M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 49, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 22 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les établissements bancaires ne peuvent proposer aux collectivités locales des produits exposant à des risques sur le capital et des produits reposant sur des indices à risques élevés, tels que ceux prévus par la Charte de bonne conduite entre les établissements bancaires et les collectivités territoriales du 7 décembre 2009.
Ils ne peuvent en outre proposer des produits présentant une première phase de bonification d'intérêt supérieure à 35 % du taux fixe équivalent ou de l'Euribor à la date de la proposition et d'une durée supérieure à 15 % de la maturité totale.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, je défendrai conjointement les amendements nos 49 et 50 puisqu’ils visent tous deux à défendre les intérêts des collectivités locales qui ont été victimes de produits financiers « toxiques ».
Dès l’automne 2008, la crise financière a révélé la « toxicité » de certains emprunts structurés contractés par des collectivités locales et dont les conditions de financement sont aujourd’hui insupportables pour les budgets locaux.
Il est acquis qu’il y a eu un défaut d’information et de conseil de la part des banques envers les collectivités locales, dont on reconnaît aujourd’hui le caractère de non-professionnel financier.
Le Gouvernement a tardivement reconnu la gravité de la situation. Il a alors mis en place une mission menée par Éric Gissler, laquelle a donné lieu à l’élaboration d’une charte signée le 7 décembre 2009 – soit un an après l’alerte lancée par les collectivités locales, singulièrement par le département de la Seine-Saint-Denis et le président de son conseil général, Claude Bartolone – entre les banques et une partie seulement des collectivités territoriales.
Il est à noter, en effet, que les associations représentatives des départements et des régions de France ont refusé de signer cette charte au motif qu’elle n’était pas suffisamment contraignante, ne tenait pas compte des dérives passées et n’établissait des règles que pour l’avenir.
Une nouvelle fois, le Gouvernement a choisi de s’en remettre à la bonne volonté des banques en évitant le recours à une législation contraignante.
L’objet de notre amendement n° 49 est d’intégrer dans la loi le premier engagement inscrit dans cette charte de bonne conduite entre les établissements bancaires et les collectivités locales, en vertu duquel les banques renoncent à proposer aux collectivités tout produit les exposant à des risques sur le capital et des produits reposant sur certains indices à risque élevé ; c’est à nos yeux un minimum.
Cet amendement prévoit également d’interdire aux établissements financiers de proposer des produits comportant un risque de change aux collectivités territoriales qui n’ont pas de ressources dans la devise d’exposition.
J’en viens à l’amendement n° 50.
Le Gouvernement a déjà refusé, en 2009, notre amendement qui visait à ce que soit fournie au Parlement une information claire et précise sur l’encours total d’emprunt des collectivités locales soumis à un risque de variation importante des conditions de taux applicables avant leur échéance et sur l’ampleur des risques encourus à ce titre par les collectivités. Un an après, le flou demeure alors que la charte de bonne conduite a été adoptée le 7 décembre dernier.
Dans le cadre de la charte, un rapport est prévu au terme d’une année d’application, soit avant le 1er janvier 2011. Il est donc normal que le Parlement puisse en avoir connaissance et entendre à cette occasion les positions du Gouvernement sur les modifications ou les solutions que celui-ci compte apporter aux collectivités territoriales victimes de ces produits toxiques.
M. le président. Pour la clarté du débat, j’appelle d’ores et déjà les deux amendements nos 35 rectifié et 50, qui font l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 35 rectifié, présenté par MM. Collin, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Plancade, Tropeano, Vendasi, Milhau et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 22 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2010, un rapport précisant l'encours total d'emprunt des collectivités locales soumis à un risque de variation importante des conditions de taux applicables avant leur échéance, l'ampleur des risques financiers encourus à ce titre et les solutions envisagées pour réduire ces risques.
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Cet amendement est presque identique à l’amendement n° 50 que vient de présenter Mme Bricq.
Pour ma part, je souhaiterais surtout insister sur la situation difficile, voire intenable de collectivités locales qui se sont laissé emporter, peut-être parce qu’elles ont accordé trop de crédit aux promesses et engagements qui leur avaient été faits. Afin que chacun reste en alerte, tant du côté des collectivités locales que du côté des banques et des opérateurs eux-mêmes, il me semble nécessaire que soient transmises ces nouvelles informations, même si je suis consciente des problèmes que soulève la multiplication des rapports.
