avec un Français. Vous conviendrez qu’il n’est pas possible de mettre ces deux situations sur le même plan !
Le fait générateur qui permet à un étranger de se voir délivrer un visa de long séjour valant titre de séjour est, et doit rester, l’acte de mariage. Dans le cas contraire, n’importe qui pourrait déclarer qu’il veut venir se marier en France. Les consulats seraient alors confrontés à des problèmes de preuve insolubles. Tant que le mariage n’a pas été célébré, l’étranger ne peut prétendre bénéficier des droits octroyés à un étranger conjoint de Français.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai beaucoup de mal à suivre le débat...
M. le rapporteur nous parle de l’enseignement du français aux étrangers qui arrivent dans notre pays. Nous sommes très attachés à l’idée que ces personnes puissent apprendre notre langue. Mais cela n’a strictement rien à voir avec la question de savoir s’il faut requérir un document au consulat dans un délai de deux mois, dès lors que la préfecture effectue ensuite les investigations nécessaires. Ce n’est pas le sujet !
M. le ministre nous parle, quant à lui, des candidats au mariage. Or l’article 17 A, tout comme notre amendement, ne concerne que les conjoints. Je ne comprends pas le rapport entre les propos de M. le rapporteur et de M. le ministre, et notre sujet.
M. le président. L’amendement n° 321, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 17 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 313-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « an », sont insérés les mots : « lors de la première délivrance » ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle est de trois ans au premier renouvellement, sauf manquement manifeste d'intégration républicaine à la société française telle que définie au premier alinéa de l'article L. 314-2. »
II. - À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 314-8 du même code, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « quatre ».
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Il est difficile pour toute personne de s’intégrer et de faire des projets lorsque la légalité de sa présence sur le territoire est réexaminée chaque année.
Cet amendement vise donc à sécuriser le séjour d’étrangers en situation régulière et à mettre en œuvre une procédure cohérente.
L’étranger pourra, comme actuellement, se voir délivrer une carte de séjour temporaire d’un an, puis, lors du premier renouvellement, sauf absence manifeste d’intégration républicaine, une carte d’une validité de trois ans pourra lui être délivrée. Ceux qui ne souhaiteraient pas rester en France pourront toujours retourner dans leur pays d’origine avant l’expiration de ce délai de trois ans.
L’allongement de la validité de la carte temporaire de séjour va à l’inverse de la logique actuelle contre-productive de précarisation des migrants, car elle facilitera et encouragera l’intégration des migrants. Par ailleurs, une telle disposition permettra un désengorgement des préfectures en réduisant la fréquence des renouvellements des titres de séjour.
Enfin, au terme de quatre ans, l’étranger pourra solliciter une carte de résident de dix ans. Ainsi, un parcours clair, cohérent et fondé sur les efforts d’intégration des personnes sera proposé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il est absolument nécessaire de permettre à l’autorité administrative de procéder à un réexamen périodique pour savoir si les conditions qui ont présidé à la délivrance de la première carte de séjour sont toujours réunies.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur. Un contrôle annuel, tout au moins au cours des premières années de présence sur notre territoire, est indispensable. Les années suivantes, je le rappelle, aucune condition nouvelle n’est posée.
Ce contrôle annuel n’est donc pas un obstacle à l’intégration d’une personne étrangère dans la société française, mais garantit au contraire son insertion.
Je rappelle également que, au terme d’une période de cinq ans, l’étranger peut accéder à une carte de résident de dix ans. Il ne me semble pas opportun de porter la durée initiale de renouvellement à trois ans. Un renouvellement annuel nous paraît plus légitime.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je plaiderai en faveur de cet amendement.
En effet, dans nos circonscriptions, des personnes viennent nous expliquer que, au quotidien, elles ne peuvent pas signer de contrats à durée indéterminée ou de baux trois, six, neuf, par exemple,…
Mme Éliane Assassi. Voilà le problème !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment voulez-vous qu’elles s’intègrent ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. …ni accomplir des actes de la vie courante qui leur permettraient d’être mieux intégrées, d’avoir une situation moins précaire, de s’installer de manière beaucoup plus stable sur notre territoire ; voilà la réalité !
La carte de séjour temporaire, dont la durée de validité est limitée à un an, est un instrument de précarisation perpétuelle que l’on renouvelle et que l’on multiplie.
De nombreuses structures et institutions sont d’ailleurs totalement inaccessibles aux détenteurs de cette carte ; ces derniers ne peuvent notamment pas obtenir de crédit bancaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous le faites exprès !
M. le président. L'amendement n° 322, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 17 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot : « valoir », sont insérés les mots : « ou à l'étranger ne vivant pas en polygamie qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de cinq ans ».
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Par cet amendement, nous proposons de revenir à un système de régularisation sur critères « au fil de l'eau », système clair et transparent auquel a mis fin, comme vous le savez, la loi du 24 juillet 2006.
L’étranger justifiant résider habituellement en France depuis plus de cinq ans pourra solliciter un titre temporaire de séjour.
Aujourd’hui, les régularisations sont opérées dans une certaine opacité, puisque à statut égal et à situation égale, selon les départements, la régularisation peut être accordée ou non.
De surcroît, le seul dispositif de substitution existant, à savoir la Commission nationale de l’admission exceptionnelle au séjour, qui a été créée par la loi de 2006 précitée, est supprimé par un article du présent projet de loi que nous examinerons prochainement.
Le Gouvernement régularise mais ne souhaite pas que l’on sache selon quels critères il prend cette décision ou ne la prend pas.
Il nous paraît nécessaire de proposer un système fondé sur l’égalité de traitement qui permette de faire en sorte que, à situation égale, les possibilités de régularisation soient les mêmes.
Nous proposons donc d’introduire à nouveau de la transparence et de la justice afin que les raisons pour lesquelles une personne est régularisée ou non soient connues et maîtrisées.
Il ne s’agit aucunement d’automaticité – j’insiste sur ce point –, mais il convient de mettre en place un système transparent qui soit fondé sur des critères explicites, afin que toutes les décisions, positives ou négatives, soient justifiées et que les voies de recours puissent s’exercer dans la plus parfaite clarté.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Même si la rédaction en est habile, le présent amendement reviendrait à instaurer la régularisation automatique des étrangers à partir d’un délai de cinq ans, ce qui est contraire aux positions que nous défendons depuis de nombreuses années. En effet, je me permets de vous signaler que le Sénat avait entériné en 2007 la suppression de la régularisation de plein droit après dix années de résidence sur le territoire français.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement a émis le même avis que la commission : défavorable !
M. le président. L'amendement n° 136, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 17 A, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3° de l'article L. 521-2 du même code est rétabli dans la rédaction suivante :
« 3° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, dont les liens personnels ou familiaux en France sont tels qu'une mesure d'éloignement porterait au respect de son droit à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ; »
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement vise à compléter l’article L. 521-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui énumère les catégories de personnes ne pouvant faire l’objet d’une mesure d’expulsion du territoire.
Nous souhaitons ajouter à cette liste « l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, dont les liens personnels ou familiaux en France sont tels qu’une mesure d’éloignement porterait au respect de son droit à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ».
Vous l’aurez compris, il s’agit ici de garantir les droits fondamentaux des étrangers et de protéger ces derniers contre une mesure d’éloignement.
La rédaction ainsi proposée renvoie directement à la Convention européenne des droits de l’homme. Il nous a semblé important d’inscrire une telle disposition dans le marbre de la loi à l’occasion de l’examen du présent projet de loi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, d’autant plus que les atteintes sont disproportionnées !
Mme Marie-Agnès Labarre. Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons d’adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’ajout proposé ne nous semble pas nécessaire.
En effet, les dispositions des articles L. 521-1 et L. 521-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile établissent déjà une protection en faveur de dix catégories de personnes pour des raisons touchant à la vie privée ou à la vie familiale.
Par ailleurs, un étranger peut toujours invoquer l’atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale devant le juge.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous voyez les choses différemment selon les textes : c’est bizarre !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. La position de la commission telle que vient de l’exposer M. le rapporteur est tout à fait pertinente. Le Gouvernement émet par conséquent le même avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 17
I. – (Non modifié) L’intitulé de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre III du même code est ainsi rédigé : « La carte de séjour temporaire portant la mention “scientifique-chercheur” ».
I bis (nouveau). – Le premier alinéa de l’article L. 313-4 du même code est ainsi rédigé :
« Par dérogation aux articles L. 311-2 et L. 313-1, l’étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire au titre des articles L. 313-7 ou L. 313-8 depuis au moins un an ou, pour l’étranger demandant une carte de séjour temporaire au titre de l’article L. 313-8, d’un visa délivré pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois octroyant à son titulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire susmentionnée, peut, à l’échéance de la validité de ce titre, en solliciter le renouvellement pour une durée supérieure à un an et ne pouvant excéder quatre ans. »
II. – (Non modifié) Au troisième alinéa de l’article L. 313-4, au 3° de l’article L. 313-4-1, à la fin du premier alinéa de l’article L. 313-8 et à la fin du 5° de l’article L. 313-11 du même code, les mots : « mention “scientifique” » sont remplacés par les mots : « mention “scientifique-chercheur” ».
M. le président. L'amendement n° 93 rectifié quater, présenté par M. Béteille, Mmes B. Dupont et Procaccia, M. Gournac, Mme Mélot, MM. Houel, Demuynck, Gilles et P. Dominati, Mlle Joissains, M. J. Gautier et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
et à la fin du 5° de l'article L. 313-11
II. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - L'article L. 313-8 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le conjoint, s'il est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants entrés mineurs en France dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou remplissant les conditions prévues par l'article L. 311-3 du présent code, d'un étranger titulaire d'une carte "scientifique-chercheur", bénéficient de plein droit de la carte de séjour mentionnée au 3° de l'article L. 313-11. La carte de séjour ainsi accordée est renouvelée de plein droit durant la période de validité restant à courir de la carte "scientifique-chercheur" susmentionnée. »
... - Le 5° de l'article L. 313-11 du même code est abrogé.
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Le présent amendement concerne la famille des scientifiques-chercheurs, nombreux dans mon département.
L’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, relatif à la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à certaines catégories d’étrangers, ne mentionne pas le conjoint et les enfants du ressortissant étranger titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention « scientifique ».
Par conséquent, le présent amendement vise tout simplement à réparer cette discordance et à aligner la situation des familles des scientifiques-chercheurs sur celle des autres bénéficiaires. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis favorable. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) La simplification envisagée est tout à fait opportune et contribuera à l’attractivité de nos territoires.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non ! Nous ne pouvons pas faire cela !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est honteux !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement partage le sentiment de la commission.
En effet, le présent amendement a pour objet de permettre aux scientifiques-chercheurs de profiter des procédures visées en intégrant ces derniers à la liste des catégories déjà prévues par la loi.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une telle disposition est tout de même un peu exagérée…
Mme Raymonde Le Texier. C’est caricatural !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … et caricaturale.
Mme Éliane Assassi. Il y a deux poids, deux mesures !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est clair que vous souhaitez poursuivre, de façon déterminée, dans la voie de l’immigration choisie et faire venir des cerveaux des pays du Sud – pour aller vite –…
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Pas seulement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai employé cette formule pour être brève, car je ne souhaite pas vous faire perdre votre temps, chers collègues.
Toutefois, monsieur le sénateur, sur le plan de la vie privée et familiale, pouvez-vous m’expliquer quelle est la différence entre un ouvrier du bâtiment et un scientifique-chercheur disposant chacun d’une carte de séjour temporaire en France ? Sur ce point, je trouve que vous poussez le bouchon un peu loin !
Il faudrait tout de même essayer de respecter l’égalité entre les êtres humains, qu’ils soient étrangers ou français, chercheurs, ouvriers ou employés. Votre proposition est tout de même exagérée !
Mme Raymonde Le Texier. C’est une caricature !
M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 17
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 133, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 312-2 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « La commission est saisie par l'autorité administrative » sont remplacés par les mots : « La commission est saisie par l'étranger ou par l'autorité administrative » et les mots : « étranger mentionné » sont remplacés par les mots : « un étranger qui se prévaut des dispositions de ».
2° Au début du deuxième alinéa, les mots : « L'étranger est convoqué » sont remplacés par les mots : « L'étranger et l'autorité administrative sont convoqués ».
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a pour objet de modifier l’article L. 312-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, afin de prévoir la possibilité pour l’étranger de saisir la commission du titre de séjour.
Si la préfecture ne saisit pas la commission du titre de séjour, le demandeur doit être en mesure de la saisir lui-même.
Je rappelle que la commission du titre de séjour est censée être saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour ou lorsqu’il est saisi d’une demande d’admission exceptionnelle au séjour émanant d’un étranger qui justifie de sa présence en France depuis plus de dix ans.
La saisine de la commission permet une audition du demandeur et donc une meilleure prise en compte de sa situation. Des précisions et des clarifications doivent être apportées afin d’éviter des refus qui seraient ensuite censurés par les juridictions administratives en cas de recours contentieux.
Aujourd'hui, ce dispositif fonctionne très mal, car les préfectures se dispensent le plus souvent de saisir la commission.
Pour contourner ces difficultés, il convient de donner la possibilité à l’intéressé de soumettre lui-même sa situation à la commission quand la préfecture ne respecte pas son obligation légale.
M. le président. L'amendement n° 347 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots : « La commission est », est inséré le mot : « obligatoirement ».
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Le présent amendement va dans le même sens que le précédent.
Aujourd'hui, la loi impose à l’autorité administrative de saisir la commission du titre de séjour dans un certain nombre de cas. C’est une très bonne chose, puisque la saisine permet l’audition et, par suite, la personnalisation de la demande de l’étranger, dont la situation sera mieux prise en compte.
Dans les faits, ce dispositif fonctionne très mal : souvent, la commission n’est pas saisie comme l’exigerait l’article L. 312-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Nous proposons de régler cette question définitivement en précisant, au travers de cet amendement, que la commission doit être « obligatoirement » saisie.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 133 a pour objet d’ouvrir à l’étranger la possibilité de saisir lui-même la commission du titre de séjour.
Permettez-moi de rappeler la procédure actuelle.
La commission doit être saisie par l’autorité administrative qui envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire ou une carte de résident dans des cas bien précis. L’étranger est alors entendu par cette commission. Le cas échéant, il a parfaitement le droit d’être assisté par un avocat qui peut être désigné au titre de l’aide juridictionnelle. Le contrôle de l’application de ces dispositions est réalisé par le juge administratif.
Du point de vue de la commission, les difficultés soulevées par l’auteur de l’amendement ont donc trait à des dispositions qui relèvent non pas du niveau législatif mais véritablement du niveau réglementaire. C’est la raison pour laquelle il ne paraît pas utile de modifier la loi.
La commission demande donc le retrait des amendements nos 133 et 347 rectifié ; à défaut, elle émettra un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le président, je me rappelle les premières séances auxquelles j’avais participé à l’époque en temps que sénateur. Il nous arrivait de temps à autre d’insérer des termes synonymes d’« obligatoirement » dans le texte.
J’ai toujours gardé en mémoire que si la loi dispose que la commission est saisie, il n’y a pas de choix, c’est impératif. Le fait d’ajouter « obligatoirement » ne change rien, en tous les cas tel que cela m’avait été expliqué ! J’ai toujours considéré que le Sénat était un lieu de l’excellence en matière de rédaction de la loi, et je continue de le penser.
Par conséquent, le débat est clos sur ce point, et le Gouvernement ne peut être favorable à l’amendement n° 347 rectifié.
L’amendement n° 133, quant à lui, vise à étendre la saisine de la commission non seulement aux étrangers appartenant aux catégories protégées prévues par la loi, mais aussi à ceux qui se prévalent de ces catégories.
Madame la sénatrice, il n’est pas besoin d’être grand clerc pour comprendre que votre proposition, si elle était adoptée, entraînerait une explosion du nombre de saisines de la commission du titre de séjour. Il est d’ailleurs probable que ces saisines seraient alors utilisées massivement à des fins purement dilatoires.
Vous formulez en outre une autre proposition, tout aussi intéressante, qui tend à remplacer les mots : « L’étranger est convoqué » par les mots : « L’étranger et l’autorité administrative sont convoqués ». En d’autres termes, l’administration se convoquera pour la réunion avec l’étranger en question…
Vous comprendrez qu’il est difficile de donner une suite favorable à votre amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 133.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La réponse de M. le ministre ne me paraît pas satisfaisante.
Selon lui, si le texte précise que « la commission est saisie », cela signifie qu’elle l’est obligatoirement.
Cependant, nous constatons que la commission n’est pas saisie par le préfet ; c’est pourquoi nous proposons que l’étranger lui-même puisse le faire. Sinon, qui la saisit ?
Mme Éliane Assassi. Oui, qui saisit la commission, si le préfet ne le fait pas ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Madame Borvo Cohen-Seat, vous décrivez une situation dont nous n’avons pas d’exemple. Jusqu’à présent, en effet, il n’y a jamais eu, à notre connaissance, de cas dans lesquels la commission du titre de séjour n’ait pas été saisie par le préfet : si vous avez connaissance de telles situations, transmettez-nous les dossiers et nous les examinerons.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Bien sûr, c’est du cas par cas : inutile donc de faire une loi…
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. M. le ministre a expliqué que l’ajout du mot « obligatoirement », d’une part, n’était pas de bonne technique législative, d’autre part, ne changeait rien.
Pour ma part, je suis au contraire convaincu que l’adverbe change tout, et je le suis encore plus encore après ce que M. le ministre vient de dire à l’instant.
Oui, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un problème pratique et, dès lors qu’il est constaté que, dans la réalité, l’instance qui doit être saisie ne l’est pas, le législateur doit intervenir pour clarifier, et la meilleure façon de le faire est de préciser que ladite instance doit être « obligatoirement » saisie, ce qui ôte toute place à l’arbitraire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà !
M. le président. L'amendement n° 325, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 313-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les références : « des articles L. 313-7 ou L. 313-8 » sont remplacées par la référence : « de l'article L. 313-7 » ;
2° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation aux articles L. 311-2 et L. 313-1, la carte de séjour temporaire délivrée au titre de l'article L. 313-8 est attribuée pour une durée ne pouvant excéder quatre ans en tenant compte de la durée des travaux de recherche et est renouvelable. En cas de rupture du contrat de travail, une nouvelle carte est délivrée. »
II. - Au second alinéa de l'article L. 311-8, les mots : « ou "travailleur temporaire" » sont remplacés par les mots : «, "travailleur temporaire" ou "scientifique-chercheur" ».
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. En l’état du droit, l’article L. 311-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que la carte de séjour temporaire et la carte de séjour « compétences et talents » doivent être retirées à leurs titulaires s’ils cessent de remplir l’une des conditions exigées pour leur délivrance.
L’article 14 du projet de loi prévoit une dérogation à cette règle pour le titulaire de la carte bleue européenne, à qui l’on ne pourra pas retirer son titre de séjour en cas de chômage involontaire.
Il nous paraît logique d’associer à ce dispositif les titulaires de la carte de séjour « scientifique chercheur » afin qu’ils ne puissent pas non plus se voir retirer celle-ci en cas de perte involontaire de leur emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’étendre aux scientifiques-chercheurs les dispositions prévoyant que le titre de séjour d’un salarié ne peut être retiré en cas de chômage involontaire.
Cependant, une distinction doit être faite, car les « scientifiques-chercheurs » ne sont pas, au regard du droit positif, dans une situation comparable à celle des salariés ou des travailleurs temporaires. En effet, leur titre de séjour leur est délivré au vu d’une convention d’accueil avec un organisme agréé afin de mener des travaux de recherche ou de dispenser un enseignement de niveau universitaire ; il y a donc un lien direct avec le travail que doit effectuer le scientifique-chercheur.
Cette convention d’accueil les dispense d’obtenir une autorisation de travail ou de produire un contrat de travail visé par la direction départementale du travail.
Il ne serait donc pas cohérent d’étendre aux scientifiques-chercheurs les règles applicables aux salariés et aux travailleurs temporaires en matière de chômage involontaire.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 324 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « qui réside de manière ininterrompue plus de six mois en France » sont supprimés et sont ajoutés les mots : « dès lors que le contrat de travail du salarié en mission prévoit une résidence ininterrompue en France de plus de six mois ».
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. La carte « salarié en mission » peut actuellement être délivrée à tout ressortissant étranger salarié d’une entreprise française ou détaché en France dans le cadre de la mobilité au sein d’un même groupe de sociétés, à condition que sa rémunération brute soit supérieure à 1,5 fois le SMIC français.
Créée par la loi du 24 juillet 2006, cette carte donne à son titulaire un droit au séjour de trois ans renouvelables.
Au bout de six mois de présence en France, la carte « salarié en mission » permet également à son titulaire d’être rejoint par son conjoint et ses enfants, le temps du détachement en France.
Le présent amendement, qui a reçu en commission l’avis favorable du rapporteur, a pour objet de simplifier les démarches administratives, assez complexes, auxquelles sont assujettis les conjoints des deux mille personnes qui se voient délivrer chaque année la carte portant mention « salarié en mission ».
En effet, à l’heure actuelle, si le conjoint souhaite accompagner le porteur de ladite carte dès son arrivée sur le territoire français, il ne peut séjourner que sous couvert d’une carte de séjour temporaire portant la mention « visiteur » avant de bénéficier d’un nouveau statut au bout de six mois.
Nous vous proposons donc cet amendement de simplification.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Favorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.
L'amendement n° 134 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le troisième alinéa (2°) de l'article L. 313-11 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° À l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tout moyen suivre une formation française, dispensée soit par un organisme public soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État ; »
II. - Après le huitième alinéa (6°) du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° À l'étranger qui est père ou mère d'un ou plusieurs enfants résidant en France et suivant, de manière attestée, une formation française, dispensée soit par un organisme public soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État ; »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le présent amendement est la reprise de la proposition de loi pour le respect du droit à l’éducation des jeunes étrangers résidant en France qu’avait présentée mon groupe.
La loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité ainsi que les textes qui ont suivi ont débouché sur une politique de l’immigration extrêmement répressive à l’égard de l’ensemble des étrangers présents sur le territoire français.
Cette orientation a encore été accentuée par la « politique du chiffre » du Gouvernement en matière de reconduites à la frontière, politique affichée dans diverses déclarations.
Cette politique, qui n’est évidemment pas sans conséquence sur les conditions de rétention des étrangers, a aussi mis en évidence de nombreux cas problématiques d’étrangers, mineurs ou jeunes majeurs qui, bien que scolarisés en France, sont menacés par une reconduite à la frontière.
Ces élèves se trouvent dans une situation très précaire et l’actualité se fait régulièrement, hélas ! l’écho de situations dramatiques d’enfants retirés de leur école pour être expulsés du territoire français.
Or, bien souvent, ces enfants sont arrivés en France après avoir quitté leur pays parce qu’ils y étaient en difficulté. Certains sont des mineurs isolés et ne disposent pas de titre de séjour, ce à quoi la loi ne les oblige d’ailleurs pas. D’autres vivent en France avec leurs parents mais, du fait de la situation irrégulière de ces derniers, ils sont, eux aussi, menacés d’être reconduits à la frontière.
Il y a encore quelques années, ces jeunes pouvaient poursuivre leur scolarité normalement et obtenaient le plus souvent la régularisation de leur séjour en France du fait de la prise en compte de leur situation familiale et scolaire, signe d’une forte volonté d’intégration, mais tel n’est plus le cas depuis 2003.
Nous sommes en effet confrontés depuis à cette situation injuste, et indigne d’un pays comme le nôtre, où de jeunes étrangers scolarisés en France se trouvent sous le coup d’un arrêté de reconduite à la frontière. Et quand les jeunes majeurs scolarisés ne sont pas directement visés, c’est la situation de leurs parents qui peut mettre en péril leur avenir.
Dans tous les cas, c’est l’intérêt des enfants qui est bafoué ainsi que leur droit à l’éducation, qu’ils soient en situation régulière ou non.
Nous voulons permettre à ces jeunes de bénéficier d’une scolarité normale, car ils font preuve d’une grande détermination à suivre leurs études en France, où ils envisagent souvent leur avenir familial et professionnel.
À cette fin, il convient de prévoir une protection pour les parents et leur permettre de régulariser leur situation afin de donner à leurs enfants une chance de continuer leur scolarité normalement, comme n’importe quel autre enfant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement prévoit la délivrance de plein droit d’une carte de séjour temporaire à l’étranger mineur qui suit avec assiduité une formation en France ainsi qu’à ses parents.
D’abord, s’agissant d’étrangers mineurs, je rappelle que ceux-ci sont dispensés de titre de séjour en application des dispositions de l’article L. 311-1 du CESEDA.
Ensuite, s’agissant des parents, l’amendement ouvre un champ extrêmement large ; il risque, on le sait tous, de faire des mineurs des « têtes de pont » de l’immigration clandestine, situation qu’il ne faut évidemment pas encourager.
En revanche, il existe d’ores et déjà un arsenal législatif suffisamment large pour accueillir les mineurs étrangers qui suivent des formations et leur permettre de poursuivre sur le territoire national les études qu’ils ont engagées.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à un amendement prévoyant que l’administration délivre systématiquement une carte de séjour aux parents d’enfants étrangers qui suivent une formation en France.
La participation à l’éducation et à l’entretien de ces enfants constitue une obligation légale en France et ne doit donc pas donner lieu à un droit au séjour automatique.
La circonstance d’être le parent d’un enfant suivant une formation en France ne constitue pas en soi un motif de séjour au titre de la vie privée et familiale, celle-ci pouvant être menée dans le pays d’origine.
Comme l’a dit le rapporteur, l’amendement, qui vise en réalité à régulariser automatiquement les parents ayant des enfants scolarisés en France, est inacceptable, car il encouragerait toutes les formes d’immigration clandestine et constituerait un véritable appel d’air.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 135 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 344 rectifié est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au neuvième alinéa (7°) de l'article L. 313-11 du même code, les mots : « liens personnels et familiaux » sont remplacés par les mots : « liens personnels ou familiaux ».
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour défendre l’amendement n° 135.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article L. 313-11 du CESEDA est relatif à la délivrance de plein de droit de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » à certaines catégories de personnes.
Est notamment concerné « l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France […] sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ».
Nous proposons de remplacer les mots : « liens personnels et familiaux » par les mots : « liens personnels ou familiaux ».
Des instruments internationaux ratifiés par la France tels que la Convention européenne des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques donnent une définition large de la notion de « vie privée et familiale » qui est loin d’être appliquée par l’administration et les juridictions administratives en France.
Il est pourtant nécessaire que cette notion soit appréhendée dans sa globalité, sans occulter les liens personnels, les relations sociales, amicales ou professionnelles que les étrangers tissent en France et qui leur permettent une insertion dans la société.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 344 rectifié.
M. Alain Anziani. Cet amendement vise à distinguer, d’un côté, le lien familial, de l’autre, les relations sociales, amicales ou professionnelles.
En la matière, j’irai un peu plus loin que ce qui vient d’être excellemment dit : dès l’instant où il y a une ambiguïté d’interprétation, pourquoi ne pas nous « caler » sur la Convention européenne des droits de l’homme ? Ce n’est pas la plus mauvaise boussole et, à mon avis, nous ne pouvons qu’y gagner !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
Il ne s’agit pas de faire le choix entre un système cumulatif ou un système exclusif. L’expression : « liens personnels et familiaux » constitue un terme générique et désigne une entité, un tout : conformément aux dispositions législatives, on apprécie la situation à la fois personnelle et familiale.
À cet effet, le juge doit disposer d’un faisceau d’éléments contribuant à le convaincre qu’il convient d’accorder le titre de séjour.
Les préoccupations évoquées par les auteurs des amendements sont d’ailleurs déjà prises en compte par le juge administratif, qui utilise de plus en plus largement le critère tiré de l’insertion de l’étranger dans la société française pour examiner si le refus de titre de séjour est de nature à porter atteinte à son droit à une vie privée et familiale, en se fondant notamment sur sa participation à la vie associative et artistique régionale, à son intégration professionnelle et à sa maîtrise de la langue française.
Ces exemples tirés de la jurisprudence montrent que le juge administratif va donc bien au-delà de la différenciation proposée, qui ne nous paraît pas raisonnable.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Les auteurs de ces deux amendements proposent une révolution conceptuelle qui consiste à remplacer l’expression « liens personnels et familiaux » par l’expression « liens personnels ou familiaux »…
En réalité, l’article L. 313-11 du CESEDA tient fidèlement compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et la proposition d’évolution terminologique ne répond à aucune difficulté identifiée par quiconque pour l’instant, à notre connaissance du moins.
La rédaction actuelle vise précisément à prendre en compte le fait que la vie privée et familiale forme un tout indissociable et que c’est sous cet angle global que le préfet doit examiner les demandes.
Je rappelle d’ailleurs que l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme mentionne bien le concept de « vie privée et familiale ». On pourrait prendre parti dans ce combat du « et » et du « ou » et modifier cette convention, mais je ne crois pas que ce soit le lieu pour enfourcher un tel cheval de bataille !
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 135 et 344 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 137, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après 9° de l'article L. 314-11 du même code, il est inséré un 10° ainsi rédigé :
« 10° À l'étranger qui est en situation régulière depuis plus de dix ans ou qui a travaillé régulièrement en France, pendant plus de cent vingt mois cumulés ; »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, vous alternez curieusement entre le souci de la précision et celui du flou, qui laisse à l’autorité administrative une grande marge d’interprétation.
À travers cet amendement, nous souhaitons modifier une nouvelle fois l’article L. 314-11 du CESEDA relatif à la délivrance de plein droit d’une carte de résident pour certaines catégories de personnes protégées des expulsions.
Nous proposons d’ajouter à la liste des bénéficiaires l’étranger qui est en situation régulière depuis plus de dix ans ou qui a travaillé régulièrement en France pendant plus de cent vingt mois cumulés, sauf s’il a été, durant toute cette période, titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant ».
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit de protéger les travailleurs migrants en fonction de la pérennité de leur emploi et d’imposer la délivrance d’un titre de séjour au bénéfice des personnes qui sont dans des situations semblables à celles des travailleurs saisonniers habituels.
Il est d’autant plus important de protéger ces travailleurs qu’ils ont contribué et contribuent encore à créer de la richesse dans notre pays, raison pour laquelle, d’ailleurs, les employeurs ont recours à eux. Nous vous proposons donc d’en tenir compte et ainsi de faire en sorte que chacun puisse apprécier en toute connaissance de cause !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je voudrais rappeler que le droit positif permet d’ores et déjà à un étranger présent sur le territoire en situation régulière de se voir délivrer une carte de résident au terme de cinq ans de résidence dès lors qu’il dispose de ressources suffisantes et que son intégration républicaine est avérée.
Il ne paraît pas nécessaire d’aller au-delà en prévoyant une délivrance de plein droit, c’est-à-dire sans condition de ressources ni d’intégration, pour les étrangers qui auraient travaillé dix ans en situation régulière en France.
La commission des lois a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 139, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les étrangers, qui à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, sont titulaires d'une carte de séjour temporaire d'un an les autorisant à travailler, reçoivent de plein droit une carte de résident à la première échéance de l'un de ces titres de séjour ou de travail.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous restons dans le même sujet !
Les législations restrictives en matière de droit au séjour issues des lois successives ont précarisé la situation des étrangers et élevé des obstacles les empêchant d’accéder, notamment, à l’emploi et au logement. En effet, comment peut-on s’intégrer socialement et professionnellement lorsque l’on possède une carte de séjour d’un an et que l’on ignore si, demain, elle sera renouvelée ?
Là encore, chacun interprète à sa façon. Par exemple, les bailleurs considèrent souvent qu’un an ne constitue pas une durée suffisante et refusent, le cas échéant, la location du logement.
L’intégration suppose un minimum de stabilité dans l’exercice du droit au séjour permettant, dans le pays d’accueil, un véritable ancrage qui ne soit pas soumis aux aléas ou à la précarité.
Monsieur le ministre, vous vous servez de l’intégration comme d’un obstacle supplémentaire à la régularisation des personnes en situation irrégulière. Pour vous, la délivrance d’un titre de séjour est la récompense de l’intégration. Or il faut d’abord se préoccuper de la mise en place des moyens permettant cette intégration !
Mes chers collègues, je vous rappelle à cet égard que la carte de résident de dix ans, créée en 1984 et votée alors à l’unanimité par le Parlement, a constitué un élément légal d’intégration de dizaines de milliers de migrants qui se sont par la suite intégrés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Comme je viens de le souligner, le droit en vigueur ne permet d’accéder à une carte de résident qu’à partir de cinq ans de résidence sur le territoire ou, sous certaines conditions, de trois ans.
À travers cet amendement, il est proposé d’abaisser ce seuil à un an. Il me semble que ces préoccupations sont partiellement prises en compte par le droit positif, puisque certaines cartes de séjour délivrées pour raisons professionnelles peuvent avoir une durée de validité pluriannuelle.
Tel est déjà le cas, par exemple, des cartes « salarié en mission », « compétences et talents » ou, à l’expiration du premier titre, les cartes « étudiant » ou « scientifique ». Les dispositifs relatifs à la carte bleue européenne, qui sont précisés dans le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, prévoient également cette pluriannualité.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. À travers cet amendement, vous voulez rendre systématique la délivrance d’une carte de résident à tout étranger dont le premier titre de séjour l’autorisant à travailler arrive à échéance.
À l’heure actuelle, le renouvellement de ce titre de séjour est accordé dès lors que les conditions initiales de délivrance sont respectées. Ces dispositions participent – vous l’aurez compris – à la protection de l’ordre public social.
En effet, il ne faut pas perdre de vue que c’est l’exercice d’une activité professionnelle qui permet la délivrance d’un titre de séjour autorisant le travail. Il est normal que, pendant les premières années de présence en France, l’administration s’assure que cette condition est toujours remplie avant d’accorder une carte de résident.
Par conséquent, le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 17 bis
(Non modifié)
Le 3° de l’article L. 313-11 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” délivrée dans les conditions prévues à l’alinéa précédent a une durée de validité identique à la durée de la carte de séjour du parent ou du conjoint titulaire d’une carte de séjour portant la mention “carte bleue européenne”, “compétences et talents” ou “salarié en mission”. La carte de séjour est renouvelée dès lors que son titulaire continue à remplir les conditions définies par le présent code. »
M. le président. L'amendement n° 326, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
L'article L. 313-11 du même code est ainsi modifié :
1° À la première phrase du 2° bis, les mots : «, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et », sont remplacés par les mots : « au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve » ;
2° Après le 2° bis, il est inséré un 2° ter ainsi rédigé :
« 2° ter À l'étranger qui, avant d'être confié au service de l'aide sociale à l'enfance, a pu être victime de réseaux de traite humaine ou d'exploitation et qui ne sont plus soumis au contrôle de tels réseaux. La condition prévue à l'article L. 311-7 ne s'applique pas. » ;
« 3° Le 3° est complété par un alinéa ainsi rédigé :
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Les dispositions de l’article L. 313-11 du CESEDA qui prévoient la régularisation des mineurs étrangers confiés à l’aide sociale à l’enfance, l’ASE, ainsi que la délivrance d’une carte de séjour « vie privée et familiale » comportent des conditions dont la plupart sont difficiles à remplir.
Il en est ainsi du caractère réel et sérieux du suivi de la formation par le mineur et de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d’origine. Ce sont deux points très difficiles à vérifier, vous en conviendrez ! Par conséquent, mes chers collègues, nous vous proposons de supprimer tout simplement cette mention.
Une carte temporaire de séjour portant la mention « vie privée et familiale » pourrait ainsi être délivrée à l’étranger durant sa dix-huitième année, à la seule condition qu’il ait été confié aux services de l’aide sociale à l’enfance avant l’âge de seize ans.
Par ailleurs, il convient de porter une attention toute particulière aux mineurs victimes de réseaux mafieux. Dans cette perspective, nous proposons d’insérer dans le même article la possibilité de délivrer une carte de séjour temporaire aux étrangers qui, avant d’être confiés aux services d’aide sociale à l’enfance, ont pu être victimes de traite humaine ou d’exploitation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement prévoit la délivrance de plein droit d’un titre de séjour à l’ensemble des mineurs isolés qui ont été confiés à l’ASE, quel qu’ait été leur âge d’entrée sur le territoire et quel que soit le sérieux de leurs efforts d’intégration. Ces dispositions pourraient également profiter aux mineurs victimes de la traite.
Je me dois d’apporter quelques précisions.
À l’heure actuelle, un titre de séjour est délivré de plein droit aux jeunes majeurs entrés en France avant l’âge de seize ans sous réserve, notamment, du caractère sérieux de la formation suivie. La situation des mineurs isolés en France après seize ans, elle, est prise en compte par les dispositions de l’article 19 du présent texte, qui vise à permettre à l’autorité préfectorale de leur délivrer, à leur majorité, un titre de séjour dès lors qu’ils sont engagés dans une démarche sérieuse de formation.
Par ailleurs, je rappelle que, s’agissant des mineurs étrangers victimes de la traite ou d’autres infractions, le juge des enfants est toujours compétent pour ordonner l’ensemble des mesures nécessaires afin d’assurer la protection du mineur.
Enfin, s’agissant des jeunes majeurs qui ne pourraient se prévaloir d’une des dispositions du CESEDA concernant le droit au séjour, il faut préciser, encore une fois, que l’autorité administrative peut à tout moment délivrer une carte « vie privée et familiale » au regard de considérations humanitaires ou de motifs à caractère exceptionnel.
Ainsi, pour la commission des lois, le droit en vigueur permet déjà largement de régler les situations évoquées par les auteurs de cet amendement.
Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur Charles Gautier, vous formulez deux propositions sur le droit au séjour des mineurs étrangers confiés à l’Aide sociale à l’enfance et entrés en France après l’âge de seize ans.
Tout d’abord, vous voulez supprimer dans l’examen du droit à un titre de séjour l’appréciation des liens avec la famille restée dans le pays d’origine. Or la Convention internationale relative aux droits de l’enfant valorise ces liens. Il serait arbitraire de les écarter au seul motif que l’enfant vient d’atteindre sa majorité. Leur prise en compte permet une appréciation objective et complète de la situation personnelle de l’intéressé au regard de son droit au séjour.
Par ailleurs, vous souhaitez garantir l’octroi d’un titre de séjour dès lors que le mineur étranger a été victime d’un réseau mafieux.
Le Gouvernement partage évidemment votre volonté de protéger les étrangers vulnérables, en particulier les mineurs et les jeunes majeurs. À cet effet, un dispositif est déjà prévu par l'article L. 313-14 du CESEDA relatif à la délivrance d’une carte de séjour pour des considérations humanitaires. La traite des êtres humains fait évidemment partie de ces dernières.
Enfin, il convient de souligner que les cartes de séjour temporaire « salarié » et « travailleur temporaire » sont les mieux adaptées pour ce public dans une perspective d’insertion et d’acquisition d’une expérience professionnelle valable aussi bien en France que dans le pays d’origine.
Vous l’aurez compris, nous sommes très sensibles aux arguments que vous avez exposés. Toutefois, pour les raisons que je viens d’évoquer, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 17 bis.
(L'article 17 bis est adopté.)
Article 17 ter
(Supprimé)
M. le président. L’amendement n° 95 rectifié, présenté par MM. Nègre, P. Dominati, Beaumont, Milon et Houel, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la première phrase du 11° de l'article L. 313-11 du même code, les mots : « qu'il ne puisse effectivement bénéficier » sont remplacés par les mots : « de l'indisponibilité ».
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 17 ter de ce projet de loi ne vise, ni plus ni moins, qu’à faire appliquer à la lettre la loi du 11 mai 1998 relative à l’entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d’asile, dite « RESEDA », qui a précisé le régime de droit au séjour des étrangers malades.
Cette loi permet à l’administration de délivrer un titre de séjour à un étranger lorsque le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve que l’intéressé ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans son pays d’origine.
En 2009, 5 550 cartes « étranger malade » ont ainsi été délivrées. Cet amendement n’a nullement pour objet de remettre en question ce régime.
Simplement, la jurisprudence du Conseil d’État a étendu le champ de ce dispositif bien au-delà des exigences de la loi et de la Cour européenne des droits de l’homme.
Par un arrêt du 7 avril 2010, le Conseil d’État a radicalement modifié l’appréciation en la matière. Il associe désormais l’impossibilité de recevoir un traitement approprié à la question du coût de celui-ci. La charge de la preuve en est devenue très complexe pour l’administration. Au total, cette jurisprudence ménage une très forte dose de subjectivité là où la loi de 1998 avait au contraire introduit des critères objectifs.
L’objet de cet amendement consiste donc à revenir à ce qui avait été l’intention initiale du rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale, c'est-à-dire d’appliquer le statu quo de 1998.
En effet, il incombe au législateur de ramener dans l’esprit de la loi une jurisprudence qui, à force d’interprétation, s’en est beaucoup écartée. Nous avons déjà pu à plusieurs reprises corriger et réorienter l’application de la loi. C’était notamment dans cet état d’esprit que la commission des lois de l’Assemblée nationale avait introduit cet article.
Pour ma part, je regrette que notre commission des lois n’ait pas, dans sa majorité, maintenu ce dispositif. L’objet de cet amendement est donc de rétablir l’article dans sa rédaction initiale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission, qui a largement évoqué ce point lors de ses travaux, a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 95 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur Dominati, vous proposez de rétablir l’article 17 ter introduit par un amendement de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale.
Cet article visait à préciser le cadre juridique du titre de séjour accordé à un étranger malade.
De quoi s’agit-il ?
La loi du 11 mai 1998 permet à l’administration de délivrer un titre de séjour à un étranger lorsque le défaut de prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, « sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire. » Cette loi est aujourd’hui appliquée.
En 2009, 5 945 cartes « étranger malade » ont été délivrées. Les personnes concernées sont alors couvertes par la sécurité sociale.
Afin de dissiper tout malentendu, je vous indique, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il n’est aucunement question de remettre en cause ce régime. Mais, me direz-vous, pourquoi le présent projet de loi revient-il sur ce point ?
En réalité, l’article 17 ter résulte d’un fait nouveau. Ainsi dans l’arrêt Jabnoun du 7 avril 2010, le Conseil d’État a étendu le champ d’application du titre « étranger malade ». Il prend désormais en compte le coût du traitement dans le pays d’origine. Cette jurisprudence introduit de la subjectivité dans l’interprétation des règles, alors que la loi de 1998 fixe, au contraire, des critères objectifs.
Le Conseil d’État va donc au-delà des exigences de la loi, et même de celles de la Cour européenne des droits de l’homme.
L’application concrète de cette jurisprudence a donné lieu à des aberrations. Au mois de juillet dernier, un tribunal administratif a admis le droit au séjour d’une femme marocaine qui souffrait d’un état anxio-dépressif et qui avait fait valoir l’insuffisance de soins au Maroc sur la foi d’un simple article de presse !
Forte de ce constat, l’Assemblée nationale a adopté l’article 17 ter au mois d’octobre dernier, dans un souci de compromis. Alors que le rapporteur avait initialement proposé de subordonner l’octroi du titre de séjour à l’« inexistence » du traitement médical adéquat, c’est finalement le terme « indisponibilité » qui a été retenu, avec l’accord du Gouvernement.
La position adoptée est équilibrée : l’article 17 ter ne remet pas en cause le droit d’accorder un titre de séjour à un étranger malade ; il ne s’agit que d’appliquer à la lettre la loi du 11 mai 1998.
J’ai bien entendu les arguments développés tant par M. Dominati que par M. le rapporteur. Nous avons déjà eu l’occasion de débattre de cette question, mesdames, messieurs les sénateurs. En cet instant, compte tenu de l’état des discussions et des propositions formulées, il est souhaitable que le débat puisse être poursuivi et que la navette permette de rapprocher les positions des deux assemblées.
Aussi, monsieur Dominati, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 95 rectifié.
M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° 95 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 95 rectifié est retiré.
(Mme Monique Papon remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Article 18
(Non modifié)
L’article L. 313-14 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « sur le fondement du troisième alinéa de cet article » sont supprimés ;
2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
3° Le cinquième alinéa est ainsi rédigé :
« Un décret en Conseil d’État définit les modalités d’application du présent article. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 140 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 327 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 140.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 18 modifie la procédure d’admission exceptionnelle au séjour créée par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, qui a, dans le même temps, supprimé la procédure de régularisation des étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France.
L’autorité administrative ne délivre plus qu’un titre de séjour dans certains cas limités.
Avait alors été créée la Commission nationale de l’admission exceptionnelle au séjour chargée d’établir des rapports et de donner des avis sur ce sujet. Or l’article 18 supprime la mention de cette commission dans la loi, renvoyant la composition et le fonctionnement de cette dernière au pouvoir réglementaire.
Rien, selon nous, ne saurait justifier que le règlement fixe les modalités d’intervention de cette commission, d’autant que cela risque d’augmenter l’opacité du fonctionnement de cette instance et de nuire à son indépendance.
C’est la raison pour laquelle les membres du groupe CRC-SPG ont déposé le présent amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 327.
M. Alain Anziani. Quel est le sens de l’article 18 ? Pour notre part, nous sommes très étonnés et nous ne comprenons pas.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est dommage !
M. Alain Anziani. Jusqu’à ce jour, la commission nationale précitée pouvait être saisie d’une procédure d’admission exceptionnelle au séjour. Elle a le grand mérite d’édicter des règles nationales et d’empêcher que, localement, des appréciations différentes ne prospèrent. Ce point était bien évidemment positif.
En outre, cette commission étant composée, entre autres, d’un député et d’un sénateur, le Parlement pouvait participer à la fixation de règles d’appréciation, lesquelles, dès lors, ne relevaient plus de circulaires ou de directives.
Quel est ici l’objectif ? Supprimer la Commission nationale ? Porter atteinte aux prérogatives du Parlement en supprimant la présence des parlementaires en son sein ? Créer une nouvelle commission ?
Ne voyant pas du tout l’intérêt de l’article 18 et nous espérons que M. le ministre voudra bien nous l’expliquer. Nous estimons qu’il s’agit, en l’état, d’un article de « casse » et non de « construction ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 18 du projet de loi aménage la procédure d’admission exceptionnelle au séjour.
Dans la mesure où la Commission nationale de l’admission exceptionnelle au séjour n’a pour finalité que d’éclairer les choix de l’autorité administrative sans pour autant la lier dans sa décision – point important –, les dispositions relatives à sa composition, ses modalités de fonctionnement et son activité peuvent être sans difficulté définies par voie réglementaire.
J’ajoute que la suppression du présent article aurait pour effet de supprimer également les dispositions ouvrant au préfet la possibilité de délivrer une carte de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire » de manière générale, sans exiger de l’étranger de postuler à un emploi dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. L’article 18 du présent projet de loi n’est, en réalité, qu’un texte de clarification qui tend à remettre chaque chose à sa place, le réglementaire dans le règlement, le législatif dans la loi. Il ne s’agit de porter atteinte ni à la Commission nationale de l’admission exceptionnelle au séjour ni à sa fonction ni à sa vocation.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 140 et 327.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 18.
(L'article 18 est adopté.)
Article additionnel après l'article 18
Mme la présidente. L'amendement n° 267 rectifié bis, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré une sous-section 8 ainsi rédigée :
« Sous-section 8. L'admission au séjour de plein droit
« Art. L. 313-14-1. - La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 doit être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, justifiant par tous moyens de dix années de présence ininterrompue sur le territoire français, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Le présent amendement tend à permettre la délivrance d’une carte de séjour temporaire d’un an portant la mention « vie privée et familiale » à tout étranger dépourvu de titre de séjour qui justifie de dix années de présence continue sur le territoire français.
Ce titre de séjour, par nature renouvelable, est délivré à la double condition que l’intéressé ne constitue pas une menace pour l’ordre public français et ne vive pas en état de polygamie.
Il s’agit, en l’occurrence, de rétablir l’admission au séjour de plein droit au bénéfice des étrangers en situation irrégulière à l’égard du droit au séjour qui justifient, par tous moyens, résider en France depuis au moins dix ans au jour de leur demande.
Ces preuves de présence peuvent être apportées via différents documents officiels, tels que des justificatifs d’aide médicale d’État, des ordonnances ou analyses médicales, des avis d’imposition sur les revenus – nombreux sont, vous le savez mes chers collègues, les étrangers en situation irrégulière qui déclarent en France leurs revenus et y acquittent les impôts correspondants –, des demandes antérieures d’admission au séjour, ou encore des quittances d’électricité, de téléphone, d’internet, de loyer, etc.
Aujourd’hui, en effet, un grand nombre d’étrangers se voient refuser le droit au séjour, alors qu’ils ont pourtant passé dans notre pays les dix dernières années - dix ans de leur vie ! -, de manière continue. Ils y ont développé des attaches, parfois familiales, souvent sociales, amicales et professionnelles.
La majorité des étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire depuis plus de dix ans y exercent très souvent une activité professionnelle, mais ne remplissent pas pour autant les conditions restrictives de l’admission au séjour par l’emploi édictées à l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour prétendre à l’obtention d’un titre de séjour temporaire sur le fondement de l’article L. 313-10 du même code.
En effet, les services préfectoraux exigent, notamment, des étrangers qui aspirent à être « régularisés par le travail » qu’ils fournissent les bulletins de salaire d’une année, ce qui est, en pratique, souvent impossible, en raison souvent de l’irrégularité de leur emploi.
Rétablir l’admission au séjour de plein droit à l’issue de dix années de présence continue sur le territoire français permettrait à des étrangers qui ont, de toute façon, coupé tout lien avec leur pays d’origine, où ils ne sont pas retournés depuis au moins dix ans, de régulariser leur situation administrative quant au droit au séjour.
Cette possibilité, qui existait dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, a été supprimée par la loi relative à l’immigration et à l’intégration du 24 juillet 2006. Il s’agit donc ici de la rétablir et d’octroyer de plein droit aux intéressés un titre de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », qui leur permettra d’exercer légalement l’activité professionnelle de leur choix, activité qu’ils exercent souvent déjà depuis un certain temps, mais de manière illégale.
Une telle faculté permettra ainsi de résoudre la situation inextricable de nombreux sans-papiers installés de façon stable sur notre territoire et qui, quoi qu’il advienne, n’aspirent pas à le quitter. Il est, en effet, fort probable que, après être parvenus durant dix ans à échapper aux mécanismes français de reconduite à la frontière, ils sauront de toute façon se maintenir en France.
Dans un tel cas de figure, il est évidemment préférable qu’ils mènent dans notre pays une vie hors de toute clandestinité ; un titre de séjour permettrait à ceux d’entre eux qui exercent déjà une activité professionnelle de la poursuivre légalement et aux autres d’en débuter une.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Dans la mesure où il s’agit de prévoir une régularisation automatique, la commission est défavorable au présent amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Tout à l’heure, nous avons déjà évoqué la loi de 2006. Le Gouvernement s’était alors opposé à la régularisation au fil de l’eau. Par cohérence, il émet un avis défavorable sur l’amendement n° 267 rectifié bis.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 267 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 19
La sous-section 7 du chapitre III du titre Ier du livre III du même code est complétée par un article L. 313-15 ainsi rédigé :
« Art. L. 313-15. – À titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l’article L. 313-10 portant la mention “salarié” ou la mention “travailleur temporaire”, ou la carte de séjour portant la mention “étudiant” prévue à l’article L. 313-7, peut être délivrée, dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l’étranger qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l’article L. 311-7 n’est pas exigé. »
Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 145, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. 313-15. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10, portant la mention “salarié” ou la mention “travailleur temporaire”, peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre une formation, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, après avis de l'équipe pédagogique de la structure d'accueil. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, je défendrai en même temps les amendements nos°145 et 143, tous deux portant sur l’article 19.
Le présent projet de loi instaure une régularisation à titre exceptionnel des mineurs étrangers isolés arrivés en France entre seize et dix-huit ans et devenus majeurs.
Cette régularisation, j’y insiste, n’est accordée qu’« à titre exceptionnel », contrairement à ce qui prévaut pour les mineurs arrivés avant l’âge de seize ans, qui bénéficient d’une régularisation de droit.
L’administration conserve donc un pouvoir discrétionnaire qui ne permet pas de sécuriser le parcours juridique de ces jeunes.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons supprimer, d’une part, le caractère d’exception de ce titre de séjour, et, d’autre part, les conditions de durée de suivi de la formation, faute de quoi l’article 19 risque de ne concerner qu’une minorité de jeunes.
Par ailleurs, l’amendement n° 143 tend à ce que les mineurs étrangers puissent recevoir un titre de séjour portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » dès l’âge de seize ans s’ils souhaitent travailler.
En effet, pour pouvoir accomplir des formations professionnelles nécessitant la signature d’un contrat d’apprentissage ou se réalisant en alternance, les mineurs étrangers doivent avoir une autorisation de travailler. Nous ne voyons aucune raison de les exclure de tels parcours de professionnalisation.
Mme la présidente. L'amendement n° 330, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
peut être
par le mot :
est
et supprimer les mots :
, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Depuis la loi du 24 juillet 2006, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit au jeune majeur qui a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance, avant l’âge de seize ans.
L’article 19 étend cette possibilité au bénéfice des jeunes majeurs, recueillis par l’aide sociale à l’enfance entre seize et dix-huit ans. Cependant – j’attire votre attention sur ce point, mes chers collègues –, dans ce cas, le texte ne prévoit qu’une simple possibilité de délivrance.
L’objet de cet amendement est de prévoir la délivrance de plein droit de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » à l’étranger, suivant une formation, confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans.
Par ailleurs, l’amendement vise à supprimer la condition portant sur la nature des liens avec la famille restée dans le pays d’origine.
Je rappelle que la Convention relative aux droits de l’enfant prévoit, dans son article 10, le droit au maintien des liens familiaux…
Mme la présidente. L'amendement n° 268, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation
par les mots :
qui est scolarisé, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de ses études
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement consiste à modifier la première phrase de l’alinéa 2 de l’article 19. Cet alinéa traite du cas des jeunes étrangers mineurs isolés confiés à l’aide sociale à l'enfance, l'ASE, entre seize et dix-huit ans.
En l'état actuel de sa rédaction, cet alinéa signifie que, pour prétendre, à sa majorité, à l'obtention d'un titre de séjour portant la mention « étudiant », « salarié », ou « travailleur temporaire », le jeune placé à l'ASE après ses seize ans devra justifier de six mois de formation qualifiante, ce qui renvoie à l'alternance.
Or un jeune dépourvu de titre de séjour l'autorisant à travailler ne peut absolument pas s'inscrire dans ce type de formations professionnelles, réservées aux personnes en situation régulière munies d'une autorisation de travail. L'autorisation de travail est un préalable à l'inscription, exigé par les établissements où s’effectuent ces formations.
L’article L. 341-4 du code du travail, modifié par la loi Borloo de 2005, ne reconnaît, en effet, un droit à l’autorisation de travail en vue de la conclusion d’un contrat d’apprentissage ou d’un contrat de professionnalisation que pour l’étranger qui a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance avant qu’il ait atteint l’âge de seize ans et qui l’est toujours au moment où il présente sa demande.
Dès lors, cet alinéa, tel qu’il est rédigé, n’a aucun sens, puisque nul ne sera concerné par le cas hypothétique prévu par l’article L. 313-15 du CESEDA, dans sa rédaction issue de l’article 19.
Par ailleurs, le délai de six mois prévu par l’alinéa 2 est, lui aussi, surréaliste, dans la mesure où il conviendra, pour l’équipe éducative, de déterminer le niveau et les attentes de ce mineur isolé de plus de seize ans, une fois placé à l’ASE. Puis, il faudra procéder à diverses formalités administratives – état civil, passeport – et chercher un établissement scolaire susceptible d’accueillir le mineur.
Ensuite, dans de nombreux cas, ces jeunes devront prendre des cours de français, ce qui, in fine, fait que, dans la quasi-totalité des situations, ils n’auront pas le temps de justifier des six mois de scolarité nécessaires.
Dès lors, il est essentiel d’adopter cet amendement : il tient compte de la réalité des faits constatés en pratique et permet de délivrer un titre de séjour temporaire à des jeunes qui, à défaut, seront, dès la fin de leur prise en charge par l’ASE, donc à leur majorité, à nouveau livrés à eux-mêmes, sans emploi et sans papiers, donc sans perspectives d’avenir.
La nature des titres temporaires que l’article L. 313-15 du CESEDA prévoit de délivrer dans ces cas, permet, quoi qu’il advienne, de s’assurer de l’insertion professionnelle du jeune concerné, puisque le renouvellement des titres de séjour portant la mention « travailleur temporaire » ou « salarié » est subordonné à l’exercice d’une activité professionnelle.
Quant au renouvellement du titre de séjour portant la mention « étudiant », il est subordonné au caractère réel et sérieux des études. Dans ce dernier cas, un jeune qui se verra délivrer un titre de séjour « étudiant » pourra ensuite, s’il trouve une activité professionnelle, solliciter un changement de statut, « salarié » ou « travailleur temporaire », selon la nature de son contrat de travail.
Mme la présidente. L'amendement n° 328, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer le mot :
six
par le mot :
trois
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. La délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire », introduite par le nouvel article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est subordonnée à la justification d'une formation professionnelle qualifiante réelle et sérieuse.
Cependant, la condition de durée de six mois est trop restrictive. Entre ses seize ans et ses dix-huit ans, le mineur confié à l'aide sociale à l'enfance doit, dans bien des cas, suivre une formation de remise à niveau scolaire ainsi que des cours de langue française.
Cet amendement vise donc à réduire la durée de la formation qualifiante à trois mois.
Mme la présidente. Les amendements nos 143 et 329 sont identiques.
L'amendement n° 143 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 329 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
« L'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui pourrait recevoir dans l'année suivant son dix-huitième anniversaire une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié » ou « travailleur temporaire » peut en faire la demande dès l'âge de seize ans s'il souhaite travailler, notamment dans le cadre d'une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. »
L’amendement n° 143 a été précédemment défendu.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 329.
M. Roland Courteau. Pour signer un contrat d'apprentissage, suivre une formation en alternance ou même effectuer un stage en entreprise, le mineur étranger doit être titulaire d'une autorisation de travail.
Il apparaît alors normal de prévoir que la carte de séjour temporaire soit délivrée à partir de seize ans, dès lors que le mineur confié à l’aide sociale à l’enfance souhaite travailler et effectivement accomplir une formation professionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je rappelle que l’article 19 du projet de loi permet à l’autorité administrative de tenir compte des efforts d’intégration réalisés par un mineur isolé entré en France après l’âge de seize ans, en ouvrant la possibilité de lui délivrer une carte de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire » ou, désormais dans le texte de la commission, une carte de séjour « étudiant », lorsqu’il suit avec assiduité une formation depuis au moins six mois, ce qui permet d’envisager l’ensemble des parcours de formation dans lesquels le jeune pourrait être inscrit.
L’amendement n° 145 prévoit de supprimer la condition de suivi d’une formation depuis six mois ainsi que la référence aux liens que le jeune pourrait avoir conservés avec sa famille restée dans le pays d’origine.
Il est toutefois important de laisser au préfet la possibilité d’examiner l’ensemble de la situation du jeune majeur, notamment ses liens familiaux dans son pays d’origine.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.
Au sujet de l’amendement n° 330, il faut clarifier une ambiguïté. Les termes « sous réserve de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d’origine » signifient que le titre de séjour est attribué lorsque le jeune majeur n’a plus de liens forts dans son pays d’origine, et non l’inverse, comme semblent le sous-entendre les auteurs de l’amendement.
C’est la raison pour laquelle a la commission a émis un avis défavorable.
L’amendement n° 268 vise à délivrer un titre de séjour au mineur isolé âgé de seize à dix-huit ans qui est scolarisé.
Il faut clarifier un malentendu. Je vous rappelle qu’en principe un mineur isolé est dispensé de titre de séjour, comme nous l’avons indiqué lors de l’examen d’un précédent amendement, et qu’il ne peut faire l’objet d’une mesure d’éloignement.
Toutefois, entre seize et dix-huit ans, s’il souhaite exercer une activité professionnelle, ce qui inclut les formations professionnelles en apprentissage ou en alternance, il reçoit de plein droit une carte de séjour temporaire, dès lors qu’il remplit les conditions prévues à l’article L. 313-11.
J’ajoute que la commission des lois a étendu le champ de l’article 19 afin de permettre à un jeune majeur isolé entré en France après seize ans d’obtenir une carte de séjour temporaire si, à sa majorité, il suit avec sérieux et assiduité, depuis six mois au moins, un enseignement ou des études lui permettant d’acquérir des compétences professionnelles.
