Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, je n’ai pas l’intention de retirer cet amendement.
Certes, les mécanismes existent, comme vous l’avez démontré, mais deux précautions valent mieux qu’une.
Le groupe CRC-SPG souscrit à la proposition de rectification de notre amendement qui nous est faite par Daniel Raoul, en raison notamment de ce que vient de nous dire Jean-Jacques Mirassou, quant au nombre de personnes qui sont éligibles au dispositif et qui n’en bénéficient pas. Une illustration de cette situation nous a été fournie par la presse voilà deux jours s’agissant des nombreux allocataires du RSA qui sont éligibles à un tarif réduit d’électricité mais sans en bénéficier.
Je maintiens donc cet amendement avec la rectification fort utile proposée par nos collègues socialistes.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 166 rectifié, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 6-2 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le fournisseur ou le distributeur est tenu de saisir, à compter de deux échéances impayées, la commission départementale de solidarité, qui statue sur les demandes d'aide. Les personnes qui n'ont pas accès au réseau et rencontrent des difficultés pour accéder ou maintenir leur distribution d'énergie peuvent également saisir la commission départementale d'une demande d'aide.
« Le fournisseur ne peut procéder à une coupure qu'après avis de la commission départementale. »
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Je ne comprends pas cette rectification, car elle vide l’amendement de son seul apport important, c'est-à-dire l’interdiction de toute coupure de fourniture en énergie.
Le reste de l’amendement est inutile, puisqu’il correspond au système actuel.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne marche pas !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En effet, le Fonds de solidarité ne coupe jamais brutalement la fourniture. Il se donne un délai d’au moins deux mois pour examiner la situation des intéressés, notamment s’ils sont de bonne foi et dans la nécessité.
Donc, je ne vois absolument pas ce qu’apporte la rectification.
Mme Odette Terrade. Si !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Un amendement fort va venir en discussion à l’article suivant concernant le tarif de première nécessité, ou TPN.
Cet amendement a pour objet de permettre à tous les Français bénéficiant de la CMU d’avoir accès à ce TPN. Avec le système actuel de solidarité et cette disposition nouvelle, ma chère collègue, le cas de ceux que vous souhaitiez aider à travers votre amendement initial est couvert.
L’avis de la commission reste donc défavorable, même avec la rectification, qui n’apporte rien du tout, bien au contraire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 166 rectifié ?
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Pour compléter les propos de M. le rapporteur, je veux dire que, aujourd’hui, l’équilibre trouvé sur l’accompagnement des personnes en situation de précarité l’a été après une longue concertation, traduite à la fois par un décret et par la mesure que j’ai rappelée relative au délai de deux mois.
Pour ce qui est de la tarification sociale, qui est un vrai sujet mais qui concerne un autre aspect, je vous renvoie, comme M. le rapporteur, à la série d’amendements qui vont venir en discussion.
Mais, franchement, si l’on ne veut pas compliquer le dispositif, il serait peut-être utile de ne pas ajouter une instance supplémentaire, alors que, aujourd’hui, il est le fruit d’un travail mené en coordination avec l’Association des départements de France, et donc avec les conseillers généraux qui sont chargés de ces questions, et qui étaient tout à fait d’accord sur l’équilibre trouvé pour protéger les personnes en situation de précarité.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Je dois dire que la remarque du rapporteur concernant l’amendement rectifié est assez amusante : si donc on en supprime la première phrase, il est totalement vidé de sa substance ? Mais c’est précisément à cause de cette première phrase que le rapporteur a émis un avis défavorable sur l’amendement initial !
Bravo ! S’il est vidé de sa substance, je ne vois pas pourquoi vous ne lui donnez pas un avis favorable, monsieur le rapporteur.
Ensuite, vous établissez une comparaison avec un amendement extraordinaire qui va venir tout à l’heure en discussion et qui concerne les bénéficiaires de la CMU. Or cela n’a rien à voir ! C’est un tarif social ; nous l’étudierons ; nous donnerons notre sentiment ; mais, ici, nous ne sommes pas dans la même démarche : il s’agit de la coupure de l’électricité et, au-delà, de la problématique de la précarité dans laquelle vivent un certain nombre de ménages en difficulté sur tout le territoire national.
M. Poniatowski le disait, nous sommes tous des élus locaux. Je pense cependant que certains élus locaux sont plus souvent confrontés à la précarité que d’autres. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Peut-être les spécificités du milieu rural ou de territoires de tradition ouvrière expliquent-elles qu’il y ait plus de chômage dans certains secteurs, dans certaines villes que dans d’autres.