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 22 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er janvier 2011, un rapport présentant le bilan de l'application de la Charte de bonne conduite entre les établissements bancaires et les collectivités locales du 7 décembre 2009.
Il précise l'encours total d'emprunt des collectivités locales soumis à un risque de variation importante des conditions de taux applicables avant leur échéance, l'ampleur des risques financiers encourus à ce titre et les solutions envisagées pour réduire ces risques.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 49, 35 rectifié et 50 ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je suis vraiment favorable à toutes les chartes de bonne conduite, mais faut-il pour autant les inscrire dans la loi et multiplier les béquilles, les échafaudages, les mesures de prévention ? Il convient que tous ceux, particuliers ou collectivités territoriales, qui se voient offrir, pour régler leurs problèmes, des solutions particulièrement merveilleuses se méfient un peu.
À un moment ou à un autre, certains ont cru au père Noël. Faut-il pour autant multiplier les lois bavardes, qui sont inutiles et qui compliquent un peu plus la législation en nourrissant des contentieux n’aboutissant à rien ?
Je souhaiterais entendre le Gouvernement sur le rapport qu’il pourra faire au sujet de ces pratiques, mais je pense qu’il est inutile d’inscrire dans la loi de telles dispositions.
Sauf à ce que le Gouvernement se prononce en faveur de ces amendements, la commission émet donc un avis plutôt défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. À la suite d’une réunion entre les banques et les collectivités territoriales tenue en novembre 2008 sur l’initiative de Michèle Alliot-Marie et moi-même, avaient été décidées la création d’une charte et la nomination d’un « facilitateur » des relations entre ces différents acteurs. Celui-ci a durement travaillé pendant un an ; il est parvenu à dénouer un certain nombre de situations et la concertation qu’il a menée a abouti à la charte de bonne conduite.
Ce document respecte deux principes : d’une part, un principe constitutionnel auquel le Sénat est extrêmement attaché, à savoir celui de libre administration des collectivités locales ; d’autre part, le principe de libre concurrence entre les établissements bancaires, encore récemment consacré par une décision de l’Autorité de la concurrence et auquel je suis très attachée. Il me semble que, avec ces deux principes fondamentaux, la charte que les établissements bancaires se sont engagés à respecter est la bonne réponse.
Je voudrais simplement rappeler rapidement les principes de cette charte. Au terme de ces travaux qui ont rassemblé tous les acteurs de part et d’autre, les banques s’engagent à renoncer à proposer des produits financiers dont les taux évolueraient en fonction de l’un des index suivants : les indices relatifs aux matières premières, les indices propriétaires non strictement adossés aux indices autorisés par la charte, les indices cotés sur les places financières hors des pays membres de l’OCDE ; tous indices qui étaient évidemment risqués et dont il aurait peut-être fallu se méfier temps voulu. En tout état de cause, le Gouvernement a été extrêmement attentif à aider à la mise en place de ces mécanismes et il ne me paraît pas, à ce stade, nécessaire d’aller au-delà.
En outre, monsieur le président Arthuis, si vous en aviez convenance, nous pourrions venir devant la commission des finances commenter le rapport qui me sera remis afin de vous donner un éclairage sur la façon dont la charte aura été respectée.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous vous attendons, madame la ministre !
Mme Nicole Bricq. Il faut que l’invitation soit formelle !
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement demande aux auteurs de ces amendements de bien vouloir les retirer. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Bricq, les amendements nos 49 et 50 sont-ils maintenus ?
Mme Nicole Bricq. Je maintiens l’amendement n° 49. En revanche, j’accepte de retirer l’amendement n° 50 parce que Mme la ministre a pris l’engagement de venir devant la commission des finances pour faire des commentaires sur ce rapport que nous demandons et nous préciser les orientations qu’elle compte prendre.
Je retire donc cet amendement dès lors que le président de la commission des finances s’engage formellement dans cet hémicycle à inviter Mme la ministre sur ce sujet.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mme la ministre est invitée permanente !