Enfin, s’agissant de la condition de six mois, celle-ci paraît constituer un bon équilibre entre la volonté de tenir compte des efforts d’intégration réalisés par le mineur isolé et le souci de ne pas encourager, par des dispositions trop souples, les filières d’immigration clandestine.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
L’amendement n° 328 tend à abaisser de six à trois mois la durée pendant laquelle un jeune majeur isolé devra avoir suivi une formation avec sérieux pour pouvoir prétendre à un titre de séjour à sa majorité.
La condition de suivi d’une formation pendant au moins six mois constitue une solution équilibrée, comme je viens de le dire.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
La commission des lois estime que les amendements identiques nos 143 et 329 sont satisfaits par les dispositions de l’article L. 311-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
C’est pourquoi la commission demande le retrait de ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Les amendements rédactionnels nos 145 et 330 sont très proches. En effet, ils visent à rendre automatique la délivrance de la carte de séjour. Or, vous l’aurez maintenant compris, le Gouvernement n’est pas favorable à l’automaticité en la matière.
Par ailleurs, ces amendements tendent à supprimer la prise en considération des liens familiaux dans le pays d’origine.
Or les dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant valorisent ces liens qu’il serait arbitraire d’écarter au seul motif que l’enfant vient d’atteindre sa majorité. Leur prise en compte permet une appréciation objective et complète de la situation personnelle de l’intéressé au regard de son droit au séjour.
En conséquence, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur les amendements nos 145 et 330.
J’en viens à l’amendement n° 268. Le Gouvernement propose, à l’article 19 du projet de loi, de préciser les conditions dans lesquelles un titre de séjour peut être accordé à un mineur étranger isolé confié à l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans.
Cet amendement a pour objet de faire disparaître l’une de ces conditions, le suivi par l’intéressé d’une formation qualifiante. Or l’obtention d’une qualification professionnelle est un élément fondamental pour ce public.
En effet, ces jeunes, qui n’ont pas été scolarisés en France et qui n’ont pas une bonne maîtrise de la langue française, doivent pouvoir se former à des métiers susceptibles de leur offrir facilement une promesse d’emploi en France ou, s’ils le souhaitent, dans leur pays.
Le dispositif que nous proposons est directement issu des travaux d’un groupe de travail interministériel sur la situation des mineurs isolés, auquel ont participé les associations les plus concernées, de mai à septembre 2009.
En conséquence, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
L’amendement n° 328 tend à réduire de six à trois mois la durée requise de formation suivie par les mineurs étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance après leur seizième anniversaire pour pouvoir bénéficier, à leur majorité, d’un titre de séjour « salarié » ou « travailleur temporaire ».
La durée de six mois est précisément liée au contrôle du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, par lequel il s’agit d’apprécier la motivation du candidat, son assiduité aux enseignements et sa volonté de s’intégrer par le travail dans la société française.
En conséquence, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Pour les mêmes raisons que celles évoquées par le rapporteur de la commission des lois, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 143 et 329.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l’amendement n° 145.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez raison, un jeune entre seize et dix-huit ans est exempté de carte de séjour. Mais, sans cette carte de séjour et en raison de la loi Borloo, il ne peut s’inscrire nulle part, ni en apprentissage, ni dans un contrat de professionnalisation, ni dans une école qui lui permettrait d’apprendre un métier.
M. Roland Courteau. Absolument !
Mme Éliane Assassi. Oui !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Alors, oui, il n’a pas besoin de carte pour demeurer sur le territoire, mais il ne peut rien faire. On le prive ainsi de toute chance d’intégration !
En outre, en six mois, il ne peut faire ses démarches administratives et trouver une école pour apprendre le français et un établissement pour son contrat d’apprentissage.
Même si, par miracle – et je ne crois plus beaucoup aux miracles –, le mineur y parvient, il ne peut pas s’inscrire, faute de détenir cette carte !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 143 et 329.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
Article 20
(Non modifié)
Au 3° de l’article L. 314-9 du même code, après les mots : « à condition », sont insérés les mots : « qu’il séjourne régulièrement en France, ».
Mme la présidente. L'amendement n° 146, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements nos 146 et 147.
La loi du 24 juillet 2006 a déjà durci les conditions de délivrance à un étranger marié à un Français d’une carte de résident : celle-ci n’est plus accordée qu’après un délai de trois ans, contre deux ans auparavant.
Par ailleurs, cette carte n’est plus délivrée de plein droit, puisque l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier le respect des critères de communauté de vie et des autres conditions mentionnées dans le code.
Sous prétexte de lutter contre les mariages de complaisance, la majorité introduit ici des dispositions qui entravent le droit à mener une vie familiale normale consacré par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’article 20 s’inscrit parfaitement dans ce cadre, puisqu’il introduit une nouvelle condition permettant de limiter encore les régularisations : le respect du critère de séjour régulier en France.
Pourtant, même en situation irrégulière, les étrangers conjoints de Français devraient pouvoir obtenir une régularisation de leur séjour.
Monsieur le ministre, nous nous opposons fermement à la politique que vous menez actuellement, puisque vous préférez demander aux étrangers de retourner dans leur pays d’origine pour faire une demande de visa, ce qui précarise le séjour et la vie conjugale des étrangers conjoints de Français.
Cette situation est tout à fait absurde et inhumaine. Nous estimons qu’elle ne peut perdurer.
C'est pourquoi l’amendement n° 146 vise à supprimer cet article, tandis que l’amendement n° 147, de repli, a pour objet de modifier les conditions de régularisation des étrangers. Il tend à réduire le délai de résidence sur le sol français à un an, au lieu des trois ans actuellement prévus, et à supprimer la condition de séjour régulier sur le territoire pour retenir celle de l’entrée régulière.
La politique migratoire du Gouvernement est particulièrement restrictive, ce qui rend de plus en plus difficile le renouvellement du titre de séjour, empêchant ainsi les étrangers de satisfaire à des critères eux-mêmes de plus en plus nombreux et contraignants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je le rappelle, l’article 20 du projet de loi vise uniquement à procéder à une coordination oubliée par la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration : l’étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant français peut obtenir une carte de résident à condition de justifier de son séjour régulier en France. Cette condition était déjà fixée par le droit antérieur à la loi du 24 juillet 2006.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. L’article 20 ne fait que corriger une erreur de rédaction. Il s'agit de préciser que la délivrance d’une carte de résident au conjoint de Français présent sur le territoire depuis trois ans est subordonnée à la régularité du séjour de l’intéressé, ce qui relève de l’évidence !
J’émets donc également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 331, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Le 3° de l'article L. 314-9 du même code est supprimé.
II. - Après le 9° de l'article L. 314-11 du même code, il est rétabli un 10° ainsi rédigé :
« 10° À l'étranger marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé depuis le mariage, qu'il ne vive pas en état de polygamie, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, je présenterai en même temps les amendements nos 331 et 332, dont les dispositions sont très proches, de même qu’elles s’apparentent à celles de l’amendement n° 146 que nous venons d’examiner.
La carte de résident peut être accordée à un étranger marié depuis au moins trois ans avec un ressortissant de nationalité française, sous réserve que trois conditions soient remplies. Le présent article 20 durcit de nouveau l’octroi de cette carte de résident, puisqu’il prévoit une condition supplémentaire : l’étranger devra apporter la preuve qu’il séjourne régulièrement en France.
C’est un cas de figure désormais classique : le Gouvernement poursuit de son hostilité les mariages entre les citoyens français et les étrangers, voilà tout !
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Richard Yung. On a l’impression qu’il considère qu’il est mal de contracter de telles unions. On retrouvera d'ailleurs cette même attitude un peu plus tard à propos des « mariages gris ».
Nous avons déjà protesté à maintes reprises contre cette politique. Nous proposons d’assouplir le dispositif en vigueur. Nos amendements visent donc à rétablir la délivrance automatique d’une carte de résident à l’étranger marié avec un Français depuis un an.
Mme la présidente. L'amendement n° 147, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Au 3° de l'article L. 314-9 du même code, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « un » et après les mots : « à condition », sont insérés les mots : « qu'il soit entré régulièrement en France ».
Cet amendement a été précédemment défendu.
L'amendement n° 332, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
même code
insérer les mots :
le mot : « trois » est remplacé par le mot : « un » et
Cet amendement a été précédemment défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. En ce qui concerne l’amendement n° 331, qui vise à rétablir la délivrance de plein droit de la carte de résident, je rappelle que la loi du 24 juillet 2006 a précisément supprimé cette disposition, afin de permettre à l’autorité administrative de mieux lutter contre les mariages de complaisance. C’est une position extrêmement importante qui a été prise alors. Il faut s’y tenir.
Du reste, le droit positif demeure favorable aux étrangers, puisque la délivrance de la carte de résident est possible à partir de trois ans de mariage, alors que le droit commun exige une résidence régulière en France de cinq ans.
C'est pourquoi la commission des lois a émis un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 147, je le répète, les dispositions permettant à un conjoint de Français d’obtenir une carte de résident au terme de trois ans de mariage sont déjà dérogatoires par rapport au droit commun, qui exige une durée de résidence régulière en France de cinq ans.
La commission des lois a donc émis un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 332 appelle le même commentaire que les amendements précédents, et j’émets donc également un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. En ce qui concerne l’amendement n° 147, j’ai eu l’occasion de m’exprimer sur une disposition similaire lors de mon précédent passage au banc du Gouvernement, dans le cadre de l’examen de ce projet de loi. Je n’ai pas changé d’avis : je reste défavorable à la réduction de trois ans à un an de la durée de mariage requise pour l’obtention de la carte de résident.
J’en viens aux amendements nos 331 et 332. Monsieur Yung, vous proposez d’accorder de plein droit la délivrance d’une carte de résident aux conjoints de Français après une année de mariage.
Or, si l’étranger a vocation à entrer et à résider en France du fait de son mariage – nous y sommes tout à fait favorables ! –, il n’est pas anormal de vérifier que la condition initiale de son séjour s’est maintenue pendant une durée suffisante pour qu’il puisse faire valoir son intégration sociale propre. C’est seulement dans ce cas que l’étranger acquiert une indépendance sur son droit au séjour, qui cesse d’être en relation directe avec son statut de conjoint.
Nous souhaitons en rester à la durée de trois ans, et c'est pourquoi j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, si nous insistons sur ce point, c’est pour des raisons que je crois fondamentales.
Il est normal que l’on contrôle l’immigration et que l’on soit vigilant à cet égard. Toutefois, il est également tout à fait normal que des êtres humains bénéficient du droit à vivre en couple et en famille !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Sueur. M. Courteau, qui connaît bien ces sujets, reçoit dans sa permanence de nombreux habitants du département dont il est l’élu qui sont concernés par ces problèmes.
Justement, mes chers collègues, j’ai reçu récemment un sympathisant d’un parti de droite, je veux dire de la droite républicaine représentée ici, à savoir l’UMP, dont le fils a épousé une personne de nationalité étrangère.
Ce père de famille est venu me voir parce qu’il me connaissait et sans doute parce qu’il n’était pas sectaire. Du reste, tout comme lui, de très nombreux citoyens viennent rencontrer des parlementaires qui ne partagent pas leurs idées politiques ; il nous arrive tous les jours d’en recevoir, et c’est aussi le cas de M. Courteau, dont chacun connaît la grande tolérance.
Alors donc que ce père de famille m’interrogeait, je lui ai répondu que, non, ce n’était pas parce que cette femme étrangère avait épousé son fils qu’elle avait le droit de vivre en France et d’obtenir un titre de séjour.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est tombé des nues !
M. Jean-Pierre Sueur. Et mon interlocuteur de s’étonner devant cette étrangeté : « Quand on est marié, on a tout de même le droit de vivre ensemble, non ? ».
Mme Catherine Tasca. C’est même un devoir !
Mme Michèle André. C’est la « communauté de vie » du code civil !
M. Jean-Pierre Sueur. Tout à fait, mes chères collègues ; je vois que vous êtes très attentives au respect des droits et des devoirs. En l’espèce, manifestement, plus qu’un devoir, c’était sans doute un plaisir ! (Sourires.)
Il ne s'agit que d’une anecdote, mais elle m’a beaucoup frappé, car tout le monde comprend cette réaction spontanée : il semble tout de même assez normal que deux personnes qui s’aiment et se sont mariées aient le droit de vivre ensemble ! Donc, l’étranger, homme ou femme, qui a épousé l’un ou l’une de nos compatriotes doit avoir droit au séjour.
Je comprends bien que l’on prenne des précautions et que l’on soit vigilant en matière d’immigration – je l’ai souligné en introduction de mon propos. Toutefois, monsieur le ministre, vous avez beaucoup de mal à justifier votre position et, derrière l’affirmation toute tautologique, c’est bien l’idéologie qui perce : on met en cause a priori le mariage avec un étranger au motif que l’on suspecte certaines de ces unions d’être fabriquées, truquées ou de complaisance. (Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard César. Vous avez tout compris !
M. Raymond Couderc. Tout à fait !
Mme Raymonde Le Texier. Toujours la suspicion !
M. Jean-Pierre Sueur. De la même manière, on met en cause le droit pour des étrangers de se faire soigner en France, où les hôpitaux peuvent les accueillir, au motif qu’ils pourraient être des tricheurs.
Il y a là quelque chose qui heurte nos principes : sous prétexte qu’il existe des abus – mais la loi est là pour les réprimer et interdire les mariages forcés, arrangés ou truqués ! – on semble considérer qu’il faut restreindre fortement, et de manière générale, le droit au séjour de personnes qui, en l’occurrence, se sont mariées parce qu’elles avaient décidé de vivre ensemble et de fonder une famille.
J’y insiste, parce que l’on finit par s’habituer à ces lois, à ces règlements, à ces manières de penser qui, je crois, posent un véritable problème de principe.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20.
(L'article 20 est adopté.)
Article 20 bis (nouveau)
Après le premier alinéa de l’article L. 314-15 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le conjoint, s’il est âgé d’au moins dix-huit ans, d’un étranger titulaire du titre de séjour mentionné au premier alinéa bénéficie de plein droit de la carte de résident susmentionnée. » – (Adopté.)
Article 21
(Non modifié)
Les articles L. 315-4 et L. 315-6 du même code sont abrogés.
Mme la présidente. L'amendement n° 333, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 315-6 du même code est abrogé.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’article 21 concerne les conditions de délivrance d’un titre de séjour assorti de la mention « compétences et talents ».
Lorsque l’étranger sollicitant la carte de séjour portant la mention « compétences et talents » est ressortissant d’un pays appartenant à la zone de solidarité prioritaire, il doit apporter son concours à une action de coopération ou d’investissement économique définie par la France avec le pays dont il a la nationalité.
Lors du premier renouvellement de cette carte, l’administration doit tenir compte de l’éventuel non-respect de cette obligation. Or cette condition d’octroi est actuellement trop contraignante. C’est ce qui explique en partie la relative désaffection des ressortissants des pays de la zone de solidarité prioritaire à l’égard de la carte de séjour portant la mention « compétences et talents » : en 2008, cent cinquante de ces cartes avaient été délivrées à des étrangers issus de cette zone, et cent quatre-vingt-trois en 2009.
C’est pourquoi nous sommes favorables à l’abrogation de l’article L. 315-6 du CESEDA.
En revanche, nous sommes défavorables à l’abrogation de l’article L. 315-4 du même code.
Actuellement, la Commission nationale des compétences et des talents détermine annuellement les critères pour l’application des conditions d’attribution de la carte de séjour. L’intervention de cette commission, du fait même de la composition de celle-ci, est un gage de transparence. Nous voulons que les critères de délivrance de ce titre de séjour continuent à être fixés par la Commission nationale des compétences et des talents, plutôt que par le pouvoir réglementaire.
Notre amendement prévoit donc l’abrogation de l’article L. 315-6 du CESEDA, mais le maintien de l’article L. 315-4 du même code, contrairement à l’article 21.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 21 du projet de loi prévoit déjà l’abrogation de l’article du CESEDA disposant que lorsque le titulaire d’une carte de séjour portant la mention « compétences et talents » est ressortissant d’un pays de la zone de solidarité prioritaire, il est tenu d’apporter son concours, pendant la durée de validité de cette carte, à une action de coopération ou d’investissement économique définie par la France avec le pays dont il a la nationalité.
En revanche, l’amendement tend à conserver dans notre droit l’article L. 315-4 du même code, qui renvoie à la Commission nationale des compétences et des talents le soin de définir les critères d’attribution de ce titre de séjour. Ces dispositions paraissant de nature réglementaire, il est souhaitable de les abroger, contrairement à ce que préconisent les auteurs de cet amendement.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Il n’est pas opportun de revenir sur la délégalisation des dispositions relatives au fonctionnement de la Commission nationale des compétences et des talents. En effet, comme je l’ai expliqué tout à l'heure, ces dispositions relèvent du domaine réglementaire.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21.
(L'article 21 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 21
Mme la présidente. L'amendement n° 149 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code est ainsi rédigé :
« La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans le respect de l'article 47 du code civil. »
II. - L'article 47 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 47. - Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi. »
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Nous souhaitons modifier l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, afin de le rendre conforme à l’article 47 du code civil, que nous proposons de rétablir dans la rédaction qui était la sienne avant l’adoption de la loi du 26 novembre 2003.
Nous entendons ainsi mettre fin à la suspicion permanente qui pèse sur l’authenticité des actes de l’état civil des étrangers, rédigés dans les formes usitées dans leur pays d’origine.
La loi du 26 novembre 2003 avait en effet introduit dans le code une « présomption de fraude », pratiquant un amalgame entre mariage mixte et mariage de complaisance, pis encore entre étrangers et fraude.
Il faut en finir avec le climat de suspicion généralisée qui caractérise la politique migratoire gouvernementale. Il s’agit simplement de considérer que les actes de l’état civil établis à l’étranger font foi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement porte sur la valeur probante des actes de l’état civil établis à l’étranger.
Je rappelle les dispositions actuelles de l’article 47 du code civil : « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. »
Cette rédaction est issue de la loi du 26 novembre 2003, qui visait à instaurer une procédure de contrôle afin de mieux lutter contre les faux documents d’état civil. Ainsi, ce texte a mis un terme à la présomption de régularité formelle de l’acte de l’état civil établi à l’étranger qui prévalait jusqu’alors et a ouvert la possibilité d’en contester l’authenticité.
Les auteurs de l’amendement proposent de revenir aux dispositions antérieures à la loi du 26 novembre 2003. La commission estime que cela n’est absolument pas souhaitable, dans la mesure où le rapport d’information du Sénat, établi en juin 2005, sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire fait état d’une forte augmentation du nombre d’actes de l’état civil établis à l’étranger irréguliers ou falsifiés. L’objectif premier de leurs détenteurs est de contourner la législation de l’entrée et du séjour en France et d’obtenir un titre d’identité français.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il paraît donc essentiel de maintenir une base légale permettant à l’administration et à l’autorité judiciaire de mener, lorsque cela semble nécessaire, les investigations utiles pour apprécier la régularité d’un acte de l’état civil lorsqu’un doute subsiste sur son authenticité.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Cet amendement a pour objet de récrire l’article 47 du code civil conformément à la rédaction qui était la sienne avant l’adoption de la loi du 26 novembre 2003. Il s’agit de prévoir qu’un acte d’état civil étranger fait foi, sauf preuve contraire.
Cette présomption de régularité n’est pas irréfragable.
En outre, le fait de remplacer, au premier alinéa de l’article L. 111-6 du CESEDA, les mots : « dans les conditions définies par » par les mots : « dans le respect de » ne changerait évidemment rien à l’état du droit actuel, tel qu’interprété par les décisions du Conseil d’État, qui fait porter la charge de la preuve du caractère irrégulier d’un acte d’état civil sur l’autorité consulaire.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
7
Nomination d'un membre d'une mission commune d'information
Mme la présidente. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la mission commune d’information sur les dysfonctionnements éventuels de notre système de contrôle et d’évaluation des médicaments, révélés à l’occasion du retrait de la vente en novembre 2009 d’une molécule prescrite dans le cadre du diabète commercialisée sous le nom de « Mediator », et sur les moyens d’y remédier en tant que de besoin.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Marie-Christine Blandin membre de la mission commune d’information sur les dysfonctionnements éventuels de notre système de contrôle et d’évaluation des médicaments, révélés à l’occasion du retrait de la vente en novembre 2009 d’une molécule prescrite dans le cadre du diabète commercialisée sous le nom de « Mediator », et sur les moyens d’y remédier en tant que de besoin, à la place laissée vacante par M. Jean Desessard, démissionnaire.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-sept heures pour les questions cribles thématiques sur l’aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
8
Questions cribles thématiques
aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire
M. le président. L’ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur l’aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire.
Je rappelle que l’auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d’une durée d’une minute au maximum peut être présentée soit par l’auteur de la question, soit par l’un des membres de son groupe politique.
Ce débat est retransmis en direct sur la chaîne Public Sénat et sera rediffusé ce soir sur France 3, après l’émission Ce soir (ou jamais !) de M. Frédéric Taddéï.
Chacun des orateurs aura à cœur de respecter son temps de parole. À cet effet, des afficheurs de chronomètres ont été placés à la vue de tous.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement démocratique et social européen.
Mme Françoise Laborde. Ma question portera sur les projets de réussite éducative, les PRE.
Je rappelle que les PRE sont la déclinaison concrète et opérationnelle à l’échelon local du programme de réussite éducative issu de la loi de janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Ils s’adressent aux enfants et aux adolescents qui présentent des signes de fragilité ou ne bénéficient pas d’un environnement social, familial et culturel favorable à leur développement.
Ce programme, trop méconnu, me semble constituer un élément fondamental de la lutte contre les inégalités sociales dans le système scolaire. Il témoigne d’une nouvelle approche dans la prise en compte des jeunes élèves les plus en difficulté et vient compléter les autres dispositifs éducatifs.
Les PRE favorisent l’épanouissement de l’enfant, sa socialisation, son autonomisation et participent ainsi à sa réussite scolaire.
De nombreuses collectivités territoriales se sont engagées dans ce processus, car elles ont indéniablement un rôle essentiel à jouer dans la mise en place d’une véritable politique locale d’éducation.
Il faut se réjouir que, depuis cinq ans, de nombreux projets se soient développés, aient fait leurs preuves et aient obtenu la reconnaissance des acteurs de la vie éducative : les conseils généraux, le ministère de l’éducation nationale, les collectivités locales, les écoles, les parents.
Cependant, alors même que les effets de la crise se font de plus en plus sentir sur une population qui se paupérise littéralement, il semble que, depuis plusieurs mois, les moyens alloués à ces projets se réduisent comme peau de chagrin. Certains PRE ont vu leur financement diminuer de plus de 35 % en 2010, et la baisse atteindra peut-être 20 % en 2011.
À ce rythme, que restera-t-il de cette dynamique si positive ? Aborder les problématiques des enfants et de leurs parents de manière individuelle a prouvé son efficacité dans la lutte contre les inégalités sociales et l’échec scolaire. C’est pourquoi je vous demande de renforcer ce dispositif en lui donnant les moyens de l’ambition qui le sous-tend. Monsieur le ministre, pouvez-vous vous engager sur le devenir et la pérennisation des projets de réussite éducative ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative. Madame le sénateur, vous avez raison de rappeler l’importance des programmes de réussite éducative, qui visent à prendre en charge des enfants ou des adolescents de manière globale, c'est-à-dire, au-delà du seul volet éducatif, en termes d’ouverture culturelle ou sportive, de santé, d’accompagnement social ou d’aide à la parentalité. Tel est l’intérêt majeur de ce dispositif.
Depuis ma prise de fonctions, j’ai veillé à ce que ce programme s’articule bien avec d’autres dispositifs dont l’éducation nationale a directement la charge – les PRE étant placés sous la responsabilité de l’ACSÉ, l’Agence nationale pour la cohésion nationale et l’égalité des chances, dans le cadre de la politique de la ville –, notamment l’accompagnement éducatif, que nous avons instauré au collège en 2008 et qui vise à accueillir, après seize heures, des jeunes jusqu’alors laissés livrés à eux-mêmes. Les moyens alloués à l’accompagnement éducatif s’élèvent à 283 millions d’euros et sont consacrés à hauteur de 62 % à l’aide aux devoirs, de 22 % à l’initiation aux arts et à la culture, de 11 % au sport et de 5 % à l’enseignement des langues vivantes.
Nous avons défini clairement le rôle de chacun : l’éducation nationale transmet les savoirs et assure l’accompagnement personnalisé des parcours scolaires, dimension très importante de la politique de personnalisation que nous menons ; la politique de la ville, au travers des PRE, complète l’action de l’école hors temps scolaire, notamment en orientant les jeunes en difficulté vers les dispositifs existants ; enfin, les collectivités territoriales doivent mettre à disposition les ressources locales existantes de nature à faciliter le bon déroulement de l’ensemble des actions.
Mon collègue Maurice Leroy, ministre de la ville, a récemment rappelé que les programmes de réussite éducative méritent d’être étoffés. Nous voulons donc fixer de nouvelles priorités dans les domaines de la santé, de la lutte contre l’absentéisme et le décrochage scolaire, de l’accompagnement individuel, de la prise en charge des élèves temporairement exclus de l’école ou du soutien à la parentalité, pour améliorer les relations entre les parents et l’école.
C’est là tout l’enjeu de la renégociation des contrats urbains de cohésion sociale, dans laquelle l’éducation nationale prendra toute sa part. J’y veillerai particulièrement.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le ministre, ma question était un peu plus basique : je pensais moins à la culture, au sport et à l’accompagnement aux devoirs qu’à la santé et au quotidien des enfants et de leurs parents. Cela peut aller de l’achat de lunettes à l’aide aux enfants qui dorment dans une voiture ou vivent dans un logement de dix mètres carrés ou moins… (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) C’est à cela que doivent servir les PRE.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.
M. Jacques Legendre. La dernière enquête PISA –programme international pour le suivi des acquis des élèves – pilotée par l’OCDE évalue et compare les connaissances des élèves de 15 ans dans trois domaines : la lecture, les mathématiques et la culture scientifique.
Cette enquête montre le poids de l’origine sociale dans les inégalités scolaires en France, alors que notre pays était dans la moyenne en 2000 selon ce critère. En dix ans, il y a eu chez nous un creusement des inégalités scolaires d’origine sociale.
Je citerai deux exemples frappants à cet égard : en France, un lycéen issu d’un milieu défavorisé a deux fois moins de chances d’accéder à l’enseignement supérieur que s’il avait grandi en Espagne ou en Irlande ; dans notre pays, un lycéen a 4,3 fois plus de risques d’être en échec à 15 ans s’il est issu d’un milieu social défavorisé, alors que ce facteur est en moyenne de 3 au sein de l’OCDE.
Un autre enseignement fort de cette enquête est que l’efficacité ne se mesure pas seulement au travers de la dépense publique. L’étude montre que certains pays de l’OCDE qui dépensent moins que la France sont mieux classés qu’elle, par exemple la Pologne, Singapour ou la Corée du Sud. L’enjeu est donc de dépenser mieux, de redéployer les moyens en fonction des priorités et des besoins.
Nous avons déjà beaucoup avancé dans cette voie, comme en témoignent deux types de mesures : la mise en place de programmes du primaire recentrés sur les fondamentaux que sont la lecture et l’écriture ; l’instauration d’un véritable dispositif d’accompagnement éducatif comprenant l’aide personnalisée, l’accompagnement personnalisé, le tutorat, l’internat d’excellence.
Ces mesures, que nous soutenons, mettent en lumière l’objectif visé par le Gouvernement ces dernières années : limiter le plus possible le nombre d’élèves en difficulté. Mais cela ne saurait suffire et notre système éducatif doit encore évoluer.
Pouvez-vous nous préciser, monsieur le ministre, les mesures que le Gouvernement envisage, notamment en matière d’autonomie de décision des établissements scolaires, pour renforcer notre efficacité dans le domaine de l’éducation ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Monsieur Legendre, les résultats de l’enquête PISA sont très intéressants, car ils nous permettent de comparer notre système éducatif à ceux de soixante-quatre autres pays. Ils montrent que la France se situe à la fin du premier tiers du classement. Nous sommes dans la moyenne des pays de l’OCDE s’agissant des acquis, aussi bien en lecture qu’en mathématiques.
Surtout, cette enquête nous renseigne sur deux faiblesses de notre système éducatif.
D’abord, la France reste le pays du grand écart : le nombre d’élèves qui accèdent à l’excellence est trop réduit, alors que le nombre d’élèves en grande difficulté a plutôt tendance à augmenter.
Ensuite, notre système éducatif, plus que ceux des autres grands pays développés, a du mal à lutter contre les déterminismes sociaux.
Dès lors, que faire ?
La politique que nous menons va dans la bonne direction, non parce que c’est la nôtre, mais parce que c’est celle qui a été mise en place par tous les pays obtenant de meilleurs résultats que nous dans les enquêtes PISA.
Cette politique est fondée sur la personnalisation de l’enseignement. Si l’on veut, après le défi de la massification et de la quantité auquel notre système éducatif a su répondre entre 1970 et 1990, relever le défi de la qualité, en faisant en sorte qu’il y ait une solution pour chacun à la sortie de l’école, nous devons, tout au long de la scolarité, organiser des temps de différenciation, c'est-à-dire faire davantage pour les élèves ayant plus de difficultés, être capables d’accompagner individuellement les élèves, notamment avec les plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs, l’aide personnalisée dès le primaire pour détecter les difficultés de lecture avant qu’il ne soit trop tard ou l’action que nous menons en faveur des enfants handicapés, ceux-ci étant accueillis en beaucoup plus grand nombre aujourd'hui qu’il y a cinq ans.
En outre, comme vous l’avez indiqué, nous devons faire davantage confiance aux acteurs locaux, déléguer, transférer des compétences aux établissements scolaires, aux chefs d’établissement, aux professeurs.
M. le président. Monsieur le ministre, je vous prie de conclure.
M. Luc Chatel, ministre. L’autonomie et la personnalisation se renforcent progressivement dans notre système éducatif : tel est l’esprit de la politique que nous menons.
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre, pour la réplique.
M. Jacques Legendre. J’avais mis l’accent sur les élèves décrocheurs, car ce problème nous préoccupe. La commission s’est rendue récemment au Canada et a vu ce qui se faisait en Ontario : il vaut mieux rattraper les élèves menacés de décrochage quand ils sont encore à l’école plutôt que de mettre en place des systèmes de rattrapage, plus coûteux et moins efficaces. Priorité à l’école ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour le groupe socialiste.
M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, les conclusions de l’étude PISA de 2009 sont alarmantes et révélatrices de l’échec des politiques éducatives de la France.
Selon cette étude, la proportion des élèves les moins performants en compréhension de l’écrit est passée de 15 % à 20 %. Loin d’avoir tiré les leçons du classement moyen de 2003, le Gouvernement a laissé se dégrader la qualité de notre enseignement. Les quelques mesures annoncées, d’ailleurs limitées à quelques expérimentations, n’y ont rien changé.
Les conclusions de l’enquête PISA jettent un éclairage peu flatteur sur le système éducatif français. En prenant en compte divers indicateurs, comme la profession des parents, leur formation, le nombre de livres à la maison ou encore la langue parlée, ce rapport démontre qu’en France, plus que dans n’importe quel autre pays de l’OCDE, il est beaucoup plus difficile pour les jeunes issus de milieux défavorisés de réussir à l’école, les jeunes de la première génération immigrée étant particulièrement vulnérables.
Autrement dit, en France, l’origine sociale et familiale est un facteur déterminant pour réussir à l’école : nous sommes le champion des inégalités en matière d’éducation, et c’est inacceptable !
Dans le même temps, le groupe des meilleurs élèves en lecture est passé, lui, de 8,5 % à 9,6 % de l’effectif total. Alors que cette progression devrait nous réjouir, ces chiffres constituent une autre source d’inquiétude, car ils montrent que les écarts se creusent entre les élèves au sein de notre système éducatif. Celui-ci est, à l’heure actuelle, conçu pour les élites. Les mesures les plus récentes, la suppression de la carte scolaire ou la création de lycées d’excellence, par exemple, sont censées permettre l’émergence et l’élargissement de ces élites. Certes, l’intention est bonne, mais encore faudrait-il que, dans le même temps, la grande masse des élèves ne soit pas abandonnée à son sort !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Yannick Bodin. Pourtant, l’un des enseignements fondamentaux de l’enquête PISA est qu’œuvrer au développement de l’excellence…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Yannick Bodin. … n’est nullement contradictoire avec faire progresser le niveau de compétence des élèves peu performants.
Au vu de ces constats, quelles mesures allez-vous prendre, monsieur le ministre, pour inverser la tendance à l’aggravation des inégalités dans les écoles de notre pays et éviter que la prochaine enquête PISA, en 2012, ne fasse apparaître un nouveau recul de la France dans le classement international ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, puisque vous n’avez pas adopté un ton polémique (Sourires), je vous répondrai sur le même registre…
Vous avez fait référence à l’action du Gouvernement en matière de politique éducative. À cet égard, je formulerai une simple remarque : les élèves qui ont été évalués en 2009 au titre de l’enquête PISA étaient alors âgés de 15 ans, ce qui signifie qu’ils sont entrés dans le système éducatif en 1997. Il s’agit donc des enfants des réformes qui ont été menées à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas vrai !
M. Roland Courteau. Et là, votre propos n’est pas polémique ?
M. Luc Chatel, ministre. Il convient simplement de bien appréhender les effets et les résultats des politiques éducatives.
M. Guy Fischer. C’est de la provocation !
M. Luc Chatel, ministre. Je note comme vous les carences de notre système éducatif. Nous cherchons à y remédier, par exemple en mettant en place des internats d’excellence, afin de permettre à des élèves issus de milieux défavorisés de réussir. On sait très bien que ce ne sera pas le cas s’ils ne sont pas davantage accompagnés sur les plans éducatif et culturel. Actuellement, 4 000 élèves bénéficient de ce nouveau dispositif. En matière d’égalité des chances, c’est un vrai progrès !
Par ailleurs, vous opposez l’élite et les élèves en grande difficulté.
Pour ma part, monsieur le sénateur, j’estime que nous devons relever le niveau de l’ensemble de nos élèves. Notre pays a besoin d’une élite. Or j’observe que, en Finlande, 15 % environ des élèves d’une classe d’âge font partie de l’élite, contre moins de 10 % en France. Nous avons besoin de jeunes très qualifiés, qui tendent vers l’excellence. L’école de la République doit aussi être capable d’emmener les élèves méritants le plus loin possible.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce n’est pas une question de mérite !
M. Luc Chatel, ministre. Dans le même temps, nous devons également faire en sorte que moins d’élèves quittent le système éducatif sans qualification, en renforçant l’accompagnement personnalisé. Tel est l’objectif de la politique de personnalisation tout au long de la scolarité que nous menons, pour inverser une tendance structurelle, dont l’origine remonte à plusieurs années.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour la réplique.
M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, j’ai cru un instant que vous alliez reprocher à Charlemagne de n’avoir pas pensé plus tôt à inventer l’école ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Faisons le rêve que les internats d’excellence constituent effectivement une solution pour les élèves en grande difficulté, y compris sur le plan social. Pour autant, êtes-vous aujourd'hui en mesure de nous assurer qu’il y aura une place en internat d’excellence pour chacun d’eux ?
M. Guy Fischer. Non !
M. Yannick Bodin. Ce n’est pas en créant une dizaine d’établissements que vous réglerez le problème ! Il en faut quelques centaines ! Or, compte tenu des contraintes budgétaires que vous nous exposez régulièrement, pourrez-vous assurer une place à chaque élève concerné ?
Pour l’heure, la création de ces internats d’excellence n’est qu’une mesure d’affichage ! Des centaines de milliers d’élèves attendent à leurs portes, et ce n’est pas tolérable ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. C’est l’arbre qui cache la forêt !
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour le groupe CRC-SPG.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur le dispositif CLAIR – collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite – et sur le démantèlement de l’éducation prioritaire que sa mise en œuvre induit de fait.
Permettez-moi tout d’abord de citer les propos que vous avez tenus à Marseille le 25 juin 2010 : « Le dispositif CLAIR, s’il réussit, si l’expérimentation fonctionne, a pour objectif d’être étendu et de remplacer les dispositifs d’éducation prioritaire qui existent aujourd’hui. »
Puis, au Sénat, le 26 octobre dernier, vous vous êtes exprimé en ces termes : « Ce programme, qui, je le répète, est une expérimentation, n’a pas a priori vocation à se substituer à toute l’éducation prioritaire. Nous en dresserons le bilan, nous l’évaluerons et nous réfléchirons à la façon de coordonner les différents dispositifs. »
Depuis, votre ministère a annoncé l’extension, en septembre, du dispositif CLAIR, qui absorberait ainsi la quasi-totalité des réseaux ambition réussite, les RAR. Sur quels bilans et quelles évaluations vous fondez-vous pour prendre une telle décision après seulement quatre mois d’expérimentation ? En quoi le programme CLAIR est-il plus probant que les dispositifs existants, dont la nature est très différente, CLAIR étant un programme de lutte contre la violence scolaire ? C’est une différence de taille avec l’éducation prioritaire, qui est, avant tout, un dispositif de lutte contre les inégalités sociales et territoriales en matière éducative. Avec le programme CLAIR, plus de notion de zones ni de réseau, c’est la logique d’établissement qui l’emporte. Ce n’est pas étonnant dans la mesure où vous prônez l’autonomie des établissements !
Selon vous, le programme CLAIR se caractériserait par sa dimension innovante. Mais l’innovation pédagogique a toujours été le maître mot de l’éducation prioritaire. Dans ce domaine, la circulaire du 7 juillet 2010 relative à la mise en place du dispositif CLAIR ne prévoit d’ailleurs rien de nouveau. Non, la véritable innovation apportée par celui-ci réside dans l’amorce – prudente, il est vrai, le sujet étant sensible – de la généralisation des postes à profil pour, à terme, imposer la libéralisation du recrutement des enseignants.
Alors que les acteurs de l’éducation prioritaire s’accordent pour en réclamer la relance, vous l’atomisez ! Monsieur le ministre, que deviendront les réseaux ambition réussite et les milliers d’élèves qu’ils accueillent ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, je tiens tout d’abord à vous rappeler que l’éducation nationale investit chaque année plus d’un milliard d’euros dans l’éducation prioritaire ; il s’agit donc d’un engagement significatif. Toutefois, cette politique a besoin d’un toilettage, d’une harmonisation, d’une coordination. En effet, à l’heure actuelle, plus de treize dispositifs se superposent : c’est un véritable millefeuille, qui résulte de l’empilement des politiques depuis le début des années quatre-vingt ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
C’est un constat, pas une critique ! On a le droit d’avoir des idées et de faire des propositions, mais mettez-vous à la place des enseignants, qui voient des politiques se superposer sans véritable cohérence, alors qu’ils ont besoin de mobiliser leurs moyens et leur énergie pour faire réussir leurs élèves.
Nous avons la conviction, madame le sénateur, qu’en donnant plus de moyens aux acteurs locaux, aux établissements, aux professeurs, aux chefs d’établissement, et en leur faisant davantage confiance, nous obtiendrons de meilleurs résultats dans les établissements qui accueillent un grand nombre d’élèves issus de milieux défavorisés et où peuvent se poser des problèmes de violence. Cette conviction, née des états généraux de la sécurité à l’école que nous avons organisés au mois d’avril 2010, est d’ailleurs corroborée par un certain nombre d’études internationales.
Pour l’heure, nous avons expérimenté le dispositif CLAIR dans 105 collèges. Il offre au chef d’établissement une autonomie sur le plan pédagogique et en matière de recrutement. Un chef d’établissement pourra élaborer avec son équipe un projet pédagogique et recruter en conséquence des enseignants qui partagent celui-ci et s’engagent pour cinq années. Les établissements concernés ont besoin de stabilité, et il convient de mieux rémunérer, de revaloriser les enseignants qui font le choix de travailler dans la durée au sein d’établissements plus difficiles que d’autres. Tel est l’esprit du programme CLAIR : il s’agit là d’une véritable innovation. Les collèges appartenant aux réseaux ambition réussite ont vocation à rejoindre progressivement le programme CLAIR, dans un objectif de clarification et de simplification.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour la réplique.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le ministre, on sait ce que signifie le mot « toilettage » en langage RGPP ! Dans les Hauts-de-Seine, sur les vingt-quatre collèges constitués en réseau de réussite scolaire, trois seulement seraient préservés. Est-ce cela, votre politique ?
M. Guy Fischer. Voilà la réalité !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quid, en outre, de la cohérence avec la politique de la ville ? La révision de la carte des ZEP, les zones d’éducation prioritaires, devait se faire, on s’en souvient, en lien avec celle de la carte des ZUS, les zones urbaines sensibles, laquelle pourrait n’intervenir qu’en 2014, date de la prolongation des contrats urbains de cohésion sociale. D’ici là, la réforme des collectivités territoriales sera entrée en vigueur.
Cette politique éducative n’est pas la bonne, car elle abandonne un objectif fondamental, celui de la mixité sociale, au profit d’une « mixité des élites », en consacrant des moyens à quelques bons élèves issus des milieux défavorisés. Je vous le dis très sincèrement, ces choix ne permettront pas d’inverser la tendance au creusement des inégalités scolaires en France, où l’influence de l’environnement socioéconomique sur la réussite des élèves est particulièrement forte, comme l’indique l’enquête PISA ; pis encore, ils l’accentueront. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour le groupe de l’Union centriste.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous estimiez que, dans notre démocratie, la reconnaissance des talents et des mérites ne devrait pas dépendre de l’hérédité sociale et des hasards de la naissance. Et pourtant, depuis le début de la massification scolaire, qui a ouvert au plus grand nombre l’accès aux études longues, jamais notre école n’a été aussi inégalitaire.
Ainsi, les statistiques des services de votre ministère indiquent que 79 % des élèves provenant de catégories sociales favorisées obtiennent un bac général, contre seulement 18 % des élèves issus de milieux défavorisés.
M. Roland Courteau. Voilà ! Les chiffres parlent !
Mme Jacqueline Gourault. Par ailleurs, 55 % des bacheliers qui entrent dans les classes préparatoires aux grandes écoles ont un père cadre, chef d’entreprise, professeur ou membre d’une profession libérale, et 5 % seulement un père ouvrier.
L’inégalité sociale réside aussi dans le fait que des milliers d’enfants ne possèdent pas les éléments fondamentaux du savoir : la lecture, l’écriture et le calcul. Vous le savez, monsieur le ministre, le nombre d’élèves faibles dans ces matières de base a augmenté de façon spectaculaire d’une étude PISA à l’autre, notamment au sein des milieux les plus défavorisés socialement. Nous courons vers une école à deux vitesses !
M. Roland Courteau. On y est déjà !
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, je suis de ceux qui pensent que les paramètres fondamentaux sont le nombre d’enseignants et leur formation. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Il ne s’agit pas de vous accuser de quoi que ce soit, monsieur le ministre : chaque gouvernement a sa responsabilité, mais je m’interroge sur la suppression de postes d’enseignant à la rentrée et sur celle de la formation des maîtres, même si le Président de la République a dit qu’il allait rouvrir ce dernier chantier. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Luc Fichet. Il en dit, des choses !
Mme Jacqueline Gourault. Ce chantier, il aurait mieux fait de ne pas le fermer ! (Nouvelles marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, quand allez-vous nous présenter des objectifs précis et simples, fixés en concertation avec les acteurs de l’éducation nationale, pour préparer l’école de demain ? (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, vous avez raison de vous indigner contre l’importance du nombre des élèves qui quittent le système éducatif sans qualification, qui maîtrisent mal les savoirs fondamentaux. Je me permets toutefois d’attirer l’attention de la Haute Assemblée sur le fait que ce nombre n’a jamais été aussi peu élevé dans notre pays. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Yannick Bodin. Depuis Charlemagne ?
M. Luc Chatel, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, quelle était la situation de notre système éducatif avant le collège unique, avant la création par Jean-Pierre Chevènement des bacs professionnels, cette grande avancée qui a permis de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes grâce à l’éducation nationale ? Il faut aussi considérer les résultats sur la longue durée !
Madame Gourault, vous avez certes raison de vous élever contre le fait que 20 % d’élèves maîtrisent insuffisamment les fondamentaux en sortant du primaire. Ce pourcentage est trop important, et nous devons nous mobiliser pour remédier à cette situation. Or c’est précisément ce que nous avons fait : j’ai décidé de mettre en place un plan de lutte contre l’illettrisme s’appuyant sur l’étude du vocabulaire et l’apprentissage par cœur, dès la classe de maternelle.
En effet, la véritable inégalité sociale tient au fait qu’un élève issu d’un milieu favorisé maîtrise entre 600 et 700 mots en entrant au cours préparatoire, contre 150 ou 200 seulement pour un élève venant d’un milieu défavorisé. On sait bien que ce second élève a beaucoup moins de chances d’apprendre à lire correctement que le premier.
Le rôle de l’école est d’inverser cette tendance en se mobilisant, dès la classe de maternelle, pour lutter contre l’illettrisme. C’est cette mobilisation que nous avons engagée.
Enfin, madame le sénateur, je tiens à vous rassurer à propos du nombre des professeurs : à la rentrée de 2011, notre système éducatif comptera plus d’enseignants qu’au début des années quatre-vingt-dix, alors que les élèves sont moins nombreux ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, pour la réplique.
Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, nous ne disposons manifestement pas des mêmes statistiques, mais ce n’est pas grave…
Monsieur le ministre, ne prenez pas en mauvaise part ce que je vais vous dire et ne considérez pas qu’il s’agit d’une attaque personnelle.
M. Ivan Renar. Si !
Mme Jacqueline Gourault. Voilà quelques semaines, vous avez évoqué l’apprentissage de l’anglais dès l’âge de 3 ans et l’enseignement des sciences physiques, de la chimie, des sciences de la vie et de la technologie par un enseignant unique. Pourquoi pas, mais il s’agit presque de niches ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Or, ce que les Français attendent, c’est que leurs enfants réussissent à l’école de la République, comme c’était le cas sous les iii e et ive Républiques.
Mme Jacqueline Gourault. Pourquoi ne serions-nous pas capables d’atteindre un tel résultat aujourd’hui, afin que la France puisse être, dans l’avenir, un pays en pointe en matière de recherche, grâce à des têtes bien faites et bien pleines ? (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste, du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.
M. Alain Dufaut. Depuis la rentrée scolaire de 2007, l’assouplissement – pour ne pas dire la suppression ! – de la carte scolaire a entraîné un effet pervers dans les établissements réputés difficiles, en particulier en zones d’éducation prioritaires et dans les collèges des réseaux ambition réussite.
M. Yannick Bodin. Bravo !
M. Alain Dufaut. On y assiste en effet à un « écrémage » des meilleurs élèves, qui partent dans d’autres établissements, quand ce n’est pas dans l’enseignement privé, et à une accentuation de la « ghettoïsation » des collèges et des lycées des quartiers défavorisés. La chambre régionale des comptes a d’ailleurs dénoncé, dans un rapport de mai 2010, le risque de création de « ghettos scolaires ».
J’ai le triste privilège d’être le conseiller général d’un canton où le premier des 254 collèges que compte le réseau ambition réussite, le collège Paul-Giéra, situé dans le quartier Monclar, à Avignon, a été fermé. Même si les vraies motivations de cette fermeture sont liées à des considérations politico-financières, il n’en reste pas moins que c’est en raison de l’assouplissement de la carte scolaire que le conseil général de Vaucluse a pris une telle décision.
Après une année d’expérience de redéploiement des élèves concernés dans deux collèges du centre-ville, le bilan éducatif et social marque un véritable fiasco.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Alain Dufaut. L’hétérogénéité des classes rend insurmontable la tâche des équipes éducatives, tandis que l’absentéisme ne cesse de croître, du fait de l’éloignement du quartier en question. Enfin, la diminution des moyens ajoute encore aux difficultés, avec des enseignants non préparés à exercer devant ce public, un nombre d’élèves par classe plus élevé – vingt-six au lieu de vingt en zones d’éducation prioritaires –, moins de conseillers principaux d’éducation, aucune passerelle vers les sections d’enseignement général et professionnel adapté, plus d’école ouverte, etc.
À maintes reprises, j’ai attiré l’attention des responsables de l’éducation nationale sur ce sujet, y compris la vôtre, monsieur le ministre. J’ai même déposé une proposition de loi, le 1er septembre 2009, pour tenter d’instaurer une sorte de mixité à l’envers dans ce type d’établissements. Mais toutes ces démarches sont restées sans suite…
Monsieur le ministre, pourriez-vous m’indiquer quelles pistes sont explorées par l’éducation nationale afin d’optimiser l’« aire d’attraction » de ces établissements, qu’il s’agisse de la différenciation de l’offre de formation ou des modalités d’affectation des élèves ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, si le Président de la République a voulu assouplir la carte scolaire, c’est parce que le système antérieurement en vigueur était absolument désastreux. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Il a conduit à la « ghettoïsation » que vous dénoncez aujourd’hui.
Nous avons donc assoupli – et non supprimé – le système, ce qui a permis à un certain nombre d’élèves boursiers, issus de milieux défavorisés ou handicapés de bénéficier de dérogations, alors que ce n’était pas possible précédemment.
S’agissant de l’exemple que vous avez évoqué, monsieur le sénateur, je ferai d’abord observer que l’éducation nationale ne ferme aucun collège sans l’avis de l’autorité organisatrice départementale, à savoir le conseil général, dont vous êtes membre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Un travail de concertation entre l’inspection académique et le conseil général de votre département a été mené en vue de réorganiser la carte scolaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Des sanctions !
M. Luc Chatel, ministre. Le nombre d’élèves moyen par division des collèges Frédéric-Mistral et Joseph-Vernet, qui ont accueilli les élèves de l’ex-collège Paul-Giéra, est aujourd’hui analogue à celui des établissements situés en zones d’éducation prioritaires.
Par ailleurs, les moyens qui étaient accordés au collège Paul-Giéra au titre du réseau ambition réussite ont été intégralement redistribués aux collèges d’accueil, et même majorés, monsieur le sénateur, puisqu’un poste supplémentaire de conseiller principal d’éducation a été attribué au collège Frédéric-Mistral. Les neuf assistants d’éducation du collège Paul-Giéra ont été transférés aux deux collèges d’accueil. Ce sont donc autant de moyens supplémentaires.
Monsieur le sénateur, avec le recul, il faut reconnaître que le transfert des élèves du collège Paul-Giéra a été bénéfique, sans que l’attractivité des établissements d’accueil en pâtisse, puisque, à l’échelle du département de Vaucluse, le collège Joseph-Vernet occupe la quatrième place à ce titre et le collège Frédéric-Mistral la seizième. J’ajoute que l’absentéisme a reculé dans ces établissements.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre !
M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, je sais qu’il s’agit de décisions difficiles à prendre pour des élus, mais il est important d’étudier comment mieux répartir les moyens sur l’ensemble du territoire,…
M. Guy Fischer. Répartir la misère !
M. Luc Chatel, ministre. … afin que le système éducatif public puisse devenir plus performant. C’est ce que nous faisons au quotidien avec les élus locaux.
M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut, pour la réplique.
M. Alain Dufaut. Monsieur le ministre, il se trouve que les trois établissements en question, y compris les deux de centre-ville, sont situés dans mon canton, et que je participe à tous leurs conseils d’administration. Par conséquent, je suis bien placé pour savoir que la situation n’est pas aussi idyllique que n’a bien voulu vous le dire l’inspection académique ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
L’objectif n’est pas de remettre en cause l’assouplissement de la carte scolaire ; il est d’essayer de trouver des solutions efficaces pour éviter que ne s’aggrave la « ghettoïsation » des collèges et des lycées des quartiers difficiles, des zones d’éducation prioritaires ou des réseaux ambition réussite.
Instaurer une mixité à l’envers, comme je l’ai suggéré au travers de ma proposition de loi, serait à mon sens une bonne solution. La mixité ne se décrète pas ; il faut la favoriser par des moyens adaptés. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Ivan Renar. Les moyens, c’est tout le problème !
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe socialiste.
Mme Françoise Cartron. Monsieur le ministre, je souhaiterais tout d’abord attirer votre attention sur les résultats de la sixième enquête quadriennale réalisée par l’Observatoire national de la vie étudiante, qui ont été publiés au début de l’année. Ils sont alarmants ! Ainsi, le pourcentage d’étudiants issus des classes populaires est moins élevé qu’il y a quatre ans : il a baissé de 35 % en 2006 à 31 % en 2010.
M. Roland Courteau. La gauche n’y est pour rien !
Mme Françoise Cartron. Malgré ces données inquiétantes, rien n’est fait pour conforter notre système éducatif, bien au contraire ! En effet, ni le rapport de la Cour des comptes publié en 2010, ni les résultats de l’enquête PISA n’auront eu d’influence sur votre politique.
Vous vous bornez à constater la croissance du nombre des élèves en échec scolaire, le plus souvent issus de milieux défavorisés. A contrario, vous usez et abusez de la rhétorique de l’excellence.
Il est très bien de fixer un objectif de 30 % de boursiers en classes préparatoires, mais un enfant d’ouvrier sur deux ne décroche pas le bac. Instaurer une évaluation en cours moyen deuxième année pour lutter contre l’échec scolaire n’est pas forcément une mauvaise idée, mais, dans le même temps, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, sont supprimés et les maîtres absents ne sont pas remplacés. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Roland Courteau. C’est cela qui est grave !
Mme Françoise Cartron. Votre politique agit comme un tamis éducatif sélectionnant les meilleurs, sans jamais chercher à intervenir en amont. Ainsi, le recul de 35 % à 12 % du taux de scolarisation des enfants âgés de 2 à 3 ans, tout particulièrement dans les zones d’éducation prioritaires, et la suppression de la carte scolaire, qui aggrave la « ghettoïsation » de certains établissements, s’opèrent au détriment des plus fragiles.
Au-delà de l’étranglement budgétaire qui étouffe les équipes sur le terrain, vous vous êtes également attaqué à la formation des enseignants, alors que tous les pays arrivant en tête des classements internationaux ont investi massivement dans celle-ci. La « mastérisation » mise en place à la rentrée dernière aboutit à un véritable gâchis.
M. le président. Veuillez poser votre question, ma chère collègue !
Mme Françoise Cartron. Le Président de la République a parlé d’« éléments de la formation à revoir ». Que faut-il entendre par là, monsieur le ministre ? Derrière ces euphémismes se trouve la réalité du terrain. Ne vous perdez pas dans un style amphigourique et donnez-nous une réponse claire et précise sur ce sujet, qui puisse tous nous éclairer ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Madame le sénateur, le temps de parole qui m’est imparti pour répondre à votre question risque d’être un peu trop court ! Je vais néanmoins tâcher de vous apporter quelques éclaircissements.
Ma collègue Valérie Pécresse et moi-même avons décidé de nous attaquer aux inégalités sociales. Le Président de la République avait fixé un objectif de 30 % de boursiers en classes préparatoires, que nous avons dépassé avant l’échéance assignée. C’est donc un signal très fort que nous envoyons à des élèves issus de milieux modestes qui doivent réussir grâce à l’école de la République.
Dans le cadre de la réforme du lycée que nous avons engagée depuis la dernière rentrée, nous avons décidé d’accompagner davantage les élèves dans leurs choix d’orientation, domaine dans lequel les inégalités sociales s’expriment de la manière la plus criante. En effet, un élève issu d’un milieu où l’on connaît le fonctionnement du système éducatif ne fera pas les mêmes choix d’orientation qu’un jeune dont le milieu familial est peut-être déstructuré, en tout cas éloigné de l’école. Là est la véritable inégalité ! Le premier pourra décrypter la complexité du système et éviter certains pièges, tandis que le second sera incapable de s’orienter de manière personnelle.
Par conséquent, nous avons décidé d’accompagner davantage les élèves en matière d’orientation, afin qu’ils puissent élaborer progressivement leurs choix tout au long de la scolarité au lycée, en ayant la possibilité de changer de trajectoire, d’emprunter des passerelles, de suivre des stages de remise à niveau et de bénéficier d’un tutorat assuré par les professeurs. Ces derniers, qui connaissent bien leurs élèves, peuvent ainsi désormais les accompagner en matière d’orientation, au côté des conseillers d’orientation. Il faut détecter le plus tôt possible les talents des élèves, afin d’emmener ceux-ci vers la réussite. C’est dans cet esprit que nous avons décidé de mobiliser notre système éducatif.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour la réplique.
Mme Françoise Cartron. Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais vous n’avez pas répondu à ma question, qui portait sur la formation des maîtres ! Les enquêtes PISA montrent que les systèmes éducatifs qui réussissent sont ceux qui investissent massivement dans ce domaine. Or, malheureusement, vous avez agi à rebours, et nous constatons aujourd’hui que la « mastérisation » est un échec.
Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour éviter que, à la prochaine rentrée, de jeunes étudiants sortis tout frais émoulus des universités ne découvrent sans préparation toutes les difficultés du métier d’enseignant ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour la Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Philippe Darniche. Monsieur le ministre, combattre les inégalités sociales est la vocation même de l’école de la République. Pourtant, malgré les différentes réformes menées depuis quarante ans – je pense notamment à la mise en place, en 1975, du collège unique ou à la loi d’orientation sur l’éducation de 1989 –, ces inégalités s’accroissent.
La massification de l’enseignement n’a pas tenu ses promesses et la prétention à vouloir faire de l’enfant l’acteur de son propre apprentissage s’est révélée vaine.
Certes, les statistiques entretiennent la confusion et le doute sur la nature des problèmes. La massification de l’accès au baccalauréat et à l’enseignement supérieur ne serait-elle pas la preuve que l’égalité des chances est désormais mieux garantie ? En réalité, il n’en est rien, et ce sont avant tout les enfants des milieux les plus favorisés qui accèdent aux filières les plus prestigieuses.
Les rapports de l’éducation nationale font apparaître les conséquences d’une telle politique : 160 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans qualification ; 25 % des écoliers ont des « acquis fragiles » en français et en mathématiques ; 15 % « connaissent des difficultés sévères ou très sévères » à l’issue du primaire. La France a beau abriter certains des meilleurs mathématiciens du monde, ses élèves montrent toujours un niveau très décevant en algèbre ou en géométrie.
Cette crise est également révélée par les comparaisons internationales, que je ne citerai pas, nombre de mes collègues venant d’y faire allusion. Toutes témoignent d’une baisse régulière du niveau de nos élèves.
Les enfants des milieux modestes qui, dépourvus d’informations ou de préparation adéquates, se sont égarés dans des filières non sélectives et n’offrant aucun débouché sont les premières victimes de cette situation. Leurs familles étaient pourtant fières de compter en leur sein un premier bachelier, puis un licencié ! Mais l’ascenseur social n’est pas pour autant au rendez-vous…
Monsieur le ministre, comment lutter contre les inégalités sociales dans le système scolaire sans restaurer la transmission des savoirs fondamentaux par des méthodes qui ont fait leur preuve ?
La volonté d’apporter à des écoliers très jeunes des connaissances élargies est certes louable, mais n’a-t-elle pas nui à l’acquisition des fondamentaux, à savoir la maîtrise de la lecture, de l’écriture et du calcul, qui prépare nos enfants aux études secondaires puis supérieures ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, pendant de nombreuses années, en conséquence sans doute de mai 68 (Protestations sur les travées du groupe socialiste), notre système éducatif a en effet oublié qu’enseigner, c’est d’abord transmettre des savoirs. La loi Jospin de 1989, qui plaçait l’enfant au cœur du système, au détriment du maître, a marqué l’apogée de cette période.
Mme Christiane Demontès. Qui a supprimé les IUFM ?
M. Roland Courteau. La faute aux autres !
M. Luc Chatel, ministre. Monsieur le sénateur, je crois comme vous à un système éducatif fondé sur la transmission des savoirs et d’un certain nombre de valeurs, pour former les futurs citoyens.
Nous avons donc décidé de redonner la priorité à l’apprentissage d’un certain nombre de fondamentaux. Tel était l’objectif de la réforme du primaire mise en place par mon prédécesseur Xavier Darcos. Pour ma part, j’ai décidé de réinstaurer systématiquement le calcul mental afin de développer, dès le plus jeune âge, la mémoire et l’agilité d’esprit. En ce qui concerne la lecture, nous avons choisi de revenir à des méthodes permettant un meilleur apprentissage.
