M. Guy Fischer. La loi Scellier !
M. Jacques Mézard. À l’occasion d’un récent débat auquel nous avons participé, vous avez annoncé une réduction des crédits de votre ministère, passant de 7 milliards d'euros à 4 milliards d'euros. Curieuse politique pour améliorer le nombre de constructions !
L’axe de votre nouvelle politique d’accès au logement est le renforcement du prêt à taux zéro, de 1,2 milliard d'euros à 2,6 milliards d'euros. Mais vous prévoyez, en parallèle, la suppression ou la diminution d’autres financements, tel le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt immobilier.
Surtout, monsieur le secrétaire d'État, vous avez eu une illumination miraculeuse. Vous avez découvert l’existence des zones tendues et des zones détendues et vous en avez conclu qu’au lieu d’apporter davantage de moyens aux zones tendues, il fallait étrangler les zones détendues, les malheureux habitants de la zone C étant sans doute moins dignes d’intérêt que ceux des Alpes-Maritimes ou des Hauts-de-Seine. Curieuse politique d’aménagement du territoire !
Ainsi, vous voulez imposer aux communes de la zone C de ne plus construire du neuf et de rénover l’ancien ! (M. le secrétaire d'État le conteste.)
Monsieur le secrétaire d'État, j’ai l’une de vos déclarations sous les yeux. C’est une nouvelle étape dans votre politique de rupture, qui aggrave la fracture territoriale.
Pour la zone C, on peut résumer votre raisonnement ainsi : elle a peu d’habitants, c’est encore trop ! Si au moins vous augmentiez le financement des crédits de rénovation de l’habitat dans cette zone, ce serait un moindre mal.
En d’autres termes, qu’allez-vous faire pour faciliter, au moins en zone C, la rénovation de l’habitat ? Rien, je le crains ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué deux sujets : l’accession à la propriété et la production de logements neufs, d’une part, les zones tendues et détendues, d’autre part.
Vous avez raison, entre 2007 et 2009, la production de logements a baissé en France, passant grosso modo de 435 000 – 2007 fut une année record – à 350 000. Vous auriez pu préciser qu’entre-temps était survenu un événement qui s’appelle la crise (Exclamations sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG) et qui a eu aussi des conséquences dans le secteur de la construction.
Monsieur le sénateur, je tiens à vous faire remarquer que, en matière de production de logements, aucun pays n’a mieux résisté que la France. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) En effet, nous avons mis en place le plan de relance qui nous a permis de soutenir ce secteur.
Nous avons choisi de réaliser l’ambition présidentielle autour de la France des propriétaires. Parce que nous considérons que le taux de propriétaires est trop faible dans notre pays, nous avons remis à plat l’ensemble de nos outils dans un seul but : dépenser moins et être plus efficace. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG.)
J’avoue être particulièrement surpris que, sur certaines travées, ceux qui défendent aujourd'hui le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt immobilier, mesure issue de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, ou loi TEPA, soient ceux-là même qui vilipendaient ce dispositif depuis sa création voilà trois ans !
Nous avons décidé la suppression de cet outil, qui coûtait près de 3 milliards d'euros par an, car nous souhaitons ne conserver que les produits efficaces ou pris en compte par les banques pour la solvabilité de leurs clients.
Par conséquent, dans le même temps, nous réalisons des économies et nous redistribuons des sommes très importantes au bénéfice de l’accession à la propriété. Jamais aucun gouvernement n’aura fait autant ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Donc, tout va bien !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. J’en viens à la question du logement dans les zones tendues et détendues. Nous ne faisons rien d’autre qu’adapter nos produits à la réalité des prix du marché. Si nous apportons une aide identique dans les zones où le coût du mètre carré atteint 7 000 euros et dans celles où il est de 2 000 euros, personne ne pourra devenir propriétaire dans les zones tendues, où les prix sont les plus élevés ! Il n’en reste pas moins que l’on pourra toujours autant construire de logements neufs en zone C. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour la réplique.
