M. Richard Yung. Vous connaissez notre position : nous nous abstiendrons, à regret. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon excellent collègue Jacques Mézard ayant traité du fond, je me mettrai à la place des citoyens de base, que je diviserai en deux catégories : d’une part, les ignares, qui ne connaissent pas le Conseil économique et social et n’ont donc rien à dire ; d’autre part, ceux qui sont un peu plus avertis et trouvent à cette noble institution un certain nombre de défauts. Parmi ces derniers, figure le caractère totalement discrétionnaire des nominations par le pouvoir exécutif, ainsi que l’existence de conseillers surnuméraires à propos desquels notre citoyen de base devra un peu se renseigner : il aura alors vite le sentiment que quelque chose n’est pas clair ! En réalité, cette fonction sert à « recaser » les recalés du suffrage universel (Sourires.)…
M. Patrice Gélard. Pas toujours !
M. François Fortassin. … ainsi qu’un certain nombre de serviteurs dits « loyaux » n’ayant pas forcément servi la République pendant toute leur carrière, mais dont le carriérisme exemplaire mérite quelque récompense.
Il n’est donc pas étonnant, comme l’a fait remarquer Jacques Mézard, que le caractère totalement discrétionnaire et opaque de ces nominations apparaisse aujourd’hui anachronique. Cela l’est d’autant plus que certains considèrent qu’il s’agit de conseillers de second rang. Soit ce n’est pas très gentil, soit cela correspond à une réalité, ce qui est plus grave !
On observe également que la plupart de ces conseillers brillent essentiellement, non par leur qualité d’expertise, alors qu’ils ont été nommés pour cette raison, mais par une absence chronique rédhibitoire. (Sourires.)
En outre, le droit exclusif à la majorité est un peu difficile à supporter. De même, comme cela a été dit, le fait que les entreprises publiques soient sous-représentées nous paraît dommageable.
Malgré les améliorations apportées par le Sénat afin que le texte soit un peu plus « acceptable », je m’abstiendrai, à l’instar de la plupart des membres de mon groupe, mais avec regret, car on aurait pu aboutir à un texte plus rénovateur pour une institution qui le mérite. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? …
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi organique relatif au conseil économique, social et environnemental
Article 1er
Les deuxième et dernier alinéas de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Représentant les principales activités du pays, le Conseil favorise leur collaboration et assure leur participation à la politique économique, sociale et environnementale de la Nation.
« Il examine les évolutions en matière économique, sociale ou environnementale et suggère les adaptations qui lui paraissent nécessaires.
« Il promeut une politique de dialogue et de coopération avec les assemblées consultatives créées auprès des collectivités territoriales et auprès de ses homologues européens et étrangers. »
………………………………………………………
Article 2 bis
Avant le dernier alinéa de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - s'il y a lieu, les suites données par le Gouvernement à l'avis du Conseil économique, social et environnemental ; ».
………………………………………………………
Article 4
Après l'article 4 de la même ordonnance, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :
« Art. 4-1. - Le Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition de toute question à caractère économique, social ou environnemental.
« La pétition est rédigée en français et établie par écrit. Elle est présentée dans les mêmes termes par au moins 500 000 personnes majeures, de nationalité française ou résidant régulièrement en France. Elle indique le nom, le prénom et l'adresse de chaque pétitionnaire et est signée par lui.
« La pétition est adressée par un mandataire unique au Président du Conseil économique, social et environnemental. Le bureau statue sur sa recevabilité au regard des conditions fixées au présent article et informe le mandataire de sa décision. Dans un délai d'un an à compter de cette décision, le Conseil se prononce par un avis en assemblée plénière sur les questions soulevées par les pétitions recevables et sur les suites qu'il propose d'y donner.
