Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’amendement n° 284 rectifié est largement satisfait par le droit en vigueur ou la pratique suivie par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII. Il vise, d’une part, à compléter les obligations auxquelles l’OFII est tenu dans l’organisation des formations prévues dans le contrat d’accueil et d’intégration signé par l’étranger et, d’autre part, à intégrer les formations linguistiques dispensées dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration à celui de la formation professionnelle.
Sur le premier point, l’obligation de moyens et l’accès aux formations sur tout le territoire sont d’ores et déjà garantis, puisque le budget de l’OFII consacré à ses actions s’élève à 45 millions d’euros et que l’OFII compte 870 agents regroupés dans 51 directions territoriales. L’organisation des formations est prévue pour s’adapter aux contraintes légitimes que certains étrangers peuvent faire valoir.
Sur le deuxième point, outre le fait que les articles L. 6111-2 et L. 6313-1 du code du travail visent déjà les actions de lutte contre l’illettrisme et l’apprentissage de la langue française, il est préférable de ne pas confondre les dispositifs de formation professionnelle, financés par l’employeur, et ceux du contrat d’accueil et d’intégration, financés par l’État au titre de sa politique d’intégration.
Par conséquent, l’avis de la commission est défavorable.
Sur l’amendement n° 32 rectifié bis, l’avis de la commission est également défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Madame Escoffier, supprimer le contrat d’accueil et d’intégration constituerait un recul préjudiciable aux immigrés eux-mêmes. Cela reviendrait à leur dénier la possibilité d’apprendre le français et de réaliser un bilan de compétence professionnelle, ce que vous ne souhaitez évidemment pas. Se familiariser avec nos lois, qui plus est dans le cadre des prestations organisées et financées par l’État, engager le processus d’intégration, en France, dès l’arrivée de l’immigrant et, depuis 2007, dans le pays d’origine, a indéniablement constitué une grande avancée que beaucoup de pays européens observent avec attention. Depuis le début de la mise en œuvre de ce dispositif, plus d’un demi-million de personnes ont bénéficié du contrat d’accueil et d’intégration. Il serait donc difficile d’imaginer que nous renoncions à ces acquis, c’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur l'amendement n° 32 rectifié bis
L’amendement n° 493 de la commission reçoit un avis favorable ; en revanche, en ce qui concerne l’amendement n° 284 rectifié, les explications de la commission sont conformes à la position du Gouvernement, qui émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Escoffier. Je prie M. le ministre de m’excuser si je me suis mal fait comprendre, mais j’ai défendu l’amendement n° 32 rectifié bis, car j’avais retiré l’amendement n° 33 rectifié bis, qui n’avait plus d’objet. Il est bien clair que, pour moi, le contrat d’accueil et d’intégration doit être maintenu et j’en souligne d’ailleurs l’intérêt. En revanche, il ne me paraît pas bon d’y revenir au moment du renouvellement du titre de séjour.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Je n’ai peut-être pas très bien suivi le processus de rectification des amendements, mais il me semble que mes explications restent malgré tout valables.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je confirme que l’avis de la commission sur l’amendement n° 32 rectifié bis est défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 32 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 5
Mme la présidente. L’amendement n° 285, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article L. 211-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est abrogé.
II. - La perte de recettes résultant pour l’Office français de l’immigration et de l’intégration du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement vise à supprimer l’article L. 211-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, et donc la taxe affectée à l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII ; nous compensons par ailleurs la perte qui en résulterait pour cet organisme.
Je rappelle que, selon le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les personnes qui se proposent d’accueillir des étrangers souhaitant séjourner en France dans le cadre d’une visite familiale ou privée – c’est louche ! – doivent solliciter auprès de la mairie du lieu d’hébergement la délivrance d’une attestation d’accueil. Lors de cette délivrance, ces personnes doivent acquitter une taxe dont le produit est versé à l’OFII : c’est un droit de timbre, en quelque sorte.