Par conséquent, comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, nous avons décidé de recourir à des méthodes qui ont fait leurs preuves, car éduquer, c’est d’abord transmettre le savoir. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour la réplique.
M. Philippe Darniche. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse.
Je voudrais souligner qu’il nous faut très souvent faire appel à des bénévoles pour aider, après la classe, les enfants qui ne trouvent pas chez eux le soutien nécessaire pour compléter le travail effectué avec les maîtres. Cela n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes d’organisation. C’est à mon sens à l’école de la République qu’il revient de mettre en place un dispositif aussi utile.
M. Roland Courteau. Il ne fallait pas voter le budget, mon cher collègue !
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques sur l’aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire.
Avant de reprendre la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-huit heures dix, sous la présidence de Mme Monique Papon.)
PRÉSIDENCE DE Mme Monique Papon
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Immigration, intégration et nationalité
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein du chapitre III du titre II, des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 21.
Titre II (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTRANGERS
Chapitre III (suite)
Dispositions diverses relatives aux titres de séjour
Articles additionnels après l'article 21 (suite)
Mme la présidente. L'amendement n° 334, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis Enfants mineurs ayant fait l'objet, à l'étranger, d'une décision d'adoption simple ou d'une décision de recueil légal dont la kafala judiciaire, au profit de personnes titulaires d'un agrément délivré par les autorités françaises ; ».
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. L’amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Avis défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 335, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le regroupement familial peut également être sollicité pour un mineur étranger recueilli régulièrement en vertu d'une décision de recueil légal dont la kafala judiciaire. »
II. - Le début du premier alinéa de l'article L. 411-4 du même code est ainsi rédigé :
« À l'exception du cas visé au deuxième alinéa de l'article L. 411-3, l'enfant ... (le reste sans changement) ».
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Aux termes de l’article L. 411–1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, « le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois […] peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d’au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ».
En application de cet article, l’enfant éligible à cette procédure s’entend comme celui « ayant une filiation légalement établie, y compris l’enfant adopté, en vertu d’une décision d’adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu’elle a été prononcée à l’étranger ».
Si ces conditions excluent a priori du champ du dispositif les enfants recueillis par décision légale, une dérogation est prévue au bénéfice des seuls enfants algériens, en application de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Pour les enfants qui sont nés ailleurs, l’autorité consulaire apprécie souverainement, au cas par cas, la délivrance d’un visa de long séjour. Or les refus de visa demeurent fréquents et peuvent inciter à l’entrée illégale de ces enfants en France. Cette situation a des répercussions sur les droits sociaux des intéressés, qui ne peuvent prétendre aux prestations familiales. L’octroi de ces prestations pour les enfants étrangers suppose en effet que ces derniers soient entrés régulièrement en France par la procédure du regroupement familial, condition impossible à remplir pour les enfants sous kafala autres qu’algériens.
Comme l’implique la jurisprudence du Conseil d’État et de la Cour européenne des droits de l’homme, il apparaît nécessaire de modifier le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile afin de prévoir que les enfants régulièrement recueillis en France selon une décision de recueil légal sont éligibles à la procédure de regroupement familial.
Pour toutes ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le présent amendement vise à créer un droit au regroupement familial pour les enfants mineurs régulièrement recueillis, notamment par un étranger établi en France.
Tout en reconnaissant que la procédure de regroupement familial ne peut en principe concerner que les enfants de l’intéressé, la juridiction administrative impose à l’administration d’en étendre le bénéfice, au cas par cas, aux enfants n’appartenant pas à cette catégorie si son refus serait susceptible de porter une atteinte disproportionnée au droit de l’intéressé à mener une vie familiale normale ou d’être contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant.
Par conséquent, il semble que cet amendement soit largement satisfait par le droit en vigueur et qu’il ne soit pas nécessaire de créer une catégorie spécifique.
Pour cette raison, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. L’opportunité du regroupement familial est appréciée au regard de l’intérêt supérieur de l’enfant : c’est cela qui importe. Le Conseil d’État a ainsi rappelé que « l’intérêt d’un enfant est, en principe, de vivre auprès de la personne qui, en vertu d’une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l’autorité parentale ».
Il ne s’agit donc, en l’occurrence, ni d’une procédure d’adoption ni d’un cas ouvrant droit au regroupement familial, même si le préfet peut autoriser celui-ci dans ce cadre.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 336, présenté par M. Antoinette, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le second alinéa du III de l'article L. 313-11-1 et après le huitième alinéa de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque sa résidence habituelle fait l'objet d'une opération définie à l'article L. 313-4 du code de l'urbanisme, le demandeur n'a ni à justifier de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille, ni d'une assurance maladie. »
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Cet amendement nous offre l’occasion d’affirmer la complémentarité des travaux des deux assemblées du Parlement !
L’Assemblée nationale vient en effet d’adopter, à l’unanimité, une proposition de loi dont l’objet est de lutter contre l’habitat indigne en outre-mer, où le problème du logement est particulièrement grave du fait de l’essor démographique et de l’importance de l’immigration clandestine.
L’habitat insalubre n’est certes pas le sujet de notre discussion, mais l’évoquer pourra toutefois éclairer celle-ci.
En Guyane, 11 % des logements n’ont pas l’électricité, 14 % d’entre eux n’ont pas l’eau courante et 40 % seulement sont reliés au tout-à-l’égout. Au total, 20 % du patrimoine bâti peut être considéré comme relevant de l’habitat insalubre et indigne. Ainsi, dans un quartier de Cayenne situé sur le flan ouest du mont Baduel, 200 familles sont logées dans des habitations de fortune, construites sur des terrains qui menacent de s’ébouler. De telles situations sont aussi intolérables en métropole qu’outre-mer.
La politique de la ville doit permettre de résorber l’habitat insalubre, avec les moyens dont disposent les communes, les départements et les régions. Or les acteurs locaux qui mettent en place des opérations de restructuration et de rénovation urbaines font le constat suivant : une partie de la population occupant ces logements indignes est en situation irrégulière. Conduire une politique de résorption de l’habitat insalubre amène alors à aborder un problème de taille, celui que pose la situation de nombreux sans-papiers, installés parfois depuis des années.
Dans la mesure où il est impossible de reloger ces personnes, l’absence de titre de séjour régulier faisant obstacle à l’attribution d’un logement social, même à titre provisoire, il faut soit les régulariser, soit les expulser. Devant les troubles à l’ordre public– et économique – que cette perspective peut susciter, les acteurs publics renoncent bien souvent à mettre en œuvre leurs opérations d’urbanisme, ce qui laisse perdurer une situation insoutenable.
Mener les opérations de restructuration urbaine avec les services de l’immigration de la préfecture, qui s’engagent à traiter les dossiers le plus rapidement possible, en faisant preuve de souplesse en matière de conditions de ressources, afin de pouvoir reloger les habitants dotés d’un nouveau titre de séjour valide et d’expulser les autres, est tout aussi impraticable.
Pour permettre aux collectivités de mettre en œuvre leur politique de résorption de l’habitat insalubre sans que cela ne menace trop l’ordre public, je propose, par cet amendement, de supprimer la condition de ressources pour l’obtention d’un titre de séjour pour les habitants des zones faisant l’objet d’une opération de restructuration urbaine.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui a pour objet d’exempter de la condition de ressources et de la condition de détention d’une assurance maladie certains étrangers qui sollicitent un titre de séjour et qui résident dans une zone d’habitation insalubre faisant l’objet d’une opération de restauration urbaine.
Cet amendement appelle deux observations.
Tout d’abord, son dispositif vise uniquement les titulaires d’une carte de résident de longue durée-Communauté européenne délivrée par un autre État membre de l’Union, ainsi que les membres de leur famille, ce qui paraît particulièrement restrictif.
Par ailleurs, sur le fond, cet amendement présente l’inconvénient d’introduire une discrimination entre les étrangers résidant dans une zone d’habitation visée par une opération de restauration immobilière et les autres.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Antoinette, je comprends les motivations de votre amendement, mais son adoption aboutirait à créer une sorte de prime à la clandestinité. Cela réjouirait peut-être Mme Boumediene-Thiery, mais tel n’est pas l’objectif du texte !
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, pour explication de vote.
M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le ministre, vous nous avez invités à être concrets. Or cet amendement vise à apporter des solutions pragmatiques à des situations auxquelles tous les maires sont confrontés dès lors qu’ils engagent des opérations de résorption de l’habitat insalubre : des familles en situation irrégulière ne peuvent pas être relogées, et comme l’administration ne parvient pas à les expulser, elles restent sur place, à la charge des collectivités territoriales… Que faire dans cette situation ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 336.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 21 bis
(Non modifié)
Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 314-8 du même code, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les années de résidence sous couvert d’une carte de séjour temporaire portant la mention “vie privée et familiale” retirée par l’autorité administrative sur le fondement d’un mariage ayant eu pour seules fins d’obtenir un titre de séjour ou d’acquérir la nationalité française, ne peuvent être prises en compte pour obtenir la carte de résident. »
Mme la présidente. L'amendement n° 150, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Mes chers collègues, nous vous proposons de supprimer l’article 21 bis, que nous jugeons inadmissible.
En effet, cet article durcit les conditions d’obtention d’une carte de résident et jette, une fois de plus, la suspicion sur les mariages mixtes, envisagés uniquement sous l’angle de la fraude en vue d’acquérir la nationalité française, comme si cette pratique était généralisée et constituait un véritable fléau pour notre société.
Depuis 2003, la majorité n’hésite pas à stigmatiser ces mariages. Dans les textes successifs qui nous ont été présentés, et celui-ci n’échappe pas à la règle, on soupçonne systématiquement l’étranger de vouloir enfreindre les lois.
Ainsi, l’article 21 bis exclut la prise en compte des années de mariage dans le calcul de la durée de résidence requise pour l’attribution de la carte de résident. Cela ne nous semble pas justifié ni adapté, eu égard au faible nombre de condamnations pour fraude. Ces fraudes, rappelons-le, font déjà l’objet d’une sanction pénale et sont punies d’une peine d’amende et de prison, qui semble suffisante au regard de l’enjeu. Il nous paraît donc inopportun de créer une notion juridique de non-résidence sur le sol français dans les cas en question.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’article 21 bis, qui a été introduit par nos collègues députés, vise à exclure expressément les années pendant lesquelles un étranger a vécu en situation régulière grâce à un mariage frauduleux de la durée de résidence requise pour l’attribution d’une carte de résident. Il s’agit là d’une mesure de cohérence avec les autres dispositions de notre droit visant à prévenir les mariages de complaisance.
La commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Le législateur a décidé de sanctionner sévèrement les personnes qui contractent ou organisent des mariages de complaisance en vue d’obtenir une carte de séjour. Sans doute n’avez-vous pas voté la loi en question, madame la sénatrice, mais il n’en reste pas moins que le législateur s’est prononcé en ce sens.
Dans la continuité de cette volonté, l’article 21 bis prévoit que les années de résidence permises par la détention d’un titre de séjour qui aurait été obtenu frauduleusement, par un détournement de l’institution du mariage, ne doivent pas entrer en ligne de compte pour la délivrance d’une carte de résident. Cette disposition est la conséquence logique, j’allais dire saine, de la pénalisation des mariages de complaisance.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21 bis.
(L'article 21 bis est adopté.)
Articles additionnels après l'article 21 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 345 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 21 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 314-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, les mots : « peut obtenir » sont remplacés par les mots : « obtient » ;
b) À la seconde phrase, les mots : « des faits qu'il peut invoquer à l'appui de son intention de s'établir durablement en France, notamment au regard des conditions de son activité professionnelle s'il en a une, et » sont supprimés ;
2° À la seconde phrase du deuxième alinéa, les mots : « et sont appréciées au regard des conditions de logement » sont supprimés ;
3° Le dernier alinéa est supprimé.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. La directive 2003/109/CE vise à harmoniser les conditions d’acquisition du statut de résident de longue durée et pose un certain nombre de règles. En particulier, les États membres de l’Union européenne peuvent appliquer des dispositions plus favorables, mais en aucun cas adopter une législation plus restrictive.
Or le présent projet de loi est plus dur que cette directive sur trois points au moins.
En premier lieu, le projet de loi prévoit que l’attribution du statut de résident de longue durée sera soumise au pouvoir discrétionnaire du préfet, alors que l’article 4 de la directive dispose de façon très claire que « les États membres accordent » ce statut : il s’agit donc d’un droit. Tout à l’heure, M. Richert nous a d’ailleurs fait la leçon sur le présent impératif. C’est là une première non-conformité à la directive.
En deuxième lieu, contrairement au texte de l’article L. 314-8 du CESEDA, la directive ne prévoit pas que, pour un ressortissant d’un pays tiers, justifier de sa volonté de s’établir durablement dans un pays membre de l’Union européenne soit une condition nécessaire à l’obtention du statut de résident de longue durée, le fait qu’il y ait résidé régulièrement pendant cinq années consécutives prouvant suffisamment son ancrage dans ce pays.
En troisième lieu, la directive dispose simplement que les ressources du ressortissant de pays tiers souhaitant acquérir le statut de résident de longue durée doivent être suffisantes pour lui éviter de devenir une charge pour l’État membre. Il n’est pas fait référence, comme à l’article précité du CESEDA, aux conditions de logement et à l’avis du maire de la commune de résidence du demandeur. Là encore, notre législation est plus restrictive que la directive.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à modifier les conditions d’attribution de la carte de résident de longue durée, afin, selon ses auteurs, de mettre notre droit en conformité avec le droit communautaire.
Les conditions prévues par notre droit national pour l’obtention d’une carte de résident paraissent pourtant conformes à la directive 2003/109/CE du 25 novembre 2003.
En effet, aux termes de l’article 5 de cette directive :
« 1 Les États membres exigent du ressortissant d’un pays tiers de fournir la preuve qu’il dispose pour lui et pour les membres de sa famille qui sont à sa charge :
« a) de ressources stables, régulières et suffisantes pour subvenir à ses propres besoins et à ceux des membres de sa famille sans recourir au système d’aide sociale de l’État membre concerné. […] ;
« b) d’une assurance maladie pour tous les risques normalement couverts pour leurs propres ressortissants dans l’État membre concerné.
« 2 Les États membres peuvent exiger que les ressortissants de pays tiers satisfassent à des conditions d’intégration conformément à leur droit national. »
On peut donc parfaitement considérer que l’examen des conditions d’activité professionnelle et de logement prévu par le droit en vigueur constitue une déclinaison de ces dispositions. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 487, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l'article 21 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 411-4 du même code, il est inséré un article L. 411-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 411-4.-1 - Les méthodes médico-légales de détermination de l'âge d'un étranger, qui affirme être mineur, sont proscrites, en particulier le recours à des examens osseux. En cas de doute sur l'âge de l'intéressé, ce dernier sera autorisé à démontrer par tout autre moyen qu'il a moins de dix huit ans. Il sera notamment fait application de la présomption de validité des actes d'état civil étrangers, prévue à l'alinéa 1 de l'article 47 du code civil. »
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement ne va pas vous faire plaisir, monsieur le ministre. Mais, après tout, nous ne sommes pas là pour ça ! (Sourires.)
Il s’inspire des recommandations et des doléances formulées par le Conseil national de l’Ordre des médecins, qui demande « que les actes médicaux réalisés non dans l’intérêt thérapeutique du patient mais dans le cadre des politiques d’immigration, soient bannis, en particulier les radiologies osseuses ».
Cette demande de l’Ordre des médecins repose sur la déclaration européenne des professionnels de santé pour un accès aux soins de santé sans discrimination. Elle fait suite à l’avis rendu le 23 juin 2005 par le Comité consultatif national d’éthique sur les méthodes de détermination de l’âge à des fins juridiques, ainsi qu’au rapport de l’Académie nationale de médecine du 22 janvier 2007 et aux différentes recommandations de la Défenseure des enfants.
Il est donc nécessaire d’interdire ces pratiques pour déterminer l’âge d’un étranger dont la minorité serait mise en question par l’administration, et de permettre à celui-ci de justifier par tout moyen de son âge.
En cas de doute sur la véracité des actes de l’état civil fournis par l’intéressé, l’administration pourra notamment faire application des alinéas 2 et suivants de l’article 47 du code civil, et saisir le procureur de la République de Nantes, afin qu’il soit procédé à la vérification de l’authenticité des actes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’objet de cet amendement est d’interdire le recours aux examens osseux pour la détermination de l’âge d’une personne.
En l’état actuel des techniques disponibles, ces examens constituent le seul moyen de déterminer si un étranger qui prétend être mineur a réellement moins de 18 ans, l’authenticité des documents d’état civil, lorsqu’ils existent, étant souvent douteuse.
En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Boumediene-Thiery, vous proposez d’interdire le recours aux méthodes médico-légales pour déterminer l’âge d’un étranger qui affirme être mineur.
Le recours à ces méthodes est très précisément encadré et de nombreuses garanties sont prévues : en particulier, elles ne peuvent être utilisées que sur décision du procureur et seulement s’il existe un doute sérieux sur l’état civil de l’étranger. Vous savez très bien, madame la sénatrice, qu’il est en général très difficile de déterminer si une personne âgée de 16 à 19 ans est majeure ou mineure. Quoi qu’il en soit, en cas de doute, l’étranger est considéré comme mineur et bénéficie de tous les droits et protections attachés à ce statut.
De surcroît, il n’est recouru aux tests osseux que pour les seuls étrangers placés en zone d’attente ou en centre de rétention. Il s’agit donc d’une mesure très ciblée, qui ne s’applique pas à tous les cas de regroupement familial.
Le dispositif proposé me semble à la fois équilibré, juste, efficace et, dans un certain nombre de cas, particulièrement protecteur. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je voudrais rappeler à M. le ministre que cette demande émane de l’Ordre des médecins, et qu’elle figure dans une déclaration européenne des professionnels de santé.
En outre, les critères utilisées aujourd’hui sont très anciens et ne correspondent plus du tout à la réalité.
Enfin, il est regrettable qu’une suspicion permanente pèse sur la véracité des actes d’état civil. Dans ces conditions, pourquoi ne pas tout simplement demander à l’administration de vérifier l’authenticité de ces actes ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 487.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 21 ter
Le premier alinéa de l’article L. 623-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces peines sont également encourues lorsque l’étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 39 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 151 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 337 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 39 rectifié.
M. Jacques Mézard. L’article 21 ter a été inséré dans le projet de loi sur l’initiative des députés. Il s’agit d’une incongruité juridique.
Dans un « mariage gris », l’un des conjoints est amoureux, l’autre pas, ce dernier étant forcément le ressortissant étranger… Telle est, en résumé, la situation !
Le merveilleux texte introduit par l’Assemblée nationale visait à appliquer aux « mariages gris » – nous sommes vraiment ici en pleine grisaille juridique ! –, en les portant à sept ans d’emprisonnement et à 30 000 euros d’amende, les peines prévues par l’article L. 623-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pour réprimer les mariages de complaisance, une quarantaine de condamnations par an en moyenne étant prononcées pour ce motif.
Pour sa part, la commission des lois du Sénat a choisi de revenir aux peines actuellement prévues par l’article L. 623-1 du CESEDA et de préciser que « ces peines sont également encourues lorsque l’étranger qui a contracté mariage a dissimulé ses intentions à son conjoint ».
Je félicite la commission pour son imagination ! Franchement, il fallait y penser ! Je souhaite bonne chance à qui voudra apporter la preuve d’une telle dissimulation d’intentions !
D’ailleurs, aux pages 122 et 123 de son rapport, M. Buffet exprime lui-même de très fortes réserves sur cet article, en faisant observer, de façon tout à fait pertinente, que « les “mariages gris” sont d’ores et déjà inclus dans le champ de l’infraction de mariage frauduleux réprimée par l’article L. 623-1 du code des étrangers ».
Dans ces conditions, qu’est-ce que ce « mariage gris » ? En réalité, cette infraction n’a aucun sens ! La commission des lois a tenté d’atténuer les choses en ramenant la sanction prévue à cinq ans d’emprisonnement et à 15 000 euros d’amende et en faisant référence à la dissimulation de ses intentions par le conjoint étranger, mais je crois vraiment que l’on aurait pu se passer de cet article 21 ter, qui ne changera strictement rien, dans la pratique, en matière de poursuites en cas de mariage de complaisance et n’aura qu’un bien triste effet d’affichage…
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 151.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 21 ter nous semble dangereux, car il relève d’une vision suspicieuse de l’étranger et des mariages mixtes.
Il vise en effet à réprimer les « mariages gris », où un conjoint étranger est censé avoir trompé son conjoint français sur ses intentions réelles, l’étranger étant systématiquement considéré comme le fauteur de trouble.
Pour ce faire, cet article tend à créer une sorte de délit d’escroquerie aux sentiments, dont la sécurité juridique n’est pas suffisamment garantie. En effet, comment apporter la preuve d’une escroquerie aux sentiments ? Comment prouver la bonne foi du conjoint français ?
Il nous paraît particulièrement dangereux d’introduire dans la loi des dispositions aussi floues et subjectives, qui ne feront qu’accroître l’insécurité et la précarité de statut des couples mixtes, et particulièrement des conjoints étrangers.
De surcroît, cette mesure est tout à fait superflue : non seulement l’arsenal juridique destiné à lutter contre les mariages blancs est déjà bien étoffé, mais une multitude de réformes relatives à l’immigration, toutes focalisées sur le mariage de complaisance, ont été engagées depuis 2003. N’est-ce pas suffisant ?
Une pléthore de mesures inadmissibles ont été adoptées. Les instruments de lutte contre les mariages blancs existent déjà et les sanctions pénales également, n’excluant aucunement les « mariages gris », qui peuvent être frappés de nullité et sanctionnés par le retrait ou le refus de renouvellement de la carte de séjour, voire par une décision d’éloignement.
Le présent dispositif tend à faire accroire que cette situation échapperait à la loi, ce qui est loin d’être le cas. Il n’y a donc aucune raison de l’évoquer de manière particulière dans le texte, ni d’aggraver les sanctions applicables.
En conséquence, nous vous invitons, mes chers collègues, à supprimer cet article en votant notre amendement. La surenchère dans la lutte contre les mariages de complaisance doit cesser !
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 337.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à supprimer l’article 21 ter, relatif aux peines pénales encourues par un étranger accusé de mariage de complaisance « avec tromperie volontaire », autrement dénommé « mariage gris ».
Cet article nauséabond stigmatise les mariages mixtes, et introduit une suspicion de « fraude aux sentiments », pesant uniquement, bien sûr, sur le conjoint étranger.
Cette disposition est donc contraire à l’article 1er de la Constitution, qui assure l’égalité de tous devant la loi, les Français étant, selon la rédaction de cet article 21 ter, exempts de tout soupçon.
Par ailleurs, en pratique, cette mesure, qui présuppose qu’il soit statué sur la nature et l’intensité des sentiments d’un conjoint, est évidemment inapplicable, sauf à conduire à l’arbitraire. Sur quels éléments se fonder in concreto pour déterminer qu’untel ou unetelle a pu feindre des sentiments en vue de conclure une union maritale, à seule fin, selon la philosophie de cet article, d’obtenir un titre de séjour ou la nationalité française ?
Enfin, permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, qu’en droit civil de la famille, le dol, c’est-à-dire les manœuvres mensongères ayant été déterminantes du consentement, ne constitue pas une cause d’annulation du mariage. Ce principe est repris par Antoine Loysel, considéré comme le premier « penseur » du droit français, dans une formule devenue un adage du droit civil français : « En mariage, trompe qui peut ! »
En d’autres termes, comment le droit pénal français pourrait-il sanctionner, en visant de surcroît uniquement le conjoint de nationalité étrangère, ce qui est, depuis des siècles, rejeté au nom des principes fondateurs du droit civil de la famille ?
Il en va différemment lorsque les deux époux s’accordent à conclure un mariage de complaisance, dit « mariage blanc », qui lui est déjà sanctionné par le code pénal, ainsi que par le code civil, sous l’angle du défaut de consentement entraînant la nullité du mariage. Il est donc inutile de prévoir d’autres sanctions.
Cet amendement de suppression doit donc être adopté, l’article 21 ter étant tout à la fois discriminant envers les conjoints de nationalité étrangère, inapplicable et inutile !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques visant à supprimer l’article 21 ter.
Je précise que la commission des lois a complètement revu la rédaction de cet article, pour tenir compte, notamment, des observations relevées tout à l’heure par M. Mézard.
La première préoccupation de la commission a été d’intégrer la notion de « mariage gris » dans la législation actuellement en vigueur, en reprenant la sanction pénale aujourd’hui encourue pour les mariages frauduleux. Elle a, pour ce faire, adopté un amendement que j’avais moi-même déposé.
La rédaction retenue par la commission permet tout à la fois de préciser les conditions dans lesquelles le mariage doit être intervenu et de maintenir l’échelle des peines.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Il s’agit aujourd'hui de reconnaître la différence fondamentale entre le mariage blanc et le mariage avec tromperie sur les sentiments et de la traduire dans notre droit pénal. Dans le premier cas, les deux époux sont complices, alors que, dans le second, il y a une victime.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de lire quelques extraits d’une lettre qui est parvenue à mon prédécesseur, Éric Besson : « Aujourd'hui, je me rends compte que mon mariage est une mascarade. Tout est mensonge. Je n’arrive plus à dormir. Tout défile dans ma tête. Comme ai-je pu être assez naïve pour croire en ses sentiments ? Ma famille m’avait pourtant prévenue, mais j’étais aveuglée. Je pensais offrir ma virginité à l’homme de ma vie, mais il s’est avéré être un monstre de la pire espèce. » (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Si ça vous fait sourire… C’est tout de même un témoignage particulièrement émouvant, et je tiens cette lettre à votre disposition ! (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Éliane Assassi. Une telle situation n’est pas propre aux unions avec des étrangers !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je poursuis : « Je me suis fait avoir. Il ne m’a jamais aimée. Tout était manqué dès le départ. Son seul but était d’avoir ses papiers français. Je me sens détruite, violée. » (Nouvelles marques d’ironie sur les mêmes travées.)
Moi, je ne vois vraiment pas ce qu’il y a d’amusant dans ces phrases ! Elles ont des accents de vérité qui ne peuvent que toucher et l’on ne peut pas faire comme si ces situations n’existaient pas. Je suis surpris que cela puisse même faire sourire un certain nombre de femmes sur les travées de gauche ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. Occupez-vous plutôt des violences faites aux femmes !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Je souhaite revenir sur le problème de la mesure de la sincérité, que Jacques Mézard a, le premier, soulevé. Nous sommes vraiment là au royaume de l’absurde ! Quoi que puissent nous expliquer M. le rapporteur et M. le ministre, je leur pose la question : quels pourraient être les instruments de mesure de la sincérité et de la tromperie ?
Peut-être nous faudrait-il nous inspirer de l’exemple des Tadjiks, qui, inquiets de voir des étrangers épouser leurs filles, viennent d’adopter une loi aux effets très concrets : elle impose au prétendant étranger, d’abord, d’acheter un appartement pour la jeune fille qu’il convoite, ensuite, de résider sur le sol tadjik pendant au moins un an avant de lui passer la bague au doigt. Voilà qui a au moins le mérite d’être tangible – il faut même des espèces sonnantes et trébuchantes ! – et d’éviter une intrusion arbitraire dans la vie intime.
L'article 21 ter est scandaleusement discriminant à l’égard des étrangers. Il crée un obstacle nouveau aux mariages mixtes et à l’établissement d’une vie familiale, qui est pourtant une liberté fondamentale.
J’ajoute que ce texte est absolument disproportionné en regard de la réalité du phénomène des mariages mixtes. En 2004, sur 88 123 mariages mixtes célébrés, seuls 395 mariages ont été considérés comme blancs et annulés par la justice, soit 0,45 %.
Faut-il d’ailleurs rappeler que le renouvellement de la carte de séjour temporaire est subordonné au fait que la communauté de vie n’ait pas cessé ? Faute de preuve d’amour, c’est au moins une garantie de constance !
Avec l’invention du « mariage gris », la majorité cherche, une fois de plus, à instiller dans l’opinion publique – mais j’espère qu’elle sera plus clairvoyante que nos gouvernants ! – une méfiance irraisonnée à l’égard des étrangers.
Cette disposition est un poison dangereux pour notre démocratie et ces amendements de suppression sont parfaitement justifiés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Au-delà même des positions de principe légitimes que les membres de cette assemblée peuvent avoir à propos de cet article, celui-ci est choquant en ce que, je le répète, ses dispositions seront manifestement inapplicables.
Tout à l'heure, monsieur le ministre, vous nous avez lu une lettre fort intéressante qui avait été adressée à M. Besson. Mais, en matière de séparation, les choses ne sont pas forcément aussi limpides que vous l’avez laissé entendre. Permettez-moi de faire à mon tour une citation, du rapport de M. Buffet, cette fois : « Enfin, plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont exprimé la crainte que les dispositions introduites par les députés ne soient utilisées comme un moyen de pression ou de chantage par le ressortissant français dans le cadre d’une procédure de séparation conflictuelle. »
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est pour cela que nous avons modifié la rédaction de l'article !
M. Jacques Mézard. Votre lettre, monsieur le ministre, était certes très émouvante et votre indignation...
M. Thierry Repentin. Sûrement sincère ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mézard. Peut-être !
... nous a au moins partiellement convaincus.
Ce dont je suis en tout cas convaincu, de par mon expérience professionnelle, c’est qu’il y a surtout des séducteurs et des séductrices français qui ont utilisé ce type de mariage au détriment d’étrangers ou d’étrangères.
Franchement, je ne crois pas que l’on s’honore à mesurer le degré de sentiment ou à parler de viol, comme c’est le cas dans cette lettre.
À mon sens, cette disposition n’a pas sa place dans ce projet de loi et elle est extrêmement néfaste. D’ailleurs, l’expression « mariage gris » révèle quelle était la volonté de celui qui a introduit cet article à l'Assemblée nationale.
Par conséquent, je persiste et je signe !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 rectifié, 151 et 337.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 21 ter.
(L'article 21 ter est adopté.)
Articles additionnels après l'article 21 ter
Mme la présidente. L'amendement n° 497, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article L. 211-2 du même code est ainsi rédigé :
« 2° Conjoints, enfants de moins de vingt et un ans ou à charge, ascendants de ressortissants français et partenaires liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité ; ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s’agit d'insérer l'article 12 bis du projet de loi dans le chapitre du CESEDA consacré aux titres de séjour plutôt que dans celui qui a trait aux zones d'attente.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 21 ter.
L'amendement n° 342, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf en cas de menace à l'ordre public, le visa est délivré de plein droit aux personnes mentionnées aux 1° à 4°, et 7° de l'article L. 211-2. »
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. L’État a des obligations en matière de protection de la vie de la famille. Ainsi, il doit s’abstenir de porter atteinte à la vie privée et familiale. Il doit également mettre en œuvre tout ce qui est possible pour assurer au citoyen une vie familiale normale.
Le CESEDA traduit cette obligation en faveur de certaines catégories d'étrangers qui disposent d’un titre de séjour.
Or ces titres de séjour sont soumis à la présentation d’un visa de long séjour qui, lui, n’est pas de droit. Nous sommes donc en pleine contradiction : d’un côté, le CESEDA affirme le droit au respect de la vie familiale de l’étranger et, d’un autre côté, la jouissance du droit de vivre en famille peut être empêchée par un refus de délivrance de visa.
C’est pourquoi nous proposons de rétablir l’harmonie en accordant la délivrance de plein droit aux personnes mentionnées aux 1° à 4°, et 7° de l’article L. 211-2 du CESEDA.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer une délivrance de plein droit d’un visa de long séjour lorsqu’il est demandé par certaines catégories d’étrangers : membres de la famille de ressortissants communautaires, enfants adoptés, bénéficiaires d’une autorisation de regroupement familial, etc.
Le droit en vigueur permet déjà une délivrance de plein droit d’un visa de long séjour à l’étranger marié à un ressortissant français. Par ailleurs, l’article L. 211-2 du CESEDA oblige l’autorité administrative à motiver les refus de visa de long séjour opposés à un certain nombre de catégories d’étrangers : membres de la famille d’un ressortissant français, bénéficiaires d’une autorisation de regroupement familial, etc. La motivation s’effectue notamment, sous le contrôle du juge administratif, au regard du droit à une vie privée et familiale ; ce point me semble essentiel.
Ces dispositions paraissent suffisantes. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 343, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est supprimé.
II. - Le 4° de l'article L. 313-11 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque la demande de carte de séjour temporaire émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié, qui séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint français, la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée ; ».
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. L’exigence d’un visa de long séjour pour la délivrance d’une carte de séjour aux conjoints de Français pose de nombreuses difficultés.
L’article L. 211-2-1 du CESEDA prévoit que les conjoints de Français entrés régulièrement en France, mariés en France et justifiant de six mois de vie commune avec leur conjoint en France, peuvent déposer leur demande de visa auprès de la préfecture.
Cette formalité est en théorie le moyen de se prémunir contre toute expulsion. Dans les faits, cette procédure fonctionne autrement, en particulier lorsque le consulat ne répond pas à la demande de visa dans le délai légal qui lui est imparti. En l’absence de réponse à la demande de visa dans un délai de deux mois, la préfecture considère qu’il s’agit d’un refus implicite et, le plus souvent, refuse d’instruire la demande de titre de séjour ou notifie un refus de délivrance de titre.
Ce dysfonctionnement de la procédure pénalise les personnes ayant droit à un titre de séjour.
Nous attirons donc votre attention sur le fait que l’exigence du visa de long séjour pour les conjoints de Français déjà présents en France porte une atteinte disproportionnée au droit à une vie familiale normale, consacré par la Convention européenne des droits de l’homme.
Mme la présidente. L'amendement n° 295 rectifié bis, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise et Tuheiava, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « entré régulièrement en France » sont supprimés.
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 148 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Lorsque la demande de carte de séjour temporaire émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié avec un ressortissant de nationalité française, et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la condition prévue à l'article L. 311-7 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas exigée.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il s’agit de supprimer l’obligation de produire un visa de plus de trois mois lors de la demande de carte de séjour temporaire lorsque cette demande émane d’un étranger entré régulièrement en France, marié avec un ressortissant français, et que tous deux séjournent ensemble en France depuis plus de six mois.
L’obtention d’un visa de long séjour ne va pas sans poser des difficultés. Il est prévu que ces personnes, sous les conditions que nous avons déjà évoquées, peuvent demander un visa auprès de la préfecture, mais cette procédure fonctionne mal. Il arrive que le consulat ne réponde pas à la demande de visa dans le délai légal imparti de deux mois. Or l’absence de réponse après deux mois équivaut à un refus et la préfecture n’instruit alors pas la demande de titre de séjour.
Ce problème procédural aboutit à priver de leurs droits des personnes qui peuvent prétendre à l’obtention d’un titre de séjour. Pour les conjoints de Français résidant en France, ce dysfonctionnement paraît hautement préjudiciable au droit de vivre en famille et ses conséquences sont démesurées par rapport à l’intérêt de ce visa. En effet, les vérifications effectuées par le consulat pour la délivrance du visa sont les mêmes que celles auxquelles procède la préfecture pour la délivrance du titre de séjour : absence de fraude, trouble à l’ordre public, annulation de mariage, etc.
Dans ce cas, il n’y a donc pas lieu de conserver la nécessité d’un visa long séjour.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements nos 343 et 295 rectifié visent à délivrer de plein droit une carte de séjour temporaire à l’étranger qui est entré régulièrement sur le territoire, est marié et séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint français.
En réalité, à l’heure actuelle, ces étrangers sont tenus d’obtenir, tout d’abord, un visa de long séjour.
La préoccupation des auteurs des amendements est déjà prise en compte par le droit positif puisque la loi du 24 juillet 2006 a facilité les démarches nécessaires en prévoyant la possibilité d’introduire une demande de visa sur le territoire national pour le conjoint de Français séjournant en France depuis plus de six mois.
En outre, le visa ainsi délivré pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois au conjoint d’un ressortissant de Français donne à son titulaire les droits attachés à une carte de séjour temporaire.
C’est la raison pour laquelle la commission des lois sollicite le retrait des amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.
S’agissant de l’amendement n° 295 rectifié bis, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 295 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. L'amendement n° 489 rectifié bis, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 211-2-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le partenaire lié à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité et pouvant attester d’un an de vie commune bénéficie des dispositions visées au présent article. »
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement vise à étendre au partenaire d’un ressortissant français lié par un PACS certaines dispositions bénéficiant aux couples mariés en matière d'obtention d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois.
Nous avons introduit le PACS dans notre système juridique. Il me semble donc normal d’accorder au partenaire pacsé d’un de nos ressortissants des conditions d’obtention d’un visa plus souples, moins restrictives.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a déjà examiné cet amendement sous une autre rédaction et a décidé de ne pas l’intégrer dans son texte.
En l’état du droit, en effet, les autorités consulaires sont tenues de délivrer un visa à un conjoint de Français, sauf manœuvres frauduleuses ou menaces à l’ordre public.
Vous proposez d’étendre ce dispositif aux personnes pacsées justifiant d’un an de vie commune.
La commission avait considéré que l’adoption de l’amendement dans sa version précédente risquerait de créer des effets inopportuns dans la mesure où le PACS n’est pas assorti des mêmes mécanismes de contrôle que le mariage. De ce fait, cette proposition pourrait encourager la multiplication des PACS dits de complaisance ou supposés de complaisance. (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.), ce qui irait évidemment à l’encontre des objectifs de maîtrise de l’immigration.
Toutefois, l’amendement a été rectifié afin de viser les personnes pacsées justifiant d’une année de vie commune. Dans ces conditions, la commission souhaite, avant de se prononcer, entendre l’avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Garriaud-Maylam, vous proposez, s’agissant de la délivrance d’un visa de long séjour, d’aligner le traitement des conjoints de Français et celui des partenaires étrangers liés à un Français par un PACS.
Il faut bien réfléchir et avoir présentes à l’esprit les conséquences d’un tel alignement.
La délivrance d’un visa de long séjour permet de droit d’obtenir un titre de séjour d’un an.
Par ailleurs, l’adoption de cet amendement remettrait en cause l’architecture générale du CESEDA non seulement en matière de visa, ce que vous avez anticipé, mais également en matière de titre de séjour.
La situation des conjoints de Français, c’est-à-dire des personnes mariées, est globalement plus favorable que celle des étrangers non liés par le mariage avec un Français. C’est d’ailleurs l’un des principes fondamentaux et directeurs du code.
Le PACS n’ouvre pas de droit au séjour en tant que tel. Mais il est bien évidemment pris en compte pour l’appréciation du droit au séjour de l’étranger lié à un Français. Il constitue une circonstance importante, qui est retenue dans l’appréciation au cas par cas du droit au séjour.
Madame Garriaud-Maylam, je vous le dis très clairement : nous ne souhaitons pas aller au-delà. Nous n’entendons pas bouleverser aujourd’hui et au travers de ce texte l’équilibre général des règles d’entrée et de séjour prévues par notre droit.
Compte tenu de ces explications, je vous remercie par avance de bien vouloir retirer votre amendement.
Mme la présidente. Madame Joëlle Garriaud-Maylam, l’amendement n° 489 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je le retire, madame la présidente. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Mme Éliane Assassi. C’est dommage !
Mme la présidente. L’amendement n° 489 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 316 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du même code est ainsi rédigé :
« Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre des 3° et du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". »
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 132 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 346 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est complété par les mots : «, sauf si elle résulte du décès du conjoint français ».
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour défendre l’amendement n° 132 rectifié.
Mme Éliane Assassi. L’article L. 313-12 du CESEDA prévoit que le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l’article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n’ait pas cessé. Cela signifie a contrario que, en cas de rupture de la vie commune, la personne étrangère ne peut bénéficier du renouvellement de son titre de séjour.
En l’état actuel de la législation, et même si la rupture de la vie commune est due au décès du conjoint français, il n’y a pas de renouvellement de titre de séjour possible.
Cette possibilité de renouvellement du titre de séjour en cas de décès du conjoint est prévue pour les bénéficiaires du regroupement familial par l’article L. 431-2 du CESEDA.
Le dispositif prévu à cet article ne doit pas bénéficier aux seules personnes étrangères mariées.
Afin de pallier ce qui nous semble une incohérence, il nous paraît indispensable d’adopter une formulation similaire pour les étrangers conjoints de Français. Tel est le sens de l’amendement que je soumets à votre approbation. Son adoption par notre assemblée ne devrait pas poser de problème puisqu’il a déjà reçu l’avis favorable de la commission des lois.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 346.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement tend à insérer un article additionnel après l’article 21 ter, afin de compléter la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 313-12 du CESEDA.
Ce deuxième alinéa de l’article L. 313-12 du CESEDA est relatif au renouvellement des titres de séjour temporaires portant la mention « vie privée et familiale », VPF, spécialement délivrés aux conjoints de Français – c’est un renvoi explicite à la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l’article L. 313-11.
En l’état actuel du droit, le deuxième alinéa de l’article L. 313-12 subordonne le renouvellement de ce titre de séjour au fait que « la communauté de vie n’ait pas cessé » entre les époux, sans apporter d’autres précisions.
Nous proposons, par cet amendement, de compléter la première phrase dudit article par les mots : «, sauf si elle résulte du décès du conjoint », afin de protéger ainsi tous les étrangers conjoints de Français.
En effet, les étrangers conjoints de Français, titulaires d’un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale », entrés en France au titre du regroupement familial, sont déjà prémunis du non-renouvellement de leur carte de séjour par l’article L. 431-2 du CESEDA.
Cela signifie que les autres conjoints de Français, bénéficiaires du même titre de séjour, octroyé sur le même fondement juridique, voient actuellement leur carte de séjour non renouvelée en cas de décès de leur conjoint français.
Il paraît dès lors incohérent que, face à une situation similaire, une différence de traitement injustifiée soit opérée selon que le conjoint soit ou non venu au titre du regroupement familial.
Cela peut notamment concerner tous les étrangers qui ont bénéficié d’un « changement de statut » après leur mariage avec un Français déjà en France et en situation régulière. Ils pouvaient en effet être titulaires d’un titre de séjour portant la mention « étudiant » ou « salarié », changé en « vie privée et familiale » après le mariage.
Cela peut également concerner le conjoint étranger de Français, bénéficiaire de la procédure dérogatoire de demande de visa de « long séjour », déposée en préfecture, mais à trois conditions : s’il est entré régulièrement en France, s’il s’est marié en France et qu’il y a séjourné depuis plus de six mois avec son conjoint français. La demande de visa a donc été diligentée depuis la France, ou il résidait déjà, et a abouti à la délivrance de ce titre de séjour.
Dans tous ces cas, le renouvellement de la carte de séjour « VPF » du conjoint étranger doit être assuré en cas de décès de son époux, au même titre que s’il était entré en France via une procédure de regroupement familial.
Mme la présidente. L'amendement n° 340, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut en accorder le renouvellement » sont remplacés par les mots : « en accorde le renouvellement ».
II. - À la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut en accorder le renouvellement » sont remplacés par les mots : « en accorde le renouvellement ».
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Les personnes victimes de violences conjugales doivent pouvoir bénéficier d’un titre de séjour autonome afin de ne plus dépendre administrativement de leur conjoint.
À l’heure actuelle, le renouvellement des titres de séjour des personnes qui rompent leur vie commune en raison de violences conjugales est laissé à la libre appréciation du préfet.
Quel choix une personne étrangère victime de violences conjugales a-t-elle entre, d’une part, quitter son conjoint avec le risque de perdre son droit au séjour ou, d’autre part, rester et subir la violence ?
D’une préfecture à l’autre, les documents requis varient. S’il est nécessaire d’apporter la preuve des violences conjugales via une plainte et des certificats médicaux, les préfectures exigent de plus en plus souvent la preuve de l’engagement d’une procédure de divorce pour faute et d’une condamnation pénale de l’auteur des faits pour décider de renouveler le titre de séjour. Ces documents sont extrêmement longs et difficiles à obtenir.
Ce pouvoir d’appréciation, en ce qui concerne la situation des violences conjugales, engendre des différences de traitements d’une préfecture à l’autre.
Telle est la raison du dépôt de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 316 rectifié vise à apporter deux modifications au texte applicable. La commission a émis un avis défavorable car le texte de 2010 est protecteur : les dispositions qu’il contient suffisent à atteindre les objectifs visés par les auteurs de l’amendement.
Je confirme à Mme Assassi que la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 132 rectifié. Il en va de même s’agissant de l’amendement n° 346, qui est identique.
La commission émet en revanche un avis défavorable sur l’amendement n° 340, qui vise à rendre automatique le renouvellement du titre de séjour de l’étranger victime de violences conjugales.
Je rappellerai que les préoccupations des auteurs de l’amendement ont été reprises dans les dispositions de la loi du 9 juillet 2010, qui a ouvert à la victime de violences conjugales la possibilité de se voir délivrer ou renouveler automatiquement son titre de séjour dès lors qu’elle bénéficie d’une ordonnance de protection délivrée par le juge des affaires familiales.
En outre, en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident peut être délivrée à la victime.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 316 rectifié.
Les amendements identiques nos 132 rectifié et 346 me donnent l’occasion de rappeler une réalité : en rendant le renouvellement obligatoire, cet article empêche le préfet de discerner les cas dans lesquels il pourrait y avoir une fraude. Toutefois, après avoir entendu la position de la commission, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
J’en viens, enfin, à l’amendement n° 340. La loi relative aux violences faites aux femmes a été adoptée voilà peu de temps – en juillet 2010 –, à l’unanimité. Le Gouvernement n’a pas l’intention de rouvrir le débat quelques mois seulement après l’adoption d’une loi. Il émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 132 rectifié et 346.
(Les amendements sont adoptés à l’unanimité des présents.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 21 ter.
La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l’amendement n° 340.
M. Roland Courteau. Il est vrai que nous avons légiféré récemment sur le fléau – je n’hésite pas à employer ce mot ! – des violences conjugales. Il est également vrai que le titre de séjour d’une victime de violences conjugales ayant bénéficié d’une mesure de regroupement familial peut être renouvelé, lorsque cette personne fait l’objet d’une ordonnance de protection.
Je tiens cependant à attirer votre attention, mes chers collègues, sur le fait que les victimes de violences conjugales ne font pas toujours l’objet d’une ordonnance de protection. Que se passera-t-il dans ces cas-là ? Le titre de séjour ne sera-t-il pas renouvelé ? Ces personnes seront-elles victimes d’une double peine, les violences conjugales et l’expulsion vers leur pays d’origine ?
C’est ce problème que nous voulons résoudre car, en l’occurrence, il existe manifestement un vide juridique !
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix l’amendement n° 340.
M. Roland Courteau. Le ministre ne répond pas ?...
Mme la présidente. L’amendement n° 349, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles L. 524-3 et L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont abrogés.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Actuellement, l’étranger qui souhaite demander le relèvement d’une interdiction du territoire ou l’abrogation d’un arrêté d’expulsion doit obligatoirement résider hors de France. À défaut, sa demande est déclarée irrecevable.
Pourtant, certaines personnes sont « inexpulsables », soit en raison de leurs très fortes attaches en France, de leur longue présence sur le territoire ou de leur état de santé, soit parce qu’elles se trouvent dans l’impossibilité de retourner dans leur pays d’origine ; c’est par exemple le cas des réfugiés statutaires, victimes de traite ou de réseaux.
Par ailleurs, cette condition porte atteinte au droit à un recours effectif de l’étranger contre une décision d’expulsion ou d’interdiction du territoire.
Les conditions restrictives de recevabilité ont bien souvent comme conséquence de dissuader l’étranger d’exercer un recours, et ce d’autant plus qu’il est matériellement difficile, lorsque l’on se trouve dans un pays en développement, d’exercer des actes de procédure en France.
Cet amendement tend donc à supprimer la condition de résidence hors de France pour la recevabilité d’une requête en relèvement d’interdiction du territoire français ou d’une mesure d’expulsion.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer purement et simplement la condition de résidence hors de France pour la recevabilité d’une requête en relèvement d’interdiction du territoire français ou d’une mesure d’expulsion.
Le fait de supprimer de manière générale cette condition enlèverait une grande partie de leur portée aux mesures d’expulsion ou d’interdiction du territoire. Il est préférable d’en rester au droit en vigueur, qui prévoit plusieurs hypothèses dans lesquelles l’étranger peut obtenir l’abrogation de ces mesures, alors même qu’il réside en France : l’examen quinquennal de l’arrêté, ou l’assignation à résidence du fait de son état de santé, par exemple.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Je partage l’avis de la commission.
J’ajoute, monsieur le sénateur, que l’étranger qui ne peut pas retourner dans son pays d’origine n’est pas « inexpulsable », contrairement à ce que vous avez dit. En effet, il peut et il doit rechercher un pays tiers d’accueil. Il est donc tout à fait expulsable !
Mme la présidente. L’amendement n° 348, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 21 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 541-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 541-1-1. - Les étrangers mentionnés à l'article 131-30-2 du code pénal se voient délivrer une carte de séjour temporaire mention "vie privée et familiale" ».
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. La loi du 26 novembre 2003 a institué dans le code pénal, à l’article 131-30-2, quatre catégories d’étrangers protégés contre les peines complémentaires d’interdiction du territoire, dont deux tiennent compte expressément des liens familiaux tissés en France. Toutefois, l’application de cette réforme de « la double peine » connaît quelques hoquets.
Dans les faits, de nombreux étrangers ont obtenu le relèvement de leur peine d’interdiction du territoire, mais ils se heurtent désormais à un refus de délivrance de la carte de séjour. La peine complémentaire est alors non pas pénale, mais administrative !
En conséquence, ces personnes constituent une nouvelle catégorie d’étrangers « ni expulsables ni régularisables ». Ils vivent en France sans titre de séjour, ou sous couvert d’une autorisation provisoire de séjour, ce qui ne favorise pas leur intégration dans la société.
Cet amendement vise donc à éviter que la sanction administrative, c’est-à-dire le refus de délivrance du titre de séjour, ne serve à contourner les dispositions de l’article 131-30-2 du code pénal énonçant la liste des personnes ne pouvant faire l’objet d’une peine d’interdiction du territoire français.
En conséquence, nous proposons de garantir la délivrance d’un titre de séjour « vie privée et familiale » aux étrangers protégés contre le prononcé d’une peine d’interdiction du territoire français.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que les étrangers bénéficiant, en vertu de l’article 131-30-2 du code pénal, d’une protection contre la peine d’interdiction du territoire reçoivent une carte de séjour « vie privée et familiale ».
Ce faisant, cet amendement vise non pas, comme les auteurs le souhaiteraient, les personnes relevant d’une interdiction du territoire, mais des étrangers qui disposent déjà de titres de séjour, la plupart du temps de longue durée. Il ne semble donc pas logique à la commission de prévoir que leur soit accordée une carte de séjour temporaire.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
10
Orientation et programmation pour la performance de la sécurité intérieure
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (texte de la commission mixte paritaire n° 262, rapport n° 261).
Dans la discussion générale, la parole à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Un an et demi s’est écoulé depuis son dépôt par Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l’intérieur.
Au cours de cette période, nous avons pu effectuer un travail approfondi pour améliorer le texte, y introduire des modifications inspirées des travaux antérieurs du Sénat et de la commission des lois, ou encore assurer une meilleure insertion dans notre édifice juridique des nombreuses dispositions introduites par l’Assemblée nationale en première lecture.
Le projet de loi qui résulte de ce processus est un texte riche, qui aborde de multiples aspects des politiques de sécurité en apportant à chaque fois une mise à jour salutaire, que ce soit dans le domaine des nouvelles technologies, des fichiers de police, de la vidéosurveillance, de la lutte contre la délinquance de proximité, de la prévention des violences sportives ou des violences commises dans les transports, ou encore des prérogatives des polices municipales.
Une grande partie des dispositions ainsi proposées avaient déjà fait l’objet, avant la réunion de la commission mixte paritaire, d’un accord entre les deux assemblées.
De nombreux apports du Sénat, concernant notamment le contrôle de la vidéosurveillance par la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le renforcement de la police technique et scientifique et la lutte contre les violences sportives, avaient ainsi été approuvées par l’Assemblée nationale.
Les dispositions restant en discussion, soumises à la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 26 janvier dernier, concernaient d’abord le régime de la vidéoprotection.
Comme je viens de le rappeler, l’Assemblée nationale a accepté les principaux apports du Sénat en la matière, puisque la compétence de la Commission nationale de l’informatique et des libertés pour le contrôle des systèmes n’a pas été remise en cause par les députés. Le désaccord final portait seulement sur la possibilité pour la CNIL de prononcer une mise en demeure suivie d’un avertissement public en cas de non-respect de la loi, possibilité introduite au Sénat par symétrie avec les dispositions relatives aux pouvoirs de la CNIL en matière de fichiers de données personnelles.
La CMP a permis de trouver un accord sur ce point : la CNIL conserve son pouvoir de mise en demeure ; en revanche, il revient in fine au préfet de sanctionner les manquements, par symétrie avec son pouvoir d’autorisation, ce qui semble légitime.
Par ailleurs, restait en discussion l’article 23 bis relatif à l’extension des « peines planchers ».
En effet, dans la ligne du discours prononcé par le chef de l’État à Grenoble le 30 juillet dernier, le Gouvernement avait souhaité, lors de l’examen du projet de loi par le Sénat en séance publique, que le dispositif des peines planchers soit étendu aux primodélinquants auteurs de violences aggravées ou de délits commis avec la circonstance aggravante de violences.
La commission des lois du Sénat s’y était opposée, considérant notamment que ce dispositif présentait un risque d’inconstitutionnalité. Toutefois, le Sénat avait adopté un sous-amendement de nos collègues Gérard Longuet et Jacques Gautier qui limitait le champ du dispositif aux violences les plus graves.
En seconde lecture, les députés étaient largement revenus au dispositif initialement souhaité par le Gouvernement et l’avaient même étendu à un certain nombre d’infractions supplémentaires, comme les violences sans circonstance aggravante. Le Sénat était alors revenu au texte qu’il avait adopté en première lecture.
La commission mixte paritaire a limité le champ de ces nouvelles dispositions aux délits de violences volontaires punis d’au moins sept ans d’emprisonnement.
Ainsi, les personnes ayant commis un délit puni de sept ans d’emprisonnement se verront appliquer, sauf décision spécialement motivée de la juridiction, une peine minimale de dix-huit mois d’emprisonnement. Les personnes ayant commis un délit puni de dix ans d’emprisonnement devront quant à elles être condamnées à une peine de deux ans d’emprisonnement.
La rédaction retenue vise notamment les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, celles ayant entraîné une ITT, ou incapacité temporaire de travail, supérieure à huit jours en présence d’au moins deux circonstances aggravantes ou commises sur un mineur de quinze ans par un ascendant ou une personne ayant autorité, les violences ayant entraîné une ITT inférieure à huit jours ou aucune ITT commises dans trois circonstances aggravantes, ou encore les violences commises en bande organisée ou avec guet-apens contre les forces de l’ordre ayant entraîné plus de huit jours d’ITT.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale avait également souhaité en seconde lecture revenir aux dispositions proposées par le Gouvernement relatives à la possibilité de poursuivre un mineur devant le tribunal pour enfants par la voie d’une convocation par officier de police judiciaire.
En première lecture, ces dispositions avaient été rejetées par la commission des lois et n’avaient été adoptées par le Sénat que complétées par un sous-amendement qui avait restreint leur champ d’application.
Compte tenu du retour opéré par l’Assemblée nationale aux propositions rejetées par la commission des lois, le Sénat avait décidé de revenir à sa position de première lecture.
Sur ce point, l’accord trouvé par la CMP limite la possibilité ouverte au parquet de convoquer un mineur par officier de police judiciaire aux deux hypothèses suivantes : soit le mineur a déjà été condamné dans les six mois précédents ; soit une procédure a été engagée dans les six mois précédents et, le cas échéant, a donné lieu à une mesure alternative aux poursuites, par exemple.
Dans ces deux hypothèses, l’ensemble des renseignements utiles sur la personnalité du mineur et son environnement social et familial auront été recueillis et permettront au tribunal pour enfants de se prononcer en pleine connaissance de cause.
Concernant l’article 23 ter, relatif à l’allongement de la peine de sûreté pour les auteurs de meurtre ou d’assassinat contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, les députés étaient revenus en seconde lecture à la rédaction initialement proposée par le Gouvernement.
En effet, les dispositions introduites par le Gouvernement avaient été sous-amendées par MM. Jean-Jacques Hyest, Gérard Longuet et Nicolas About afin que, comme tel est le cas pour les meurtres ou assassinats concernant les mineurs de quinze ans, l’allongement de la peine de sûreté ne vise que les crimes accompagnés d’une circonstance aggravante. Il était ainsi précisé que le meurtre devait être commis en bande organisée ou avec guet-apens. L’Assemblée nationale ayant écarté toute référence à une circonstance aggravante, le Sénat était revenu en seconde lecture à sa position initiale.
La commission mixte paritaire a permis de dégager un accord sur ces dispositions en prévoyant que, si les assassinats « simples » de personnes dépositaires de l’autorité publique seraient bien concernés par l’allongement de la peine de sûreté, seuls les meurtres commis en bande organisée se verraient appliquer ces dispositions.
La commission mixte paritaire devait également trouver des dispositions communes sur le couvre-feu des mineurs prévu par l’article 24 bis.
En effet, en seconde lecture, les députés avaient rétabli les dispositions qu’ils avaient introduites en première lecture concernant la possibilité pour le préfet de décider d’un couvre-feu à l’encontre d’un mineur déjà condamné, ainsi que celles qui se rapportaient à l’information du président du conseil général et du préfet par le procureur de la République sur les poursuites et les condamnations dont font l’objet les mineurs dans le département.
Dans la mesure où ces dispositions présentaient elles aussi un risque d’inconstitutionnalité et semblaient en outre d’application très difficile, le Sénat avait introduit à nouveau la sanction judiciaire d’interdiction d’aller et venir en lieu et place de la mesure administrative décidée par le préfet et supprimé les dispositions relatives aux échanges d’information entre le procureur, le préfet et le président du conseil général.
Sur ce point, la commission mixte paritaire me semble avoir trouvé un point d’accord satisfaisant.
Elle a ainsi maintenu les échanges d’informations relatifs aux mesures alternatives aux poursuites et aux jugements devenus définitifs prononcés à l’encontre des mineurs afin de développer la prévention et de promouvoir un plus large usage des contrats de responsabilité parentale.
En revanche, elle a retenu la position du Sénat s’agissant de l’interdiction d’aller et venir prononcée à l’encontre des mineurs : cette interdiction restera une sanction judiciaire prononcée par le tribunal pour enfants.
Il restait également à trouver un accord sur les dispositions de l’article 32 ter A relatives au vol de domicile introduites par l’Assemblée nationale en seconde lecture.
Le Sénat avait supprimé ces dispositions, estimant qu’elles étaient partiellement redondantes avec le droit en vigueur. En outre, la commission s’était inquiétée de ce qu’elles pourraient s’appliquer au cas de la séparation de deux concubins habitant le logement de l’un d’eux. Le propriétaire aurait alors eu la possibilité de porter plainte contre l’autre concubin avec les conséquences qui accompagnent cette plainte – éventuellement garde à vue ou expulsion par les forces de police –, alors même que celui-ci aurait eu un motif légitime – la présence d’un enfant commun, par exemple – pour souhaiter rester temporairement dans le logement.
Pour éviter les difficultés, la commission mixte paritaire a donc précisé que l’incrimination vise non pas les cas d’occupation non illicites à la base, mais seulement les occupations qui perdurent à la suite de l’introduction frauduleuse dans le domicile d’autrui.
Enfin, s’agissant de la possibilité de placer sous surveillance électronique l’étranger condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou faisant l’objet d’une mesure d’expulsion pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste, la commission mixte paritaire a accepté la position du Sénat, qui avait prévu l’accord de l’étranger. En effet, le consentement paraît indispensable pour assurer l’efficacité d’une telle mesure.
Mes chers collègues, je vous propose donc à présent d’adopter le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, ainsi que les amendements de rectification qui l’accompagnent. Nul doute qu’il permettra aux forces de police et de gendarmerie d’affronter dans les meilleures conditions les défis auxquels elles seront confrontées au cours des prochaines années et d’accomplir leur mission à la satisfaction de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je commencerai par saluer le travail qu’ont mené en partenariat le Gouvernement et le Parlement.