« L'avis est adressé au Premier ministre, au Président de l'Assemblée nationale, au Président du Sénat et au mandataire de la pétition. Il est publié au Journal officiel. »
Article 5
L'article 6 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° A La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : «, les commissions temporaires et les délégations » ;
1° La seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Les sections, les commissions temporaires et les délégations sont saisies par le bureau du Conseil de sa propre initiative ou, si le Conseil est consulté par le Gouvernement, à la demande du Premier ministre ou, si le Conseil est consulté par une assemblée parlementaire, à celle du président de l'assemblée concernée. » ;
1° bis Le deuxième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, à la demande du Gouvernement ou de l'assemblée parlementaire à l'origine de la consultation, le bureau du Conseil économique, social et environnemental peut recourir à une procédure simplifiée. La section compétente émet alors un projet d'avis dans un délai de trois semaines. Ce projet devient l'avis du Conseil économique, social et environnemental au terme d'un délai de trois jours suivant sa publication, sauf si le président du Conseil économique, social et environnemental ou au moins dix de ses membres demandent, dans ce délai, qu'il soit examiné par l'assemblée plénière. » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les études sont transmises par le bureau du Conseil au Premier ministre, au Président de l'Assemblée nationale et au Président du Sénat. »
Article 6
L'article 7 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 7. - I. - Le Conseil économique, social et environnemental comprend :
« 1° Cent quarante membres au titre de la vie économique et du dialogue social, répartis ainsi qu'il suit :
« - soixante-neuf représentants des salariés ;
« - vingt-sept représentants des entreprises privées industrielles, commerciales et de services ;
« - vingt représentants des exploitants et des activités agricoles ;
« - dix représentants des artisans ;
« - quatre représentants des professions libérales ;
« - dix personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine économique, dont deux issues des entreprises publiques ainsi qu'une représentant les activités économiques françaises à l'étranger ;
« 2° Soixante membres au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative, répartis ainsi qu'il suit :
« - huit représentants de l'économie mutualiste, coopérative et solidaire non agricole ;
« - quatre représentants de la mutualité et des coopératives agricoles de production et de transformation ;
« - dix représentants des associations familiales ;
« - huit représentants de la vie associative et des fondations ;
« - onze représentants des activités économiques et sociales des départements et régions d'outre-mer, des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie ;
« - quatre représentants des jeunes et des étudiants ;
« - quinze personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine social, culturel, sportif ou scientifique, dans le secteur du logement social ou en raison de leur action en faveur des personnes handicapées ou des personnes retraitées ;
« 3° Trente-trois membres au titre de la protection de la nature et de l'environnement, répartis ainsi qu'il suit :
« - dix-huit représentants des associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement ;
« - quinze personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière d'environnement et de développement durable, dont au moins trois dirigeant des entreprises ayant une activité significative dans ces matières.
« II. - Les membres représentant les salariés, les entreprises, les artisans, les professions libérales et les exploitants agricoles sont désignés, pour chaque catégorie, par les organisations professionnelles les plus représentatives.
« Dans tous les cas où une organisation est appelée à désigner plus d'un membre du Conseil économique, social et environnemental, elle procède à ces désignations de telle sorte que l'écart entre le nombre des hommes désignés, d'une part, et des femmes désignées, d'autre part, ne soit pas supérieur à un. La même règle s'applique à la désignation des personnalités qualifiées.
« Un décret en Conseil d'État précise la répartition et les conditions de désignation des membres du Conseil économique, social et environnemental. »
………………………………………………………
Article 8
I. - L'article 9 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils ne peuvent accomplir plus de deux mandats consécutifs. » ;
1° bis Au second alinéa, les mots : « au cours de cette période » sont remplacés par les mots : « en cours de mandat » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les membres du Conseil dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit sont remplacés pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à trois ans, il n'est pas tenu compte de ce remplacement pour l'application du deuxième alinéa.
« Les contestations auxquelles peut donner lieu la désignation des membres du Conseil économique, social et environnemental sont jugées par le Conseil d'État. »
II. - (Non modifié)
Article 8 bis A
L'article 10 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 10. - Au cours de la quatrième année suivant le renouvellement du Conseil économique, social et environnemental en 2010, puis tous les dix ans, le Gouvernement remet au Parlement, après avis de ce Conseil, un rapport analysant la part, dans la vie économique et sociale du pays, des activités représentées au Conseil économique, social et environnemental, ainsi que les modifications intervenues dans la définition des critères de représentativité des organisations appelées à désigner des membres du Conseil.
