compte rendu intégral
PrÉsidence de M. Bernard Frimat
vice-président
Secrétaires :
M. Marc Massion,
M. Philippe Nachbar.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Modification de l'ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement a modifié l’ordre du jour de la séance du jeudi 30 septembre pour inscrire l’examen d’une convention douanière entre la République française et le Royaume des Pays-Bas, dont la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a demandé la discussion selon la procédure simplifiée.
En conséquence, l’ordre du jour de la séance du jeudi 30 septembre s’établit comme suit :
Jeudi 30 septembre 2010
À 9 heures 30, l’après-midi, après les questions d’actualité au Gouvernement, et le soir :
- Suite éventuelle du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, NOME ;
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Suisse en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus ;
- Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune ;
- Trois conventions fiscales et une convention douanière, examinées selon la procédure simplifiée ;
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de régulation bancaire et financière.
Acte est donné de cette communication.
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Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 29 septembre 2010, quatre décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2010-38 QPC, 2010-40 QPC, 2010-41 QPC, 2010-44 QPC).
Acte est donné de ces communications.
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Nouvelle organisation du marché de l'électricité
Suite de la discussion d'un projet de loi
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (projet n° 556, texte de la commission n° 644, rapports nos 643 et 617).
Lors de sa précédente séance, le Sénat a entamé l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 1er.
Articles additionnels après l'article 1er (suite)
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Grignon, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 50-1 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, il est inséré un article 50-2 ainsi rédigé :
« Art. 50-2. - Les contrats visés au premier alinéa de l'article 50, lorsqu'ils sont relatifs à des installations de cogénération, sont prorogés pour une durée maximale de six années, dès lors que le producteur d'électricité ou toute personne se proposant de se substituer à ce producteur dans l'exploitation de l'installation concernée en fait la demande, trente jours au moins avant l'expiration du contrat en cours. À compter de sa prorogation le contrat est, le cas échéant, transféré de plein droit et sans autre modification que celle de sa durée, à l'auteur de la demande de prorogation. »
La parole est à M. Francis Grignon.
M. Francis Grignon. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite profiter de l’examen de ce projet de loi pour poser le problème de la cogénération pour l’industrie.
Sans faire de parallèle avec les débats qui ont eu lieu cette nuit, au cours desquels nous avons longuement discuté des règles concernant la production d’électricité pour les petites unités hydroélectriques au fil de l’eau, il s’agit pour moi, par cet amendement, moins de faire œuvre législative que d’obtenir une réponse sur le point de savoir si une prorogation de contrat est possible pour le rachat d’énergie de cogénération par les distributeurs.
Je ne vise ici que la cogénération à partir du gaz qui produit à la fois de la vapeur et de l’électricité, car elle offre un bien meilleur rendement que celle qui ne produit que de la vapeur ou que de l’électricité.
Cette technologie concerne deux grands domaines de notre économie. Elle intéresse aujourd'hui les industriels grands consommateurs de vapeur – industrie papetière, industrie cimentière, production d’aluminium, etc. –, puisque l’électricité qui est revendue à partir de cette coproduction permet de diminuer le prix de la vapeur. Qui plus est, quand elle a été mise au point voilà une dizaine d’années, elle a aussi intéressé EDF, lui évitant d’investir massivement.
La cogénération pour l’industrie, c’est une production d’électricité de 2,5 gigawatts qui concerne 50 sites industriels et 25 000 emplois.
La cogénération existe aussi pour les logements et représente la même production, mais ce n’est pas celle-ci qui m’intéresse aujourd'hui.
Cet amendement vise à prolonger de six ans la durée des contrats d’obligation d’achat 97-01 et 99-02 signés entre les cogénérateurs et EDF ou les producteurs non nationalisés, afin de ne pas pénaliser les industriels thermo-intensifs, qui ne sont pas les acteurs de la cogénération : le cogénérateur produit le courant et la vapeur, EDF ou un autre distributeur rachète le courant, l’industriel rachète la vapeur. Ce faisant, il s’agit d’éviter de créer une valeur spéculative pour le producteur de cogénération, puisque l’industriel thermo-intensif, compte tenu de son besoin en vapeur, est en quelque sorte prisonnier de sa fourniture en vapeur.
