Sommaire
Présidence de Mme Monique Papon
Secrétaires :
MM. François Fortassin, Philippe Nachbar.
2. Conseil économique, social et environnemental. – Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : MM. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire ; Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement.
MM. Simon Sutour, Jacques Mézard, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Richard Yung, François Fortassin.
Clôture de la discussion générale.
Texte de la commission mixte paritaire
MM. Christophe-André Frassa, Christian Cointat.
Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi organique.
3. Agents sportifs. – Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Discussion générale : Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports ; M. Pierre Martin, rapporteur de la commission de la culture.
MM. Jean-Jacques Lozach, Jean-Pierre Plancade, Jean-François Voguet, Yves Pozzo di Borgo, Pierre Bordier.
Clôture de la discussion générale.
Amendement n° 5 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-Jacques Lozach, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, Serge Lagauche. – Rejet.
Amendement n° 4 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jacques Berthou, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 6 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-Jacques Lozach, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements identiques nos 1 de M. Jean-François Voguet et 7 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-François Voguet, Serge Lagauche, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État, M. Jean-Jacques Lozach. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 8 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-Jacques Lozach, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 9 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-Jacques Lozach, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 18 de M. Jean-Jacques Lozach. – Devenu sans objet.
Amendement n° 10 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-Jacques Lozach, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 11 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Serge Lagauche, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements identiques nos 3 de M. Jean-François Voguet et 12 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-François Voguet, Jean-Jacques Lozach,
Amendement n° 13 de M. Jean-Jacques Lozach. – M. Jean-Jacques Lozach.
M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 3, 12 et 13.
Amendement n° 14 de M. Jean-Jacques Lozach. – M. Serge Lagauche.
Amendement n° 2 de M. Jean-François Voguet. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
M. le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 14 et 2.
Amendement n° 15 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-Jacques Lozach, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 16 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-Jacques Lozach, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 1er
Amendement n° 17 de M. Jean-Jacques Lozach. – MM. Jean-Jacques Lozach, le rapporteur, Mme la secrétaire d'État. – Rejet.
MM. Jean-Pierre Plancade, Jean-François Voguet, Jean-Jacques Lozach.
Adoption définitive de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
4. Création des maisons d'assistants maternels. – Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Discussion générale : MM. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jean Arthuis, Mme Claire-Lise Campion, M. Jean-Claude Carle, Mme Françoise Laborde.
M. le secrétaire d'État.
Clôture de la discussion générale.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. le rapporteur.
Amendement no 1 rectifié de Mme Claire-Lise Campion. – Mme Claire-Lise Campion, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean Arthuis.
Mme Claire-Lise Campion. – Rejet.
Amendement no 2 rectifié de Mme Claire-Lise Campion. – MM. Yves Daudigny, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement no 3 rectifié de Mme Claire-Lise Campion. – MM. Yves Daudigny, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement no 4 rectifié de Mme Claire-Lise Campion. – Mme Claire-Lise Campion, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement no 5 rectifié de Mme Claire-Lise Campion. – Mme Claire-Lise Campion, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement no 6 rectifié de Mme Claire-Lise Campion. – MM. Yves Daudigny, le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean Arthuis. – Rejet.
Amendement no 7 rectifié de Mme Claire-Lise Campion. – MM. Yves Daudigny, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Adoption de l'article.
Articles 1er bis, 3, 5 et 6 bis à 6 quater. – Adoption
Mmes Catherine Procaccia, Claire-Lise Campion, MM. François Fortassin, Jean Arthuis.
Adoption définitive de la proposition de loi.
M. le président.
5. Tarif réglementé d'électricité. – Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture (Texte de la commission)
Discussion générale : Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ; M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission de l’économie.
Mme Odette Terrade, MM. Jean-Claude Merceron, Daniel Raoul, François Fortassin, Mme Catherine Procaccia.
Mme la secrétaire d'État.
Clôture de la discussion générale.
Adoption définitive de l’article unique de la proposition de loi.
6. Grand Paris. – Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
Discussion générale : M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale.
Mme Éliane Assassi, M. Yves Pozzo di Borgo, Mmes Nicole Bricq, Françoise Laborde, MM. Jacques Gautier, Christian Cambon, Bernard Vera, Serge Lagauche.
Clôture de la discussion générale.
Texte de la commission mixte paritaire
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Laurent Béteille.
Adoption définitive, par scrutin public, du projet de loi.
7. Modification de l’ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de Mme Monique Papon
vice-présidente
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Conseil économique, social et environnemental
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental (n° 462).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à voter le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, le CESE, après qu’a été adoptée la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a engagé la transformation de cette institution.
Le projet de loi organique procède à une véritable refondation du Conseil économique et social, dont les relations avec le Parlement demandaient à être renforcées et réaffirmées en sa qualité de troisième chambre au sens même de la Constitution.
L’article 1er du projet de loi organique pose clairement l’objet même du Conseil économique, social et environnemental en en rappelant les missions. Il dispose que le Conseil « assure leur participation à la politique économique, sociale et environnementale de la nation » et qu’« il examine les évolutions en matière économique, sociale ou environnementale et suggère les adaptations qui lui paraissent nécessaires ».
Nous avions entièrement souscrit à la volonté de l’Assemblée nationale de rétablir le fait que le Conseil doit favoriser la collaboration des principales activités du pays afin d’assurer une plus forte participation aux politiques mises en œuvre.
L’article 3 conforte ce rôle, considérant que le Conseil peut « appeler l’attention du Gouvernement et du Parlement sur les réformes qui lui paraissent nécessaires ».
Nous nous trouvons ainsi au cœur de l’équilibre des rôles entre les missions qui relèvent du Conseil économique, social et environnemental et les pouvoirs des assemblées parlementaires qui disposent désormais de la possibilité de le consulter.
Cet équilibre se trouve bien évidemment renforcé par la faculté donnée à nos concitoyens de saisir le Conseil économique, social et environnemental par voie de pétition. Sur ce point, monsieur le ministre, vous savez l’intérêt que nous portons à ce que le contrôle des signatures puisse s’effectuer par échantillonnage tout en prévoyant que l’avis soit rendu dans un délai maximum d’une année.
Pour favoriser la saisine du Conseil, le Sénat a souhaité renforcer et élargir la procédure d’urgence relative aux avis demandés au Conseil économique, social et environnemental.
S’agissant de la représentativité, le projet de loi organique, par référence au principe de parité, assure une meilleure prise en compte de la représentation des femmes et l’ouverture aux associations environnementales en même temps que la représentation des jeunes et des étudiants, en abaissant de vingt-cinq ans à dix-huit ans l’âge requis pour siéger au Conseil.
Tout en conservant l’équilibre de la répartition entre catégories adoptée par l’Assemblée nationale, le Sénat a tenu à procéder à un fléchage de certaines personnalités qualifiées. Ce fléchage permet d’enrichir la composition du Conseil en réintroduisant la représentation des entreprises publiques, la représentativité des activités économiques françaises à l’étranger – c’est une demande des sénateurs représentant les Français de l’étranger – et en associant au collège environnemental une représentation des entreprises qui sont au cœur de ces enjeux.
Votre rapporteur avait d’ailleurs proposé que les personnalités qualifiées soient désignées par tiers par le Président de la République et par chacun des présidents des deux assemblées. Mais, monsieur le ministre, vous avez convaincu le Sénat que la nomination des personnalités qualifiées devait être appréciée globalement et qu’il convenait, pour ce faire, que ce choix relève d’une autorité unique.
Enfin, il est un point qui, malgré tout, reste quelque peu en suspens ou, plus précisément, qui est différé. C’est celui de la représentativité, qui est vraisemblablement l’objet d’une des critiques les plus anciennes et les plus importantes opposées au Conseil économique et social.
Le projet de loi organique devait d’abord intégrer à effectif constant les acteurs du monde environnemental afin que puisse être créé un troisième pôle au sein du CESE ; mais la loi du 20 d’août 2008, qui a réformé les critères de représentativité des syndicats, ne prendra effet qu’en 2014. Il n’était dès lors pas possible d’aller plus loin dans la réforme de la composition du CESE sans déséquilibrer brutalement cette institution.
Néanmoins, il est nécessaire que le problème de la représentativité des membres du CESE soit à terme pris en compte par le législateur. C’est l’objet de l’article 8 bis A par lequel le Sénat a introduit la clause de revoyure qui permettra d’évaluer la pertinence de la composition du CESE tous les dix ans et pour la première fois dès 2014.
Au-delà de la discussion qui a eu lieu en commission mixte paritaire sur la nature du dispositif proposé, je me félicite de l’identité de vues des membres de cette dernière sur ce point important, dont la mise en œuvre relève de la responsabilité du Gouvernement.
La refondation entreprise donne au CESE les outils institutionnels lui permettant de jouer pleinement le rôle qu’a entendu lui donner la réforme constitutionnelle de 2008 pour autant que l’on voudra en faire vivre l’esprit.
Le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, tel qu’il résulte des travaux de la commission mixte paritaire, est un texte équilibré au regard des attentes et des ambitions placées dans ce nouveau Conseil. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de l’adopter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi organique assure la pleine transformation du Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental, et sa revalorisation, déjà engagée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Le texte adopté par la commission mixte paritaire est le résultat d’un travail parlementaire approfondi, conduit dans un esprit de dialogue et de responsabilité.
Je dois saluer la qualité des débats auxquels il m’a été donné de participer, tout particulièrement au Sénat, débats qui ont permis d’aboutir à un texte équilibré, comme M. le rapporteur l’a lui-même souligné à l’instant.
Je tiens tout particulièrement à remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, et le rapporteur, M. Jean-Pierre Vial, de leur contribution tout à fait éminente et décisive à l’élaboration de solutions pouvant faire l’objet d’un large consensus.
La principale difficulté de ce texte résidait dans la recomposition nécessaire du Conseil. La modification de la composition, réalisée à effectif constant – cela a été dit à de nombreuses reprises –, devait traduire de façon adéquate la nouvelle compétence environnementale du Conseil. Elle devait également tenir compte des transformations de la société française afin de garantir la représentativité de l’institution.
La nouvelle composition proposée par le Gouvernement reposait sur un équilibre fragile, difficilement acquis. Le Sénat, comme l’Assemblée nationale, a pris soin de préserver cet équilibre, et je tiens à lui exprimer la vive gratitude du Gouvernement.
Comme cela a également été rappelé, la Haute Assemblée a souhaité enrichir la composition du Conseil, et la commission mixte paritaire a retenu le système de fléchage des personnalités qualifiées mis en place à cet effet. Les entreprises publiques, les activités économiques françaises à l’étranger, l’économie verte, le logement social, les retraités trouveront ainsi désormais une représentation dans les différents contingents de personnalités qualifiées.
L’institution d’une clause de revoyure répond, en outre, au souci de la Haute Assemblée de garantir durablement la représentativité du nouveau Conseil économique, social et environnemental.
Par ailleurs, le projet de loi organique tend à adapter le fonctionnement du Conseil afin de tirer toutes les conséquences de la révision constitutionnelle. Le travail d’actualisation de l’ordonnance de 1958 mené par le Gouvernement a été amélioré par l’Assemblée nationale. Plusieurs dispositions innovantes ont aussi été adoptées pour renforcer la dynamique de la réforme. La commission mixte paritaire a ainsi retenu, sur l’initiative du Sénat, la création d’une procédure de consultation en urgence ou la fixation d’un délai maximum pour rendre un avis sur une pétition.
Enfin, le projet de loi organique précise les conditions de consultation du Conseil économique, social et environnemental par le Parlement et celles de sa saisine par voie de pétition. Ces nouvelles voies de saisine, instaurées par la Constitution révisée, sont largement ouvertes par le texte, tout en préservant le Conseil d’excès qui seraient préjudiciables à la réalisation de sa mission et à la qualité de ses travaux. Répondant à un souci d’équilibre, ces dispositions ont été adoptées conformes par les deux assemblées.