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, lorsque le mètre carré vaut 7 000 euros, un logement de 100 mètres carrés coûte 700 000 euros. Faut-il vraiment aider la construction à ce niveau de prix ? C’est aussi une question qu’il faut poser.
Mme Mireille Schurch. Oui !
M. Jacques Mézard. Par ailleurs, vous affirmez que l’on n’a jamais autant fait pour l’accession à la propriété. Pourtant, les crédits consacrés à la construction seront ramenés de 7 milliards d'euros à 4 milliards d'euros. Cet effort ne me paraît guère significatif ; à mon avis, c’est une déclinaison de ce que l’on appelle dans d’autres secteurs la révision générale des politiques publiques, ou RGPP !
M. René-Pierre Signé. Exactement !
M. Jacques Mézard. Enfin, je terminerai par un exemple. À partir du 1er janvier 2011, en raison de la réforme du prêt à taux zéro, nos concitoyens qui voudront construire dans l’un des onze départements de la zone C – nous sommes un certain nombre de sénateurs ici à en faire partie – ne pourront plus emprunter que 31 600 euros à taux zéro contre 63 000 euros aujourd'hui. C’est tout à fait catastrophique. Malheureusement, telle est la réalité. Mais nous aurons l’occasion d’en reparler, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre du droit au logement opposable, le DALO, dans la perspective de l’échéance du 1er janvier 2011 et de celle du 1er janvier 2012.
Dans quelques semaines maintenant, les délais d’instruction des dossiers devront être ramenés de six mois à trois mois. De la même façon, l’État ne disposera plus que de trois mois pour proposer une solution aux familles qui auront été reconnues comme prioritaires.
On sait déjà que, dans les zones tendues, c'est-à-dire en Île-de-France et dans les départements les plus concernés – dans les zones non tendues, le DALO est parfois un non-sujet ! –, les services d’instruction des dossiers ont bien du mal à respecter les délais, ...
Mme Mireille Schurch. Ils n’ont pas assez de personnels !
M. Philippe Dallier. ... tout comme les préfets, à proposer des logements pour les familles prioritaires !
Monsieur le secrétaire d'État, ma question est double.
En premier lieu, de quels moyens supplémentaires les commissions disposeront-elles pour instruire les dossiers qui afflueront en nombre ? Vous envisagez de réformer et de restructurer le questionnaire que les familles devront remplir, le rendant beaucoup plus exhaustif, ce qui provoquera un travail supplémentaire pour ces commissions. Par conséquent, pourquoi le nombre de ces dernières n’a-t-il pas été doublé dans la région d’Île-de-France, alors que la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi « MOLLE », le permettait afin d’accélérer les procédures ?
Mme Mireille Schurch. RGPP !
M. Philippe Dallier. En second lieu, comment comptez-vous répondre à la demande de logements dans les zones tendues, alors que l’on n’y parvient pas aujourd'hui ?
Par ailleurs, je tiens à vous faire part de ma préoccupation, qui est celle de tous les maires, de droite ou de gauche, de communes comptant des quartiers en difficulté. Souvent, nous le savons bien, tout le contingent préfectoral sert au DALO.
Alors que l’objectif de mixité sociale est fondamental dans les quartiers en rénovation urbaine, mais aussi dans les villes sans quartier en rénovation urbaine, nous perdons quelque peu cet objectif de vue, …
M. Marc Daunis. Très juste !
M. Philippe Dallier. … ce qui est un risque très important pour l’avenir. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, tout d’abord, la commission de suivi du DALO nous a récemment proposé de reporter l’échéance du 1er janvier 2011 concernant les délais d’instruction. Nous avons décidé de suivre son avis, et nous ne réduirons donc pas les délais d’instruction à partir du 1er janvier 2011.
Ensuite, vous posez une question fondamentale, celle du relogement au titre du DALO dans les quartiers relevant du dispositif de l’agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU. Si nous procédions de la sorte, nous nous heurterions à une difficulté en ce sens que nous ajouterions, en quelque sorte, de la pauvreté à la pauvreté.