« Ce rapport peut formuler des propositions d'adaptation de la composition du Conseil économique, social et environnemental, afin d'y assurer une représentation juste et équilibrée des principales activités du pays.
« Il fait l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat, dans les conditions définies par l'article 48 de la Constitution. »
………………………………………………………
Article 16
Dans toutes les dispositions législatives, lorsqu'ils désignent l'institution mentionnée au titre XI de la Constitution, les mots : « Conseil économique et social » sont remplacés par les mots : « Conseil économique, social et environnemental ».
Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, voulue par le Président de la République, a engagé la rénovation du Conseil économique et social, créé par l’ordonnance du 29 décembre 1958. Désormais, le Conseil économique, social et environnemental a pour mission de prendre en compte les problématiques environnementales. Les membres du groupe de l’UMP s’en réjouissent.
Outre cet élargissement de la compétence du CESE au domaine environnemental, le projet de loi organique que nous sommes appelés à adopter aujourd’hui tend, d’une part, à modifier son fonctionnement pour le rendre plus proche du Parlement et, d’autre part, à modifier sa composition pour qu’il soit plus représentatif de la population active française.
La prise en compte tant des évolutions de la société française que de l’hétérogénéité de cette dernière a été au centre de notre réflexion dans le cadre de cette réforme afin de faire du CESE une véritable institution démocratique ayant pour vocation de donner son avis sur les politiques publiques.
Le CESE comptera 233 membres et sera structuré en trois grands pôles : le pôle économique, avec 140 membres, le pôle social, composé de 60 membres, et le pôle environnemental, nouvellement créé, avec 33 membres.
Ainsi, l’environnement devient le troisième pilier du CESE. La saisine de ce dernier est automatique sur « tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental ». C’est une bonne chose !
Ensuite, les possibilités de saisine sont élargies aux citoyens et aux membres de nos assemblées parlementaires. Ce faisant, le projet de loi organique instaure des liens plus étroits entre le Parlement et le Conseil économique qui devient plus accessible à nos concitoyens.
En outre, la question de la représentativité du Conseil est pour nous essentielle. Ainsi, plusieurs dispositions modifiant la composition du Conseil permettent d’améliorer les choses.
D’abord, afin de parvenir à un rééquilibrage entre les différentes catégories représentées, il fallait accepter de diminuer la représentation de catégories existantes ou encore d’en supprimer d’autres. C’est afin d’obtenir une proposition en phase avec les réalités sociologiques de la société française que les jeunes seront représentés au sein du Conseil ou que la représentation des professions libérales, des associations et fondations sera renforcée.
Dans cette même logique, le projet de loi tient compte du fait que les femmes ne correspondent qu’à 22 % des effectifs du Conseil, alors qu’elles représentent la moitié de la population active. Il était important d’inscrire dans ce texte la parité pour la désignation des membres du Conseil.
Par ailleurs, afin de maintenir la représentation des entreprises publiques, il fallait réserver à ces dernières deux des dix sièges dévolus à des personnalités qualifiées dans le domaine économique. C’est là l’un des autres apports de la Haute Assemblée, et nous nous en félicitons.
Je me réjouis tout particulièrement de la modification du texte par le Sénat afin qu’une personnalité représente les activités économiques françaises à l’étranger. La suppression de la représentation des Français de l’étranger au sein du Conseil a été justifiée par le fait que, en tant que représentants des Français établis hors de France, nous disposons de notre propre assemblée, et que, à compter de 2012, onze députés représenteront les Français de l’étranger.
Cependant, le Conseil économique assure la participation et la collaboration à la politique du Gouvernement des différents acteurs de la vie économique, sociale et environnementale du pays. C’est à ce titre que les Français de l’étranger y sont représentés depuis 1984. Or, il y a aujourd’hui presque trois fois plus de Français établis hors de France qu’en 1984. C’est pourquoi il était essentiel, à l’heure de la mondialisation, alors que le commerce extérieur fait vivre un Français sur quatre, que les Français expatriés aient leur place dans l’assemblée représentant les forces vives de la nation.