Ainsi, après un examen minutieux par les deux chambres du Parlement, le projet de loi organique me paraît pleinement répondre à l’ensemble des objectifs fixés par le constituant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’adoption de ce projet de loi organique sera un moment majeur dans la vie du Conseil économique, social et environnemental. Plus représentatif et donc plus légitime, modernisé et donc plus efficace, le Conseil pourra prendre toute sa place au cœur de nos institutions et de notre société. Sa contribution sera attendue pour permettre à notre démocratie de faire face aux défis majeurs de notre temps. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ultime étape de la réforme du Conseil économique, social et environnemental, cette séance relative aux conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 18 mai dernier me donne l’occasion de rappeler ici un certain nombre de nos positions, lesquelles n’ont été que partiellement prises en considération. Il faut toutefois noter que le travail des deux assemblées a largement permis d’améliorer le texte présenté par le Gouvernement.
Je tiens à saluer le courage de M. le rapporteur de la commission des lois, Jean-Pierre Vial, qui a pris des positions intéressantes sur de nombreux points de cette réforme, notamment sur le droit de pétition ou sur la nomination des personnalités qualifiées. Ses positions, qui, souvent, n’étaient pas très éloignées des nôtres, n’ont malheureusement pas été toujours soutenues par la majorité sénatoriale.
Hormis quelques ajustements d’ordre rédactionnel, le texte découlant de la commission mixte paritaire est en tout point similaire à celui que nous avons voté en séance publique le 5 mai dernier. Les sénateurs socialistes ont néanmoins permis de maintenir lors de la commission mixte paritaire des dispositions jugées utiles que les députés souhaitaient supprimer. Je pense à la clause de revoyure.
Mon analyse sera donc en tout point conforme à celle que j’ai déjà pu défendre : le texte permet certes un certain nombre d’avancées, mais il me laisse toutefois de nombreux regrets.
En ce qui concerne les avancées, la commission mixte paritaire n’a pas modifié, grâce à l’appui des sénateurs socialistes, l’article 8 bis A relatif à la clause de revoyure. Cet article tend à prévoir la remise d’un rapport au Parlement, afin que les assemblées puissent être saisies de l’évolution de la composition du CESE tous les dix ans, avec une première mise en œuvre dans quatre ans. Vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur, il s’agit d’une avancée importante, que nous devons au Sénat.
La commission mixte paritaire, à l’instar du Sénat, n’a également pas remis en cause l’apport de l’Assemblée nationale concernant la représentation du mouvement coopératif agricole. C’est un signal fort envoyé à destination du monde agricole, qui connaît une crise aiguë.
Du côté des regrets, nos propositions visant à améliorer la représentation des Français de l’étranger, des acteurs du logement social et des représentants des entreprises publiques n’ont pas été retenues.
Nous n’avons pas été suivis non plus sur la mise en œuvre d’une stricte parité entre les hommes et les femmes, sur la nomination des personnalités qualifiées ou encore sur la suppression des personnalités associées.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des articles du projet de loi. S’il convient de reconnaître que, à l’issue de cette réforme, le fonctionnement du CESE sera largement amélioré, la réforme est pour le moins timide s’agissant de la répartition et de la nomination de ses représentants.
Sur la représentation, bien que celle-ci ne soit plus figée puisqu’il pourra y avoir des ajustements périodiques pour tenir compte de l’évolution des différentes composantes de la société française, je m’étonne que n’ait pas été saisie l’opportunité qui nous a été donnée d’avoir, dès aujourd’hui, un CESE vraiment représentatif.
En effet, nos propositions dans ce domaine allaient dans le bon sens, notamment celles qui sont relatives à la représentation des Français de l’étranger, telles qu’elles ont été défendues par notre collègue Richard Yung, ou encore celles, pourtant des plus mesurées, qui portent sur la représentation des entreprises publiques.
Sur les articles 6 et 9 bis relatifs respectivement à la parité et à l’amélioration de la prise en compte de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, là encore, nos propositions n’ont pas été retenues. Je reste pourtant persuadé qu’il sera nécessaire, à moyen terme, de procéder à des ajustements sur ces deux points.
Enfin, de manière plus générale, deux points essentiels du projet de loi tel qu’il nous est présenté aujourd’hui sont pour le moins problématiques et viennent entacher assez gravement la portée de cette réforme : il s’agit de la désignation des personnalités qualifiées et de la non-suppression des personnalités associées.
Lors des débats en commission des lois, le rapporteur a retiré son amendement relatif à la désignation des personnalités qualifiées du CESE par tiers, par le Président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale. Pour cette raison, nous avions déposé en séance publique un amendement identique, qui n’a pas été retenu.
Outre l’extension des attributions du CESE au domaine environnemental et son rapprochement des citoyens grâce à la saisine par voie de pétition, l’objectif majeur de la réforme était bien évidemment de renforcer les liens avec le pouvoir législatif. Sur ce dernier point, force est de constater que la réforme n’est pas aboutie.
Pour conclure, je souhaite exprimer mon profond regret en ce qui concerne l’article 9, relatif aux personnalités associées : notre amendement visant à supprimer cette catégorie de membres non titulaires discrétionnairement nommés par le Gouvernement n’a pas été adopté. La suppression de cet anachronisme aurait fait honneur à notre assemblée et mis fin à des pratiques d’une autre époque.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu des éléments que je viens de développer, le groupe socialiste s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier M. le rapporteur de la qualité de son travail et de sa volonté de faire évoluer positivement le Conseil économique, social et environnemental.
Conséquence de la procédure accélérée engagée par le Gouvernement, le projet de loi organique relatif au CESE nous revient aujourd’hui après une seule lecture dans chaque assemblée. Le cheminement du texte illustre, une fois de plus, la surcharge du calendrier parlementaire. Ce projet de loi organique ne déroge malheureusement pas à ce qui est en passe de devenir la norme.
En effet, bien qu’il ait été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 25 août 2009 et qu’il fasse l’objet d’une procédure accélérée, il aura fallu attendre plus de huit mois pour qu’il soit discuté par nos collègues députés, la priorité ayant été donnée à d’autres textes médiatiques. Il aura ensuite été débattu en un mois successivement à l’Assemblée nationale, au Sénat et en commission mixte paritaire. Reconnaissons, mes chers collègues, que tout cela n’est pas d’une grande logique !
Ce projet de loi organique, qui permet une évolution, et non une révolution,…
M. Henri de Raincourt, ministre. Effectivement, car on ne sait jamais comment finit une révolution ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. … contient des éléments qui nous paraissent positifs. Notre groupe s’abstiendra ou votera le texte, mais, en tout état de cause, aucun de ses membres ne s’y opposera.
Sur le fond, les conclusions de la commission mixte paritaire s’inscrivent dans le droit fil des discussions auxquelles a donné lieu l’examen du projet de loi organique devant la Haute Assemblée. Certaines des dispositions qui avaient été adoptées ici ont ainsi été conservées : la procédure de consultation en urgence, l’encadrement de la procédure d’avis sur les pétitions, l’obligation de prendre en compte, le cas échéant, les avis du CESE dans les études d’impact annexées aux projets de loi. Nous en prenons acte, et nous en sommes satisfaits.
Nous nous félicitons également qu’ait été retenue, après quelques débats, la proposition de notre rapporteur, votée par le Sénat, tendant à obliger le Gouvernement à envisager périodiquement la révision de la composition du CESE, afin de garantir le maintien d’une réelle représentativité de cette institution. Le Sénat avait choisi de prévoir la remise d’un rapport suivie d’un débat, seul moyen envisageable de s’assurer que ce point soit évoqué tous les dix ans.
Nous le savons tous, depuis la création du Conseil, la question de la représentativité des membres de ce dernier constitue un point d’achoppement. Elle avait déjà été soulevée en 1963 et, avant la discussion du présent projet de loi organique, une seule réforme était intervenue, en 1984.
Nous espérons que la clause décennale de revoyure ainsi introduite permettra de prévenir la sédimentation et l’immobilisme éventuel du CESE, afin de garantir que sa composition reflète au mieux l’image du monde économique, social et environnemental de notre pays. Le CESE doit devenir une institution à l’expertise solide et diversifiée, ce qui est loin d’être compatible avec le processus actuel de choix des heureux désignés.
Néanmoins, aussi bien les débats en première lecture que ceux de la commission mixte paritaire n’ont pas permis de régler un certain nombre de problématiques que nous évoquions ici même le 5 mai dernier.
En premier lieu, subsiste le problème – c’en est bien un, en effet, comme notre collègue Simon Sutour vient de le rappeler – des conditions de nomination des 72 membres de section associés désignés par le Premier ministre. Nous demeurons opposés au principe même de ce train de nomination, qui répond le plus souvent à des considérations trop peu transparentes – ou elles le sont trop justement ! – et pas toujours conformes à l’intérêt général et au niveau d’expertise qui devrait être requis pour devenir membre du Conseil.
Le rapport Chertier de 2002 évoquait déjà en des termes peu amènes l’inutilité de ces conseillers dont l’existence menace l’équilibre, déjà fragile, de l’institution. Nous n’avons pas du tout été convaincus par l’argumentation qui nous a été opposée par le Gouvernement, pour lequel le choix des personnalités qualifiées doit être apprécié globalement et, en conséquence, être effectué par une autorité unique.
Dès lors, et puisque rien n’a changé sur ce point, nous persistons à penser que le maintien de ces conseillers nommés de façon discrétionnaire constitue une survivance fort regrettable. De la sorte, nous ne contribuons pas à doter le CESE de la crédibilité et de la légitimité qu’il recherche pour trouver enfin une place solide dans notre paysage institutionnel.
En second lieu, nous regrettons le compromis auquel est parvenue la CMP à l’article 6 sur la représentation des entreprises publiques parmi les personnalités qualifiées du secteur économique. Actuellement représentées par dix conseillers, les entreprises publiques ne le seront plus que par deux représentants, alors que leur importance est majeure dans notre pays.
Le Sénat avait d’ailleurs initialement prévu, sur l’initiative de notre rapporteur et à l’unanimité de notre commission, me semble-t-il, de porter ce chiffre à trois, pour permettre la représentation des activités économiques françaises à l’étranger. Ce compromis aboutit au final à une sous-représentation des entreprises publiques, face aux vingt-sept représentants des entreprises privées, industrielles, commerciales et de services. Nous regrettons ce déséquilibre.
En troisième lieu, et en conclusion, nous constatons que le dispositif de saisine du CESE par le Parlement, rendu possible par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, est resté en l’état. En limitant ce droit de saisine, malgré d’autres avancées comme les pétitions, le texte introduit un filtrage qui réserve, de fait, un droit de veto à la majorité. Il est dommage qu’un effort n’ait pas été fait sur cette question.
Si le CESE doit avoir une efficacité dans nos institutions, c’est par la qualité de son expertise (M. le ministre acquiesce.), laquelle passe, bien évidemment, par la compétence et l’expérience des hommes amenés à y siéger.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jacques Mézard. En tout état de cause, les conclusions de la commission mixte paritaire n’ont pas levé tous les doutes qui étaient les nôtres en première lecture. Dans ces conditions, les membres de notre groupe confirmeront leur vote, les uns s’abstenant, les autres votant en faveur du texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l’avons dit lors de l’examen du projet de loi organique, comme d’ailleurs lors de la révision constitutionnelle, la réforme du Conseil économique et social et sa transformation en Conseil économique, social et environnemental nous paraissent tout à fait opportunes. Nous sommes bien entendu favorables à la consultation de ce conseil par le Parlement et à sa saisine par les citoyens. Un certain nombre d’évolutions positives sont donc à noter.
Nous avons cependant émis des critiques sur la nomination par le pouvoir exécutif des personnalités qualifiées, dont on ignore la nature des qualifications requises, sur la suppression des représentants des entreprises publiques, sur l’absence de représentant des organismes du logement social, sur la diminution de la représentation du monde agricole, enfin et surtout sur l’absence de changement véritable quant à la prise en compte des avis du Conseil économique, social et environnemental.