Mme Nicole Bricq. Non, monsieur le président ! Vous m’avez déjà fait le « coup » de l’invitation permanente, notamment s’agissant du contrôle fiscal, sujet que nous allons aborder prochainement dans le cadre de conventions que la France signe avec des territoires susceptibles d’être non coopératifs.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Dès que Mme Lagarde nous fera connaître qu’elle est prête à venir devant la commission, je prendrai toutes dispositions pour organiser son audition ! (Mme Nicole Bricq fait un signe d’assentiment.)
M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.
Madame Escoffier, l'amendement n° 35 rectifié l’est-il également ?
Mme Anne-Marie Escoffier. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 35 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 49.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 65 rectifié, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 22 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le sixième alinéa de l'article L. 225-100 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport rend compte de l'ensemble des activités menées par les sociétés cotées ayant des liens avec des paradis fiscaux et des territoires non coopératifs, faisant figurer le détail de leurs filiales et leurs activités. Ces informations sont transmises, pour examen, à l'Autorité des marchés financiers. »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L’information des actionnaires, notamment des actionnaires minoritaires, est essentielle si l’on veut donner un sens à l’essor d’une véritable démocratie actionnariale que d’aucuns appellent de leurs vœux.
Une des pratiques les plus répandues dans les grandes entreprises à vocation internationale, et parfois mondialisées, est de procéder à la localisation optimale, en termes de fiscalité ou de la rentabilité, d’un certain nombre d’activités ou de sites de production. Cette pratique va de pair avec l’usage, voire l’abus des prix de transfert, c’est-à-dire des processus de démembrement de la phase de production afin de domicilier le plus grand nombre possible de marges commerciales dans le pays où elles sont le plus faiblement imposées.
Cette méthode est éprouvée : on vend à prix quasiment coûtant une production à une filiale implantée dans un paradis fiscal et celle-ci revend la même marchandise au prix le plus élevé possible à l’entité du groupe chargée de sa commercialisation sur le territoire français ; dans le même temps, on localise la marge là où elle subira peu ou pas d’imposition.
Nous considérons que ces montages, ces modes de fonctionnement doivent être portés à la connaissance des actionnaires réunis en assemblée générale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Hier, Mme la ministre a indiqué que toutes les banques françaises ont décidé de se retirer des territoires non coopératifs et, dans la soirée, nous avons approuvé plusieurs conventions bilatérales. Et nous en approuverons sept autres dans quelques jours.
J’ajoute que, depuis la dernière loi de finances rectificative pour 2009, les sociétés françaises sont surtaxées, au taux de 50 %, sur les revenus issus de ces juridictions, sauf si elles peuvent démontrer qu’elles y exercent une activité économique effective.
La commission des finances souhaite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 121 rectifié, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 22 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le sixième alinéa de l'article L. 225-100 du code de commerce, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport comporte des indications sur les modalités selon lesquelles l'entreprise remplit ses obligations fiscales, notamment en matière de localisation fiscale de ses activités et de fixation des prix de transfert. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Nous en revenons à la question des paradis fiscaux. Je crois avoir montré hier, lors de la discussion générale, combien le groupe socialiste tient à ce que ce sujet soit abordé, et surtout traité.
Nos amendements nos 121 rectifié, 140, 141 et 142 sont motivés par le même impératif de contrôle et de transparence.
L’amendement n°121 rectifié vise à reconnaître que ce que l’on appelle, par euphémisme, la « recherche de l’optimisation fiscale » – sport très répandu – est un facteur de risque lorsque les sociétés se montrent par trop créatives. À la lumière de l’expérience, il apparaît que les manœuvres fiscales sont souvent accompagnées de pratiques de dissimulation de la réalité comptable des entreprises.
Comme l’a indiqué le président de l’Autorité des marchés financiers, les centres offshore permettent de sortir du bilan certaines opérations, de diviser les risques financiers ou d’organiser une certaine évasion fiscale, ce qui peut contribuer au développement de risques systémiques sur les marchés.
Ainsi, les produits de la société ArcelorMittal, qui est implantée en Lorraine, près de la frontière luxembourgeoise, transitent le plus souvent par le Grand-Duché. L’acier produit en France est vendu à une filiale luxembourgeoise qui elle-même le revend soit au client final, soit à une autre filiale installée dans un pays plus exotique que le Grand-Duché. Dans les deux cas, les acheteurs et les vendeurs sont les mêmes : la main droite vend à la main gauche et la plus-value est réalisée là où les conditions sont les plus avantageuses.