Je remercie le président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, le rapporteur de celle-ci, Jean-Patrick Courtois, qui, en tant que rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire, vient de résumer parfaitement l’essentiel des raisons qui nous réunissent ce soir, les rapporteurs pour avis des commissions des affaires étrangères et des finances, et, de façon générale, tous ceux qui ont apporté leur soutien au contenu et aux objectifs de ce projet de loi.
Le chemin parcouru depuis 2002 en matière de sécurité, n’est pas le fruit du hasard. L’amélioration constante, année après année, des chiffres de la délinquance globale, qui font incontestablement apparaître une tendance régulière à la baisse même s’il y a de nombreux points sur lesquels il faudrait, naturellement, que l’on progresse encore, est le résultat de mesures concrètes, de lois complémentaires et de textes ciblés.
C’est tout le sens de la LOPPSI, véritable « boîte à outils » présentée à votre vote.
Il y a eu près de quatre-vingt-cinq heures d’échanges, sur des sujets – M. le rapporteur l’a souligné – faisant l’objet de débats anciens, et je me réjouis que la majorité se soit rassemblée sur l’essentiel.
Le texte élaboré par la commission mixte paritaire est équilibré et les orientations définies par le Président de la République ont été approuvées.
Ce texte répond, j’en suis convaincu, à l’attente de nos concitoyens sur quatre orientations majeures au moins.
En premier lieu, nous nous assurons de l’effectivité de la réponse pénale.
Vous vous êtes engagés pour que les sanctions soient aggravées en cas de cambriolage et de vol au préjudice d’une personne vulnérable, qu’il s’agisse d’une personne âgée incapable de se défendre ou d’une femme enceinte.
Dans le même sens, vous avez approuvé que des peines planchers puissent être appliquées aux auteurs de violences graves, vous avez soutenu le placement sous bracelet électronique des terroristes assignés à résidence avant leur expulsion et vous avez approuvé que les biens saisis appartenant aux trafiquants puissent être vendus ou affectés aux forces de sécurité.
J’estime que ceux qui ont voté ces différentes mesures ont eu raison de le faire et, à l’inverse, je ne comprends pas les raisons pour lesquelles certains ne les approuvent pas.
En deuxième lieu, nous adaptons les outils opérationnels des forces de sécurité au développement des nouvelles technologies, sujet que nous avons longuement évoqué.
Je pense en particulier à la vidéoprotection qui – je le répète pour la quarante-sept millième fois – n’est pas la solution à tous les problèmes mais constitue un outil majeur en vue de résoudre ces derniers, et aux logiciels de rapprochement judiciaire. La lutte contre la pédopornographie sera ainsi renforcée. De même, la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée sera facilitée par le recours à des outils modernes, à la hauteur des méthodes de certaines organisations criminelles.
En troisième lieu, nous nous assurons de la complémentarité entre les différents acteurs de la sécurité : partenariat, d’abord, avec les élus locaux, puisque les compétences des polices municipales sont renforcées, en parfaite complémentarité avec l’action de la police et de la gendarmerie ; partenariat, aussi, avec les acteurs de la sécurité privée. À ce propos, je tiens à dire que regretter la présence de cette dernière, comme j’ai entendu certains le faire, ne constitue pas un programme. C’est une posture dès lors que la sécurité privée est une réalité dans notre pays : elle emploie d’ores et déjà 120 000 personnes et en recrutera de 10 000 à 15 000 chaque année. Il faut donc quitter le domaine du regret idéologique, prendre acte de cette réalité et se demander comment former et encadrer les acteurs de ce secteur : c’est précisément ce que permet la LOPPSI.
En quatrième lieu enfin, nous renforçons la réactivité offerte par les mesures de police administrative.
Cela signifie tout simplement que sont repris les dispositifs dont il a été prouvé qu’ils fonctionnaient ; je ne comprends d’ailleurs pas que cela n’ait pas été salué sur toutes les travées, car chacun devrait s’en réjouir !
Ainsi, les initiatives prises avec succès contre les hooligans dans les stades vont être poursuivies, confortées et amplifiées.
La prévention de la délinquance des mineurs sera renforcée avec, désormais, la possibilité pour le préfet d’instaurer, sur un territoire donné, un couvre-feu pour les mineurs de moins de treize ans entre vingt-trois heures et six heures du matin. Là encore, je ne comprends pas les fantasmes que cette mesure suscite : il est tout de même plus responsable d’éviter aux mineurs de cette tranche d’âge de tomber aux mains ou sous l’influence des trafiquants et des dealers en les empêchant de traîner dans la rue.
Enfin, nous lutterons avec une efficacité accrue contre les irresponsables et les criminels de la route en leur confisquant immédiatement leur véhicule, et je serais curieux de savoir qui n’approuve pas cette mesure !
Je voudrais d’ailleurs souligner que la LOPPSI ne contient pas moins de treize mesures visant à renforcer notre arsenal face aux délinquants de la route, qu’il s’agisse – je l’ai dit – de l’immobilisation immédiate des véhicules des chauffards les plus dangereux, de la répression accrue des délits de fuite ou encore de la distribution d’éthylotests dans les boîtes de nuit.
Si le bilan de l’année 2010 fait apparaître des résultats encourageants – pour la première fois, nous sommes passés sous la barre des 4 000 tués –, les résultats du mois de janvier 2011 sont préoccupants.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Eh oui !
M. Brice Hortefeux, ministre. J’ai donc décidé de renforcer les mesures contre l’insécurité routière. Je présenterai donc jeudi, à Saint-Arnoult-en-Yvelines, un plan national de lutte contre celle-ci contenant des mesures opérationnelles concrètes qui viendront utilement compléter les dispositions contenues dans la LOPPSI et qui seront naturellement mises en œuvre dès la promulgation de cette dernière. Nous ne devons pas relâcher notre effort dans ce combat primordial et même indispensable.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la majorité a fait le choix de renforcer l’arsenal législatif afin d’être plus efficace sur le terrain. La délinquance est en perpétuelle évolution : nous devons sinon prévenir cette évolution, du moins nous y adapter au plus près, en étant constamment réactifs. Aussi, je vous le dis : ce vote nous engage, ce vote vous engage.
Le combat pour la protection de nos concitoyens doit tous nous mobiliser et, je l’espère, nous rassembler au-delà des clivages partisans. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier. (Mme Virginie Klès et M. Jacques Mézard applaudissent.)
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où nous entamons le débat général après la commission mixte paritaire et avant le vote final du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, je suis partagée entre le sentiment de satisfaction, les regrets et l’incompréhension, sans que cela me conduise jamais – monsieur le ministre, je vous rassure – à aller jusqu’à des positions excessives : satisfaction de voir affirmer quelques principes clairs pour le fonctionnement des forces de police et de gendarmerie, auxquelles vous me savez viscéralement attachée ; regrets face à certaines positions adoptées en CMP qui ont durci, inutilement me semble-t-il, le texte proposé par le Sénat ; incompréhension enfin au regard de cette propension à vouloir afficher toujours davantage une posture sécuritaire qui, dans le contexte sociétal actuel, a l’heur de plaire à certains.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l’examen en deuxième lecture de ce texte, mon ami Jacques Mézard affirmait bien justement que tous, dans cette enceinte, nous étions attachés aux valeurs fondamentales qui constituent le socle de notre République. Pourquoi alors nous faire loups et forcer notre talent au point de n’être plus jamais reconnus simplement pour ce que nous devons être et sommes pour le plus grand nombre, c'est-à-dire des femmes et des hommes d’honneur, respectueux de l’autre dans toute son intégrité, dans toute sa dignité ?
Je laisse à Jacques Mézard le soin de développer mieux que je ne le ferai les aspects de ce projet de loi qui contreviennent gravement à cette conception de l’homme que je voudrais généreuse et confiante en sa capacité de s’améliorer.
J’ai noté – et je sais que nous le devons à la détermination du président de la commission des lois et à la force de conviction de M. le rapporteur – quelques améliorations par rapport au texte issu de l’Assemblée nationale.
Je citerai pour mémoire les garanties apportées en matière de vidéoprotection – j’ai bien dit « vidéoprotection », et non plus « vidéosurveillance » – s’agissant du rôle dévolu à la CNIL, respectueux de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil d'État, ainsi que l’obligation faite à la commission nationale de la vidéoprotection de remettre au Parlement un rapport annuel qui permettra de vérifier l’efficience d’un dispositif qui, aujourd'hui, ne fait pas l’unanimité.
Je regrette en revanche la frilosité de certains parlementaires membres de la CMP qui, s’agissant du recueil de la photographie pour les documents d’identité, n’ont pas accepté d’aller jusqu’à supprimer l’obligation faite aux mairies de se transformer en photographes professionnels. Nous aurions pu faire amende honorable et reconnaître que le précédent dispositif n’était ni efficace, ni source d’équité, ni source d’économie.
Permettez-moi d’en venir à ce que nous avons tous, me semble-t-il, trop perdu de vue. Je veux parler du rapport, prévu à l’article 1er du projet de loi, sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à horizon 2013.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est en effet l’essentiel !
Mme Anne-Marie Escoffier. Son titre court et incisif – La sécurité partout et pour tous – ne vient-il pas justifier par lui-même tous les outils budgétaires, juridiques et administratifs proposés ?
Qui de nous ne verrait pas avantage à une approche globale de la politique de sécurité, à une optimisation des forces de sécurité intérieure dans le cadre du rapprochement police-gendarmerie, à la modernisation des forces en intégrant pleinement les progrès technologiques, en rénovant, enfin, le management des ressources et des modes d’organisation ?
Assurément, la police de sécurité fait l’objet d’une approche globale.
Police et gendarmerie sont complémentaires. Il est déjà loin le temps des guerres intestines entre ces deux institutions ; ce qui en reste est le fait des hommes et des femmes qui les composent et non plus des institutions elles-mêmes.
Entre police de sécurité et communes, se pose le vrai problème de l’efficacité réelle des « coproductions » de sécurité. Au-delà des mots, il y a les faits, têtus, qui s’obstinent à montrer que, au-delà du dialogue et des conventions-cadres, les forces de sécurité ne partagent ni les mêmes objectifs ni les mêmes moyens, et encore moins les mêmes compétences !
S’agissant du transfert à des personnes morales de droit privé de missions jusque-là exercées exclusivement par la police nationale ou par la gendarmerie, une extrême vigilance est de mise. Nous avons tous en tête certains « détournements », notamment dans des services privés de sécurité des aéroports, qui ont nécessité des rappels à l’ordre.
Demain, la vidéoprotection devra elle-même être protégée contre des utilisations irrégulières, abusives, voire illégales. Le texte qui nous est proposé est-il sur ce point suffisamment protecteur ? Nous nous interrogeons encore.
En ce qui concerne le rapprochement, et non pas la fusion, de la police et de la gendarmerie, les complémentarités opérationnelles sur le terrain se traduisent trop souvent par une redéfinition de la couverture territoriale, avec un redécoupage et des redéploiements fondés essentiellement sur le culte du chiffre.
Loin de moi l’idée de méconnaître l’intérêt des statistiques et des objectifs chiffrés, mais je ne peux pas non plus ignorer superbement le contexte géographique, humain, social et environnemental, tellement important dans nos zones rurales !
Avec vous, monsieur le ministre, j’ai un temps soutenu que le rapprochement entre la police et la gendarmerie ne serait jamais une fusion. C’est un principe essentiel de notre démocratie auquel je veux croire. Pourtant, il me semble percevoir des signes qui subrepticement tendraient à montrer que le statut militaire de la gendarmerie encombre plus qu’il ne sert notre République, en particulier chez les non-officiers.
Dans le long chapitre consacré à l’intégration des progrès technologiques, seule la vidéoprotection fait l’objet d’une disposition spécifique. C’est dire combien les équipements indispensables à la modernisation des forces de sécurité intérieure – tenues protectrices, véhicules, technologies nouvelles au service des victimes – sont éloignés des préoccupations sécuritaires visibles !
La dernière priorité – mais non la moindre – retenue dans l’annexe est donnée au management des ressources et au mode d’organisation.
Monsieur le ministre, comment mettre en adéquation cette priorité, qui est essentielle – chacun en conviendra –, avec la réalité ? N’avons-nous pas vécu ces derniers jours une révolte – pour vous, peut-être seulement un mouvement de mauvaise humeur – des CRS de Marseille et de Lyon, qui ont refusé de voir dissoudre leur compagnie ? Avez-vous été sensible à la détresse de leurs épouses descendues dans la rue ou à celle de ces policiers refusant d’accepter une réorganisation imposée dans des secteurs sensibles ?
Tout prouve aujourd’hui – le mouvement des magistrats, celui des personnels des forces de sécurité – que le Gouvernement ne peut continuer de se jouer de ceux qui donnent un vrai sens à notre devise républicaine.
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Anne-Marie Escoffier. Ils et elles sont respectables et doivent donc être respectés pour que vivent la liberté, l’égalité et la fraternité.
Vous aurez mesuré, monsieur le ministre, mon inquiétude face au texte que vous proposez et ne serez pas étonné que le plus grand nombre de mes collègues du RDSE – les exceptions seront très rares ! – ne le voteront pas. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 20 janvier dernier, la majorité du Sénat adoptait ce projet de LOPPSI II en deuxième lecture.
Le lendemain, vous annonciez, monsieur le ministre, le détail des chiffres annuels de la délinquance pour 2010. Je trouve que le Gouvernement impose au Parlement une méthode pour le moins paradoxale ! Avant tout vote sur ce projet de loi, il eût été plus pertinent d’en débattre à partir de l’analyse de chiffres précis, des nombreux rapports et analyses sur le bilan de votre politique et de vos multiples lois depuis 2002.
Vous justifiez l’inflation législative répressive que vous suscitez par la nécessité d’adapter toujours plus la réponse pénale et de prendre en compte les nouvelles formes de délinquance. Soit ! Mais pour quel résultat ?
Selon vous, la délinquance aurait baissé en 2010 de 2,1 % ; vos résultats seraient donc bons. Il me semble que cette appréciation mérite d’être relativisée quand, par exemple, le nombre des violences aux personnes – celles qui touchent le plus profondément nos concitoyens – ont une nouvelle fois augmenté de 2,5 %. Les femmes ont été particulièrement visées : les agressions sans arme sur la voie publique les concernant ont augmenté de 13 %.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. En réalité, le bilan de votre politique en matière de lutte contre la délinquance est peu probant. Ce n’est pas faute d’avoir, depuis 2002, fait voter par le Parlement des lois toujours plus dures !
Ce texte sera la vingt-troisième loi sécuritaire depuis la loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, dite « LOPSI I ». Je ne pense pas que lui accoler le terme de « performance » contribuera à la rendre plus efficace ! Par conséquent, à quoi bon cette nouvelle loi ?
Permettez-moi de douter, en effet, du bien-fondé d’une logique législative inflationniste dont les maîtres-mots sont « stigmatiser », « ficher », « surveiller », « punir » et « enfermer ».
Les événements horribles qui viennent d’avoir lieu nous amènent une nouvelle fois à poser cette question. Nous sommes tous affreusement choqués par le meurtre atroce de la jeune Laëtitia, par la terrible souffrance infligée à sa famille et à ses proches.
C’est cette horreur même qui rend encore plus inquiétants et inacceptables les nouveaux écarts de langage du Président de la République, oubliant tout de ses promesses de 2007 et désignant des coupables : « Ceux qui ont couvert ou laissé faire cette faute ».
Vous-même, monsieur le ministre, et votre collègue garde des sceaux, étiez déjà partis à la chasse aux lampistes ! Cette attitude est indigne du respect dû à la victime et à ses proches dans un moment où la gravité est de mise.
C’est une insulte aux personnels qu’ils soient conseillers d’insertion et de probation, qu’ils soient juges d’application des peines ou policiers.
Avec leurs organisations syndicales, avec leur hiérarchie, ils tirent depuis longtemps la sonnette d’alarme sur l’impossibilité de faire leur travail dans des conditions normales en raison de l’insuffisance évidente des effectifs.
Le Gouvernement a toujours refusé de les entendre. Et aujourd’hui, ce seraient eux les responsables ?
À qui ferez-vous croire que créer un office de suivi pour le repérage des délinquants dangereux, des cellules départementales de synthèse et de recoupement, renforcer – encore et encore – le fichage serait d’une quelconque utilité ?
Il est plus qu’urgent de regarder la réalité en face, de cesser d’affirmer que la révision générale des politiques publiques, la RGPP, est la bonne voie et qu’il faut inscrire la maîtrise des déficits publics dans la Constitution. Les dépenses publiques – ne vous en déplaise ! –, ce sont les dépenses utiles à nos concitoyens.
Il manque 1 000 conseillers d’insertion et de probation rien que pour couvrir les besoins nouveaux issus de la loi pénitentiaire, et encore plus pour assurer un suivi régulier des personnes dont ils ont la charge.
À Nantes, ils suivent en moyenne 135 dossiers, alors que les recommandations définissent un seuil de 60 dossiers maximum. Je connais, monsieur le ministre, votre goût pour les exemples étrangers : au Canada, le suivi est de 40 dossiers par agent et en Suède, il y a un agent pour 25 délinquants.
M. Roland Courteau. En effet !
Mme Éliane Assassi. À Nantes, un des quatre postes de juges d’application des peines est vacant depuis plus d’un an et chaque magistrat doit suivre plus de 1 300 mesures. C’est le lot commun de la plupart des juridictions !
Quant aux policiers, ce projet de LOPPSI II est emblématique, puisqu’à la police de proximité vous voulez substituer des techniques « modernes » – cyber-patrouilles, mouchards, vidéosurveillance… –, des policiers municipaux à la charge des collectivités locales et des personnels de surveillance privés.
Vous avez vous-même indiqué, monsieur le ministre, que le Syndicat national des entreprises de sécurité comptait recruter plus de 100 000 personnes sur les 10 prochaines années ! Un chiffre qu’il faut mettre en parallèle avec les 12 000 suppressions de postes de policiers depuis 2002.
Vous éloignez la police nationale des citoyens. Ne nous étonnons pas si des tensions ont grandi entre les uns et les autres. Partout, les commissariats voient leurs effectifs baisser. Dans le département dont je suis l’élue, au Blanc-Mesnil par exemple, les effectifs du commissariat sont passés de 140 agents en 1999 à 95 en 2010 alors que, dans le même temps, la population augmentait de 10 %. Dans la petite couronne de Paris, les missions de proximité sont remplacées par une police d’agglomération centralisée qui ne connaît pas le terrain. C’est la fin de toute politique nationale de dissuasion !
Les collectivités locales sont invitées à se doter de polices municipales, en lieu et place de policiers nationaux formés.
L’Association des petites villes de France vient de publier des résultats éloquents : ils montrent une forte corrélation entre la réduction des effectifs de sécurité de l’État et le recrutement des policiers municipaux.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Éliane Assassi. L’association dénonce un « transfert de charges insidieux de l’État vers les communes » et appelle celui-ci à ne pas se défausser d’une compétence régalienne sur les collectivités.
Allons-nous voir un jour une police supplétive de rétablissement de l’ordre intervenant en appoint des polices privées ou semi-privées, qui plus est de plus en plus lourdement armées ?
M. Roland Courteau. Il se pourrait !
Mme Éliane Assassi. Dans la même logique, vous incitez les communes à développer la vidéosurveillance. On sait pourtant que celle-ci est très coûteuse et peu efficace. Vous allez jusqu’à confier au privé le visionnage des images et lui permettre d’installer des caméras privées sur la voie publique, pratiquement sans contrôle. Vous n’hésitez pas à piétiner le droit fondamental de chacun au respect de sa vie privée, de la liberté d’aller et de venir. Les entreprises privées vont pouvoir surveiller à loisir leurs salariés comme certaines le font déjà sur le lieu de travail.
Avec ce même mépris des droits fondamentaux, vous voulez surveiller les manifestants avec des caméras. Je le dis haut et fort : c’est inacceptable !
En outre, qu’il s’agisse des polices municipales ou de la vidéosurveillance, dans tous les cas, ce seront nos concitoyens qui payeront par leurs impôts, alors qu’ils paient déjà pour la police nationale. Pendant ce temps, les sociétés privées se voient offrir des marchés porteurs – comme on dit –, et là est peut-être la « performance » dont se pare l’intitulé du projet de loi : la vidéosurveillance, la police des audiences.
Si on y ajoute la construction de tribunaux, la construction et la gestion de prisons, on peut se demander si ce n’est pas toute la chaîne pénale qui va un jour se trouver privatisée.
Le discours de Grenoble du Président de la République était clair : il fallait des coupables, les étrangers, les mineurs – y compris de moins de 13 ans –, les parents et prioritairement – bien sûr – ceux qui habitent les villes et les quartiers populaires. Le Parlement, y compris – hélas ! – notre assemblée, s’est une nouvelle fois rangé à ces injonctions.
Avec ce texte, vous punissez les enfants en prévoyant une nouvelle procédure ressemblant fort à la comparution immédiate pour les adultes, un couvre-feu, une ordonnance de placement provisoire par l’autorité administrative en lieu et place du conseil général.
Vous stigmatisez les parents avec le contrat de responsabilité parentale. Vous renforcez une nouvelle fois les sanctions pénales avec les peines planchers pour les primo-délinquants, l’extension de la surveillance judiciaire et l’allongement de la peine de sûreté pour crime aggravé à l’encontre d’un agent dépositaire de l’autorité publique.
Vous élargissez le placement sous surveillance mobile à des étrangers astreints à résidence et non à une peine privative de liberté, vous sanctionnez les ventes à la sauvette ; vous fichez encore et encore…
Alors que vous maintenez délibérément nombre de nos concitoyens dans une situation de non-droit au regard du logement, vous en faites des « délinquants » : travailleurs précaires, Roms, gens du voyage…
Vous punissez pénalement le fait d’occuper le domicile d’autrui. Manifestement, ils vous déplaisent ceux qui, comme les jeunes de Jeudi noir, occupent des immeubles inhabités de grand standing place des Vosges ou près de l’Élysée. Ils ont le tort de contribuer à révéler publiquement le scandale du mal-logement.
En revanche, on cherche en vain dans ce texte une quelconque disposition sur la prévention. Il est vrai que c’était déjà le cas pour votre loi de 2007 dite « de prévention de la délinquance », dont seul l’intitulé y faisait référence. Pourtant, le Conseil national des villes, dans une récente recommandation à son président – qui n’est autre que M. Fillon –, dresse un bilan très critique de l’actuel plan national de prévention de la délinquance. Il pointe son inadéquation aux réalités locales et l’insuffisance des financements alloués aux politiques de prévention.
Comme les précédents, ce projet de loi sera inefficace pour lutter contre l’insécurité, parce qu’il ne règle pas les questions toujours posées des moyens, de la prévention, de la dissuasion et de la répression.
Il est dangereux, car il confirme, après bien d’autres textes, la mise en place d’une surveillance généralisée des citoyens, assurée en outre pour l’essentiel par des sociétés privées, et parce qu’il fait de l’exception la norme !
Il est irrecevable, car il met en œuvre un projet de société inquiétant : celui du chacun pour soi, de la peur de l’autre, de l’étranger, du jeune, du pauvre, une société « du risque », qui justifierait un état d’exception permanent.
Il est préoccupant, car il est là pour masquer les dégâts de votre politique et vous donner les mains libres pour la poursuivre aussi loin que possible.
Vous refusez d’entendre ceux qui vous disent que la mal-vie, les régressions en matière sociale, d’éducation, d’emploi, d’habitat et de services publics constitueront toujours un terreau pour la délinquance.
Vous cultivez le désespoir ! Dans ces conditions, comment la violence que constitue la délinquance ne serait-elle pas le reflet d’une société elle-même violente ?
Nous voterons donc de nouveau contre ce projet de loi fourre-tout, qui n’a rien à voir avec ce que nos concitoyens sont en droit d’attendre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes ce soir saisis des conclusions de la commission mixte paritaire sur les dispositions de la LOPPSI restant en discussion.
La commission mixte paritaire, qui s’est réunie au Sénat le mercredi 26 janvier dernier, nous propose un texte de compromis entre les positions de la Haute Assemblée et celles qu’ont défendues nos collègues députés.
Nous l’avons vérifié tout au long de la navette parlementaire, plusieurs dispositions importantes du projet de loi ont reçu une interprétation bien différente au sein des deux assemblées.
La commission mixte paritaire était donc un exercice difficile, au cours duquel notre rapporteur, Jean Patrick Courtois, dont je tiens à saluer le travail, a bien défendu les positions du Sénat.
Parmi les sujets qui faisaient encore l’objet d’un débat entre les deux assemblées, je concentrerai mon propos sur trois d’entre eux, qui ont d’ailleurs donné lieu à des discussions plus nourries lors de la commission mixte paritaire : les peines planchers, l’augmentation des peines de sûreté et, enfin, la poursuite de mineurs directement devant le tribunal pour enfants.
Le texte que nous examinons institue des peines planchers pour les auteurs de violences aggravées, en l’absence de toute récidive, et c’est bien là la principale innovation.
Le texte adopté par le Sénat, tant en première qu’en deuxième lecture, avait limité le champ d’application de cette peine minimale aux cas les plus graves. En effet, nous n’avions retenu que les délits de violences volontaires aggravées, pour lesquels la peine encourue est égale à dix ans d’emprisonnement, et les délits commis avec la circonstance aggravante de violences, dès lors que la peine encourue est égale à dix ans. Dans ces hypothèses, la peine minimale, ou peine plancher, serait de deux ans.
En outre, le Sénat avait subordonné l’application de la peine plancher à l’existence pour la victime d’une interruption de travail de quinze jours.
Rétablissant le texte qu’elle avait voté en première lecture, l’Assemblée nationale avait retenu en deuxième lecture un barème de peines planchers qui avait vocation à s’appliquer à des infractions moins graves, au moins du point de vue du quantum de la peine. En effet, les députés souhaitaient appliquer ce mécanisme à des délits punis de trois ans d’emprisonnement.
Par rapport au texte que nous avions voté en deuxième lecture, la rédaction adoptée par la commission mixte paritaire prévoit d’introduire un nouveau seuil pour certains délits punis de plus de sept ans d’emprisonnement, pour lesquels la peine d’emprisonnement ne pourra être inférieure à dix-huit mois.
Les deux assemblées sont donc parvenues à un compromis que je trouve satisfaisant.
Malgré tout, une partie des membres du groupe de l’Union centriste est toujours aussi sceptique sur le principe même des peines planchers appliquées à des primo-délinquants. Je tenais donc à rappeler à cette tribune la position de ces collègues, qui, en conséquence, sont défavorables au deuxième seuil introduit par la commission mixte paritaire.
Le deuxième sujet que je souhaite aborder concerne l’allongement de la durée de la période de sûreté prévue pour les auteurs de meurtres commis à l’encontre de magistrats, policiers, gendarmes, gardiens de prison, ou de tout autre dépositaire de l’autorité publique.
Sur l’article en question, la commission mixte paritaire a globalement retenu la rédaction de l’Assemblée nationale. Mais elle a également repris, et je m’en félicite, une précision importante introduite par le Sénat : seuls sont visés les meurtres commis en bande organisée. Les membres du groupe de l’Union centriste étaient attachés à la préservation de cette circonstance aggravante. À travers elle, il s’agit d’insister sur la gravité particulière de l’acte qui a été commis et qui justifie, par conséquent, une peine de sûreté alourdie.
Je formulerai maintenant une remarque d’ordre terminologique, mais qui a son importance.
En deuxième lecture, le Sénat a introduit la notion de « préméditation », en plus de celle de « bande organisée ». Cette notion avait vocation à remplacer celle de « guet-apens », mais elle a dû être supprimée, car elle ne fait pas partie des circonstances aggravantes prévues par la loi pour l’assassinat ou pour le meurtre. Le texte voté par le Sénat conduisait à retenir la préméditation comme une circonstance aggravante de l’infraction d’assassinat alors qu’il s’agit de l’un de ses éléments constitutifs.
Cette imprécision avait été soulevée lorsque cette modification a été débattue dans cet hémicycle, mais elle avait été adoptée malgré tout. Il était donc indispensable que la commission mixte paritaire retienne une rédaction plus conforme à la rigueur du droit pénal.
Enfin, le troisième sujet que je souhaite aborder concerne la poursuite de mineurs directement devant le tribunal pour enfants, sans passer devant le juge des enfants.
L’Assemblée nationale a étendu le champ de cette procédure en prévoyant qu’elle peut s’appliquer dès lors que, d’une part, il n’est plus besoin de procéder à de nouvelles investigations sur les faits et, d’autre part, la justice dispose d’investigations sur la personnalité du mineur datant de moins d’un an.
Nos collègues députés voulaient donc permettre au parquet de poursuivre un mineur devant le tribunal pour enfants à condition que des investigations complémentaires sur les faits ne soient pas nécessaires et que des investigations sur la personnalité de l’intéressé aient été accomplies moins d’un an auparavant.
Le Sénat avait réduit cette durée à six mois, point de vue finalement retenu par la commission mixte paritaire, ce dont je me félicite.
Nous arrivons ce soir au terme d’un long processus législatif. Il faut rappeler que le texte important sur lequel nous allons nous prononcer était attendu : la délinquance évolue sans cesse, et il est indispensable de continuer à adapter notre arsenal législatif, d’une part, aux nouvelles formes de criminalité et, d’autre part, aux nouveaux moyens technologiques dont doivent pouvoir disposer gendarmes et policiers.
Pour ces raisons, une large majorité des membres du groupe de l’Union centriste votera en faveur des conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès.
Mme Virginie Klès. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez probablement pas étonnés, le texte que nous examinons ce soir ayant été tellement peu modifié, en première lecture, en deuxième lecture, ou au cours des travaux de la commission mixte paritaire, que ma position, tant sur le fond que sur la forme, n’ait pas non plus changé : je conserve la même passion et la même indignation.
Monsieur le ministre, avec tout le respect que je vous dois, je souhaite tout d’abord vous faire une remarque. Vous nous parlez souvent de vos succès en matière de délinquance, mais les chiffres – je ne les conteste pas en eux-mêmes –que vous nous citez concernent non pas la délinquance, mais l’activité policière. Or, il ne faut pas confondre les deux ! Afin de mesurer le taux de délinquance, il est possible de se référer, par exemple, à des enquêtes d’auto-incrimination réalisées par des sociologues. Les courbes établies par ces professionnels sont assez éloignées de l’optimisme affiché et les chiffres auxquels ils font référence sont également assez différents de ceux dont vous faites état. Je dispose d’ailleurs de l’une de ces enquêtes qui n’émane pas d’un parti politique.
Certes, ce soir, nous ne sommes pas là pour engager une nouvelle polémique sur les chiffres. Sachez cependant, je le répète monsieur le ministre, que d’autres outils de mesure sont à disposition.
Je soulignerai une fois de plus, sans concession, la surdité dont le Gouvernement fait preuve vis-à-vis des hommes et des femmes qui assurent notre sécurité, qu’ils aient ou non le droit de s’exprimer selon leur statut.
J’insisterai également sur la surdité dont le Gouvernement fait preuve à l’égard de la justice – nous avons d’ailleurs fort peu vu le garde des sceaux lors de la discussion en deuxième lecture – comme des victimes et de leur famille. Vous leur mentez quand vous tentez de leur faire croire, par des affirmations péremptoires, que ces textes dépourvus de moyens sont la seule solution permettant d’éviter toutes les récidives et de réussir les inévitables sorties de prison. Vous leur mentez aussi en soutenant que la sanction, prononcée selon vos vœux, c'est-à-dire de façon systématique, vécue en prison dans les conditions que l’on sait – on connaît les moyens affectés au milieu carcéral – sera efficace.
J’exprimerai la même indignation particulièrement eu égard au contexte actuel. Il faudrait voter ce texte de programmation alors que tous les acteurs de la sécurité sont aujourd'hui excédés, épuisés, en raison de tous les coups portés à leur institution, sous prétexte de la révision générale des politiques publiques, imposée comme une mesure comptable, à court terme, sans concertation.
Moyens humains et financiers enregistrent des coupes sombres tous les jours. Quels qu’ils soient, les professionnels sont mis à l’index individuellement et collectivement ; ils sont tous rendus coupables en lieu et place des délinquants. Leurs procédures et leurs décisions sont perpétuellement remises en cause. Leurs interventions sont en permanence jugées.
Rarement une telle unanimité aura été observée dans toute la chaîne de la sécurité, de la prévention et de la lutte contre la délinquance : acteurs sociaux, éducateurs, médiateurs de rue, les deux forces de sécurité nationale, les polices municipales, les acteurs des chaînes pénale, judiciaire, pénitentiaire sont tous d’accord.
Vous allez sans doute me reprocher le caractère caricatural de ma position. J’ai certainement « la dent dure ». Mais je suis d’abord profondément indignée !
Comment ne pas l’être face au présent texte, qui vise des hommes, des femmes, des victimes, des agresseurs, des vies, de façon binaire, à l’instar de l’informatique ? C’est oui ou non, blanc ou noir ! Une peine systématique est prévue et la sortie de prison n’est pas préparée !
Comment ne pas être indigné devant un tel fourre-tout, devant ces sur-créations de délits à tout-va, devant la transformation, au moins dans l’esprit de nos concitoyens, de tout délinquant en « dangereux » potentiel ?
Comment ne pas être indigné encore à l’idée que chaque parent qui a le malheur d’avoir un adolescent qui fait le mur soit considéré comme potentiellement irresponsable ?
Comment ne pas être indigné face à l’encombrement des tribunaux résultant d’une judiciarisation à l’extrême, d’une absence de réponses graduées et adaptées, de l’exigence systématique de peines planchers, de la personnalisation à titre exceptionnel de la sanction, bref devant l’immixtion dans le droit, dans la justice indépendante, dans les fondements de notre démocratie ?
Comment ne pas être indigné, monsieur le ministre, devant tant d’inconséquences ?
On exige des peines planchers et, en même temps, leur aménagement, sans pour autant créer les postes de conseillers d’insertion et de probation nécessaires, sans que le nombre de juges d’application des peines permettant de suivre les délinquants à leur sortie de prison et d’aménager leurs peines soit suffisant. Ce ne sont pas simplement les parlementaires de gauche qui tiennent de tels propos : tout le monde le dit, y compris des membres de votre majorité.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Virginie Klès. Comment ne pas être indigné lorsque le Président de la République, le ministre de l’intérieur désignent eux-mêmes, tour à tour, à la vindicte populaire des « caricatures » de ceux qui consacrent tous les jours leurs forces, parfois même leur vie, à la lutte contre la délinquance ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Laxisme des uns, incompétence des autres, culpabilité des juges ou des policiers, nous dit-on !
Comment également ne pas être indigné par l’absence de M. le garde des sceaux pendant tous nos travaux lors de la deuxième lecture, alors qu’un certain nombre d’articles du texte que nous examinions le concernaient ? (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.) Certaines dispositions visaient le régime qui sera appliqué demain aux mineurs délinquants. Où était le garde des sceaux ?
Comment ne pas être indigné quand, loin du devoir d’exemplarité, de constance, de fermeté paisible, de concertation, de réelle programmation, de priorités, de sincérité même, vous vous obstinez à cacher jusqu’au dernier moment les réels projets de restructuration et de réorganisation des forces de sécurité, …
M. Roland Courteau. Bien dit !
Mme Virginie Klès. … sans vous soucier du traitement paritaire, pour ne pas dire égalitaire, des efforts demandés à la police nationale ou à la gendarmerie nationale ? On ne saurait mieux encourager nos deux forces de sécurité à se sentir encore mises en concurrence, menacées l’une par l’autre, qu’en annonçant brutalement, sans concertation, mais avec des effets de girouette, des suppressions de compagnies de CRS, sur lesquelles on revient – à juste titre d’ailleurs – ou d’escadrons de gendarmerie mobile, sur lesquelles, en revanche, on ne revient pas. Silence militaire oblige, sans doute…
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
Mme Virginie Klès. Pourtant, nous en avons besoin de ces deux forces de sécurité, disposant de leur organisation et de leur hiérarchie propres, chacune adaptée à un territoire, à un mode d’action. Chacune, investie des mêmes valeurs, éprouve le même malaise.
Sait-on assez que les premiers de promotion de Saint-Cyr choisissent la gendarmerie nationale, mais que les colonels de la gendarmerie nationale quittent aujourd'hui leur corps, leur métier par anticipation, avec le regret chevillé au corps, car ils se voient sans avenir, sans carrière dans la gendarmerie nationale ?
M. Éric Doligé. Soyez raisonnable ! Ne dites pas n’importe quoi !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Laissez s’exprimer notre collègue !
Mme Virginie Klès. Sait-on assez combien de policiers regrettent le faible taux d’encadrement qu’ils peuvent assurer aux jeunes recrues, qui n’ont pas été formées et se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles lorsque se déroulent, par exemple, des manifestations encore et toujours contre les retraites ? Nous avons énormément de chance de ne pas enregistrer plus d’incidents ou d’accidents, alors que ces jeunes sont mal et peu préparés.
M. Roland Courteau. Elle a raison !
Mme Virginie Klès. Ils sont en effet en surnombre par rapport aux policiers nationaux expérimentés qui peuvent leur apprendre le métier et leur transmettre l’expérience nécessaire.
Se rappelle-t-on votre promesse, monsieur le ministre, de ne pas toucher aux forces opérationnelles dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ?
Sans doute les compagnies de CRS et les escadrons de gendarmerie mobile sont-ils des postes administratifs uniquement localisés en bureaux !
Sait-on assez que ces décisions et ces missions nouvelles dont nous venons de parler et qui seront, demain, confiées aux polices municipales, préfigurent un report de compétences, sans les moyens ni la formation ad hoc, de missions aujourd’hui confiées à la police et à la gendarmerie nationales vers les polices municipales ?
Les maires le savent, en tout cas. Ils en sont inquiets et mal à l’aise, parce que, demain, dans nos territoires ruraux, le maillage territorial et la sécurité ne seront plus assurés, du moins, elles ne le seront plus qu’en fonction des moyens financiers des communes.
Sait-on assez, pourtant, que, sur le terrain, ces hommes et ces femmes savent travailler ensemble – police nationale, police municipale et gendarmerie nationale ? Ils savent travailler ensemble en restant chacun sur son terrain et ses compétences : pour l’État, maintien de l’ordre ; pour les communes, les maires et les polices municipales, tranquillité.
Une révision générale des politiques publiques pouvait être menée intelligemment, en s’appuyant sur ces forces et ces atouts, sur ces coopérations naturellement menées sur le terrain. On pouvait trouver des sources d’économies et de mutualisation au lieu de les imposer.
Pourquoi ne tient-on jamais compte de ce qui se passe sur le terrain, où ça se passe bien, même quand on est de gauche, d’ailleurs ?
Sait-on assez que le respect des dépositaires de l’autorité publique s’entretient, notamment par l’exemple et l’exemplarité ? Bien sûr, les dépositaires de l’autorité publique doivent être exemplairement protégés mais ils doivent aussi et surtout ne pas être abusivement protégés quand, par exception, de rares individus de ces corps, par leurs exactions, risquent de jeter le discrédit sur tous leurs collègues !
Il y va de l’honneur, de la crédibilité, de la confiance et du respect que nous devons à tous les autres membres de ce corps qui respectent parfaitement leur mission et leurs compétences en tant que dépositaires de l’autorité publique.
Sait-on assez que les douaniers, qui sont des acteurs incontournables de la lutte contre l’économie souterraine, sont les grands oubliés de ce texte, et qu’il en est de même – je l’ai d’ailleurs déjà signalé – de la lutte contre la délinquance financière ou en col blanc ?
Sait-on assez combien les fabricants de caméras en sont les grands gagnants ?
Votre texte, monsieur le ministre, pose de faux problèmes et apporte de fausses solutions. Il confond les moyens et la fin, les outils et les objectifs ; il confond incivilité, bêtise et délit ; il confond surtout insécurité et sentiment d’insécurité ; il confond aussi les compétences des uns et celles des autres.
Oui, les sociologues nous disent qu’il existe des noyaux durs de délinquants qui posent de réels problèmes, mais les mesures annoncées ne résoudront rien parce qu’elles n’ont rien résolu jusqu’à maintenant ! Ce n’est pas en aggravant les peines que l’on résoudra ces problèmes-là.
Oui, les violences aux personnes augmentent, notamment les violences faites aux femmes et les violences intrafamiliales ! Mais quand je vous ai proposé de judiciariser davantage ce type de violences, la réponse a été : « Non, restons sur de la médiation ! »
Oui, il faut lutter contre la cybercriminalité et la pédopornographie, mais pas avec des mesures en trompe-l’œil ni avec des mesures chères, dont j’ose espérer qu’elles ne seront pas appliquées ! Mais, mon dieu, quel dommage ! Bel exemple encore de gâchis, bel exemple de non-explication de la conduite à adopter et de perte de temps alors que, dès aujourd’hui, on pouvait lutter efficacement contre la pédopornographie d’une façon différente de celle que vous avez proposée !
Programmation, dites-vous, mais, pour programmer, encore faut-il savoir de quoi l’on parle, de quel problème il est question, encore faut-il analyser les causes sociales de la délinquance, ses causes profondes et financières, et proposer un autre modèle d’intégration sociale et de réussite.
Je ne me suis pas contentée d’examiner la délinquance dans ma petite ville de Châteaubourg en Ille-et-Vilaine ; je suis aussi allée voir les favelas à Rio. La délinquance y est importante, c’est un problème sérieux mais un problème traité effectivement par des programmes : des interventions musclées, c’est vrai, contre les bandes, en tant que de besoin ; une lutte acharnée contre l’économie souterraine et contre le trafic de drogue et le blanchiment d’argent ; et, parallèlement, dans les mêmes endroits, des centres sociaux avec des crèches, des bibliothèques, des soutiens scolaires et parentaux, un partenariat avec les entreprises, une formation professionnelle des jeunes, qui ont un travail et qui peuvent ainsi s’identifier à un autre modèle que celui qui leur est proposé dans la favela.
C’est un programme ambitieux ! On devrait savoir et pouvoir le faire. Le savoir-faire de la France est internationalement reconnu en matière de programmes civilo-militaires.
M. Éric Doligé. Vous avez oublié les psychologues !
Mme Virginie Klès. Il en faut aussi. Peut-être même pour vous, d’ailleurs… (Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. Il l’a bien cherché !
Mme Virginie Klès. Qui peut prétendre n’avoir jamais eu besoin d’un médecin ?
M. François-Noël Buffet. Suspension de séance !
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Il y a eu insulte à collègue !
Mme Virginie Klès. Je vous invite, monsieur Doligé, à venir avec moi à Rio…
M. François-Noël Buffet. Suspension de séance !
M. le président. Je vous invite à conclure, chère collègue.
Mme Virginie Klès. Il me reste encore deux minutes, monsieur le président.
Je vous invite à venir voir de réels programmes de réinsertion sociale et de lutte contre une lourde délinquance.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les sommations y sont sommaires !
Mme Virginie Klès. Certains de ces programmes sont reconnus par l’UNESCO, monsieur le rapporteur. Ce sont ces programmes-là qui marchent parce qu’ils traitent tous les aspects de la délinquance.
Ce que l’on sait faire en France – et pas forcément à Rio –, ce sont les programmes civilo-militaires, pour lesquels nous avons une réelle compétence.
Quand on réinvestit des territoires dévastés, ce n’est pas uniquement l’arme au poing, c’est aussi en reconstruisant des écoles et des hôpitaux. Je sens bien que ça vous gêne ! Dès que l’on parle de créer du lien social, plus rien ne va. Alors, ouvrons des prisons, fermons des écoles ! Victor Hugo avait, me semble-t-il, dit l’inverse…
En tout état de cause et parce que vous tentez toujours de faire croire que la lutte contre la délinquance ne se mesure que par des chiffres sur du court terme, vous ne lutterez jamais efficacement contre la délinquance. La lutte et la prévention contre la délinquance sont une affaire de partenariat entre tous les acteurs, de l’éducation jusqu’à la sanction.
Personnellement, je n’ai pas élevé mes enfants uniquement avec des fessées ou des menaces, je les ai aussi éduqués.
Mme Catherine Troendle. Vous n’êtes pas la seule !
Mme Virginie Klès. Je les ai éduqués en posant des interdits, en appliquant des sanctions quand les interdits étaient dépassés et en expliquant. (Marques d’approbation ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est bien, ça !
Mme Virginie Klès. Manifestement, vous êtes tout aussi sourds que le Gouvernement, ce qui est regrettable quand on parle de prévention de la délinquance.
En tout cas, mes chers collègues, compte tenu de tout ce qui précède, il est bien évident que nous ne pourrons pas voter un tel texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Éric Doligé. Ce sera moins agressif !
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici arrivés au terme de cette longue année de débats pour la sécurité de nos concitoyens et de notre pays.
Quels moyens souhaitons-nous nous donner pour que les années à venir soient efficientes en matière de sécurité publique et privée ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Mettre tout le monde en prison ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Catherine Troendle. Tel est bien le cœur de ce texte que le groupe UMP – et ce n’est une surprise pour personne – soutient avec conviction.
Alors que nous sommes confrontés quotidiennement à une évolution constante d’une délinquance multiforme, il était nécessaire que nous envisagions de revoir les cadres d’action traditionnels des forces de l’ordre auxquelles nous devons notre tranquillité quotidienne.
Toute action est, certes, perfectible. Il n’empêche que, sans programmation claire, il devenait complexe de nous adapter aux besoins de nos concitoyens, des élus et des territoires qui subissent encore trop souvent la folie délinquante d’un petit nombre.
Légiférer est une chose, faire respecter la loi en est une autre, surtout dans des zones où les forces de l’ordre sont constamment en alerte, sous tension permanente.
C’est pourquoi nous sommes satisfaits des moyens d’action offerts par ce texte dit « de programmation et de performance ». Je souhaiterais, à cet égard, m’arrêter un instant sur cette notion de performance.
C’est, entre autres, l’un des axes majeurs de cette LOPPSI, qui recourt, de manière accrue, aux nouvelles technologies afin de lutter contre la délinquance et d’améliorer l’efficacité des dispositifs de sécurité.
Les nouvelles technologies offrent des possibilités inédites à la police et à la gendarmerie, de la captation de données à la surveillance. Néanmoins, ce développement moderne peut très rapidement devenir source de nouveaux conflits. Il s’agit, alors, pour les forces de l’ordre, d’investir ces nouveaux champs, souvent virtuels.
Le groupe UMP se satisfait pleinement des dispositifs très équilibrés mis en place par notre rapporteur, que je tiens, en cet instant, à saluer pour l’admirable travail qu’il a effectué sur ces sujets si passionnants.
Permettez-moi également de remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, de son travail minutieux de convergence de points de vue, si complexe parfois à trouver !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ça n’a pas été facile !
Mme Catherine Troendle. Au sujet du volet « nouvelles technologies » abordé dans ce texte, nous nous réjouissons que l’utilisation de la vidéosurveillance soit facilitée et étendue pour lutter contre la délinquance sur la voie publique, notamment dans les lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol.
Et surtout, nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait retenu la position du Sénat, quant à l’introduction de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, que préside notre collègue Alex Türk, dans le dispositif de la vidéoprotection. En effet, son expérience en matière de contrôle la qualifie en ce domaine.
L’autorisation pour installer les systèmes sera, comme actuellement, donnée par le préfet et le contrôle sera confié aux commissions départementales de la vidéosurveillance ainsi qu’à la CNIL. L’évaluation technique globale de la vidéosurveillance sera dévolue, quant à elle, à la Commission nationale de la vidéoprotection, la CNV.
Un dernier point me semble important à soulever, celui d’une meilleure lutte contre la pédopornographie. Les sites concernés seront ainsi bloqués. Ce sujet, qui touche de trop nombreux enfants aujourd’hui, doit être un perpétuel combat contre l’infamie d’adultes criminels.
J’en viens maintenant à évoquer, devant vous, notre satisfaction concernant l’équilibre trouvé à la suite des orientations données par le Président de la République, dans le discours de Grenoble, le 30 juillet 2010.
Nous sommes ainsi arrivés à un accord, avec l’Assemblée nationale, à propos de l’extension des peines planchers, qui sont des peines minimales que le juge doit prononcer dans certains cas.
Ces peines pourront désormais être prononcées à l’encontre de certains primo-délinquants auteurs de violences, alors que la loi les réservait auparavant aux récidivistes.
Toutefois, nous avons tenu à préciser cette disposition, pour des raisons de conformité à la Constitution, et à l’appliquer à des violences punies de plus de sept ans d’emprisonnement.
De même, s’agissant de l’allongement de la peine de sûreté pour les auteurs de meurtre ou d’assassinat contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, telles que des policiers ou des magistrats, nous avons souhaité préciser qu’il vaut pour les meurtres commis en bande organisée.
Cet arsenal pénal est mis en place pour mettre fin au sentiment d’impunité et mieux encadrer les délinquants les plus dangereux. En effet, nous avons à cœur, à la commission des lois, d’adopter une attitude pragmatique, avec l’objectif unique de garantir l’efficacité des moyens mis en œuvre dans le respect des libertés individuelles et des principes de notre droit.
Enfin, j’aborderai la partie centrale de ce texte, qui concerne l’ensemble de nos concitoyens, celle qui vise à mieux garantir le droit à la sécurité quotidienne.
Il s’agit, par exemple, de l’aggravation des peines encourues pour les vols commis à l’encontre des personnes vulnérables et les cambriolages, pour lesquels notre rapporteur a souhaité la création d’un fonds dédié alimenté par les assureurs, lorsque, grâce à l’action de la police ou de la gendarmerie, ils récupèrent une partie des indemnisations qu’ils ont versées.
Il s’agit également de mieux assurer la libération des logements occupés par les squatteurs, comme nous l’a proposé notre collègue Christian Demuynck.
Il s’agit aussi de la sécurité routière, pour laquelle nous avons tenu, conjointement avec nos collègues députés…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas tout à fait !
Mme Catherine Troendle. … à maintenir le cap défini depuis de nombreuses années, afin d’éviter que la route ne continue à tuer. Nous avons souhaité durcir la répression des délits les plus graves, en particulier ceux qui sont liés à l’alcool ou aux stupéfiants. En même temps, nous avons assoupli les conditions de récupération des points du permis pour les personnes qui les ont perdus à la suite de petites infractions, en deux ans au lieu de trois.
Il s’agit encore de protéger nos enfants de l’influence de la rue, à un âge où ils ne devraient, en aucun cas, s’y trouver sans être accompagnés. Nous permettons désormais aux préfets, comme les maires en ont déjà la possibilité aujourd’hui, de prononcer un couvre-feu à l’encontre des mineurs de treize ans. Nous avons tenu à instituer un couvre-feu individuel qui sera prononcé par un juge, et non par le préfet, puisqu’il s’agit alors d’une sanction qui vise un mineur en particulier.
Dans tous ces cas, notre devoir à tous était donc de renforcer la lutte contre la criminalité, en rendant nos méthodes plus efficientes. En effet, il n’y a pas de grande et de petite délinquance.
C’est pourquoi je tiens à redire tout notre soutien envers la politique menée par le Gouvernement pour faire face, avec fermeté et en dehors de toute polémique, à une multitude de réalités de terrain.
Je ne suis pas de celles et de ceux qui opposent sécurité et liberté, ni même prévention et répression.
C’est pourquoi nous adhérons aux dispositions du texte que vous nous avez proposé, monsieur le ministre, en tenant compte des apports conjoints du Sénat et de l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, nous le savons tous, est un espace de concertation et de recherche de compromis entre les deux chambres, afin d’essayer d’améliorer les textes. Cette définition est certainement souvent exacte, mais est-il réellement possible de transiger sur les principes et sur ce qui fait le fond de l’action politique ?
On ne devient pas à moitié pour la généralisation des peines planchers ou à moitié pour la période de sûreté : on est pour ou on est contre.
Certes, nous visons un objectif commun, à savoir la protection de nos concitoyens, mais nous divergeons sur les méthodes. Pour notre part, nous ne refusons pas la fermeté, car elle est souvent nécessaire. Toutefois, elle doit être comprise et juste.
Nous avons rappelé souvent, ces derniers mois ou ces dernières années, que l’empilement des lois sécuritaires était générateur d’insécurité juridique et qu’on ne réglait réellement aucun problème de sécurité sur le terrain avec des textes souvent inutiles, parfois redondants, en grande partie inefficaces et séparés du quotidien des palais de justice par un fossé de plus en plus large.
Les statistiques, quant à elles, sont à utiliser avec précaution. À ce propos – je le note après Anne-Marie Escoffier –, dans l’annexe du texte adopté par la commission mixte paritaire, à la page 44 du document qui nous a été transmis, on se glorifie que le nombre de personnes placées en garde à vue ait progressé entre 2002 et 2008 de 51,52 % ! C’est assez révélateur de ce qui se passe aujourd'hui dans notre pays, me semble-t-il.
Répondre à chaque fait divers horrible par un texte législatif, à des fins essentiellement médiatiques, est aux antipodes de ce que doit être l’élaboration de la loi, l’effort de codification et de clarté pour les citoyens et, a fortiori, pour les professionnels.
Le 18 janvier dernier, lors du débat en deuxième lecture, j’avais déclaré : « Chers collègues de la majorité, vous jouez, et avec quelles conséquences redoutables, aux apprentis sorciers ».
En fait, depuis des années, vous jouez avec le feu en utilisant, avec les medias, l’émotion légitime et la souffrance des familles de victimes comme un combustible permettant de tenir toujours allumées les braises tant des discours sécuritaires que du thème de la rupture à l’intérieur de notre société.
M. Roland Courteau. Bien vu !
M. Jacques Mézard. Mes propos du 18 janvier dernier ne relevaient pas de la divination, mais d’un simple constat. Je vous disais : « Ce n’est pas la réduction des effectifs de police et de gendarmerie qui constitue la bonne méthode », et je rappelais que la remise en cause de la police de proximité fut une erreur.
Depuis lors, tant les CRS que les gendarmes mobiles ont dû faire entendre leur voix dans des conditions qui en disent long sur la fragilité actuelle de l’édifice républicain.
Depuis lors, à la suite du terrible fait divers de Pornic et des déclarations des plus hautes autorités de l’État, c’est un vent de colère et de fronde qui souffle entre les colonnes de nos palais de justice, emportant avec lui même des syndicats de police.
En réaction, monsieur le ministre, vous avez publié le 31 janvier dernier, avec le garde des sceaux, un communiqué au travers duquel vous proposez sept mesures opérationnelles. Néanmoins, pourquoi avez-vous attendu ce nouveau drame, et quelles mesures suivront le prochain ?
Combien de fois dans cet hémicycle avons-nous averti du danger découlant de la méfiance à l’égard de la magistrature qui sous-tend nombre de textes ? Cette dernière est accusée de lenteur, de laxisme... De la rétention de sûreté aux peines plancher, en passant par le projet de suppression du juge d’instruction et par celui de création de jurés populaires en correctionnelle, tout un panel de mesures est révélateur de cette méfiance.
Le texte de la LOPPSI est significatif au plus haut point de cette démarche, dont on constate aujourd’hui les effets malheureux.
Bien sûr, dans ce projet de loi, il est des dispositions qui nous semblent utiles et positives. Toutefois, on ne règle pas les problèmes de sécurité et de justice par une accumulation sans fin de textes disparates, mais en donnant à la justice et aux forces de sécurité les moyens matériels et humains d’effectuer leur mission.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Mézard. Or tel n’est pas le cas, et cette responsabilité, reconnaissons-le, est partagée par nombre de gouvernements, de sensibilités politiques diverses.
M. Brice Hortefeux, ministre. Très bien ! Pourquoi ne criez-vous pas « très bien ! », monsieur Courteau ? (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Mézard. Quand le garde des sceaux annonce le 2 février dernier, à juste titre d'ailleurs, un plan national d’exécution des peines, après avoir relevé que 100 000 de ces dernières n’étaient pas réalisées, pensez-vous sérieusement, mes chers collègues, que les conclusions de la commission mixte paritaire sur lesquelles nous délibérons auront un quelconque effet ?
Quel sera l’impact de l’application des peines planchers aux primo-délinquants prévue par l’article 23 bis ? Au-delà de son principe, qui est contestable, le seul effet concret de cette mesure sera de donner plus de travail aux magistrats, qui seront obligés de motiver davantage leurs jugements. Est-ce cela qui accélérera le cours de la justice ?
Nous entendons les cris des victimes, mais vous, êtes-vous sourds à ceux des magistrats, des greffiers et des auxiliaires de justice, sans lesquels les droits des victimes ne peuvent être respectés ?
Pensez-vous vraiment que l’allongement des peines de sûreté pour les meurtriers en bande organisée de personnes dépositaires de l’autorité publique aura un effet quelconque sur le nombre de ces crimes ? Monsieur le ministre, vous connaissez comme nous la réponse à ces questions.
Aussi, très majoritairement, les membres de mon groupe ne voteront pas ce texte qui, comme d’autres, n’est pas de nature à rendre à nos concitoyens ce qui est essentiel en la matière, c’est-à-dire la confiance dans ces institutions cardinales pour la République que sont la sécurité et la justice. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Françoise Laborde. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à souligner que, au moment même où nous sommes réunis, se tient à la Bourse du travail, et cela depuis dix-neuf heures, le Forum des libertés contre la LOPPSI 2.
Ce Forum réunit, autour d’orateurs issus de la société civile et politique, tous ceux qui s’indignent et s’insurgent contre ce projet de loi liberticide et tentent de le combattre depuis qu’il a été déposé. (M. Éric Doligé s’esclaffe.)
L’évocation de la société civile vous fait peut-être sourire, chers collègues de la majorité, mais le jour où, comme en Tunisie ou ailleurs, celle-ci se réveillera, vous risquez d’avoir des surprises.
M. Éric Doligé. Vous prônez la révolution, madame ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je vous laisse y réfléchir !
Je le rappelle, bien des rassemblements et manifestations ont déjà eu lieu afin de contester la LOPPSI et le recul des libertés individuelles qu’elle aspire à ancrer dans le marbre. Nombreux sont les citoyens qui s’insurgent contre ce projet sécuritaire, répressif et inégalitaire, des manifestations dans toute la France étant d’ailleurs de nouveau prévues samedi prochain.
Ne vous en déplaise, monsieur le ministre, je serai évidemment de celles et de ceux qui se réuniront à Paris samedi prochain pour protester contre ce texte, le combat devant se dérouler à la fois dans la rue et dans l’hémicycle !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous pouvez toujours mépriser les citoyens, mais ils vous répondront…
Quant au Forum des libertés contre la LOPPSI 2 auquel je faisais référence, et qui se tient donc ce soir, il s’est ouvert sur un exposé effectué par des membres du syndicat de la magistrature sur les principales dispositions du texte.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, monsieur le ministre, les magistrats français sont opposés à la LOPPSI, tout comme ils sont hostiles au projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité dont nous avons discuté cet après-midi et dont nous reprendrons l’examen tout à l'heure. C’est le cas, en particulier, des magistrats administratifs, qui ont alerté les parlementaires sur leurs craintes. Vous vous souvenez sans doute, monsieur le rapporteur, que, lors des auditions réalisées par la commission des lois, ces craintes avaient été exprimées.
Les magistrats français, qui ont été montrés du doigt et stigmatisés par le Président de la République et les membres du Gouvernement, interviennent donc, en ce moment même, contre ce projet de loi.
À ce sujet, je tiens à apporter tout mon soutien aux magistrats, mais aussi à tous les professionnels de la justice qui sont victimes des attaques répétées, de la suspicion et de la défiance. Au-delà des magistrats, je pense à l’ensemble des fonctionnaires de la direction de l’administration pénitentiaire, des services judiciaires et de la protection judiciaire de la jeunesse. Ceux-ci s’associent d’ailleurs à l’appel lancé à l’action du 10 février prochain, qui invite les différents agents à se rassembler.
J’en reviens à votre administration, monsieur le ministre, ainsi qu’à la LOPPSI, pour indiquer que je soutiens bien évidemment les forces de police, qui ont également été victimes des propos déplacés et suspicieux du Président de la République.
Comment, à l’occasion de la tragique affaire de Pornic, la majorité peut-elle à ce point se défausser de ses responsabilités et accuser les fonctionnaires de dysfonctionnements, au lieu d’assumer sa part de responsabilité ?
Les fonctionnaires du ministère de la justice et de l’intérieur sont ainsi désavoués, alors même que la LOPPSI leur imposera de nouvelles contraintes et une charge de travail supplémentaire, pour un effectif toujours en recul.
En effet, comme le dénoncent leurs syndicats, aucun nouveau moyen ne leur sera accordé, face à un nombre croissant de dossiers à gérer. Nos fonctionnaires méritent une bien meilleure considération et des moyens humains et matériels importants. Leur colère et leur méfiance sont grandes, et il y a de quoi !