Le montant de cette taxe – dont le principe est un peu paradoxal, puisqu’elle pèse sur la personne qui accepte d’héberger un étranger qui souhaite venir en France – était initialement fixé à 15 euros, puis il est passé à 30 euros en 2007. Comme les caisses sont de plus en plus vides, la loi de finances pour 2008 a fait passer cette taxe à 45 euros pour financer la création du contrat d’accueil et d’intégration et la mise en place de l’évaluation de la maîtrise du français, dont nous avons déjà débattu. La revalorisation de cette taxe était aussi rendue nécessaire par la baisse progressive de la subvention de fonctionnement de l’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, l’ANAEM, organisme qui a précédé l’OFII.
En 2011, curieusement, s’est produit un mouvement inverse : ladite taxe est redescendue à 30 euros. Nous ne savons pas très bien pourquoi, mais le Gouvernement a dû considérer que le montant de cette taxe était relativement élevé.
Quant à nous, nous considérons qu’il n’est pas acceptable de faire supporter par des gens qui assument un devoir d’hospitalité envers des étrangers une taxe censée compenser la baisse de la subvention de l’OFII. Nous proposons donc de supprimer cette taxe.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La taxe perçue au profit de l’OFII représente 45 euros par attestation d’accueil délivrée. Elle compte pour 3,5 % des recettes totales de l’OFII et 8,7 % de ses dépenses de formation.
Compte tenu des prestations offertes par l’OFII au primo-arrivant, elle ne paraît pas constituer une charge excessive. C’est en tout cas ce qu’a considéré la commission des lois. L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Supprimer la taxe perçue en faveur de l’OFII lors de la demande de validation d’une attestation d’accueil aurait évidemment des conséquences en termes de financement de l’organisme.
La loi de financement pour 2011, je le rappelle, a déjà opéré un rééquilibrage des contributions au profit de l’OFII en augmentant certaines taxes pour en alléger d’autres, dont celles qui s’appliquent aux attestations d’accueil. Ainsi, cette taxe a été réduite de 45 euros à 30 euros, dans le but de prendre en compte les ressources souvent modestes des personnes souhaitant accueillir des membres de leur famille à l’occasion des congés ou d’un événement familial.
Nous ne souhaitons pas aller plus loin aujourd’hui. En tout cas, nous ne souhaitons pas supprimer cette taxe purement et simplement, comme vous le proposez, monsieur Yung.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 286, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du Titre II du livre Ier du code civil est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Du parrainage républicain
« Art. 62-2. - Tout citoyen français peut demander à l'officier d'état civil de sa commune de résidence de célébrer son parrainage républicain.
« Pour un enfant mineur, le père ou la mère de l'enfant peut demander à l'officier d'état civil de la commune de résidence de l'enfant de célébrer ce parrainage. L'accord des deux parents est nécessaire.
« L'officier d'état civil est tenu de célébrer publiquement le baptême, et ce dans le délai de trois mois à compter de la demande du parrainage. »
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement vise à instaurer et, au fond, à codifier le parrainage républicain, que nous considérons comme étant une belle institution.
Comme vous le savez, mes chers collègues, il existe un baptême républicain pour les enfants et un parrainage républicain pour les adultes, ce dernier permettant d’ailleurs de faciliter l’intégration.
Je connais plusieurs mairies dans lesquelles on pratique le parrainage républicain. L’étranger entrant dans la communauté nationale dispose d’un référent volontaire, qui peut l’aider à mieux s’intégrer dans la cité.
Les attendus qui accompagnent le texte de l’amendement étant assez clairs, je ne les commenterai pas.
Je précise néanmoins que ce parrainage républicain n’a jamais bénéficié d’un encadrement législatif et que, par conséquent, il peut varier selon le bon ou mauvais vouloir des élus. Ceux-ci refusent même parfois de le pratiquer, n’en ayant jamais entendu parler.
De plus, n’étant fondée sur aucun texte, la cérémonie est elle-même soumise à la libre inspiration des élus, qui, souvent, lui donnent un caractère solennel en faisant un discours sur les valeurs républicaines.
Enfin, le parrainage républicain n’est pas un acte d’état civil et n’est pas inscrit sur les registres d’état civil.