Je suis vraiment favorable à cet amendement et je remercie Daniel Raoul de nous proposer, à partir de l'amendement de notre collègue Odette Terrade, un compromis qui nous permette de corriger ce qui est aujourd’hui une injustice.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.
M. Roland Courteau. Mon collègue a tout dit ! Il m’a pris un à un les arguments que je souhaitais développer. (Sourires.) Je n’ai donc plus rien à ajouter, si ce n’est, peut-être, une chose : j’espère que la majorité sénatoriale, en dépit de l’avis défavorable tant de M. le rapporteur que de Mme la secrétaire d’État, va se ressaisir et suivre les propositions conjointes d’Odette Terrade et de Daniel Raoul.
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Évelyne Didier. Je remercie d’abord M. le rapporteur d’avoir reconnu que l’un de nos amendements était « fort », en d’autres termes qu’il était finalement très bon. La proposition formulée par nos collègues socialistes est une position de repli qui tient compte des remarques faites. On voit bien que nous sommes les uns et les autres à la recherche de la solution. Je trouve donc curieux que l’on puisse rejeter un amendement qui serait rectifié au point d’être « vidé de sa substance » sans changer d’argumentation.
Comme beaucoup de maires, nous constatons dans nos communes une explosion du nombre des personnes qui nous sont signalées parce qu’elles ont de grandes difficultés à payer l’énergie consommée. Chacun le constate ; il n’y a donc pas besoin d’une grande étude pour savoir que de nombreuses personnes sont aujourd’hui en difficulté et l’on voit, de façon courante, des ménages qui ne parviennent plus à payer les charges d’une manière générale, et l’énergie en particulier.
Faire en sorte que l’on ne puisse pas, surtout en période hivernale, couper l’électricité sans avoir reçu avis de cette commission me semblait une solution de repli raisonnable qui, parce qu’elle était de nature à satisfaire tout le monde, aurait, du coup, fait l’unanimité. Or je constate que ce n’est pas le cas.
On a fait référence aux bénéficiaires de la CMU, ce qui m’amène à préciser– mais vous le savez bien –, que nous avons des populations qui ne relèvent pas de la CMU mais dont les revenus sont juste un peu au-dessus du seuil : c’est pour celles-là que nous nous inquiétons le plus.
J’aimerais tout de même obtenir de vraies réponses à nos vraies questions.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. Je veux insister car nous avons tous connaissance de cas de coupures intervenues avant l’avis de la commission. Je pense à des exemples très précis de coupures intervenues à Noël, la commission n’ayant statué qu’en janvier. En attendant, les familles ont passé les fêtes de fin d’année sans électricité, et cela pendant la trêve hivernale !
M. Roland Courteau. C’est arrivé !
Mme Odette Terrade. C’est arrivé, même si ces cas ne sont pas majoritaires, preuve qu’il nous faut maintenir cet amendement dont la rédaction a été élaborée collectivement en séance.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Si cela est arrivé, chers collègues, c’est illégal ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) À quoi bon modifier la loi ? Rien n’empêchera celui qui a déjà procédé à une coupure en violation de la loi de recommencer sous l’empire d’une autre loi.
Vous pourrez écrire dix fois la même chose, dans dix textes de loi différents, si certains trichent, ils continueront !
Le système que propose notre collègue Daniel Raoul existe déjà. Il n’y a pas besoin d’une telle rectification qui, sincèrement, n’apporte rien : c’est le système actuel !
Mais, au-delà, chers collègues, je n’apprécie pas que vous vouliez faire croire que vous êtes les seuls à défendre les personnes en situation sociale difficile ! C’est trop facile ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Odette Terrade. Nous n’avons pas dit cela !
M. Roland Courteau. Personne n’a dit cela !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Mme la secrétaire d’État, en plus, vous a fait une réponse d’une grande précision. Ce n’est pas en introduisant dix fois le même mécanisme dans dix textes différents que cela changera la situation actuelle !
Je retiens simplement, chère Odette Terrade, votre dernière intervention. S’il y a des gens qui trichent et qui se mettent dans l’illégalité, il faut les poursuivre et les condamner. Mais ce n’est pas cette rectification d’un amendement sur lequel un avis défavorable a été émis qui fera en quoi que ce soit bouger les choses !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Si vous le souhaitez, je vais préciser ce que je disais précédemment sur les délais tels qu’ils existent pour les personnes qui ne sont pas en situation de précarité et pour celles qui le sont.