Par ailleurs, dans un communiqué diffusé aujourd’hui même, le syndicat de la magistrature affirme qu’il sait « de façon certaine qu’au niveau local des pressions s’exercent sur les policiers qui se joignent à la protestation » – ces policiers qui ont déjà tant de travail et à qui la LOPPSI imposera de faire respecter des mesures liberticides et attentatoires à nos droits fondamentaux.
Je regrette évidemment, monsieur le ministre, que les députés aient voté tout à l’heure le texte de compromis issu de la commission mixte paritaire, qui traduit dans la loi une partie des mesures sécuritaires du discours de Grenoble du Président de la République et qui est purement d’opportunité. En effet, il a suscité une réelle rébellion, dans la rue mais aussi au Sénat.
Vous avez salué tout à l’heure à l’Assemblée nationale le vote de cette LOPPSI, la qualifiant de « boîte à outil à la disposition de la protection et de la sécurité de nos citoyens ».
Or vous savez pertinemment qu’il n’en est rien. En effet, la LOPPSI 2 ne protégera nullement nos citoyens. Elle les stigmatisera, en particulier les plus précaires d’entre eux ; elle les fichera, nous surveillera, nous contrôlera ! Elle créera des peurs et des méfiances. Elle dressera les pauvres les uns contre les autres et criminalisera les plus précaires.
Le Gouvernement met en avant la montée de la délinquance pour susciter des craintes et ainsi justifier des mesures liberticides disproportionnées, au lieu d’admettre son incapacité à lutter de façon efficace contre ce phénomène.
En effet, le Président de la République et le Gouvernement n’ont eu de cesse de surfer sur la vague de la peur pour justifier des atteintes graves à nos libertés, au lieu de remettre en cause leur gestion de la situation et leur politique répressive inefficace.
M. Roland Courteau. Eh oui !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme j’ai déjà pu le souligner, ce texte développe une doctrine : celle qui privilégie les réponses pénales spectaculaires et qui criminalise, au détriment des solutions réfléchies et mesurées en faveur de la prévention.
En effet, nous assistons à un durcissement inapproprié du droit pénal et des pouvoirs policiers, qui bafouent les principes de l’état de droit et se dispensent du respect des libertés fondamentales.
Monsieur le ministre, vous évoquez une « boîte à outils » ; permettez-moi de préférer l’expression de « fourre-tout législatif », ce projet de loi exclusivement répressif portant gravement atteinte à nos garanties judiciaires et aggravant l’injustice sociale.
Surtout, de nombreuses mesures prévues par ce texte sont manifestement inconstitutionnelles. Je donnerai ici deux exemples significatifs : les peines planchers à l’égard des non-récidivistes ; les mesures pénales à l’encontre des mineurs, qui ne sont pas respectueuses des droits de l’enfant et se trouvent en contradiction avec la Convention internationale des droits de l’enfant que nous avons signée.
J’espère que le Conseil constitutionnel saura sanctionner les dispositions de cette LOPPSI qui sont contraires à la Constitution, tout comme elles sont opposées à nos valeurs républicaines.
Par ailleurs, je continue à rejeter avec force et vigueur la quasi-totalité des mesures qui seront mises en place au travers de ce projet de loi : les fichages, les expulsions de logements, les abris précaires, l’aggravation des sanctions et des peines planchers, qui a déjà été citée, la création de milices supplétives ou la généralisation de la vidéosurveillance et de l’espionnage de l’espace public.
Sur ce dernier point, je souligne tout de même ma satisfaction quant à l’adoption de mon amendement relatif à « la remise d’un rapport au Parlement par la Commission nationale de la vidéoprotection », et donc l’insertion dans la LOPPSI de l’article 17 bis AA. Maigre satisfaction, il est vrai, face au principe même de la vidéosurveillance que je conteste, d’autant plus quand la surveillance de l’espace public est déléguée à des entreprises privées !
Vous soldez, en effet, nos libertés individuelles, en autorisant des personnes morales privées à installer des caméras aux abords de leurs établissements, en permettant l’exploitation des images de vidéosurveillance publique par des sociétés privées et en permettant le visionnage des faits et gestes de nos citoyens dans les parties communes des immeubles.
Vous privatisez la sécurité et déléguez les compétences de l’État à des tiers, faisant ainsi l’aveu de votre incapacité à gérer les problématiques sécuritaires françaises.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Alima Boumediene-Thiery. D’une façon générale, vous optez pour un désengagement de l’État en matière de sécurité au profit d’opérateurs privés, donc du « business » de la sécurité, ce qui est indigne de notre République et de notre État de droit.
Je réaffirme donc le fait que nous devons redéfinir les contours d’une politique de sécurité humaine, digne, pragmatique et équilibrée, ne niant pas les individus et reposant également sur la prévention, la dissuasion, la réinsertion, et non pas uniquement sur la sanction ! Mais vous lui préférez, une fois de plus, la répression des populations les plus affaiblies.
En effet, vous vous en prenez aux familles les plus fragilisées et aux jeunes en difficulté, en stigmatisant leurs parents et en sanctionnant à tout va, au lieu de leur donner les moyens d’affronter leurs difficultés sociales et de les aider à faire face à leurs problèmes.
Vous parsemez cette LOPPSI de mesures répressives à l’encontre des étrangers en attente de leur admission au séjour, ce qui entretient l’amalgame entre délinquance et immigration !
Vous prônez l’expulsion de tous les occupants d’habitats atypiques – cabane, caravane, yourte, mobile home, maison autoconstruite, camion aménagé, campement – sur des terrains publics ou privés, et la destruction de leur habitat, au lieu de faire en sorte que soit appliquée la loi de réquisition des logements vides ou qu’un nombre raisonnable de logements sociaux soient construits !
Ce projet de LOPPSI, qui s’attaque à tous les domaines de nos libertés et dont le seul but est de créer des peurs, aux travers de mesures illisibles et de nouvelles incriminations dangereuses, inutiles et inapplicables, fait de la surenchère sécuritaire et entretient un affichage purement médiatique !
Pis, j’ai la mauvaise impression qu’avec ce projet de loi, vous tentez de ramener à vous un certain électorat... Alors, vous « jouez avec le feu » ; mais attention, demain, vous pourriez aussi vous brûler !
Je m’oppose donc à ce projet. Évidemment, les sénateurs écologistes ne voteront pas ce texte qui, pour nous, est une atteinte à la garantie de nos droits fondamentaux et à nos libertés ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte, en ne retenant que les amendements ayant reçu l’accord du Gouvernement.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure
CHAPITRE IER
Objectifs et moyens de la politique de sécurité intérieure
Article 1er
Le rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à horizon 2013 est approuvé.
Article 1er bis
(Supprimé)
CHAPITRE II
Lutte contre la cybercriminalité
Article 2
Après l’article 226-4 du code pénal, il est inséré un article 226-4-1 ainsi rédigé :
« Art. 226-4-1. – Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne. »
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CHAPITRE III
Utilisation des nouvelles technologies
Section 1
Identification d’une personne par ses empreintes génétiques
Article 5
I. – L'article 16-11 du code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« L'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que :
« 1° Dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire ;
« 2° À des fins médicales ou de recherche scientifique ;
« 3° Aux fins d'établir, lorsqu'elle est inconnue, l'identité de personnes décédées. » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la recherche d'identité mentionnée au 3° concerne soit un militaire décédé à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées, soit une victime de catastrophe naturelle, soit une personne faisant l'objet de recherches au titre de l'article 26 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité et dont la mort est supposée, des prélèvements destinés à recueillir les traces biologiques de cette personne peuvent être réalisés dans des lieux qu'elle est susceptible d'avoir habituellement fréquentés, avec l'accord du responsable des lieux ou, en cas de refus de celui-ci ou d'impossibilité de recueillir cet accord, avec l'autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance. Des prélèvements aux mêmes fins sur les ascendants, descendants ou collatéraux supposés de cette personne peuvent être également réalisés. Le consentement exprès de chaque personne concernée est alors recueilli par écrit préalablement à la réalisation du prélèvement, après que celle-ci a été dûment informée de la nature de ce prélèvement, de sa finalité ainsi que du caractère à tout moment révocable de son consentement. Le consentement mentionne la finalité du prélèvement et de l'identification.
« Les modalités de mise en œuvre des recherches d'identification mentionnées au 3° du présent article sont précisées par décret en Conseil d'État. »
II. – Le deuxième alinéa de l’article 87 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’officier d’état civil informe sans délai le procureur de la République du décès, afin qu’il puisse prendre les réquisitions nécessaires aux fins d’établir l’identité du défunt. »
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Section 2
Fichiers de police judiciaire
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Section 3
Recueil des images numérisées pour l’établissement des titres sécurisés
Article 12 A
Le II de l’article 104 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 est ainsi rédigé :
« II. – La mission confiée au maire de réception et de saisie des demandes de passeport ne comporte le recueil de la photographie du visage du demandeur que pour les communes équipées à cette fin à la date du 1er janvier 2011 et pour une période définie par décret.
« Sans préjudice de l’alinéa précédent, les photographies destinées à la réalisation des passeports, cartes nationales d’identité et autres titres sécurisés sont, à compter de la promulgation de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, réalisées par un professionnel de la photographie dans des conditions fixées par voie réglementaire. »
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Section 4
Vidéoprotection
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Article 17
L’article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d’orientation et de programmation relative à la sécurité est ainsi modifié :
1° Les deux premiers alinéas du II sont remplacés par onze alinéas ainsi rédigés :
« La transmission et l’enregistrement d’images prises sur la voie publique par le moyen de la vidéoprotection peuvent être mis en œuvre par les autorités publiques compétentes aux fins d’assurer :
« 1° La protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords ;
« 2° La sauvegarde des installations utiles à la défense nationale ;
« 3° La régulation des flux de transport ;
« 4° La constatation des infractions aux règles de la circulation ;
« 5° La prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression, de vol ou de trafic de stupéfiants, ainsi que la prévention, dans des zones particulièrement exposées à ces infractions, des fraudes douanières prévues par le second alinéa de l’article 414 du code des douanes et des délits prévus à l’article 415 du même code portant sur des fonds provenant de ces mêmes infractions ;
« 6° La prévention d’actes de terrorisme ;
« 7° La prévention des risques naturels ou technologiques ;
« 8° Le secours aux personnes et la défense contre l’incendie ;
« 9° La sécurité des installations accueillant du public dans les parcs d’attraction.
« Après information du maire de la commune concernée, les autres personnes morales peuvent mettre en œuvre sur la voie publique un système de vidéoprotection aux fins d’assurer la protection des abords de leurs bâtiments et installations, dans les lieux susceptibles d’être exposés à des actes de terrorisme ou particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol. » ;
2° Le III est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsque le système comporte des caméras installées sur le territoire de plusieurs départements, l’autorisation est délivrée par le représentant de l’État dans le département dans lequel est situé le siège social du demandeur et, lorsque ce siège est situé à Paris, par le préfet de police, après avis de la commission départementale de vidéoprotection compétente. Les représentants de l’État dans les départements dans lesquels des caméras sont installées en sont informés. » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « images », sont insérés les mots : « et enregistrements » et il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Le visionnage des images peut être assuré par les agents de l’autorité publique ou les salariés de la personne morale titulaire de l’autorisation ou par ceux des opérateurs publics ou privés agissant pour leur compte en vertu d’une convention. » ;
c) Après le même alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’une autorité publique ou une personne morale n’exploite pas elle-même son système de vidéoprotection de voie publique, la convention qu’elle passe avec un opérateur public ou privé est agréée par le représentant de l’État dans le département et, à Paris, par le préfet de police, après information du maire de la commune concernée, et conforme à une convention-type fixée par voie réglementaire après avis de la commission nationale prévue à l’article 10-2. Par ailleurs, les salariés de l’opérateur privé chargés de l’exploitation du système sont soumis aux dispositions du titre Ier de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, à l’exception de ses articles 3 à 3-2 et 10, et sont tenus au secret professionnel.
« Lorsqu’une autorité publique n’exploite pas elle-même le système, les salariés de la personne privée qui y procèdent sous son contrôle et pour son compte ne peuvent pas avoir accès aux enregistrements des images prises sur la voie publique. » ;
d) Aux première et troisième phrases du troisième alinéa, après le mot : « nationales », sont insérés les mots : « ainsi que des douanes et des services d’incendie et de secours » ;
e) Au quatrième alinéa, après les mots : « arrêté ministériel », sont insérés les mots : « après avis de la Commission nationale de la vidéoprotection » ;
f) Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls sont autorisés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés en application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée les systèmes, installés sur la voie publique ou dans des lieux ouverts au public dont les enregistrements sont utilisés dans des traitements automatisés ou contenus dans des fichiers structurés selon des critères permettant d’identifier, directement ou indirectement, des personnes physiques. » ;
g) L’avant-dernier alinéa est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :
« La commission départementale prévue au premier alinéa du présent III peut à tout moment exercer, sauf en matière de défense nationale, un contrôle sur les conditions de fonctionnement des systèmes de vidéoprotection répondant aux conditions fixées au II. Elle émet, le cas échéant, des recommandations et propose la suspension ou la suppression des dispositifs non autorisés, non conformes à leur autorisation ou dont il est fait un usage anormal. Elle informe le maire de la commune concernée de cette proposition.
« La Commission nationale de l’informatique et des libertés peut, sur demande de la commission départementale prévue au premier alinéa du présent III, du responsable d’un système ou de sa propre initiative, exercer un contrôle visant à s’assurer que le système est utilisé conformément à son autorisation et, selon le régime juridique dont le système relève, aux dispositions de la présente loi ou à celles de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée. Lorsque la Commission nationale de l’informatique et des libertés constate un manquement aux dispositions de la présente loi, elle peut, après avoir mis en demeure la personne responsable du système de se mettre en conformité dans un délai qu’elle fixe, demander au représentant de l’État dans le département et, à Paris, au préfet de police, d’ordonner la suspension ou la suppression du système de vidéoprotection. Elle informe le maire de la commune concernée de cette demande.
« Les membres de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, les agents de ses services habilités dans les conditions définies au dernier alinéa de l’article 19 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée ainsi que les membres des commissions départementales de vidéoprotection ont accès de six heures à vingt et une heures, pour l’exercice de leurs missions, aux lieux, locaux, enceintes, installations ou établissements servant à la mise en œuvre d’un système de vidéoprotection, à l’exclusion des parties de ceux-ci affectées au domicile privé. Le procureur de la République territorialement compétent en est préalablement informé.
« Le responsable des locaux professionnels privés est informé de son droit d'opposition à la visite. Lorsqu'il exerce ce droit, la visite ne peut se dérouler qu'après l'autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter qui statue dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Toutefois, lorsque l'urgence, la gravité des faits à l'origine du contrôle ou le risque de destruction ou de dissimulation de documents le justifie, la visite peut avoir lieu sans que le responsable des locaux en ait été informé, sur autorisation préalable du juge des libertés et de la détention. Dans ce cas, le responsable des lieux ne peut s'opposer à la visite.
« La visite s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l'a autorisée, en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant qui peut se faire assister d'un conseil de son choix ou, à défaut, en présence de deux témoins qui ne sont pas placés sous l'autorité des personnes chargées de procéder au contrôle.
« L'ordonnance ayant autorisé la visite est exécutoire au seul vu de la minute. Elle mentionne que le juge ayant autorisé la visite peut être saisi à tout moment d'une demande de suspension ou d'arrêt de cette visite. Elle indique le délai et la voie de recours. Elle peut faire l'objet, suivant les règles prévues par le code de procédure civile, d'un appel devant le premier président de la cour d'appel. Celui-ci connaît également des recours contre le déroulement des opérations de visite. »
« Les personnes mentionnées au onzième alinéa du présent III peuvent demander communication de tous documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission, quel qu’en soit le support, et en prendre copie ; elles peuvent recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement et toute justification utiles ; elles peuvent accéder aux programmes informatiques et aux données, ainsi qu’en demander la transcription par tout traitement approprié dans des documents directement utilisables pour les besoins du contrôle.
« Elles peuvent, à la demande du président de la commission, être assistées par des experts désignés par l’autorité dont ceux-ci dépendent.
« Il est dressé contradictoirement procès-verbal des vérifications et visites menées en application du présent article.
« À la demande de la commission départementale prévue au premier alinéa du présent III, de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ou de sa propre initiative, le représentant de l’État dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent fermer pour une durée de trois mois, après mise en demeure non suivie d’effets dans le délai qu’elle fixe, un établissement ouvert au public dans lequel est maintenu un système de vidéoprotection sans autorisation. Lorsque, à l’issue du délai de trois mois, l’établissement n’a pas sollicité la régularisation de son système, l’autorité administrative peut lui enjoindre de démonter ledit système. S’il n’est pas donné suite à cette injonction, une nouvelle mesure de fermeture de trois mois peut être prononcée. » ;
h) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les autorisations mentionnées au présent III et délivrées avant le 1er janvier 2000 expirent le 24 janvier 2012. Celles délivrées entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2002 expirent le 24 janvier 2013. Celles délivrées entre le 1er janvier 2003 et le 24 janvier 2006 expirent le 24 janvier 2014. » ;
3° Le III bis est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La même faculté est ouverte au représentant de l’État dans le département ou, à Paris, au préfet de police, informé de la tenue imminente d’une manifestation ou d’un rassemblement de grande ampleur présentant des risques particuliers d’atteinte à la sécurité des personnes et des biens. L’autorisation d’installation du dispositif cesse d’être valable dès que la manifestation ou le rassemblement a pris fin. » ;
b) Au début du second alinéa, sont ajoutés les mots : « Sauf dans les cas où les manifestations ou rassemblements de grande ampleur mentionnés au deuxième alinéa ont déjà pris fin, » ;
4° Le IV est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorisation peut prévoir un délai minimal de conservation des enregistrements. » ;
5° Le deuxième alinéa du V est ainsi rédigé :
« Toute personne intéressée peut saisir la commission départementale mentionnée au III ou la Commission nationale de l’informatique et des libertés de toute difficulté tenant au fonctionnement d’un système de vidéoprotection. » ;
6° Au VI, après les mots : « commission départementale », sont insérés les mots : « ou de la Commission nationale de l’informatique et des libertés » ;
7° Au VI bis, après le mot : « libertés », sont insérés les mots : « et à la Commission nationale de la vidéoprotection » ;
8° À la première phrase du VII, après les mots : « décret en Conseil d’État », sont insérés les mots : «, après avis de la Commission nationale de la vidéoprotection, ».
Article 17 bis AA
La Commission nationale de la vidéoprotection remet chaque année au Parlement un rapport public rendant compte de son activité de conseil et d’évaluation de l’efficacité de la vidéoprotection et comprenant les recommandations destinées au ministre de l’intérieur en ce qui concerne les caractéristiques techniques, le fonctionnement ou l’emploi des systèmes de vidéoprotection.
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Article 18 bis
I. – L’article L. 6342-2 du code des transports est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :
« Ces fouilles et visites peuvent être réalisées, avec le consentement de la personne, au moyen d’un dispositif d’imagerie utilisant des ondes millimétriques dans les conditions visées à l’alinéa précédent. En cas de refus, la personne est soumise à un autre dispositif de contrôle.
« L’analyse des images visualisées est effectuée par des opérateurs ne connaissant pas l’identité de la personne et ne pouvant visualiser simultanément celle-ci et son image produite par le scanner corporel. L’image produite par le scanner millimétrique doit comporter un système brouillant la visualisation du visage. Aucun stockage ou enregistrement des images n’est autorisé.
« Un arrêté conjoint du ministre chargé de l’aviation civile et du ministre de l’intérieur détermine les aéroports dans lesquels le recours au contrôle par dispositif d’imagerie utilisant les ondes millimétriques est autorisé. » ;
2° (Supprimé)
II. – Les troisième à cinquième alinéas de l’article L. 6342-2 du code des transports sont applicables durant une période de trois années à compter de la promulgation de la présente loi.
CHAPITRE IV
Protection des intérêts fondamentaux de la Nation
Article 19
Après l’article L. 1332-2 du code de la défense, il est inséré un article L. 1332-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1332-2-1. – L’accès à tout ou partie des établissements, installations et ouvrages désignés en application du présent chapitre est autorisé par l’opérateur qui peut demander l’avis de l’autorité administrative compétente dans les conditions et selon les modalités définies par décret en Conseil d’État.
« L’avis est rendu à la suite d’une enquête administrative qui peut donner lieu à la consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et de traitements automatisés de données à caractère personnel relevant de l’article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, à l’exception des fichiers d’identification.
« La personne concernée est informée de l’enquête administrative dont elle fait l’objet. »
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Article 20 quinquies
I. – La loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité est ainsi modifiée :
1° Après l’article 33, il est inséré un titre II bis ainsi rédigé :
« TITRE II BIS
« DU CONSEIL NATIONAL DES ACTIVITÉSPRIVÉES DE SÉCURITÉ
« Art. 33-1 A. – Sont soumises aux dispositions du présent titre, dès lors qu’elles ne sont pas exercées par un service public administratif, les activités mentionnées aux titres Ier et II exercées par les personnes physiques ou morales, opérant pour le compte d’un tiers ou pour leur propre compte.
« Art. 33-1 B. – Le Conseil national des activités privées de sécurité, personne morale de droit public, est chargé :
« 1° (Supprimé)
« 2° D’une mission de police administrative. Il délivre, suspend ou retire les différents agréments, autorisations et cartes professionnelles prévus par la présente loi ;
« 3° D’une mission disciplinaire. Il assure la discipline de la profession et prépare un code de déontologie de la profession approuvé par décret en Conseil d’État. Ce code s’applique à l’ensemble des activités mentionnées aux titres Ier et II ;
« 4° D’une mission de conseil et d’assistance à la profession.
« Le Conseil national des activités privées de sécurité remet au ministre de l’intérieur un rapport annuel dans lequel est établi le bilan de son activité. Il peut émettre des avis et formuler des propositions concernant les métiers de la sécurité privée et les politiques publiques qui leur sont applicables. Toute proposition relative aux conditions de travail des agents de sécurité privée est préalablement soumise à la concertation avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs.
« Art. 33-1 C. – Le Conseil national des activités privées de sécurité est administré par un collège composé :
« – de représentants de l’État, de magistrats de l’ordre judiciaire et de membres des juridictions administratives,
« – de personnes issues des activités privées de sécurité mentionnées aux titres Ier et II,
« – de personnalités qualifiées.
« La répartition des sièges, qui assure une majorité aux représentants de l’État, aux magistrats de l’ordre judiciaire et aux membres des juridictions administratives, ainsi que le mode de désignation des membres sont déterminés par un décret en Conseil d’État.
« Le président du collège est élu par les membres de ce collège. Il dispose d’une voix prépondérante en cas de partage. Il représente le Conseil national des activités privées de sécurité.
« Le collège comprend en son sein une formation spécialisée, la commission nationale d’agrément et de contrôle. Elle est composée, pour au moins trois quarts de ses membres, de représentants de l’État, de magistrats de l’ordre judiciaire et de membres des juridictions administratives. Elle élit son président parmi les membres mentionnés au deuxième alinéa du présent article.
« Art. 33-1 D. – Le financement du conseil est assuré par une cotisation dont le taux et l’assiette sont fixés par la loi de finances.
« Le collège arrête son règlement intérieur qui fixe les modalités de fonctionnement du conseil.
« Art. 33-1 E. – Dans chaque région, une commission régionale d’agrément et de contrôle est chargée, au nom du Conseil national des activités privées de sécurité :
« 1° De délivrer les autorisations, agréments et cartes professionnelles prévus aux articles 3-2, 5, 6, 6-1, 7, 11, 22, 23, 23-1 et 25 ;
« 2° De refuser, retirer ou suspendre les agréments, autorisations et cartes professionnelles pour exercer ces activités dans les conditions prévues aux articles 5, 6, 12, 22, 23 et 26 ;
« 3° De prononcer les sanctions disciplinaires prévues à l’article 33-1 F.
« Elle est composée selon les mêmes modalités que la commission nationale d’agrément et de contrôle. Elle élit son président parmi les représentants de l’État, les magistrats de l’ordre judiciaire ou les membres des juridictions administratives. Son président exerce les décisions qu’appelle l’urgence.
« Les commissions régionales d’agrément et de contrôle peuvent être regroupées en commissions interrégionales.
« Art. 33-1 F. – Tout manquement aux lois, règlements et obligations professionnelles et déontologiques applicables aux activités privées de sécurité peut donner lieu à sanction disciplinaire. Le conseil ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s’il n’a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction.
« Les sanctions disciplinaires applicables aux personnes physiques et morales exerçant les activités définies aux titres Ier et II sont, compte tenu de la gravité des faits reprochés : l’avertissement, le blâme et l’interdiction d’exercice de l’activité privée de sécurité à titre temporaire pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. En outre, les personnes morales et les personnes physiques non salariées peuvent se voir infliger des pénalités financières. Le montant des pénalités financières doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation.
« Art. 33-1 G. – Tout recours contentieux formé par une personne physique ou morale à l’encontre d’actes pris par une commission régionale d’agrément et de contrôle est précédé d’un recours administratif préalable devant la commission nationale d’agrément et de contrôle, à peine d’irrecevabilité du recours contentieux.
« Art. 33-1 H. – I. – Les membres et les agents du Conseil national des activités privées de sécurité ainsi que les membres des commissions régionales assurent le contrôle des personnes exerçant les activités mentionnées aux titres Ier et II. Ils peuvent, pour l’exercice de leurs missions, accéder aux locaux à usage professionnel de l’employeur ou du donneur d’ordres, à l’exclusion des locaux affectés au domicile privé, ainsi qu’à tout site d’intervention des agents exerçant les activités mentionnées aux mêmes titres Ier et II, en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant. Le procureur de la République territorialement compétent en est préalablement informé.
« II. – En cas d’opposition du responsable des lieux ou de son représentant, la visite ne peut se dérouler qu’avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention statuant au siège du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter.
« Ce magistrat est saisi à la requête du président de la commission nationale ou de la commission régionale d’agrément et de contrôle. Il statue par une ordonnance motivée, conformément aux dispositions des articles 493 à 498 du code de procédure civile. La procédure est sans représentation obligatoire.
« La visite s’effectue sous l’autorité et le contrôle du juge qui l’a autorisée. Celui-ci peut se rendre dans les locaux durant l’intervention. À tout moment, il peut décider de l’arrêt ou de la suspension de la visite.
« Le responsable des lieux ou son représentant est informé de la faculté de refuser cette visite et du fait qu’en ce cas elle ne peut intervenir qu’avec l’autorisation du juge des libertés et de la détention.
« III. – Les membres et les agents des commissions nationale et régionales d’agrément et de contrôle peuvent demander communication de tout document nécessaire à l’accomplissement de leur mission, quel qu’en soit le support, et en prendre copie ; ils peuvent recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement et toute justification utiles. Ils peuvent consulter le registre unique du personnel prévu à l’article L. 1221-13 du code du travail. Ils peuvent, à la demande du président de la commission nationale ou de la commission régionale d’agrément et de contrôle, être assistés par des experts désignés par l’autorité dont ceux-ci dépendent. Il est dressé contradictoirement un compte rendu de visite en application du présent article dont une copie est remise immédiatement au responsable de l’entreprise.
« Art. 33-1 I. – Les membres et le personnel du Conseil national des activités privées de sécurité sont tenus au secret professionnel.
« Art. 33-1 J. – Le Conseil national des activités privées de sécurité peut recruter des salariés soumis aux dispositions du code du travail, des agents contractuels de droit public ou des fonctionnaires détachés auprès de lui. Le directeur du Conseil national des activités privées de sécurité est nommé par décret, sur proposition du ministre de l’intérieur.
« Art. 33-1 K. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent titre. » ;
2° L’article 3-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « le préfet » sont remplacés, deux fois, par les mots : « la commission régionale d’agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité » ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
3° L’article 5 est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;
b) Au 4°, la référence : « chapitre V du titre II » est remplacée par la référence : « chapitre III du titre V » et les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;
c) À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « consultation », sont insérés les mots : « , par des agents des commissions nationale et régionales d’agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l’État territorialement compétent et individuellement désignés, » ;
d) La seconde phrase du dernier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« En cas d’urgence, le président de la commission régionale d’agrément et de contrôle peut suspendre l’agrément. En outre, le représentant de l’État peut suspendre l’agrément en cas de nécessité tenant à l’ordre public. » ;
4° L’article 6 est ainsi modifié :
a) Au 2°, après le mot : « consultation », sont insérés les mots : « , par des agents des commissions nationale et régionales d’agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l’État territorialement compétent et individuellement désignés, » ;
b) Après le 3°, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis Pour un ressortissant étranger, s’il ne dispose pas d’un titre de séjour lui permettant d’exercer une activité sur le territoire national après consultation des traitements de données à caractère personnel relevant des dispositions de l’article D. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile par des agents des commissions nationale et régionales d’agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l’État territorialement compétent et individuellement désignés ; » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’urgence, le président de la commission régionale d’agrément et de contrôle peut retirer la carte professionnelle. En outre, le représentant de l’État peut retirer la carte professionnelle en cas de nécessité tenant à l’ordre public. » ;
5° Les articles 7 et 25 sont ainsi modifiés :
a) Aux première et seconde phrases du premier alinéa du I, les mots : « du préfet du département » sont remplacés par les mots : « de la commission régionale d’agrément et de contrôle » et les mots : « ou, à Paris, auprès du préfet de police » sont supprimés ;
b) Au premier alinéa du II, les mots : « du préfet de police » sont remplacés par les mots : « de la commission régionale d’agrément et de contrôle d’Île-de-France » ;
c) Au IV, les mots : « du préfet ou, à Paris, auprès du préfet de police » sont remplacés par les mots : « de la commission régionale d’agrément et de contrôle » ;
6° Les articles 9-1 et 28 sont ainsi modifiés :
a) Au premier alinéa, les mots : « l’autorité administrative » sont remplacés par les mots : « la commission régionale d’agrément et de contrôle » ;
b) Aux premier et second alinéas, les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;
7° À la seconde phrase du second alinéa du II des articles 12 et 26, après les mots : « autorité administrative », sont insérés les mots : « ou la commission régionale d’agrément et de contrôle » ;
8° Le dernier alinéa des articles 13 et 30 est complété par les mots : «, ainsi qu’à la commission régionale d’agrément et de contrôle » ;
9° Après le 1° du II de l’article 14, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Le fait de sous-traiter l’exercice d’une activité mentionnée à l’article 1er à une entreprise employant des personnes dépourvues de la carte professionnelle mentionnée à l’article 6 ; » ;
10° Après le 1° du II de l’article 14-1, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis De sous-traiter l’exercice d’une activité mentionnée à l’article 1er à une entreprise employant des personnes dépourvues de la carte professionnelle mentionnée à l’article 6 ; » ;
11° L’article 17 est ainsi rétabli :
« Art. 17. – Les entreprises individuelles ou les personnes morales exerçant les activités mentionnées au présent titre justifient d’une assurance couvrant leur responsabilité professionnelle, préalablement à leur entrée. » ;
12° L’article 22 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « délivré », sont insérés les mots : « par la commission régionale d’agrément et de contrôle » ;
b) Au 1°, les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;
c) Au 4°, la référence : « chapitre V du titre II » est remplacée par la référence : « chapitre III du titre V » et les mots : « la Communauté » sont remplacés par les mots : « l’Union » ;
d) À l’avant-dernier alinéa de l’article, après le mot : « consultation », sont insérés les mots : « , par des agents des commissions nationale et régionales d’agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l’État territorialement compétent et individuellement désignés, » ;
e) La seconde phrase du dernier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« En cas d’urgence, le président de la commission régionale d’agrément et de contrôle peut retirer la carte professionnelle. En outre, le représentant de l’État peut retirer la carte professionnelle en cas de nécessité tenant à l’ordre public. » ;
13° L’article 23 est ainsi modifié :
a) Le 1° est abrogé ;
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis Pour un ressortissant étranger, s’il ne dispose pas d’un titre de séjour lui permettant d’exercer une activité sur le territoire national après consultation des traitements de données à caractère personnel relevant des dispositions de l’article D. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile par des agents des commissions nationale et régionales d’agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l’État territorialement compétent et individuellement désignés ; » ;
c) Au 4°, après le mot : « consultation », sont insérés les mots : « , par des agents des commissions nationale et régionales d’agrément et de contrôle du Conseil national des activités privées de sécurité spécialement habilités par le représentant de l’État territorialement compétent et individuellement désignés, » ;
d) Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le respect de ces conditions est attesté par la détention d’une carte professionnelle délivrée par la commission régionale d’agrément et de contrôle selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. La carte professionnelle peut être retirée lorsque son titulaire cesse de remplir l’une des conditions prévues aux 2°, 4° ou 5°.
« En cas d’urgence, le président de la commission régionale d’agrément et de contrôle peut retirer la carte professionnelle. En outre, le représentant de l’État peut retirer la carte professionnelle en cas de nécessité tenant à l’ordre public. » ;
14° Après l’article 23, il est inséré un article 23-1 ainsi rédigé :
« Art. 23-1. – I. – L’accès à une formation en vue d’acquérir l’aptitude professionnelle est soumis à la délivrance d’une autorisation préalable, fondée sur le respect des conditions fixées aux 2°, 4° et 5° de l’article 23.
« II. – Par dérogation à l’article 23, une autorisation provisoire d’être employé pour participer à une activité mentionnée à l’article 20 est délivrée à la personne non titulaire de la carte professionnelle, sur sa demande, au vu des conditions fixées aux 2°, 4° et 5° de l’article 23. Toute personne physique ou morale exerçant une activité mentionnée à l’article 20 concluant un contrat de travail avec une personne titulaire de cette autorisation lui assure la délivrance sans délai d’une formation en vue de justifier de l’aptitude professionnelle. La personne titulaire de l’autorisation provisoire susvisée ne peut pas être affectée à un poste correspondant à une activité mentionnée au même article 20.
« La période d’essai du salarié est prolongée d’une durée égale à celle de la période de formation mentionnée au premier alinéa du présent II, dans la limite maximale d’un mois, à défaut de stipulation particulière d’une convention ou d’un accord collectifs étendus. » ;
15° Après l’article 30, il est inséré un article 30-1 ainsi rédigé :
« Art. 30-1. – Les entreprises individuelles ou les personnes morales exerçant les activités mentionnées au présent titre justifient d’une assurance couvrant leur responsabilité professionnelle, préalablement à leur entrée. » ;
16° L’article 31 est ainsi modifié :
a) Le II est ainsi rédigé :
« II. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende :
« 1° Le fait d’exercer l’activité mentionnée à l’article 20 en méconnaissance de l’article 21 ;
« 2° Le fait d’employer une personne non titulaire de la carte professionnelle mentionnée à l’article 23 en vue de la faire participer à l’activité mentionnée à l’article 20. » ;
a bis) Au 1° du III, les mots : « ou la déclaration prévue au 1° de l’article 23 » sont supprimés ;
b) Au 3° du III, les mots : « des dispositions des 2° à 5° » sont supprimés ;
c) Il est ajouté un V ainsi rédigé :
« V. – Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende le fait de conclure un contrat de travail en tant que salarié d’une entreprise exerçant l’activité mentionnée à l’article 20 en vue de participer à cette activité sans être titulaire de la carte professionnelle mentionnée à l’article 23. » ;
17° L’article 35 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, les mots : « Les dispositions du titre Ier » sont remplacés par les références : « Les titres Ier, II bis et III » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, la commission régionale d’agrément et de contrôle est dénommée "commission locale d’agrément et de contrôle" ; ».
II. – Les agréments et autorisations délivrés en application des articles 5, 7, 11, 22 et 25 de la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de sécurité, en cours de validité au jour de la publication du décret d’application du présent article, restent valables, sous réserve du dépôt d’un dossier de demande d’agrément ou d’autorisation dans les trois mois suivant cette publication.
Les cartes professionnelles délivrées en application de l’article 6 et les agréments délivrés en application de l’article 3-2 de la même loi, en cours de validité au jour de la publication du décret d’application du présent article, restent valables jusqu’à leur expiration.
Les personnes autorisées à exercer l’activité mentionnée au titre II, en application de l’article 23 de la même loi, au jour de la publication du décret d’application du présent article, sont autorisées à poursuivre leur activité, sous réserve du dépôt d’un dossier de demande de carte professionnelle dans un délai d’un an suivant la publication du même décret d’application.
III. – (Supprimé)
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CHAPITRE V
Renforcement de la lutte contre la criminalité et de l’efficacité des moyens de répression
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Article 23 bis
I. – Après l’article 132-19-1 du code pénal, il est inséré un article 132-19-2 ainsi rédigé :
« Art. 132-19-2. – Pour les délits prévus aux articles 222-9, 222-12 et 222-13, au 3° de l’article 222-14, au 4° de l’article 222-14-1 et à l’article 222-15-1, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :
« 1° Dix-huit mois, si le délit est puni de sept ans d’emprisonnement ;
« 2° Deux ans, si le délit est puni de dix ans d’emprisonnement.
« Toutefois, la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ces seuils ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci. »
I bis. – (Supprimé)
I ter. – (Supprimé)
II. – Au premier alinéa de l'article 20-2 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, la référence : « et 132-19-1 » est remplacée par les références : «, 132-19-1 et 132-19-2 ».
Article 23 ter
Le code pénal est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du second alinéa de l’article 221-3, après le mot : « barbarie », sont insérés les mots : « ou lorsque l’assassinat a été commis sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions » ;
2° À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 221-4, après le mot : « barbarie », sont insérés les mots : « ou lorsque le meurtre a été commis en bande organisée sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions ».
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Article 23 sexies
L’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifiée :
1° La seconde phrase du deuxième alinéa de l’article 5 est complétée par les mots : « ou par la procédure de convocation en justice prévue à l’article 8-3 » ;
2° Après l’article 8-2, il est rétabli un article 8-3 ainsi rédigé :
« Art. 8-3. – Le procureur de la République peut poursuivre un mineur devant le tribunal pour enfants selon la procédure prévue à l’article 390-1 du code de procédure pénale si des investigations supplémentaires sur les faits ne sont pas nécessaires et que des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies, le cas échéant à l’occasion d’une procédure engagée dans les six mois précédents ou d’une procédure ayant donné lieu à une condamnation dans les six mois précédents.
« La convocation précise que le mineur doit être assisté d’un avocat et qu’à défaut de choix d’un avocat par le mineur ou ses représentants légaux, le procureur de la République ou le juge des enfants font désigner par le bâtonnier un avocat d’office.
« La convocation est également notifiée dans les meilleurs délais aux parents, au tuteur, à la personne ou au service auquel le mineur est confié.
« Elle est constatée par procès-verbal signé par le mineur et la personne ou le représentant du service mentionnés à l’alinéa précédent, qui en reçoivent copie. » ;
3° À l’avant-dernier alinéa de l’article 12, les mots : « du juge des enfants au titre de l’article 8-1 » sont remplacés par les mots : « du juge des enfants ou du tribunal pour enfants au titre des articles 8-1 et 8-3 ».
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CHAPITRE V BIS
Sécurité quotidienne et prévention de la délinquance
Article 24 bis
I. – Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut décider, dans leur intérêt, une mesure tendant à restreindre la liberté d’aller et de venir des mineurs de treize ans lorsque le fait, pour ceux-ci, de circuler ou de stationner sur la voie publique, entre vingt-trois heures et six heures, sans être accompagnés de l’un de leurs parents ou du titulaire de l’autorité parentale, les expose à un risque manifeste pour leur santé, leur sécurité, leur éducation ou leur moralité.
La décision énonce la durée, limitée dans le temps, de la mesure, les circonstances précises de fait et de lieu qui la motivent, ainsi que le territoire sur lequel elle s’applique.
II. – Après le 10° de l’article 15-1 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée, il est inséré un 11° ainsi rédigé :
« 11° Interdiction pour le mineur d’aller et venir sur la voie publique entre vingt-trois heures et six heures sans être accompagné de l’un de ses parents ou du titulaire de l’autorité parentale, pour une durée de trois mois maximum, renouvelable une fois. »
III. – Les décisions mentionnées aux I et II prévoient les modalités de prise en charge du mineur et sa remise immédiate à ses parents ou à son représentant légal. Le procureur de la République est avisé sans délai de cette remise.
Sans préjudice des dispositions de l’article L. 223-2 du code de l’action sociale et des familles, en cas d’urgence et lorsque le représentant légal du mineur n’a pu être contacté ou a refusé d’accueillir l’enfant à son domicile, celui-ci est remis au service de l’aide sociale à l’enfance qui le recueille provisoirement, par décision du représentant de l’État dans le département ou, à Paris, du préfet de police, qui en avise immédiatement le procureur de la République.
Le fait pour les parents du mineur ou son représentant légal de ne pas s’être assurés du respect par celui-ci de la mesure visée au premier alinéa du I ou au premier alinéa du II est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe.
IV. – En vue, le cas échéant, de saisir le président du conseil général en application du premier alinéa de l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles pour la mise en œuvre d’un contrat de responsabilité parentale, le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, est informé par le procureur de la République des mesures alternatives aux poursuites et des jugements devenus définitifs lorsque ces mesures et jugements concernent des infractions commises par des mineurs résidant sur le territoire du département.
Article 24 ter A
L’article L. 2211-4 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« À cette fin, il peut convenir avec l’État ou les autres personnes morales intéressées des modalités nécessaires à la mise en œuvre des actions de prévention de la délinquance. » ;
2° (Supprimé)
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Article 24 ter
I. – L’article L. 3221-9 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En vue d’exercer la compétence définie par l’article L. 222-4-1 du même code, le président du conseil général est informé par le procureur de la République des mesures alternatives aux poursuites et des jugements devenus définitifs lorsque ces décisions concernent des infractions commises par des mineurs résidant sur le territoire du département. »
I bis. – Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 141-1 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Sa création est obligatoire dans les communes de plus de 50 000 habitants. »
II. – L’article L. 222-4-1 du même code est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après les mots : « établissement scolaire », sont insérés les mots : «, de prise en charge d’un mineur au titre de l’article 24 bis de la loi n° … du … d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure » ;
b) Après la même phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Un contrat de responsabilité parentale est également proposé aux parents d’un mineur poursuivi ou condamné pour une infraction signalée par le procureur de la République au président du conseil général en application du second alinéa de l’article L. 3221-9 du code général des collectivités territoriales, et lorsque cette infraction révèle une carence de l’autorité parentale. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le contrat n’a pu être signé du fait des parents ou du représentant légal du mineur, le président du conseil général peut également leur adresser un rappel de leurs obligations en tant que titulaires de l’autorité parentale et prendre toute mesure d’aide et d’action sociales de nature à remédier à la situation. »
III. – Au septième alinéa de l’article L. 131-8 du code de l’éducation, le mot : « trimestriellement » est supprimé.
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Article 24 quinquies AA
I. – L'article 8 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le délai de prescription de l'action publique des délits mentionnés aux articles 223-15-2, 311-3, 311-4, 313-1, 313-2, 314-1, 314-2, 314-3, 314-6, 321-1 du code pénal, commis à l'encontre d'une personne vulnérable du fait de son âge, d'une maladie, d'une infirmité, d'une déficience physique ou psychique ou de son état de grossesse, court à compter du jour où l'infraction apparaît à la victime dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique. »
II. – (Supprimé)
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Article 24 octies A
Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 443-2, il est inséré un article L. 443-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 443-2-1. – Le fait, sans autorisation du producteur, de l’organisateur ou du propriétaire des droits d’exploitation d’une manifestation sportive, culturelle ou commerciale, d’offrir, de mettre en vente ou d’exposer en vue de la vente, sur un réseau de communication au public en ligne, des billets d’entrée ou des titres d’accès à une telle manifestation pour en tirer un bénéfice est puni de 15 000 € d’amende.
« Les personnes physiques reconnues coupables de l’infraction définie au présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 443-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes morales déclarées responsables pénalement de l’infraction définie à l’article L. 443-2-1 encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues à l’article 131-39 du même code. »
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Article 24 decies A
(Supprimé)
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Article 24 duodecies
Le second alinéa de l’article L. 2241-2 du code des transports est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Si le contrevenant refuse ou se déclare dans l’impossibilité de justifier de son identité, les agents mentionnés au premier alinéa du II de l’article 529-4 du code de procédure pénale en avisent sans délai et par tout moyen un officier de police judiciaire territorialement compétent.
« Pendant le temps nécessaire à l’information et à la décision de l’officier de police judiciaire, le contrevenant est tenu de demeurer à la disposition d’un agent visé au premier alinéa du même II.
« Sur l’ordre de l’officier de police judiciaire, les agents peuvent conduire l’auteur de l’infraction devant lui ou bien le retenir le temps nécessaire à son arrivée ou à celle d’un agent de police judiciaire agissant sous son contrôle. »
Article 24 terdecies
Les deux premiers alinéas de l’article L. 2241-6 du même code sont ainsi rédigés :
« Toute personne qui contrevient aux dispositions tarifaires ou à des dispositions dont l’inobservation est susceptible soit de compromettre la sécurité des personnes ou la régularité des circulations, soit de troubler l’ordre public peut se voir enjoindre par les agents mentionnés au I de l’article L. 2241-1 de descendre du véhicule de transport ferroviaire ou routier au premier point d’arrêt suivant la constatation des faits ou de quitter sans délai les espaces, gares ou stations gérés par l’exploitant du réseau de transport public.
« En cas de refus d’obtempérer, les agents spécialement désignés par l’exploitant peuvent contraindre l’intéressé à descendre du véhicule ou à quitter sans délai les espaces, gares ou stations et, en tant que de besoin, requérir l’assistance de la force publique. »
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CHAPITRE VI
Dispositions renforçant la lutte contre l’insécurité routière
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Article 28 bis A
I. – L’article L. 223-1 du code de la route est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le premier alinéa de l’article L. 223-6 du même code n’est pas applicable pendant le délai probatoire mentionné au deuxième alinéa du présent article. »
II. – L’article L. 223-6 du même code est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « trois premiers alinéas » sont remplacés par les mots : « alinéas précédents ».
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CHAPITRE VII
Dispositions relatives aux compétences du préfet de police et des préfets de département
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Article 32 ter A
I. – Lorsqu'une installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée en vue d'y établir des habitations comporte de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police peut mettre les occupants en demeure de quitter les lieux.
La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions prévues au II, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des lieux, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure. Le cas échéant, le préfet saisit le président du tribunal de grande instance d'une demande d'autorisation de procéder à la destruction des constructions illicites édifiées pour permettre l'installation en réunion sur le terrain faisant l'objet de la mesure d'évacuation. Le président du tribunal ou son délégué statue, en la forme des référés, dans un délai de quarante-huit heures.
Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain fait obstacle à l'exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l'atteinte à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publiques, dans un délai qu'il fixe.
Le fait de ne pas se conformer à l'arrêté pris en application de l'alinéa précédent est puni de 3 750 € d'amende.
II. – Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au I, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l'exécution de la décision du préfet à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.
III. – L’article 226-4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait d’occuper le domicile d’autrui, hors les cas où la loi le permet, sans l’autorisation du propriétaire ou du locataire, après s’y être introduit dans les conditions mentionnées à l’alinéa précédent, et de ne pas le quitter immédiatement à la requête du propriétaire ou du locataire. »
CHAPITRE VII BIS
Dispositions relatives aux polices municipales
Article 32 ter
I. – Le 3° de l’article 20 du code de procédure pénale est ainsi rétabli :
« 3° Les membres du cadre d’emplois des directeurs de police municipale assurant la direction fonctionnelle et opérationnelle des services de la police municipale lorsque la convention prévue à l’article L. 2212-6 du code général des collectivités territoriales en dispose ainsi ; ».
II. – Le neuvième alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque les agents de police judiciaire relèvent du 3° du présent article, ils secondent dans l’exercice de leurs fonctions les officiers de police judiciaire relevant des 2°, 3° et 4° de l’article 16 ; ».
III. – Les conditions d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État.
IV. – (Supprimé)
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CHAPITRE VIII
Moyens matériels des services
Article 33
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 1311-2 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « et des équipements connexes nécessaires à leur implantation », sont insérés les mots : « ou, à l’exception des opérations réalisées en vue de l'affectation à une association cultuelle d'un édifice du culte ouvert au public, de leur restauration, de la réparation, de l'entretien-maintenance ou de la mise en valeur de ce bien » ; les mots : « 2007, liée aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales ainsi que d’un établissement public de santé ou d’une structure de coopération sanitaire dotée de la personnalité morale publique » sont remplacés par les mots : « 2013, liée aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales » et l’année : « 2010 » est remplacée par l’année : « 2013 » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Tout projet de bail emphytéotique administratif présenté pour la réalisation d’une opération d’intérêt général liée aux besoins de la justice, de la police ou de la gendarmerie nationales dont le loyer est supérieur à un montant fixé par décret en Conseil d’État est soumis à la réalisation d’une évaluation préalable dans les conditions fixées à l’article L. 1414-2. » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les conclusions de baux mentionnées aux alinéas précédents sont précédées, le cas échéant, d’une mise en concurrence et de mesures de publicité, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° L’article L. 1311-4-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, l’année : « 2007 » est remplacée par l’année : « 2013 » et les mots : « ou d’un établissement public de santé ou d’une structure de coopération sanitaire dotée de la personnalité morale publique » sont supprimés ;
a bis) Au deuxième alinéa, l’année : « 2010 » est remplacée par l’année : « 2013 » ;
b) (Supprimé)
c) À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « ou l’établissement public de santé ou la structure de coopération sanitaire mentionnée au premier alinéa » sont supprimés ;
d) Le dernier alinéa est supprimé ;
3° Le sixième alinéa de l’article L. 1615-7 est supprimé.
II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L'article L. 6148-3 est abrogé ;
2° À l'article L. 6148-4, les mots : « aux articles L. 1311-2 et L. 1311-4-1 du code général des collectivités territoriales, lorsqu'elles répondent aux besoins d'un établissement public de santé ou d'une structure de coopération sanitaire dotée de la personnalité morale publique, celles mentionnées » sont supprimés ;
3° Au premier alinéa de l'article L. 6148-5, les mots : « de l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales, lorsqu'ils répondent aux besoins d'un établissement public de santé ou d'une structure de coopération sanitaire dotée de la personnalité morale publique et » sont supprimés.
II bis. – À la fin du onzième alinéa de l’article L. 6143-1 du même code, les références : « aux articles L. 6148-2 et L. 6148-3 » sont remplacées par la référence : « à l’article L. 6148-2 ».
III. – À l’article 119 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, après le mot : « territoriales », sont insérés les mots : « dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-1094 du 29 août 2002 d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure ».
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CHAPITRE IX
Dispositions diverses
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Article 37 quinquies B
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le chapitre unique du titre VI du livre V est complété par un article L. 561-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 561-3. – L’autorité administrative peut ordonner le placement sous surveillance électronique mobile de l’étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés en application des articles L. 523-3, L. 523-4 ou L. 541-3 s’il a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou si une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.
« Ce placement est prononcé, après accord de l’étranger, pour une durée de trois mois qui peut être prolongée pour une même durée sans que la durée totale du placement dépasse deux ans. À défaut de prolongation, il est mis fin au placement sous surveillance électronique mobile.
« L’étranger est astreint au port, pendant toute la durée du placement, d’un dispositif intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l’ensemble du territoire national.
« La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Pendant la durée du placement, l’autorité administrative peut, d’office ou à la demande de l’étranger, modifier ou compléter les obligations résultant dudit placement.
« Le manquement aux prescriptions liées au placement sous surveillance électronique est sanctionné dans les conditions prévues à l’article L. 624-4. » ;
2° L’article L. 624-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les étrangers visés à l’article L. 561-3 qui n’ont pas respecté les prescriptions liées au placement sous surveillance électronique sont passibles d’une peine d’emprisonnement d’un an. »
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Article 37 undecies
I. – Après l'article 706-75-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-75-2 ainsi rédigé :
« Art. 706-75-2. – Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 380-1, en cas d'appel d'une décision d'une cour d'assises dont la compétence territoriale est étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour le jugement des crimes entrant dans le champ d'application des articles 706-73, à l'exception du 11°, ou 706-74, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d'une grande complexité, la chambre criminelle de la Cour de cassation peut désigner la même cour d'assises, autrement composée, pour connaître de l'appel. »
II. – L’article 362 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après la première phrase du premier alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Si la peine d’interdiction du territoire français est encourue par l’accusé, le président en informe les jurés. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où l’accusé encourt la peine d’interdiction du territoire français en application de l’article 131-30 du code pénal, elle délibère aussi pour déterminer s’il y a lieu de prononcer cette peine. »
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Article 39 bis C
I. – Le titre VI de l’ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 précitée est ainsi modifié :
1° Il est ajouté un article 41-1 ainsi rédigé :
« Art. 41-1. – L’autorité administrative peut ordonner le placement sous surveillance électronique mobile de l’étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés en application des premier et deuxième alinéas de l’article 39 et de l’article 39-1 s’il a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou si une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.
« Ce placement est prononcé, après accord de l’étranger, pour une durée de trois mois, qui peut être prolongée pour une même durée sans que la durée totale du placement dépasse deux ans. À défaut de prolongation, il est mis fin au placement sous surveillance électronique mobile.
« L’étranger est astreint au port, pendant toute la durée du placement, d’un dispositif intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l’ensemble du territoire national.
« La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Pendant la durée du placement, l’autorité administrative peut, d’office ou à la demande de l’étranger, modifier ou compléter les obligations résultant dudit placement.
« Le manquement aux prescriptions liées au placement sous surveillance électronique est sanctionné dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 39. » ;
2° L’article 39 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les étrangers visés à l’article 41-1 qui n’ont pas respecté les prescriptions liées au placement sous surveillance électronique sont passibles d’une peine d’emprisonnement d’un an. »
II. – Le titre VI de l’ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 précitée est ainsi modifié :
1° Il est ajouté un article 43-1 ainsi rédigé :
« Art. 43-1. – L’autorité administrative peut ordonner le placement sous surveillance électronique mobile de l’étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés en application des premier et deuxième alinéas de l’article 41 et de l’article 41-1 s’il a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou si une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.
« Ce placement est prononcé, après accord de l’étranger, pour une durée de trois mois, qui peut être prolongée pour une même durée sans que la durée totale du placement dépasse deux ans. À défaut de prolongation, il est mis fin au placement sous surveillance électronique mobile.
« L’étranger est astreint au port, pendant toute la durée du placement, d’un dispositif intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l’ensemble du territoire national.
« La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Pendant la durée du placement, l’autorité administrative peut, d’office ou à la demande de l’étranger, modifier ou compléter les obligations résultant dudit placement.
« Le manquement aux prescriptions liées au placement sous surveillance électronique est sanctionné dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 41. » ;
2° L’article 41 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les étrangers visés à l’article 43-1 qui n’ont pas respecté les prescriptions liées au placement sous surveillance électronique sont passibles d’une peine d’emprisonnement d’un an. »
III. – Le titre VI de l’ordonnance n° 2000-373 du 26 avril 2000 précitée est ainsi modifié :
1° Il est ajouté un article 41-1 ainsi rédigé :
« Art. 41-1. – L’autorité administrative peut ordonner le placement sous surveillance électronique mobile de l’étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés en application des premier et deuxième alinéas de l’article 39 et de l’article 39-1 s’il a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou si une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.
« Ce placement est prononcé, après accord de l’étranger, pour une durée de trois mois, qui peut être prolongée pour une même durée sans que la durée totale du placement dépasse deux ans. À défaut de prolongation, il est mis fin au placement sous surveillance électronique mobile.
« L’étranger est astreint au port, pendant toute la durée du placement, d’un dispositif intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l’ensemble du territoire national.
« La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Pendant la durée du placement, l’autorité administrative peut, d’office ou à la demande de l’étranger, modifier ou compléter les obligations résultant dudit placement.
« Le manquement aux prescriptions liées au placement sous surveillance électronique est sanctionné dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 39. » ;
2° L’article 39 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les étrangers visés à l’article 41-1 qui n’ont pas respecté les prescriptions liées au placement sous surveillance électronique sont passibles d’une peine d’emprisonnement d’un an. »
IV. – Le titre VI de l’ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 précitée est ainsi modifié :
1° Il est ajouté un article 43-1 ainsi rédigé :
« Art. 43-1. – L’autorité administrative peut ordonner le placement sous surveillance électronique mobile de l’étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés en application des premier et deuxième alinéas de l’article 41 et de l’article 41-1 s’il a été condamné à une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme prévus par le titre II du livre IV du code pénal ou si une mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement lié à des activités à caractère terroriste.
« Ce placement est prononcé, après accord de l’étranger, pour une durée de trois mois, qui peut être prolongée pour une même durée sans que la durée totale du placement dépasse deux ans. À défaut de prolongation, il est mis fin au placement sous surveillance électronique mobile.
« L’étranger est astreint au port, pendant toute la durée du placement, d’un dispositif intégrant un émetteur permettant à tout moment de déterminer à distance sa localisation sur l’ensemble du territoire national.
« La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance peut être confiée à une personne de droit privé habilitée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« Pendant la durée du placement, l’autorité administrative peut, d’office ou à la demande de l’étranger, modifier ou compléter les obligations résultant dudit placement.
« Le manquement aux prescriptions liées au placement sous surveillance électronique est sanctionné dans les conditions prévues au troisième alinéa de l’article 41. » ;
2° L’article 41 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les étrangers visés à l’article 43-1 qui n’ont pas respecté les prescriptions liées au placement sous surveillance électronique sont passibles d’une peine d’emprisonnement d’un an. »
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Article 46 A
L’article 28 bis s’applique aux infractions commises à compter du 1er janvier 2011 et aux infractions antérieures pour lesquelles le paiement de l’amende forfaitaire, l’émission du titre exécutoire de l’amende forfaitaire majorée, l’exécution de la composition pénale ou la condamnation définitive ne sont pas intervenus.
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Article 48
(Pour coordination)
Après l’article L. 5251-5 du code des transports, il est inséré un article L. 5251-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 5251-6. – Peuvent également accéder à bord des navires, pour la vérification du respect des dispositions de sûreté qui leur sont applicables :
« – les commandants et commandants ou officiers en second des bâtiments de l’État ;
« – les officiers de la marine nationale exerçant les fonctions relatives à la sûreté et à la protection d’éléments navals ;
« – les officiers ou agents publics spécialement commissionnés par le préfet de département ou le préfet maritime ;
« – les agents publics en charge de la sûreté désignés par le ministre chargé de la mer. »
ANNEXE
RAPPORT SUR LES OBJECTIFS ET LES MOYENS DE LA SÉCURITÉ INTÉRIEURE À HORIZON 2013
LA SÉCURITÉ PARTOUT ET POUR TOUS
I. – ASSURER LA SÉCURITÉ PARTOUT ET POUR TOUS GRÂCE À UNE APPROCHE GLOBALE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ
1. Mobiliser tous les acteurs au service de la sécurité de nos concitoyens
2. Mieux répondre aux besoins de sécurité des différents territoires
3. Mieux mobiliser les différentes réponses : prévention, dissuasion et répression
4. Mieux lutter contre les différentes formes de délinquance
5. Préparer l’avenir
II. – OPTIMISER L’ACTION DES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE DANS LE CADRE DU RAPPROCHEMENT POLICE/GENDARMERIE
1. Optimiser la coopération et la complémentarité opérationnelles
2. Systématiser la mutualisation des moyens et des actions de gestion en matière de ressources humaines
III. – ACCROÎTRE LA MODERNISATION DES FORCES EN INTÉGRANT PLEINEMENT LES PROGRÈS TECHNOLOGIQUES
1. Des policiers et des gendarmes mieux équipés pour faire face aux nouvelles menaces
2. Des technologies nouvelles au service de la sécurité du quotidien
3. La modernisation du système d’alerte des populations
4. Des technologies nouvelles au service des victimes
5. Moderniser le parc automobile dans le cadre d’une politique de développement durable
IV. – RÉNOVER LE MANAGEMENT DES RESSOURCES ET LES MODES D’ORGANISATION
1. Mettre un terme à l’emploi des policiers et des gendarmes dans des fonctions qui ne sont pas strictement liées à leur cœur de métier
2. Faire de l’immobilier un levier de la modernisation
3. Des carrières modernisées pour des professionnels mieux accompagnés
Les forces de police et de gendarmerie, dans la lutte qu’elles mènent contre toutes les formes de délinquance, ont enregistré des résultats majeurs entre 2002 et 2008. Tandis que le nombre total des crimes et des délits constatés affichait un recul de 13,5 %, la délinquance de proximité, celle qui est susceptible de toucher le plus grand nombre dans son quotidien, baissait de 34,07 %. Dans le même temps, les différents indicateurs de suivi de l’activité des services étaient révélateurs d’un niveau d’engagement particulièrement élevé, avec un nombre d’infractions révélées par l’action des services en hausse de 50,74 %, un taux d’élucidation passant de 26,27 % à 37,61 %, un nombre de personnes placées en garde à vue progressant de 51,52 % et un nombre total de personnes mises en cause en augmentation de 29,26 %.