Nous avions présenté des amendements correspondant à ces remarques lors de l’examen de ce texte, mais ils n’ont pas été retenus. Le texte issu de la commission mixte paritaire diffère peu de celui qui a été adopté par le Sénat.
Je le répète, les inflexions au texte initial apportées par le Sénat et par la commission mixte paritaire sont plutôt positives : l’ajout d’un représentant du logement social, qui comble une lacune importante, la procédure de saisine d’urgence du CESE, la possibilité de contester la nomination d’un membre devant le Conseil d’État, la clause de revoyure.
Reste que les raisons pour lesquelles nous nous étions abstenus demeurent. Elles tiennent principalement à la sous-représentation des entreprises publiques – même si la représentation de celles-ci a été rétablie, le fait de limiter le nombre de leurs représentants à deux nous paraît sous-estimer la place des entreprises publiques et du service public dans ce pays –, au système de nomination des personnalités qualifiées, qui montre la toute-puissance de l’exécutif et son pouvoir discrétionnaire, et à l’absence de réel dispositif de suivi des avis du Conseil économique, social et environnemental.
Certes, le CESE s’étoffe et prend mieux en compte la réalité sociale, mais ses avis continueront à ne pas avoir beaucoup d’effet, ce qui est regrettable.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons à nouveau sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à dire que nous discutons aujourd’hui d’un texte amélioré, à la suite de son examen par le Sénat et par la commission mixte paritaire.
Je souhaite rappeler tout l’intérêt que nous portons au Conseil économique et social. Dans un pays comme le nôtre, où le débat et le dialogue sont toujours difficiles – c’est sans doute une responsabilité collective –, où nous avons beaucoup de mal à dégager des consensus, le Conseil économique et social est l’un des rares lieux où les représentants des salariés dialoguent véritablement et efficacement avec les représentants des employeurs. Il convient de souligner cette spécificité importante.
D’ailleurs, l’essaimage de cette institution à travers le monde – il existe, je crois, une soixantaine de conseils économiques et sociaux – prouve le succès et l’utilité de cette structure, contrairement à ce que beaucoup pensent. Reste qu’il faut bien sûr la faire évoluer et prendre en compte les grandes tendances de la société. Telle était la finalité de ce projet de loi organique.
Les travaux du Sénat, puis ceux de la commission mixte paritaire, ont amélioré le texte initial. Je pense au souci de l’environnement, au développement durable, à la saisine du CESE par les citoyens. Nous étions donc prêts à trouver un accord.
Mais, comme d’habitude, toutes nos propositions se sont heurtées au mur de fer de la majorité gouvernementale. Elles n’avaient pourtant rien de révolutionnaire et ne remettaient nullement en cause l’équilibre du texte. Nous pensions même – peut-être naïvement – qu’elles l’amélioraient.
Or, comme cela a été dit, la représentation des entreprises publiques a été réduite à la portion congrue. Il en va de même de la représentation des associations de protection des consommateurs, du secteur de l’économie sociale, du logement social ; et j’ose à peine parler de celle des Français de l’étranger – on va me reprocher de plaider pro domo –, qui disparaît, remplacée – Dieu merci – par un représentant des activités économiques françaises à l’étranger. Quel effort ! On a quand même l’impression de subir une capitis diminutio.
Un autre problème important, qui a déjà été évoqué, est l’inflation des personnalités qualifiées, qui passent de quinze à quarante. On me rétorquera qu’il est facile d’être vertueux quand on n’est pas aux affaires. Or nous prenions justement là un engagement, non seulement pour vous, si j’ose dire, mais aussi pour nous. Cette réforme des conditions de nomination des personnalités qualifiées aurait valu pour l’avenir. Finalement, on voit bien qu’il s’agira d’une sorte de vivier servant à l’exécutif pour remercier des services rendus, voire pis !
Le défaut de suppression des personnalités associées est soumis à la même critique.
Enfin, citons le problème de la parité homme-femme.
Ces raisons, que je ne fais qu’évoquer, vous les connaissez bien, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur. Nous pensions que nos propositions amélioreraient le texte, et nous continuons à le penser. Il est dommage que nous ne soyons pas parvenus à nous entendre sur des choses aussi simples.
M. Richard Yung. Vous connaissez notre position : nous nous abstiendrons, à regret. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon excellent collègue Jacques Mézard ayant traité du fond, je me mettrai à la place des citoyens de base, que je diviserai en deux catégories : d’une part, les ignares, qui ne connaissent pas le Conseil économique et social et n’ont donc rien à dire ; d’autre part, ceux qui sont un peu plus avertis et trouvent à cette noble institution un certain nombre de défauts. Parmi ces derniers, figure le caractère totalement discrétionnaire des nominations par le pouvoir exécutif, ainsi que l’existence de conseillers surnuméraires à propos desquels notre citoyen de base devra un peu se renseigner : il aura alors vite le sentiment que quelque chose n’est pas clair ! En réalité, cette fonction sert à « recaser » les recalés du suffrage universel (Sourires.)…
M. Patrice Gélard. Pas toujours !
M. François Fortassin. … ainsi qu’un certain nombre de serviteurs dits « loyaux » n’ayant pas forcément servi la République pendant toute leur carrière, mais dont le carriérisme exemplaire mérite quelque récompense.
Il n’est donc pas étonnant, comme l’a fait remarquer Jacques Mézard, que le caractère totalement discrétionnaire et opaque de ces nominations apparaisse aujourd’hui anachronique. Cela l’est d’autant plus que certains considèrent qu’il s’agit de conseillers de second rang. Soit ce n’est pas très gentil, soit cela correspond à une réalité, ce qui est plus grave !
On observe également que la plupart de ces conseillers brillent essentiellement, non par leur qualité d’expertise, alors qu’ils ont été nommés pour cette raison, mais par une absence chronique rédhibitoire. (Sourires.)
En outre, le droit exclusif à la majorité est un peu difficile à supporter. De même, comme cela a été dit, le fait que les entreprises publiques soient sous-représentées nous paraît dommageable.
Malgré les améliorations apportées par le Sénat afin que le texte soit un peu plus « acceptable », je m’abstiendrai, à l’instar de la plupart des membres de mon groupe, mais avec regret, car on aurait pu aboutir à un texte plus rénovateur pour une institution qui le mérite. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? …
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi organique relatif au conseil économique, social et environnemental
Article 1er
Les deuxième et dernier alinéas de l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1360 du 29 décembre 1958 portant loi organique relative au Conseil économique et social sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Représentant les principales activités du pays, le Conseil favorise leur collaboration et assure leur participation à la politique économique, sociale et environnementale de la Nation.
« Il examine les évolutions en matière économique, sociale ou environnementale et suggère les adaptations qui lui paraissent nécessaires.
« Il promeut une politique de dialogue et de coopération avec les assemblées consultatives créées auprès des collectivités territoriales et auprès de ses homologues européens et étrangers. »
………………………………………………………
Article 2 bis
Avant le dernier alinéa de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - s'il y a lieu, les suites données par le Gouvernement à l'avis du Conseil économique, social et environnemental ; ».
………………………………………………………
Article 4
Après l'article 4 de la même ordonnance, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :
« Art. 4-1. - Le Conseil économique, social et environnemental peut être saisi par voie de pétition de toute question à caractère économique, social ou environnemental.
« La pétition est rédigée en français et établie par écrit. Elle est présentée dans les mêmes termes par au moins 500 000 personnes majeures, de nationalité française ou résidant régulièrement en France. Elle indique le nom, le prénom et l'adresse de chaque pétitionnaire et est signée par lui.
« La pétition est adressée par un mandataire unique au Président du Conseil économique, social et environnemental. Le bureau statue sur sa recevabilité au regard des conditions fixées au présent article et informe le mandataire de sa décision. Dans un délai d'un an à compter de cette décision, le Conseil se prononce par un avis en assemblée plénière sur les questions soulevées par les pétitions recevables et sur les suites qu'il propose d'y donner.
« L'avis est adressé au Premier ministre, au Président de l'Assemblée nationale, au Président du Sénat et au mandataire de la pétition. Il est publié au Journal officiel. »
Article 5
L'article 6 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° A La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : «, les commissions temporaires et les délégations » ;
1° La seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Les sections, les commissions temporaires et les délégations sont saisies par le bureau du Conseil de sa propre initiative ou, si le Conseil est consulté par le Gouvernement, à la demande du Premier ministre ou, si le Conseil est consulté par une assemblée parlementaire, à celle du président de l'assemblée concernée. » ;
1° bis Le deuxième alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, à la demande du Gouvernement ou de l'assemblée parlementaire à l'origine de la consultation, le bureau du Conseil économique, social et environnemental peut recourir à une procédure simplifiée. La section compétente émet alors un projet d'avis dans un délai de trois semaines. Ce projet devient l'avis du Conseil économique, social et environnemental au terme d'un délai de trois jours suivant sa publication, sauf si le président du Conseil économique, social et environnemental ou au moins dix de ses membres demandent, dans ce délai, qu'il soit examiné par l'assemblée plénière. » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Les études sont transmises par le bureau du Conseil au Premier ministre, au Président de l'Assemblée nationale et au Président du Sénat. »
Article 6
L'article 7 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 7. - I. - Le Conseil économique, social et environnemental comprend :
« 1° Cent quarante membres au titre de la vie économique et du dialogue social, répartis ainsi qu'il suit :
« - soixante-neuf représentants des salariés ;
« - vingt-sept représentants des entreprises privées industrielles, commerciales et de services ;
« - vingt représentants des exploitants et des activités agricoles ;
« - dix représentants des artisans ;
« - quatre représentants des professions libérales ;
« - dix personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine économique, dont deux issues des entreprises publiques ainsi qu'une représentant les activités économiques françaises à l'étranger ;
« 2° Soixante membres au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative, répartis ainsi qu'il suit :
« - huit représentants de l'économie mutualiste, coopérative et solidaire non agricole ;
« - quatre représentants de la mutualité et des coopératives agricoles de production et de transformation ;
« - dix représentants des associations familiales ;
« - huit représentants de la vie associative et des fondations ;
« - onze représentants des activités économiques et sociales des départements et régions d'outre-mer, des collectivités d'outre-mer et de la Nouvelle-Calédonie ;
« - quatre représentants des jeunes et des étudiants ;
« - quinze personnalités qualifiées choisies en raison de leur expérience dans le domaine social, culturel, sportif ou scientifique, dans le secteur du logement social ou en raison de leur action en faveur des personnes handicapées ou des personnes retraitées ;
« 3° Trente-trois membres au titre de la protection de la nature et de l'environnement, répartis ainsi qu'il suit :
« - dix-huit représentants des associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de la nature et de l'environnement ;
« - quinze personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière d'environnement et de développement durable, dont au moins trois dirigeant des entreprises ayant une activité significative dans ces matières.
« II. - Les membres représentant les salariés, les entreprises, les artisans, les professions libérales et les exploitants agricoles sont désignés, pour chaque catégorie, par les organisations professionnelles les plus représentatives.
« Dans tous les cas où une organisation est appelée à désigner plus d'un membre du Conseil économique, social et environnemental, elle procède à ces désignations de telle sorte que l'écart entre le nombre des hommes désignés, d'une part, et des femmes désignées, d'autre part, ne soit pas supérieur à un. La même règle s'applique à la désignation des personnalités qualifiées.
« Un décret en Conseil d'État précise la répartition et les conditions de désignation des membres du Conseil économique, social et environnemental. »
………………………………………………………
Article 8
I. - L'article 9 de la même ordonnance est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ils ne peuvent accomplir plus de deux mandats consécutifs. » ;
1° bis Au second alinéa, les mots : « au cours de cette période » sont remplacés par les mots : « en cours de mandat » ;
2° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Les membres du Conseil dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit sont remplacés pour la durée du mandat restant à courir. Si cette durée est inférieure à trois ans, il n'est pas tenu compte de ce remplacement pour l'application du deuxième alinéa.