Je vous ai rappelé le filet de sécurité du FSL qui, dans l’attente de l’instruction du dossier, empêche la coupure de l’électricité. Le FSL a deux mois pour instruire, et l’on ne peut suspecter la bonne foi des services sociaux du département qui, me semble-t-il, sont plutôt objectifs, puisque ce sont des travailleurs sociaux qui examinent les situations familiales.
Le FSL a donc deux mois pour traiter le dossier et octroyer l’aide qui permettra d’éviter la coupure sauf, bien évidemment, pour les personnes dont les ressources sont bien supérieures au plafond, pour les personnes qui n’ont pas subi ce que l’on appelle un « accident de la vie ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons vraiment « bordé » le dispositif avec l’ensemble des partenaires.
Concernant les familles en situation de précarité et qui ont, quelquefois, des difficultés à payer la facture d’électricité, je souhaite compléter les propos que je viens d’entendre.
Dans le cadre des Grenelles de l’environnement, nous avons aussi travaillé avec les professionnels du travail social et avec des associations sur un accompagnement de toutes les familles en situation de précarité. Je pense, par exemple, aux dispositifs ANRU, ou bien à la convention qui va être conclue avec le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, pour proposer à tous les travailleurs sociaux qui, dans les départements, interviennent auprès de ces familles, d’accompagner les changements de comportement et de pratiques en termes de gestion de l’électricité et de gestion de l’eau.
Beaucoup d’initiatives ont été prises ces derniers mois qui ont permis, sans travaux de rénovation thermique des logements, d’obtenir des baisses de 30 % à 40 % chez les ménages défavorisés. Ces ménages ont été informés et accompagnés dans la gestion de leur consommation d’énergie et d’eau - on leur a conseillé, par exemple, de ne pas utiliser les veilles pour les appareils électriques -, avec un suivi dans la durée.
Des mesures de cette nature sont possibles ; elles sont proposées. Vous pouvez en être informés si vous le souhaitez. Simplement, on ne se contente pas de concevoir des filets de sécurité et des solutions de secours. Avec le CNFPT, nous proposons à tous les départements qui seraient engagés dans cette démarche d’aller bien plus loin dans la prévention et dans l’accompagnement des ménages modestes.
Prévention, accompagnement des situations de précarité : vous le voyez, nous avons les mêmes préoccupations, nous sommes animés du même sentiment, et il n’est pas besoin de cette mesure, qui risquerait de susciter d’autres effets pervers.
Voilà pourquoi nous émettons un avis défavorable, mais le débat continuera tout à l’heure avec la tarification sociale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis.
(L'article 1er bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er bis
M. le président. L'amendement n° 167, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Après l'article 1er bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa du I de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée est ainsi modifié
1° À la première phrase, les mots : « pour une tranche de leur consommation » sont supprimés ;
2° À la troisième phrase, après le mot : « maladie », sont insérés les mots : «, chaque caisse d'allocations familiales, chaque caisse d'assurance vieillesse, ».
II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Avec cet amendement, qui complète celui dont nous venons de débattre, nous vous proposons de reconnaître un véritable droit à l’électricité, afin que ce projet de loi ne se contente pas de la seule mise en place d’un droit de l’électricité circonscrit par les notions de « concurrence » et de « marché », et afin que la nécessaire dimension sociale de toute véritable organisation républicaine du marché de l’électricité n’en soit pas absente.
Par cet amendement, nous voulons rappeler que les questions essentielles sont aussi celles de l’accès à l’énergie, de la continuité et de la qualité du service, de la tarification sociale pour tous, bref, de son caractère de service public.
Aussi, nous vous proposons de remédier aux carences de la loi n°2000-108 du 10 février 2000 et de mettre fin à un processus complexe d’attribution qui conduit aujourd’hui à « oublier » un nombre important de bénéficiaires de la « tarification spéciale produit de première nécessité », ou TPN.
Dans le rapport sur la précarité énergétique remis en janvier au Gouvernement, il était souligné que moins de 50 % des ayants droit bénéficiaient réellement des tarifs sociaux de l’énergie.
Depuis le début de l’année 2010, le nombre de personnes bénéficiaires du tarif de première nécessité pour l’électricité est en chute libre. Chaque année, quelque 6 000 foyers éligibles au TPN ne sont pas reconnus, selon le porte-parole du groupe EDF. Sur cinq ans, ce sont près de 30 000 foyers qui, au total, auraient été ainsi exclus du dispositif.
De plus, le médiateur national de l’énergie estime à environ 3,4 millions le nombre de ménages en situation de grande précarité énergétique, c'est-à-dire qui dépensent plus de 10 % de leurs revenus pour régler leurs factures d’énergie.
