M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, je connais votre engagement en faveur de l’accession à la propriété et votre volonté farouche de faire de la France un pays de propriétaires.

Cependant, mettons-nous bien d’accord sur un point. Certes, la France de propriétaires que nous appelons tous de nos vœux implique d’augmenter le taux de propriétaires, qui est aujourd’hui de 57 %, comme vous l’avez rappelé. L’objectif fixé par le Président de la République est d’arriver autour de 70 %.

Toutefois, il ne s’agit pas d’avoir 100 % de propriétaires, car dans ce cas il n’y aurait plus de mobilité dans le pays. Nous avons d’ailleurs pu constater que les conséquences de la crise étaient malheureusement plus dramatiques dans les pays où ce taux était plus élevé que chez nous, notamment aux États-Unis ou en Espagne.

Il faut donc rechercher le bon équilibre entre propriétaires et locataires sans opposer ces deux catégories.

Je partage totalement votre analyse sur la nécessité pour les bailleurs sociaux de vendre une partie de leur patrimoine. Nous avons fixé un objectif de vente de 1 % par an, dont la réalisation progresse. S’agissant par exemple du patrimoine relevant du « 1 % logement », cet objectif est maintenant accepté par tous les syndicats confondus.

Le Gouvernement, dans le cadre des conventions d’utilité sociale, les CUS, va pousser le monde HLM à vendre une partie de son patrimoine, car cela permettra de développer la mixité sociale, de dégager des moyens financiers supplémentaires et de donner vie au rêve des locataires HLM qui souhaitent devenir propriétaires.

M. Didier Guillaume. Le rêve, c’est d’abord d’avoir un logement !

M. René-Pierre Signé. Ils veulent un logement, pas une HLM !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Mayet, pour la réplique.

M. Jean-François Mayet. Monsieur le secrétaire d’État, je ne crois pas que l’on puisse comparer la France et les États-Unis.

S’agissant des logements locatifs, il me semble vraiment urgent d’interrompre l’aide à la construction. On est allé trop loin et cette politique est trop coûteuse.

M. Guy Fischer. Il vaut mieux être sourd qu’entendre cela !

M. Jean-François Mayet. Il est temps de dédier des aides importantes à l’accession à la propriété des plus faibles. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-François Mayet. Je suis convaincu qu’un tel dispositif peut fonctionner. Il suffit d’essayer !

Mme Odette Terrade. Avec les subprimes en plus ?

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Monsieur le secrétaire d’État, après avoir entendu les différentes interventions de mes collègues, je souhaiterais faire quelques remarques.

Tout d’abord, la France des propriétaires, ça ne marche pas. (Exclamations sur les travées de lUMP.) En 2007, 56 % des Français étaient propriétaires ; aujourd’hui, malgré la déductibilité des intérêts d’emprunt, les prêts à taux zéro, la maison à quinze euros par jour et, surtout, des taux d’intérêt historiquement bas, le pourcentage reste quasiment le même.

D’ailleurs, les aides que vous proposez aujourd’hui – je pense notamment au taux zéro refondu, qui n’est pas soumis à une condition de ressources – risquent de bénéficier uniquement à ceux qui avaient déjà un profil d’acheteur idéal.

Ensuite, je n’ai pas l’impression de voir les HLM se vider d’un seul coup et des ménages acheter en masse. Ce ne sont pas les mêmes personnes qui sont concernées. Il y a, d’un côté, celles qui sont considérées comme solvables par les banques et, de l’autre, celles qui n’obtiennent pas de prêt auprès des établissements bancaires parce qu’elles n’ont pas un emploi stable. À cet égard, il faudrait faire le point sur le nombre de CDI signés dans notre pays, car, chacun le sait, l’octroi du prêt immobilier est souvent conditionné par le fait que les aspirants propriétaires sont employés en CDI.

Par ailleurs, la France des propriétaires est une notion à manier avec prudence. Le rêve d’un pays de propriétaires a pris forme aux États-Unis et en Espagne, à marche forcée, et cet idéal s’est révélé un marchepied vers la précarité, parfois vers la ruine de certains propriétaires.

M. Guy Fischer. Voilà !

M. Martial Bourquin. Monsieur le secrétaire d’État, ne vous fondez pas sur ces exemples ! Essayons de trouver une solution qui soit conforme à la tradition de notre pays, qui comprend dix millions de locataires, mais aussi des personnes souhaitant accéder à la propriété.