Enfin, je souhaite souligner l’excellent travail de notre rapporteur, Jean-Pierre Vial, sur l’initiative duquel deux modifications majeures ont permis de pallier les lacunes du dispositif voté à l’Assemblée nationale.
D’une part, les échanges du Conseil économique, social et environnemental avec ses homologues régionaux, européens et étrangers, sont désormais explicitement reconnus et promus.
D’autre part, une procédure de consultation en urgence du Conseil économique, social et environnemental, par le Gouvernement ou par une assemblée, a été prévue. C’était indispensable pour combler le décalage pouvant exister entre le temps du Conseil et le temps politique.
Au vu de toutes ces remarques, le groupe UMP votera le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’évidence, ce texte améliore le rôle comme la composition du Conseil économique, social et environnemental, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Renforcer la place de cette assemblée dans l’ensemble institutionnel est une bonne chose. Cela lui donnera plus de moyens, plus de compétences, plus de pouvoirs, et l’on peut s’en réjouir.
La composition du Conseil a été rénovée. Nous sommes arrivés, après des discussions très difficiles – mais cela peut se comprendre –, à un équilibre que j’approuve. Mais j’aurais pour ma part préféré un équilibre un peu plus… équilibré. (Sourires.)
Nous verrons à l’avenir ce que cela va donner. Ouvrir cette assemblée à l’environnement est une excellente chose. Cela se fait-il dans des proportions paraissant justes ? Nous verrons à l’usage. En effet, il ne faut pas oublier que le Conseil économique et social, autrefois, représentait les forces vives de la nation, et que le Conseil économique, social et environnemental va continuer à les représenter sous une autre forme.
Cependant, il ne faudrait pas que les forces vives, au lien d’être transcendées, soient au contraire amoindries par certaines positions, parfois difficiles à comprendre.
L’expérience nous montrera ce qu’il en est, mais le défi valait la peine d’être relevé. Je voterai donc, comme mes collègues de l’UMP, le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12 du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 205 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 185 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 93 |
Pour l’adoption | 185 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi organique est adopté définitivement.
3
Agents sportifs
Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à encadrer la profession d’agent sportif (proposition n° 364, texte de la commission n° 464, rapport n° 463).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la Haute Assemblée est saisie en deuxième lecture de la proposition de loi, déposée le 6 mai 2008 par le sénateur Jean-François Humbert, visant à encadrer la profession d’agent sportif.
Je tiens tout d’abord à remercier M. Humbert, à l’origine du dépôt de cette proposition de loi, M. Pierre Martin, qui en est le rapporteur, M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi que l’ensemble des sénateurs ayant contribué à ce texte.
Cette proposition de loi paraît plus que jamais adaptée aux enjeux qui concernent le sport professionnel, fragilisé dans toute l’Europe par la crise financière, une crise qui rend d’autant plus insupportables, économiquement et éthiquement, certaines dérives du sport professionnel : je pense à la traite des mineurs sportifs ; je pense à la violence, aux incivilités et aux discriminations ; je pense à la voltige financière à laquelle se prêtent certains clubs, géants aux pieds d’argile, qui creusent leur dette pour acheter les superstars qui marqueront à crédit ; je pense à la rapidité de certains transferts extravagants, qui transforment les clubs en supermarchés et les joueurs en marchandises.
Aux dérives éthiques, nous devons opposer les valeurs et l’exemplarité. Aux dérives économiques, nous devons opposer le fair-play financier et la régulation.
C’est le sens de mon action politique, le sens aussi du message que je porte auprès de la Commission européenne, depuis que le traité de Lisbonne a fait du sport une compétence d’appui de l’Union européenne.
C’est aussi l’objectif de ce texte, qui vise à renforcer la moralisation et la transparence d’une activité souvent stigmatisée comme étant au cœur des dérives fragilisant et dénaturant le sport.
Le dépôt par M. Humbert de cette proposition de loi a permis de synthétiser des réflexions venues d’horizons divers.
Personne ne manque d’idées, quelquefois contradictoires, sur les agents sportifs. L’un des mérites de la proposition de loi est d’avoir une approche cohérente et réaliste du sujet, nourrie par de multiples travaux émanant tant du mouvement sportif que de l’administration et des parlementaires.