L’année 2009 a été révélatrice des nouveaux enjeux de la politique de sécurité. L’ensemble de la société est en effet confronté à une évolution du monde contemporain qui modifie profondément l’approche des problématiques de sécurité et remet en cause les cadres d’action habituels des forces de police et de gendarmerie. Les services de l’État doivent répondre à une demande de sécurité de plus en plus diversifiée et la police et la gendarmerie doivent faire face à une triple attente de la population : une attente de protection, une attente d’autorité et une attente de justice. Cette attente est d’autant plus pressante que les lignes bougent.
Ainsi, la mondialisation a remis en cause la notion même de frontières et de territoires, lesquels sont traversés de flux humains, matériels et immatériels, de plus en plus difficiles à contrôler. La « judiciarisation » de la société contribue à la rendre plus complexe. Dans le même temps, l’évolution des modes de vie, une plus grande mobilité ou l’allongement de l’espérance de vie, laquelle contribue au vieillissement de la société, débouchent sur de nouveaux besoins de sécurité.
Plus exposées aux risques et aux menaces, nos sociétés modernes sont plus exigeantes en matière de sécurité et leur demande en la matière augmente d’autant plus que l’insécurité présente une physionomie à la fois mouvante et évolutive. Si des formes anciennes de délinquance persistent, comme les violences aux personnes ou le trafic de produits stupéfiants, d’autres, d’apparition plus récente, s’inscrivent dans le champ de la criminalité émergente. C’est le cas, notamment, de la cybercriminalité, mais également de l’activité délictuelle liée au phénomène des bandes ou de l’économie souterraine sous ses divers aspects.
D’autres préoccupations prennent une nouvelle dimension, comme le développement des pratiques délinquantes ou criminelles parmi les mineurs ou les facilités apportées aux délinquants et criminels par certains progrès technologiques. Cette tendance est également confortée par les progrès de la prévention situationnelle dans la mesure où la protection renforcée des biens peut entraîner une vulnérabilité accrue des personnes.
Faire face à cette situation nécessite de sortir des schémas de pensée traditionnels, d’une part en réexaminant dans le détail les modes d’action et leur efficacité, d’autre part en travaillant autrement et avec d’autres acteurs, chaque fois que nécessaire. Cette stratégie passe, en premier lieu, par un recensement hiérarchisé des risques et des menaces, pour ensuite fixer des objectifs en délimitant précisément les territoires concernés, tout en priorisant les actions à conduire et en adaptant le mode de fonctionnement des organisations.
Il s’agit de continuer à améliorer les résultats en matière de délinquance afin de répondre aux besoins de sécurité des personnes résidant sur le territoire de la République. Dans une situation budgétaire contrainte où tout doit être fait pour maîtriser la dépense publique, ce qui oblige à faire preuve de responsabilité en matière de ressources humaines, il convient d’améliorer la performance par la mise en place de moyens juridiques et technologiques innovants.
L’action engagée pour faire reculer la délinquance et lutter contre toutes les formes de criminalité s’organise dès lors selon quatre axes principaux.
Assurer la sécurité partout et pour tous grâce à une approche globale de la politique de sécurité
La diversité des risques et des menaces conduit à concevoir une politique de sécurité globale qui dépasse le clivage traditionnel entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. C’est précisément ce à quoi invite le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, publié en 2008 à la demande du Président de la République. Il s’agit, en effet, d’assurer à l’ensemble de la collectivité un niveau suffisant de prévention et de protection contre ces menaces, de quelque nature qu’elles soient et en quelque endroit qu’elles se manifestent. Cela signifie de prendre en compte l’échelle des territoires qui peut considérablement varier, l’impact des différents flux sur la sécurité intérieure, le renseignement pour déceler les signes annonciateurs de crise et enfin les événements naturels, accidentels ou provoqués, qu’il faut savoir anticiper, gérer et maîtriser.
Optimiser l’action des forces de sécurité intérieure dans le cadre d’un rapprochement police/gendarmerie fondé sur la complémentarité, la coopération opérationnelle et la mutualisation des moyens
La loi n° 2009-971 du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale a garanti le respect de l’identité des deux forces de sécurité et, tout particulièrement, l’identité militaire de la gendarmerie. Il n’y a donc pas fusion mais rapprochement. Ce rapprochement n’est pas synonyme de compétition ou de juxtaposition, mais s’inscrit dans une démarche de complémentarité et d’efficacité opérationnelle. Si des résultats tangibles ont déjà été obtenus grâce à la mutualisation des fonctions support, la coopération doit être développée dans le domaine opérationnel, comme c’est déjà le cas au sein des groupes d’intervention régionaux (GIR), des offices centraux, du réseau des attachés de sécurité intérieure ou de la coordination des forces mobiles. Cette synergie et cette complémentarité opérationnelles sont un des enjeux majeurs de l’adaptation de nos forces de sécurité intérieure d’ici à 2013 et l’une des conditions de la baisse durable de la délinquance.
Accroître la modernisation des forces de sécurité en intégrant pleinement les progrès technologiques
Cette modernisation conditionne l’amélioration des capacités d’élucidation et contribue à substituer une culture de la preuve à une culture de l’aveu. Elle a pour finalité d’accroître les performances des outils de prévention, de détection et de protection, afin de s’adapter aux nouvelles menaces et aux formes naissantes de délinquance. Elle veillera notamment à mettre de nouveaux outils à la disposition des services enquêteurs afin de lutter contre les infractions à caractère sériel et la criminalité organisée.
Cette modernisation porte également sur la protection des policiers et gendarmes, le renforcement des moyens de police technique et scientifique et le développement des outils d’investigation technique, de recueil et de traitement du renseignement. Elle a également pour but de systématiser le recours aux moyens vidéo, de doter les services de nouveaux types d’équipement et d’armement, en particulier les moyens de force intermédiaire, de renforcer les moyens de lutte contre la cybercriminalité et d’intensifier le recours aux moyens aériens.
Rénover le management des ressources humaines et les modes d’organisation
L’évolution des modes d’organisation et de gestion des ressources humaines et matérielles doit correspondre aux évolutions de la société. Aussi convient-il de :
– ouvrir encore plus largement le recrutement à toutes les catégories de la population,
– développer les logiques de formation permanente, de validation des acquis et de promotion sociale,
– permettre la fidélisation sur les zones difficiles en accroissant les efforts d’accompagnement social, notamment par un accès privilégié au logement, que ce soit par des logements à loyer modéré ou par l’accession sociale à la propriété,
– privilégier les logiques fonctionnelles et les filières de métier dans l’organisation des services ; à ce titre, la rénovation de la gestion des ressources humaines de la police nationale passe à la fois au niveau central par la fusion des deux directions de l’administration et de la formation et au niveau déconcentré par le développement de projets de service,
– moderniser le maillage territorial au service de la sécurité au quotidien, en vue d’assurer l’égalité de tous les citoyens devant le droit à la sécurité.
Le protocole « corps et carrières » de la police nationale continuera naturellement d’être mis en œuvre, comme prévu, jusqu’en 2012. La gendarmerie mettra en place la nouvelle grille indiciaire « défense » et respectera le calendrier et les objectifs du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE), d’ici à 2012.
La loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) 2003-2007 avait programmé, pour la police, 2 750 millions d’euros, dont l’essentiel (57 %) pour les crédits du titre 2 et, pour la gendarmerie, 2 800 millions d’euros (dont 40 % de crédits du titre 2).
Les crédits de paiement des missions « Sécurité » et « Sécurité civile », hors charges de pensions, évolueront sur la période 2009-2013, sous réserve des dispositions des lois de finances et des lois de programmation des finances publiques, conformément au tableau suivant :
(En millions d’euros) |
|||||
Crédits de paiement,hors comptes d’affectation spéciale |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
Sécurité |
11 456 |
11 437 |
11 526 |
11 478 |
11 451 |
Sécurité civile |
381 |
381 |
393 |
405 |
415 |
Total |
11 837 |
11 818 |
11 919 |
11 883 |
11 866 |
Au sein de ces crédits, la LOPPSI identifie et programme les ressources indispensables qui permettront à la gendarmerie, à la police et à la sécurité civile sur la période 2009 à 2013 d’améliorer la modernisation, la mutualisation et le management de la sécurité intérieure. Ces ressources incluent les effets du plan de relance, qui réalise une anticipation d’achats de véhicules : 100 millions d’euros de dépenses ont ainsi été anticipés en 2009, qui devaient initialement être réalisés à hauteur de 45 millions d’euros en 2011 et 55 millions d’euros en 2012.
Les ressources consacrées à la modernisation évolueront sur la période 2009-2013, sous réserve des dispositions des lois de finances et des lois de programmation des finances publiques, conformément au tableau suivant :
(En millions d’euros) |
||||||
Crédits de paiement,hors comptes d’affectation spéciale |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
Total |
Titre 2 |
67 |
124 |
192 |
241 |
282 |
906 |
Hors titre 2 |
120 |
251 |
332 |
264 |
283 |
1 250 |
Total |
187 |
375 |
524 |
505 |
565 |
2 156 |
La mise en œuvre de ces moyens fera l’objet d’un rapport annuel présenté au Parlement dans le cadre du débat budgétaire portant sur les missions « Sécurité » et « Sécurité civile ». Le premier rapport présenté après l’adoption de la présente loi précise les conditions du déploiement des programmes prioritaires décrits ci-dessous.
Ces projets marquent la volonté des institutions de se doter de moyens faisant appel à la haute technologie, au service de la sécurité publique générale et de la lutte contre toutes les formes de délinquance.
I. – ASSURER LA SÉCURITÉ PARTOUT ET POUR TOUS GRÂCE À UNE APPROCHE GLOBALE DE LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ
Assurer la sécurité partout et pour tous est une mission dont la responsabilité incombe, au premier chef, à la police et à la gendarmerie nationales. Mais la prise en compte des nouveaux enjeux impose de recomposer l’architecture générale de la sécurité, avec une meilleure répartition des tâches entre les acteurs concernés pour clarifier les missions des uns et des autres et recentrer policiers et gendarmes sur leur cœur de métier. Cela suppose de mobiliser l’ensemble des ressources au sein de territoires aux périmètres redéfinis et de mettre en cohérence les différentes réponses à apporter, qu’elles soient préventives, dissuasives ou répressives. L’approche globale des problématiques de sécurité induit, nécessairement, une politique transversale et partenariale.
1. Mobiliser tous les acteurs au service de la sécurité de nos concitoyens
La nécessité d’apporter une réponse globale aux problèmes de sécurité conduit tout d’abord à instaurer et à développer des procédures d’action interministérielles.
Plusieurs ont été récemment engagées ou confortées. Ainsi, une circulaire commune a été signée le 23 septembre 2009 avec le ministre chargé de l’éducation nationale afin de renforcer la sécurité des établissements scolaires. Elle prévoit, notamment, de multiplier les opérations de sécurisation aux abords des établissements et de généraliser la pratique des diagnostics de sécurité, éventuellement complétés de diagnostics de sûreté, dont les préconisations, comme le développement de la vidéoprotection, doivent être mises en œuvre pour renforcer la prévention situationnelle des lycées et collèges.
Ce même jour était signé, avec le ministre chargé du budget, un protocole précisant les modalités de l’implication de cinquante agents du fisc dans la lutte contre l’économie souterraine dans certains quartiers, en étroite collaboration avec les services de police et de gendarmerie. L’objectif est de « redresser » les activités lucratives non déclarées qui permettent à certains trafiquants d’afficher un train de vie sans commune mesure avec les revenus qu’ils sont censés officiellement percevoir. Dans ce cadre, en liaison avec l’autorité judiciaire, le recours à la procédure de saisie sera développé.
De même, un rapprochement opérationnel, notamment en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, sera réalisé entre les services de douanes d’une part et les services de police et de gendarmerie nationales d’autre part.
Parallèlement, la coopération entre les préfets et les procureurs de la République a été renforcée avec la création à l’été 2009 des états-majors de sécurité. Préfets et procureurs réunissent ensemble et chaque mois les états-majors départementaux de sécurité chargés d’impulser les politiques de sécurité dans chaque département.
Ce travail partenarial doit être, à la fois, intensifié et étendu à tous les acteurs institutionnels intéressés par les problématiques de sécurité.
Les maires ont un rôle clé à jouer en matière de prévention de la délinquance et il ne s’agit pas là d’une action subsidiaire de lutte contre l’insécurité, mais d’un mode d’action à part entière. La mobilisation de l’ensemble des acteurs de la chaîne de prévention est un facteur de réussite fondamental. Le plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes, présenté le 2 octobre 2009, a pour objectif d’exploiter toutes les possibilités offertes par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Il vise, entre autres, à mieux coordonner l’action des acteurs locaux de la prévention, en plaçant le maire au cœur du dispositif.
C’est dans le même esprit que doit être systématisée et développée la complémentarité avec les polices municipales. Celles-ci jouent un rôle essentiel en matière de sécurité de proximité et les modalités de leur coopération avec les services de police et de gendarmerie devront être précisées au travers, notamment, d’une nouvelle convention-cadre. En effet, si elles sont un maillon important de la chaîne de sécurité intérieure, leurs missions, leurs modes d’organisation et leurs moyens affichent une grande hétérogénéité.
Les entreprises de sécurité privée sont également devenues un acteur à part entière de la sécurité intérieure. Elles interviennent dans des domaines où certaines compétences peuvent être partagées, voire déléguées par l’État. Mais cette répartition des tâches doit se faire dans la transparence et en parfaite complémentarité entre des acteurs clairement identifiés. Il conviendra, à cet égard, de définir le champ du partenariat opérationnel à développer entre le ministère de l’intérieur et les représentants du secteur de la sécurité privée, en respectant une triple exigence d’éthique, de compétence et de contrôle des secteurs ainsi délégués au secteur privé.
La sécurité étant l’affaire de tous, la mobilisation doit également s’étendre à l’ensemble des citoyens, qu’ils participent aux réunions de quartier animées par les policiers ou les gendarmes, qu’ils s’investissent plus activement au sein du service volontaire citoyen de la police nationale ou qu’ils rejoignent le dispositif de « participation citoyenne » développé par la gendarmerie nationale.
2. Mieux répondre aux besoins de sécurité des différents territoires
Les mutations de ces dernières années ont vu s’organiser différemment une délinquance qui n’a pas attendu pour s’adapter aux nouvelles concentrations de population, aux réseaux de communication et aux modes de transports, s’affranchissant depuis longtemps des frontières administratives.
La criminalité étant devenue plus mouvante, des bassins de délinquance ont émergé, dessinant des zones incluant les lieux de commission des infractions et ceux où résident habituellement leurs auteurs, sans qu’il y ait nécessairement concordance avec les frontières administratives de la circonscription, de la brigade ou même du département. Pour autant, il importe que les forces de sécurité soient en mesure de prévenir ces actes délictueux et, dès lors qu’ils ont été commis, de poursuivre leurs auteurs, sans que les limites administratives territoriales n’entravent leur action.
L’analyse fine de la nature, du volume et de la fréquence des actes de délinquance, ainsi que de l’amplitude de la mobilité de leurs auteurs a permis de bâtir une cartographie définissant les contours des bassins au sein desquels l’action des forces de sécurité doit s’organiser de façon plus efficiente, sous un commandement unique et cohérent.
C’est sur la base de ce constat que la « police d’agglomération » a été mise en place, le 14 septembre 2009, en région parisienne. Il s’agissait de mettre en œuvre une intégration de l’organisation policière à l’échelle de Paris et des trois départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne), c’est-à-dire sur un territoire qui constitue une zone urbaine continue, aux dimensions limitées et à forte densité de population.
Cette police d’agglomération, placée sous l’autorité du préfet de police, favorise, grâce à la mutualisation des unités et renforts projetables, une optimisation de la présence policière sur la voie publique, aux heures et dans les lieux où la délinquance est la plus forte. En permettant aux services de police d’agir plus efficacement, elle améliore les conditions de sécurité dans toute l’agglomération parisienne.
Ailleurs en France se dessinent des espaces urbains dépassant largement les limites administratives des communes centre, les flux de population se densifiant et s’accélérant grâce, notamment, au développement important des réseaux de transports. Ces flux concernent également la délinquance, qui profite des mêmes facilités de déplacement. Aussi a-t-il été décidé d’étendre le dispositif de la police d’agglomération à d’autres grandes villes comme Lille, Lyon et Marseille. En effet, pour lutter plus efficacement contre le phénomène de délinquance, chaque jour plus mobile, il faut mettre en place une organisation supracommunale qui prenne en compte cette nouvelle réalité qu’est l’agglomération et si possible la confier à une seule et même force. Lorsque les territoires continuent de relever de forces différentes, un renforcement de la coopération s’impose naturellement entre police et gendarmerie. Cette coopération doit être de première importance dans les zones périurbaines, qui constituent des zones tampon entre la ville et la profondeur des territoires. Cette évolution majeure dans l’approche des problématiques de sécurité a vocation à s’étendre à d’autres agglomérations.
Par ailleurs, la logique qui préside à l’organisation des forces de police dans les grandes agglomérations doit également inspirer l’évolution du dispositif sur le reste du territoire où existe un maillage hérité de l’histoire qu’il convient d’améliorer en y apportant les adaptations nécessaires. La sécurité doit être appréhendée, aujourd’hui, sous un angle global et les citoyens qui ne vivent pas dans les grandes agglomérations, qui circulent ou qui séjournent temporairement hors de celles-ci, doivent bénéficier d’un niveau égal de sécurité.
À une vision statique de la géographie sécuritaire, il faut substituer une vision dynamique. À l’instar de la police d’agglomération, la police des territoires doit mettre en œuvre, avec les forces de la gendarmerie nationale, une stratégie homogène de la sécurité au profit de la population répartie sur des territoires étendus et hétérogènes.
La police des territoires doit être capable de contrôler des espaces étendus, composés de petites villes, de zones périurbaines et de zones rurales, ainsi que les flux nationaux et internationaux de personnes et de biens qui les traversent. Elle doit être parallèlement en contact permanent avec une population dispersée. Tout en s’appuyant sur le maillage des brigades et l’organisation intégrée de la gendarmerie, elle doit favoriser la subsidiarité et la mobilité des unités appelées à intervenir en dehors de leur périmètre d’action habituel.
Police d’agglomération, police des territoires et mise en cohérence territoriale chaque fois que nécessaire constitueront les éléments clés de l’action engagée pour adapter les forces de police et de gendarmerie aux nouveaux bassins de délinquance.
3. Mieux mobiliser les différentes réponses : prévention, dissuasion et répression
Il ne peut y avoir d’action efficace contre la délinquance qu’à la condition d’agir de façon cohérente et combinée sur les différents leviers que sont la prévention, la dissuasion et la répression, sans omettre la communication qui permet d’expliquer les raisons qui prévalent au choix du mode d’intervention.
La sécurité est une chaîne qui va de la prévention de la délinquance à l’exécution effective d’une peine, mais également jusqu’à la réinsertion du délinquant une fois que sa peine a été exécutée. La prévention doit donc être considérée comme l’un des volets essentiels de la lutte contre la délinquance. La mise en œuvre, à compter du 1er janvier 2010, des dispositions du plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes permet de mobiliser l’ensemble des acteurs de la chaîne de prévention et d’exploiter toutes les possibilités offertes par la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 précitée. Cette mobilisation porte tant sur les procédures que sur des objectifs renouvelés, selon des modalités simples, opérationnelles et efficaces. Les maires sont appelés à jouer un rôle fondamental dans la coordination des différents acteurs locaux, en particulier dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Ils sont au cœur du dispositif.
Parmi les objectifs de ce plan gouvernemental figure, notamment, le développement de la vidéoprotection, en association avec les maires. La vidéoprotection a un effet préventif et dissuasif certain et son exploitation facilite l’identification des auteurs d’infractions. D’ailleurs, une majorité de Français est favorable à l’installation de caméras pour améliorer la sécurité générale. Selon un rapport de l’inspection générale de l’administration (juillet 2009), les crimes et délits chutent, en effet, deux fois plus vite dans les villes équipées que dans celles où aucun dispositif n’est installé. L’objectif est de tripler en deux ans le nombre de caméras installées sur la voie publique (environ 20 000 en 2009).
C’est ce même souci d’une meilleure coordination des différents leviers que sont la prévention, la dissuasion et la répression qui a conduit à la mise en place des états-majors départementaux de sécurité. Afin d’améliorer et de rendre plus efficace la lutte contre la délinquance, il importait de faire en sorte qu’existe une véritable continuité entre l’action menée sous la responsabilité de l’autorité préfectorale et celle relevant de l’autorité judiciaire. Organe opérationnel du comité départemental de sécurité, l’état-major départemental de sécurité, sous la présidence conjointe du préfet et du procureur de la République, permet un pilotage plus fin et une réponse mieux coordonnée de l’action menée au plan local contre les différents phénomènes criminels et délictuels.
Agir efficacement contre la délinquance c’est, également, mobiliser toutes les ressources juridiques qui peuvent aider au quotidien l’action des services de police et de gendarmerie. C’est notamment le cas des mesures de police administrative. Elles constituent un moyen d’action dont l’utilité est avérée, qu’il s’agisse des pouvoirs de police générale du maire et/ou du préfet, ou qu’elles portent sur des domaines plus spécialisés tels que les débits de boisson, les établissements de nuit, les lieux festifs, les brocantes, vide-greniers, dépôts-vente ou sur la sécurité des établissements recevant du public.
Au-delà de la mobilisation des instruments juridiques existants, il convient d’adapter la législation et la réglementation aux besoins de sécurité et aux évolutions de la délinquance. Les attentes de nos concitoyens évoluent, les besoins de sécurité évoluent, la loi doit aussi évoluer. C’est toute l’ambition de la présente loi qui vise précisément à renforcer la protection des citoyens et la tranquillité nationale. De nouveaux moyens juridiques seront mis en place, comme celui permettant de réprimer plus sévèrement les cambriolages ou les agressions de personnes âgées, ou ceux permettant aux forces de police et de gendarmerie de disposer d’instruments juridiques mieux adaptés aux nouvelles formes de délinquance ou aux possibilités technologiques.
4. Mieux lutter contre les différentes formes de délinquance
Les services de police et de gendarmerie doivent être en mesure de faire face plus efficacement aux différentes formes de délinquance existantes, tout comme ils doivent être en situation de prendre en compte les formes de délinquance émergentes, telles celles relevant, par exemple, de la cybercriminalité. L’action des forces de sécurité s’inscrit, en effet, dans un environnement mouvant et incertain, car le phénomène de délinquance est à la fois évolutif et protéiforme. La délinquance présente une physionomie de plus en plus diversifiée, qu’il s’agisse des délinquants eux-mêmes, avec la part de plus en plus importante prise par les mineurs ou les jeunes femmes, ou des modes opératoires qui s’adaptent en temps réel aux évolutions technologiques ou aux modes d’intervention des forces de sécurité.
La nécessité s’impose de renforcer l’action dans trois domaines prioritaires : la lutte contre le trafic de drogue, la lutte contre les violences aux personnes et notamment contre les bandes, enfin la délinquance des mineurs.
* Les trafics de stupéfiants constituent un véritable fléau par la nature des problèmes qu’ils génèrent. Ils corrompent tout d’abord la jeunesse, favorisent le développement d’une économie souterraine de plus en plus puissante et engendrent de très nombreux actes de délinquance pouvant aller jusqu’à la professionnalisation de certains réseaux criminels.
Aussi le plan global de lutte contre le trafic de drogue prévoit-il d’agir aussi bien contre les gros trafiquants que contre les trafiquants de proximité. Le 11 décembre 2009 a été installé auprès du ministre de l’intérieur un secrétaire général chargé de définir et de mettre en œuvre la politique de lutte contre le trafic de drogue dans le cadre d’une action interministérielle très étroite. La mise en application de ce plan exige une totale implication des états-majors départementaux de sécurité, afin de décliner, au plan territorial, les dispositions du plan national. L’action s’organise à partir de l’élaboration d’une cartographie précise des territoires où s’exercent les trafics. Des opérations « coups de poing » sont organisées dans les quartiers les plus touchés par le phénomène afin de déstabiliser les trafiquants et faire reculer le trafic de proximité, tout spécialement aux abords des établissements scolaires.
Si ce plan appelle à une plus grande mobilisation des structures existantes avec, en particulier, un recentrage de l’activité des groupes d’intervention régionaux (GIR), il prévoit, également, un renforcement des moyens :
– humains, avec notamment l’affectation, depuis le 1er décembre 2009, de cinquante inspecteurs des services fiscaux au sein des « groupes cités » des services de police et de gendarmerie, ou la création de nouvelles unités cynophiles,
– technologiques, dans les domaines, en particulier, de la géolocalisation et de la télédétection,
– ou juridiques, avec la création d’un cadre juridique adapté pour améliorer la circulation et le partage des informations entre les services administratifs, policiers et judiciaires concernés et partager les informations soumises au secret professionnel, pour faciliter l’identification et la saisie des avoirs criminels.
Cet arsenal est complété par un important volet européen et international de nature non seulement à harmoniser les législations et les pratiques professionnelles, mais aussi à échanger encore plus efficacement les informations opérationnelles nécessaires pour combattre les trafics au plan international.
* La lutte contre les violences aux personnes est une préoccupation majeure, tant elle paraît difficile à mener, du moins pour certaines composantes de cet agrégat. C’est le cas, notamment, des violences intrafamiliales sur lesquelles les services de police ou de gendarmerie n’ont qu’une influence minime, dès lors qu’elles se déroulent dans l’intimité du foyer familial et qu’elles ne font pas l’objet d’un signalement. C’est en améliorant les conditions d’accueil dans les commissariats et les brigades et en aidant et accompagnant celles et ceux qui ont le courage de briser la loi du silence qu’on parviendra à améliorer la prévention de ces comportements et à être plus efficace dans la répression des auteurs de ces actes de maltraitance. La mise en place, en octobre 2009, de brigades de protection de la famille vise à mieux faire face à ces situations difficiles qui touchent les publics particulièrement vulnérables comme les femmes battues, les mineurs victimes de violences et les personnes âgées maltraitées.
Mais les atteintes à l’intégrité physique sont aussi, et trop souvent, le fait de bandes, plus ou moins organisées, qui terrorisent un quartier, un immeuble et/ou un moyen de transport et tentent d’imposer par la violence leur propre vision du monde. Lutter contre ce phénomène étroitement lié à ceux de la drogue et de l’économie souterraine est une nécessité absolue. Dès le mois d’octobre 2009, des groupes spéciaux d’investigation sur les bandes ont été mis en place dans les trente-quatre départements les plus touchés par les violences urbaines et des référents ont été désignés dans tous les autres services. Par ailleurs, la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique permet, désormais, de remplir plus efficacement la mission de prévention des phénomènes de violence et donc de mieux lutter contre les bandes. En région parisienne, la mise en œuvre de la police d’agglomération qui permet de coordonner l’action de 33 000 policiers sous le commandement unique du préfet de police facilite les synergies opérationnelles et renforce l’efficience des services dans la lutte contre les violences et les bandes. Enfin, l’incrimination de l’appartenance à une bande violente complétera utilement l’arsenal législatif en la matière.
* La délinquance des mineurs constitue le troisième axe sur lequel les forces de sécurité doivent faire porter leurs efforts. En effet, la part des mineurs dans la délinquance générale s’élève à 18 %. Le nombre total des mineurs mis en cause a progressé de 15,21 % entre 2002 et 2008. De surcroît, ces mineurs délinquants sont de plus en plus jeunes. Ces mineurs sont majoritairement impliqués dans des faits de dégradations, de vols, de violences ou d’infractions à la législation sur les stupéfiants. La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 précitée établit un cadre général d’action pour combattre la banalisation de la violence, depuis les incivilités à l’école jusqu’aux bagarres entre bandes. Au-delà de l’activité des brigades de protection de la famille et des brigades de prévention de la délinquance juvénile, les référents et correspondants police-jeunesse développent des actions de prévention en direction de la jeunesse. Les correspondants sécurité-écoles remplissent également ce rôle dans le cadre du partenariat établi avec l’éducation nationale. Les policiers et gendarmes formateurs anti-drogue sensibilisent les jeunes en milieu scolaire. Le concept de sanctuarisation de l’espace scolaire (SAGES) mis en place par la gendarmerie contribue à améliorer la sécurité des établissements les plus sensibles. Le plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes 2010-2012 prévoit une batterie de mesures pour mieux prévenir la délinquance des mineurs, notamment de ceux qui sont déscolarisés. Parmi celles-ci figure la systématisation de l’échange d’informations entre acteurs concernés pour faciliter le repérage des mineurs dont la situation est préoccupante au regard du risque de passage à l’acte ou de récidive, ainsi que le renforcement de la collaboration entre les institutions pour assurer une réponse rapide et adaptée qui s’adresse tant aux mineurs concernés qu’à leur famille. Les brigades de protection de la famille sont mobilisées dans le cadre de ce plan en vue, également, d’initier et d’animer des actions de prévention. Des mesures plus dissuasives sont à l’étude, comme celles consistant à permettre aux préfets de décider d’un couvre-feu ciblé pour des mineurs de 13 ans.
5. Préparer l’avenir
Il s’agit, d’abord, de faire en sorte que les forces de sécurité puissent s’adapter aux évolutions de la délinquance liées aux nouvelles technologies. Cela passe à la fois par la recherche, mais également par l’acquisition de nouveaux équipements et la formation des personnels. Le développement des nouvelles technologies doit être mis à profit dans tous les domaines intéressant l’activité des services, aussi bien dans les missions de sécurité générale qu’en matière de lutte anti-terroriste ou d’investigation judiciaire : traitement de l’information et des données techniques, moyens de communication, d’observation et d’enregistrement, vidéoprotection, biométrie, matériel roulant, moyens aériens et nautiques, systèmes de signalisation, armement, équipements de protection...
La préparation de l’avenir nécessite, aussi, de conforter la protection du territoire et de la population, en France comme à l’étranger, d’une part contre les menaces terroristes ou extrémistes et, d’autre part, contre les nouvelles formes d’insécurité susceptibles de se développer au niveau mondial. Déjà, la globalisation économique permet une propagation de la criminalité organisée ; la multiplication des conflits extérieurs porte la menace d’une possible transposition sur notre territoire ; les infrastructures critiques d’importance vitale constituent des cibles potentielles pour les organisations criminelles et le cyberespace devient le champ d’action des criminels de tous genres. La vigilance est donc de rigueur et doit rester tendue vers la détection des signaux faibles, précurseurs ou annonciateurs de menaces ou de crises imminentes.
D’autres vulnérabilités, liées aux évolutions sociales et sociétales, sont à prendre en compte dès à présent. C’est précisément le cas du vieillissement démographique qui donne naissance à de nouvelles fragilités. Les personnes âgées sont notamment des cibles privilégiées dans le cadre du développement des escroqueries et de la délinquance itinérante. Elles sont, en outre, beaucoup plus sujettes aux pressions et sollicitations de leur entourage, comme elles sont plus exposées aux infractions sanitaires et sociales au sein des établissements spécialisés ou à domicile. Cette problématique particulière a fait l’objet d’une mission temporaire confiée par le Premier ministre à M. Édouard Courtial, député, afin d’analyser les besoins de sécurité liés au vieillissement de la population et de proposer un plan d’action.
Préparer l’avenir, c’est aussi développer de nouvelles relations entre les forces de sécurité et la population. Seules une police et une gendarmerie exemplaires, c’est-à-dire agissant dans le respect des valeurs républicaines, peuvent être efficaces. Cette efficacité réside dans la qualité de la réponse que les deux forces apportent aux attentes du corps social dont elles procèdent et qui les a investies. La déontologie est donc au cœur des relations entre les représentants des forces de sécurité et les citoyens. C’est parce que la déontologie est et sera respectée que s’établira un véritable lien de confiance avec la population. C’est le respect de la déontologie qui permet d’affirmer le sens du discernement et de conforter l’éthique de la responsabilité, gages du professionnalisme des policiers et des gendarmes.
La qualité de ce lien tissé avec la population sera d’autant plus grande que les victimes seront prises en charge avec toute la considération qui leur est due. L’aide aux victimes constitue l’une des quatre priorités du plan national de prévention de la délinquance. C’est dans ce cadre que sera développé le dispositif des intervenants sociaux dans les services de police et de gendarmerie, de même que les permanences d’associations d’aide aux victimes. L’expérimentation de la pré-plainte en ligne puis, le cas échéant, son extension, peut contribuer à améliorer l’accueil des victimes en facilitant les démarches des usagers, et des initiatives nouvelles seront prises pour favoriser le dialogue entre les forces de sécurité et la population et, notamment, avec les jeunes.
Tous les ans, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales procédera en liaison avec l’Institut national de la statistique et des études économiques à une enquête nationale de victimation dont les résultats seront publiés.
Enfin, les états statistiques existants seront enrichis dans leur contenu et adaptés dans leur présentation. Au terme de la réflexion conduite avec l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), seront proposés de nouveaux outils qui offriront non seulement un support de communication pertinent, mais également les moyens de mieux mesurer les attentes de la population et de permettre un pilotage plus fin de l’activité des services, ainsi que des indicateurs appropriés pour évaluer la performance des différents services et des principaux acteurs, et les résultats concrets obtenus en matière de lutte contre l’insécurité.
II. – OPTIMISER L’ACTION DES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE DANS LE CADRE DU RAPPROCHEMENT POLICE/GENDARMERIE
La gendarmerie nationale est placée sous l’autorité fonctionnelle du ministre de l’intérieur depuis le 15 mai 2002 pour ses missions de sécurité intérieure. La loi n° 2009-971 du 3 août 2009 précitée a scellé son rattachement organique, tout en garantissant le statut militaire de la gendarmerie. Le rapprochement des deux forces sous un seul et même commandement est une réforme majeure et structurante pour les années à venir. Il ne s’agit pas d’instaurer une concurrence entre police et gendarmerie, mais de développer les complémentarités dans un but essentiellement opérationnel. L’objectif est, en effet, de donner plus d’efficacité aux dispositifs de sécurité, certes en mutualisant les moyens, mais surtout en développant les synergies et en renforçant la maîtrise des territoires. Beaucoup a déjà été entrepris en ce sens, mais la symbiose ne pourra être effective qu’à la condition d’être progressive et résolue pendant la période couverte par la LOPPSI.
1. Optimiser la coopération et la complémentarité opérationnelles
La coopération doit être développée dans le domaine opérationnel, comme c’est déjà le cas au sein des groupes d’intervention régionaux (GIR), des offices centraux, du réseau des attachés de sécurité intérieure ou de la coordination des forces mobiles.
Un travail d’analyse systématique des compétences opérationnelles et des actions des deux forces a été engagé. Il doit déboucher sur un schéma d’organisation des forces de sécurité intérieure qui soit le mieux adapté à l’efficacité opérationnelle dans les différents domaines d’activité, comme le renseignement, la sécurité générale, l’ordre public, la police judiciaire ou la coopération internationale. Ce schéma, qui tendra à réduire les doublons et les redondances, proposera, selon les cas, de désigner une direction pilote, de mettre en place une structure d’action commune, d’élaborer un protocole de coopération ou de dégager des doctrines d’emploi ou des règles d’action communes. Cette démarche engagée au deuxième semestre 2009 sera menée à bien dans le courant de l’année 2010. D’ores et déjà, il a été décidé de créer une structure d’action commune dans le domaine de la coopération internationale. En outre, les systèmes d’information et de commandement et les technologies de la sécurité intérieure participant directement à l’efficacité et à la modernisation des forces, il a été décidé de créer une structure commune pour favoriser les synergies.
Au-delà de ces ajustements, il s’agira de réaliser une approche plus globale en termes d’organisation, de couverture territoriale et de fonctionnement des forces de sécurité intérieure.
Ainsi, les ressources de la police et de la gendarmerie doivent être optimisées pour répondre au mieux aux attentes de la population en prenant en compte la réalité de la délinquance et son évolution. L’effort doit porter sur la recherche de la meilleure adaptation, localement, du dispositif tout en préservant les liens de confiance avec la population, en améliorant la capacité de lutte contre les diverses formes d’insécurité et en mettant à profit le développement des nouvelles technologies.
La mise en œuvre des redéploiements des zones de sécurité publique entre les deux forces, associée à l’évolution des charges auxquelles la gendarmerie et la police devront faire face, nécessitera une adaptation des modes d’organisation et de fonctionnement. Le cadre réglementaire régissant la compétence territoriale de la gendarmerie et de la police nationales sera aménagé afin d’assurer une plus grande cohérence opérationnelle pour couvrir les différents bassins de délinquance.
Les missions de garde et d’escorte au profit des centres de rétention administrative (CRA) seront intégralement transférées à la police aux frontières ; le schéma des forces mobiles de la gendarmerie sera aménagé pour tenir compte de ce transfert. Plus généralement, l’évolution des missions des forces mobiles de la gendarmerie et de la police rendra nécessaire une adaptation de leurs conditions d’emploi.
Tout en garantissant une qualité de l’offre de sécurité égale selon le mode d’organisation et de fonctionnement propre à chaque force, l’attention sera portée notamment sur un rééquilibrage des moyens entre les territoires. Les délais d’intervention devront rester adaptés à la nature des zones, au nombre et à la fréquence des sollicitations.
Tirant les enseignements de la généralisation des différents contrôles automatisés, les modalités d’emploi des unités spécialisées en sécurité routière seront également réaménagées et un effort particulier sera consacré au réseau dit secondaire.
2. Systématiser la mutualisation des moyens et des actions de gestion en matière de ressources humaines
Au plan de l’appui opérationnel, la lutte contre les violences urbaines, les troubles graves à l’ordre public et l’immigration clandestine imposent l’intensification du recours aux moyens spécialisés.
Dans ce cadre, afin d’optimiser l’utilisation des matériels dont les coûts d’acquisition et de maintenance sont particulièrement élevés, les moyens aériens et nautiques, les véhicules blindés et les fourgons-pompes de la police et de la gendarmerie seront engagés au profit des deux forces. Les bornes de signalisation par empreintes digitales de la police pourront dans certains départements être ouvertes aux services de gendarmerie.
Pour ce faire, des protocoles seront systématiquement établis pour compenser les coûts liés à l’augmentation d’activité, coordonner l’engagement de ces moyens et garantir une réactivité optimale.
La convergence sera activement engagée en matière d’équipements automobiles et de moyens de communication. Les deux forces opérationnelles se doteront massivement de systèmes embarqués dans les véhicules d’intervention.
Après l’achèvement du déploiement du réseau de communication de la police (ACROPOL), une convergence des nouveaux vecteurs de communication des différents services de la sécurité intérieure devra être recherchée pour une interopérabilité complète, à terme, de leurs réseaux de transmission. Les réseaux seront ouverts progressivement aux autres services contribuant à la sécurité dans la limite des ressources disponibles du réseau. Des modalités de gestion opérationnelle seront déterminées pour gérer le partage des ressources des réseaux ACROPOL (police et gendarmerie mobile) et ANTARES (réseau de communication des services départementaux d’incendie et de secours et de la sécurité civile) dans le cadre de la mise en place d’une infrastructure partagée des télécommunications.
Sur la base de ces réseaux, les centres d’information et de commandement (CIC) de la police seront modernisés pour fournir une réactivité optimale des forces. S’agissant des forces de gendarmerie, la poursuite du système départemental de centralisation de l’information COG RENS (projet ATHENA adossé au réseau RUBIS) offrira des fonctionnalités similaires.
L’optimisation des moyens de transports à vocation logistique sera assurée entre la gendarmerie et la police aux niveaux national et local.
La sécurité civile sera pleinement associée à cette démarche, notamment en ce qui concerne les aéronefs, les bases et la politique de maintenance. Dans le respect des objectifs opérationnels, cette mutualisation sera particulièrement recherchée outre-mer, où le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales se verra confier à partir de 2012 de nouvelles responsabilités en lieu et place des armées.
Le domaine des prestations de soutien constitue un champ de mutualisation privilégiée entre police et gendarmerie, notamment dans les domaines suivants : immobilier, moyens d’entraînement, équipement et maintenance automobile, police technique et scientifique, risque NRBC (nucléaire, radioactif, bactériologique et chimique).
Mutualiser l’immobilier
S’agissant de l’immobilier, le redéploiement des zones de compétence entre police et gendarmerie, au cours des cinq prochaines années, conduira à un partage des implantations immobilières selon la nature des futurs services compétents.
Ce redéploiement des zones de compétence s’accompagnera d’une réorganisation de la conduite d’opérations. Les secrétariats généraux pour l’administration de la police (SGAP) sont appelés à devenir les services constructeurs de droit commun pour l’ensemble du ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Quant à la définition et la mise en œuvre de la politique immobilière de la police et de la gendarmerie, elles sont confiées au secrétaire général du ministère sur la base des priorités définies par les deux directions générales concernées.
Une expérimentation de mutualisation et d’externalisation de la maintenance des infrastructures est actuellement menée en régions Auvergne et Limousin. Les résultats de cette expérimentation pourront conduire à une extension du dispositif à d’autres régions.
Des moyens d’entraînement communs
L’utilisation d’un centre d’entraînement commun à la lutte contre les violences urbaines sera favorisée dans l’optique du développement de standards européens, dynamique déjà engagée, par exemple, avec le centre national d’entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier (Dordogne).
De même, la formation à des spécialités communes à la police et à la gendarmerie pourra être mutualisée dans une même école ou un même centre.
Mutualiser l’équipement et le soutien automobile
Sauf exception, la mutualisation des achats, des équipements ainsi que du soutien automobile est désormais la règle entre les deux forces.
En matière d’habillement, la police nationale a externalisé cette prestation. La gendarmerie nationale mettra en œuvre des modalités d’externalisation de la gestion de son habillement.
Le nouveau site logistique de la police nationale de Limoges assurera désormais le soutien des armes et la transformation des véhicules spécifiques pour les deux forces.
Ses activités sont complémentaires de celles du site de la gendarmerie nationale du Blanc (Indre) qui se spécialisera dans le soutien des effets de matériels de protection et la mutualisation des transports de matériels en métropole et en outre-mer.
La complémentarité de ces deux sites permettra de rendre plus performante la coopération entre les deux forces, à commencer par la mutualisation, au Blanc, de la chaîne de reconditionnement des gilets pare-balles.
Le service de diffusion de la gendarmerie de Limoges exerce ses activités au bénéfice des deux forces.
Sur l’ensemble du territoire, police et gendarmerie ont engagé des actions en vue de mutualiser leurs ateliers de soutien automobile. Plus de soixante-dix projets sont aujourd’hui en cours d’étude, qui seront déclinés dans des plans zonaux de mutualisation du soutien automobile.
Enfin, la passation de marchés mutualisés de véhicules spécifiques a permis à la police et à la gendarmerie d’optimiser leurs coûts d’achats et d’entretien.
La définition conjointe de futurs véhicules permettra une optimisation financière dans la passation des marchés mais aussi une rationalisation déjà engagée dans le soutien mutuel.
Complémentarité dans le domaine de la police technique et scientifique
Dans le domaine de la police technique et scientifique, une complémentarité technique des interventions sera organisée, fondée sur la recherche du plus haut niveau de professionnalisme disponible sur un territoire donné, à l’instar de l’unité nationale d’identification des victimes de catastrophes (UNIVC). De même, l’harmonisation des technologies de pointe utilisées et leur concentration sur des sites uniques spécialisés par domaine particulier seront examinées et mises en œuvre le cas échéant. Une complémentarité technique pourra être étudiée dans certains départements en matière de recherche et de traitement des indices dans les plateaux techniques locaux. Des expérimentations ponctuelles pourront être proposées pour en évaluer les possibilités.
Une gestion partagée du risque NRBC
Comme le livre blanc sur la défense et la sécurité l’a souligné, l’évolution des menaces et des risques NRBC (nucléaire, radioactif, bactériologique et chimique) impose d’améliorer et de renforcer la coordination des capacités de protection et de conduire des programmes de recherche et d’équipement.
Cet effort s’impose en tout premier lieu à la direction de la sécurité civile. Celle-ci devra disposer des capacités mobiles d’identification des agents chimiques et biologiques. Ainsi, est retenu l’objectif d’un parc de 16 véhicules de détection, prélèvement et identification biologique et chimique, et son évolution au fur et à mesure des avancées, pour assurer la couverture des seize principales agglomérations de métropole. De plus, le nombre de chaînes de décontamination mobiles sera triplé (68 en 2008) d’ici à 2013, avec une attention particulière aux moyens disponibles dans les départements et collectivités d’outre-mer (DOM-COM).
Ainsi, l’interopérabilité entre le détachement central interministériel (DCI), chargé de l’intervention technique sur tout engin, et les unités d’intervention de la police et de la gendarmerie, dont l’action est tournée contre les auteurs d’une menace terroriste, sera développée. Cette complémentarité doit être obtenue et exploitée tant lors des phases préventives (détection, sécurisation des lieux, protection des cibles potentielles) que lors des phases d’intervention (neutralisation de la menace d’origine humaine, démantèlement de l’engin NRBC) ou de police judiciaire (préservation de la preuve), en garantissant la continuité des opérations.
Enfin, conformément aux préconisations du livre blanc, sera projetée la création d’un centre national de formation en matière NRBC. Ce centre aura vocation à regrouper l’ensemble des services, civils et militaires, susceptibles d’intervenir à ce titre. Il devra ainsi concourir à renforcer l’efficacité de l’État.
Mutualiser des actions de gestion en matière de ressources humaines
Au-delà des démarches déjà engagées de mutualisation dans le domaine logistique, d’autres formes de partenariat seront explorées, concernant notamment certains aspects du recrutement et de la formation, ainsi que certaines mesures relatives à l’accompagnement des gendarmes adjoints volontaires et des adjoints de sécurité.
S’agissant du recrutement, le partenariat doit permettre des économies d’échelle. Ainsi, dans le respect des conditions d’emploi attachées à l’état de militaire ou de fonctionnaire civil, la cohérence et la complémentarité des dispositifs de recrutement des deux institutions, dans l’organisation matérielle de la sélection, seront recherchées. En outre, les emplois de soutien techniques et administratifs des deux forces relèvent d’une même logique fonctionnelle et nécessitent le recrutement d’agents titulaires de qualifications identiques.
La gendarmerie, qui développera largement le recours aux personnels civils à l’occasion de la LOPPSI, fera appel aux moyens ministériels pour former ses nouveaux collaborateurs.
La formation des plongeurs des deux forces de sécurité sera assurée dans le centre existant de la gendarmerie implanté à Antibes. Des projets de mutualisation des centres de formation des maîtres-chiens et des motocyclistes sont actuellement à l’étude, une expertise de la faisabilité des opérations de regroupement étant en cours. La police, en étroite coordination avec la gendarmerie, assurera des formations spécialisées dans le domaine du renseignement et de la prévention situationnelle.
Enfin, la logique d’accompagnement des gendarmes adjoints volontaires et des adjoints de sécurité dans leur recherche d’emploi à l’issue de leurs contrats successifs est développée par les deux forces de sécurité. Cette démarche d’accompagnement sera étroitement concertée.
III. – ACCROÎTRE LA MODERNISATION DES FORCES EN INTÉGRANT PLEINEMENT LES PROGRÈS TECHNOLOGIQUES
1. Des policiers et des gendarmes mieux équipés pour faire face aux nouvelles menaces
Des tenues plus protectrices
Les phénomènes de violences urbaines et les agressions dirigées contre les forces de l’ordre, de plus en plus par usage d’armes à feu, rendent nécessaire l’adaptation continue des équipements des policiers et des gendarmes. Les exigences sont accrues en matière de résistance des matériaux utilisés pour les tenues ainsi que pour les véhicules : nouveaux textiles, nouvelles matières pour les effets pare-coups, les casques, les visières, les boucliers, etc.
Les risques croissants auxquels sont exposés les policiers justifient de passer d’une logique de dotation collective à un régime de dotation individuelle du casque pare-coups. Dans cette perspective, 40 000 casques seront acquis pour compléter l’équipement des policiers d’ici la fin 2010.
Les militaires de la gendarmerie mobile seront équipés d’une tenue d’intervention de nouvelle génération, de conception modulaire (insertion de coques souples ou rigides selon le besoin, protection contre les projections de produits corrosifs), tout en maintenant un certain confort grâce, notamment, à une meilleure isolation thermique. Par ailleurs, 4 000 gilets pare-balles à port apparent ainsi que des pare-coups et des chasubles d’emport pour les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie (PSIG) viendront améliorer la protection individuelle des gendarmes départementaux servant dans les zones les plus exposées.
Des moyens gradués d’intervention, notamment les moyens de force intermédiaire
La police et la gendarmerie se sont dotées depuis 1995 de lanceurs de balles « Flash Ball Super pro » de calibre 44 millimètres et de la grenade de dispersion.
Depuis 2006, elles ont engagé conjointement des procédures d’acquisition du pistolet à impulsions électriques, du lanceur de balles de défense (LBD de calibre 40x46 millimètres) et du dispositif d’interception des véhicules automobiles permettant la neutralisation d’un véhicule en toute sécurité par le dégonflage progressif des pneumatiques.
Au sein de la gendarmerie, le déploiement de dix stands de tir mobiles (en mutualisation avec la police nationale) dans les centres de formation et les départements les plus sensibles (également mutualisés avec la police nationale) permettra de parfaire la maîtrise des armes en dotation.
Le lanceur de balles de défense de 40x46 millimètres sera généralisé par l’acquisition de 4 300 matériels supplémentaires destinés aux unités spécialisées de la police (2 500) et de la gendarmerie (1 800) nationales.
Différents équipements, armes et munitions seront développés en partenariat pour diversifier la réponse à la violence : munitions marquantes, lacrymogènes, cinétiques, éblouissantes, incapacitantes, assourdissantes. Une attention particulière sera portée au développement de technologies nouvelles (générateurs de sons, munitions électriques, ...).
L’équipement de la gendarmerie mobile en moyens lourds de dégagement et d’appui au déplacement (engin du génie EGAME) ainsi que de neutralisation d’axes (dispositif de retenue du public DRAP dans la catégorie des barres ponts) sera poursuivi.
Des moyens d’observation adaptés à l’intervention nocturne en milieu urbain
Les équipements discrets pour les services de renseignement ou d’investigation permettront d’établir la participation à des faits délictueux et violents à base d’enregistrements numériques.
Un équipement automobile, instrument de la lutte contre la délinquance
Afin de prévenir toute contestation sur les modalités d’intervention des forces de l’ordre, l’expérimentation de vidéo embarquée dans les véhicules légers, engagée en 2006 dans la police et la gendarmerie nationales, sera étendue. Cette avancée technologique, corrélée à celle de la montée en puissance des centres d’information et de commandement de la police et des centres opérationnels de la gendarmerie, permettra un pilotage en temps réel des interventions des effectifs de la police nationale et des patrouilles de la gendarmerie nationale.
Le parc automobile s’adaptera aux phénomènes de violences urbaines. Ainsi, les compagnies d’intervention de la police nationale disposeront sans délai de véhicules adaptés à la nature de leurs missions et aux risques auxquels les personnels sont exposés.
Les policiers et les gendarmes, notamment ceux appelés à intervenir dans les zones sensibles, seront équipés de véhicules à la maniabilité et à la protection renforcées, intégrant des dispositifs de liaison permanente entre les personnels embarqués et au sol.
2. Des technologies nouvelles au service de la sécurité du quotidien
Au-delà de la poursuite des programmes déjà engagés, de nouveaux programmes visant une rupture technologique seront développés notamment en ce qui concerne la vidéoprotection, la biométrie, les moyens aériens de type drones et les outils de traitement de l’information.
Des technologies nouvelles embarquées pour un emploi plus rationnel des effectifs
Elles offrent, grâce à la sécurisation et au développement de la transmission des données, des outils de consultation des fichiers et des moyens de contrôle sur le terrain qui permettent aux policiers et aux gendarmes d’être plus efficaces dans leur travail de contrôle, mais aussi plus réactifs vis-à-vis de la population.
Dans cette optique, l’informatique embarquée dans les véhicules de police sera développée afin de faciliter la consultation des fichiers à distance.
D’ici à 2013, l’ensemble du parc des véhicules sérigraphiés de la sécurité publique et des CRS (10 000 véhicules) devra être équipé en terminaux embarqués polyvalents. La gendarmerie nationale a achevé en 2009 l’équipement des terminaux informatiques embarqués (TIE) de 6 500 véhicules et 500 motocyclettes.
La lecture automatique des plaques d’immatriculation
Le dispositif prévu par la loi de lutte contre le terrorisme de janvier 2006, actuellement en cours d’expérimentation, sera déployé par la police et la gendarmerie. Les douanes s’associeront au programme qui sera constitué de systèmes fixes et mobiles. Un système central permettra de traiter plus spécifiquement des données liées à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. 500 véhicules seront équipés du dispositif mobile.
Le renforcement des moyens de renseignement et de lutte contre le terrorisme
La collecte d’informations et le traitement des données seront favorisés pour permettre de détecter les signaux faibles en amont de la commission d’attentat. Les outils de fouille opérationnelle, d’analyse de texte et des bases de données et la lutte contre le terrorisme NRBC sont autant d’axes de développement. L’effort d’équipement porte aussi sur le pistage de nouvelle génération miniaturisé, le traitement des données techniques liées à la téléphonie et à l’utilisation des réseaux IP, l’interception et le renseignement transfrontière.
La capacité de contre-renseignement sera également accrue par le déploiement de scanners plus performants, l’interception et le brouillage des téléphones portables et satellitaires.
Une vidéo plus largement utilisée
L’usage de la vidéo sera intensifié pour améliorer l’efficacité de l’action policière avec le développement d’une vidéoprotection moderne et normalisée, des caméras embarquées, des moyens vidéos pour lutter contre les violences urbaines, etc.
L’enjeu sera avant tout de traiter les informations et d’intégrer à l’ensemble des flux vidéos l’intelligence logicielle capable d’apporter des réponses rapides pour prévenir l’infraction ou encore apporter des éléments utiles aux enquêteurs. Des outils d’exploitation seront mis en place aux niveaux national et local. En particulier, le cas de l’exploitation des données massives post-attentat fera l’objet d’un projet dédié.
Un plan de développement de la vidéoprotection est en cours de déploiement par le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, pour tripler (de 20 000 à 60 000) le nombre de caméras sur la voie publique et permettre aux services de police et de gendarmerie d’accéder aux images. 75 villes ont bénéficié en 2009 d’un accompagnement financier par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) pour compléter les installations existantes.
Au-delà de l’installation des caméras, l’effort portera sur la qualité des matériels et des images, sur le raccordement des centres d’information et de commandement (CIC) de la police et des centres opérationnels de la gendarmerie (COG) aux dispositifs de vidéoprotection urbaine et sur leur équipement en moyens de visualisation des images.
À Paris, la préfecture de police bénéficiera du renforcement de son réseau de vidéoprotection pour le porter au total à environ un millier de caméras. Afin d’optimiser le coût global de cette opération, une solution de contrat en partenariat public-privé a été retenue et sa mise en œuvre est en cours.
Des outils plus performants au service de l’investigation judiciaire et de la lutte contre la cybercriminalité
Les outils technologiques devront contribuer de façon majeure à l’investigation judiciaire pour faire sensiblement progresser l’élucidation.
Les outils de lutte contre la cybercriminalité seront généralisés et renouvelés pour permettre d’être en phase avec ce type de criminalité très évolutive. En particulier, la lutte contre les usages illicites d’internet, comme la radicalisation religieuse ou la pédopornographie, fera l’objet de mesures particulières.
Pour améliorer le taux d’élucidation de la délinquance et mettre davantage en évidence le caractère multiréitérant de nombreux auteurs de faits, les forces de sécurité s’engageront dans le déploiement de dispositifs de détection des phénomènes sériels. La multiréitération pourra ainsi être mieux prise en compte sur le plan pénal.
La modernisation de la gestion de l’urgence et des grands événements
Les centres d’information et de commandement (CIC) de la police nationale seront modernisés. Ils constitueront ainsi de réels centres opérationnels recueillant l’ensemble des données permettant une analyse des situations.
Après les 35 premiers centres achevés et livrés fin 2009, la poursuite du déploiement devra tenir compte des besoins nouveaux affichés : équipement de la préfecture de police, équipement des aéroports et des centres zonaux de la police aux frontières, équipement des centres de commandement autoroutiers CRS. Ces sites seront équipés de nouvelles installations qui permettront notamment de mettre en place la géolocalisation des équipages en véhicules et à pied, de rationaliser et professionnaliser la gestion des appels de police-secours, de mettre à disposition des référentiels cartographiques, d’exploiter les données de vidéoprotection urbaines et d’optimiser l’emploi des forces dans la logique de la police d’agglomération.
Avec le développement et la réalisation du projet ATHENA, la gendarmerie lancera la modernisation des COG dans chaque département. Le système de centralisation de l’information départemental offrira des fonctionnalités nouvelles dans la centralisation des appels, la gestion du renseignement et la gestion des interventions par géolocalisation.
La gendarmerie poursuivra le déploiement de systèmes de retransmission des images captées par les caméras gyrostabilisées installées sur les nouveaux hélicoptères légers de surveillance. Ce moyen constituera un dispositif d’aide à la décision précieux à l’occasion des événements majeurs. Il sera donc interopérable avec les systèmes d’information de la police afin de renvoyer les images dans les CIC et les COG.
La police déploiera son programme de minidrones d’observation et poursuivra la location d’avions pour les missions d’observation et d’appui. L’usage des moyens aériens sera mutualisé entre les deux forces, en liaison avec les moyens techniques, logistiques et humains de la sécurité civile.
Pour faire face aux situations de crise, la police mettra en place un système spécifique de gestion de crise et de prises d’otages. Il accompagnera la montée en puissance de la force d’intervention de la police nationale (FIPN).
Parallèlement, la gendarmerie poursuivra la montée en puissance de son état-major de projection et de gestion de crise. Conjugué à la réorganisation récente du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), ce dispositif permettra d’accroître les capacités de riposte face aux situations extrêmes, telles que les prises d’otages de masse ou complexes, tant sur le territoire national qu’à l’étranger. Doté de structures modulaires transportables avec systèmes de communication intégrés, cet état-major viendra appuyer les échelons de commandement locaux pour la planification et la conduite de services majeurs de sécurité occasionnés, notamment, par des déplacements d’autorités de premier plan ou par des grands rassemblements de personnes.
Un renforcement des moyens de la police scientifique et technique
En priorité, une solution immobilière sera trouvée pour l’implantation des laboratoires de la région parisienne. Leur relogement devra prendre en compte, d’une part, la forte augmentation prévisionnelle des effectifs de la police scientifique parallèlement à la poursuite de la substitution entre actifs et administratifs, d’autre part, la nécessaire modernisation des moyens de fonctionnement des laboratoires. Ce sera aussi l’occasion de renouveler certains outils de laboratoire.
Dans le même temps, le transfert de l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), dont la construction du pôle génétique est déjà amorcée, et du service technique de recherche judiciaire et de documentation (STRJD) sera conduit à son terme sur le site de Pontoise. L’ensemble des capacités judiciaires nationales spécialisées de la gendarmerie seront ainsi regroupées sur ce site dans une logique de cohérence des procédures et des protocoles d’enquêtes.
Le changement de génération du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et du fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) permettra le traitement des empreintes palmaires, l’échange avec les pays signataires du traité de Prüm et l’accélération des temps d’exploitation des traces.
La modernisation des moyens employés sur la scène de crime doit permettre de doter les techniciens de police technique et scientifique de tous les moyens de détection utilisables pour accéder et faciliter a posteriori le traitement des données recueillies.
L’accroissement du nombre de personnes signalées dans le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) conduira à une augmentation des prélèvements sur les scènes d’infractions liées à la délinquance de masse afin d’améliorer le taux de résolution des affaires. Les laboratoires de police scientifique (INPS et IRCGN) devront être en mesure de traiter de nouveaux flux (individus et traces) en se dotant de chaînes analytiques adaptées.