Il convient donc, dans un souci de transparence, de préciser les manipulations fiscales effectuées lors de telles transactions. Nous considérons qu’il est légitime de demander – c’est l’objet de cet amendement – que les actionnaires soient informés, par le biais du rapport présenté lors de l’assemblée générale, de la politique suivie par l’entreprise dans le domaine de la fiscalité, comme ils le sont en matière de responsabilité sociale des entreprises ou de gestion des risques – environnementaux, par exemple – de l’activité de la société.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mme Bricq soulève là une question très importante. Cela étant, je ne suis pas persuadé que ces informations n’intéresseraient pas plus le fisc que les actionnaires…
Mme Nicole Bricq. Ah !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La difficulté tient aux prix de transfert. Vous vous souvenez sans doute, chère collègue, que nous avons évoqué hier, au sujet de la grande distribution, les opérations qui se dénouent à Zurich, à Genève ou à Bruxelles.
La commission des finances considère que ces opérations sont à la lisière du secret fiscal. Elle n’est donc pas favorable à la mention de telles informations dans le rapport de gestion, mais elle encourage vivement le Gouvernement à prendre toutes dispositions utiles pour améliorer la transparence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est bien évidemment très sensible à la bonne information de tous les actionnaires, ainsi qu’à la vérification des mécanismes de prix de transfert pratiqués par des contribuables redevables auprès de l’État français.
En revanche, il ne paraît pas souhaitable de faire figurer dans le rapport de gestion, qui est très largement diffusé, des informations confidentielles sur la stratégie générale d’une entreprise. Les concurrents des sociétés françaises trouveraient sans nul doute un grand intérêt à avoir connaissance de telles informations et ils ne manqueraient pas d’en tirer un avantage compétitif.
J’ajoute que, si un actionnaire est intéressé par la stratégie fiscale, les prix de transfert ou l’optimisation de l’entreprise dont il détient une partie du capital, il a évidemment la possibilité d’interroger les autorités compétentes, et il obtiendra une réponse.
M. le président. L'amendement n° 140, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 22 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le nombre de contrôles annuels effectués par l'administration fiscale sur la base de l'article 209 B du code général des impôts, ainsi que le montant des assiettes recouvrées, le nombre d'entreprises concernées et la liste des pays à fiscalité privilégiée concernés au sens de l'article 238 A du code général des impôts sont publiés chaque année, en annexe de la loi de finances.
Cette annexe fait figurer l'ensemble des informations mentionnées ci-dessus pour les recours suivants :
- le nombre de demandes d'assistance administrative internationale formulées et le nombre de demandes d'assistance abouties, ce afin d'actualiser annuellement la liste nationale des territoires non coopératifs ;
- le nombre de recours aux articles 57, 123 bis, 209 B, 212 et 238 A du code général des impôts, avec détail des opérations relevant des dispositions de la loi de finances rectificative pour 2009 : la documentation en matière de prix de transfert, conformément à l'article L. 13B du livre des procédures fiscales, les dispositions concernant la liste des territoires non coopératifs, la majoration des retenues à la source ;
- le nombre et les profils des dossiers traités par la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale ;
- le nombre de contrôles pour manipulation de prix de transfert ;
- le nombre d'accords préalables en matière de prix de transfert.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà encore un amendement qui aurait mieux sa place dans le projet de loi de finances.
Mme Nicole Bricq. Pas du tout ! Les dispositions du présent amendement sont relatives au contrôle parlementaire. Si elles concernent le projet de loi de finances, nous aurons l’occasion d’y revenir.
C’est le premier amendement de ce type déposé par le groupe socialiste. Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009, notre groupe avait fait confiance au ministre du budget lorsqu’il avait affirmé sa volonté de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales. J’exerce, en cet instant, le droit de suite du groupe socialiste et c’est pourquoi je suis très attachée à cet amendement.
Madame la ministre, M. François Marc et moi-même nous sommes associés – et nous ne sommes pas les seuls parlementaires à l’avoir fait – à l’appel pour la surveillance de la finance, call for a finance watch. Alors que le boulet de la crise financière a failli mettre à bas la stabilité du monde, alors que la crise économique est toujours là – et bien là – et que nos concitoyens en subissent les conséquences, on constate une dissymétrie entre, d’un côté, le pouvoir qu’exercent, aussi bien en France que dans l’ensemble de l’Europe et à l’échelle mondiale, les lobbys bancaires et financiers et, de l’autre côté, les citoyens que nous sommes tout de même censés représenter.