Nous avons récemment signé des contrats avec un certain nombre de bailleurs sociaux d’Île-de-France. La décision que nous avons prise, c’est de mobiliser le contingent préfectoral, dont c’est la vocation, pour reloger les DALO dans tous les quartiers, à l’exclusion des quartiers ANRU. Un certain nombre de bailleurs sociaux ont accepté cette clause. D’autres l’ont refusée, croyez-bien que je le regrette !
Enfin, d’une façon plus générale, concernant le DALO, notamment en Île-de-France, nous avons, en effet, décidé de mobiliser le contingent préfectoral, parce que c’est l’outil principal à notre disposition pour pouvoir remplir l’obligation légale que cette majorité a votée.
Nous avons doublé le nombre de relogements au titre du DALO. Nous savons gérer ce droit au logement opposable sur l’ensemble du territoire, à l’exception de la région d’Île-de-France où la situation reste insatisfaisante.
La vraie réponse au DALO, c’est produire, produire, produire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Conscients que nous devons produire plus de logements en Île-de-France, nous investissons massivement au regard des aides à la pierre pour élargir notre offre dans cette région particulièrement tendue et difficile.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour la réplique.
M. Philippe Dallier. J’utiliserai la minute qui me reste uniquement pour vous inciter, monsieur le secrétaire d’État, à faire de l’interdépartementalisation une réalité dans la région d’Île-de-France, celle que je connais le mieux.
En effet, en matière de mixité sociale, on ne peut pas régler le problème du DALO à l’échelle de la Seine-Saint-Denis entre les communes de ce seul département. Quelle que soit la bonne volonté du préfet, il ne pourrait pas régler pas les problèmes de son ressort !
Je n’ai pas le sentiment que la dimension interdépartementale inscrite dans la loi MOLLE soit encore tout à fait entrée dans les têtes et dans les faits. Je pense, notamment, au doublement du nombre des commissions. Bien qu’il soit autorisé par la loi, il n’est pas effectif.
J’espère simplement que les difficultés ne vont pas s’aggraver lors des échéances du 1er janvier 2011 et, surtout, du 1er janvier 2012. Il faut, en effet, se souvenir qu’à partir de cette date, tous ceux qui considèrent que le délai de réponse est anormalement long auront la possibilité de déposer un recours. Le nombre de dossiers déposés pourrait alors s’élever à 500 000, voire 600 000, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Si ce scénario devenait réalité, nous serions en grande difficulté.
M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.
M. Didier Guillaume. Monsieur le secrétaire d'État, l’une des premières priorités de nos concitoyens, c’est l’accès à un logement locatif décent correspondant à la taille de la famille et à ses revenus. La France des propriétaires, c’est bien, mais il ne faut pas opposer l’accession à la propriété au logement locatif social !
M. Didier Guillaume. Les élus présidents d’organismes d’HLM, de retour récemment du 71ème congrès national de l’Union sociale pour l’habitat, l’USH, étaient déçus et en colère après l’annonce des mesures relatives au logement inscrites dans le projet de loi de finances pour 2011.
S’ils ont été élus à la tête de ces organismes d’HLM, c’est non pas pour constituer un matelas, comme cela a pu être suggéré, mais pour gérer, et bien gérer.
Dès lors, quand vous prévoyez, pour le prochain budget, de prélever 2 % sur leurs revenus locatifs, soit 340 millions d’euros par an durant trois ans, au total 1 milliard d’euros, opérant ainsi un véritable hold-up dans leurs finances, vous commettez, à mon sens, une double erreur.
D’abord, vous soutirez à des gestionnaires rigoureux une part de leurs ressources pour combler les propres carences de l’État en matière de logement social.
Ensuite, par cette opération, vous allez priver les locataires du bénéfice de travaux pourtant indispensables que réalisent, avec ces ressources locatives, ces bailleurs sociaux - construction de logements neufs, travaux de réhabilitation ou d’entretien, ou encore amélioration de la performance énergétique.
