Mme Odette Terrade. Ce n’est pas la question !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Il faut suivre la logique des décisions prises par l’Assemblée nationale.
Mme Catherine Procaccia. Non, nous n’avons pas à suivre l’Assemblée nationale !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Ce n’est pas un hasard si les rapporteurs et les présidents des commissions saisies au fond à l’Assemblée nationale et au Sénat sont sur la même longueur d’onde ! Laissons la libre entreprise s’exercer !
Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement est cohérent avec lui-même : il a été défavorable à l’amendement du rapporteur de l’Assemblée nationale ; il persiste et signe.
C’est vrai, pendant deux ans, nous avons mené, comme l’a rappelé le rapporteur, une concertation approfondie, liée à une exigence d’assouplissement des périmètres de protection, en relation avec la directive européenne qui proscrit les régimes de protection pour les remplacer par des régimes d’autorisation.
En vertu de cette exigence, j’ai réuni l’ensemble des acteurs. Ils se sont constitués en groupe de travail et ont élaboré un texte que j’ai proposé à l’Assemblée nationale. Ce texte vise à assouplir le périmètre de protection en soumettant l’autorisation à des critères d’aménagement du territoire et de développement durable. Ces critères n’ont pas été retenus par hasard et, à ce jour, monsieur le rapporteur, ils n’ont pas été contestés par la Commission européenne. Ce sont d’ailleurs ceux que nous avons adoptés en 2008 pour l’urbanisme commercial, avec la loi de modernisation de l’économie, la LME. Dès lors, il était logique que le groupe de travail les propose pour assouplir le périmètre de protection des MIN.
L’Assemblée nationale a adopté une position différente. Elle a soutenu un amendement présenté par Mme Catherine Vautrin et tendant à la suppression radicale de ce périmètre. Ce n’est pas la position du Gouvernement.
Néanmoins, le Gouvernement est sensible à certaines remarques qui ont été formulées lors du débat à l’Assemblée nationale.
L’amendement n° 67 rectifié quater, présenté par M. Cambon, reprend, pour les surfaces alimentaires dans les périmètres des marchés d’intérêt national, ce qui a été décidé sur l’urbanisme commercial dans la LME, qui prévoit de ne pas soumettre à autorisation les implantations d’une surface inférieure au seuil de 1 000 mètres carrés.
Cela m’apparaît comme une position raisonnable, sachant que nous devons être responsables et veiller à ne pas entrer en contradiction avec les directives européennes, notamment avec la directive sur la liberté d’établissement. L’amendement n° 67 rectifié quater de M. Cambon le permet.
Nous avons avancé en direction de l’assouplissement que l’on souhaite sur toutes les travées, et que j’avais en tête en créant ce groupe de travail.
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait des amendements visant à revenir au texte initial du Gouvernement et recommande l’adoption de l’amendement n° 67 rectifié quater.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’économie.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Je suis là pour écouter ce qui se dit en commission et en séance. De temps en temps, la commission peut être en désaccord avec le Gouvernement, étant entendu que le rôle du Parlement est de favoriser la mise en œuvre des textes du Gouvernement.
Certains d’entre vous souhaitent préserver le périmètre de protection des MIN et revenir au texte du Gouvernement. Ce n’est pas le cas de la commission.
Je veux d’ailleurs m’inscrire en faux contre ce qui a été dit concernant le lobbying de tel ou tel groupe commercial. En tant que présidents de la commission de l’économie, mon prédécesseur Gérard Larcher et moi-même n’avons jamais été sensibles aux lobbies. Nous sommes prêts, avec le rapporteur, à entendre tout le monde et à examiner tous les courriers que nous recevons. À partir de là, nous sommes capables de nous forger une philosophie, une idée, qui peut être différente de celle du Gouvernement.
Pour ma part, je suis un Européen convaincu et je suis pour la libre concurrence.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Le texte venu de l’Assemblée nationale ne remet pas en cause le MIN de Rungis : il prévoit la suppression de son périmètre de protection.
Nous venons de recevoir un magnifique rapport sur l’activité récente des MIN. Il apparaît qu’on y trouve aussi beaucoup de produits importés. Or, au départ, juste après la guerre, les MIN ont été créés pour favoriser le développement de la production locale. Il n’empêche que, aujourd’hui, en particulier les viandes bovines vendues dans les MIN sont largement issues de l’importation. Ce n’est pas une critique : dès lors que nous sommes dans un marché ouvert, cela est tout à fait naturel. Mais cela mérite tout de même d’être signalé.
La commission est sur la même longueur d’onde que l’Assemblée nationale. Je défends le texte de la commission parce qu’il prend en compte une dynamique de concurrence que nous devons retrouver sur l’ensemble de notre territoire national.
On a évoqué le MIN de la région lyonnaise. Même s’il se situe à Corbas, nous aurions pu définir un périmètre de protection. Mais il s’est avéré que, dans ce cas, cela ne présentait guère d’intérêt.
Nous allons entrer dans un système concurrentiel. C’est pourquoi je soutiens la position de notre rapporteur. Nous avons eu un débat en commission sur l’article 11 et nous nous sommes mis d’accord pour adopter le texte de cet article tel qu’il nous venait de l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je souhaite ajouter une simple précision aux propos que j’ai tenus à l’instant.
Ce texte ne concerne pas uniquement le MIN de Rungis. Il existe en France dix-sept MIN, dont seize bénéficient d’un périmètre de protection.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Tout récemment, nous parlions ici même de démocratie sociale et de négociations avec les syndicats. Au Sénat, nous y sommes particulièrement attachés. Puisque Gérard Cornu évoque le travail de l’Assemblée nationale, je signale qu’y a été déposée une proposition de loi aux termes de laquelle toute disposition législative concernant les syndicats devra préalablement avoir fait l’objet d’une concertation avec eux, concertation dont le résultat devra être pris en compte.
Or, s’agissant de cet article 11, un tel principe n’est absolument pas appliqué : il y a dix-huit mois, une concertation a eu lieu entre le Gouvernement et les acteurs des MIN, mais on n’en tient pas compte !
Par ailleurs, je tiens à dire que le rôle du Sénat n’est pas de suivre l’Assemblée nationale, il est de dialoguer avec elle. Si l’amendement de repli que M. le secrétaire d’État propose d’adopter est voté par le Sénat, la navette permettra précisément d’établir ce dialogue : rien ne nous oblige à suivre d’emblée l’Assemblée nationale sous prétexte qu’elle a été la première à voter.
Je souhaite qu’on laisse vivre cet amendement pour que le dialogue entre les chambres se poursuive.
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont, pour explication de vote.
M. Ambroise Dupont. Je veux bien croire que ce débat fasse ressortir deux philosophies différentes.
M. le secrétaire d’État vient de préciser que, sur les dix-sept MIN qui existent en France sont, seize sont entourés d’un périmètre de protection.
M. le président de la commission a, quant à lui, souligné la présence à Rungis de viandes importées. Mais, à mes yeux, ce n’est pas là que se situe le fond du problème. Moi, je sais comment fonctionne l’agriculture, je sais quelles formes elle prend en France et quelles formes elle prend au Brésil, par exemple. Lorsque nous devrons entrer en concurrence avec des productions venues de n’importe où, je ne vois pas comment la qualité de la production française, la spécificité du goût et la défense de notre gastronomie pourront tenir face à des produits qui sont tout de même terriblement banalisés. Si je fais ici un mini-sondage, je suis sûr que tout le monde sera d’accord pour dire, par exemple, que les carottes râpées n’ont plus le goût de carottes…
Les MIN ont, malgré tout, la vertu de faire du commerce rapproché. Or, aujourd'hui, le ministère de l’agriculture tente de mettre en phase la production et la consommation. C’est ce que nous faisons dans nos collectivités locales, pour essayer de faire vivre le petit maraîcher et de faire consommer sa salade dans les écoles, par exemple.
Nous avons le souci de protéger une agriculture qui est, chacun ici en est parfaitement conscient, plus que mise à mal, quasi ruinée, sauf dans les quelques petites niches où elle peut se défendre seule. Eh bien, les MIN me paraissent être des endroits où les productions locales de qualité peuvent précisément trouver à s’écouler. Il est bien évident que, si les MIN perdent leurs périmètres, les centrales d’achat achèteront ces produits et les distribueront à ceux qui avaient l’habitude de s’approvisionner dans les MIN.
Bien entendu, étant cosignataire de l’amendement n° 1 rectifié sexies, je le voterai et, si celui-ci n’est pas adopté, je me rallierai à la proposition de M. le secrétaire d’État en votant l’amendement n° 67 rectifié quater, dont je suis d’ailleurs également cosignataire.
M. le président. La parole est à M. Michel Houel, pour explication de vote.
M. Michel Houel. J’évoquerai, pour ma part, quelqu’un dont il n’a pas été question jusqu’à maintenant : l’usager, c'est-à-dire l’acheteur.
Acheter à Rungis et acheter dans un cash and carry, ce n’est pas du tout la même chose, et je sais de quoi je parle pour avoir moi-même acheté aux anciennes Halles, puis à Rungis, lorsque le MIN y a été ouvert. Rungis est un endroit magique, fantastique, comme tous les MIN. On y discute les prix, ce qu’on ne fait pas dans les cash and carry. Il y a là une valeur ajoutée qu’on ne retirera jamais aux MIN.
Cependant, je suis pour la libre concurrence et il me semble que les vendeurs doivent attirer les clients par leurs propres qualités. Dès lors, je trouve qu’il est dommage d’avoir des zones de protection autour des MIN.
En effet, les cash and carry présentent également des avantages pour les acheteurs : ils leur permettent de se dépanner et de travailler dans de meilleures conditions. Un restaurateur, par exemple, doit arriver à Rungis à trois heures du matin, à l’ouverture, pour acheter d’abord le poisson, puis la volaille, puis le fromage et les légumes. Dans un cash and carry, il peut trouver tout cela à n’importe quelle heure.
Autrement dit, les deux ont leur nécessité. D’un côté, il y a la libre concurrence, de l’autre, le plaisir d’acheter.
Je me rallierai bien sûr à l’amendement de repli défendu par M. Cambon, en considérant qu’un seuil de 1 000 mètres carrés est tout à fait concevable et rétablit même une certaine équité dans le marché environnant.
Considérons bien l’utilité des deux types de structures pour l’acheteur ! Rien ne remplacera Rungis, parce que ce marché offre des marchandises de qualité. Toutefois, rien ne se substituera non plus aux cash and carry, qui garantissent aux commerçants une sécurité, notamment sur les prix – on sait à quoi s’en tenir puisqu’on ne les discute pas ! – et offrent une facilité d’approvisionnement ainsi qu’une grande variété de marchandises, que l’on trouve également à Rungis, mais pas simultanément.
S’agissant de l’origine des viandes, désormais, nos concitoyens y sont très attentifs : lorsqu’ils sont au restaurant, ils se renseignent et préfèrent que la viande provienne non pas de l’étranger, mais de nos belles provinces de France !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Je partage le point de vue de notre collègue Catherine Procaccia et souscris, notamment, aux propos qu’elle a tenus sur la concertation.
En effet, tout au long de l’examen de la première partie de texte, s'agissant en particulier des CCI, on a vanté la concertation, alors que celle-ci, en fait, avait été seulement apparente. À présent, nous discutons de la deuxième partie du projet de loi, qui, elle, repose sur une concertation bien réelle. Respectons donc cette dernière !
Par ailleurs, M. le secrétaire d’État nous affirme que le dispositif est eurocompatible et que le consommateur a tout à y gagner. Nous disposons de circuits courts, nous encourageons une forme d’agriculture que nous appelons de nos vœux. Ici aussi, nous pouvons donc adopter une position différente de celle de l’Assemblée nationale. Je crois que nous devons affirmer nos choix !
Du reste, comme il y aura une navette parlementaire, monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez toujours vous replier sur une autre rédaction si nos collègues députés ne partagent pas notre point de vue.
Monsieur le secrétaire d'État, votre texte initial avait la vertu d’être équilibré. Il instaurait une forme de concurrence et il était eurocompatible. En outre, quelle que soit notre tendance politique, nous souhaitons tous respecter la concertation qui a eu lieu.
Je serais donc d’avis, contrairement à M. le rapporteur, de tenter l’opération consistant à revenir au texte initial du Gouvernement et à lui laisser courir sa chance. Et si l’Assemblée nationale n’en veut pas, monsieur le secrétaire d'État, vous pourrez toujours reprendre l’amendement de repli de M. Cambon, qui, pour l’heure, ne nous satisfait pas entièrement.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 rectifié sexies et 116, ainsi que l’amendement n° 40 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 227 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 333 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 149 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 117.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 67 rectifié quater n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Chapitre II
Agent artistique
Article 12
« I. – La section 5 du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la septième partie du code du travail est ainsi modifiée :
1° La sous-section 1 est ainsi modifiée :
a) Son intitulé est ainsi rédigé : « Inscription au registre national des agents artistiques » ;
b) L’article L. 7121-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 7121-9. – L’activité d’agent artistique, qu’elle soit exercée sous l’appellation d’impresario, de manager ou sous toute autre dénomination, consiste à recevoir mandat à titre onéreux d’un ou de plusieurs artistes du spectacle aux fins de placement et de représentation de leurs intérêts professionnels.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités du mandat écrit visé au premier alinéa et les obligations respectives à la charge des parties.
« Nul ne peut exercer l’activité d’agent artistique s’il exerce, directement ou par personne interposée, l’activité de producteur d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles. » ;
c) L’article L. 7121-10 est ainsi rédigé :
« Art. L. 7121-10. – Il est créé un registre national sur lequel les agents artistiques doivent s’inscrire, destiné à informer les artistes et le public ainsi qu’à faciliter la coopération entre États membres de l’Union européenne et autres États parties à l’Espace économique européen. L’inscription sur ce registre est de droit.
« Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’inscription sur le registre ainsi que les modalités de sa tenue par l’autorité administrative compétente. » ;
d) L’article L. 7121-14 devient l’article L. 7121-12 et au premier alinéa de cet article, les mots : « des incompatibilités prévues à l’article L. 7121-12 » sont remplacés par les mots : « de l’incompatibilité prévue à l’article L. 7121-9 » ;
2° La sous-section 2 comprend l’article L. 7121-13, qui est ainsi rédigé :
« Art. L. 7121-13. – Les sommes que les agents artistiques peuvent percevoir en rémunération de leurs services et notamment du placement se calculent en pourcentage sur l’ensemble des rémunérations de l’artiste. Un décret fixe la nature des rémunérations prises en compte pour le calcul de la rétribution de l’agent artistique ainsi que le plafond et les modalités de versement de sa rémunération.
« Ces sommes peuvent, par accord entre l’agent artistique et l’artiste du spectacle bénéficiaire du placement, être en tout ou partie mises à la charge de l’artiste. Dans ce cas, l’agent artistique donne quittance à l’artiste du paiement opéré par ce dernier. » ;
3° La sous-section 3 comprend l’article L. 7121-21, qui devient L. 7121-14 ;
4° à 7° (Supprimés)
II. – La section 7 du même chapitre Ier devient la section 6, qui est ainsi modifiée :
1° Les articles L. 7121-25 et L. 7121-26 deviennent respectivement les articles L. 7121-15 et L. 7121-16 et, à ces articles, la référence : « L. 7121-14 » est remplacée par la référence : « L. 7121-12 » ;
2° L’article L. 7121-17 est ainsi rédigé :
« Art. L. 7121-17. – Le fait, pour un agent artistique établi sur le territoire national, de percevoir des sommes en méconnaissance du premier alinéa de l’article L. 7121-13 est puni, en cas de récidive, d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 3 750 €. » ;
III. - Les articles L. 7121-18 à L. 7121-20, L. 7121-22 à L. 7121-24 et L. 7121-27 à L. 7121-30 du même code sont abrogés.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l'article.
Mme Marie-Agnès Labarre. Je reviens sur la transposition de la directive Services.
Le 27 avril dernier, Michel Barnier, commissaire européen chargé du marché intérieur et des services, dressait ainsi le bilan de la directive Services, votée le 15 novembre 2006 à Bruxelles et transposée en France au cours des trois dernières années : « La directive Services est l’un des principaux instruments pour renouer avec la croissance et la création d’emplois. »
Il ajoutait : « En termes économiques, des études montrent que les gains pourraient se situer entre 60 et 140 milliards d’euros, soit une croissance du PIB pouvant atteindre 1,5 % ».
Diantre ! Croissance, emplois, gains de milliards d’euros... Le Gouvernement possède une recette miracle pour sortir le pays de la crise et il ne la claironne pas ! Pourquoi la transposition de cette directive n’est-elle pas médiatisée par de vastes campagnes d’information ? Pourquoi notre Président de la République ne se sert-il pas de ce fabuleux instrument pour redonner le moral à la France, qui en a tant besoin ? (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
En fait, si le Gouvernement ne sort pas les trompettes, c’est parce qu’il connaît la portée de ce texte, petit frère de celui que l’on nommait jadis la « directive Bolkestein », et dont on a modifié la forme pour mieux en préserver l’esprit. Ce texte vise, tout simplement, à faire disparaître les services publics auxquels les Français sont particulièrement attachés.
Si le Gouvernement contourne l’obstacle, c’est parce qu’il est conscient de bafouer la démocratie, une fois encore, de se moquer du peuple, comme il l’a fait en faisant ratifier par le Parlement le traité constitutionnel rejeté par référendum en 2005, et qu’il en craint les conséquences.
De peur de raviver les mouvements sociaux de 2006, le Gouvernement a donc décidé de ne pas ouvrir un débat public et de ne pas transposer par une loi-cadre cette directive, dont il préfère distiller les principes généraux à travers une succession de textes sectoriels, y compris certains projets de loi dont ce n’était pas l’objet à l’origine. Il faut qu’il n’y ait qu’un renard à la fois dans chaque poulailler...
L’idée est de briser des textes qui encadraient certaines professions de services et garantissaient la qualité de leurs prestations aux utilisateurs, au profit d’une concurrence prétendument « libre et non faussée ». En appliquant cette méthode dite « technicisante », c’est-à-dire qui est rendue assez complexe pour espérer décourager l’adversaire, le Gouvernement va au delà de ses « obligations » vis-à-vis de l’Union européenne. Il espère faire mieux, ou pis, que ce que la directive elle-même lui demande, c’est-à-dire instaurer un marché unique des services dans l’Union européenne.
Pour notre part, nous ne voulons pas de cette concurrence dite « libre et non faussée » dans les services : la santé, le social, la petite enfance, l’éducation, la culture, les énergies, l’eau, les transports, les services postaux, l’élimination des déchets doivent obéir à des obligations de bonne gestion, non à des contraintes de rentabilité.
Quelque 54 % des Français veulent des services publics qui échappent à la logique du mercantilisme ainsi qu’une harmonisation progressive et par le haut des législations sociales des États membres.
Nous ne sommes pas dupes : l’« obligation de service public » assignée aux futurs opérateurs et contenue dans la directive, c’est le service public du pauvre. Ce dernier ne rapporte rien à personne, sauf peut-être à son banquier. Il est donc inutile de privatiser l’assistanat ! Quoique… En effet, la Commission européenne a rappelé que « les services exclus du champ d’application de la directive Services continuent, en tout état de cause, de relever de l’application des règles du traité CE, notamment celles de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services ».
Comme nous l’a rappelé M. Bizet, l’exclusion de certains secteurs n’est en aucun cas définitive. Voilà le renard soulagé : ils seront introduits sur les marchés financiers lorsqu’ils seront susceptibles de générer des profits ! Adieu, alors, le droit d’accès universel et gratuit à ces services, bonjour aux « prestataires » moins-disants, dispensés de cahier des charges, soumis à de simples « visites de conformité aux conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement », qui exécuteront des « missions ». Je vous laisse, mes chers collègues, savourer l’emploi, ici, de l’adjectif « minimal » !
Ce projet de loi réforme – comprenez : déréglemente – plusieurs professions : les experts-comptables, les agents d’artiste et les organismes privés de placement.
L’activité de placement était jusqu’à présent soumise à une déclaration préalable auprès de l’autorité administrative compétente. En 2005, elle avait même été précisée et limitée aux seuls organismes justifiant d’une connaissance suffisante du marché et assurant antérieurement une activité d’intermédiation, par la mise à disposition de personnels, le conseil en recrutement ou l’insertion professionnelle.
Ces limitations, qui ne sont que de simples mesures de précaution, ont été considérées comme contraires à la directive, et donc supprimées !
Voilà donc Pôle Emploi, qui manque cruellement de moyens humains, contraint à son tour de s’aligner ou de disparaître. Voilà ce qui a été voté à l’Assemblée nationale le 4 mai 2010 et qui est proposé à notre examen. Nous nous y opposons fermement. Monsieur le secrétaire d'État, nous refusons le contenu de ce projet de loi et votre méthode ! Mille fois, vainement, nous vous avons demandé de dresser devant la représentation nationale le bilan de la transposition de cette funeste directive, de reconstituer le puzzle. Nous vous le réclamons de nouveau aujourd'hui !
Dans son discours du 27 avril dernier, Michel Barnier affirmait : « Écouter davantage l’opinion des Parlements, c’est écouter davantage l’opinion des citoyens européens ». Eh bien, monsieur le secrétaire d'État, écoutez vos concitoyens : ils vous ont dit non, respectez-les !
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, sur l'article.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 12 prend une nouvelle fois prétexte de la transposition de la directive Services pour libéraliser l’activité d’agent artistique, en modifiant substantiellement les articles du code du travail régissant cette activité et en allégeant les obligations encadrant cette profession.
Il est tout à fait inquiétant de constater que le Gouvernement souhaite calquer le cadre des agents artistiques sur celui des agents sportifs, dont le statut vient d’être modifié par le Parlement. Dans le cadre du débat relatif à cette modification, les agents sportifs se sont vus autorisés ni plus ni moins la pratique du double mandatement – jusqu’ici illégale –, qui permet à un agent sportif d’être rémunéré à la fois par un joueur et par un club. Les agents artistiques pourront-ils désormais être rémunérés en même temps par un artiste et par la société de production de cet artiste ? Nous le craignons et nous le dénonçons.
La liste des incompatibilités professionnelles avec l’activité d’agent artistique est en effet considérablement allégée. Ne sont plus visés que les producteurs d’œuvres audiovisuelles ou cinématographiques, alors que toute une série d’activités culturelles liées à la production et à la diffusion étaient précédemment considérées comme inconciliables avec la profession susvisée.
Certes, certaines de ces incompatibilités étaient excessives : je pense à celles qui étaient relatives aux fabricants d’instruments de musique, aux marchands de musique, aux loueurs de matériel et espaces de spectacles. D’autres, au contraire, prémunissaient contre tout conflit d’intérêts : elles concernaient les exploitants de salles de spectacles, les programmeurs de radiodiffusion ou de télévision, les administrateurs, les directeurs ou régisseurs d’entreprises de production, les directeurs d’une maison de disques. Autoriser les services de télévision et de radio à diffuser sur leurs ondes les œuvres d’artistes dont ils sont en même temps les agents relève du conflit d’intérêts le plus flagrant.
La directive Services est également un prétexte pour faire disparaître totalement la liste des incompatibilités de formes juridiques pour exercer l’activité d’agent artistique. Désormais, un agent artistique pourra prendre la forme d’une société anonyme ou d’une société en commandite par actions, ce qui était auparavant interdit, tout en exerçant son activité dans des locaux destinés à d’autres usages commerciaux, ce qui était également proscrit.
En faisant sauter plusieurs verrous protecteurs, vous autorisez, de fait, des sociétés exerçant des activités dans plusieurs secteurs à abriter un bureau ou une filiale d’agents artistiques, au risque, encore une fois, de voir naître des conflits d’intérêts.
Le texte procède enfin à un changement du mode de rémunération des agents artistiques. Préalablement, ceux-ci étaient rémunérés sur la base de tarifs fixés ou approuvés par l’autorité administrative. Désormais, la rémunération sera calculée en pourcentage de celle de l’artiste. En d’autres termes, le rôle de régulation que jouait l’autorité administrative dans l’élaboration des tarifs de rémunération des agents artistiques est contourné.
Plus grave encore pour les artistes, vous prenez le risque de diminuer leurs revenus en prévoyant que le montant de la rémunération de leur agent sera calculé en pourcentage de l’ensemble des rémunérations qu’ils auront perçues, ce qui inclut notamment les droits d’auteur et les droits voisins. Or le droit d’auteur est un droit inaliénable et imprescriptible, qui doit protéger l’artiste et sa création et non servir de base au calcul de l’assiette de la rémunération d’un agent artistique !
Bien sûr, nous ne sommes pas surpris de vous voir remettre en cause toute forme de service public de la culture. L’affaiblissement des moyens des collectivités territoriales avec la suppression de la taxe professionnelle a été une mesure catastrophique pour le financement de la création artistique. La chute continue des moyens budgétaires consacrés à la culture en est une autre. Avec ce texte, vous prenez le risque de fragiliser encore davantage les artistes, ce qui est inacceptable.