« Les contestations auxquelles peut donner lieu la désignation des membres du Conseil économique, social et environnemental sont jugées par le Conseil d'État. »
II. - (Non modifié)
Article 8 bis A
L'article 10 de la même ordonnance est ainsi rédigé :
« Art. 10. - Au cours de la quatrième année suivant le renouvellement du Conseil économique, social et environnemental en 2010, puis tous les dix ans, le Gouvernement remet au Parlement, après avis de ce Conseil, un rapport analysant la part, dans la vie économique et sociale du pays, des activités représentées au Conseil économique, social et environnemental, ainsi que les modifications intervenues dans la définition des critères de représentativité des organisations appelées à désigner des membres du Conseil.
« Ce rapport peut formuler des propositions d'adaptation de la composition du Conseil économique, social et environnemental, afin d'y assurer une représentation juste et équilibrée des principales activités du pays.
« Il fait l'objet d'un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat, dans les conditions définies par l'article 48 de la Constitution. »
………………………………………………………
Article 16
Dans toutes les dispositions législatives, lorsqu'ils désignent l'institution mentionnée au titre XI de la Constitution, les mots : « Conseil économique et social » sont remplacés par les mots : « Conseil économique, social et environnemental ».
Mme la présidente. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisie d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l’ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, voulue par le Président de la République, a engagé la rénovation du Conseil économique et social, créé par l’ordonnance du 29 décembre 1958. Désormais, le Conseil économique, social et environnemental a pour mission de prendre en compte les problématiques environnementales. Les membres du groupe de l’UMP s’en réjouissent.
Outre cet élargissement de la compétence du CESE au domaine environnemental, le projet de loi organique que nous sommes appelés à adopter aujourd’hui tend, d’une part, à modifier son fonctionnement pour le rendre plus proche du Parlement et, d’autre part, à modifier sa composition pour qu’il soit plus représentatif de la population active française.
La prise en compte tant des évolutions de la société française que de l’hétérogénéité de cette dernière a été au centre de notre réflexion dans le cadre de cette réforme afin de faire du CESE une véritable institution démocratique ayant pour vocation de donner son avis sur les politiques publiques.
Le CESE comptera 233 membres et sera structuré en trois grands pôles : le pôle économique, avec 140 membres, le pôle social, composé de 60 membres, et le pôle environnemental, nouvellement créé, avec 33 membres.
Ainsi, l’environnement devient le troisième pilier du CESE. La saisine de ce dernier est automatique sur « tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental ». C’est une bonne chose !
Ensuite, les possibilités de saisine sont élargies aux citoyens et aux membres de nos assemblées parlementaires. Ce faisant, le projet de loi organique instaure des liens plus étroits entre le Parlement et le Conseil économique qui devient plus accessible à nos concitoyens.
En outre, la question de la représentativité du Conseil est pour nous essentielle. Ainsi, plusieurs dispositions modifiant la composition du Conseil permettent d’améliorer les choses.
D’abord, afin de parvenir à un rééquilibrage entre les différentes catégories représentées, il fallait accepter de diminuer la représentation de catégories existantes ou encore d’en supprimer d’autres. C’est afin d’obtenir une proposition en phase avec les réalités sociologiques de la société française que les jeunes seront représentés au sein du Conseil ou que la représentation des professions libérales, des associations et fondations sera renforcée.
Dans cette même logique, le projet de loi tient compte du fait que les femmes ne correspondent qu’à 22 % des effectifs du Conseil, alors qu’elles représentent la moitié de la population active. Il était important d’inscrire dans ce texte la parité pour la désignation des membres du Conseil.
Par ailleurs, afin de maintenir la représentation des entreprises publiques, il fallait réserver à ces dernières deux des dix sièges dévolus à des personnalités qualifiées dans le domaine économique. C’est là l’un des autres apports de la Haute Assemblée, et nous nous en félicitons.
Je me réjouis tout particulièrement de la modification du texte par le Sénat afin qu’une personnalité représente les activités économiques françaises à l’étranger. La suppression de la représentation des Français de l’étranger au sein du Conseil a été justifiée par le fait que, en tant que représentants des Français établis hors de France, nous disposons de notre propre assemblée, et que, à compter de 2012, onze députés représenteront les Français de l’étranger.
Cependant, le Conseil économique assure la participation et la collaboration à la politique du Gouvernement des différents acteurs de la vie économique, sociale et environnementale du pays. C’est à ce titre que les Français de l’étranger y sont représentés depuis 1984. Or, il y a aujourd’hui presque trois fois plus de Français établis hors de France qu’en 1984. C’est pourquoi il était essentiel, à l’heure de la mondialisation, alors que le commerce extérieur fait vivre un Français sur quatre, que les Français expatriés aient leur place dans l’assemblée représentant les forces vives de la nation.
Enfin, je souhaite souligner l’excellent travail de notre rapporteur, Jean-Pierre Vial, sur l’initiative duquel deux modifications majeures ont permis de pallier les lacunes du dispositif voté à l’Assemblée nationale.
D’une part, les échanges du Conseil économique, social et environnemental avec ses homologues régionaux, européens et étrangers, sont désormais explicitement reconnus et promus.
D’autre part, une procédure de consultation en urgence du Conseil économique, social et environnemental, par le Gouvernement ou par une assemblée, a été prévue. C’était indispensable pour combler le décalage pouvant exister entre le temps du Conseil et le temps politique.
Au vu de toutes ces remarques, le groupe UMP votera le texte élaboré par la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’évidence, ce texte améliore le rôle comme la composition du Conseil économique, social et environnemental, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.
Renforcer la place de cette assemblée dans l’ensemble institutionnel est une bonne chose. Cela lui donnera plus de moyens, plus de compétences, plus de pouvoirs, et l’on peut s’en réjouir.
La composition du Conseil a été rénovée. Nous sommes arrivés, après des discussions très difficiles – mais cela peut se comprendre –, à un équilibre que j’approuve. Mais j’aurais pour ma part préféré un équilibre un peu plus… équilibré. (Sourires.)
Nous verrons à l’avenir ce que cela va donner. Ouvrir cette assemblée à l’environnement est une excellente chose. Cela se fait-il dans des proportions paraissant justes ? Nous verrons à l’usage. En effet, il ne faut pas oublier que le Conseil économique et social, autrefois, représentait les forces vives de la nation, et que le Conseil économique, social et environnemental va continuer à les représenter sous une autre forme.
Cependant, il ne faudrait pas que les forces vives, au lien d’être transcendées, soient au contraire amoindries par certaines positions, parfois difficiles à comprendre.
L’expérience nous montrera ce qu’il en est, mais le défi valait la peine d’être relevé. Je voterai donc, comme mes collègues de l’UMP, le texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Conformément à l’article 42, alinéa 12 du règlement, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 205 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 185 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 93 |
Pour l’adoption | 185 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, le projet de loi organique est adopté définitivement.
3
Agents sportifs
Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à encadrer la profession d’agent sportif (proposition n° 364, texte de la commission n° 464, rapport n° 463).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des sports. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la Haute Assemblée est saisie en deuxième lecture de la proposition de loi, déposée le 6 mai 2008 par le sénateur Jean-François Humbert, visant à encadrer la profession d’agent sportif.
Je tiens tout d’abord à remercier M. Humbert, à l’origine du dépôt de cette proposition de loi, M. Pierre Martin, qui en est le rapporteur, M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, ainsi que l’ensemble des sénateurs ayant contribué à ce texte.
Cette proposition de loi paraît plus que jamais adaptée aux enjeux qui concernent le sport professionnel, fragilisé dans toute l’Europe par la crise financière, une crise qui rend d’autant plus insupportables, économiquement et éthiquement, certaines dérives du sport professionnel : je pense à la traite des mineurs sportifs ; je pense à la violence, aux incivilités et aux discriminations ; je pense à la voltige financière à laquelle se prêtent certains clubs, géants aux pieds d’argile, qui creusent leur dette pour acheter les superstars qui marqueront à crédit ; je pense à la rapidité de certains transferts extravagants, qui transforment les clubs en supermarchés et les joueurs en marchandises.
Aux dérives éthiques, nous devons opposer les valeurs et l’exemplarité. Aux dérives économiques, nous devons opposer le fair-play financier et la régulation.
C’est le sens de mon action politique, le sens aussi du message que je porte auprès de la Commission européenne, depuis que le traité de Lisbonne a fait du sport une compétence d’appui de l’Union européenne.
C’est aussi l’objectif de ce texte, qui vise à renforcer la moralisation et la transparence d’une activité souvent stigmatisée comme étant au cœur des dérives fragilisant et dénaturant le sport.
Le dépôt par M. Humbert de cette proposition de loi a permis de synthétiser des réflexions venues d’horizons divers.
Personne ne manque d’idées, quelquefois contradictoires, sur les agents sportifs. L’un des mérites de la proposition de loi est d’avoir une approche cohérente et réaliste du sujet, nourrie par de multiples travaux émanant tant du mouvement sportif que de l’administration et des parlementaires.
Ainsi, à la suite d’une mission d’inspection du ministre de l’économie et du ministre chargé des sports, des travaux visant à modifier ce cadre législatif ont été engagés par le ministère des sports et par le Comité national olympique et sportif français. Le rapport rendu par le député Dominique Juillot en février 2007 a également constitué une source importante de propositions.
Ces travaux ont permis de montrer que les dispositions figurant dans le code du sport, encore trop complexes et lacunaires, permettaient bon nombre de dérives et de malversations, lesquelles ont été mises en évidence, notamment, par le rapport du Groupe d’action financière, en 2009. Ces dérives, souvent médiatisées, ternissent l’image de cette activité et, au-delà, de tout le sport professionnel.
Face à cela, les dispositions contenues dans la proposition de loi répondent pleinement aux objectifs de moralisation et de transparence en matière d’accès, d’exercice et de contrôle de la profession.
En ce qui concerne l’accès à la profession d’agent sportif, plusieurs dispositions me paraissent particulièrement importantes.
Tout d’abord, la suppression de la délivrance de la licence d’agent sportif aux personnes morales permettra de mieux identifier la personne qui peut exercer cette profession.
Ensuite, les incompatibilités sont renforcées afin d’éviter les conflits d’intérêts entre les agents et les autres acteurs du sport et d’empêcher les pratiques de rétrocommissions et de surcommissions. Une « étanchéité juridique » est établie entre l’activité d’agent sportif et celle d’autres acteurs du sport, notamment les dirigeants et les actionnaires des clubs, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives.
Enfin, les incapacités, qui étaient lacunaires, sont élargies. Le dispositif issu des travaux de l’Assemblée nationale calque le régime des incapacités applicables aux agents sur celui d’autres professions réglementées telles que les avocats ou les administrateurs judiciaires : cela permettra d’assurer une sécurité juridique maximale. De plus, les fédérations auront à leur disposition le bulletin n°2 du casier judiciaire afin de s’assurer que l’agent ne contrevient pas à cette liste d’incapacités.
Pour ce qui concerne l’exercice de la profession d’agent sportif, plusieurs inflexions importantes par rapport au dispositif actuel sont contenues dans la proposition de loi.
Je souhaiterais d’abord évoquer la question, sensible, de la rémunération des agents sportifs. Les débats sont vifs sur le sujet, mais une approche réaliste et objective montre qu’un changement était nécessaire.
Actuellement, un agent ne peut être rémunéré que par la personne qui le mandate. Cette obligation se trouve très souvent contournée pour permettre la rémunération des agents par les clubs, alors même qu’ils sont mandatés par les sportifs. Dans les faits, les sportifs s’abstiennent, dans la plupart des cas, de contracter avec un agent.