En ces temps difficiles, l’ambition est de pérenniser tout un pan de notre industrie, étant précisé que le deal est gagnant-gagnant, notamment pour EDF, qui, je le disais, a pu investir un peu moins dans les tranches nucléaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Notre collègue se fait ici le défenseur de la cogénération « gaz » !
Je rappelle que, pour les investissements qui ont déjà été réalisés, les contrats d’obligation d’achat couvraient les amortissements nécessaires. Ces investissements sont aujourd’hui amortis et, disons-le sans ambages, les cogénérateurs souhaitent en fait la prolongation d’un avantage. Ce n’est pas prévu pour le moment.
Mon cher collègue, vous avez esquissé un parallèle avec les petites installations hydroélectriques. Un grand débat a eu lieu hier sur ce sujet. Il a été tranché dans le sens des orientations du Gouvernement : la prolongation est prévue pour ceux qui réalisent des investissements.
C’est d’ailleurs ce qui existe pour la cogénération « gaz » lorsque des investissements sont réalisés pour la transformation en biomasse. Il s’agit là d’une solution de sortie pour ceux qui ne voudraient pas rester dans la cogénération « gaz » ou qui auraient peur de ne plus trouver d’activité rentable.
Aujourd'hui, il n’est pas nécessaire pour le législateur d’intervenir de nouveau. Les textes existent : tous ceux qui voudront investir pour passer du gaz à la biomasse seront aidés. Les contrats permettent un amortissement des investissements réalisés sur une douzaine d’années. C’est donc une réponse partielle à l’attente de ces professionnels.
Cela va d’ailleurs dans le sens d’un autre amendement relatif à la biomasse qui a été adopté hier et auquel le Gouvernement était moins favorable.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable, ce qu’elle répugne à faire s’agissant d’un amendement venant de vous, mon cher collègue ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Même avis, monsieur le président.
M. le président. Monsieur Grignon, l'amendement n° 23 est-il maintenu ?
M. Francis Grignon. Monsieur le président, avant de retirer mon amendement, permettez-moi deux observations.
Certes, un amortissement est prévu, mais certains contrats ont été passés voilà dix ans et d’autres sont plus récents. Il faut donc que les conditions restent les mêmes, indépendamment de ce dont nous discutons aujourd'hui.
Par ailleurs, il est vrai que la biomasse est une solution. Toutefois, pour les secteurs concernés, je ne pense pas que la puissance soit suffisante. (M. le rapporteur s’exclame.) Il n’est qu’à consulter les techniciens. Dès lors que l’on parle de cimenterie, de papeterie industrielle ou de toute autre production de masse très importante, cela ne peut se faire qu’à partir du gaz.
Néanmoins, monsieur le président, je vais retirer cet amendement. Il s’agissait d’un amendement d’appel destiné à obtenir une réponse précise du Gouvernement. Celle que j’ai obtenue n’est pas aussi précise que je l’aurais souhaitée (Sourires), mais j’espère que cette discussion aura fait avancer le schmilblick ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je souhaite apporter une précision.
Il va de soi que les contrats en cours iront jusqu’à leur terme et que les conditions qu’ils prévoient ne seront pas remises en cause.
Au cours du débat qui a eu lieu hier, j’ai rappelé que les objectifs seraient atteints ou dépassés pour tous les volets prévus par le Grenelle de l’environnement – photovoltaïque, éolien, biomasse pour la chaleur –, à l’exception d’un seul, celui de la biomasse pour l’électricité.
La « petite biomasse », sujet que nous avons abordé hier, ne sera de toute façon pas suffisante pour atteindre cet objectif. Au contraire, la conversion de certaines usines de cogénération « gaz » vers la biomasse constituera une bonne solution pour atteindre l’objectif du Grenelle de l’environnement et sera très intéressante pour les investisseurs privés.
M. Francis Grignon. Je retire l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 23 est retiré.
L'amendement n° 21, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le gestionnaire du réseau public de transport propose à l'approbation de la Commission de régulation de l'énergie les dispositions réglementaires et tarifaires applicables aux moyens de stockage susceptibles de participer à la disponibilité et à la mise en œuvre des services et des réserves nécessaires au fonctionnement du réseau. Ces dispositions entrent en vigueur au plus tard le 1er juillet 2011.
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’aurais dû, ce matin, de bonne heure, défendre un amendement. N’ayant malheureusement pas la résistance de certains, je n’étais pas dans l’hémicycle. (Sourires.) J’entends me rattraper en présentant maintenant l’amendement n° 21, qui s’inscrit dans la même logique.