Or la suppression de l’exonération de la contribution sur les revenus locatifs, qui représente un manque à gagner de 340 millions d’euros par an pour les offices HLM, revient à empêcher la construction de 20 000 logements, comme l’affirmait Didier Guillaume voilà quelques instants.

M. Martial Bourquin. Et, dans le même temps, ce sont 10 millions de locataires du parc social qui paieront la moitié du bouclier fiscal. Ce n’est pas possible !

M. Guy Fischer. On marche sur la tête !

M. Martial Bourquin. Il doit y avoir dans notre pays un minimum de solidarité et d’égalité. Sur ce plan, les systèmes anglo-saxons dont vous vous réclamez sont certainement une impasse…

M. Guy Fischer. C’est mortifère !

M. Martial Bourquin. … et, surtout, ils nous empêcheraient de réunir les conditions nécessaires à la mise en place d’un vrai logement social de qualité dans notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, nous n’avons peut-être pas, en effet, la même philosophie en matière de politique du logement. (C’est vrai ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Odette Terrade. Nous n’avons pas les mêmes valeurs !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. En effet, cette majorité souhaite que les Français soient propriétaires. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Odette Terrade. Avec quel argent ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Il est possible que, au contraire, un certain nombre de sénateurs socialistes préfèrent que les Français soient locataires ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Marc Daunis. De logements décents !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. J’attire simplement votre attention sur un point : il me semble que les états généraux du logement, qui ont été organisés par l’USH, l’Union sociale pour l’habitat, ont lancé un appel pour une réforme globale de l’accession à la propriété.

M. Didier Guillaume. Ce n’est pas vrai !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est exactement ce que nous avons fait à la demande de l’ensemble des acteurs du monde du logement au travers de ces états généraux, car il faut cesser d’opposer les politiques du logement dans notre pays.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Certes, dans notre pays, nous avons besoin de construire des logements sociaux. Cependant, là encore, l’objectif d’une personne qui entre dans un logement HLM n’est pas d’y rester à vie, mais de progresser dans son parcours locatif pour, un jour, devenir propriétaire. (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Alain Gournac. Tout à fait !

M. Marc Daunis. Encore faut-il qu’elle le puisse !

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une image d’Épinal !

Mme Odette Terrade. Avec quels salaires ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. C’est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas opposer les politiques les unes aux autres. (Marques de protestations sur les mêmes travées.)

Notre politique vise à produire plus de logements sociaux, plus de logements locatifs privés et à faciliter l’accession à la propriété. Telle est la politique que mène ce gouvernement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour la réplique.

M. Claude Bérit-Débat. Je souhaite répondre à M. le secrétaire d’État au sujet des 340 millions d’euros qui sont ponctionnés aux organismes HLM, car c’est un vrai scandale. (Tout à fait ! sur les travées du groupe socialiste.)

Après avoir siphonné le dispositif du 1 % logement, le Gouvernement, sous votre autorité, monsieur le secrétaire d’État, s’attaque maintenant aux fonds propres des organismes d’HLM.

Or, comme l’ont indiqué mes collègues, et il faut y insister, 340 millions d’euros de recettes en moins, c’est 2 % d’augmentation de loyer pour les pauvres, qui vont devoir compenser la défaillance du Gouvernement, notamment concernant l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU.

Ensuite, quelles seront les conséquences d’une telle mesure pour les collectivités locales dont nous sommes les représentants au sein de la Haute Assemblée ? Les bailleurs sociaux se tourneront vers les collectivités locales pour remplacer leurs fonds propres, afin de faire face au surenchérissement des prix des terrains et aux surcoûts liés aux normes relatives aux performances énergétiques exigées par les collectivités.

Ce dispositif se retourne donc à la fois contre les locataires et contre les politiques des collectivités territoriales, au premier rang desquelles se trouvent les communes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. François-Noël Buffet. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous poser une question relative à l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, qui impose aux communes un objectif de 20 % de logements sociaux. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Il y avait longtemps !

M. François-Noël Buffet. Cette obligation concerne les communes d’Île-de-France dont la population est au moins égale à 1 500 habitants, et celles des autres régions qui comptent au moins 3 500 habitants. La loi de 2006 a fait évoluer cette disposition en intégrant dans ce quota de logements sociaux ceux qui relèvent de l’accession sociale à la propriété, mais seulement pour une durée de cinq années.