Vous le savez, le problème de plus en plus criant dans les collectifs HLM déjà anciens est non pas le montant des loyers, mais celui des charges qui surenchérissent dangereusement la quittance. En l’occurrence, vous semblez avoir moins d’états d’âme pour accepter les hausses de tarifs, par exemple d’électricité. Et pour ce poste de dépenses, il n’est pas prévu d’aide personnalisée au logement, l’APL, les seules aides étant celles des départements : le Fonds unique logement habitat, ou FUHL, et le Fonds énergie.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous rassurer les demandeurs de logements, les bailleurs sociaux, les collectivités territoriales qui sont devenues les premiers partenaires du logement social, et démontrer votre engagement en faveur de l’accès au logement social ? Allez-vous revenir sur cette décision qui met en péril le développement du logement social en France ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, nous avons effectivement, dans le cadre du projet de loi de finances, décidé de mettre en place une vraie mutualisation entre les bailleurs sociaux. (M. Daniel Raoul s’exclame.)
En effet, nous considérons qu’en matière de logement, comme dans le cadre de toutes les politiques publiques, il est nécessaire de procéder à des économies budgétaires. Je l’assume totalement et j’assume cette politique !
Aujourd’hui, le monde HLM représente une capacité financière de 6,5 milliards d’euros dont la marge d’autofinancement moyenne est de 12,5 %, ce qui est considérable. Nous avons donc à y travailler ensemble.
Il n’est pas question de dire qu’il y a un matelas dans le monde HLM ! Simplement, nous constatons l’existence de marges de manœuvre, qu’il convient de mutualiser.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, les 340 millions d’euros seront redistribués, à l’euro près, au monde HLM par le biais de l’ANRU et les aides à la pierre. C’est la décision qui a été prise par le Gouvernement. Elle n’aura aucune incidence sur les loyers.
J’entends souvent dire que ces 340 millions d’euros signifient potentiellement 20 000 constructions de logements en moins ou des réhabilitations qui ne seront pas faites.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Permettez-moi de vous citer un autre chiffre : si les bailleurs sociaux tenaient leur engagement et vendaient 1 % du parc d’HLM, cela permettrait de constituer 2 milliards d’euros de fonds propres chaque année, c’est-à-dire de réaliser 100 000 logements sociaux de plus ! Telle est la réalité des chiffres ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour la réplique.
M. Thierry Repentin. Je soulignerai deux réalités.
D’abord, le budget en faveur du logement social dans notre pays est passé de 800 millions d’euros en 2008 à une perspective de 400 millions d’euros en 2013. Le chiffre est inscrit dans la loi de finances dont nous aurons à discuter. Une telle diminution affectera tout le territoire, les zones tendues, comme les zones détendues !
Ensuite, la ponction de 1 milliard d’euros se fera exclusivement sur les locataires du monde HLM, et sur eux seuls ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Il n’y aura évidemment pas de mutualisation, puisque cette somme sera affectée au paiement des dettes de l’ANRU, c’est-à-dire des dettes contractualisées à l’égard des collectivités locales ou des organismes d’HLM. Il ne s’agit donc pas d’une péréquation.
Cette somme est également destinée à financer des aides à la construction.
Monsieur le secrétaire d'État, il ne revient pas aux locataires du monde HLM, et à eux seuls, de se substituer à la solidarité nationale ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d’État, j’orienterai ma question, en lien avec le débat des retraites, sur la problématique de l’accès au logement des retraités.
Un récent rapport sur l’état du mal-logement en France de la fondation Abbé Pierre rappelle que tous les seniors ne sont pas riches et bien portants comme Mme Bettencourt : 600 000 personnes âgées vivent actuellement avec une allocation de solidarité de 628 euros, ce qui les place sous le seuil de pauvreté, comme 8 millions de nos concitoyens aujourd’hui dans notre pays.
Comment se loger avec si peu de ressources ? Votre réforme des retraites va accentuer ce dysfonctionnement par un mécanisme très simple : l’allongement des durées de cotisations, cumulé avec le report de deux années de l’âge légal de départ à la retraite, va conduire à une diminution du montant des pensions.
Pourtant, nous savons très clairement que seule une politique publique volontaire en matière de revenus et, donc, de pensions, peut concrètement favoriser l’accès au logement.