Cette situation n’est pas de nature à assurer la transparence des opérations de placement des sportifs. Elle empêche en outre l’agent d’accompagner le sportif dans tous les aspects de la gestion de son parcours, sportif et extrasportif, notamment dans la préparation de sa reconversion.
Il s’agit non de valider des pratiques existantes, mais de donner plus de rigueur aux relations contractuelles entre les sportifs, les agents et les clubs. Ces contrats devront être transmis à la fédération et préciser les modalités de rémunération de l’agent et la partie au contrat qui le rémunère.
Le dispositif, ainsi mieux encadré, permettra à l’agent d’être rémunéré par l’une des parties au contrat relatif à l’exercice d’une activité sportive, quelle que soit celle qui lui a demandé de les mettre en rapport. En pratique, le club rémunère les agents sportifs alors même que ceux-ci agissent pour le compte du joueur.
Ce principe de droit commun ne fait que reprendre les usages en vigueur dans bon nombre de secteurs, notamment dans les secteurs artistique et immobilier où le paiement est traditionnellement mis à la charge de celui qui verse la somme prévue au contrat, et donc à la charge de l’acheteur ou, comme en l’espèce, de l’employeur.
La rémunération de l’agent restera limitée à 10 % du montant des contrats conclus, mais les contrats de transfert sont inclus dans ce calcul. De plus, l’agent sportif ne pourra pas percevoir de rémunération avant d’avoir transmis son contrat à la fédération. Là encore, ces mesures assureront un meilleur encadrement de l’activité d’agent.
Le dispositif applicable pour les mineurs est par ailleurs renforcé. Vous savez l’importance que j’accorde à ce sujet. Ce sont tous les contrats relatifs à l’exploitation de l’image et du nom d’un sportif mineur qui sont visés par la proposition de loi. Les sanctions pénales sont également alourdies.
Par ailleurs, la définition de la profession d’agent sportif n’englobait pas l’activité d’agent d’entraîneur. Une évolution de la législation sur ce point était donc indispensable, de manière à encadrer les opérations de placement d’entraîneurs par les agents sportifs. L’actualité récente montre la nécessité d’une telle disposition.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en viens maintenant aux aspects de la proposition de loi relatifs au contrôle de la profession, qui repose sur deux piliers indissociables : l’implication des fédérations, d’une part, et la répression pénale, d’autre part.
Les pratiques frauduleuses doivent faire l’objet de toutes les attentions ; c’est pourquoi les sanctions pénales sont renforcées. Les agents sportifs qui exercent dans l’illégalité et au mépris de toutes les règles relèvent du juge pénal.
L’exercice illégal de la profession d’agent sportif est donc puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Le montant de l’amende peut même être porté au-delà, jusqu’au double des sommes indûment perçues.
Cette notion d’exercice illégal de la profession d’agent sportif est volontairement rendue plus large : exercice de l’activité d’agent sportif sans licence, exercice rémunéré de l’activité d’agent sportif pour le compte d’un mineur, non-respect des dispositions relatives aux incapacités et aux incompatibilités.
Ce volet répressif et pénal n’est toutefois pas suffisant.
C’est pourquoi le rôle des fédérations dans le dispositif est essentiel. La proposition de loi prévoit qu’un contrôle annuel de l’activité de l’agent sera effectué par celles-ci, contrôle qui s’accompagnera notamment de la transmission des documents comptables. De plus, les contrats d’agent ainsi que les contrats relatifs à l’exercice rémunéré d’une activité sportive seront transmis à la fédération.
Les modifications introduites lors de l’examen du texte par l’Assemblée nationale répondent également aux objectifs de moralisation et de transparence auxquels je vous sais attachés. Je citerai à cet égard deux exemples.
Tout d’abord, la publication de la liste des agents sportifs et celle des sanctions prises par les fédérations dans l’exercice de leur pouvoir de contrôle constituent d’excellentes mesures propres à contribuer au renforcement de la transparence du dispositif.
Ensuite, l’aggravation des sanctions pénales pour ceux qui tenteraient d’exercer cette profession contre rémunération auprès de mineurs constitue également une avancée importante.
Je veille en outre à relayer ces objectifs de moralisation et de transparence aux niveaux européen et international.
Au niveau européen, j’ai tenu à ce que la régulation du sport professionnel, en particulier celle de la profession d’agent sportif, soit l’un des sujets abordés dans le cadre du premier conseil des ministres européens des sports, qui s’est tenu à Bruxelles le 10 mai dernier, sous présidence espagnole. Je continuerai à veiller tout particulièrement, dans ce cadre, à ce que l’objectif de moralisation du sport professionnel soit davantage pris en compte par la Commission européenne et par l’ensemble de nos partenaires.
Au niveau international, la proposition de loi est pleinement cohérente avec le mécanisme de « licence club » prévu par l’UEFA, ainsi qu’avec le dispositif appliqué par les fédérations internationales, notamment la FIFA, compétentes en la matière.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je prends l'engagement devant vous de veiller à ce que le travail d’élaboration des textes réglementaires nécessaires à l’entrée en application de certaines dispositions soit accompli avec une particulière diligence, afin que le nouveau dispositif puisse être totalement opérationnel à très brève échéance.
Je sais également pouvoir compter sur les fédérations sportives, une fois les décrets d’application parus, pour adapter les règlements qu’elles édictent en la matière et contrôler de manière efficace cette profession. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Martin, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à nous prononcer, en deuxième lecture, sur la proposition de loi visant à encadrer la profession d’agent sportif déposée en 2008 par notre collègue Jean-François Humbert. Je dois avouer ma satisfaction de constater que l’Assemblée nationale ne l’a modifiée que très marginalement.
Le sport professionnel a besoin d’un tel texte, et force est de constater, une fois encore, que le Sénat, notamment notre commission, est à l’avant-garde en matière de moralisation du sport. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Je remarque à cet égard que le Gouvernement a choisi d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour dans le cadre des semaines qui lui sont réservées par priorité, ce qui témoigne d’un engagement fort de sa part. Je souhaite que le Sénat l’adopte aujourd'hui sans modification, ce qui permettrait de la faire entrer rapidement en application.
Rappelons à grands traits l’économie du dispositif proposé pour moraliser la profession d’agent.
Il s’agit, tout d’abord, de durcir l’accès à la profession. Les personnes morales ne pourront plus avoir de licence, ce qui devrait permettre de mieux identifier les agents qui gravitent autour des sportifs français.
Le régime des incompatibilités et des incapacités est aussi très fortement renforcé, afin d’éviter les conflits d’intérêts et les risques de collusion entre les agents et les autres acteurs du monde du sport.
Les agents de l’Union européenne auront à respecter certaines règles spécifiques, en conformité avec les dispositions sur la liberté d’établissement et la liberté d’entreprendre fixées par le droit européen.
Enfin, les agents extracommunautaires ne devront plus disposer obligatoirement d’une licence ; il leur faudra en revanche forcément conclure une convention de présentation avec un agent détenteur de la licence en France. Sur ce point, comme sur d’autres, la proposition de loi n’est pas maximaliste, elle est pragmatique.
Il convient aussi de s’appuyer sur les pratiques existantes pour prévoir un encadrement adapté, réaliste et efficace. Nous en reparlerons à l’occasion de l’examen de l’amendement présenté par M. Jean-Jacques Lozach et ses collègues sur ce sujet.
Il s’agit, ensuite, de rendre plus transparent l’exercice de la profession. Il a été fait le choix, contesté par certains mais nécessaire à mes yeux, d’autoriser les clubs à payer les agents. C’est aujourd’hui interdit et cela pousse les clubs et les joueurs à faire comme si les agents n’existaient pas et à les rémunérer de manière officieuse, d’où le développement des circuits d’argent sale.
La réglementation actuelle est en fait vicieuse, absurde et sans fondement : il n’y a pas de logique de fond à s’opposer à ce que le club paie directement l’agent plutôt qu’il ne le paie indirectement via le salaire des joueurs. C’est ce qui se passe naturellement pour les agents immobiliers et pour les agents d’artistes sans que quiconque le conteste.
Parallèlement, l’ensemble des contrats, notamment ceux qui sont passés avec les agents, sera transmis aux fédérations pour améliorer la transparence du système.
Je suis satisfait à cet égard que l’Assemblée nationale ait imposé que les contrats passés entre les agents et les sportifs mineurs, qui ne peuvent, quant à eux, donner lieu à rémunération, soient également transmis à la fédération concernée.
Il s’agit, enfin, d’aggraver les sanctions, notamment financières, prises à l’encontre des agents exerçant dans l’illégalité.
L’Assemblée nationale a souhaité que les sanctions décidées par les fédérations dans l’exercice de leur pouvoir de contrôle soient publiées. Cet effort de transparence est à la fois louable et utile. On ne viendra en effet à bout du problème que si l’ensemble des acteurs du sport sont concernés.
Aujourd’hui, plus encore qu’en 2008, l’adoption de cette proposition de loi est nécessaire. En novembre 2009, une étude réalisée par la Commission européenne sur les agents sportifs dans l’Union européenne indique en effet que le seul moyen pour la Commission d’intervenir sur ce sujet est la voie des recommandations. Je ne doute pas que les éventuelles propositions qu’elle fera iront dans le sens du projet d’encadrement qui nous est soumis aujourd’hui. En attendant, la France doit avancer en la matière.
Alors qu’il n’y a jamais eu autant d’argent dans le sport et que les transferts se multiplient pour des sommes faramineuses, le Parlement devait se saisir de cette question.
Un point semblait cependant achopper entre les deux assemblées : les députés ont souhaité autoriser les avocats à devenir agents de joueurs, ce que nous avions formellement interdit. Il faut savoir que les avocats souhaitent pouvoir devenir agents sans même disposer de licence, ce que permet l’actuel règlement de la FIFA.
À mon sens, le choix de l’Assemblée nationale est finalement assez équilibré et le maintien d’une licence d’agent pour tout le monde est la garantie que le régime spécifique applicable aux agents sera pleinement respecté.
En conclusion, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a adopté cette proposition de loi sans la modifier. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans quelques jours s’ouvrira sur le sol sud-africain la Coupe du monde de football, événement planétaire s’il en est, qui sera suivie par des centaines de millions de téléspectateurs. Cet événement est, à bien des égards, révélateur de la manière dont le sport est perçu dans nos sociétés.
La Coupe du monde, apparue dès 1930, est d’abord une grande fête, une rencontre des peuples. À la façon des jeux Olympiques de l’antiquité, il s’agit aussi d’une sorte de trêve, à l’évidence idéalisée, entre les nations. La compétition a ainsi vu à certains moments s’affronter des pays « en froid », par exemple l’Iran et les États-Unis en 1998.
Au-delà, et le phénomène s’est accentué au fil des décennies, cette compétition constitue aujourd’hui un enjeu économique et financier tout à fait considérable. L’événement génère plusieurs milliards d’euros de dépenses et de recettes : communication, publicité, marketing, tourisme... la liste est longue ! Et je ne parle même pas des investissements que les pays hôtes doivent réaliser pour accueillir la Coupe du monde dans de bonnes conditions.
Voilà ce que représente en particulier le sport aujourd’hui. Si les valeurs morales sont toujours fortes, l’aspect purement financier prend peu à peu le dessus, notamment dans des disciplines comme le football, qui draine des sommes d’argent considérables, le tennis et, dans une moindre mesure, le rugby ou le basket-ball. Nous sommes entrés depuis plusieurs années dans l’ère du sport-spectacle et du sport-business. Autour de ce marché se presse une foultitude d’acteurs : entraîneurs, dirigeants, intermédiaires, journalistes, industriels, supporters...