C’est pourquoi nous vous proposons de codifier le parrainage républicain pour apporter notre pierre à la politique d’intégration.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il est défavorable, au motif qu’il n’y a pas de lien direct entre cet amendement et le texte que nous examinons aujourd’hui.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Cet amendement tend à consacrer dans le code civil l’existence du parrainage républicain.
On peut comprendre le souhait de certains, toutes familles politiques confondues d’ailleurs, de donner davantage de relief à cette cérémonie qui manifeste l’une des valeurs essentielles de notre République, la fraternité. Cette cérémonie, si elle est célébrée dans le respect de la République et de ses symboles, peut faire sens pour tous nos citoyens.
Toutefois, je ne suis pas persuadé que telle soit véritablement l’intention des auteurs de cet amendement…
Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est de la suspicion !
M. Philippe Richert, ministre. On peut se demander s’il n’est pas davantage question d’offrir une tribune aux familles d’étrangers en situation irrégulière afin de faire échec à l’application de la loi. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
La démarche correspondrait donc plus à une instrumentalisation du parrainage républicain, dont les illustrations sont malheureusement régulières, et ne peut recevoir l’aval du Gouvernement.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 5.
Articles additionnels après l'article 5 (suite)
M. le président. L'amendement n° 287, présenté par MM. Patient, Antoinette, S. Larcher, Lise, Gillot, Tuheiava, Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet, avant le 31 décembre 2011, un rapport sur la non-scolarisation importante en Guyane et ses effets sur les finances des collectivités.
La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. La Guyane est un territoire où se posent avec une très forte acuité les questions liées à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. La mission sénatoriale d’information sur les DOM estimait dans son rapport « le nombre d’étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire des DOM à environ 59 000 » et jugeait que, « à elle seule, la Guyane représente les deux tiers de ce volume, avec 40 000 étrangers en situation irrégulière estimés, soit environ 20 % de la population du département ».
Les élus doivent faire face à cette immigration et relever un certain nombre de défis, parmi lesquels l’intégration inévitable de ces nouvelles populations. Dans cette perspective, l’accès à l’éducation pour tous est une condition préalable.
On le sait bien : l’éducation est un vecteur indispensable de socialisation. Or, en dépit du caractère obligatoire de la scolarisation, avec ou sans papiers, on constate en Guyane un fort taux de non-scolarisation d’enfants de parents sans papiers arrivés du Brésil, du Surinam ou des Caraïbes.
L’observatoire de la non-scolarisation dénombrait plus de 3 000 enfants non inscrits à l’école dans le département de la Guyane, qui comptait 26 454 élèves de primaire en 2009. La HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, a d’ailleurs mis en évidence certains problèmes et pointé du doigt plusieurs collectivités qui ne respectaient pas la loi en la matière. Toutefois, le problème est plus complexe.
Il apparaît que l’un des premiers obstacles à la scolarisation reste la construction de nouveaux établissements scolaires. Or les collectivités territoriales, dont les finances sont exsangues, éprouvent de plus en plus de difficultés à faire face aux besoins croissants de nouvelles constructions scolaires.
Je rappelle que la population scolaire, notamment dans le premier degré, a doublé en dix ans. Dans certaines parties du territoire, en particulier dans l’ouest, le taux de croissance annuel est de 4 % à 5 %, voire de 8 % pour certains établissements situés près de Saint-Laurent du Maroni.
L’importance de ce problème, qui avait été abondamment soulignée par la mission sénatoriale sur les DOM, rend nécessaire la remise d’un rapport présentant des mesures efficaces pour garantir à tous les enfants de Guyane une scolarisation normale et régulière, telle qu’elle devrait exister partout dans la République française.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je conçois tout à fait que le sujet abordé ici soit important et difficile. Toutefois, en ce qui concerne les rapports demandés au Gouvernement, la commission des lois a une jurisprudence constante : plutôt que de réclamer des documents supplémentaires, elle préfère que soient sollicitées directement les missions de contrôle traditionnelles du Parlement.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le sénateur, il s'agit là, en effet, d’un problème important pour la Guyane. Ce département, vous le savez mieux que moi, est confronté à une forte poussée démographique, liée en particulier à l’immigration, qui suscite bien des difficultés.