Il s’agit de faire en sorte que le texte que nous examinons aujourd'hui ne soit pas demain déjà en retard par rapport à l’évolution des technologies. Je souhaite que soient prises en compte les technologies permettant le stockage de l’électricité qui émergent aujourd'hui.
Je suis particulièrement les travaux d’une équipe du CNRS : elle a créé une petite société, SEVILL, qui a mis au point une technologie de stockage de l’électricité maintenant rentable, c'est-à-dire efficace sur le plan énergétique, en ce qu’elle consomme moins d’énergie qu’elle n’en stocke.
Madame la secrétaire d'État, en défendant cet amendement, je n’ai d’autre but que de vous entendre prendre l’engagement que ce projet de loi intégrera ces technologies afin que, demain, elles ne restent pas à l’écart.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Lorsqu’elle a examiné cet amendement, qui constitue une solution très intéressante pour l’avenir,...
M. Roland Courteau. C’est vrai, mais est-ce que c’est au point ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. ... la commission a souhaité recueillir l’avis du Gouvernement, et ce pour une raison simple, mon cher collègue : je ne voulais en aucun cas avoir à me prononcer contre une solution qui me paraît réellement prometteuse.
Avec le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, nous nous fixons plusieurs objectifs.
D’abord, nous voulons favoriser les nouveaux entrants dans le marché pour investir dans des unités de production.
Ensuite, nous voulons favoriser leur engagement dans les mécanismes d’effacement.
La troisième solution est incontestablement celle-là. On en est au tout début, et les deux techniques évoquées par Philippe Adnot existent.
L’amendement tel qu’il est rédigé est impossible à appliquer juridiquement : on ne peut demander au gestionnaire du réseau public de transport de trouver une solution d’ordre réglementaire. C’est la raison pour laquelle je demanderai à notre collègue de retirer son amendement.
Cependant, et je me tourne vers Mme la secrétaire d'État, il me paraît important de conforter ceux qui ont investi dans le stockage de l’électricité. C’est, je le répète, une solution d’avenir très intéressante.
Il se trouve que la France n’est pas plus mauvaise que les États-Unis dans ce domaine. Nous cherchons tous à progresser : il s’agit, à l’évidence, de pouvoir passer de la phase expérimentale du petit stockage à un stockage de dimension plus industrielle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur Adnot, je veux vous rassurer.
Tout d’abord, lors d’une réunion de travail tenue avant-hier encore entre le cabinet du ministre d’État et les spécialistes du stockage, ces derniers ont eu l’assurance qu’ils faisaient l’objet de toute l’attention du Gouvernement et qu’ils avaient son entier soutien.
Ensuite, l’article 2 du projet de loi prévoyant la mise en place d’un marché de capacités donnera au stockage la possibilité de trouver son modèle économique par la vente de capacités de production.
Ainsi, à la fois les éléments contenus dans le texte et les engagements que vous pouvez avoir de la part du Gouvernement devraient vous donner satisfaction et vous inciter à retirer votre amendement, puisqu’ils garantissent que l’objectif que vous visez sera atteint.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est très optimiste !
M. le président. Monsieur Adnot, l'amendement n° 21 est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot. Non, monsieur le président, je le retire, compte tenu des engagements qui viennent d’être pris.
M. le président. L'amendement n° 21 est retiré.
Article 1er bis
(Non modifié)
La loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement est ainsi modifiée :
I. – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 3, après les mots : « eau et », sont insérés les mots : « les fournisseurs ».
II. – Au cinquième alinéa de l’article 6-1, après les mots : « eau ou », sont insérés les mots : « du fournisseur ».
III. – Au deuxième alinéa de l’article 6-3, les mots : « d’Électricité de France, de Gaz de France et de chaque distributeur d’énergie ou d’eau » sont remplacés par les mots : « de chaque fournisseur d’énergie ou d’eau livrant des consommateurs domestiques ».
M. le président. L'amendement n° 166, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 6-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Toute coupure de fourniture en énergie est interdite. Le fournisseur ou le distributeur est tenu de saisir, à compter de deux échéances impayées, la commission départementale de solidarité, qui statue sur les demandes d'aide. Les personnes qui n'ont pas accès au réseau et rencontrent des difficultés pour accéder ou maintenir leur distribution d'énergie peuvent également saisir la commission départementale d'une demande d'aide.