La professionnalisation du sport s’est elle aussi accélérée. Les ligues professionnelles sont ainsi apparues pour gérer les intérêts des clubs les plus importants. Parallèlement à ce mouvement, le sport s’est mondialisé. L’arrêt Bosman, rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 15 décembre 1995, a ainsi ouvert la boîte de Pandore et donné lieu à d’incessants échanges de joueurs entre tous les pays. Les footballeurs sont devenus des marchandises qui passent d’un club européen à l’autre. Le même phénomène se développe peu à peu dans le rugby, mais les sommes d’argent en jeu restent, pour le moment, bien moindres.
Je ne cherche pas ici à m’opposer à ce mouvement ni au sport professionnel en général, bien au contraire. Le sport professionnel est une vitrine formidable, notamment pour nos jeunes, qui s’inspirent de la « gestuelle » de nos champions et rêvent de réaliser des carrières aussi belles que les leurs. Et c’est justement parce que le sport et les sportifs ont une valeur d’exemple pour notre jeunesse qu’ils se doivent d’être irréprochables.
Or j’observe avec regret que ce texte, comme d’autres avant lui, traite le sport sous un angle principalement marchand. Il ne prend pas que peu en compte, voire pas du tout, les valeurs séculaires du sport. Il n’aborde pas assez les aspects sociaux, pourtant essentiels. On ne fait là que creuser le fossé apparu depuis quelque temps déjà entre le sport d’élite et le sport de masse. On prend le risque de couper le lien, pourtant essentiel, comme je viens de le dire, entre les sportifs occasionnels et une minorité de sportifs professionnels et d’acteurs qui gravitent autour d’eux.
Plusieurs affaires retentissantes ont considérablement nui à l’image du sport professionnel, et donc du sport en général. Je pense notamment aux transferts douteux à l’Olympique de Marseille et au Paris-Saint-Germain, sanctionnés par la justice. Je pense également aux différentes affaires de corruption qui éclatent régulièrement dans les pages « sport » de nos quotidiens, la dernière en date concernant la Fédération internationale de football.
Ces scandales créent l’éloignement avec une opinion publique déjà échaudée par les salaires exorbitants des sportifs les mieux payés. En Ligue 1 de football, le salaire moyen s’élevait, en 2009, à 47 000 euros mensuels nets. Au Paris-Saint-Germain, certains joueurs touchent plus de 260 000 euros par mois, quand un célèbre milieu de terrain bordelais gagne, lui, environ 310 000 euros ! Et encore convient-il d’ajouter à ces salaires les primes et les revenus tirés des contrats publicitaires.
Il s’agit non pas de blâmer les sportifs – ils ne sont que l’un des maillons d’un système qui brasse des sommes d’argent bien plus importantes que leurs salaires –, mais simplement de démontrer le décalage de plus en plus marqué entre le monde professionnel, qui vit dans une dimension financière très spécifique – une « bulle », diront certains –, et le monde amateur, qui se sent bien étranger à tout cela et s’inquiète de devenir le parent pauvre du mouvement sportif.
Nous avions déjà ressenti ce décalage ici même, voilà quelques semaines, lorsque notre assemblée a adopté la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne. J’avais alors eu l’occasion, à cette même tribune, d’exprimer des réserves sur le contenu de cette loi, que je juge dangereuse, car elle peut potentiellement entraîner l’addiction des joueurs, et inégalitaire en matière de financement du sport. Déjà, le Gouvernement n’abordait le sport que par le petit bout de la lorgnette. Sur le fondement de ce texte, on pouvait légitimement s’inquiéter pour l’avenir et la pérennité des moyens dont devrait à juste titre disposer le mouvement sportif français, mais surtout pour la solidarité devant présider à leur répartition.
Le texte qui nous intéresse aujourd’hui a sans doute suscité moins de discussions parmi nos collègues, ainsi que dans l’opinion publique ou dans la presse. Cependant, dans l’approche, beaucoup de similitudes existent.
Entendons-nous bien : je ne nie pas le fait qu’une loi visant à réguler le statut des agents sportifs était nécessaire. L’opacité de la profession et de certaines de ses pratiques la rendait indispensable. La loi du 6 juillet 2000 modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives encadrait jusqu’alors l’activité d’agent sportif selon le modèle de la profession d’agent artistique. Cette loi, malgré les avancées qu’elle comportait, a rapidement montré ses limites. Il était donc urgent d’intervenir afin de clarifier l’exercice de la profession et les transactions auxquelles elle est associée. Les députés socialistes avaient demandé, dès la fin de 2006, la création d’une commission d’enquête parlementaire, ce qui leur avait étonnamment été refusé. En février 2007, une mission d’information sur les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs, constituée sous la présidence du député UMP Dominique Juillot, avait proposé plusieurs pistes dans son rapport.
Force est de constater que, malgré l’urgence du sujet, le rythme de travail s’est sérieusement ralenti, car le texte qui nous est aujourd'hui soumis a été examiné en première lecture au Sénat voilà presque deux ans jour pour jour. Mon collègue Serge Lagauche avait alors souligné que la proposition de loi était incontestablement porteuse d’améliorations. La gradation des sanctions disciplinaires, l’aggravation des sanctions pénales ou encore le renforcement du régime des incapacités et incompatibilités constituent autant d’avancées que l’on se doit de saluer. L’interdiction de délivrer la licence d’agent à des personnes morales va également dans le bon sens.
Pourtant, le groupe socialiste votera clairement contre ce texte, comme il l’avait déjà fait en première lecture, à moins que des modifications significatives y soient apportées. La discussion est devant nous, même si l’intervention de M. le rapporteur ne nous a guère laissé d’espoir à cet égard ! Ce n’est donc pas un « oui, mais » que je prononce ici, mais plutôt un « non, malgré » : non, malgré les avancées que je viens d’évoquer à l’instant. Ce texte aurait pu et aurait dû aller beaucoup plus loin en termes d’encadrement de la profession. En outre, des aspects essentiels de cette problématique sont totalement laissés de côté, ce qui ne peut que nous étonner.
L’opacité des transferts est ainsi oubliée, alors même que les transactions entre clubs, joueurs et agents sont la source de quasiment tous les maux du système. Chaque année, plusieurs centaines de millions d’euros transitent, essentiellement entre les clubs de football, à l’occasion des échanges de joueurs. Même M. Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel, la LFP, en a convenu lorsqu’il a été interrogé par Dominique Juillot : « Globalement, le football français est un milieu relativement propre, sauf précisément dans un domaine : celui des transferts. » La logique des transferts rejoint l’intérêt des agents, lesquels poussent à une rotation toujours accélérée des joueurs. En effet, chaque transfert permet à l’agent de toucher une commission, qui représente en général environ 7 % du montant total de la transaction. Ce système est parfois à la source d’un blanchiment d’argent gravissime et mafieux.
C’est justement parce que de nombreux transferts sont réalisés de manière irrégulière et sans contrôle que, par exemple, quelques agents peuvent toucher des rétrocommissions. Je dis bien « quelques » agents : en effet, il ne s’agit pas de céder à la rhétorique du « tous les mêmes, tous pourris » pour parler de cette profession. Pour la plupart, les agents exercent leur activité avec une licence, conformément aux textes légaux, et agissent dans la transparence. Comme bien souvent, quelques rares brebis galeuses jettent le discrédit sur le troupeau tout entier. C’est alors au berger de régler le problème. Or, à nos yeux, l’État ne se donne pas tous les moyens de lutter contre les principaux défauts du système.
La mission Juillot avait publié une liste de propositions tout à fait intéressantes : il était ainsi envisagé de dédier des comptes bancaires spécifiques aux opérations de transfert afin d’assurer leur traçabilité, d’organiser un véritable suivi comptable de l’activité d’acquisition et de cession des contrats des joueurs, de renforcer les moyens de contrôle de la Direction nationale du contrôle de gestion, la DNCG – grande oubliée de ce texte –, ou encore de centraliser les flux financiers relatifs aux transferts auprès de cette même instance. Ces différentes pistes, si elles avaient été considérées avec plus d’intérêt lors de l’élaboration du texte, contribueraient à freiner sérieusement les dérives financières d’un système extrêmement opaque, système qui vit d’ailleurs largement au-dessus de ses moyens. On a ainsi récemment appris que la dette cumulée des clubs de football européens atteignait plus de 7 milliards d’euros. Vous le voyez, il y a largement matière à réguler !
De plus, et c’est là une grande déception, la proposition de loi ne considère les agents sportifs qu’en termes purement mercantiles et financiers. Là encore, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, on limite le sport à cette seule dimension, alors que son essence même est tout autre. L’agent sportif n’est conçu que comme un simple maillon d’une transaction financière, alors que tel n’est pas originellement son rôle. Il ne faut pas s’en tenir à l’article L. 222-6 du code du sport, qui définit l’intermédiaire sportif comme « toute personne exerçant à titre occasionnel ou habituel, contre rémunération, l’activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ».
Dominique Juillot l’a bien souligné dans son rapport, l’activité de conseil et d’assistance au joueur représente la mission première des agents sportifs. C’est ce à quoi ils devraient se consacrer en priorité. Michel Platini, actuel président de l’UEFA, témoigne en ce sens : « Je crois pour ma part que les agents jouent un rôle important. Ils peuvent aider les joueurs, qui sont jeunes – ils ont entre quatorze et trente ans – à se défendre contre les présidents de clubs […] » Les agents doivent avant tout servir les intérêts des joueurs, et non le contraire.
Toujours au rayon des oublis de ce texte, je regrette que la responsabilité des clubs ne soit pas suffisamment engagée. Ceux-ci disposent la plupart du temps de leurs propres bataillons de recruteurs parcourant l’Afrique ou l’Amérique du Sud à la recherche de jeunes joueurs prometteurs. À cet égard, ils sont fréquemment les initiateurs d’une véritable « traite » moderne. On ne compte plus les exemples de jeunes sportifs à qui l’on promet monts et merveilles et qui se retrouvent finalement laissés de côté une fois débarqués des centres de formation, souvent sans papiers ni ressources. Ce sont également les clubs qui, bien souvent, se satisfont des relations floues qu’ils entretiennent avec les agents ; nous aurons l’occasion d’y revenir. Je regrette d’ailleurs que le texte ne prévoie pas plus de sanctions, pénales mais aussi sportives, contre les clubs.
Outre ce dont il n’est pas question dans le texte, il y a également matière à discuter de ce qui y figure. J’aborde là le nœud gordien de la proposition de loi, à savoir le double mandatement. Dans ce domaine, la loi est pourtant claire. L’article L. 222-10 du code du sport prévoit : « Un agent sportif ne peut agir que pour le compte d’une des parties au même contrat, qui lui donne mandat et peut seule le rémunérer. » En clair, lorsqu’un agent et un joueur signent un contrat, c’est bien le cocontractant, le joueur, qui doit rémunérer l’autre contractant, l’agent. En aucun cas le club ne devrait intervenir dans la rémunération de l’intermédiaire. C’est pourtant là une pratique courante, voire généralisée.
Il était possible de donner plus de moyens aux fédérations, mais aussi à la DNCG, afin de mieux contrôler ces flux et de faire respecter les termes de la loi. Au lieu de cela, la puissance publique a rendu les armes en légalisant la pratique du double mandatement. On légalise l’illégalité ! Le Gouvernement reproduit ainsi le schéma que nous avions déjà observé lors de la discussion sur la régulation des jeux d’argent et de hasard en ligne : lorsqu’un problème devient trop lourd à gérer pour les pouvoirs publics, on simplifie l’équation en légalisant des pratiques pourtant condamnables.
Par son essence même, la loi est là pour corriger les abus et les dérives, quand elle n’a pas su les anticiper. Je pense par exemple au problème du dopage, dossier sur lequel la France est en pointe depuis plusieurs années. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les agents sportifs ? La France gagnerait à promouvoir sur les scènes nationale et internationale une certaine éthique du sport. Notre pays doit défendre son modèle et en faire un exemple en termes de déontologie sportive. Ce texte va-t-il y contribuer ? J’en doute !