M. François-Noël Buffet. Il me semble que, sur ce point, nous pourrions aller encore plus loin. En effet, les plafonds de revenus ouvrant droit à l’accession sociale à la propriété, d’une part, et ceux exigibles pour la location d’un certain type de logement social, d’autre part, sont sensiblement les mêmes.

Autrement dit, le fait de devenir propriétaire dans le cadre de l’accession sociale à la propriété ne change en rien les conditions de ressources des bénéficiaires de ce dispositif.

À mon avis, il faudrait remettre ce texte sur le métier afin de le faire évoluer. Je sais qu’en évoquant l’éventualité de remettre en cause ce taux de 20 %, je soulève un tabou. Il me paraît pourtant tout à fait possible d’amender l’article 55. Si l’on acceptait d’intégrer l’accession sociale à la propriété dans le quota du logement social, on pourrait placer le curseur plus haut, soit à 25 %, 26 %, voire au-delà.

À tout le moins pourrait-on prévoir d’intégrer l’accession sociale à la propriété dans le quota des 20 %. Cette proposition mérite d’être examinée, car elle serait utile aux communes qui n’ont pas encore atteint cet objectif, et même à celles qui l’ont largement dépassé, car elles ont également tout intérêt à encourager l’accession sociale à la propriété. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Didier Guillaume. Je ne suis pas d’accord !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Je rappelle, tout d’abord, que le Gouvernement tient à l’application de la loi SRU et au pourcentage de 20 % de logements sociaux dans toutes les communes de plus de 3 500 habitants, car cette disposition favorise la mixité sociale.

J’ajoute que, si les communes ayant moins de 20 % de logements sociaux sur leur territoire ne respectent pas l’objectif de mixité sociale, celles qui en ont plus de 50 % ne la respectent pas davantage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il faut donc encourager ces dernières à faire plus d’accession sociale à la propriété.

Mme Catherine Tasca. Elles rendent tout de même un service !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Vous m’interrogez, monsieur le sénateur, sur le devenir des logements sociaux vendus à leurs locataires et qui sont, à ce titre, intégrés dans le quota des 20 % de logements sociaux d’une commune pour une durée de cinq ans seulement. Pour ma part, je suis attaché à cette mesure, car un logement social n’a pas vocation à être l’habitat de toute une vie. Nous souhaitons, au contraire, encourager la rotation des logements au sein du parc d’HLM.

M. Didier Guillaume. Et nous, nous souhaitons que les Français puissent se loger !

M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Un logement social transféré du parc locatif à celui de l’accession à la propriété ne participe plus à cette rotation.

La règle des cinq ans me paraît donc constituer un bon compromis, car elle permet d’établir un équilibre entre la nécessité d’encourager les bailleurs sociaux à vendre une partie de leur parc d’HLM et celle d’assurer la rotation des logements sociaux.

Enfin, cette durée de cinq ans représente un délai satisfaisant pour la construction de nouveaux programmes de logements sociaux. Notre objectif est très clair : il s’agit d’encourager les bailleurs sociaux à vendre une partie de leur parc d’HLM pour construire de nouveaux logements sociaux. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.

M. François-Noël Buffet. Je n’aurai pas la prétention de contester les propos de M. le secrétaire d’État. Je souhaite simplement que l’on s’inscrive dans une logique de parcours résidentiel.

L’accession sociale à la propriété présente, selon moi, un intérêt non négligeable. Tout d’abord, elle permet de libérer des logements sociaux, qui bénéficieront à des personnes n’y ayant pas encore accès, compte tenu de l’actuelle situation de blocage du parc locatif social. Ensuite, elle augmente la capacité financière des bailleurs sociaux, qui peuvent ainsi réinvestir.

Il ne faut pas envisager ce dispositif au travers du seul prisme d’une typologie de logements, mais de façon globale. C’est sur ce point qu’il nous faut travailler ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions cribles thématiques. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, d’y avoir participé.

Avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

7

Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 1er

Réforme des retraites

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Rappel au règlement

Article 1er (suite)

M. le président. Dans la discussion des articles, nous poursuivons les explications de vote sur les amendements identiques nos 1, 64, 251, 319 rectifié et 635 rectifié, tendant à supprimer l’article 1er.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. L’article 1er tend à créer un comité de pilotage des régimes de retraite. Les arguments développés sur ce sujet par la commission et le Gouvernement ne m’ont pas convaincue.

Vous me reprochez, monsieur le secrétaire d’État, de critiquer votre seule prise en considération de l’aspect comptable de la réforme que vous nous proposez. Certes, à toute réforme doit être associée la garantie de son financement et de sa pérennité financière, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas en l’espèce, puisque 4 milliards d’euros manqueront. Mais l’argument comptable ne peut pas être le seul avancé.

M. Jean-Louis Carrère. Vous n’avez rien contre les comptables ?... (Sourires.)

Mme Annie David. Non, mon cher collègue, mais je suis opposée aux réformes qui prennent en compte seulement l’aspect comptable et oublient le point de vue humain.

M. Jean-Louis Carrère. Nous sommes alors d’accord !

Mme Annie David. Monsieur le secrétaire d’État, votre préoccupation comptable dénote plus votre souci d’apporter une réponse satisfaisante aux attentes et aux injonctions des agences de notation que celui d’assurer un niveau de vie satisfaisant aux futurs retraités de notre pays.

Quant au COPILOR, acronyme retenu par Mme Demontès,…

M. Jean-Louis Carrère. Il aura le maillot jaune ! (Nouveaux sourires.)

Mme Annie David. … il répond parfaitement à la logique du Gouvernement,

En effet, sur la base du rapport qui sera remis par le COR, vous consulterez le COPILOR et vous vous appuierez sur ses conclusions pour envisager une nouvelle réforme des régimes de retraite destinée à maintenir leur équilibre financier au-delà de 2020 et pour formuler des propositions.

Malgré vos dires, monsieur le secrétaire d’État, le Parlement est bel et bien dépossédé de sa prérogative en matière de proposition législative. Légiférer dans de telles conditions est contraire à la Constitution, qui établit clairement que cette prérogative est conférée au Parlement.

De plus, une consultation, à laquelle vous tenez tant, existe déjà auprès du Conseil d’orientation des retraites. Nous l’avons dit les uns et les autres, mais il est bon de le rappeler. De surcroît, la pluralité des membres du COR est meilleure que celle du nouveau comité que vous entendez créer.

Pourquoi instaurer une nouvelle consultation, si ce n’est pour aboutir immanquablement à une nouvelle réforme des retraites après 2020 ?

Les arguments développés par M. le secrétaire d’État et de M. le rapporteur ne m’ont pas convaincue. Au sein de mon groupe, nous ne doutons pas que le rapport du COR sera un outil au service du Gouvernement, lui permettant de justifier encore plus facilement toutes les mesures antisociales qu’il devra prendre d’ici à 2020.

Mes chers collègues, je vous incite donc à ne pas voter la création de ce nouveau comité. Il suscite de nombreuses inquiétudes, quant à son rôle futur et sa légitimité, mais aussi en ce qui concerne les véritables objectifs visés par le Gouvernement au travers de ce comité.

C’est pourquoi je vous invite à adopter l’amendement n° 1 tendant à la suppression de l’article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. Je crois me souvenir que le Gouvernement avait annoncé une réduction des trop nombreuses instances créées pour répondre à des problématiques diverses et variées. Cette déclaration s’est traduite, au fil des années, par la suppression de bon nombre d’instances consultatives ou délibératives. Pourtant, chacun peut le constater, leur nombre demeure encore relativement élevé. Leur efficacité, en particulier en matière de prévision, reste parfois à démontrer, alors que leur coût de fonctionnement est, quant à lui, bien réel.

Or, avec l’article 1er du présent projet de loi, vous nous proposez, monsieur le secrétaire d’État, la création d’un comité supplémentaire, d’un « machin », comme l’aurait sans doute nommé le général de Gaulle ; vous jetez une sorte de poudre de perlimpinpin aux yeux des retraités.

Au nom du légitime principe d’économies, sans doute aurait-il été plus judicieux d’inclure cette nouvelle structure au sein du COR (M. Jean-Louis Carrère acquiesce.), dont les missions, ne l’oublions pas, sont plus larges et recouvrent celles qui sont affectées à ce comité de pilotage. Rappelons, en effet, que les missions du COR incluent l’appréciation des conditions requises pour assurer la viabilité financière des régimes de retraite, en application de l’article L. 114-2 du code de la sécurité sociale.