« Le fournisseur qui procède de sa propre initiative à une coupure engage sa responsabilité légale. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. En présentant cet amendement que nous avions proposé lors de la discussion du texte relatif au secteur de l’énergie, en 2006, nous souhaitons alerter une nouvelle fois le Gouvernement sur le problème des coupures d’énergie infligées aux familles les plus démunies.
Les dispositifs actuellement prévus par l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles ne garantissent pas pleinement ces personnes contre les coupures d’énergie.
En effet, cet article ouvre à toute personne éprouvant des difficultés particulières le droit à une aide de la collectivité pour bénéficier de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques. En cas de non-paiement des factures, et jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide, cette disposition assure un service minimal de fourniture.
L’article 11 de la loi portant engagement national pour le logement dispose que l’interruption ne peut intervenir que si les services sociaux compétents ne s’y opposent pas.
Si je reconnais que l’interdiction des coupures pendant la période hivernale ainsi que l’obligation faite aux fournisseurs de surseoir aux procédures de coupure dès lors que le Fonds de solidarité pour le logement est saisi constituent des progrès non négligeables, il me semble pourtant nécessaire d’aller plus loin dans les garanties accordées aux ménages en situation de précarité énergétique.
En effet, aujourd’hui, la pression des actionnaires qui réclament des dividendes incite EDF à se défausser sur les communes du traitement des cas et de la responsabilité des coupures, phénomène qui sera accentué avec la mise en place de l’accès régulé à l'électricité nucléaire historique, l’ARENH.
Les communes n’auraient bientôt d’autre possibilité que de payer toutes les factures afin d’éviter la coupure dont EDF brandit la menace !
L’électricité est pourtant un facteur essentiel de la cohésion sociale en ce qu’elle garantit l’accès à la santé, à l’hygiène, à un confort décent, que toutes les personnes résidant sur le territoire sont en droit d’attendre.
La fourniture d’électricité à un tarif acceptable participe du droit au logement posé au dixième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et à l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
Alors que 3,5 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté dans notre pays et que plus du quart des ménages en difficulté sont endettés envers EDF et GDF, il est plus que jamais indispensable d’inscrire dans la loi le principe de l’interdiction des coupures d’énergie, sous des conditions mentionnées dans cet amendement, ainsi que le principe de la responsabilité des fournisseurs qui engagent sans consultation la procédure de coupure d’énergie, cette responsabilité n’étant aujourd’hui pas prévue.
Tel est le sens de cet amendement que nous soumettons à votre vote.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je me souviens très bien en effet de l’amendement quasi identique que vous aviez déposé lors de l’examen du texte de 2006 et je me demande, chère Odette Terrade, si ce n’était pas déjà vous qui l’aviez défendu à l’époque. (Sourires.)
Mme Odette Terrade. C’est fort probable !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je me permettrai donc de vous faire la même réponse !
L’intention des auteurs de cet amendement est à l’évidence particulièrement généreuse. S’il n’y a plus de coupure de fourniture en énergie, toute personne en situation difficile a la garantie d’avoir de l’électricité, notamment tout l’hiver.
Tout d’abord, je tiens à attirer l’attention sur l’effet pervers que pourrait avoir une telle disposition si elle était adoptée : elle favoriserait tous les mauvais payeurs. Et il y en a quelques-uns ! Dans cet hémicycle, nous sommes de nombreux élus locaux. Pour bien connaître nos territoires, en particulier s’il s’agit de communes moyennes ou petites, nous savons que les mauvais payeurs existent !
Ensuite et surtout – c’est la raison pour laquelle je vais vous demande de retirer cet amendement –, notre pays dispose d’un mécanisme qui ne fonctionne pas si mal : le système des fonds départementaux de solidarité, qui viennent suppléer les personnes en difficulté.
Nous le savons très bien, précisément dans nos petites communes, puisque les maires sont sollicités afin de confirmer si le demandeur mérite d’être aidé et pris en charge.
Il me semble donc qu’une autre formule de systématicité comme celle que vous proposez n’est pas bonne.