La gendarmerie renforcera ses outils permettant une élucidation des infractions à partir de l’analyse des phénomènes sériels et d’une analyse des phénomènes de flux de délinquance.
Une recherche en sécurité au service de la performance technologique
Facteur plus général de changement, la recherche en sécurité doit s’inscrire au cœur de l’action de soutien aux forces de l’ordre.
La création d’un centre de recherche moderne au périmètre élargi aux forces de sécurité intérieure et doté de moyens renforcés apparaît à ce titre indispensable. Il veillera à la bonne application des orientations retenues sous la gouvernance d’un conseil scientifique qui sera créé.
La recherche visera notamment à trouver les solutions innovantes dans des domaines tels que les dispositifs d’arrêt de véhicules, la détection de drogues et d’explosifs, la protection des fonctionnaires, la miniaturisation des capteurs, la vidéoprotection intelligente, la transmission de données sécurisée, la fouille des données sur internet, la reconnaissance faciale, les nouvelles technologies de biométrie...
Une ligne de crédits sera donc dégagée pour favoriser l’implication des petites et moyennes entreprises innovantes dans ces travaux et participer aux travaux de normalisation intéressant la sécurité.
3. La modernisation du système d’alerte des populations
En dehors des 2 000 sirènes communales, le réseau national d’alerte, composé de 4 300 sirènes dont 3 900 opérantes, date de 1950. Ni sa technologie obsolète, ni sa vocation, ni son implantation ne répondent plus aux objectifs actuels, a fortiori ceux de demain. Il est donc indispensable d’adopter un nouveau système d’alerte.
Celui-ci, présent dans les grandes agglomérations et les bassins de risques, devra pouvoir utiliser les technologies les plus modernes et être déclenché de manière sélective. En particulier, le nouveau système d’alerte devra être en mesure de répondre aux risques de tsunami.
Le nouveau système sera réalisé d’ici la fin de la période de programmation de la LOPPSI : il comprend une modernisation du réseau traditionnel, ainsi que la mise en œuvre d’un système permettant la diffusion de l’alerte dans un périmètre défini par l’envoi de messages SMS à tout détenteur de GSM (système dit « cell broadcasting »), ainsi que l’établissement de conventions de partenariat avec les médias.
4. Des technologies nouvelles au service des victimes
Les moyens technologiques doivent contribuer à la qualité du service offert aux citoyens et en particulier aux victimes, au-delà de l’amélioration de l’efficacité des forces de l’ordre en matière de prévention des crimes et délits et de leur élucidation.
Des procédures dématérialisées
L’utilisation d’internet pour le signalement des faits et la disponibilité des bases d’information ou documentaires sont des vecteurs d’amélioration de la satisfaction des citoyens. Ces innovations doivent être envisagées en toute sécurité pour ne pas altérer la confiance que le public porte aux forces de l’ordre.
Des auditions des gardes à vue enregistrées pour une plus grande sécurité
Dans le cadre de la réforme de la justice, ce dispositif contribuera à mieux sécuriser les procédures et donc à améliorer la qualité du service fourni aux victimes.
Un accueil irréprochable
Il reste une priorité en phase avec les nouveaux modes de vie de nos concitoyens. La confidentialité des échanges sera facilitée par un réaménagement des locaux d’accueil. Un réseau de bornes visiophoniques, déployé dans les 4 300 unités de gendarmerie, permettra de mieux répondre aux sollicitations du public et des plaignants.
Ces efforts d’accueil devront d’ailleurs s’inscrire dans une démarche globale de qualité, pour offrir le meilleur service au public. Le développement de projets de service aux différents niveaux de l’organisation garantira l’adaptation permanente du service public aux exigences de la population et à l’évolution de la société.
5. Moderniser le parc automobile dans le cadre d’une politique de développement durable
Fortes collectivement de quelque 245 000 agents, la gendarmerie et la police se situeront aux premiers plans de l’action publique en faveur du développement durable.
Une modernisation du parc automobile sera entreprise par un plan de réforme des véhicules les plus anciens, souvent les plus polluants et entraînant des coûts de maintenance élevés.
Une dotation de référence sera définie afin de ramener le parc automobile de la police vers une cible de 28 500 véhicules, pour 31 500 aujourd’hui. Cette baisse qui dépasse l’évolution programmée du plafond d’emplois témoigne de l’effort d’optimisation de la gestion du parc automobile. Pour ce qui concerne la gendarmerie, le même effort de rationalisation permettra une réduction de son parc automobile de 3 000 véhicules d’ici 2012, ramenant sa dotation à 29 000 véhicules.
Les deux forces se fixent pour objectif de parvenir à ce que 50 % des véhicules acquis chaque année rejettent moins de 130 grammes de dioxyde de carbone au kilomètre.
Enfin, les procédures de certification des garages de la police seront généralisées afin de parvenir à une gestion rigoureuse des déchets industriels. S’agissant de la gendarmerie, la gestion de ces déchets est externalisée.
IV. – RÉNOVER LE MANAGEMENT DES RESSOURCES ET LES MODES D’ORGANISATION
1. Mettre un terme à l’emploi des policiers et des gendarmes dans des fonctions qui ne sont pas strictement liées à leur cœur de métier
L’efficacité des forces de gendarmerie et de police impose qu’elles se consacrent à leurs métiers et ne soient pas employées dans des tâches auxquelles elles ne sont pas destinées. Le transfert des tâches administratives et techniques actuellement remplies par des policiers et des gendarmes à des agents spécialisés dans ces fonctions sera mis en œuvre avec ambition.
Au sein de la police, les effectifs des personnels administratifs, techniques et scientifiques représenteront au moins 21 000 ETPT (équivalent temps plein travaillé) d’ici la fin de la période de programmation de la LOPPSI. Cet objectif évoluera en fonction des restructurations de services territoriaux et de la montée en puissance des applications métiers.
Au sein de la gendarmerie, le système de soutien doit radicalement évoluer au travers d’une politique volontariste de transformation de postes de sous-officiers et officiers de gendarmerie en personnels militaires du corps de soutien de la gendarmerie et en personnels civils dont le nombre passera de 6 000 à 10 700 en 2017.
En outre, l’apport des nouvelles technologies conduira à rechercher la suppression des missions de garde statique et de toutes les tâches non directement liées aux missions de sécurité pour permettre un réengagement plus dynamique des forces dans le domaine de la sécurité publique.
En tout état de cause, les évolutions annoncées de l’emploi public au cours des années à venir rendent indispensable que gendarmes et policiers soient déchargés d’activités non directement liées à leurs missions de sécurité.
Dans ce cadre, à l’instar de la fonction habillement au sein de la police, la solution de l’externalisation sera examinée à chaque fois qu’elle est susceptible d’assurer un service de qualité au moins égal avec un coût moindre par rapport à l’organisation actuelle. Tel sera particulièrement le cas pour les fonctions logistiques comme l’habillement dans la gendarmerie, la gestion immobilière et celle du parc des autocars.
2. Faire de l’immobilier un levier de la modernisation
Au-delà de l’enjeu majeur que représentent le relogement et le développement des capacités des laboratoires de police technique et scientifique évoqués supra, l’adaptation du patrimoine immobilier des forces de sécurité intérieure constitue un levier majeur de la modernisation des services et de la rationalisation des dépenses de fonctionnement.
Les procédures innovantes de construction prévues par la loi d’orientation du 29 août 2002 seront pérennisées tout en veillant à ce que le coût global des opérations immobilières soit maîtrisé.
Le patrimoine immobilier des forces mobiles
La rénovation du patrimoine immobilier des CRS sera réalisée dans le cadre d’une rationalisation de l’implantation des structures correspondant aux besoins opérationnels. Des économies d’échelle seront recherchées par un regroupement des implantations territoriales.
Un regroupement dans les grandes agglomérations et, en particulier, autour de Paris, sera opéré afin de rapprocher les forces mobiles de leurs terrains privilégiés d’intervention.
De nouveaux cantonnements seront construits en Île-de-France afin de réduire les coûts d’hébergement des unités.
Les sites de formation
La gendarmerie est en passe d’achever le schéma directeur de ses écoles et centres de formation qui vise, dans une démarche de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC), à mettre en adéquation la capacité d’acquisition des compétences avec l’estimation du besoin en formation sur les années à venir.
Quatre sites de formation initiale de la gendarmerie nationale ont ainsi été fermés en 2009 : Libourne, Châtellerault, Le Mans et Montargis. Le choix de ces quatre écoles s’est opéré en tenant compte des besoins de formation de la gendarmerie, tant pour les sous-officiers que les gendarmes adjoints volontaires, des modalités fonctionnelles propres à la formation initiale de ces personnels et de l’état du patrimoine existant.
Huit centres de formation de la police (CFP) ont été fermés et trois autres ont été transformés en 2009, conduisant à une rationalisation des capacités de formation. Compte tenu des besoins prévisionnels de la formation initiale au sein de la police, plusieurs écoles seront fermées en 2010 et 2011. Les critères retenus seront équivalents à ceux retenus pour les écoles de la gendarmerie.
Une solution de relogement sera étudiée pour l’École nationale supérieure des officiers de police, actuellement installée à Cannes-Écluse (77).
L’institut de formation des personnels administratifs, techniques et scientifiques de la police, implanté à Gif-sur-Yvette, sera transformé et installé à Lognes, nouveau pôle de formation mutualisée pour l’ensemble des services du ministère. Le Centre national d’études et de formation de Gif-sur-Yvette (CNEF) sera lui aussi adapté et transféré sur le site de Lognes.
Un service public rénové dans les quartiers en difficulté
Les besoins immobiliers de la préfecture de police et de la sécurité publique dans les circonscriptions couvrant des zones sensibles, en particulier en Île-de-France et dans les grandes agglomérations, seront traités avec la plus grande attention. L’état de vétusté du parc, l’insuffisance des capacités immobilières et les niveaux de délinquance des zones concernées constitueront les principaux critères de choix des projets.
Les conditions d’accueil des usagers, notamment des victimes, seront une des priorités de la modernisation immobilière des services de police. L’accueil devra permettre une prise en charge individualisée des victimes et des conditions favorables pour les dépôts de plaintes.
L’intervention complémentaire de personnels spécialisés dans la prise en charge des victimes (psychologues, assistants sociaux) devra être prise en compte dans les projets immobiliers de la sécurité publique par la mise à disposition de locaux appropriés.
Parallèlement, l’immobilier de la sécurité publique devra mettre l’accent sur la poursuite de la modernisation et de l’humanisation des locaux de garde à vue.
Consolider le patrimoine immobilier de la gendarmerie
À l’occasion de la loi de programmation précédente, un effort marqué a été engagé au profit de l’immobilier de la gendarmerie. Il est nécessaire de le prolonger dans le cadre de la LOPPSI et d’achever la réhabilitation du parc en veillant à assurer aux personnels et à leurs familles des conditions de travail et de vie en rapport avec les normes actuelles, tout en garantissant un haut niveau de qualité environnementale.
Un effort tout particulier de maintenance préventive à des niveaux conformes aux standards du marché permettra de conserver toute sa valeur au patrimoine immobilier de l’État et d’éviter l’entretien curatif particulièrement onéreux.
3. Des carrières modernisées pour des professionnels mieux accompagnés
Policiers et gendarmes exercent un métier particulièrement exigeant et souvent dangereux. Cette réalité, a fortiori dans une période marquée par de nombreuses réformes et un objectif accru d’optimisation des moyens, exige un accompagnement renforcé des personnels dans leur vie professionnelle et privée.
À cet effet, un observatoire des emplois, des métiers et des compétences commun à la police et à la gendarmerie sera mis en place et un bilan social annuel sera élaboré pour la police nationale dès 2010.
La charte du dialogue social sera mise en œuvre.
a) Une formation moderne, rigoureuse, adaptée aux nouveaux enjeux
La gendarmerie maintiendra la formation d’un encadrement spécialisé en logistique opérationnelle en mesure d’être engagé en situation de crise sur le territoire métropolitain, outre-mer et en opérations extérieures.
Par ailleurs, les officiers de gendarmerie issus du rang, désormais recrutés par concours, recevront une formation d’une durée d’un an adaptée à leurs futures responsabilités. Réalisée par l’école des officiers de la gendarmerie nationale, elle permettra l’acquisition des connaissances indispensables à l’exercice d’un commandement et sera sanctionnée par l’attribution d’un diplôme.
Les policiers doivent faire face aux exigences d’une police nationale efficace, proche des citoyens, réactive et capable d’anticiper les nouvelles formes de criminalité. Chaque agent est concerné par les enjeux d’une formation moderne, rigoureuse et adaptée aux priorités que sont :
– le développement de pôles d’excellence pour la formation initiale ;
– l’élargissement du domaine de la police technique et scientifique ;
– l’accentuation de la formation continue, condition d’une promotion tant personnelle que sociale à laquelle chaque policier doit pouvoir accéder tout au long de sa carrière.
La formation initiale fera une place importante à trois domaines essentiels : la déontologie, la communication, pour être en capacité d’expliquer, de justifier l’action menée et les mesures prises, et l’international, qui va intéresser un nombre de plus en plus grand de policiers en raison de la mondialisation des problématiques et de l’européanisation des procédures.
Les formations initiales des commissaires, des officiers et des gardiens de la paix viennent d’être rénovées. Celles des agents des corps administratifs, techniques et scientifiques seront développées pour tenir compte de leurs responsabilités nouvelles.
En outre, le caractère obligatoire des formations continues liées aux franchissements de grades sera élargi aux changements professionnels importants, tels que la prise du premier poste de chef de circonscription par un officier ou celle de directeur départemental. Dans un même esprit, les gradés du corps d’encadrement et d’application disposeront d’une préparation accrue dans les domaines correspondant aux fonctions, jusque-là exercées par des officiers, auxquelles ils sont progressivement appelés.
Enfin, une attention particulière sera portée à l’accueil en nombre croissant de stagiaires étrangers et au renforcement de la dimension internationale des cycles de formation pour les commissaires et officiers de police.
b) Des déroulements de carrière répondant aux besoins des forces et reconnaissant les mérites individuels
Donner toute sa place à la filière administrative, technique et scientifique
La montée en puissance des personnels administratifs, techniques et scientifiques sur les emplois relevant de leurs compétences, en lieu et place des personnels actifs revenant sur leur cœur de métier, constitue une priorité de la LOPPSI.
Cette ambition passe par la définition précise des besoins et, par conséquent, par la mise en œuvre d’un recrutement spécifique adapté à ces métiers.
Le choix du développement de filières spécifiques de fonctionnaires sous statut ou de contractuels se pose d’autant plus que beaucoup de ces métiers nécessitent une technicité particulière, a fortiori au moment où les différents services de police s’engagent dans l’utilisation renforcée de technologies sophistiquées.
À cet égard, une attention toute particulière sera portée aux besoins spécifiques de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), en cohérence avec les préconisations du livre blanc sur la défense et la sécurité.
Le régime indemnitaire de ces personnels sera fixé en fonction des responsabilités leur incombant.
Des outils de motivation accrus
Introduite dans la LOPSI 2003-2007, confortée par le protocole « corps et carrières » de la police, la culture du résultat constitue désormais un axe stratégique de la gestion des ressources humaines pour mieux récompenser la performance individuelle et collective.
La manière de servir et les résultats obtenus doivent progressivement devenir un élément essentiel de l’évaluation annuelle, mais également d’une part du système indemnitaire. Ce mode de management devra être développé. Il convient désormais de parfaire les nouvelles grilles d’évaluation des commissaires de police et des officiers en y intégrant les éléments relatifs aux objectifs qui leur sont fixés (objectifs, actions et indicateurs).
L’expérimentation de la contractualisation sur les postes particulièrement difficiles, et pour lesquels des difficultés de recrutement existent, prendra fin au début de l’année 2010. Elle sera intégrée dans le nouveau système d’indemnité lié à la performance et concernera 250 postes, conformément au protocole signé avec les organisations syndicales le 8 avril 2009. Elle pourra être étendue au corps de commandement.
Les régimes indemnitaires pour les corps de conception et direction et de commandement devront davantage être liés à la difficulté des responsabilités exercées, aux résultats, à la manière de servir et non plus seulement au grade détenu.
La prime de résultats exceptionnels a été consolidée et dotée de 25 millions d’euros en 2008, ce qui constitue un montant minimal pour les années ultérieures. Afin de récompenser de façon substantielle la performance individuelle et collective, elle sera attribuée à environ 30 % des effectifs du programme « Police nationale ».
En outre, la culture du résultat s’inscrira dans la mise en place de projets de service pour chaque service de police en relation avec le public. Ces projets relèveront des règles de l’assurance qualité qui permettront d’évaluer l’atteinte des objectifs. Chaque chef de service répondra de leur mise en œuvre.
Optimiser le temps de travail effectif des fonctionnaires de police et leur répartition sur le territoire
Cet objectif majeur du protocole « corps et carrières » sera atteint en 2012. Les régimes de travail ont connu, au cours des dernières années, des modifications qui ont eu pour effet de produire des heures supplémentaires sans que la productivité du processus soit systématiquement assurée. L’institution ne peut conserver une telle contrainte opérationnelle et financière. Les négociations avec les organisations représentatives des personnels devront aboutir à une solution pérenne préservant le potentiel opérationnel des forces de police.
Dans ce cadre, en application du protocole signé à l’automne 2008, ont été supprimés l’heure non sécable ainsi que plusieurs jours de RTT.
Enfin, les mesures prises depuis 2002 pour adapter la répartition des effectifs sur le territoire aux besoins opérationnels seront consolidées et amplifiées. La définition des effectifs départementaux de fonctionnement annuel sera affinée, tout particulièrement à partir des évolutions de la démographie et de la délinquance.
Une nouvelle politique de fidélisation en Île-de-France
La région parisienne souffre d’un déficit structurel de candidats aux différents métiers de la police. Les lauréats de concours qui ne sont pas d’origine francilienne ont souvent l’objectif de retourner dans leur région d’origine en raison du coût de la vie, plus particulièrement du logement, et des conditions de travail dans certaines zones sensibles.
Dès lors, les services de police, qui sont fréquemment confrontés aux missions les plus difficiles, disposent de personnels peu âgés, sans l’expérience nécessaire aux contraintes opérationnelles et pressés de trouver une autre affectation.
Au-delà des dispositions statutaires qui obligent désormais les fonctionnaires de police à rester pour une durée minimale de cinq ans dans leur première région administrative d’affectation (principalement la région parisienne), de nouvelles mesures seront progressivement mises en œuvre dans le prolongement de celles déjà intervenues ou en cours d’exécution :
– création d’un concours à affectation nationale et d’un concours à affectation régionale en Île-de-France assorti d’une durée minimale d’exercice de fonctions de huit ans par le décret n° 2009-1551 du 14 décembre 2009 ;
– prise en compte de l’expérience acquise par les agents affectés dans des circonscriptions et services territoriaux difficiles d’Île-de-France ; une voie d’avancement consacrée à la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle sera créée pour ces agents, conformément au décret n° 2009-1551 du 14 décembre 2009.
En outre, la poursuite de la refonte du dispositif indemnitaire de fidélisation permettra de mieux rémunérer les fonctionnaires actifs exerçant leurs missions en Île-de-France, tandis que des mesures d’accompagnement, notamment pour le logement, contribueront à cet effort (cf. d ci-après).
Une meilleure respiration des carrières au sein de la police
Le protocole « corps et carrières » a eu notamment pour objectif de mieux distribuer les fonctions entre corps. Des ajustements complémentaires aux mesures de repyramidage et d’accès au corps supérieur, comme l’amélioration de la voie d’accès professionnelle au corps de commandement, sont nécessaires.
Rendre plus attractives les carrières au sein de la gendarmerie
Offrir des parcours de carrière attractifs et rémunérer ces professionnels à hauteur des contraintes, des sujétions et des responsabilités exercées constituent les deux objectifs prioritaires de la gendarmerie.
Le niveau de recrutement au concours externe (universitaire) sera aligné sur celui des officiers recrutés en sortie des grandes écoles militaires. La carrière des officiers les plus performants sera accélérée grâce à la modification du décret n° 2008-952 du 12 septembre 2008 portant statut particulier du corps des officiers de gendarmerie. En outre, la prise de responsabilités élevées, notamment lors de l’accession à des postes de commandements territoriaux, sera mieux valorisée.
Pour ce qui concerne les sous-officiers, trois voies d’avancement coexisteront, permettant à chaque personnel méritant d’accéder à une promotion :
– une voie « encadrement-commandement », qui représentera au moins 80 % des promotions, pour les titulaires des diplômes d’officier de police judiciaire, d’arme, de spécialité, du GIGN, avec promotion systématique au grade de maréchal des logis-chef l’année qui suivra l’obtention des titres requis, sauf cas particuliers ;
– une voie « professionnelle », au choix et jusqu’au grade d’adjudant-chef, dans la limite de 10 % des promotions annuelles, pour les sous-officiers expérimentés possédant au moins quinze ans de service pour l’accession au grade de maréchal des logis-chef et qui ont exercé des responsabilités avérées ;
– une voie « gestion des fins de carrière », au choix et jusqu’au grade d’adjudant, dans la limite de 10 % des promotions annuelles pour les sous-officiers du grade de gendarme les plus méritants.
Le repyramidage initié depuis 2005 par le PAGRE sera poursuivi. Il visera à assurer des normes d’encadrement comparables avec celles en vigueur dans les corps similaires de la fonction publique civile et à assurer la juste reconnaissance des responsabilités exercées par des parcours professionnels attractifs et valorisants. Ce pyramidage sera mis en œuvre jusqu’en 2012 et atteindra les cibles suivantes : 62 % de gendarmes et maréchaux des logis-chefs, 29 % d’adjudants, adjudants-chefs et majors et 9 % d’officiers.
c) Des carrières plus ouvertes
Des passerelles statutaires entre police et gendarmerie
Le rapprochement des deux forces, avec le développement de la mutualisation et de la coopération dans de nombreux domaines, conduira à la mise en place de passerelles statutaires permettant aux policiers d’intégrer la gendarmerie et, réciproquement, aux gendarmes de rejoindre la police.
La réalisation de cet objectif se traduira notamment par l’ouverture aux adjoints de sécurité du concours d’accès au corps des sous-officiers de gendarmerie, d’une part, aux gendarmes adjoints volontaires du concours interne d’accès au corps d’encadrement et d’application, d’autre part.
Une autre passerelle statutaire, entre les titulaires des grades de gardien de la paix et de gendarme, sera instaurée afin de faciliter la mobilité entre les corps des deux forces. Les statuts seront modifiés en conséquence.
Un recrutement plus diversifié
De manière plus générale, le statut particulier du corps des sous-officiers de gendarmerie sera modifié pour ce qui concerne le recrutement. Le concours pour tous et la détention du baccalauréat seront la règle pour les recrutements externes tout en maintenant, au titre de la politique d’intégration et de l’égalité des chances, une proportion d’au moins un tiers de recrutement interne sans exigence de diplôme.
Par ailleurs, des mesures spécifiques seront prises pour aider les jeunes diplômés de milieux défavorisés à accéder aux corps d’officiers de gendarmerie. Ainsi, une classe préparatoire intégrée sera créée pour favoriser la réussite au concours d’entrée à l’école des officiers de la gendarmerie nationale.
Le dispositif des cadets de la République sera adapté et consolidé, notamment pour tenir compte des niveaux de recrutement dans la police et la gendarmerie ainsi que des besoins dans le secteur de la sécurité privée.
Consolider le recours à la réserve militaire
La politique de la réserve militaire, véritable service citoyen, sera poursuivie. L’admission dans la réserve reflète aujourd’hui un véritable modèle tant opérationnel que d’intégration. En 2008, plus de 26 000 réservistes servaient en gendarmerie, dix-huit jours par an en moyenne, rémunérés en missions opérationnelles, aux côtés de leurs camarades d’active. Cette réserve opérationnelle constitue un relais essentiel entre la société civile et l’esprit de service indispensable à la sécurité de nos concitoyens. Elle est mise en œuvre dans un cadre territorial de proximité. La ressource allouée sera consolidée sur la période 2010-2013.
Élargir l’accès à la réserve civile et poursuivre sa montée en puissance
La réserve civile de la police nationale répond aujourd’hui aux objectifs qui lui ont été fixés depuis 2003. Elle apporte un appui essentiel aux fonctionnaires en activité dans l’exercice de leurs missions. Aussi, pour ajuster la capacité opérationnelle des services de police, voire la renforcer en cas de crise grave, il est prévu de doubler, au moins, son potentiel d’ici la fin de la LOPPSI.
L’harmonisation des réserves de la police et de la gendarmerie sera renforcée par l’ouverture de la réserve civile de la police à d’autres publics que les retraités des corps actifs.
Cette orientation développera le lien police-population et l’adhésion aux enjeux de sécurité. Une telle diversification du recrutement prolongera les dispositions déjà prises par la gendarmerie.
La future réserve de la police aura donc vocation à accueillir aussi bien des jeunes intéressés par une expérience valorisante que des spécialistes sur des fonctions correspondant à leurs compétences dont la police serait déficitaire.
Les réservistes disposeront d’une formation pour des missions d’un format comparable à celles confiées aux réservistes de la gendarmerie. La définition de ces missions prendra en compte les spécificités de leur environnement et l’organisation des services. Enfin, la formation des réservistes leur permettra d’acquérir la qualification d’agent de police judiciaire adjoint.
Inciter les adjoints de sécurité (ADS) à mieux préparer leur projet professionnel
Les ADS, agents contractuels, interviennent en appui des fonctionnaires de police. Leur cadre d’emploi constitue une voie privilégiée pour l’intégration de jeunes issus de milieux en difficulté.
Si, pour la plupart d’entre eux, ces agents intègrent le corps d’encadrement et d’application par la voie du concours interne, le dispositif actuel ne les incite pas suffisamment à préparer leur projet professionnel.
Dans cette perspective, la formule de deux contrats de trois ans viendra se substituer au contrat actuel de cinq ans. De même, pour pallier les risques inhérents à la recherche d’un emploi au-delà de la limite d’âge actuelle, qui est de vingt-six ans, celle-ci sera portée à trente ans.
Ce dispositif sera accompagné d’un effort accru en matière d’aide à la reconversion.
d) Des agents soutenus dans leur vie professionnelle et privée
La gendarmerie s’est dotée d’un dispositif de soutien psychologique placé au niveau central, compétent sur la totalité du territoire national. Compte tenu de la montée exponentielle des besoins exprimés par les unités opérationnelles, la gendarmerie étudiera la nécessité de créer une chaîne territoriale de soutien psychologique de proximité dont la vocation sera d’assurer le suivi des personnels confrontés à des événements traumatiques importants liés au service.
De son côté, la police renforcera l’accompagnement de ses agents dans leur vie quotidienne :
– le nombre de réservations de logements, en particulier pour les policiers affectés en Île-de-France, aura doublé au terme de la LOPPSI ;
– la création annuelle de 100 places supplémentaires de crèches sur la période 2009-2013, en Île-de-France, apportera une aide significative à la petite enfance ;
– toutes les familles monoparentales d’Île-de-France disposent, depuis 2009, d’un chèque emploi-service universel ; ce dispositif pourra progressivement être étendu aux bassins d’emploi rencontrant sur le territoire national une situation identique à celle de l’Île-de-France.
L’accompagnement des agents dans le déroulement de leur carrière sera de règle. En particulier, l’accompagnement de la mobilité tiendra compte de tous les impacts de celle-ci sur la vie des agents. Les nouveaux dispositifs d’évaluation mis en place devront aussi permettre, grâce à la généralisation des fiches de poste, une meilleure lisibilité des carrières à travers la mise en œuvre de véritables plans de carrière.
e) L’application de la parité globale
Dans le respect de l’identité des forces de gendarmerie et de police, une parité globale devra assurer l’équilibre de traitement pérenne voulu par le Président de la République.
Par une approche concertée, l’harmonisation devra être constamment recherchée pour corriger les disparités susceptibles d’apparaître dans le domaine de la gestion des ressources humaines.
Au-delà des différences structurelles, la mise en œuvre de composantes communes permettra, tout en gommant les points de divergence, de concrétiser une fonction publique policière cohérente et moderne.
M. le président. Je vais maintenant appeler les amendements acceptés par le Gouvernement.
article 17 bis
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Courtois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer le mot :
huitième
par les mots :
neuvième à dix-huitième
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’article 17, modifié après l’adoption conforme de l’article 17 bis.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Courtois, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 5, première phrase
Remplacer les mots :
aux I et II
par les mots :
au I du présent article et au 11° de l'article 15-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante
II. - En conséquence, alinéa 7
Remplacer les mots :
au premier alinéa du I ou au premier alinéa du II
par les mots :
au I du présent article ou au 11° de l'article 15-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est un amendement réparant une erreur de renvoi. Dans la mesure où les dispositions du II de l’article 24 bis seront codifiées dans l’ordonnance du 2 février 1945, il convient de renvoyer à cette ordonnance et non à une phrase « chapeau » appelée à disparaître.
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Monsieur le ministre, vous nous proposez une nouvelle loi sur la sécurité au moment où notre pays est confronté à une crise judiciaire inédite.
Cette crise judiciaire a commencé il y a longtemps, certainement le jour où le Président de la République, devant les magistrats de la Cour de cassation, qui lui manifestaient leur déférence, a comparé ceux-ci à une rangée de petits pois.
À l’évidence, de tels propos manquent singulièrement de respect à l’égard d’une institution qui constitue un contre-pouvoir. Mais peut-être n’aimez-vous pas les contre-pouvoirs ?
Face à une telle attitude, un des plus hauts magistrats de ce pays, Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de cassation, premier procureur de France, s’est vu obligé, en votre présence et celle du garde des sceaux, …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À deux mois de la retraite !
M. Alain Anziani. … de demander le respect de la Constitution. Il l’a fait en des termes suffisamment vifs pour qu’on puisse dire qu’il a même exigé le respect de ce principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs. Sa conclusion magistrale a fait beaucoup de bruit : « La République est blessée ».
Monsieur le ministre, vous aviez l’occasion, me semble-t-il, y compris au cours de cette discussion sur la LOPPSI, mais aussi lors d’autres débats, de dire que vous, ministre de l’intérieur, étiez de ceux qui respectent la séparation des pouvoirs !
Cette occasion, vous ne l’avez pas saisie, et votre silence est accablant pour vous, monsieur le ministre, puisqu’il signifie que, sur un point aussi important, alors que vous vous trouvez accusé par le procureur général, vous n’avez rien à lui répondre.
Naturellement, la crise s’est amplifiée. Pour la première fois, et nous en avons tous été témoins, des compagnies républicaines de sécurité, les CRS, se sont mises en grève. Certains agents ont même entamé une grève de la faim à Marseille. Les forces de sécurité vous disent, à vous, ministre de la sécurité, que votre choix n’est pas le bon.
Aujourd’hui, ce sont les tribunaux, dans leur quasi-totalité, qui font grève et reportent leurs audiences. En l’occurrence, lorsque l’on parle des tribunaux, il ne s’agit pas des seuls magistrats. Derrière eux, il s’agit également des avocats, inquiets des moyens qui vont leur être donnés dans le cadre de la réforme de la garde à vue, mais aussi des greffiers. C’est en réalité tout le peuple judiciaire qui redoute le régime dans lequel il va se retrouver enfermé et, surtout, s’alarme du mépris dont il est l’objet.
Aujourd’hui, nous allons devoir nous prononcer sur votre projet de loi d’orientation et de programmation. Mais comment ne pas voir que cette loi est tout à la fois muette et aveugle ?
D’abord, elle est muette sur le principe, que je viens d’évoquer, de la séparation des pouvoirs, lequel devrait être le fondement même d’une loi d’orientation et de programmation et nécessiterait d’être fortement rappelé, ce que vous n’avez pas fait.
Ensuite, elle est aveugle en ce qui concerne les moyens. Nous l’avons dit dès le début de ce débat, la question des moyens est renvoyée à une annexe du texte.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est caractéristique d’une loi de programmation !
M. Alain Anziani. En réalité, ces moyens n’existent pas ! Nous savons tous qu’il ne suffit pas de voter des lois, d’empiler des textes pour garantir la sécurité. La sécurité exige un peu plus que cela, notamment dans des affaires de récidive comme celle de Nantes : elles réclament que des moyens matériels soient mis à la disposition des magistrats et des forces de l’ordre. Or c’est précisément là que le bât blesse : vous êtes en déficit sur ce point, pourtant essentiel dans une telle loi.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Alain Anziani. Oui, il faut bien entendu condamner les responsables de l’insécurité ! Mais, parmi ces derniers, il faut compter aussi ceux qui, comme vous, se payent de mots, de discours, de lois en cascade, mais aussi de dénonciations des magistrats. Ceux-là aussi sont les responsables de l’insécurité.
Monsieur le ministre, la population attend des chiffres annonçant une baisse significative de la délinquance, elle attend la mise en œuvre d’efforts substantiels au travers d’une véritable politique de proximité ; elle n’a que faire de discours alarmistes destinés à séduire un électorat extrémiste, lequel vous fait défaut aujourd’hui. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de l’examen de ce projet de loi d’orientation et de programmation, je tiens d’abord à saluer le travail de la commission des lois, en particulier de son président, du rapporteur, et à remercier tous ceux de nos collègues qui y ont participé.
Au cours des deux lectures dans chaque assemblée et de l’examen en commission mixte paritaire, des améliorations ont été apportées à ce texte, comme l’a rappelé notre collègue Catherine Troendle.
La lutte contre toutes les formes de délinquance, qui fait partie des attentes de nos concitoyens, est une réelle priorité pour le Gouvernement.
Elle doit faire l’objet d’un combat collectif. Si l’on a largement évoqué les moyens techniques, il faut continuer à privilégier l’aspect humain. Il importe de manifester respect et reconnaissance envers les hommes et les femmes qui travaillent dans le domaine de la sécurité sous toutes ses formes, aussi bien les forces de gendarmerie, de police nationale ou municipale ou, comme M. le ministre l’a rappelé, les acteurs de la sécurité privée, laquelle joue un rôle considérable.
Tous ces personnels œuvrent dans l’intérêt général. Ils ont vocation à répondre aux demandes et aux attentes de nos concitoyens, mais aussi, autre priorité, à soutenir et défendre les personnes les plus fragiles.
Certes, aucun texte n’est parfait. Celui-ci a ses défauts, mais il a le mérite d’exister, de faire avancer les choses de façon constructive, positive, en associant toutes les formes de lutte pour la sécurité, y compris la sécurité routière, laquelle exige un combat permanent, comme l’ont rappelé un certain nombre de collègues.
Dans ces conditions et dans la mesure où l’ensemble des dispositions de ce texte répondent aux attentes de nos concitoyens, le groupe UMP votera pour. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Anziani. C’est un scoop !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, modifiée par les amendements acceptés par le Gouvernement.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 152 :
Nombre de votants | 337 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l’adoption | 178 |
Contre | 151 |
Le Sénat a définitivement adopté le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
11
Immigration, intégration et nationalité
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. (M. le ministre de l’intérieur quitte l’hémicycle.)
M. Jean-Pierre Sueur. Le ministre s’en va ! M. Hortefeux délègue le projet de loi relatif à l’immigration !
M. le président. En tout cas, nous n’avons pas perdu M. Sueur ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il pourrait quand même rester un peu : on en conclut qu’il n’a pas très envie de soutenir ce texte, monsieur le président !
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus au titre III.
Titre III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES ET AU CONTENTIEUX DE L’ÉLOIGNEMENT
Chapitre Ier
Les décisions d’éloignement et leur mise en œuvre
Article 22
(Non modifié)
I. – L’intitulé du titre Ier du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé : « L’obligation de quitter le territoire français et l’interdiction de retour sur le territoire français ».
II. – L’intitulé du chapitre Ier du titre Ier du livre V du même code est ainsi rédigé : « Cas dans lesquels un étranger peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français et d’une interdiction de retour sur le territoire français ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 40 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 152 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 40 rectifié.
M. Jacques Mézard. L’article 22 va bien plus loin que la directive Retour. En imposant l’interdiction du retour de l’étranger durant cinq ans, il constitue une régression à laquelle les auteurs du présent amendement s’opposent.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 152.
Mme Éliane Assassi. Nous sommes formellement opposés à la directive européenne dite « directive Retour ». A fortiori, nous sommes hostiles à sa transcription dans le droit français effectuée par cet article.
Il modifie l’intitulé de certaines sections du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, faisant mention de l’obligation de quitter le territoire et de l’interdiction de retour sur le territoire français.
Outre le fait que ce projet de loi dépasse ce qu’impose la directive Retour en prévoyant l’interdiction de retour de l’étranger pendant cinq ans, il introduit également une procédure de bannissement de l’ensemble du territoire européen.
Cela est d’autant plus grave que le bannissement serait désormais automatique. Il deviendrait donc la règle alors que la directive européenne dans son sixième considérant dispose que : « conformément aux principes généraux du droit de l’Union européenne, les décisions prises en vertu de la présente directive devraient l’être au cas par cas et tenir compte des critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier. »
Nous demandons donc la suppression de cet article et, pour que les choses soient claires, nous demandons un scrutin public sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. En réalité, cet article ne vise qu’à dénommer les chapitres et les titres du CESEDA.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 40 rectifié et 152, ainsi que sur l’amendement n° 350.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ces amendements visent à supprimer l’article 22, qui modifie l’intitulé de certains chapitres du CESEDA, pour manifester l’opposition au principe de l’interdiction de retour.
Comme plusieurs amendements portent sur ce principe de l’interdiction de retour sur le territoire français, je développerai un peu ma réponse pour éviter d’avoir à y revenir systématiquement.
La création de l’interdiction de retour transpose l’article 11 de la directive Retour. Transposer une directive, vous le savez tous, est une exigence constitutionnelle. Il ne peut y être fait obstacle qu’à raison d’une disposition contraire expresse de la Constitution. Sur le fond, les critiques formulées à l’encontre de l’interdiction de retour sont très excessives. Le Sénat s’est d’ailleurs prononcé sur son principe dans une résolution de février 2007 indiquant que l’interdiction de retour constituerait un message fort de solidarité européenne en matière de lutte contre l’immigration illégale.
J’ajoute que le dispositif est entouré de garanties. Le prononcé d’une interdiction de retour reste une simple faculté pour l’administration après une appréciation au cas par cas. Votre commission des lois a d’ailleurs rendu ce point du texte encore plus explicite. En outre, la décision d’interdiction de retour doit être motivée, elle peut être abrogée à tout moment.
Enfin, il est faux de dire que l’interdiction de retour est systématiquement de cinq ans, la durée maximale est de deux ou trois ans selon les cas, mais ce ne sont que des maxima ; l’autorité administrative peut en fixer une durée moins élevée. Dans les cas exceptionnels, par exemple le retour sur le territoire français alors que l’interdiction de retour est toujours valable, l’autorité administrative peut prolonger cette durée maximum d’une durée maximale de deux ans. Par conséquent, l’interdiction de retour ne pourra être au total de cinq années que dans des cas exceptionnels.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Mon explication de vote vaudra en même temps défense de l’amendement n° 350, qui correspond d’ailleurs à l’argumentation qu’a développée Mme Assassi à propos de l’amendement n° 152.
De quoi s’agit-il ? D’une interdiction de retour sur le territoire français.
Je rappellerai qu’en 1998 le gouvernement de Lionel Jospin avait supprimé cette interdiction de retour sur le territoire français. Aujourd’hui, on nous propose de la rétablir, en hésitant toutefois, puisque M. le rapporteur s’oppose à son caractère automatique.
En réalité, tout cela ne change rien, nous sommes là aussi sur une question de principe. D’ailleurs, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a rendu, le 5 juillet dernier, un avis très critique pour une raison simple : cette interdiction constitue une peine complémentaire et les peines complémentaires devraient relever du juge judiciaire.
Encore une fois, on méprise le juge judiciaire et l’on franchit la frontière de la séparation des pouvoirs en faisant dépendre d’une mesure administrative ce qui devrait relever du juge judiciaire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 rectifié et 152.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 153 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 339 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 152 |
Contre | 187 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 350, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Après les mots :
obligation de quitter le territoire français
Supprimer la fin de ces alinéas.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 22.
(L'article 22 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 22
M. le président. L'amendement n° 153, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 213-2 du même code est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Cette décision est notifiée à l'intéressé avec mention de son droit d'avertir ou de faire avertir la personne chez laquelle il a indiqué qu'il devait se rendre, son consulat ou le conseil de son choix. La décision mentionne également son droit d'introduire un recours en annulation sur le fondement de l'article L. 213-9 et précise les voies et délais de ce recours. La décision et la notification des droits qui l'accompagne doivent lui être communiquées dans une langue qu'il comprend. »
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En aucun cas, le refus d'entrée ne peut donner lieu à une mesure de rapatriement contre le gré de l'intéressé avant l'expiration du délai d'un jour franc. »
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. À la suite de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt du 26 avril 2007, le législateur a adopté, le 20 novembre 2007, la loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, qui a inséré l’article L. 213-9 dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile visant à instituer un nouveau recours suspensif, mais seulement en faveur des demandeurs d’asile.
Ce recours est formé contre les refus d’admission sur le territoire au titre de l’asile devant le tribunal administratif de Paris, qui a une compétence exclusive sur l’ensemble du territoire.
L’instauration d’un recours suspensif pour les personnes dont la demande d’asile a été refusée aurait pu nous réjouir. Pourtant, nous estimons qu’il n’est pas satisfaisant qu’il soit limité aux demandeurs d’asile à la frontière, les autres catégories d’étrangers maintenus en zone d’attente, c’est-à-dire les non-admis, restant soumis au régime juridique qui était précisément celui qui était critiqué par les juges de Strasbourg.
Même pour les demandeurs d’asile, le nouveau système n’est aucunement satisfaisant et comporte des restrictions par rapport à celui qui existait auparavant et qu’il convenait de corriger au regard des prescriptions émises par la Commission européenne des droits de l’homme.
Cet amendement prévoit donc d’étendre ce droit à tous les étrangers maintenus en zone d’attente et, afin de renforcer l’effectivité du recours, de rétablir le délai d’un jour franc systématique avant qu’un étranger ne puisse être rapatrié.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’existence d’un recours suspensif à l’encontre d’un refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile découle de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui interdit de refouler un étranger vers un pays dans lequel il pourrait être soumis à des traitements inhumains et dégradants.
De telles considérations n’ont pas vocation à s’appliquer aux étrangers auxquels l’accès au territoire national a été refusé, soit parce qu’ils sont dépourvus des documents exigés, soit parce qu’ils constitueraient une menace pour l’ordre public ou feraient l’objet d’une interdiction du territoire, d’un arrêté d’expulsion ou d’un arrêté de reconduite à la frontière.
En outre, le droit en vigueur permet d’ores et déjà à la personne à laquelle l’entrée sur le territoire est refusée d’avertir un proche, un avocat ou son consulat et de bénéficier d’un jour franc avant d’être rapatriée.
Ces dispositions sont conformes à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, qui a rappelé dans plusieurs décisions qu’aucune règle, ni principe de valeur constitutionnelle, n’assurait aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement souscrit à l’argumentation de M. le rapporteur et émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 154, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 524-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 524-1. - L'arrêté d'expulsion pris antérieurement à la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, à l'encontre d'un étranger visé aux articles L. 521-1 et L. 521-3 du présent code est abrogé. »
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Si vous le permettez, monsieur le président, mon argumentation vaudra aussi pour l’amendement n° 155.
Un nombre important d’étrangers frappés par la 0double peine sont toujours sous la menace constante d’un éloignement du territoire en exécution d’un arrêté d’expulsion prononcé avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 novembre 2003. Pourtant, ces étrangers appartiennent, pour beaucoup d’entre eux, aux catégories « protégées » de façon relative ou absolue, instituées par cette loi. Or ces étrangers n’ont pas bénéficié des mesures transitoires mises en place au moment de la promulgation de la loi.
La situation de ces étrangers, dont tous les liens privés et familiaux sont en France, doit être résolue, car la loi du 26 novembre 2003 entendait la régler.
Ces deux amendements visent donc à permettre aux étrangers qui ont été condamnés à une interdiction du territoire français avant l’entrée en vigueur de la loi du 26 novembre 2003 de demander l’abrogation ou le relèvement de plein droit de cette mesure.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 154 tend à prévoir que les arrêtés d’expulsion pris antérieurement à la loi du 26 novembre 2003 sont abrogés pour permettre aux étrangers concernés par une mesure d’expulsion qui n’ont pas pu bénéficier des mesures transitoires alors mises en place ne puissent plus être éloignés.
D’une part, l’article 35 de la loi du 26 novembre 2003 a prévu que l’arrêté d’expulsion devait être réexaminé systématiquement tous les cinq ans, sans que l’étranger ait à le solliciter. Ce réexamen est de droit, même si l’étranger s’est maintenu irrégulièrement sur notre territoire.
D’autre part, cet amendement présente l’inconvénient de prévoir l’abrogation de tous les arrêtés d’expulsion pris avant le 26 novembre 2003, sans aucun examen de la situation de l’intéressé, notamment de ses liens avec la France et avec le pays déterminé par l’arrêté d’expulsion, ni de l’évolution de la menace pour l’ordre public que constitue sa présence.
Une abrogation de nature aussi générale ne paraît pas raisonnable à la commission, qui a émis un avis défavorable sur cet amendement. Cet avis vaut également pour l'amendement n° 155.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement partage l’analyse de la commission.
Il ne souhaite pas généraliser l’abrogation de tous les arrêtés d’expulsion, y compris ceux qui ne relèvent pas de la problématique de la double peine. Ces arrêtés visent notamment, j’y insiste, à éloigner des terroristes ou des prêcheurs extrémistes.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement, de même que sur l'amendement n° 155.
M. le président. L'amendement n° 423 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :
1° Après l'article L. 524-1, il est inséré un article L. 524-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 524-1-1. - L'arrêté d'expulsion pris antérieurement à la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, à l'encontre d'un étranger visé aux articles L. 521-1 et L. 521-3 du présent code est abrogé. » ;
2° Après l'article L. 541-4, il est inséré un article L. 541-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 541-5. - L'interdiction du territoire français pris antérieurement à la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, à l'encontre d'un étranger visé par les articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal est relevée de plein droit. »
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. La loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a officiellement et partiellement abrogé la double peine, qui recouvrait la possibilité de condamner les étrangers reconnus coupables d’une infraction pénale à une peine d’interdiction judiciaire du territoire et de les soumettre à un arrêté d’expulsion.
En 2003, le législateur a fixé une liste de personnes qui, à l’issue de leur peine, ne peuvent pas être expulsées, sauf en cas d’atteinte aux intérêts fondamentaux de l’État ou d’activités terroristes. II s’agit des étrangers arrivés en France avant l’âge de treize ans, de ceux qui vivent régulièrement en France depuis plus de vingt ans et de ceux qui résident régulièrement en France depuis plus de dix ans et qui sont mariés avec un ressortissant Français ou qui sont parent d’un enfant français.
J’aimerais citer un cas très concret qui montre que la double peine est encore en vigueur, celui d’un ressortissant marocain qui, l’été dernier, a été placé dans le centre de rétention administrative de Marseille, que vous connaissez bien, monsieur le président, … (Sourires.)
M. le président. Je n’y ai jamais séjourné ! (Nouveaux sourires.)
M. Alain Anziani. … dans l’attente d’une expulsion vers le Maroc, un pays dans lequel il n’a jamais vécu et où il n’a aucune attache familiale. Ce père d’un enfant français arrivé en France avec ses parents à l’âge de dix-huit mois, qui a fait l’objet de plusieurs condamnations pénales en 1998, est tombé sous le coup d’un arrêté d’expulsion. La loi de 2003 ne lui a pas été appliquée, alors qu’il faisait précisément partie des personnes qui auraient dû en bénéficier. Il a été placé une première fois en rétention à la fin de l’année 2006.
Puis, l’arrêté d’expulsion n’ayant pas été mis à exécution, il a entrepris plusieurs démarches afin d’en obtenir l’abrogation, sans succès. Il s’est donc retrouvé, au mois d’août dernier, placé une seconde fois en rétention. Aujourd'hui, il fait partie – je laisse cela à l’appréciation du ministre de l’intérieur ! – des étrangers qui ne peuvent être ni expulsés ni régularisés.
C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, qui réglera tous les cas de cette nature.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Outre qu’il vise à abroger les arrêtés d’expulsion antérieurs à la loi du 26 novembre 2003, cet amendement prévoit également le relèvement des interdictions judiciaires de territoire prises avant cette date.
Or je rappelle que le texte de 2003 a ouvert, pour un an, un droit au relèvement pour certains étrangers, non tenus à l’obligation de séjourner hors du territoire. Par la suite, un nouveau délai a été ouvert jusqu’au 25 janvier 2007.
Cet amendement prévoit un relèvement général, ce qui pose évidemment les mêmes problèmes que ceux que j’ai évoqués à propos des amendements précédents, que la Haute Assemblée a rejetés.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. À la suite de mon avis précédent et dans la ligne de celui de M. le rapporteur, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 155, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 541-4 du même code, il est inséré un article L. 541-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 541-5. - L'interdiction du territoire français prise antérieurement à la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, à l'encontre d'un étranger visé par les articles 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal est relevée de plein droit. »
Cet amendement a déjà été présenté et a reçu un avis défavorable de la commission et du Gouvernement.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 23
L’article L. 511-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 511-1. – I. – L’autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n’est pas membre de la famille d’un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l’article L. 121-1, lorsqu’il se trouve dans l’un des cas suivants :
« 1° Si l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité ;
« 2° Si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré ;
« 3° Si la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour a été refusé à l’étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ;
« 4° Si l’étranger n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s’est maintenu sur le territoire français à l’expiration de ce titre ;
« 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l’autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l’étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé.
« La décision énonçant l’obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n’a pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l’indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III.
« L’obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l’étranger sera renvoyé en cas d’exécution d’office.
« II. – Pour satisfaire à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l’étranger dispose d’un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter à cet effet un dispositif d’aide au retour dans son pays d’origine. Eu égard à la situation personnelle de l’étranger, l’autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.
« Toutefois, l’autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l’étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français :
« 1° Si le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public ;
« 2° Si l’étranger s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était ou manifestement infondée ou frauduleuse ;
« 3° S’il existe un risque que l’étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :
« a) Si l’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
« b) Si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ;
« c) Si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;
« d) Si l’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;
« e) Si l’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ;
« f) Si l’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, ou qu’il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2.
« L’autorité administrative peut faire application du deuxième alinéa du présent II lorsque le motif apparaît au cours du délai accordé en application du premier alinéa.
« III. – L’autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l’obligation de quitter le territoire français d’une interdiction de retour sur le territoire français.
« L’étranger à l’encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu’il fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen, conformément à l’article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. Les modalités de suppression du signalement de l’étranger en cas d’annulation ou d’abrogation de l’interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire.
« Lorsque l’étranger ne faisant pas l’objet d’une interdiction de retour s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l’autorité administrative peut prononcer une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification.
« Lorsqu’aucun délai de départ volontaire n’a été accordé à l’étranger obligé de quitter le territoire français, l’autorité administrative peut prononcer l’interdiction de retour pour une durée maximale de trois ans à compter de sa notification.
« Lorsqu’un délai de départ volontaire a été accordé à l’étranger obligé de quitter le territoire français, l’autorité administrative peut prononcer l’interdiction de retour, prenant effet à l’expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification.
« Lorsque l’étranger faisant l’objet d’une interdiction de retour s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire ou alors qu’il était obligé de quitter sans délai le territoire français ou, ayant déféré à l’obligation de quitter le territoire français, y est revenu alors que l’interdiction de retour poursuit ses effets, l’autorité administrative peut prolonger cette mesure pour une durée maximale de deux ans.
« L’interdiction de retour et sa durée sont décidées par l’autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l’étranger sur le territoire français, de la nature et de l’ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu’il a déjà fait l’objet ou non d’une mesure d’éloignement, et de la menace pour l’ordre public que représente sa présence sur le territoire français.
« L’autorité administrative peut à tout moment abroger l’interdiction de retour. Lorsque l’étranger sollicite l’abrogation de l’interdiction de retour, sa demande n’est recevable que s’il justifie résider hors de France. Cette condition ne s’applique pas :
« 1° Pendant le temps où l’étranger purge en France une peine d’emprisonnement ferme ;
« 2° Lorsque l’étranger fait l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prise en application des articles L. 561-1 ou L. 561-2.
« Lorsqu’un étranger faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire assortie d’une interdiction de retour justifie, selon des modalités déterminées par voie réglementaire, avoir satisfait à cette obligation dans le délai imparti, au plus tard deux mois suivant l’expiration de ce délai de départ volontaire, l’interdiction de retour est abrogée. Toutefois, par décision motivée, l’autorité administrative peut refuser cette abrogation au regard de circonstances particulières tenant à la situation et au comportement de l’intéressé. »
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 23 porte sur l’unification de la procédure administrative d’éloignement des étrangers en situation irrégulière et la création d’une interdiction de retour sur le territoire français.
Voici un article très important, mais qui témoigne du fait que l’insuffisance des effectifs – par exemple de la police aux frontières – et les entraves mises au fonctionnement du travail du juge judiciaire ont pour conséquence un durcissement des textes – ce n’est qu’un paradoxe apparent – et la voie ouverte à l’arbitraire.
Dans la mesure où les fonctionnaires de police ne peuvent pas être en nombre suffisant pour faire le travail nécessaire, avec tout le soin que cela nécessite, c’est effectivement la voie ouverte à l’arbitraire. Précisément, ce texte légalise des comportements arbitraires qui se sont installés au cours des temps et dont ont été les témoins tous ceux qui ont pu se rendre dans une zone d’attente comme Roissy.
Avec ce texte, le Gouvernement introduit en droit français l’une des dispositions les plus graves de la directive Retour. Là aussi, la façon dont procède le Gouvernement français est assez étonnante.
Souvent il se cache derrière l’Europe : il faut transposer la directive ! Mais, en l'occurrence, c’est oublier que le Gouvernement au Conseil de l’Europe et les parlementaires de droite au Parlement européen ont poussé dans le sens de plus de répression et de plus de dureté. Le fait de nous dire que nous devons forcément transposer une directive alors que nous en portons une très large responsabilité au niveau de l’Europe est donc d’une grande hypocrisie.
Tout étranger qui fait l’objet d’une mesure d’éloignement est susceptible, sur décision de l’administration, d’être frappé par une interdiction de retour, disons un bannissement, sur l’ensemble du territoire européen – excusez du peu ! – allant de deux ans à cinq ans, et fera l’objet d’un signalement dans le système d’information Schengen dont le législateur ne sait pas comment il pourra éventuellement sortir.
L’article 23 réforme les mesures d’éloignement que sont l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, que nous connaissions, et l’obligation de quitter le territoire pour se mettre en conformité avec cette directive Retour.
Désormais, l’autorité administrative prononcera dans tous les cas une obligation de quitter le territoire et pourra choisir ou non d’assortir cette obligation d’un délai de départ volontaire de trente jours et d’une interdiction de retour sur le territoire.
Faisons bien attention à ceci : cette interdiction de retour pourra être prononcée à l’encontre d’un étranger qui fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire, que le préfet lui ait ou non accordé un délai de départ volontaire. C’est dire que, en la personne du préfet, l’administration pourra décider ce qu’elle veut faire !
Cet article restreint les droits des étrangers en introduisant en droit français l’une des dispositions les plus redoutables de la directive Retour.
Selon le rapport de la commission des lois, « la décision de prononcer une interdiction de retour sera ainsi dans tous les cas une simple faculté pour l’administration ». Cette faculté s’appuiera sur des motifs qui sont de plus en plus nombreux et, nous le verrons tout à l’heure, qui sont particulièrement vagues : la sécurité publique – on a l’habitude ! –, le risque de fuite, le fait qu’on ne présentera pas des garanties suffisantes, etc. Il s’agit, en bref, de motivations excessivement floues.
C’est la tendance que suivent aujourd'hui les lois que nous votons, puisqu’elles sont recouvertes d’un flou de plus en plus important, d’où l’absence de sécurité juridique dans notre pays.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons l’idée bien simple de supprimer purement et simplement cet article 23.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, vous justifiez le présent projet de loi, notamment son article 23, par la nécessité de transposer plusieurs directives européennes, principalement la directive 2008/115/CE. Vous prenez donc l’Europe comme bouc émissaire pour ne pas avoir à justifier vos choix. Cela vient d’être parfaitement illustré par les propos de mon collègue Louis Mermaz.
Cependant, quand on regarde dans le détail, le compte n’y est pas. Prenons les alinéas 14 à 20 de cet article qui détaillent les hypothèses pouvant autoriser l’administration à s’abstenir d’accorder un délai au départ volontaire.
Dans le texte de la directive, seules trois hypothèses sont envisagées : le risque de fuite, une demande de séjour régulier rejetée comme manifestement infondée, le cas de la personne qui présente un danger pour l’ordre public. Cette notion de danger fait l’objet d’une jurisprudence précise de la Cour de justice des Communautés européennes, qui en restreint l’application pour les citoyens communautaires. Si vous souhaitez faire un nivellement, au nom de l’égalité républicaine, nous supposons qu’il se fera par le haut.
Il existe trois possibilités dans la directive, mais huit dans votre texte. Cherchez l’erreur ! Où est la transposition ici ? Il nous semble que, sous couvert de transposition, vous avez surtout essayé de faire dans l’idéologie.
Je rappelle que, pour le législateur communautaire, le délai de départ est la règle et son absence l’exception. Dans votre texte, c’est le contraire...
Je poursuis : l’interdiction de retour constitue un recul très fort de nos valeurs. Il est vrai que cette possibilité est ouverte par le texte de la directive. Cependant, elle ne reste qu’une possibilité et c’est bien ainsi qu’elle doit être comprise par le juge. Nous espérons que vous serez clair sur ce sujet, monsieur le ministre.
Par ailleurs, cette disposition ne doit en aucune manière concerner les demandes d’asile. Votre texte est muet sur cette question pourtant essentielle. Les personnes qui demandent asile ne doivent pas voir leurs droits être rognés d’une quelconque manière. Non seulement c’est contraire à l’esprit et au texte de la convention de Genève, mais cela constitue un réel recul par rapport à nos valeurs.
En deux ans, beaucoup de choses peuvent évoluer dans de nombreux pays instables ; nous ne pouvons pas nous permettre de condamner à l’attente des personnes qui pourraient avoir recours à l’asile du fait d’une détérioration de la situation de leur pays.
Ce texte n’est pas à la hauteur des enjeux, et il se pare d’une valeur qu’il n’a pas. Il ne transpose pas la directive ; il en trahit parfois le sens ou en accentue la portée. C’est donc bien un texte idéologique plus que technique que vous nous présentez. En conséquence, vous comprendrez pourquoi nous avons déposé nos amendements.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 41 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 156 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 351 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 41 rectifié.
M. Jacques Mézard. Par cet amendement, nous souhaitons supprimer l’article 23, qui illustre parfaitement la transposition ultra petita de la directive Retour que veut effectuer le Gouvernement.
Cet article institue deux dispositifs : l’ordre de quitter le territoire sans délai et l’interdiction de retour sur le territoire français, l’IRTF.
Il convient d’abord de rappeler qu’en fixant aux services de police des objectifs chiffrés d’expulsions on n’a fait qu’accroître de façon considérable le nombre de mesures d’éloignement ainsi que le volume du contentieux qui y est lié. En réalité, 80 000 mesures d’éloignement sont prononcées par voie administrative chaque année. Ce chiffre engendre un contentieux énorme et, de ce fait, les juridictions sont aujourd’hui complètement débordées.
L’obligation de quitter le territoire français sera décidée et mise à exécution par l’autorité administrative, sans délai pour procéder à un départ volontaire, et ce dans huit cas qui couvrent pratiquement toutes les situations d’entrée ou de maintien irrégulier sur le territoire.
En fait, l’obligation de quitter le territoire français, l’OQTF, continuera d’engendrer un contentieux très abondant, et la situation actuelle se maintiendra. La commission Mazeaud recommandait au contraire de réserver les mesures d’éloignement aux étrangers en situation d’être vraiment éloignés. Aujourd’hui, c’est l’inverse, puisqu’on essaie d’englober un maximum d’étrangers pour, ensuite, les éloigner en utilisant les OQTF.