Votre projet de loi organise une augmentation continue des prix de l’électricité, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit. C’est pourquoi il est impératif d’alléger les démarches administratives et de mettre en place un système de reconnaissance des bénéficiaires potentiels du TPN plus complet et plus performant.
En une période de crise économique durable, nous ne pouvons prendre le risque d’une précarité énergétique accrue.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, principalement pour deux raisons.
D’une part, le bénéfice du tarif de première nécessité ne doit concerner que la tranche de consommation correspondant à un besoin vital. Or, vous le savez très bien, il arrive que des personnes, même en situation précaire, se suréquipent, et parfois largement, et acquièrent des équipements fonctionnant à l’électricité qui ne correspondent pas forcément à un besoin vital.
Le mécanisme actuel est bon. Je ne suis donc pas favorable à son extension à l’ensemble de la consommation.
D’autre part, les bénéficiaires du TPN étant ceux de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMUC, il n’est pas nécessaire d’étendre à d’autres organismes que les caisses d’allocations familiales, qui gèrent bien le leur, l’obligation de constituer un fichier des ayants droit. Une telle extension compliquerait l’ensemble du système de protection actuel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 6 rectifié est présenté par MM. Pintat, J. Blanc, Doublet, Laurent, B. Fournier, Revet et Pierre, Mme Des Esgaulx et MM. du Luart et Doligé.
L’amendement n° 138 rectifié est présenté par MM. Courteau, Besson, Sergent, Raoul et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L’amendement n° 234 rectifié est présenté par MM. Merceron, Amoudry et les membres du groupe Union centriste.
L’amendement n° 246 rectifié bis est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la quatrième phrase du dernier alinéa du I de l’article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée, les mots : « leurs droits à la » sont remplacés par les mots : « l’attribution d’office de cette ».
La parole est à M. Xavier Pintat, pour présenter l’amendement n° 6 rectifié.
M. Xavier Pintat. Cet amendement, comme ceux de nos collègues Roland Courteau, Jean-Claude Merceron et Yvon Collin, vise à rendre automatique l’application du tarif de première nécessité dans le secteur de l’électricité, et ce pour lutter plus efficacement contre la précarité énergétique.
En effet, madame la secrétaire d’État, comme le rapport Pelletier, qui vous a été remis en janvier dernier, le soulignait, depuis la création des tarifs sociaux de l’énergie, moins de 50 % des ayants droit en bénéficient réellement, soit par ignorance du dispositif, soit par négligence au regard d’une procédure jugée trop complexe pour eux.
Trop lourd, notamment sur le plan administratif, le système ne fonctionne donc pas bien.
D’ailleurs, à la suite du rapport publié par le médiateur national de l’énergie, EDF s’est engagée à appliquer le tarif de première nécessité à tous les consommateurs qui remplissent les conditions.
L’accès à l’énergie est un service de première nécessité que nous devons veiller à garantir aux personnes en situation de précarité.
En rendant automatique l’application du TPN à ceux qui y ont droit, c’est-à-dire aux bénéficiaires de la CMU occupant un logement au titre de leur résidence principale, le système serait alors plus efficace.
M. le président. La parole est à M. Jean Besson, pour présenter l'amendement n° 138 rectifié.
M. Jean Besson. Actuellement, les personnes les plus démunies doivent, pour bénéficier du tarif de première nécessité, faire une demande expresse et la renouveler chaque année. Or, les statistiques le démontrent, ces publics, le plus souvent en grande difficulté, ne sont pas en capacité d’entreprendre une telle démarche, qui se révèle trop complexe.
Ainsi, dans un contexte économique dégradé, marqué par la crise et l’augmentation des tarifs de l’énergie, le nombre de bénéficiaires du tarif de première nécessité, paradoxalement, ne cesse de chuter.
Sur les quelque 3 millions de titulaires de la CMU, bénéficiaires de principe, seuls 20 % ont aujourd'hui accès à la tarification sociale.
Dans son rapport annuel publié en mai dernier, le médiateur national de l’énergie alertait déjà le Gouvernement sur une augmentation sans précédent des cas graves de précarité énergétique, qui concernent 10 % de la population française.
L’adoption de ces amendements identiques permettrait de prévenir plus efficacement ce risque et de lutter contre un phénomène aux conséquences sociales souvent désastreuses.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron, pour présenter l'amendement n° 234 rectifié.
M. Jean-Claude Merceron. Nous souhaitons modifier la loi du 10 février 2000. Si, dans sa rédaction actuelle, celle-ci ouvre un droit à bénéficier du tarif de première nécessité, la procédure de demande prévue dans le décret du 8 avril 2004 est susceptible de constituer un frein, d’autant qu’elle doit être renouvelée chaque année. C’est ainsi que, sur un total de 4,2 millions de bénéficiaires potentiels, 940 000 personnes seulement ont exercé ce droit.