Ainsi, à la suite d’une mission d’inspection du ministre de l’économie et du ministre chargé des sports, des travaux visant à modifier ce cadre législatif ont été engagés par le ministère des sports et par le Comité national olympique et sportif français. Le rapport rendu par le député Dominique Juillot en février 2007 a également constitué une source importante de propositions.
Ces travaux ont permis de montrer que les dispositions figurant dans le code du sport, encore trop complexes et lacunaires, permettaient bon nombre de dérives et de malversations, lesquelles ont été mises en évidence, notamment, par le rapport du Groupe d’action financière, en 2009. Ces dérives, souvent médiatisées, ternissent l’image de cette activité et, au-delà, de tout le sport professionnel.
Face à cela, les dispositions contenues dans la proposition de loi répondent pleinement aux objectifs de moralisation et de transparence en matière d’accès, d’exercice et de contrôle de la profession.
En ce qui concerne l’accès à la profession d’agent sportif, plusieurs dispositions me paraissent particulièrement importantes.
Tout d’abord, la suppression de la délivrance de la licence d’agent sportif aux personnes morales permettra de mieux identifier la personne qui peut exercer cette profession.
Ensuite, les incompatibilités sont renforcées afin d’éviter les conflits d’intérêts entre les agents et les autres acteurs du sport et d’empêcher les pratiques de rétrocommissions et de surcommissions. Une « étanchéité juridique » est établie entre l’activité d’agent sportif et celle d’autres acteurs du sport, notamment les dirigeants et les actionnaires des clubs, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives.
Enfin, les incapacités, qui étaient lacunaires, sont élargies. Le dispositif issu des travaux de l’Assemblée nationale calque le régime des incapacités applicables aux agents sur celui d’autres professions réglementées telles que les avocats ou les administrateurs judiciaires : cela permettra d’assurer une sécurité juridique maximale. De plus, les fédérations auront à leur disposition le bulletin n°2 du casier judiciaire afin de s’assurer que l’agent ne contrevient pas à cette liste d’incapacités.
Pour ce qui concerne l’exercice de la profession d’agent sportif, plusieurs inflexions importantes par rapport au dispositif actuel sont contenues dans la proposition de loi.
Je souhaiterais d’abord évoquer la question, sensible, de la rémunération des agents sportifs. Les débats sont vifs sur le sujet, mais une approche réaliste et objective montre qu’un changement était nécessaire.
Actuellement, un agent ne peut être rémunéré que par la personne qui le mandate. Cette obligation se trouve très souvent contournée pour permettre la rémunération des agents par les clubs, alors même qu’ils sont mandatés par les sportifs. Dans les faits, les sportifs s’abstiennent, dans la plupart des cas, de contracter avec un agent.
Cette situation n’est pas de nature à assurer la transparence des opérations de placement des sportifs. Elle empêche en outre l’agent d’accompagner le sportif dans tous les aspects de la gestion de son parcours, sportif et extrasportif, notamment dans la préparation de sa reconversion.
Il s’agit non de valider des pratiques existantes, mais de donner plus de rigueur aux relations contractuelles entre les sportifs, les agents et les clubs. Ces contrats devront être transmis à la fédération et préciser les modalités de rémunération de l’agent et la partie au contrat qui le rémunère.
Le dispositif, ainsi mieux encadré, permettra à l’agent d’être rémunéré par l’une des parties au contrat relatif à l’exercice d’une activité sportive, quelle que soit celle qui lui a demandé de les mettre en rapport. En pratique, le club rémunère les agents sportifs alors même que ceux-ci agissent pour le compte du joueur.
Ce principe de droit commun ne fait que reprendre les usages en vigueur dans bon nombre de secteurs, notamment dans les secteurs artistique et immobilier où le paiement est traditionnellement mis à la charge de celui qui verse la somme prévue au contrat, et donc à la charge de l’acheteur ou, comme en l’espèce, de l’employeur.