Enfin, les amendements proposés par Xavier Pintat, qui seront examinés ultérieurement, visant à accorder le bénéfice systématique du tarif à la fois d’électricité et de gaz pour tous les bénéficiaires de la CMU, répondent aussi partiellement à votre souhait.
Telles sont les raisons pour lesquelles, ma chère collègue, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi je serais obligé d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Comme l’a souligné M. le rapporteur, à l’évidence, chacun est sensible aux situations de précarité face à l’approvisionnement d’énergie et aux problèmes sérieux résultant des coupures de fourniture en énergie en général et d’électricité en particulier.
Cependant, il convient, d’abord, de rappeler le décret, relativement récent, du 13 août 2008, qui régit les dispositions en matière de suspension de fourniture d’énergie en cas d’impayés.
Son élaboration a fait l’objet d’une vaste concertation entre les ministères concernés, c'est-à-dire le ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique, le secrétariat d’État chargé du logement et de l’urbanisme, ainsi que l’Assemblée des départements de France, l’Union nationale des centres communaux d’action sociale et les fournisseurs d’énergie et d’eau.
Les dispositions réglementaires qui en ont découlé représentent un juste équilibre entre la protection des consommateurs, notamment ceux qui se trouvent en situation de précarité, et les contraintes commerciales.
Ensuite, le décret du 13 août 2007, quant à lui, différencie les délais de procédure selon que les clients sont en situation de précarité ou non. Ce décret rappelle comment sont prises en considération les réelles situations de précarité.
Enfin, dernier élément d’information que je veux porter à votre connaissance, en cas de saisine par le client, qu’il soit en situation de précarité ou non, du Fonds de solidarité pour le logement, dans l’attente de la décision d’aide qui doit intervenir dans un délai de deux mois, aucune interruption de fourniture en énergie ne peut avoir lieu.
Par conséquent, l’économie générale du dispositif permet de répondre à votre souci concernant les personnes en situation de précarité, mais en même temps d’être vigilant, comme nous y a invités M. le rapporteur, pour éviter les dérapages en sens inverse, les comportements de mauvaise foi, qui détourneraient un acte de générosité des parlementaires et du Gouvernement précisément au détriment des personnes en situation de précarité.
C’est pourquoi je vous demande, madame Terrade, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable, essentiellement dans le souci de respecter un équilibre permettant d’accompagner la précarité tout en se montrant vigilant quant aux situations d’excès.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, je souhaite proposer à Odette Terrade de rectifier cet amendement en en supprimant la première phrase – « Toute coupure de fourniture en énergie est interdite » – et en remplaçant la dernière phrase par la phrase suivante : « Le fournisseur ne peut procéder à une coupure qu’après avis de la commission départementale. »
Cette rectification permettrait d’éviter les effets pervers qui ont été évoqués, concernant l’utilisation, toujours possible, de la disposition par des personnes de mauvaise foi.
En outre, elle ne changerait en aucun cas l’objectif que vous visez, ma chère collègue, et auquel j’adhère.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je souscris aux propos qui viennent d’être tenus par notre collègue Daniel Raoul et, en même temps, j’entends bien le souci de Mme la secrétaire d’État de parvenir à un juste équilibre entre, d’une part, les gestes de solidarité envers une population en difficulté et, d’autre part, la nécessité de se donner les moyens d’éviter les éventuels abus.
Pour autant, on fait l’impasse sur un bilan éloquent au plus mauvais sens du terme : je pense au nombre incalculable de personnes qui sont jusqu’à présent passées à côté de ce dispositif. En effet, force est de reconnaître qu’il s’agit d’un véritable maquis. Une personne accablée de difficultés financières et sociales intenses n’a pas souvent le courage de revendiquer ses droits, si tant est qu’elle en soit informée.
Cet amendement est de nature au moins à simplifier la présentation du dispositif. À charge ensuite au Gouvernement et aux élus de relayer l’information auprès de nos concitoyens, qui doivent être un peu plus conscients de leurs droits en la matière.
Au moment où je parle, des milliers de personnes vivent sous la menace d’une coupure d’électricité.
M. Roland Courteau. Des dizaines de milliers !
M. Jean-Jacques Mirassou. On aurait pu éviter à bon nombre d’entre elles cette souffrance, surtout dans la période de l’année qui s’ouvre. De telles coupures feront mal dans les foyers !
M. le président. Madame Terrade, l'amendement n° 166 est-il maintenu ?