La création de ce comité de pilotage ajoute à la complexité du système et renforce la confusion qui existe déjà aux yeux des Français.

Comme l’a très justement indiqué Christiane Demontès tout à l’heure, cette disposition constitue un double aveu : celui d’un dispositif dont l’équilibre n’est absolument pas garanti et celui de l’annonce pour 2012 d’un nouveau rendez-vous au cours duquel de nouvelles dispositions relatives à l’âge ou d’ordre financier seront de nouveau infligées aux salariés.

En d’autres termes, ce comité est l’outil de l’improvisation gouvernementale. C’est pourquoi je refuse de voter en faveur de sa création, qui ne répond en rien aux légitimes craintes de nos concitoyens, toujours plus nombreux à manifester dans nos rues. Selon la dernière estimation en ma possession émanant d’une grande centrale syndicale, ils seraient plus de 3,5 millions.

Monsieur le secrétaire d’État, ne pariez pas sur l’essoufflement de ce type de référendum grandeur nature ! Ne jouez pas la stratégie du pire.

Soldez l’article 1er, dont l’inutilité a été prouvée par les différents intervenants. Comme vous l’avez fait pour les acquis sociaux avec les articles 5 et 6, soldez ce comité Théodule, extérieur aux véritables détenteurs de la légitimité, à savoir les élus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. René Teulade, pour explication de vote.

M. René Teulade. Au cours de ce débat quelque peu passionné, ce qui est tout à fait normal, nous vous présenterons, mes chers collègues, un amendement de repli, qui ne recueillera peut-être pas l’unanimité, mais dont l’adoption pourrait permettrait de trouver une solution donnant satisfaction à nombre d’entre nous s’agissant de ce fameux comité.

Aux termes de l’alinéa 4 de l’article 1er, « le comité de pilotage des régimes de retraite veille au respect des objectifs du système de retraite par répartition ». Lors de la présentation de l’amendement n° 65, nous vous proposerons de remplacer le mot « veille » par les mots suivants : « fait des propositions au Gouvernement et au Parlement afin que ceux-ci veillent ». En effet, ce n’est pas au comité de pilotage d’assurer un contrôle sur les régimes de retraite. D’ailleurs, tous les débats et rapports relatifs aux retraites ont toujours attribué à de tels comités de pilotage un rôle propre, différent de celui des élus : ces comités ne doivent en aucun cas se substituer au pouvoir législatif, principe que nous voulons mettre en œuvre par le biais de l’amendement précité. Ils ne doivent pas davantage se substituer au Gouvernement ni au Conseil d’orientation des retraites. Ce serait une erreur.

La création du comité tel que présenté aurait pour conséquence de diminuer le rôle du Parlement. Vous ne pouvez pas nous faire accepter, monsieur le secrétaire d'État, qu’un comité composé de personnalités n’ayant pas la légitimité issue du suffrage universel décide à la place de ceux qui la possèdent.

À la lecture de l’article 1er, nous décelons les intentions cachées derrière la création de ce comité. Ainsi, l’alinéa 4 précise que l’une des missions du comité de pilotage sera de veiller à ce que nos retraites par répartition restent au cœur du pacte social qui unit les générations.

Ce grand principe, au respect duquel nous sommes attachés, est-il au rendez-vous, alors même que le report de l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans affectera nos concitoyens qui auraient pu bénéficier d’une retraite à taux plein dès 60 ans, alors même que le report de l’âge requis pour percevoir une pension sans décote de 65 à 67 ans concernera les personnes, essentiellement des femmes, qui ne peuvent obtenir une retraite à taux plein qu’en atteignant l’âge légal de départ à la retraite ? En outre, quel sera l’avenir des jeunes qui, à l’heure actuelle, sont déjà relativement âgés lorsqu’ils ont la chance d’entrer sur le marché du travail ? Devront-ils travailler jusqu’à 70 ans ?

Ce grand principe est-il encore d’actualité, alors que le financement des 45 milliards d’euros de déficit passera nécessairement, en partie, par une diminution des prestations servies, même si d’aucuns soutiennent le contraire, sans pourtant convaincre l’opinion publique ?