Certes, le double mandatement est largement répandu, car chaque acteur y trouve son compte. L’agent est certain d’être payé à temps par le club, alors que le joueur a apparemment plus de mal à lui régler ses honoraires. Ce dernier n’a pas à se préoccuper de cette dépense, estimant que c’est au club d’assurer ce type de prestation. Il souhaite que son salaire soit net d’impôts et de toutes charges de cette nature. Le club, de son côté, exerce ainsi encore plus d’emprise sur le joueur et l’agent, et conserve une marge de manœuvre et de négociation non négligeable en cas de conflit. Cependant, on ne peut accepter que des pratiques si frauduleuses deviennent légales, car elles sont sources de transactions d’argent opaques et risquent fort de donner lieu à corruption. Le joueur doit rester le seul payeur de l’agent, comme cela était explicitement prévu jusqu’ici par l’article L. 222-10 du code du sport.
Il est également tout à fait regrettable à nos yeux que soient étendus dans ce texte les pouvoirs des ligues professionnelles. Jusqu’à présent, seules les fédérations disposaient d’un pouvoir de contrôle sur les contrats passés entre clubs et sportifs, afin que ces contrats « préservent les intérêts des sportifs ». Or, aux termes du nouvel article L. 222-10-1, ce pouvoir sera désormais partagé avec les ligues.
Vous me permettrez, madame la secrétaire d’État, de douter du bien-fondé de cette mesure : comment en effet ne pas craindre de sérieux conflits d’intérêts, lorsque l’on sait que les ligues sont l’émanation directe des clubs ? La plupart des membres du conseil d’administration de la Ligue de football professionnel sont d’ailleurs des présidents de clubs de Ligue 1. La LFP n’a donc pas intérêt à s’opposer aux clubs, concernant le double mandatement par exemple.
À cet égard, je citerai de nouveau Michel Platini, qui, lors de son audition devant la mission Juillot, a déclaré : « Pourquoi les présidents de ligue souhaitent-ils que les agents soient rémunérés par les clubs ? Parce qu’étant élus par les clubs, ils ne peuvent pas vouloir autre chose que ce que veulent les clubs. Or, ceux-ci veulent rémunérer les agents, afin d’avoir du pouvoir sur les agents et sur les joueurs. »
On porte ici un nouveau coup à l’unicité du mouvement sportif. Donner un tel pouvoir aux ligues, c’est les éloigner un peu plus du monde du sport amateur, sans lequel elles ne sauraient vivre. Plutôt que de donner des pouvoirs supplémentaires aux ligues, il eût été plus pertinent de renforcer les pouvoirs des fédérations. Dois-je rappeler que, selon les termes de l’article 17 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, seules les fédérations sont délégataires ?
Comment également ne pas regretter le contenu des dispositions relatives aux agents extracommunautaires ? Il suffirait donc d’une simple convention passée avec un agent licencié en France pour exercer la profession d’agent sportif sur notre territoire ? Il ne faut faire preuve d’aucune forme de complaisance dans ce domaine. On doit exiger une licence ou un diplôme équivalent à ce qui existe en France pour les agents ressortissants de pays extérieurs à l’Union européenne et à l’Espace économique européen.
De la même façon, même si le texte apporte des avancées sérieuses en termes d’incompatibilités et d’incapacités, il aurait été à mon sens indispensable d’interdire à un agent d’exercer pour le compte d’un joueur et d’un entraîneur faisant partie du même club. Imaginez en effet les dérives auxquelles un tel triumvirat pourrait donner lieu ! L’entraîneur, même inconsciemment, sera souvent amené à favoriser le joueur ayant signé avec le même agent que lui.
Avant de conclure, je tiens à souligner qu’il est tout à fait regrettable que les pouvoirs publics ne s’engagent pas davantage sur ce sujet, qui est loin d’être mineur.
D’une part, en ne considérant les agents que d’un point de vue financier, on renforce le processus de marchandisation du sport, déjà à l’œuvre, et on met de côté ses vertus et ses valeurs essentielles.
D’autre part, on ne se donne pas les moyens de s’attaquer aux véritables enjeux, à savoir au système des transferts ou à l’exploitation des jeunes joueurs étrangers, source de transactions nombreuses et plus que douteuses.
L’État sait pourtant s’investir lorsqu’il le désire : nous avons récemment constaté l’activisme du ministre de l’intérieur sur la question de la sécurité dans les stades. La problématique des agents sportifs n’est certes pas aussi médiatique, mais elle n’est pas à négliger pour autant.
À l’heure d’entamer les discussions sur ce texte, c’est un sentiment de frustration et de déception qui prédomine. La France aurait pu affirmer de grandes ambitions et se poser en modèle de la régulation des agents sportifs et des transferts en Europe.
Au lieu de quoi, malgré quelques améliorations apportées, cette proposition de loi est encore bien loin du compte. Plus grave, elle tend à introduire des dispositions, comme la légalisation du double mandatement, qui me paraissent tout à fait incompatibles avec l’idée que je me fais du sport et de sa déontologie, idée partagée, je l’espère, par nombre d’entre nous.
Je me prends parfois à craindre que le Gouvernement ne soit en train d’oublier ce qui fait la force et la beauté du sport.
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne ne m’avait pas rassuré. Je suis encore plus inquiet à la lecture de ce texte, que mes collègues et moi-même rejetterons, sauf si des aménagements significatifs lui sont apportés : c’est tout le sens des amendements que nous avons déposés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’arrivée massive d’argent dans le sport nous conduit à légiférer de plus en plus, pour essayer de moraliser certaines pratiques contestables.
Une série de scandales, qui ont été évoqués par ailleurs, rendent cette proposition de loi nécessaire. À cet égard, je remercie Jean-François Humbert, Pierre Martin, ainsi que nos collègues de l’Assemblée nationale.
Certains intervenants ont souligné les insuffisances du texte. Bien évidemment, pour rétablir l’esprit originel du sport, il aurait fallu des mesures plus importantes et de plus grande ampleur.
Cependant, l’idéal est une chose et la réalité en est une autre, d’autant que les faits sont têtus. Des usages que nous n’avons pas encouragés se sont développés.
Aujourd’hui, nous nous attaquons au problème des agents sportifs. L’opacité de leurs pratiques et les scandales récurrents donnent de cette profession une image peu conforme à l’esprit du sport.
Les agents de joueurs ont mauvaise réputation, liée à la façon dont ils gèrent, parfois plus ou moins honnêtement, la carrière des sportifs. Tous ne sont cependant pas à mettre dans le même sac !
Malgré les renforcements successifs de notre législation, les pratiques frauduleuses perdurent et les affaires impliquant des agents sportifs se multiplient : certains exercent encore leur activité dans des conditions irrégulières et le contrôle pratiqué par les fédérations sportives demeure insignifiant, pour ne pas dire complaisant. Tout cela a déjà été largement souligné ce matin.
Cette proposition de loi, qui permettra à un club de payer directement l’agent sportif, fait preuve de pragmatisme – je le dis même si j’ai entendu s’élever certaines critiques –, puisqu’elle vise à légaliser une pratique interdite, mais d’utilisation constante.
Certes, nous pouvons nous interroger sur l’état de santé d’une démocratie qui ne parvient pas à faire appliquer la loi et qui en est réduite à modifier sa législation pour officialiser des dérives qu’elle n’arrive plus à contrôler. Je ne sais pas si cette démarche suffira à mettre un terme aux pratiques frauduleuses ; mais une chose est sûre, elle permettra une plus grande transparence puisque toutes les transactions financières seront connues des fédérations sportives.
Il est vrai que nous aurions pu profiter de l’occasion offerte par ce texte pour mieux encadrer, et ainsi assainir, les opérations financières qui s’effectuent autour des contrats, des transferts et des achats de joueurs dans certains sports professionnels. Comme une simple valeur marchande, les joueurs figurent au bilan des sociétés sportives, ce qui est parfois, certains de mes collègues l’ont souligné, difficilement défendable sur le plan intellectuel.
Cependant, force est de constater que la proposition de loi renforce les sanctions pénales : les contrats passés avec les mineurs devront impérativement être déclarés auprès de la fédération concernée et ne donneront lieu à aucune retombée financière pour les agents. C’est un pas en avant important.
Même si les objectifs d’encadrement et de moralisation de la profession sont loin d’être atteints, le texte a le mérite, notamment, d’instaurer l’impossibilité pour une personne morale d’obtenir une licence d’agent, d’encadrer l’activité des agents étrangers, d’interdire la rémunération des agents pour tout contrat passé avec un sportif mineur, de renforcer le champ des incompatibilités afin d’éviter tout risque de collusion entre les agents et les autres acteurs du sport. Il s’agit d’autant de mesures nécessaires pour assainir les pratiques de la profession.
Il est vrai que ce texte présente des insuffisances, mais gardons à l’esprit que le problème à traiter n’est pas uniquement français. La France n’est qu’un acteur parmi d’autres, et elle est souvent pionnière en la matière par rapport aux autres pays. Elle ne peut pas non plus s’autopénaliser en s’imposant des cadres et des carcans, si légitimes fussent-ils, qui ne vaudraient que pour elle !
M. Pierre Martin, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Pierre Plancade. Une harmonisation juridique européenne serait primordiale pour une action plus efficace.
En conclusion, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le RDSE et les radicaux de gauche considèrent que cette proposition de loi est une étape, certainement insuffisante, mais qui a le mérite d’exister, d’aller dans le bon sens, et de nous faire avancer un peu plus sur la voie de la transparence et de la moralisation de la profession d’agent sportif. C’est la raison pour laquelle nous la voterons sans état d’âme ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, chers collègues, lors de la première lecture de cette proposition de loi d’origine sénatoriale, nous nous étions étonnés de la rapidité avec laquelle elle avait été inscrite à l’ordre du jour du Sénat. Cela avait pris moins de quinze jours. Un tel délai, nous l’avions souligné à l’époque, ne nous avait pas permis de faire le tour des différentes problématiques.
On nous avait alors répondu qu’il était urgent de légiférer compte tenu des dérives constatées, en particulier dans le football. C’était il y a deux ans, presque jour pour jour : autant dire que la navette a été bien laborieuse !
La preuve est donc faite qu’il n’y avait aucune urgence et que nous aurions pu prendre le temps de nous livrer à un véritable examen du texte. Encore fallait-il qu’il y ait une volonté politique forte en ce sens.
Cette fébrilité est d’autant plus dommageable qu’elle a également été de mise à l’Assemblée nationale et qu’elle se retrouve encore aujourd'hui, en deuxième lecture, au Sénat. Le texte a été présenté en commission il y a à peine une semaine et n’a pas fait l’objet d’un examen approfondi.
Or, en deux ans, les choses ont bien sûr changé et la volonté législative aurait dû s’en trouver renforcée. Le Gouvernement avait la possibilité d’élargir le champ du texte et de renforcer ses prescriptions. Nous aurions souhaité qu’il se saisisse de cette occasion pour mettre en place de nouveaux mécanismes de contrôle et de sanction. Ce n’est pas le choix qui a été fait.
Nous le regrettons d’autant plus que ce texte est porteur d’un certain nombre d’avancées que nous saluons, notamment pour la protection des mineurs. Il aurait mérité d’être enrichi, y compris sur ce point.
En ne prenant pas la mesure de l’ensemble des problèmes rencontrés par les mineurs, en particulier les mineurs d’origine étrangère dont vous avez parlé, madame la secrétaire d'État, ce texte reste encore très en deçà de ce qu’il faudrait faire et des préconisations de Michel Platini.
Nous regrettons également que les propositions contenues dans les différents rapports rédigés sur ce sujet n’aient pas été retenues.
Pourquoi, comme le préconisait l’Inspection générale de la jeunesse et des sports, ne pas proposer de renforcer les compétences de la Direction nationale du contrôle de gestion dans ce domaine et de sanctionner sportivement les clubs qui ne respecteraient pas les règles ?
Pourquoi ne pas envisager la centralisation bancaire des flux financiers liés aux transferts, comme l’a proposé la Ligue de football professionnel dans son Livre blanc ?