C’est loin d’être le cas aujourd’hui : les prix des logements ont doublé en moins de dix ans et les loyers ont augmenté de 30 % à 50 % pendant la même période ! À l’évidence, les ressources des ménages n’ont pas suivi un tel rythme. Ainsi, l’association Consommation, logement et cadre de vie, la CLCV, et la fondation Abbé Pierre estiment à plus de 500 000 le nombre de ménages qui présentent des impayés de loyers de deux mois ou plus, soit une augmentation, sur quatre ans, de 96 % dans le parc privé et de 58 % dans le secteur public. Ce chiffre ne tient pas compte de la faible revalorisation des aides personnalisées au logement, qui est à l’origine d’une diminution de plus de 11 % de la solvabilisation.
Cette perte de pouvoir d’achat s’inscrit dans le cadre d’une politique du logement délétère, caractérisée notamment par la diminution continue des aides à la pierre, par la prochaine ponction des organismes d’HLM de l’ordre de 340 millions d’euros par an et l’obligation qui leur est faite de vendre leur patrimoine.
Aujourd’hui, il manque 900 000 logements, selon la fondation Abbé Pierre.
Il est clair que votre gouvernement mène une politique en rupture avec les valeurs qui sont au cœur de la République : la fraternité et la solidarité.
Aujourd’hui, c’est à chacun selon ses moyens ! Notre retraite, nous l’obtiendrons individuellement, par la voie de la capitalisation et non de la répartition. Et nous pourrons nous loger, sous l’unique condition d’être solvables et propriétaires !
Oui, les logements sont chers ! Oui, les retraités non fortunés pourront de moins en moins se voir garantir un droit au logement ! Cela est d’autant plus vrai que leur situation spécifique nécessite bien souvent des aménagements particuliers.
Je vous interroge donc, monsieur le secrétaire d'État : quand ce gouvernement va-t-il entendre, notamment en ce jour de manifestations, la voix du peuple ? Plus précisément, quelles mesures comptez-vous prendre pour faciliter l’accès au logement de ces populations fragilisées que même les bailleurs sociaux hésitent à accueillir dans leur contingent ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, la question que vous posez est essentielle dans un pays où la démographie – vous en discutez en ce moment même dans le cadre du débat sur les retraites – fait que l’on y vit plus longtemps, et c’est tant mieux !
Un certain nombre de questions se posent, notamment sur l’accès au logement.
J’apporterai trois éléments de réponse à votre question.
D’abord, si nous souhaitons recentrer les missions du monde HLM sur le logement des plus modestes, c’est justement pour répondre à la question que vous avez évoquée du vieillissement de la population.
De la même façon, si le Gouvernement souhaite accélérer l’accession à la propriété, c’est parce que cette dernière est aussi un moyen de permettre à nos concitoyens de préparer et de sécuriser leur retraite. Telle est la réalité ! Telle est la politique que nous menons !
J’ai récemment demandé à Mme Boulmier un rapport sur l’adaptation de l’habitat au défi de l’évolution démographique. En la matière, nous avons pris un certain nombre de décisions, notamment dans le cadre du grand emprunt, qui consacre 1,25 milliard d’euros pour adapter nos logements à la précarité énergétique et y réaliser des travaux dans la perspective du vieillissement de la population.
Ensuite, les aides personnalisées au logement ont augmenté de 6 % ces trois dernières années, justement pour faire face à la problématique que vous avez évoquée, à savoir les difficultés de logement d’un certain nombre de nos compatriotes, notamment des personnes âgées.
Enfin, concernant les 340 millions d’euros que vous avez évoqués – et je m’adresse également à M. Repentin, qui me semble pourtant bien connaître ce dossier –, je veux rappeler une vérité : non, ce ne seront pas les locataires qui paieront cette contribution. (Ah ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
La raison en est très simple : nous avons décidé que l’augmentation des loyers, qui relevait auparavant d’un « conseil » de l’État et qui était indexée à l’indice de référence des loyers, ou IRL, sera plafonnée dans une fourchette de 1 % maximum par an. Donc, les bailleurs sociaux ne pourront pas répercuter sur les locataires la contribution en question ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour la réplique.