Une modification de la base légale permettrait d’inscrire dans la loi de manière pérenne le principe selon lequel l’attribution du tarif de première nécessité est effectuée d’office.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 246 rectifié bis.
Mme Françoise Laborde. Depuis la mise en place, en 2005, du tarif de première nécessité dans le secteur de l'électricité, on observe un écart très important entre le nombre d'ayants droit, qui sont les bénéficiaires de la CMU, et le nombre de bénéficiaires effectifs.
Or les mesures adoptées pour tenter de réduire cet écart n'ont jamais eu les résultats escomptés. Ainsi, à la fin de 2009, le nombre de bénéficiaires du TPN s'établissait à 940 000, alors que la CMU concernait, dans le même temps, un peu moins de 4,2 millions de personnes.
La situation s’est même dégradée depuis le début de l’année 2010. En effet, sans que l’on sache réellement bien pourquoi, le nombre de bénéficiaires du TPN a, selon EDF, diminué de près de 300 000 sur les six premiers mois de l’année, tandis que le nombre de personnes bénéficiant de la CMU a, quant à lui, augmenté au cours de la même période.
Face à cette situation, EDF s'est déclarée favorable à ce qu'un accès automatique au TPN soit mis en place pour tous les bénéficiaires de la CMU. Aujourd'hui, pour pouvoir profiter de ce tarif, il faut en faire explicitement la demande, ce que la grande majorité des ménages concernés ignorent.
Un certain nombre d’enquêtes effectuées par des collectivités locales, notamment des syndicats départementaux d’électricité, ont mis en évidence ce double phénomène de méconnaissance totale de l’existence du TPN ou de renoncement à en demander la mise en œuvre pour des raisons de complexité procédurale.
Dès lors, l’adoption de ces amendements identiques contribuerait à lutter plus efficacement contre la précarité énergétique, qui tend à se développer sous l’effet conjugué de la crise économique et de la hausse régulière des factures d’électricité des consommateurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Ces amendements identiques, défendus par nos collègues Xavier Pintat, Jean Besson, Jean-Claude Merceron et Françoise Laborde, ont été cosignés par quasiment tous les membres de leurs groupes respectifs.
Nos quatre collègues ont, bien sûr, raison. Aujourd'hui, ce sont 830 000 ménages qui bénéficient du TPN pour l'électricité, alors que plus de 2 millions de ménages – plus de 3 millions de personnes - y ont droit. Il serait logique que le tarif de première nécessité leur soit automatiquement accordé.
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Rassurez-vous, mon cher collègue, vous aurez satisfaction et je vais vous dire pourquoi !
Cela étant, disais-je, je demanderai aux auteurs des quatre amendements de bien vouloir les retirer.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Attendez !
Mme la secrétaire d’État vous l’expliquera sûrement, un nouveau décret est en cours d’élaboration. Si les amendements étaient adoptés, les bénéficiaires de la CMU basculeraient automatiquement dans le mécanisme du TPN, ce que refusent un certain nombre d’entre eux.
Depuis l’ouverture du marché de l'électricité, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont en effet quitté EDF et se fournissent ailleurs, notamment chez POWEO, GDF–Suez ou Direct Energie, à un tarif parfois inférieur au TPN.
Mes chers collègues, en créant une telle automaticité par la loi, vous feriez basculer ces personnes dans le mécanisme du TPN contre leur gré.
Le décret actuellement en préparation ira dans le sens que vous souhaitez, puisqu’il inversera la logique. Les millions de ménages concernés, à l’exception – on ne peut tout de même pas les forcer ! – des personnes qui seraient susceptibles de s’y opposer, bénéficieront automatiquement du TPN.
J’indique dès à présent que, s’agissant des quatre amendements identiques suivants, qui, eux, visent un objectif similaire, mais pour le gaz, le problème ne se pose pas dans les mêmes termes.
Si en effet, pour le gaz, nous allons pouvoir introduire l’automaticité par la voie législative, pour l'électricité, nous sommes contraints de régler le problème par la voie réglementaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles je demande le retrait de ces quatre amendements-ci. N’y voyez, mes chers collègues, aucun piège.
M. Roland Courteau. Nous sommes méfiants, vous savez !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il s’agit vraiment de prévoir un montage technique pour que les ménages y ayant droit puissent bénéficier automatiquement du tarif de première nécessité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?