J’ai pu constater, lors de mon dernier déplacement à Saint-Laurent du Maroni, que la scolarisation des enfants posait un véritable problème en Guyane ; il est exact qu’un effort particulier doit être accompli dans ce domaine.
C’est la raison pour laquelle, vous le savez, nous avons inscrit dans le budget pour 2011 des crédits de plus de 5 millions d’euros pour permettre aux collectivités de construire les établissements scolaires nécessaires.
Au travers de votre amendement, vous demandez la réalisation d’un rapport supplémentaire. Toutefois, monsieur le sénateur, cette question peut tout à fait être abordée dans le cadre de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’outre-mer.
De même, puisque vous faites le lien entre ce problème et les finances des collectivités locales en outre-mer, je vous rappelle qu’un rapport demandé sur ce thème par différentes missions parlementaires doit être examiné prochainement par la représentation nationale.
Dès lors, plutôt que de réclamer un rapport de plus, je crois que vous pourriez aborder cette question dans le cadre des travaux de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’outre-mer, à laquelle appartient d'ailleurs votre collègue Georges Patient. Cette démarche serait plus opportune car, à l’évidence, la disposition que vous proposez ne semble pas nécessaire au regard des mécanismes d’évaluation qui ont déjà été mis en place.
Je vous invite donc à retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Antoinette, l'amendement n° 287 est-il maintenu ?
M. Jean-Étienne Antoinette. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 287 est retiré.
Article 5 bis
(Non modifié)
La première phrase du cinquième alinéa de l’article L. 225-102-1 du code de commerce est complétée par les mots : « et en faveur de la lutte contre les discriminations et de la promotion de la diversité ».
M. le président. L'amendement n° 290, présenté par Mme Khiari, MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, MM. Guérini et Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le mot :
discriminations
insérer les mots :
directes et indirectes
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. En répondant hier aux orateurs qui s’étaient exprimés dans la discussion générale, et notamment à David Assouline, M. Hortefeux regrettait que nous ne parlions pas des personnes en situation régulière présentes sur notre sol. Voici justement une série d’amendements qui visent celles-ci, ainsi que les discriminations dont elles sont encore trop souvent l’objet.
Nous estimons qu’il est louable de vouloir inciter les entreprises à travailler sur ces questions complexes et difficiles. Néanmoins, si nous souhaitons être efficients, autant faire preuve de la plus grande rigueur. Or l’article 5 bis est trop imprécis, me semble-t-il.
Quand on évoque la lutte contre les discriminations, on pense régulièrement aux discriminations directes, c'est-à-dire qui sont constatables assez aisément et qui concernent les restrictions d’accès à l’emploi. À titre d’exemple, le tri des CV selon la couleur de peau ou le genre constitue une discrimination directe ; en agissant ainsi, on empêche une personne cherchant un emploi de défendre sa candidature devant un recruteur. C’est une entrave à l’embauche directe.
Ces discriminations sont connues, désormais, et la nécessité d’œuvrer à leur disparition fait l’objet d’un relatif consensus. Il est vrai qu’il est difficile de les nier, tant un simple testing permet de les mettre en évidence.
Toutefois, il est d’autres types de discriminations qui sont plus subtiles et plus discrètes, mais non moins préoccupantes dans leurs conséquences humaines et sociales : les discriminations indirectes.
De fait, il s’agit là non plus de restreindre l’accès à l’emploi des personnes visées, mais de freiner leur progression, que ce soit pour les postes à occuper ou pour les salaires dans l’entreprise. Cette pratique a été popularisée sous le doux vocable de « plafond de verre ». Les femmes en furent les premières victimes, mais elles sont loin d’en avoir le monopole.
Les discriminations indirectes sont tout autant problématiques que celles qui sont directes. Elles minent les personnes qui en souffrent, en leur donnant l’impression que leur travail n’est pas suffisamment reconnu et que leur place dans l’entreprise fait débat. Elles sont d’autant plus cruelles que, si l’employé peut avoir l’impression d’être discriminé, il lui est difficile de le prouver.
En effet, ces discriminations demandent une observation fine, sur le long terme, des carrières des personnes visées et de l’évolution de leurs salaires. Les dernières affaires jugées mettaient en évidence des discriminations menées sur trente ans de carrière.