La commission Mazeaud proposait également de développer les retours volontaires. La directive Retour est très incitative sur ce point. Mais, avec la solution de l’obligation de quitter le territoire français, les délais ne seront pas respectés, et l’on sait que les retours forcés ont un coût nettement supérieur à celui des retours volontaires.
La lettre et l’esprit de la directive Retour privilégient le départ volontaire et font de l’éloignement forcé un dernier recours. Or l’article 23 tend à faire du départ forcé le principe.
De même, alors que la directive prévoit seulement la possibilité de l’interdiction de retour sur le territoire, le texte qui nous est proposé rend cette interdiction bien plus facile à délivrer, même si, je le souligne, la commission a assoupli le régime voté par les députés.
La directive est claire en ce qu’elle donne la capacité aux États de proposer des délais de retour inférieurs au droit commun dans un certain nombre de cas limitatifs et motivés. Or, dans le texte, cette capacité se transforme en possibilité d’appliquer ce traitement à toutes les personnes présentes sur le territoire de façon irrégulière, sans exception.
Tout cela aboutit à un renversement de la charge de la preuve : l’administration pourra se contenter de motiver la procédure qu’elle engage par le seul constat de la présence irrégulière, tandis que c’est à l’étranger qu’il appartiendra de démontrer l’existence de circonstances particulières pour prouver qu’il n’était pas sur le point de fuir.
Par ailleurs, certaines hypothèses prévues par le projet de loi justifiant d’une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire sont contraires à la directive Retour.
Cet article risque ensuite de rendre impossible l’effectivité de la demande d’asile. Le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés a d’ailleurs formulé de fortes réserves, en particulier à l’égard de cet article 23, ce qui justifie d’autant plus notre demande de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 156.
Mme Éliane Assassi. Cet article 23 est sans doute l’un des articles les plus graves du texte. Comme cela a été dit, il s’agit de transposer dans notre droit la directive Retour, que nous appelons, nous, la directive « de la honte » et que nous rejetons avec force.
Cette disposition, qui réécrit l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’une part, remplace par une procédure unique les deux procédures qui coexistaient pour éloigner les étrangers – l’obligation de quitter le territoire français et l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière – et, d’autre part, institue une peine de bannissement plus ou moins longue selon les cas de figure.
Cette OQTF est décidée et mise à exécution par l’autorité administrative, qui peut, de surcroît, obliger l’étranger à quitter sans délai le territoire français.
Je précise que cette OQTF sans délai de départ volontaire concerne quasiment toutes les situations d’entrée ou de maintien irrégulier sur le territoire.
Il sera difficile demain d’y échapper, mais, après tout, n’est-ce pas là le but recherché ? Cela permettra d’augmenter la proportion d’étrangers quittant effectivement le territoire, ce que n’a pas permis l’OQTF issue de la loi du 24 juillet dont le taux d’exécution s’élevait à 2,4% selon le rapport de M. Mazeaud publié en 2008.
Cette obligation de quitter le territoire français est assortie, dans certains cas, d’une interdiction de retour d’une durée variable, valable sur l’ensemble du territoire européen. L’étranger qui fait l’objet d’une telle mesure est signalé au système d’information Schengen.
Je précise que le Gouvernement n’a repris que les dispositions les plus sévères de la directive Retour, alors même qu’elle contient quelques mesures protégeant les migrants.
L’Assemblée nationale, qui a cru bon d’en rajouter, a fait du zèle lors de l’examen de cet article 23 et a durci encore le dispositif initial proposé par le Gouvernement, allant au-delà de ce que préconisait la directive européenne, à tel point que la commission des lois du Sénat, peut-être par crainte de la censure du Conseil Constitutionnel, a été obligée de revenir à la rédaction originelle s’agissant notamment du caractère facultatif, et non pas systématique comme le souhaitaient certains députés, de la mesure d’interdiction du territoire.
Bien évidemment, les quelques modifications apportées par la commission pour éviter la censure du Conseil Constitutionnel ne suffisent pas à faire passer la pilule, si vous me permettez cette expression, et ne peuvent masquer la gravité d’une telle disposition pour tous les étrangers et leurs défenseurs.
Ce dispositif, qui n’existe que pour mieux relancer la machine à expulser et atteindre les quotas d’expulsion que le Gouvernement se fixe à lui-même – oubliant totalement que, derrière ces chiffres, se trouvent des femmes, des enfants, des hommes –, va par ailleurs complexifier encore les procédures en matière d’éloignement du territoire.
Enfin, je précise que les décisions prévues par l’article 23 ne seront pas prises par un juge : elles sont laissées à l’arbitraire de l’administration et du préfet, qui peuvent décider de la durée du bannissement du territoire européen et de l’inscription au système d’information Schengen, fichier européen interdisant l’accès au territoire de l’espace Schengen pour une durée allant de deux à cinq ans.
Ces décisions pourront aussi bien concerner les demandeurs d’asile, au mépris de la convention de Genève, que les familles bénéficiaires du regroupement familial, portant ainsi atteinte à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.
D’ailleurs, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés a formulé de fortes réserves sur ce projet de loi en général et sur son article 23 en particulier.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 351.
M. Richard Yung. L’article 23 du présent projet de loi vise à fusionner les mesures d’éloignement des étrangers en situation irrégulière existantes – OQTF et APRF – et à créer l’interdiction de retour sur le territoire français, ou IRTF.
Ces dispositions ne sont pas acceptables, car elles sont le fruit d’une interprétation abusive de la directive Retour.
Celle-ci prévoit, dans son article 7, trois hypothèses autorisant un État à ne pas accorder un délai de départ volontaire : la première est liée à l’existence d’un risque de fuite ; la deuxième, au rejet d’une demande de séjour régulier jugée manifestement non fondée ou frauduleuse ; la troisième, à l’existence d’un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.
Ces dispositions traduisent la volonté du législateur communautaire d’encadrer étroitement les cas dans lesquels un État membre peut supprimer le délai accordé au migrant pour quitter volontairement le territoire.
Or les alinéas 11 à 20 de l’article 23 tendent à préciser que l’administration peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire non plus dans trois cas, mais dans huit cas différents.
Les cas prévus aux alinéas 12 et 13 correspondent aux deux dernières situations envisagées par l’article 7 de la directive, alors que les six possibilités énumérées aux alinéas 14 à 20 ne sont pas prévues au niveau communautaire.
Les hypothèses décrites aux alinéas 15 à 17 sont particulièrement discutables.
Ainsi, s’abstenir de demander de titre de séjour est interprété comme le signe de ce que l’étranger concerné risque de se soustraire à l’obligation de quitter le territoire français. Or les pratiques préfectorales rendent difficile, et parfois impossible, le simple dépôt d’une demande de titre de séjour. Il arrive en effet que le guichet ne soit ouvert que pour vingt personnes, et seulement de dix heures à onze heures.
Par ailleurs, l’hypothèse envisagée à l’alinéa 20 ouvre la voie à l’arbitraire de l’administration, car il n’est pas rare qu’un étranger ne soit pas en possession d’un document de voyage ou d’identité en cours de validité, pour des raisons que l’on peut facilement imaginer quand on connaît les périples souvent effectués par ces personnes.
L’ensemble de ces hypothèses nous conduit à penser que la directive Retour, qui dispose que le départ volontaire doit être la règle, n’est pas respectée.
L’article 23 vise également à créer une interdiction de retour sur le territoire français, dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises. Nous considérons qu’il s’agit d’une double peine, injuste et même inique, en particulier parce qu’elle est extrêmement sévère. Cette interdiction, faisant fi des éventuels changements de situation de la personne intéressée, peut en effet se prolonger de deux ans à cinq ans, pour l’ensemble des vingt-sept pays de l’Union.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet. L’article 23 fixe l’ensemble des mesures d’éloignement pouvant être prises à l’encontre des étrangers en situation irrégulière. Les auteurs de ces amendements de suppression marquent leur profond désaccord avec la refonte des mesures d’éloignement résultant de la transposition de la directive Retour, refonte qui permet pourtant de simplifier le droit en vigueur en substituant une mesure d’éloignement unique, l’obligation de quitter le territoire français, aux deux mesures qui préexistaient, à savoir l’OQPF et l’APRF, et en faisant du délai de départ volontaire la règle.
Ce dernier point est important puisque l’autorité administrative devra, le cas échéant, motiver de manière circonstanciée sa décision de ne pas accorder ce délai. Cet élément important du texte que nous examinons, qui n’a pas été évoqué jusqu’à présent, méritait d’être souligné.
Enfin, l’article 23 vise à introduire une interdiction administrative de retour sur le territoire, qui ne pourra être prononcée que dans des circonstances précises et en tenant compte de la situation personnelle de l’intéressé, la commission des lois ayant supprimé le principe d’automaticité de cette mesure.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable sur ces trois amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à ces trois amendements.
Supprimer l’article 23 reviendrait tout simplement à supprimer la possibilité de réorganiser totalement les mesures d’éloignement, lesquelles seront désormais unifiées et remplacées par l’obligation de quitter le territoire français.
En effet, cet article prévoit, ni plus ni moins, d’intégrer dans la loi le principe du départ volontaire prévu par la directive Retour. Je suis donc surpris qu’il soit proposé aujourd’hui de renoncer à ce principe, pourtant favorable aux étrangers concernés puisqu’il privilégie les solutions les moins coercitives, conformément aux dispositions figurant dans les textes européens. La suppression de l’article 23 aurait évidemment pour conséquence d’annuler la priorité accordée au principe du départ volontaire.
Par ailleurs, cet article vise à introduire une interdiction de retour sur le territoire français. Sur ce point, je fais miennes les remarques qui viennent d’être formulées par M. le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Le vote sur ces trois amendements de suppression de l’article 23 sera un des moments importants de la discussion de ce projet de loi, comme le fut, la semaine dernière, le vote par lequel le Sénat s’est honoré en refusant l’extension de la déchéance de la nationalité.
« Déchéance » : voilà un mot qui pèse lourd. Nous avons donc expliqué combien il était salutaire de le supprimer, ce que la majorité du Sénat a fait.
Il est un autre mot qui fait mal, parce qu’il a une histoire, c’est celui de « bannissement ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne s’agit pas de « bannir » : on n’a plus le droit de revenir, c’est tout !
M. Jean-Pierre Sueur. Du plus profond de l’histoire de la civilisation, du plus profond de la littérature, se pose la question de l’autre, de l’« aversier », comme l’on disait au Moyen-Âge, c'est-à-dire le diable, le réprouvé, l’exclu, le banni, contre lequel il est toujours possible de construire un système social.
Pour ma part, je n’aime pas beaucoup ce mot de « banni ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vous qui l’utilisez !
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne pense pas que notre civilisation progresse en instaurant, en cette année 2011, le bannissement.
Lorsque j’essaie de réfléchir aux raisons pour lesquelles une telle mesure serait nécessaire, je n’en trouve aucune et ni M. le ministre ni M. le rapporteur n’en ont avancé. Mais peut-être quelqu’un pourra-t-il en citer une.
Tout à l’heure, il a été démontré par M. Yung, par M. Anziani, par M. Mermaz, par Mme Khiari, que la directive Retour n’imposait pas d’instaurer le bannissement.
Par ailleurs, il a été rappelé à quel point l’Assemblée nationale avait voulu donner à cette affaire un caractère automatique, que M. le rapporteur – je lui en donne acte – s’est efforcé de faire disparaître.
Mes chers collègues, à cet égard, je tiens à vous rappeler la phrase qui figure dans le considérant 6 de la directive Retour : « Conformément aux principes généraux du droit de l’Union européenne, les décisions prises en vertu de la présente directive devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier. »
Je souligne également que, en 1993, le Conseil constitutionnel avait déjà censuré la notion d’interdiction de retour, que celle-ci soit automatique ou mécanique.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Quelle est la différence ?
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, il y a là un vrai problème de fond ! Je serais d’ailleurs très heureux, monsieur le président de la commission des lois, que vous me répondiez sur ce point.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À quoi bon me fatiguer ?
M. Jean-Pierre Sueur. En effet, je ne comprends pas ce que notre pays gagne à instaurer, ce soir, le bannissement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas un bannissement !
M. Jean-Pierre Sueur. Pour finir, permettez-moi, mes chers collègues, de citer les propos tenus par un parlementaire sur ce sujet :
« L’interdiction du territoire français, dont traite cet article, est à mes yeux une sorte de bannissement. Je ne cite qu’un seul exemple : les déboutés du droit d’asile pourront ainsi être bannis de notre territoire. Or le fait que ne leur soit pas reconnu le statut de réfugié ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont pas été exposés à des persécutions dans leur pays d’origine.
« Parfois, ces personnes n’ont pu bénéficier des conditions matérielles et psychologiques indispensables à la constitution d’un dossier solide, notamment lorsqu’elles n’ont pu être accueillies dans les structures d’accueil telles que les CADA, les centres d’accueil des demandeurs d’asile, où le nombre de places est insuffisant : il y en a environ 21 000, alors qu’il en faudrait 30 000 ou 40 000. Ceux qui n’ont pu y accéder ont vu leur demande de protection rejetée. Faut-il pour autant les bannir de notre territoire et les renvoyer à leurs bourreaux ? »
C’est un député UMP, M. Etienne Pinte, qui s’oppose avec tant de force à ce bannissement.
Mme Bariza Khiari. Lui a des valeurs !
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, je souhaite vraiment que nous renoncions à voter une telle mesure. Si quelqu’un ici peut nous en expliquer l’intérêt, qu’il parle ! Sinon, notre décision ne sera fondée sur rien. La directive Retour ne nous impose absolument pas d’adopter, ce soir, le bannissement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 41 rectifié, 156 et 351.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. Jean-Pierre Sueur. Il n’y a pas eu d’explications !
M. le président. L'amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 8, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et indique les délais et voies de recours
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement étant satisfait, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 42 rectifié est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 43 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 352 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 8, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié.
Mme Françoise Laborde. La deuxième phrase de l’alinéa 8 de cet article contrevenant à l’obligation de motivation des décisions de retour, d’interdiction d’entrée et d’éloignement qu’impose l’article 12 de la directive Retour, nous vous demandons, mes chers collègues, de la supprimer.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 352.
M. Richard Yung. L’alinéa 8 précise que la décision énonçant une OQTF ne fait pas l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour.
Cette disposition, actuellement en vigueur, n’a plus guère de sens, car, dans le projet de loi, l’OQTF n’est plus liée à la décision de refus du séjour.
Elle est également, selon nous, contraire à la directive Retour, dont l’article 12 précise que les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d’interdiction d’entrée et les décisions d’éloignement sont rendues par écrit, indiquent leur motif de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours possibles.
Nous pensons donc que, dans tous les cas, l’OQTF doit être motivée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces deux amendements tendent à prévoir que l’OQTF doit être motivée même lorsqu’elle découle directement d’une décision sur le séjour.
L’obligation de motivation distincte a été logiquement supprimée dans ce cas particulier par la loi du 20 novembre 2007 : en effet, dès lors que le refus ou le retrait de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d’assortir le refus du séjour d’une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, une telle mesure n’est pas nécessaire.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 rectifié et 352.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 353, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« À tout moment, l'autorité administrative peut décider d'accorder un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs humanitaires ou autres à un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire français.
La parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz. Il s’agit pour nous d’un amendement de repli, car nous voulons au moins éviter le pire.
Il tend à accorder aux autorités préfectorales la possibilité de régulariser les migrants conformément à l’article 6, paragraphe 4, de la directive Retour.
En effet, les rédacteurs de cette directive, dont nous déplorons au demeurant l’approbation par l’institution européenne, y ont saupoudré, par-ci, par-là, quelques dispositions moins « raides » que d’autres et ont su parfois faire preuve d’un certain humanisme. Ainsi, son article 6, paragraphe 4, dispose : « À tout moment, les États membres peuvent décider d’accorder un titre de séjour autonome ou une autre autorisation conférant un droit de séjour pour des motifs charitables,… » – on sent là l’influence de la démocratie chrétienne, mais c’est toujours mieux qu’autre chose ! – « … humanitaires ou autres à un ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire. Dans ce cas, aucune décision de retour n’est prise. Si une décision de retour a déjà été prise, elle est annulée ou suspendue pour la durée de validité du titre de séjour ou d’une autre autorisation conférant un droit de séjour. »
La directive Retour autorise donc les États à s’abstenir d’ordonner le retour d’un étranger en situation irrégulière en procédant à la régularisation de sa situation.
J’ai parlé à l’instant de coloration démocrate chrétienne, mais on peut aussi, tout simplement, parler de « bons sentiments » !
Or le Gouvernement français, lui, pousse à la roue dans l’autre sens, vers plus de dureté, plus de répression et s’assoit sur les quelques espaces de liberté et d’humanité qu’ouvre cette directive.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Éric Doligé. Il faut bien s’asseoir quelque part ! (Sourires sur certaines travées de l’UMP.)
M. Louis Mermaz. Compte tenu de la philosophie du présent projet de loi, on ne s’étonnera pas de ne pas y retrouver ces dispositions protectrices pour les migrants.
Puisque les préfets savent parfois, en leur âme et conscience, faire preuve d’humanité, qu’ils puissent donc éviter le pire lorsqu’ils sont saisis de cas précis !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est ce qu’ils font !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Là encore, la commission a considéré que le champ de la disposition proposée dans cet amendement était beaucoup trop large.
En outre, plusieurs dispositions du CESEDA permettent de prendre en compte les situations visées par les auteurs de l’amendement, par exemple celles qui concernent les étrangers malades ou les victimes de violences conjugales.
La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Cet amendement vise à préciser dans la loi que l’autorité administrative peut délivrer un titre de séjour alors même que les conditions légales ne sont pas remplies.
Une telle mention dans la loi est inutile ; il va de soi que, compte tenu de son pouvoir d’appréciation au cas par cas, le préfet peut accorder un titre de séjour à un étranger en situation irrégulière.
Par ailleurs, l’article 40 de la loi du 20 novembre 2007 a prévu la prise en compte de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels qu’il appartient à l’étranger de faire valoir pour la délivrance d’un titre de séjour. C’est le régime de l’admission exceptionnelle au séjour.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 160 et 357 sont identiques.
L'amendement n° 160 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 357 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 11 à 21
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 160.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous estimons que certaines des hypothèses justifiant, selon le projet de loi, une OQTF sans délai de départ volontaire sont contraires à la directive Retour.
En effet, l’article 7, paragraphe 4, de la directive est très précis et envisage trois hypothèses dans lesquelles l’administration peut s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire : s’il existe un risque de fuite ; si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse ; si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.
Cet article doit être interprété comme la manifestation par le législateur communautaire de sa volonté d’encadrer étroitement les cas dans lesquels l’État peut supprimer le délai accordé pour quitter le territoire.
Or l’article 23 du projet de loi va bien au-delà puisqu’il ne prévoit pas moins de huit hypothèses dans lesquelles l’administration peut refuser le délai de départ volontaire.
Cet article décline six possibilités de « risque de fuite », qui ne sont pas prévues par la directive européenne.
Nous considérons, par exemple, que le fait de ne pas avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour ne saurait être considéré comme l’intention de se soustraire à l’obligation de quitter le territoire français. En effet, trop souvent, les pratiques préfectorales rendent difficile, voire impossible le simple dépôt d’une demande de titre de séjour.
De même, le fait de ne pas être en possession d’un document de voyage ou d’identité en cours de validité ne saurait être considéré comme la volonté de se soustraire à l’obligation de quitter le territoire français tant il est difficile d’en obtenir le renouvellement auprès de certains consulats en France, en l’absence notamment d’un titre de séjour en cours de validité.
L’ensemble de ces hypothèses et le caractère très large des critères retenus laissent un pouvoir discrétionnaire à l’administration pour refuser un délai de départ volontaire.
Je précise que, dans une décision rendue le 18 octobre 2006, le Conseil d’État a précisé la notion de fuite, qui doit, selon lui, « s’entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l’autorité administrative dans le but de faire obstacle à l’exécution d’une mesure d’éloignement le concernant ». Tel n’est pas le cas dans les hypothèses retenues à l’article 23.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d’adopter au moins cet amendement de repli.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour présenter l’amendement n° 357.
M. Louis Mermaz. Par cet amendement, nous proposons de supprimer la possibilité pour l’administration de prononcer une OQTF sans délai de départ volontaire. De fait, cette mesure s’apparente à une expulsion brutale et à une interdiction de revenir sur le territoire français, autrement dit à un bannissement, comme nous l’avons expliqué longuement.
L’article 23 dispose que l’administration pourra, par une décision motivée, décider que l’étranger doit quitter le territoire sans délai. Dans ce cas, il est prévu que l’étranger dispose de quarante-huit heures pour contester la mesure d’éloignement, alors que ce délai est de trente jours dans le cas d’une OQTF avec délai de départ volontaire.
Or, au cours de ce délai de quarante-huit heures, il est évident que l’intéressé – j’allais dire la victime ! – pourra être amené à contester, et il devra le faire dans un même recours, non seulement l’OQTF, mais aussi la décision relative au séjour, la décision refusant un délai de départ volontaire, celle qui mentionne le pays de destination et, le cas échéant, celle qui concerne l’interdiction de retour sur le territoire français, ainsi que le placement en rétention. Quarante-huit heures pour contester six décisions administratives !
Compte tenu de la lourdeur et de la complexité de la procédure, de la brièveté des délais de recours, il est à craindre que la plupart des étrangers n’aient pas la possibilité de déposer leur recours dans les délais. C’est ce qui se passe souvent.
Quant à ceux qui y parviendraient, ils risqueraient de ne pas pouvoir respecter les conditions de fond et de forme posées par l’article R. 222–1 du code de justice administrative, ce qui impliquerait un rejet de leur requête par ordonnance de tri, sans audience.
Ce dispositif n’offre manifestement pas aux étrangers un droit de recours effectif. Il est donc contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui, dans un arrêt du 2 septembre 2010, a considéré, dans une situation voisine, que le recours contre un arrêté de reconduite à la frontière à la suite d’une décision de rejet de l’OFPRA, fût-il suspensif, ne pouvait être pleinement effectif, en raison du peu de temps dont disposent à la fois l’étranger pour déposer sa requête et le juge pour statuer, ainsi que des faibles perspectives raisonnables de succès de ce recours.
Par ailleurs, les critères permettant à l’administration de prononcer une OQTF sans délai de départ volontaire sont extrêmement larges et flous, comme toujours, et dépassent largement les possibilités ouvertes par le paragraphe 4 de l’article 7 de la directive Retour.
Cette dernière, dont nous continuons à déplorer l’adoption, prévoit tout de même que l’octroi d’un délai de départ volontaire doit être la règle et le refus, l’exception. Les dispositions de l’article 23 ouvrent donc la voie à la subjectivité de l’administration, voire à l’arbitraire ou, parfois, heureusement, au bon cœur d’un fonctionnaire.
Les alinéas 11 à 21 sont également contraires aux grands principes de la directive Retour, notamment au sixième considérant, qui précise : « Conformément aux principes généraux du droit de l’Union européenne, les décisions prises en vertu de la présente directive devraient l’être au cas par cas et tenir compte de critères objectifs, ce qui implique que l’on prenne en considération d’autres facteurs que le simple fait du séjour irrégulier. »
Une fois de plus, le Gouvernement français va plus loin que ce que la directive Retour lui impose. C’est faire du zèle dans la persécution de l’étranger ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après les mots :
décision motivée
insérer les mots :
indiquant les délais et voies de recours
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement ainsi que l’amendement n° 44 rectifié étant satisfaits, nous les retirons, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 45 rectifié est retiré.
L'amendement n° 359, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
, lorsque son comportement constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale
II. - Alinéas 12 à 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz. Nous allons une fois encore faire la démonstration du climat de glaciation qui s’instaure.
Conformément à l’esprit du législateur communautaire, nous proposons, par cet amendement, que l’obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire ne puisse être prononcée que si la personne concernée représente une menace lourde pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. Le délai de départ volontaire doit demeurer la règle, mais nous sommes manifestement là devant un cas d’exception.
Les alinéas 11 à 20 de l’article 23 visent à permettre aux autorités préfectorales d’obliger un étranger à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire.
Ils visent à transposer les dispositions de l’article 7, paragraphe 4, de la directive Retour, qui prévoit trois hypothèses dans lesquelles l’administration peut s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire.
La première hypothèse est l’existence d’un risque de fuite. Encore faut-il qu’il s’agisse d’un risque sérieux. Or, comme nous avons déjà eu l’occasion de l’indiquer, la présentation d’un billet, l’existence d’une famille, la présence d’un avocat sont autant d’éléments qui garantissent contre le risque de fuite.
La deuxième hypothèse est la demande de séjour régulier rejetée comme manifestement non fondée, voire frauduleuse.
La troisième hypothèse est celle dans laquelle la personne constitue une menace pour l’ordre public.
Rien dans la directive n’oblige les États membres à transposer l’ensemble de ces trois hypothèses, qui, de surcroît, sont interprétées de manière extensive par le Gouvernement français.
Nous considérons qu’une obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire ne devrait pouvoir être prononcée que dans les cas les plus graves, c’est-à-dire lorsque la personne visée par la mesure d’éloignement représente vraiment une menace pour la sécurité du pays.
Selon l’esprit du législateur communautaire, le délai pour un départ volontaire doit toujours demeurer la règle. De ce point de vue, le Gouvernement français est une fois de plus hors des clous.
M. le président. L'amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
si son comportement constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.
II. - En conséquence, alinéas 12 à 20
Supprimer ces alinéas.
III. - En conséquence, alinéa 21
Remplacer les mots :
du deuxième alinéa du présent II
par les mots :
de l'alinéa précédent
Cet amendement a été précédemment retiré.
L'amendement n° 157, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° Si le comportement de la personne concernée constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ;
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement de repli tend à modifier la rédaction de l’alinéa 12, qui définit une des hypothèses permettant à l’autorité administrative de décider du départ sans délai d’un étranger : en cas de « menace à l’ordre public ».
Nous estimons que la notion d’« ordre public » est trop floue. Elle est toujours utilisée de façon abusive pour justifier les options idéologiques prises par le Gouvernement en matière de politique migratoire et sécuritaire.
L’ordre public renvoie au « bon ordre », à la « sécurité », à la « salubrité » et à la « tranquillité » publiques. Si cette notion est très claire lorsque le trouble provoque un danger ou une restriction des libertés des autres citoyens, elle devient beaucoup plus vague lorsqu’il s’agit d’une atteinte à la quiétude.
Il convient donc de mieux encadrer ce dispositif en précisant, par exemple, que le comportement de la personne « constitue une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société ». Cette précision éviterait de recourir abusivement à cette notion aux contours sont mal définis pour décider d’un départ sans délai d’un étranger qui, faut-il le rappeler, peut être très lourd de conséquences pour lui.
M. le président. L'amendement n° 354, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer les mots :
ou manifestement infondée ou
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’alinéa 13 de l’article 23 vise à permettre à l’autorité administrative de prononcer une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire à l’encontre d’un étranger qui s’est vu refuser la délivrance ou le renouvellement de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour au motif que sa demande était manifestement infondée.
Une telle formulation laisse entendre qu’il y aurait des demandes de titres de séjour fantaisistes, qui seraient en soi totalement infondées. Pourtant, l’article L. 313-14 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, introduit en 2006, prévoit l’admission exceptionnelle au séjour pour les étrangers qui font valoir des considérations humanitaires et qui justifient des motifs exceptionnels. Aucune demande de délivrance ou de renouvellement de titre ne peut donc jamais être « manifestement infondée », même si elle ne correspond pas aux conditions légales dans lesquelles l’étranger se voit attribuer de plein droit une carte de séjour temporaire.
Dans ces conditions, nous vous proposons de supprimer les termes « manifestement infondée » afin de limiter le pouvoir discrétionnaire de l’administration.
M. le président. Les amendements nos 48 rectifié et 490 sont identiques.
L'amendement n° 48 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 490 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 14 à 20
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° S’il existe un risque de fuite.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 48 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement est de la même veine que ceux que nous avons défendus précédemment puisqu’il a pour objet de procéder à une transposition sincère de la directive Retour.
L’article 7 de la directive envisage trois hypothèses dans lesquelles l’administration peut s’abstenir d’accorder l’aide au départ volontaire : s’il existe un délit de fuite ; si une demande de séjour régulier a été rejetée comme manifestement non fondée ou frauduleuse ; si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. Il convient donc de s’en tenir à ces dispositions.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 490.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Le texte proposé par l’article 23 pour le II de l’article L. 511-1 du CESEDA étend considérablement le nombre d’hypothèses dans lesquelles l’administration peut s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire.
Les six hypothèses prévues aux alinéas 14 à 20, qui visent à transposer la notion de risque de fuite, ne correspondent ni au texte ni à l’esprit du paragraphe 4 de l’article 7 de la directive Retour. En effet, est d’abord assimilée à un risque de fuite l’absence de démarche en vue de la régularisation. Il s’agit là d’une interprétation extensive, voire outrancière de la directive.
La mise en œuvre des dispositions prévues aux alinéas 14 à 20 entraînerait également un renversement de la charge de la preuve. Il reviendrait en effet à l’étranger de démontrer que le risque de fuite n’existe pas, ce qui équivaut à exiger de sa part une preuve impossible à fournir.
En outre, est envisagée la situation de l’étranger n’ayant pas de documents de voyage ou d’identité en cours de validité. Un tel cas n’est considéré par la directive ni comme la traduction d’un risque de fuite ni comme justifiant la réduction du délai de recours volontaire. En ajoutant des possibilités à une exception qui, comme toute exception, doit s’entendre de manière limitative, les alinéas 14 à 20 de l’article 23 se révèlent contraires à « l’économie générale des dispositions de la directive », pour reprendre la formule du juge communautaire.
Selon notre rapporteur, le choix des critères permettant de présumer le risque que l’étranger se soustraie à la mesure d’éloignement relève sans doute d’une interprétation assez large de la notion de risque de fuite. Pour autant, notre collègue n’a tiré aucune conséquence de ses observations. Nous proposons donc de le faire à sa place en remplaçant les six hypothèses créées par le Gouvernement par les termes « S’il existe un risque de fuite. »
M. le président. L'amendement n° 47 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 20
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cas de ressortissants de l’Union européenne ou de leurs familles, les mesures d’ordre public ou de sécurité publique doivent être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. L’existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures.
« Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues. »
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement vise à distinguer l’appréciation des motifs d’ordre public par l’autorité administrative afin d’éviter une assimilation entre les ressortissants de l’Union européenne et ceux des pays tiers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements identiques nos 160 et 357 visent à supprimer la possibilité pour l’administration de prononcer une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire. Ce faisant, ils tendent à mettre l’administration dans l’impossibilité de prononcer une mesure d’éloignement semblable à l’actuel APRF, ce qui ne semble pas raisonnable.
La directive Retour permet d’ailleurs expressément de prévoir l’obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire dans un certain nombre de cas, que le présent article précise.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
L’amendement n° 359 tend à supprimer la possibilité de prononcer une OQTF sans délai de départ volontaire dans les autres cas que celui où le comportement de l’étranger constitue une menace pour l’ordre public.
Or, d’une part, la directive prévoit explicitement cette possibilité en cas de risque de fuite, d’autre part, il est nécessaire que l’administration puisse continuer à prononcer des mesures d’éloignement sans délai de départ volontaire dans les cas où l’étranger relève aujourd’hui d’un arrêté préfectoral de reconduite, pour lequel, précisément, un tel délai n’est pas prévu. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 157 tend à préciser la nature de la menace contre l’ordre public qui peut justifier une mesure d’obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire.
Cette notion d’« ordre public » est toutefois une notion classique de notre droit public et elle fait l’objet d’une jurisprudence abondante. Dès lors, il ne paraît pas opportun de la compléter par de nouveaux éléments, du moins en dehors des cas où la législation communautaire l’exige. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Les termes « manifestement infondée », que l’amendement n° 354 vise à supprimer, s’agissant de la demande de titre de séjour, sont identiques à ceux de la directive Retour. Ils s’appliquent aux cas où le type de titre de séjour demandé ne correspond en rien à la situation réelle du demandeur. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
Les amendements identiques nos 48 rectifié et 490 tendent à supprimer les dispositions caractérisant le « risque de fuite » susceptible de justifier qu’aucun délai de départ volontaire ne soit accordé à l’étranger. Or ces dispositions sont absolument nécessaires pour que l’administration puisse motiver sa décision en s’appuyant sur des critères précis.
Ainsi, les critères fixés par le texte recouvrent, d’une part, les cas où le lien de confiance avec l’administration est rompu, par exemple parce que l’étranger n’a jamais demandé le titre de séjour nécessaire ou son renouvellement et, d’autre part, les cas où l’étranger n’a pas de garanties de représentation permettant à l’administration de s’assurer de sa personne en vue de l’exécution éventuelle de la mesure d’éloignement.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
Enfin, l’amendement n° 47 rectifié tend à insérer dans l’article 23 des dispositions issues de la directive dite « libre circulation ». Or les dispositions de l’article 23 ne concernent pas les étrangers ressortissants de l’Union européenne et la commission a intégré à son texte, à l’article 25, qui traite de cette question, des dispositions similaires à celles du présent amendement, dont elle souhaite donc le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement est, pour les mêmes raisons que la commission, défavorable aux amendements identiques nos 160 et 357.
L’amendement n° 359, dont l’objet est de restreindre la possibilité de refuser un délai de départ volontaire aux seuls cas de menace pour l’ordre public, vise à supprimer deux cas de refus : lorsqu’une demande de séjour régulier a été rejetée comme manifestement infondée ou frauduleuse ; lorsqu’il existe un risque de fuite. Ces deux cas sont pourtant expressément prévus à l’article 7 de la directive Retour.
Par ailleurs, je le rappelle, il n’existe pas d’automaticité pour refuser le délai de départ volontaire et l’autorité administrative conserve un pouvoir d’appréciation. L’alinéa 11 de l’article 23 précise en effet que le délai de départ peut être refusé et l’alinéa 14 du même article que le « risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière ».
Pour ces différentes raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 157 tend à préciser la notion de menace pour l’ordre public justifiant le prononcé d’une obligation de quitter le territoire français sans délai, mais les précisions qu’il est proposé d’apporter introduisent une double confusion dans notre droit de l’éloignement.
Tout d’abord, dans le cadre de l’obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, les auteurs de l’amendement donnent une définition de la menace à l’ordre public qui est très proche des critères pouvant justifier un arrêté d’expulsion. Or il est évident que la menace dont il s’agit à l’article 23 ne présente pas le même degré que celle qui justifie le prononcé d’une telle mesure d’expulsion.
Ensuite, comme l’a souligné M. le rapporteur, ils appliquent à l’article 23, qui concerne les ressortissants des pays tiers, une rédaction issue de la directive de 2004 sur les ressortissants communautaires.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 354 marque le refus de l’idée qu’une demande de titre de séjour puisse être considérée comme manifestement infondée et que cela puisse justifier, dans le cadre d’une décision d’éloignement, un refus de délai de départ volontaire. L’amendement vise donc à supprimer les termes « manifestement infondée », qui sont pourtant une transposition fidèle du paragraphe 4 de l’article 7 de la directive Retour. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
De fait, les amendements nos 48 rectifié et 490 reviennent à supprimer l’ensemble des critères objectifs permettant d’apprécier le risque de soustraction à la mesure d’éloignement pour les remplacer par la simple mention d’un risque de fuite. Le Gouvernement ne peut émettre qu’un avis défavorable.
L’amendement n° 47 rectifié, comme l’a indiqué M. le rapporteur, établit un rapprochement, qui n’est sans doute pas très heureux, avec les ressortissants de l’Union européenne, alors que les dispositions de l’article 23 visent les ressortissants des pays tiers. Le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Mme Anne-Marie Escoffier. Je le retire, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 47 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 160 et 357.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 48 rectifié et 490.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 49 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Avant de prendre une décision obligeant un ressortissant communautaire à quitter le territoire pour des raisons d’ordre public ou de sécurité publique, l’autorité administrative tient compte notamment de la durée du séjour de l’intéressé sur le territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l’État membre d’accueil et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement se rapprochant de l’amendement n° 47 rectifié, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 49 rectifié est retiré.
L'amendement n° 158, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Avant de prendre une décision obligeant un ressortissant communautaire à quitter le territoire pour des raisons d'ordre public ou de sécurité publique, l'autorité administrative tient dûment compte notamment de la durée du séjour de l'intéressé sur le territoire, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans l'État membre d'accueil et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement de repli vise à transposer de façon littérale le 1° de l’article 28 de la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004.
Nous estimons que l’unification de la procédure d’éloignement des étrangers en situation de séjour irrégulier ne doit pas aboutir à une identité de traitement entre, d’une part, les ressortissants de pays tiers et, d’autre part, les ressortissants communautaires dans un sens qui diminuerait les garanties et protections de ces derniers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Nous avons déjà eu l’occasion de préciser que l’article 23 ne s’appliquait pas aux ressortissants communautaires. L'avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 50 rectifié, 161 et 362 sont identiques.
L'amendement n° 50 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 161 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 362 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 22 à 32
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 50 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Cet amendement vise à supprimer l’interdiction de retour sur le territoire telle qu’elle est prévue par les alinéas 22 à 32 de l’article 23.
Tout d’abord, la directive Retour n’imposant nullement qu’une telle interdiction relève de la seule compétence des autorités administratives, nous regrettons vivement qu’elle ne soit pas fondée sur une condamnation pénale prononcée par un juge judiciaire.
Cette interdiction porte également gravement atteinte au droit de mener une vie familiale normale, notamment pour l’étranger conjoint d’un ressortissant français, de même qu’au droit d’asile, dans l’hypothèse où l’étranger renvoyé dans son pays d’origine aurait ensuite besoin de le quitter en raison de menaces de persécution.
Le texte de ces alinéas ne protège aucune catégorie de personnes contre cette mesure. Il ne mentionne aucun critère pour justifier cette interdiction, mais simplement des éléments à prendre en compte pour moduler la durée de celle-ci. Ces critères de modulation nous frappent par leur imprécision : comment apprécier, par exemple, la menace pour l’ordre public permettant de justifier cette interdiction de retour ?
De surcroît, la transposition est non seulement erronée, mais aussi incomplète : la directive Retour exclut, sous certaines conditions, la possibilité de prononcer une interdiction de retour contre des personnes victimes de la traite des êtres humains ou qui ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités. Cette limitation n’est même pas reprise par le projet de loi. Et quand bien même l’administration abrogerait l’interdiction de retour, l’article ne prévoit pas l’annulation simultanée de l’inscription au fichier européen.
Tous ces éléments justifient, selon nous, la suppression de ces alinéas.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 161.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les alinéas 22 à 32 visent à transposer l’une des dispositions les plus graves de la directive Retour puisqu’il s’agit d’accorder à l’administration un pouvoir démesuré, en instituant un véritable bannissement des étrangers et une « double peine administrative ». L’autorité préfectorale va ensuite pouvoir assortir l’obligation de quitter le territoire d’une interdiction de retour sur le territoire français, qui s’étendra au surplus à tout le territoire Schengen, le signalement dans le système d’information Schengen étant prévu par le texte.
Cette disposition va rendre plus difficile encore, voire impossible la recherche éventuelle d’une protection ultérieure en Europe en cas de nécessité !
La durée de l’interdiction de retour variera selon que l’OQTF sera assortie ou non d’un délai de départ volontaire. Il est à craindre que l’autorité administrative ne notifie largement aux étrangers renvoyés des obligations de quitter le territoire sans délai de départ volontaire. Aucun motif n’est spécifiquement prévu en ce qui concerne le droit d’asile afin d’obliger l’autorité administrative à ne pas prononcer une interdiction de retour ou à en restreindre la durée.
Dès lors, si un demandeur d’asile débouté soumis à une interdiction de retour est resté sur le territoire français, il éprouvera les plus grandes craintes à se présenter au guichet d’asile d’une préfecture pour faire valoir son nouveau besoin de protection ou encore régulariser à un autre titre sa situation.
L’interdiction de retour est exécutoire. Craignant de se rendre en préfecture, ces anciens demandeurs d’asile risquent de se retrouver ainsi dans une situation de non-droit pendant plusieurs années.
Si un étranger revient avant l’expiration du délai de l’interdiction de retour, il risque de voir cette interdiction prolongée. S’il est placé en zone d’attente, il risque fort de ne pas être admis à entrer sur le territoire en raison de son interdiction de retour.
Le projet de loi prévoit certes la possibilité pour le ressortissant étranger de solliciter l’abrogation de l’interdiction de retour, mais il exige pour cela que l’intéressé réside hors de France.
Or il sera extrêmement difficile de mener une telle procédure à distance. Quant aux demandes d’abrogation de ceux qui se maintiendront sur le territoire, elles ne seront pas recevables.
En définitive, l’étranger qui souhaitera de nouveau faire examiner son besoin de protection sera contraint de recourir au juge administratif, à condition bien évidemment qu’il le saisisse dans les délais.
Cette mesure étant laissée à la discrétion des préfectures, il y a fort à craindre qu’elle ne devienne en réalité systématique.
Il n’existe pas de cadre législatif suffisant permettant de protéger effectivement les étrangers ayant vocation à recevoir de plein droit un titre de séjour. En pratique, il sera très difficile de contester une telle interdiction de retour sur le territoire.
De surcroît, votre texte va au-delà de ce que recommande la directive Retour, celle-ci excluant, par exemple, sous certaines conditions, aux termes de l’alinéa 2 du 3° de son article 11, la possibilité de prononcer une interdiction de retour contre des personnes victimes de la traite des êtres humains ou qui ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités. Or cette limitation n’est pas reprise par le projet de loi, ce que nous déplorons.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 362.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Les alinéas 22 à 32 de l’article 23 tendent à instituer un véritable bannissement des étrangers, qui serait applicable à tout l’espace Schengen pendant une période maximale de cinq ans.
Cette épée de Damoclès serait suspendue au-dessus de tous les étrangers ayant fait l’objet d’une mesure d’éloignement puisque, en dépit de l’extrême gravité de cette mesure, aucune catégorie d’étrangers ne serait explicitement protégée. L’article 23 se borne en effet à mentionner de manière floue que l’administration devrait notamment tenir compte de la durée de présence sur le territoire, de la nature et de l’ancienneté des liens avec la France.
Ce faisant, de nombreux étrangers qui ont pourtant vocation à séjourner sur le territoire français, comme des conjoints de Français ou de résidents en France, mais aussi des parents d’enfants français, en seraient bannis de manière discrétionnaire pour une durée allant de deux à cinq ans !
Nous considérons que cette mesure de bannissement est contraire à la Constitution.
Contrairement à la peine complémentaire d’interdiction du territoire, l’IRTF relèverait de la seule autorité préfectorale, et ne serait pas fondée sur une condamnation pénale prononcée par un juge judiciaire. Elle serait donc contraire à l’article 66 de la Constitution, qui dispose que l’autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle.
Ces dispositions méconnaissent également l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui dispose que la « loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » ; autant dire que ces peines doivent être proportionnées.
Je rappelle que le Conseil constitutionnel considère qu’une mesure d’interdiction du territoire ne peut pas être prononcée « sans égard à la gravité du comportement de l’étranger ».
Ces dispositions sont donc contraires à l’article XVI de la Déclaration de 1789, car des étrangers ayant contesté une OQTF pourraient voir prononcer contre eux une interdiction de retour avant même que leur recours, pourtant suspensif, n’ait été examiné par la juridiction administrative.
Le dispositif prévu aux alinéas 22 à 32 n’est pas non plus conforme aux prescriptions de la directive Retour. Cette directive prévoit certes que les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée « si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire ». Cependant, le 4° de son article 7 limite strictement les possibilités dans lesquelles « les États membres peuvent s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire ». Or le présent projet de loi donne à l’administration la possibilité de prononcer un refus de délai de départ dans un nombre bien plus grand de situations.
La directive prévoit que l’octroi d’un délai de départ volontaire doit être la règle et le refus de délai, l’exception. Cela implique que les IRTF automatiquement liées aux OQTF sans délai aient également un caractère exceptionnel. Or le projet de loi inverse cette logique en prévoyant un dispositif dans lequel l’IRTF serait la règle et non plus l’exception.
Enfin, le signalement au fichier SIS de toute personne faisant l’objet d’une IRTF pose également problème, car il ne constitue pas un impératif au regard de la directive. J’ajoute que cette disposition ne respecte pas non plus le principe de proportionnalité des inscriptions au fichier SIS II, consacré à l’article 21 du règlement (CE) n°1987/2006.
M. le président. L'amendement n° 46 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Après les mots :
décision motivée
insérer les mots :
indiquant les délais et voies de recours
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 46 rectifié est retiré.
L'amendement n° 363, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les personnes auxquelles un titre de séjour a été accordé, qui ont été victimes de la traite des êtres humains ou qui ont fait l'objet d'une aide à l'immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes, ne peuvent faire l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous poursuivons ce débat dans une atmosphère quelque peu irréelle.
Je dois vous avouer que, tout à l’heure, j’ai vraiment été très troublé par l’absence de réponse du Gouvernement.
Il n’est quand même pas banal – c’est le mot ! – de vouloir instaurer un bannissement du territoire français.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il ne s’agit absolument pas de cela !
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai pris acte du fait que notre assemblée avait voté en faveur du bannissement. C’est la démocratie ! Mais j’ai demandé à trois reprises pourquoi il était nécessaire d’instaurer une telle mesure et je n’ai pas eu le plus petit commencement de réponse.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On n’est pas obligé de vous répondre !
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai bien compris, en effet, que votre premier souci n’était pas de me répondre.
Le fait est que vous n’êtes absolument pas obligé de le faire, et croyez bien, monsieur le président de la commission, que je respecte par-dessus tout votre droit au silence…(Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. J’ai l’impression d’être en garde à vue ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Toutefois, lorsqu’on prend des mesures aussi conséquentes, il n’est pas interdit, me semble-t-il, de fournir quelques arguments en réponse à ceux qui doutent de la nécessité, pour la République française, de se doter d’un tel dispositif.
Maintenant que j’ai dit ce que j’avais sur le cœur, je peux présenter l’amendement n° 363.
Il n’a échappé à personne que la directive Retour était assortie d’une limite qui n’est pas reprise par l’article 23 du projet de loi.
En effet, aux termes du 3° de l’article 11 de cette directive, « les personnes victimes de la traite des êtres humains auxquelles un titre de séjour a été accordé conformément à la directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes ne font pas l’objet d’une interdiction d’entrée ».
Soucieux du respect de la loi européenne, nous proposons de transposer dans notre législation ces dispositions, qui vont dans le sens d’une meilleure protection des migrants en situation de faiblesse ou de danger.
La directive nous donne la possibilité d’exclure les personnes victimes de la traite des êtres humains. Pourquoi ne pas s’en saisir dans le présent texte ? Peut-être obtiendrai-je enfin une réponse.
Qui, dans cette assemblée, pourrait s’opposer à l’adoption d’une mesure protectrice des victimes de la traite des êtres humains ?
M. le président. L'amendement n° 355, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 23, seconde phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le signalement inscrit dans le système d'information Schengen est effacé dès lors que l'étranger n'est plus sous la contrainte d'une décision d'interdiction de retour.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Aux termes de l’alinéa 23, le prononcé d’une interdiction de retour sur le territoire français entraînera automatiquement un signalement aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen. Je rappelle que cette disposition n’est pas prévue par la directive Retour : c’est un fait incontestable !
Dans sa rédaction initiale, l’alinéa 23 ne prévoyait pas l’annulation du signalement. Cette carence tendait à faire peser sur les personnes soumises à une interdiction de retour sur le territoire français une très grande précarité administrative, pouvant conduire à une restriction légalement injustifiée de leur liberté de circulation lors de leur retour ou de leur transit sur l’espace Schengen.
Lors de l’examen en commission du présent projet de loi, le rapporteur a renvoyé au domaine réglementaire la fixation des modalités de désinscription du système d’information Schengen, ou SIS, et de celles par lesquelles un étranger qui a obtempéré à une mesure d’éloignement pourra obtenir l’abrogation de l’éventuelle interdiction de retour sur le territoire français.
Ces modifications ne nous paraissent pas suffisantes. Conformément à l’article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de fixer le principe aux termes desquels le signalement européen des étrangers frappés par une interdiction de retour sur le territoire français prend automatiquement fin dès que cette interdiction est levée, que ce soit par annulation de la décision par le tribunal administratif ou par acceptation du délai de retour volontaire.
Dans le cas contraire, on se heurterait à un problème de parallélisme des formes. À partir du moment où l’inscription est fixée par la loi, pourquoi la désinscription ne le serait-elle pas tout autant ? C’est logique ! Personne ne comprendrait pourquoi l’une serait de nature législative et l’autre de caractère réglementaire. Ce serait interpréter de façon quelque peu « tordue » l'article 34 de la Constitution.
M. le président. L'amendement n° 358, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Lors de l’examen du projet de loi en commission, M. le rapporteur a ôté à la mesure d’interdiction de retour sur le territoire français son caractère automatique. J’ai déjà souligné qu’il s’agissait d’un point positif. Cependant, il a maintenu la possibilité pour l’administration d’assortir une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire d’une interdiction de retour sur le territoire français d’une durée maximale de trois ans.
Vu que les alinéas 11 à 20 de l’article 23 donnent à l’administration la possibilité de prononcer un refus de délai de départ volontaire dans un nombre très important de situations, de nombreux migrants risquent de se voir soumis à une mesure de bannissement.
En outre, le délai de trois mois paraît disproportionné. Il risque en effet de porter gravement atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale, notamment pour les conjoints de Français. On peut craindre que cela ne provoque de nombreux drames humains.
M. le président. L'amendement n° 356, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 28
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'un étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour sur le territoire français sollicite l'admission au séjour au titre de l'asile en vue de formuler une demande d'asile, la mesure d'interdiction de retour est suspendue jusqu'à ce que la demande de l'intéressé, ainsi que le recours qu'il aura éventuellement sollicité, aient été instruits par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ou la Commission nationale du droit d'asile. »
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Le 8 décembre dernier, M. le ministre de l’intérieur déclarait au Figaro : « Notre politique de l’asile ne doit pas être dévoyée. » Or c’est malheureusement ce à quoi ce projet de loi risque d’aboutir.
La mise en œuvre d’une procédure d’interdiction de retour sur le territoire français est en effet de nature à porter gravement atteinte au droit constitutionnel d’asile si les étrangers renvoyés dans leur pays ont ensuite besoin de le quitter en raison de menaces de persécution.
En outre, si des demandeurs d’asile déboutés soumis à une interdiction de retour sur le territoire français se maintenaient sur le territoire français, ils risqueraient d’éprouver les plus grandes craintes à se présenter au guichet asile d’une préfecture pour faire valoir leur nouveau besoin de protection ou solliciter la régularisation de leur situation à un autre titre que l’asile. Craignant de se rendre en préfecture, ils pourraient se retrouver dans une situation de non-droit pendant plusieurs années, de peur d’entreprendre des démarches qui aboutiraient à leur éloignement vers le pays où ils ont subi des persécutions.
La création d’une interdiction de retour sur le territoire français vient malheureusement donner raison au Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Celui-ci s’est récemment déclaré préoccupé des politiques de lutte contre l’immigration clandestine dans l’Union européenne qui menacent le droit d’asile de personnes en danger dans leur pays.
La remise en cause de ce droit fondamental par ce projet de loi prouve que la France n’est pas, contrairement à ce que prétend M. Hortefeux, le pays le plus généreux en matière d’asile.
Par cet amendement, nous proposons que, conformément à la convention de Genève du 28 juillet 1951, une mesure d’interdiction de retour sur le territoire français ne puisse en aucun cas faire obstacle à la possibilité de demander l’admission au séjour au titre de l’asile.
M. le président. L'amendement n° 389 rectifié bis, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 29, deuxième et troisième phrases
Supprimer ces phrases.
II. - Alinéas 30 et 31
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. L’étranger sous le coup d’une interdiction de retour sur le territoire français ne peut demander le relèvement de cette mesure que s’il se trouve hors du territoire français. Il en est de même pour l’étranger souhaitant obtenir l’abrogation d’une mesure d’expulsion.
Pourtant, certaines personnes sont difficilement expulsables, soit en raison de leur fortes attaches en France ou de leur état de santé, soit parce qu’elles se trouvent dans l’impossibilité de retourner dans leur pays d’origine, qu’il s’agisse de refugiés, de victimes de traite ou de réseaux.
L’obligation de se trouver hors du territoire français pour déposer une demande de relèvement ou d’abrogation dissuade bien souvent l’étranger d’engager une telle procédure, le privant par là même du droit à un recours effectif.
Cet amendement tend à supprimer la condition de résidence hors de France pour la recevabilité d’une requête en relèvement d’une interdiction du territoire français ou d’une mesure d’expulsion.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Les amendements identiques nos 50 rectifié, 161 et 362 tendent à supprimer la nouvelle interdiction de retour sur le territoire français. Or, telle qu’elle est définie par le texte de la commission, cette mesure non seulement me semble équilibrée et entourée de garanties sérieuses, mais surtout transpose la directive Retour.
D’abord, dans le cas où l’étranger a bénéficié d’un délai de départ volontaire et a obtempéré à la mesure d’éloignement, il pourra demander l’abrogation de l’interdiction de retour, abrogation qui sera alors la règle.
Ensuite, dans tous les cas, l’interdiction de retour devra être motivée par l’administration au regard de la durée de la présence en France, de la nature et de l’ancienneté des liens avec notre pays, de l’existence de mesures d’éloignement antérieure et d’une éventuelle menace pour l’ordre public.
Alors que, dans le texte de l’Assemblée nationale, tous ces éléments n’étaient pris en compte que pour déterminer la durée de l’interdiction de retour, dans le texte de la commission, ils devront être examinés avant que la mesure elle-même ne puisse être décidée.
Enfin, il faut rappeler que certaines catégories d’étrangers ayant des liens particuliers avec la France ne peuvent pas être éloignées et ne pourront pas par conséquent être soumises à une interdiction de retour.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
Les dispositions prévues par l'amendement n° 363 sont satisfaites par le droit en vigueur. C'est la raison pour laquelle la commission en demande le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L'amendement n° 355, qui tend à prévoir que le signalement au système d’information Schengen est effacé dès lors que l’interdiction de retour sur le territoire français n’a plus d’objet, est satisfait par le texte de la commission, qui prévoit que les modalités de cet effacement seront fixées par voie réglementaire. C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement.
La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 358 pour les raisons qui ont déjà été évoquées.
L'amendement n° 356 vise à prévoir que l’étranger sous le coup d’une interdiction de retour sur le territoire français qui sollicite l’admission au séjour au titre de l’asile ne peut être reconduit d’office avant que sa demande d’asile ait pu être examinée.
La situation des personnes soumises à une interdiction de retour ne sera pas différente de celle des autres étrangers sollicitant l’admission au séjour au titre de l’asile sans avoir de visa. Par conséquent, comme pour ces derniers, la question qui se pose est celle de l’absence de recours suspensif – il en sera de nouveau question – devant la Cour nationale du droit d'asile dans les demandes d’asile en procédure prioritaire, d’une part, contre les demandes de réadmission, d’autre part. Ce sont des points sur lesquels il est encore nécessaire de travailler pour aboutir au dispositif le plus pertinent possible.
Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n° 389 rectifié bis tend à supprimer les conditions de résidence hors de France pour demander l’abrogation d’une mesure d’interdiction de retour. Or le fait de résider hors de France manifeste que la personne concernée a bien obtempéré à la mesure d’éloignement, ce qui fonde sa demande d’abrogation de l’interdiction de retour sur le territoire français. En outre, l’alinéa 28 de l'article 23 oblige l’administration à considérer avec attention la situation personnelle de l’intéressé avant de prononcer à son encontre une interdiction de retour. Elle ne devrait donc pas prendre cette mesure lorsque l’étranger est en réalité inexpulsable. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Les amendements identiques nos 50 rectifié, 161 et 362 tendent à supprimer toute référence à l’interdiction de retour sur le territoire français. Le Gouvernement ne saurait évidemment les accepter.
Monsieur Sueur, je souhaite réagir à vos propos. L’interdiction de retour sur le territoire français n’est pas un bannissement. Elle doit être entendue comme la conséquence du non-respect par l’étranger de son engagement à quitter le territoire. À ce titre, elle aura des vertus dissuasives sans empêcher quiconque de demander l’asile à la France s’il est menacé dans son pays d’origine.
Vous avez, à de nombreuses reprises, employé le terme « bannissement ». Mais vous êtes les seuls, vous et vos collègues du groupe socialiste, à le faire ici ! Vous dites que ce mot est particulièrement haïssable et vous l’utilisez sans cesse, alors qu’il ne figure dans aucun texte ! Pour notre part, nous n’avons jamais fait référence à une telle notion ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Je le répète, il s’agit simplement d’une mesure tirant la conséquence du non-respect par l’étranger de son engagement de quitter le territoire. Il n’est absolument pas question d’un bannissement. (M. Jean-Pierre Sueur proteste.)
Souvent, on a le sentiment que certains d’entre vous parlent pour le plaisir de s’écouter parler. (Nouvelles marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Comprenez, dès lors, que l’on ne souhaite pas systématiquement répondre en retour, pour éviter de voir les mêmes débats se répéter sans cesse.
L'amendement n° 363 est satisfait. En effet, il vise des cas de figure totalement improbables, prévoyant qu’une personne qui bénéficie d’un titre de séjour et qui a été victime de la traite des êtres humains ne puisse faire l’objet d’une interdiction de retour. Or l’interdiction de retour sur le territoire français vient toujours en complément d’une mesure d’éloignement et, par définition, ne peut pas trouver à s’appliquer dans le cas où un titre de séjour, même provisoire, a été accordé.
M. Jean-Pierre Sueur. Et la traite des êtres humains ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est déjà dans le code !
M. Philippe Richert, ministre. L'amendement n° 355 tend à insérer la mention selon laquelle le signalement inscrit dans le système d’information Schengen est effacé dès la cessation des effets de l’interdiction de retour sur le territoire français. Je le répète, je ne vois aucun inconvénient à ce que l’effacement intervienne dès l’expiration de l’interdiction de retour. Il s’agit de précisions qui ne relèvent pas de la loi et seront apportées par un décret en Conseil d’État.
L'amendement n° 358 vise à supprimer la possibilité pour l’autorité administrative de prononcer une obligation de quitter le territoire français sans accorder de délai de départ volontaire. Je reprends à mon compte l’argumentation développée par M. le rapporteur et émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 356, qui vise à faire en sorte que l’interdiction de retour soit suspendue par une demande d’admission au séjour au titre de l’asile jusqu’à ce qu’il soit statué sur cette demande et le recours éventuellement formé. En effet, cet amendement n’est pas utile. L’existence d’une interdiction de retour n’affecte nullement le droit d’asile. En aucun cas l’existence de l’interdiction de retour ne fera obstacle à l’examen d’une demande d’asile. La demande sera examinée à la frontière dans l’hypothèse où la mesure aura motivé un refus d’entrer et, s’agissant d’un étranger présent sur le territoire français, elle le sera selon la procédure prioritaire.
L’amendement n° 389 rectifié bis a pour objet de supprimer la condition de résidence hors de France pour la recevabilité des demandes d’abrogation ou d’interdiction de retour.
En complément des arguments développés par M. le rapporteur, je précise qu’en tout état de cause les dispositions dont la suppression est demandée prévoient qu’une demande d’abrogation d’interdiction de retour est irrecevable si elle est formée par un étranger résidant en France. Les auteurs de l’amendement redoutent que les étrangers qui ne peuvent quitter le territoire soient de ce fait exclus de ce dispositif puisque leur demande d’abrogation serait irrecevable. Ces craintes sont infondées, ainsi que je m’en suis déjà expliqué, et j’émets un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50 rectifié, 161 et 362.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 389 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La suite de la discussion du projet de loi est renvoyée à la prochaine séance.
12
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, je tiens à effectuer une mise au point concernant le scrutin public n° 152, sur l’ensemble du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure : MM. Amoudry, Merceron, Pignard, Pozzo di Borgo et Mmes Morin-Desailly et Payet souhaitaient voter pour, tandis que Mme Gourault, MM. Arthuis, Badré, Jégou et Vanlerenberghe souhaitaient s’abstenir.
Je souhaite, monsieur le président, qu’il soit tenu compte de ces rectifications.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 9 février 2011 à quatorze heures trente et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité (n° 27, 2010-2011).
Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (n° 239, 2010-2011).
Texte de la commission (n° 240, 2010-2011).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 9 février 2011, à une heure vingt.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART