Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien entendu, la position du groupe de l’UMP n’est pas différente de celle qu’a exprimée M. le rapporteur, dont nous partageons totalement l’analyse. Aussi notre groupe votera-t-il l’ensemble du projet de la loi organique, qui constitue une grande avancée.
Au-delà de la question du veto des trois cinquièmes des membres des commissions aux nominations faites par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, le vrai débat qu’a ouvert la révision constitutionnelle de 2008, c’est celui de la transparence de leur examen grâce à l’audition publique des candidats. Le principe de cette publicité me paraît plus important que les règles de majorité applicables, car l’on imagine difficilement qu’un candidat dont la prestation aurait été médiocre ou qui n’aurait recueilli sur son nom qu’une majorité douteuse puisse échapper à la sanction de l’opinion.
La commission mixte paritaire n’est donc pas parvenue à trouver un accord sur l’interdiction des délégations de vote lors d’un scrutin destiné à recueillir l’avis d’une commission sur un projet de nomination.
M. le rapporteur a précisé fort justement que le seul cas où la Constitution interdit explicitement toute délégation de vote, c’est lorsque le Parlement constitué en Haute Cour doit se prononcer sur la destitution du chef de l’État. Pour tous les autres cas, la délégation peut être autorisée exceptionnellement pour des raisons techniques, et non pour des raisons tenant au fond du texte.
À titre personnel, je dois cependant ajouter que, si je soutiens le point de vue de M. le rapporteur, je ne me ferai jamais tuer pour une question comme celle-ci, qui me paraît somme toute assez secondaire.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est une sage position ! (Sourires.)
M. Hugues Portelli. Surtout, monsieur le rapporteur, j’avoue que je suis pris d’un léger doute.
On distingue deux catégories de vote : le vote sur des textes, le vote sur des personnes. Dans le second cas, le vote est personnel. Ainsi, on vote personnellement une motion de censure, la destitution ou non du Président de la République. Aussi, à titre individuel, je serais satisfait que la Constitution interdise explicitement toute délégation dans le cas d’un vote sur une personne. Pour le moment, notre loi fondamentale ne le dit pas, autorisant ainsi le doute, et l’interprétation de M. le rapporteur me semble légitime.
Le principal intérêt que je vois dans cette divergence qui subsiste entre le Sénat et l’Assemblée nationale, c’est qu’elle obligera le Conseil constitutionnel à se prononcer souverainement. C’est ce que j’attends ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ? …
La discussion générale commune est close.
projet de loi organique
Mme la présidente. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi organique.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
Article 3
Mme la présidente. L’article 3 a été supprimé par la commission.
Article 4
Le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat ne peut procéder aux nominations mentionnées aux articles 56 et 65 de la Constitution qui relèvent de sa compétence lorsque les votes négatifs au sein de la commission permanente compétente de l’assemblée concernée représentent au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Mme la présidente. Les autres dispositions du projet de loi organique ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Je vais mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
Y a-t- il des demandes d’explication de vote ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 208 :
Nombre de votants | 331 |
Nombre de suffrages exprimés | 207 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 104 |
Pour l’adoption | 182 |
Contre | 25 |
Le Sénat a adopté.
Mme la présidente. Nous passons maintenant à l’examen du texte élaboré par la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, aucun amendement n’est recevable, sauf accord du Gouvernement et que, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l’Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements puis, par un seul vote, sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
Article 1er
Les commissions permanentes de chaque assemblée parlementaire compétentes pour émettre un avis sur les nominations aux emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions fixées au cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution sont celles figurant dans la liste annexée à la présente loi.
L'avis mentionné au premier alinéa est précédé d'une audition par les commissions permanentes compétentes de la personne dont la nomination est envisagée. L'audition est publique sous réserve de la préservation du secret professionnel ou du secret de la défense nationale.
Cette audition ne peut avoir lieu moins de huit jours après que le nom de la personne dont la nomination est envisagée a été rendu public.
Mme la présidente. Sur l’article 1er, seul article restant en discussion, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur cet article ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je vais mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte proposé par la commission mixte paritaire.
(Le projet de loi est adopté.)
5
Dialogue social dans la fonction publique
Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique (projet n° 414, texte de la commission n° 486, rapports nos 485 et 453).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très heureux d’être parmi vous à l’occasion de l’examen de ce projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social, projet initié par Éric Woerth et que j’ai l’honneur de porter devant vous aujourd’hui.
Ce texte, mesdames, messieurs les sénateurs, est indispensable pour faire évoluer la culture du dialogue social dans la fonction publique.
Du dialogue social dans la fonction publique, en effet, on ne doit surtout pas retenir uniquement les manifestations et les grèves, qui sont l’expression d’une conflictualité malheureusement inscrite dans la durée puisque les chiffres ont peu varié au cours des quinze dernières années.
La constance de ces conflits ne peut nous satisfaire. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a recherché les racines profondes de cette conflictualité.
Le constat a été sans équivoque : l’organisation même du dialogue social dans la fonction publique suscite toutes les critiques de la part tant des employeurs que des représentants des personnels.
Dans la fonction publique de l’État, ce dialogue est tout entier organisé autour des corps et, plus spécialement, des commissions administratives paritaires, les CAP, qui examinent les décisions individuelles, par exemple en matière d’avancement ou de mutation. Toutes les autres instances – le conseil supérieur, les comités techniques, les comités d’hygiène et de sécurité – sont composées de façon indirecte, à partir des résultats aux élections de ces commissions ; elles ne sont donc pas directement élues.
Les CAP ont évidemment leur légitimité, mais les agents n’ont pas les mêmes attentes selon qu’il s’agit de leur situation individuelle ou des enjeux collectifs de leur service. Par ailleurs, dans ce système, les agents contractuels ne sont pas consultés.
Dans la pratique, on le voit bien, ce dialogue social est empreint de beaucoup de formalisme, hérité d’un modèle de confrontation entre employeur et représentants des agents. Les syndicats se plaignent de ne pas voir leur avis suffisamment retenu. L’administration, de son côté, conteste régulièrement des stratégies qu’elle juge dilatoires.
Il était temps d’assumer autrement les responsabilités, de quelque côté de la table que l’on soit. Ce projet de loi nous y invite.
Dans une administration qui se réforme en profondeur, ce régime n’est clairement plus adapté aux enjeux actuels du dialogue social.
Le Gouvernement, je tiens à le dire, en a pris conscience non pas en un jour, mais de façon progressive et c’est la raison pour laquelle nous vous présentons ce texte.
Non, le Gouvernement n’a pas organisé une conférence sociale à l’improviste. Il l’a fait dès octobre 2007 avec les partenaires sociaux, pour modifier en profondeur le cadre du dialogue social dans la fonction publique, changer les pratiques et promouvoir une véritable culture de négociation.
Le secteur privé, d’ailleurs, je tiens à le souligner, a franchi le pas de la réforme avec la loi de rénovation de la démocratie sociale du 20 août 2008. Le présent projet de loi en est le pendant – malgré quelques retards – pour la fonction publique, avec toutefois quelques spécificités importantes sur lesquelles, bien entendu, je vais revenir.
Au cours de cette négociation, le Gouvernement a su faire des compromis permettant d’aboutir. Ainsi, il a entendu les inquiétudes des syndicats sur la question très importante des compétences des commissions administratives paritaires qu’il a accepté de séparer de la négociation.
Ce projet de loi est donc la traduction au niveau législatif des accords de Bercy du 2 juin 2008, qui marquent l’aboutissement de cette intense phase de négociation de près de neuf mois.
Je voudrais, mesdames, messieurs les sénateurs, insister sur le consensus remarquable qui entoure ces accords : en effet, ils ont été signés par six des huit syndicats de la fonction publique – CGT, CFDT, FO, UNSA, FSU, CGC –, représentant plus de 75 % des personnels, ce qui n’était jamais arrivé auparavant.
En conséquence, il nous appartient d’entendre ce consensus et d’être prêts, quel que soit le banc ou la travée sur lesquels nous siégeons, à reconnaître la novation et les avancées qu’apportent ces accords.
Trois points, mesdames, messieurs les sénateurs, auront certainement retenu votre attention.
Sur la forme, d’abord, j’y reviens, c’est la première fois qu’en matière de fonction publique le Gouvernement transpose aussi fidèlement en matière législative un accord signé avec six organisations représentant plus de 75 % des agents. Je crois que nous devons tous partager cet objectif de fidélité aux accords qui marque une nouvelle pratique du dialogue social dans la fonction publique.
Sur le fond, ensuite, l’élection sera désormais le fondement de la représentativité syndicale. C’était le cas dans la fonction publique territoriale et dans la fonction publique hospitalière. Ce sera désormais également le cas dans la fonction publique d’État, et c’est une bonne chose.
Par ailleurs, tout syndicat légalement constitué depuis plus de deux ans pourra se présenter aux élections professionnelles. C’est un signe fort d’ouverture.
La culture de négociation, enfin, doit se généraliser dans la fonction publique à tous les niveaux pertinents de l’administration. La novation me semble tout aussi essentielle.
Il faut à la fois élargir le champ de la négociation au-delà des questions salariales et fixer les conditions dans lesquelles un accord signé sera considéré comme valide.
Dans nos travaux préparatoires, lors de mon audition et lors de l’examen en commission, nos débats ont été particulièrement riches et je souhaite revenir sur trois points importants.
Indéniablement, en premier lieu, il y a une sensibilité particulière sur le sujet du paritarisme.
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
M. Jacques Mahéas. C’est vrai !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Contrairement à ce que certains peuvent prétendre, et à la différence de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l’État, nous avons souhaité maintenir l’essentiel des principes du paritarisme dans la fonction publique territoriale. À cet égard, le Gouvernement a très clairement entendu les souhaits exprimés sur ce point, en particulier par les employeurs territoriaux.
Il est bien prévu, à tous les niveaux, l’existence de deux collèges : un collège employeur et un collège pour les représentants des agents.
Les collectivités restent totalement libres de maintenir un paritarisme numérique si elles le souhaitent. Je le répète, les collectivités sont libres de maintenir ce paritarisme numérique.
Par ailleurs, si une délibération de la collectivité le prévoit, donc en toute indépendance, mais aussi en toute transparence, la collectivité sera libre de prévoir le vote des représentants du personnel et, en outre, l’avis des représentants de la collectivité.
Seule évolution sur ce point du paritarisme, nous remplaçons une obligation par une faculté.
Le Gouvernement est donc particulièrement respectueux de la libre administration des collectivités territoriales, et c’est un élu local qui vous confirme ici, mesdames, messieurs les sénateurs, combien nous sommes légitimement attachés à ce principe.
Nous avons poursuivi dans ce sens en déposant, lors de l’examen en commission, un amendement qui permettra également aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la fonction publique territoriale de rendre leurs avis de façon paritaire.
Le deuxième point qui ne doit pas faire l’objet de malentendus est la création d’une nouvelle instance inter-fonctions publiques, le Conseil commun de la fonction publique.
Certains pourraient y voir le risque d’une dépossession des conseils supérieurs de leurs attributions. Je souhaite être très clair, ce n’est en aucun cas la volonté du Gouvernement. En effet, l’État sera le seul employeur qui ne votera pas dans le Conseil commun. En conséquence, il n’y a que peu de chance qu’il prenne le pouvoir au sein de ce conseil et en modifie les avis. Son champ de compétence est clairement défini par la loi : il se limite aux seuls textes communs et exclut, par conséquence, les textes spécifiques, qu’il s’agisse de lois, de décrets d’application ou de décrets autonomes.
La maîtrise de son ordre du jour est partagée entre son président, le ministre chargé de la fonction publique, et ses membres.
En revanche, ce conseil commun présente un intérêt réel, car il permettra aux employeurs territoriaux et hospitaliers de pouvoir s’exprimer dès l’origine sur les textes qui concernent les trois versants de la fonction publique.
Combien de fois a-t-on vu arriver devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le CSFPT, des textes qui avaient déjà été examinés par le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État, le CSFPE, et sur lesquels il n’y avait plus de débat possible, car l’avis du CSFPE avait déjà été rendu !
Nous avons tous critiqué cette façon de faire, et je pense que nous ne pourrons que nous réjouir de la création de cette nouvelle instance.
Afin de renforcer l’indépendance de ce conseil commun, le Gouvernement a suivi la commission, qui, dans sa sagesse, propose que le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale en soit membre de droit, de même que le président du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière.
Nous sommes très attachés au respect des prérogatives légitimes de chaque conseil supérieur.
Je sais enfin que la question des règles de validité des accords mérite que l’on y revienne.
Il n’y avait jusqu’à présent aucune règle en la matière. Nous avons souhaité engager un processus qui, à terme, nous permettra de passer à des accords majoritaires. C’est ambitieux, mais c’est possible. Les deux derniers accords que nous avons signés, qui portaient, l’un, sur le dialogue social, l’autre, sur la santé et la sécurité au travail, ont réuni respectivement 75 % et 80 % des représentants des agents.
Une période transitoire nous a toutefois semblé nécessaire. C’est pourquoi, dans un premier temps, seront valides les accords réunissant au moins 20 % des représentants des agents, sans faire l’objet d’une opposition de plus de 50 % de ces représentants.
En accord avec les organisations syndicales, nous avons retenu ce double seuil, qui est légèrement différent de celui qui est retenu dans le privé, où le « 30-50 » prévaut. C’est que les deux systèmes ne sont pas identiques : en effet, nous prenons dès maintenant dans le projet de loi l’engagement d’aller plus loin vers l’accord majoritaire, ce que n’a pas fait le code du travail.
Les travaux en commission ont aussi permis de préciser les dispositions qui vont s’appliquer dans la période transitoire afin d’organiser une convergence des dates d’élections aux comités techniques et aux commissions administratives paritaires, les CAP, sur les trois versants de la fonction publique.
Reconnaissons ici que la fonction publique de l’État s’inspire de ce qui existe déjà, de façon très satisfaisante, et dans la fonction publique hospitalière et dans la fonction publique territoriale. L’opération est néanmoins complexe à réaliser, puisqu’il faut unifier les durées de mandats et synchroniser les élections de la fonction publique de l’État, qui se déroulaient au fil de l’eau. Plusieurs milliers d’instances sont ainsi concernées ; le Gouvernement et les organisations syndicales devront donc mener ensemble un véritable travail d’horloger.
C’est en tout cas une solution pragmatique, en deux temps, qui a été envisagée. Il s’agira tout d’abord d’organiser, à la mi-2011, la constitution des nouvelles instances de la fonction publique de l’État et de la fonction publique hospitalière, dont le mandat naturel devrait s’achever à la fin de 2011. Il s’agira ensuite de laisser la fonction publique territoriale poursuivre ses mandats jusqu’à leur terme naturel, à la fin de 2014, et de prévoir à ce moment d’organiser les élections générales sur les trois versants de la fonction publique.
Cette solution, respectueuse des mandats en cours, doit également éviter de remettre en cause des CTP qui viennent d’être élus en 2010 par un corps électoral très proche de celui qui se prononcera en 2011.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes de ce texte particulièrement novateur.
Vous me permettrez de terminer mon propos introductif en remerciant très chaleureusement le président de la commission, Jean-Jacques Hyest, ainsi que le rapporteur, Jean-Pierre Vial, du travail accompli par la commission des lois, et de la qualité des échanges que nous avons sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP - M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et M. Jean-Pierre Vial, rapporteur, applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur, suite à une légère intervention chirurgicale, je devais normalement rester allongée, la jambe surélevée… J’ai néanmoins tenu à être présente aujourd’hui, par respect pour la Haute Assemblée. Vous ne m’en voudrez donc pas d’intervenir depuis le banc des ministres, et de suivre le reste du débat dans mon bureau.
Mme la présidente. Je vous en prie, madame la ministre.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous vous souhaitons un prompt rétablissement, madame la ministre ! (Marques de sympathies sur différentes travées.)
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je voudrais tout d’abord rappeler – je me tourne plus particulièrement vers Anne-Marie Payet – que c’est aujourd’hui la journée mondiale anti-tabac.
M. Nicolas About. Sauf au Sénat, où l’on fume dans les couloirs !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. C’est en effet regrettable, cher Nicolas About…
Mais à bon entendeur, salut !
Revenons à l’article 30 de ce projet de loi, puisque c’est le cœur de mon propos. Pourquoi l’examiner à l’occasion de l’examen d’un projet de loi consacré à la rénovation du dialogue social plutôt que dans le cadre de la discussion du texte consacré à la réforme des retraites ?
M. Jacques Mahéas. On se le demande, en effet !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Précisément parce qu’il ne s’agit pas d’une réforme des retraites. L’objet est ici d’accompagner la réforme LMD – licence, master, doctorat –, qui offre une avancée considérable dans la reconnaissance des infirmiers et, plus largement, de l’ensemble des professionnels paramédicaux.
Si vous me le permettez, je voudrais revenir en quelques mots sur cette réforme, à juste titre qualifiée d’historique.
Reconnaître le diplôme infirmier au niveau de la licence correspond à une demande forte des infirmiers et des infirmières depuis près de vingt ans, et c’est une promesse du Président de la République.
Depuis 1992, le diplôme d’État d’infirmier nécessite trois années d’études, et il était pourtant reconnu seulement au niveau « bac + 2 », et non au niveau « bac + 3 ».
Pourtant, les compétences et les responsabilités des infirmiers n’ont cessé de progresser, parallèlement aux évolutions scientifiques majeures qu’a connues notre système de santé.
C’est pourquoi, dès mon arrivée au ministère de la santé, je me suis saisie de ce dossier essentiel de la formation ; ce fut l’une de mes toutes premières priorités.
Depuis 2007, j’ai mené une très large concertation avec l’ensemble des organisations syndicales et professionnelles des personnels paramédicaux. De nombreuses réunions, associant les personnels, l’appareil de formation et le monde universitaire ont permis d’élaborer un nouveau référentiel de formation.
Le nouveau diplôme d’État d’infirmier a donc été remanié et enrichi pour être reconnu, par le monde universitaire – ce n’était pas gagné !- au grade de licence. Les étudiants infirmiers qui ont entamé leur formation en 2009 en bénéficieront pleinement lorsqu’ils seront diplômés en 2012.
La même démarche est d’ailleurs entamée pour l’ensemble des professions paramédicales dont la durée des études est d’au moins trois années après le bac, soit au total près de quinze professions. Imaginez, mesdames, messieurs les sénateurs, le travail de réingénierie des formations qu’il faut mener.
C’est une étape majeure dans l’histoire de la formation de ces professions.
Parallèlement à ces profondes évolutions, les formations des cadres de santé seront également réformées. J’ai d’ailleurs récemment confié à l’Inspection générale des affaires sociales une mission sur la rénovation de la formation des cadres hospitaliers.
Vous le voyez, il s’agit donc d’une réforme ambitieuse, d’une réforme qui participe de la modernisation de notre système de santé, d’une réforme qui vise la qualité des soins en nous donnant les moyens d’intégrer les progrès paramédicaux et de mieux répondre aux besoins de la population.
La réforme LMD permettra aux infirmiers et aux professionnels paramédicaux d’accéder à des formations supérieures et à de nouveaux modes d’exercice. Il s’agit donc d’une réforme non pas seulement « en stock », mais également « en flux ».
En disposant d’un diplôme d’État reconnu au grade de licence, ils pourront poursuivre plus facilement un cursus universitaire et développer une plus grande mobilité tout au long de leur carrière professionnelle, grâce à des équivalences avec tous les pays de l’Union européenne.
Celles et ceux qui s’intéressent à des prises en charge pointues ou à la recherche pourront construire des parcours professionnels innovants.
Cette réforme rend possible l’exercice de nouveaux métiers, des métiers paramédicaux experts, formés au niveau master. Aujourd’hui, en effet, il existe un hiatus entre les personnels paramédicaux, généralement formés à « bac + 3 », et les médecins, formés à « bac + 10 », en moyenne. C’est la gradation des soins qui s’en trouve empêchée, et à cela aussi, je tiens à remédier. C’est pourquoi j’ai décidé de lancer une mission sur ce sujet, confiée à Laurent Hénart, Yvon Berland et Danielle Cadet, que beaucoup d’entre vous connaissent.
Grâce à cette réforme, chacun pourra se recentrer sur son cœur de métier, en participant à la prise en charge sur les aspects qu’il connaît le mieux.
Chacun l’aura compris, cette réforme a des conséquences statutaires, et je veux m’y attarder à présent.
Nous avons voulu, sous l’impulsion du Président de la République, que cette reconnaissance du diplôme infirmier au niveau de la licence entraîne un recrutement en catégorie A, la catégorie la plus élevée de la fonction publique.
Ainsi, les étudiants entrés en formation en septembre 2009 achèveront leur scolarité en juin 2012 avec un diplôme reconnu au grade de la licence. Celles et ceux qui choisiront d’exercer dans la fonction publique hospitalière y seront donc tout naturellement et immédiatement recrutés en catégorie A. Nous aurions pu en rester là, et exclure de cette promotion les personnels titulaires formés antérieurement. Telle n’est pas ma volonté.
Je souhaite en effet que les professionnels paramédicaux titulaires dans la fonction publique hospitalière puissent eux-aussi, et dès aujourd’hui, bénéficier de cette revalorisation, au même titre que leurs jeunes collègues prochainement diplômés.
Bien que n’étant pas titulaires de la licence – la maquette de leur formation ne correspond pas à ce niveau de diplôme –, les personnels déjà en fonction pourront ainsi, s’ils le souhaitent, demander à bénéficier de ces mêmes dispositions. Il nous aurait en effet semblé profondément injuste qu’ils ne bénéficient pas de cette mesure.
Pour définir les modalités précises de ce reclassement, j’ai mené une intense concertation, qui a conduit à un protocole d’accord signé le 2 février dernier.
Le protocole définit les conditions applicables aux personnels qui choisiront les nouveaux corps, notamment en matière de rémunération et de régime de retraite. Il précise donc les termes des futurs décrets portant statut particulier des nouveaux corps d’infirmiers de catégorie A, lesquels s’appuieront, en matière de régime de retraite applicable à ces nouveaux corps, sur les dispositions discutées aujourd’hui.
Le protocole définit aussi un calendrier de mise en œuvre – il sera lui-même mis en œuvre par voie réglementaire - et j’entends le respecter.
Je veux que, dès la publication des décrets portant statut particulier des nouveaux corps d’infirmiers de catégorie A, tous les infirmiers et toutes les infirmières qui le souhaitent puissent opter pour le passage en catégorie A, et donc bénéficier d’un supplément de rémunération immédiatement, c'est-à-dire dès décembre 2010.
C’est la raison pour laquelle nous avons intégré cette réforme dans le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Si nous ne l’avions pas fait, l’ensemble de la réforme aurait été reporté au-delà de 2010, ce qui ne correspondait pas à l’engagement fort que nous avions pris, et qui figure comme tel dans le protocole d’accord du 2 février.
Dans le cadre de cette réforme, j’ai souhaité que soit mis en place un droit d’option assorti d’un délai de réflexion.
Les professionnels qui souhaitent conserver leurs droits à un départ à la retraite à cinquante-cinq ans pourront rester dans leur corps actuel. Ils auront également une revalorisation, dans le cadre du reclassement dans le nouvel espace statutaire de la catégorie B.
Ceux qui choisiront le nouveau corps y seront reclassés dès le mois de décembre 2010 et percevront donc, dès la fin de cette année, un traitement plus élevé.
Cela implique, pour eux, de renoncer individuellement aux conditions dérogatoires en matière de retraite, comme le prévoit l’article 30 du projet de loi.
La revalorisation proposée est de 82 points d’indice brut pour les infirmiers en fin de carrière : c’est un effort considérable de la Nation en faveur des professionnels paramédicaux, un effort que le Gouvernement a décidé d’engager malgré la crise économique que nous traversons, parce qu’il constitue une juste reconnaissance et qu’il accompagne l’amélioration de notre système de soins et des 310 000 agents paramédicaux de l’hôpital public.
Les grilles salariales seront augmentées deux fois, en 2013, puis en 2015. À l’issue de ces deux glissements, les infirmières en milieu de carrière bénéficieront d’une rémunération totale annuelle majorée de 2 000 euros nets en moyenne.
Les infirmiers spécialisés et les cadres de santé qui sont déjà en catégorie A pourront également intégrer ce nouveau corps à partir de 2012.
Un grade spécifique sera créé pour les cadres et l’indice sommital du grade de cadre supérieur, prévu dans le protocole d’accord, est très sensiblement augmenté.
Ainsi, au cours des prochaines années, dès qu’une formation paramédicale sera rénovée et reconnue par l’Université, un nouveau corps, revalorisé, sera créé.
J’insiste sur ce point, car il est crucial : de manière générale, cette réforme attribuera aux personnels reconnus au grade de licence l’équivalent d’un treizième mois de salaire tout au long de leur carrière, mais aussi d’un treizième mois de pension tout au long de leur retraite.
Si elle ne relève pas de la réforme des retraites, comme je l’ai dit tout à l’heure, la réforme LMD se traduira bien cependant par une nette revalorisation des retraites pour les professionnels paramédicaux qui auront fait le choix d’une carrière plus longue, mais aussi plus riche et plus diversifiée.
Concernant le délai de réflexion, je tiens à apporter à votre assemblée des informations très précises.
Je rappelle tout d’abord que le droit d’option de six mois prévu dans le protocole d’accord du 2 février débute dès la publication du décret créant le nouveau corps.
Pour les infirmiers, le projet de décret, actuellement travaillé avec les organisations syndicales, sera publié après promulgation de la loi dont nous discutons aujourd’hui, et après avis du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière et du Conseil d’État.
J’envisage donc que ce décret soit publié au plus tôt au début d’août 2010.
Les personnels disposeront alors de six mois pleins, c’est-à-dire jusqu’au début de février 2011 au plus tôt, pour faire connaître leur choix. Le reclassement, en catégorie A ou en nouvelle catégorie B – les infirmières et les infirmiers le décideront – prendra néanmoins effet au 1er décembre 2010, conformément à nos engagements, c’est-à-dire que les personnels qui se décideront en fin de période de réflexion bénéficieront de la mesure de façon rétroactive.
Autrement dit, les personnels ont largement le temps de faire leur choix, y compris au regard du calendrier de la réforme des retraites.
Vous l’aurez compris, la réforme LMD marque une avancée majeure dans l’histoire de notre système de santé et des professions paramédicales.
Fondée sur un souci d’équité et de cohésion – autant de valeurs que notre service public a à cœur de défendre –, cette réforme répond aux nouvelles évolutions démographiques.
Qui songerait à nier, en effet, que la démographie et l’exercice paramédical ont considérablement changé depuis 1969, date à laquelle le corps des infirmiers a été classé en catégorie active ?
L’espérance de vie des infirmières s’allonge : elle est aujourd’hui semblable à celle des autres femmes françaises.
L’âge de départ à la retraite recule dans les faits. De nos jours, les infirmiers cessent en moyenne leur activité à cinquante-sept ans, tendant ainsi à s’aligner sur le régime des infirmiers du secteur privé, qui partent à la retraite à partir de soixante ans, comme ceux des autres pays de l’Union européenne, quel que soit leur mode d’exercice.
Enfin, c’est aussi une mesure de cohésion et de justice sociale que de faire évoluer leur statut vers un meilleur équilibre avec celui de la majorité de nos concitoyens.
Pour l’ensemble des professionnels exerçant à l’hôpital, l’enjeu consiste davantage aujourd’hui à penser des conditions de travail « durables », favorables à l’entretien tout au long de la vie du « capital compétences » et du « capital santé » de l’agent : formation, mobilité, rendez-vous de carrière réguliers.
C’est bien l’individualisation des parcours professionnels, la variété des modes d’exercice, la qualité des organisations, des équipements et du fonctionnement des équipes qui sont garants de la qualité de vie au travail et, au final, de la qualité des soins.
C’est donc une gestion des ressources humaines innovante que j’appelle de mes vœux. Je sais que les spécialistes de la gestion des ressources humaines dans nos hôpitaux y consacrent beaucoup d’énergie et je veux les aider. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de confier une mission sur la rénovation de la GRH à Michel Yahiel, président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines, et Danielle Toupillier, directrice du Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière.
Je le redis, la création de nouveaux corps en catégorie A à la suite de la reconnaissance universitaire des formations paramédicales constitue, pour toutes et pour tous, bien plus qu’une revalorisation statutaire, une reconnaissance sans précédent des talents et des potentiels, mais aussi une nouvelle façon d’envisager les conditions de travail. C’est, en somme, une véritable chance.
À chacune et à chacun de faire le meilleur choix, en conscience et en toute liberté, en fonction de ses besoins et de ses projets de vie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)