L’ampleur des dossiers à constituer et la difficulté de réunir toutes les preuves possibles font que nombre de cas en restent au stade du sentiment de discrimination et ne sont pas portés devant les tribunaux. Il nous semble nécessaire de remédier à cette situation en sensibilisant les entreprises à cette question. Il s’agit là d’un premier stade indispensable avant la mise en place de sanctions fermes et dissuasives destinées à faire cesser ces pratiques.
Il nous paraît donc plus judicieux de mentionner dans le projet de loi les deux types de discriminations, directes et indirectes, pour affirmer la volonté du législateur de traiter l’ensemble du problème et de veiller à l’attention équivalente des entreprises à ces questions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement. En effet, cette précision rédactionnelle nous paraît totalement inutile, dès lors que le terme générique de « discrimination » doit être entendu dans tous les sens possibles, qu’il s’agisse de pratiques directes ou indirectes.
Par conséquent, nous maintenons l’avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Comme l’a souligné M. le rapporteur, cette disposition nous paraît inutile : mentionner les discriminations directes ou indirectes n’apporterait rien de plus au texte.
Madame la sénatrice, je vous propose donc de retirer votre amendement.
M. le président. Madame Khiari, l'amendement n° 290 est-il maintenu ?
Mme Bariza Khiari. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 289, présenté par Mme Khiari, MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, MM. Guérini et Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
de la diversité
par les mots :
des diversités
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Le présent article pèche par une rédaction partielle. En effet, l’usage du singulier pour le mot « diversité » prête à confusion et ouvre la voie à une interprétation très restrictive de son sujet d’étude.
Trop souvent, on utilise le terme « diversité » pour signifier « diversité ethnoculturelle » et renvoyer les entreprises à la nécessité de prendre en compte dans leur recrutement les personnes issues de l’immigration.
C’est là une interprétation fâcheuse, car la promotion des diversités recouvre des champs d’application bien plus vastes, comme nous le montrerons. Le présent article semble lui aussi donner dans ce travers, puisqu’il est issu d’un texte portant sur l’immigration et l’intégration. Autant dire que le prisme ethnoculturel est fortement sollicité et que l’on semble ici vouloir le privilégier aux dépens des autres.
En ce sens, nous aurions préféré que cet article figure dans un texte portant sur la lutte contre les discriminations en général. En effet, une telle configuration aurait difficilement autorisé une interprétation limitée.
Madame la ministre, puisque vous semblez vouloir faire figurer dans un tel projet de loi cette obligation d’un rapport sur les actions des entreprises en faveur de la promotion des diversités, autant faire en sorte que ce document soit le plus complet possible et ne ressemble pas à une formalité remplie trop rapidement.
Certes, l’intégration des personnes issues de l’immigration est une question essentielle, qui doit faire l’objet d’une attention importante des acteurs publics. Toutefois, parler de diversité, notamment dans les entreprises, c’est mettre l’accent sur un domaine d’action très vaste, qui comprend tant la dimension ethnoculturelle que les questions du genre, du handicap, de la préférence sexuelle, entre autres.
Ces questions se recoupent, parce que les processus discriminatoires à l’œuvre dans chacune de ces catégories sont similaires et renvoient à une problématique semblable : l’intégration de la différence.
Dès lors, il nous semble plus judicieux d’user du pluriel et d’évoquer les diversités plutôt que d’en rester à un usage du singulier qui pourrait laisser croire que la seule diversité visée est ethnoculturelle.
D’une part, il convient en effet d’avoir une approche globalisante, qui ne laisse personne de côté. D’autre part, on voit mal ce qui pourrait justifier une particularisation de la diversité ethnoculturelle par rapport aux autres. Puisque les processus discriminatoires sont semblables, il apparaît logique de les considérer globalement.
Aussi, nous suggérons de remplacer le mot « diversité » au singulier par le mot « diversités » au pluriel, de manière à inciter les entreprises à traiter de l’ensemble de ces questions, plutôt que d’en avoir une interprétation limitative. C’est l’ensemble des thématiques qu’il convient de traiter.