La rémunération de l’agent restera limitée à 10 % du montant des contrats conclus, mais les contrats de transfert sont inclus dans ce calcul. De plus, l’agent sportif ne pourra pas percevoir de rémunération avant d’avoir transmis son contrat à la fédération. Là encore, ces mesures assureront un meilleur encadrement de l’activité d’agent.
Le dispositif applicable pour les mineurs est par ailleurs renforcé. Vous savez l’importance que j’accorde à ce sujet. Ce sont tous les contrats relatifs à l’exploitation de l’image et du nom d’un sportif mineur qui sont visés par la proposition de loi. Les sanctions pénales sont également alourdies.
Par ailleurs, la définition de la profession d’agent sportif n’englobait pas l’activité d’agent d’entraîneur. Une évolution de la législation sur ce point était donc indispensable, de manière à encadrer les opérations de placement d’entraîneurs par les agents sportifs. L’actualité récente montre la nécessité d’une telle disposition.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en viens maintenant aux aspects de la proposition de loi relatifs au contrôle de la profession, qui repose sur deux piliers indissociables : l’implication des fédérations, d’une part, et la répression pénale, d’autre part.
Les pratiques frauduleuses doivent faire l’objet de toutes les attentions ; c’est pourquoi les sanctions pénales sont renforcées. Les agents sportifs qui exercent dans l’illégalité et au mépris de toutes les règles relèvent du juge pénal.
L’exercice illégal de la profession d’agent sportif est donc puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Le montant de l’amende peut même être porté au-delà, jusqu’au double des sommes indûment perçues.
Cette notion d’exercice illégal de la profession d’agent sportif est volontairement rendue plus large : exercice de l’activité d’agent sportif sans licence, exercice rémunéré de l’activité d’agent sportif pour le compte d’un mineur, non-respect des dispositions relatives aux incapacités et aux incompatibilités.
Ce volet répressif et pénal n’est toutefois pas suffisant.
C’est pourquoi le rôle des fédérations dans le dispositif est essentiel. La proposition de loi prévoit qu’un contrôle annuel de l’activité de l’agent sera effectué par celles-ci, contrôle qui s’accompagnera notamment de la transmission des documents comptables. De plus, les contrats d’agent ainsi que les contrats relatifs à l’exercice rémunéré d’une activité sportive seront transmis à la fédération.
Les modifications introduites lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale répondent également aux objectifs de moralisation et de transparence auxquels je vous sais attachés. Je citerai à cet égard deux exemples.
Tout d’abord, la publication de la liste des agents sportifs et celle des sanctions prises par les fédérations dans l’exercice de leur pouvoir de contrôle constituent d’excellentes mesures propres à contribuer au renforcement de la transparence du dispositif.
Ensuite, l’aggravation des sanctions pénales pour ceux qui tenteraient d’exercer cette profession contre rémunération auprès de mineurs constitue également une avancée importante.
Je veille en outre à relayer ces objectifs de moralisation et de transparence aux niveaux européen et international.
Au niveau européen, j’ai tenu à ce que la régulation du sport professionnel, en particulier celle de la profession d’agent sportif, soit l’un des sujets abordés dans le cadre du premier conseil des ministres européens des sports, qui s’est tenu à Bruxelles le 10 mai dernier, sous présidence espagnole. Je continuerai à veiller tout particulièrement, dans ce cadre, à ce que l’objectif de moralisation du sport professionnel soit davantage pris en compte par la Commission européenne et par l’ensemble de nos partenaires.
Au niveau international, la proposition de loi est pleinement cohérente avec le mécanisme de « licence club » prévu par l’UEFA, ainsi qu’avec le dispositif appliqué par les fédérations internationales, notamment la FIFA, compétentes en la matière.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je prends l'engagement devant vous de veiller à ce que le travail d’élaboration des textes réglementaires nécessaires à l’entrée en application de certaines dispositions soit accompli avec une particulière diligence, afin que le nouveau dispositif puisse être totalement opérationnel à très brève échéance.
Je sais également pouvoir compter sur les fédérations sportives, une fois les décrets d’application parus, pour adapter les règlements qu’elles édictent en la matière et contrôler de manière efficace cette profession. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)