Mme Odette Terrade. Monsieur le secrétaire d'État, vous n’en serez pas étonné, je ne partage pas vos analyses ! Certes, nos concitoyens vivent plus longtemps, mais pour beaucoup d’entre eux, on le sait, avec souvent nettement moins d’argent.
Je voudrais bien voir que les 340 millions d’euros à la charge des offices HLM ne seront pas pris sur le dos des locataires !
On sait déjà que ce seront forcément les locataires qui paieront. Leur contribution a même été évaluée à 80 euros par an. Comment vont-ils faire ? Ils n’ont pas le choix… .
En affaiblissant la capacité de construction des offices, cette mesure va également provoquer une hausse des loyers. En outre, les files d’attente des demandeurs vont s’allonger.
Il en est de même du montant des APL. Alors que le revenu maximum pour obtenir cette aide était de 2,4 SMIC en 1977 pour une personne, il n’était plus que de 1,07 SMIC en 2007. Nous voyons donc bien que la politique du logement s’effrite.
Comment accepter que la politique de logement social soit financée par la seule contribution des locataires HLM quand la nation entière subventionne le bouclier fiscal, qui représente aujourd’hui 640 millions d’euros réservés aux 19 000 foyers les plus aisés ?
Monsieur le secrétaire d’État, vous comprendrez que nous ne soyons pas d’accord avec vos réponses. Vous tournez le dos à une république solidaire, alors que, à l’inverse, le groupe CRC-SPG se prononce pour un grand service public du logement qui garantisse à tous le droit au logement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Mayet.
M. Jean-François Mayet. Monsieur le secrétaire d’État, le pouvoir d’achat des petits retraités est aujourd’hui notre préoccupation. C’est le coût de leur habitation qui pose un vrai problème dans notre pays, devenu en soixante-dix ans un pays de locataires.
Les 57 % de propriétaires recensés dans notre pays sont très majoritairement des Français appartenant aux classes aisées et les 43 % de locataires sont très majoritairement des Français fragilisés économiquement. Je tire de ce constat la certitude que c’est à nous, politiques, de proposer des solutions.
En effet, il n’est pas acceptable de laisser perdurer un système qui consiste à maintenir à l’état de locataire plusieurs millions de nos concitoyens à faibles revenus, en les subventionnant directement ou indirectement par le biais des bailleurs sociaux. Ce sont plus de 45 milliards d’euros par an qui sont engagés pour soutenir un système qui éloigne ses bénéficiaires de tout projet d’accession à la propriété.
Par conséquent, lorsque ceux qui ont de petits revenus arrivent à l’âge de la retraite, ils sont encore locataires et redevables d’un loyer qui continue d’augmenter. La charge financière assumée par la collectivité serait moindre si nous leur avions permis d’accéder à la propriété au début de leur parcours résidentiel.
Un couple de Français avec deux enfants peut cumuler près de 300 000 euros d’aide à la location au cours de son existence. Il est temps de remettre ce mécanisme en question et de demander aux bailleurs sociaux de faire accéder à la propriété massivement et plus tôt.
M. Charles Revet. Très bien !
M. Jean-François Mayet. J’ai déjà eu l’occasion de soutenir que la propriété du logement valait bien un complément de retraite.
Les moyens financiers sont là et des financements extérieurs sont possibles. Je rappelle que 45 milliards d’euros consacrés chaque année à la location pourraient être basculés progressivement.
Monsieur le secrétaire d’État, je demande au Gouvernement de revoir le statut des bailleurs sociaux pour faire de ces derniers une force technique et financière dédiée prioritairement à l’accession à la propriété des classes les plus défavorisées.
L’État peut leur demander de vendre une partie de leur patrimoine existant, qui est parfois amorti, aux plus anciens locataires ou de construire prioritairement pour faire de la location-vente. C’est d’ailleurs dans cette perspective que les bailleurs sociaux ont été créés dans les années vingt !
M. Charles Revet. Et cela fonctionne bien !
M. Jean-François Mayet. Monsieur le secrétaire d’État, merci de préciser vos intentions à ce sujet.