Peut-on parler d’équité alors que les efforts fiscaux nécessaires, imputés à 90 % aux salariés, ne concerneront pas les bénéficiaires du bouclier fiscal ?

Telles sont les différentes réflexions que nous inspire la création de ce comité de pilotage, que j’hésite à qualifier de « comité Théodule », expression quelque peu méprisante, mais dont l’utilité est de faire semblant et de masquer les incohérences du présent projet de loi et de la politique gouvernementale en matière de retraite.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Caffet. Nous le soulignons comme Mme David, les explications que M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État nous ont fournies avant les questions cribles thématiques ne nous ont absolument pas convaincus.

M. Charles Revet. C’est dommage !

M. Jean-Pierre Caffet. C’est une habitude, mon cher collègue !

Nous avons la conviction que l’article 1er a été rédigé conformément au précepte de Georges Clemenceau selon lequel pour enterrer un problème, il suffit de créer une commission.

Or, monsieur le secrétaire d’État, depuis le début du débat, les problèmes que vous voulez enterrer sont multiples ! Seule une difficulté échappe à cette intention, l’équilibre financier des régimes. Mais sachez que ce sujet nous préoccupe autant que vous, voire plus.

C’est la raison pour laquelle – elle a été fort bien exposée par le président du groupe socialiste, Jean-Pierre Bel –, nous avons présenté une réforme alternative comportant un plan de financement qui assure la pérennité des régimes de retraite à l’horizon 2020. Cette réforme est beaucoup plus juste, beaucoup plus équilibrée, beaucoup plus équitable que la vôtre, car vous, vous avez choisi de faire peser la quasi-totalité de l’effort sur les salariés.

M. Jean-Pierre Caffet. Mais en l’occurrence, monsieur le secrétaire d’État, l’essentiel est la rédaction de l’article 1er.

Vous nous avez longuement expliqué que le comité de pilotage serait chargé de réfléchir, de faire des propositions sur des sujets aussi importants que la solidarité intergénérationnelle et intragénérationnelle, le maintien d’un niveau de vie satisfaisant pour les salariés.

Si telle avait été réellement votre intention, vous n’auriez pas rédigé ainsi cet article. Le texte proposé pour l’article L. 114-4-2 du code de la sécurité sociale comprend trois alinéas. Le premier d’entre eux fait référence aux objectifs du système de retraite par répartition définis dans le code susvisé. Les deux suivants ne font, en réalité, que poser la question de l’équilibre financier.

À mon sens, la seule fonction que vous assignez au comité de pilotage est d’assurer cet équilibre. Si vous insistez autant, c’est probablement que vous doutez de l’efficacité des mesures que vous nous soumettez pour assurer la pérennité de l’équilibre financier. Soit dit en passant, le système que nous vous proposons n’a pas encouru, jusqu’à présent, de critiques de votre part sur ce point essentiel !

Tel qu’il est rédigé, le rapport de la commission vend la mèche ! À la page cinquante-huit, en tête de l’objet de l’article 1er, on peut lire : « Cet article a pour objet de créer le comité de pilotage des régimes de retraite, nouvelle instance chargée du pilotage stratégique du système de retraite afin de veiller, notamment, … », – d’ailleurs, tout se joue sans doute autour de cet adverbe ! – « …au retour à l’équilibre financier à l’horizon 2018. »

Voilà l’aveu que la seule chose qui vous préoccupe, c’est non pas l’équité ou l’efficacité, mais l’équilibre financier, au détriment de tout le reste.

Je l’ai dit tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, vous voulez passer sous silence une multitude de problèmes. Je pense, en particulier, à l’équité entre les hommes et les femmes, à leurs inégalités en matière de retraite, à la pénibilité du travail, dont vous affirmez qu’elle a été réglée par vos mesures, à la médecine du travail et à son indépendance que vous bafouez dans ce texte. Je pourrais continuer encore longtemps cette liste.

En tout état de cause, la rédaction même de cet article nous conduit à douter très profondément de la capacité de ce comité à se saisir de ces nombreux problèmes.

Les partenaires sociaux qui y participeront, notamment les représentants du monde du travail et des organisations syndicales, s’en apercevront probablement assez vite : ce comité est un jeu de dupes.

C’est la raison pour laquelle nous maintenons notre amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)