À ce jour, les parlementaires ne disposent que de chiffres épars pour comprendre la pertinence du dispositif législatif français de lutte contre la fraude fiscale. C’est la raison pour laquelle nous réclamons la publication annuelle des contrôles fiscaux qui sont engagés au titre de l’article 209 B du code monétaire et financier, lequel comprend les dispositions votées lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009. Il s’agit de pouvoir évaluer l’évolution de l’effort de contrôle fiscal et des moyens de ce contrôle ainsi que la pertinence des nouveaux outils dont s’est dotée la France.
Ces outils sont constitués notamment des nouvelles conventions fiscales qui ont été ou qui seront signées – mais, nous n’avons de cesse de le répéter, il ne suffit pas qu’une convention soit signée pour en connaître l’application – et de la documentation que les grandes entreprises doivent mettre à la disposition de l’administration fiscale quant à leur pratique en matière de prix de transfert, qui faisait l’objet de notre amendement précédent.
L’article 209 B, modifié par la loi de finances de 2005, vise à dissuader les montages par lesquels une personne morale passible de l’impôt sur les sociétés localise tout ou partie de ses bénéfices dans une entité établie dans un État ou un territoire étranger à fiscalité privilégiée. Les bénéfices ou revenus actifs réalisés par une telle entité sont ainsi, sous certaines conditions de détention directe ou indirecte, réputés constituer des revenus de capitaux mobiliers de la personne morale établie en France.
L’article 209 B du code général des impôts, de même que son article 123 bis mentionné tout à l'heure, comporte des obligations déclaratives spécifiques. C’est pourquoi nous avons déposé cet amendement qui vise à rendre systématique et annuelle la publication, en annexe de la loi de finances, du nombre de contrôles fiscaux effectués, du montant des droits et des pénalités recouvrés, du nombre d’entreprises concernées et des pays à fiscalité privilégiée au sens de l’article 238 A du code général des impôts.
Cela va évidemment dans le sens d’une transparence accrue, mais le contrôle du Parlement s’exercera d’autant mieux que nous disposerons d’une telle annexe.
Une semblable disposition devra sans doute, j’en conviens, monsieur le président de la commission des finances, être examinée lors de la discussion du projet de loi de finances. Comptez sur nous pour y revenir alors. Mais je tenais, à l’occasion de la discussion de ce projet de loi de régulation bancaire et financière, défendre une première fois cet amendement. Il y va de l’intérêt de tous, y compris du Parlement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà un amendement qui, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, trouverait en effet mieux sa place dans la discussion du projet de loi de finances. Dois-je comprendre que vous le retirez, madame Bricq ?...
Mme Nicole Bricq. Ah non ! Il ne prévoit pas de disposition de nature fiscale !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je suis pour la transparence, mais faut-il pour autant demander aux établissements bancaires et financiers de publier leurs résultats à la face du monde ? Je n’en suis pas persuadé !
Mme Nicole Bricq. À la face du monde, n’exagérons rien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si l’on veut surveiller l’efficacité et l’effectivité des contrôles fiscaux, mieux vaut, me semble-t-il, que la commission des finances procède périodiquement à l’audition du directeur général des finances publiques.
Mme Nicole Bricq. Vous l’aviez déjà dit il y a un an !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les parlementaires ont en effet pour mission de contrôler l’action du Gouvernement et d’évaluer les politiques publiques. La commission des finances est donc plutôt défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Une présentation détaillée des résultats du contrôle fiscal figure chaque année en annexe du « bleu » budgétaire.
Mme Nicole Bricq. Non !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il n’y a pas de raison de distinguer contrôle fiscal interne et contrôle fiscal international.
Pour le reste, comme M. le président Arthuis me l’a fort aimablement proposé tout à l'heure, je me tiendrai à la disposition de la commission des finances, au même titre que le directeur de la législation fiscale, pour lui rendre compte de la mise en œuvre des dispositifs visant à éviter la fraude internationale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous êtes d’ores et déjà invitée, madame ! (Sourires.)