Certes, grâce à la navette parlementaire, les sanctions financières ont été renforcées, mais elles restent encore limitées au regard des sommes considérables qui circulent et dont la provenance est souvent pour le moins incertaine.
Finalement, en deux ans, la seule contribution du Gouvernement sur cette question aura été le dépôt, il y a à peine deux mois, d’un amendement de dernière minute à l’Assemblée nationale tendant à restreindre les interdictions d’exercer la profession d’agent sportif.
En contradiction complète avec la volonté affichée dans la proposition de loi, qui vise à encadrer la profession d’agent sportif et à éliminer les brebis galeuses, cette profession ne sera plus interdite aux personnes qui se sont rendues coupables d’atteintes physique et psychique sur une personne, de vol et de détournement de fonds, de recel, de blanchiment ou de corruption. En réalité, seul le code de commerce est visé.
Les incriminations pénales pouvant donner lieu à l’interdiction d’exercer restent vagues. Aucun article du code n’est mentionné.
Au final, cette proposition de loi apparaît comme un texte de circonstance, répondant aux pressions exercées par les lobbies du foot-business. Trois prescriptions semblent former le cœur du texte : autoriser ce qui était auparavant interdit, à savoir le paiement des agents sportifs par les clubs ; introduire les agents sportifs dans les négociations liées au recrutement des entraîneurs ; permettre aux ligues sportives de contrôler les contrats en lieu et place des fédérations.
Plutôt qu’à une meilleure réglementation de la profession, nous assistons à une reddition en pleine campagne face aux exigences des clubs professionnels, dans la mesure où l’actuel article L. 222-10 du code du sport qui interdit le double mandatement ne s’appliquera plus !
Ce faisant, une partie des sommes considérables qui circulent lors des transferts changeront de statut fiscal. Je ne suis pas sûr que les deniers publics sortiront renforcés de cette manœuvre.
Par ailleurs, les sportifs, le plus souvent les footballeurs, vont pouvoir accepter une restriction de leurs salaires puisqu’ils n’auront plus à payer leurs agents. Les cotisations sociales acquittées par eux et par les clubs s’en trouveront diminuées.
Aujourd’hui, plus que jamais, nous refusons une telle perspective. Alors qu’un véritable plan de rigueur se prépare, le sport professionnel fait voter une loi pour réduire sa propre contribution à l’effort de solidarité nationale. C’est inacceptable !
Nous étions contre cette mesure il y a deux ans ; nous le sommes évidemment encore plus aujourd’hui. Il y a même une certaine forme d’indécence à faire de telles propositions en ce moment, lorsqu’on connaît le montant des transferts !
Notre refus est d’autant plus ferme que le contrôle des nouvelles règles pourra être confié aux ligues sportives, qui sont majoritairement dirigées par des responsables de clubs. Ces derniers seraient alors juges et parties, appelés à contrôler eux-mêmes leurs propres pratiques.
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en raison des insuffisances du texte et de toutes ces prescriptions que nous refusons, vous comprendrez aisément notre position : si, comme certains propos l’ont laissé entendre, les amendements que nous avons déposés ne sont pas adoptés, nous voterons évidemment contre cette proposition de loi !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Madame la présidente, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au moment où le tournoi international de tennis de Roland-Garros bat son plein et à la veille de la Coupe du monde de football en Afrique du Sud, le groupe de l’Union centriste apportera ses voix à la proposition de loi visant à encadrer la profession d’agent sportif.
Cette activité concerne 6 000 professionnels en Europe, essentiellement dans le domaine des sports collectifs, pour un chiffre d’affaires de 200 millions d’euros en 2009.
Le monde sportif se professionnalise de plus en plus, obéissant incontestablement à une logique commerciale : il brasse une quantité d’argent considérable, en raison de la médiatisation croissante des compétitions sportives. Les sportifs touchent quant à eux des salaires tout aussi considérables, d’autres l’ont déjà dit, mais je me permets de le rappeler, car cela me paraît important : pour information, les joueurs de football de Ligue 1 gagnent en moyenne 40 000 euros par mois, et un international français toucherait, me dit-on, 100 000 euros par semaine – si l’information est vraie, ce chiffre est complètement fou !
Les enjeux commerciaux et financiers colossaux du monde sportif prennent parfois le pas sur l’esprit du sport et de la compétition, et la concurrence mondiale entre les clubs et les nations ne fait qu’accroître l’inflation du montant des transferts des joueurs.
Madame la secrétaire d’État, nous devons nous interroger sur le modèle que nous proposons à la jeunesse, en France, en Europe ou dans le monde. L’image des footballeurs et de leurs équipes exerce une influence fantastique sur le modèle de vie dont rêvent beaucoup de jeunes. Comment avons-nous pu, en France comme ailleurs, laisser dériver les salaires des joueurs évoluant à ces niveaux de compétition, au détriment de toutes les valeurs du sport ? Le rugby, moins prégnant dans l’imaginaire collectif de la jeunesse, a tout de même réussi, du moins en France, à limiter une telle inflation des salaires.
Il nous faut réfléchir à ce problème, car notre pays à un rôle à jouer dans le monde. Comment avons-nous pu laisser autant de pouvoir à nos fédérations sportives, françaises, européennes ou mondiales, qui sont devenues de véritables États dans l’État : aucune influence politique ne peut s’exercer sur elles !
Il importe que la voix de la France puisse rappeler certaines valeurs ! Pourquoi la Fédération française de football, l’UEFA ou la FIFA ne pourraient-elles pas réaliser un travail d’harmonisation ? Pourquoi ces trois fédérations ne seraient-elles pas en mesure de freiner cette inflation des salaires ? Que fait Michel Platini, le président français de l’UEFA ? Ne pourriez-vous pas, madame la secrétaire d’État, envisager avec lui les actions à mener ? Vous êtes jeunes, vous pouvez avoir une influence énorme dans ce domaine ! Il est très important que nous jouions un rôle de lobbying auprès de ces responsables pour leur demander d’être raisonnables et de ramener un peu d’ordre dans la profession.
Cette question me paraît très importante pour l’évolution du monde et de la jeunesse française ; je considère même qu’elle est fondamentale. En tant qu’élu parisien, j’ai toujours refusé de voter la subvention de 3 ou 4 millions d’euros attribuée au Paris-Saint-Germain, non pas parce que je ne soutiens pas ce club, mais parce que je suis toujours défavorablement impressionné, quand je me rends dans les écoles, par l’admiration que portent les enfants à ces joueurs qui gagnent des sommes folles ! Comment pouvons-nous offrir de tels modèles à notre jeunesse ? Cela mérite réflexion.
Après ces observations, permettez-moi de revenir au texte de la proposition de loi.
Si la loi du 6 juillet 2000 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives a tenté d’encadrer la profession d’intermédiaire sportif en posant les règles d’accès, d’exercice et de contrôle des agents sportifs, le système en vigueur n’a pas permis d’enrayer la multiplication des pratiques frauduleuses dans cette profession.
Le rapport rendu en 2005 par l’Inspection générale de la jeunesse et des sports et l’Inspection générale des finances, cité par notre collègue député Philippe Boënnec, relève en effet le très faible taux de contrats de mandat soumis aux fédérations, le non-respect quasiment généralisé de l’obligation de rémunération de l’agent sportif par le seul sportif, le club s’acquittant de cette rémunération, ainsi que le nombre trop important d’agents dépourvus de licences – ce monde est trouble et on ne sait pas si des influences autres, relevant de la grande délinquance mondiale, ne s’exercent pas. Le rapport constatait également la difficulté du contrôle des agents, du fait de la possibilité ouverte par la loi d’attribuer la licence à une personne morale, ou encore la détention, par certains agents, de parts de capital de clubs, entraînant des conflits d’intérêts avérés.
On pourrait continuer cet inventaire à la Prévert, mais je crois que nous nous accordons tous à reconnaître la nécessité d’établir des règles plus strictes d’encadrement de la profession d’agent sportif. En ce sens, la proposition de loi qui nous est soumise prévoit des mesures que le groupe de l’Union centriste soutient assez largement.
L’octroi de la licence aux seules personnes physique et, a contrario, l’interdiction faite aux personnes morales d’exercer l’activité d’agent sportif constituent des avancées considérables, qui faciliteront certainement le contrôle de cette profession.
En outre, en autorisant la rémunération des agents par les clubs, on diminue les risques de paiements officieux, et donc la circulation et le blanchiment d’argent sale ; ce problème n’a pas été suffisamment soulevé. En revanche, on peut regretter que l’agent ne soit pas rémunéré par le seul sportif, laissant encore la porte ouverte à des pratiques de double mandatement, où l’agent touche une commission du sportif et du club. Dans tous les cas, la proposition de loi constitue un moindre mal.
En interdisant le cumul des fonctions de dirigeant, d’associé ou d’actionnaire d’une société d’agents sportifs avec celles de sportif ou d’entraîneur, la proposition de loi permet d’éviter les conflits d’intérêts.
Dans un monde sportif largement internationalisé, il est important de pouvoir exercer un contrôle sur les agents sportifs ressortissants de pays extérieurs à l’Union européenne. En effet, dans un contexte d’opérations de placement transfrontalières, le contrôle et la mise en œuvre de sanctions sont difficiles à réaliser, voire ineffectifs. Le fait que la loi prévoie la conclusion d’une convention de présentation avec un agent détenteur de licence, sans préciser que celle-ci doit-être nationale, n’est pas complètement satisfaisant. Cette exigence aurait été d’autant plus souhaitable qu’elle n’est pas considérée par le droit communautaire comme une entrave à la libre circulation des salariés : la proposition de loi aurait donc pu aller encore plus loin. La solution retenue permet malgré tout un contrôle a minima de l’activité des agents internationaux en France et constitue, à ce titre, un progrès.
De plus, l’interdiction faite à un agent de toucher de l’argent pour le transfert d’un mineur constitue une mesure qui, en théorie, évite la « marchandisation » des jeunes joueurs. Au-delà des bonnes intentions, une telle mesure ne me semble pas revêtir une portée pratique satisfaisante. Trop de sportifs sont mineurs et les agents qui placent ces « potentiels » toucheront, d’une manière ou d’une autre, une commission.
Enfin, la proposition de loi aggrave les sanctions, notamment financières, à l’encontre des agents qui exercent dans l’illégalité. L’Assemblée nationale a souhaité que les sanctions prises par les fédérations soient publiées, et je soutiens cette initiative. J’en profite pour rappeler, à l’instar de mes collègues du groupe de l’Union centriste qui interviennent dans le débat sur le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, que, lorsque les amendes financières ne revêtent pas d’effet dissuasif dans un milieu professionnel donné, il n’est pas de meilleure sanction que celle qui porte atteinte à l’image du contrevenant. Si nous voulons aller jusqu’au bout de la moralisation de la profession – c’est un grand rêve ! –, il faut l’assumer et faire connaître les mauvais élèves aux supporters, en publiant chaque sanction.
Pour conclure, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je salue une nouvelle fois l’initiative de notre collègue Jean-François Humbert, ainsi que le travail de notre rapporteur, Pierre Martin. Avec ce texte, ils tentent de vaincre l’opacité et les déviances d’un système, afin de rendre au sport ses lettres de noblesse et de répondre ainsi à l’attente de notre jeunesse impatiente ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Bordier.
M. Pierre Bordier. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’occasion de la deuxième lecture de la proposition de loi visant à encadrer la profession d’agent sportif, que notre collègue Jean-François Humbert avait déposée en mai 2008 avec nombre de nos collègues, je tiens à rappeler les enjeux attachés à ce texte.
La loi du 6 juillet 2000 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives avait instauré un premier dispositif d’encadrement de la profession. En dix ans, plusieurs rapports et investigations portant sur le milieu sportif ont montré que ses résultats étaient nuancés.
Si ce dispositif a permis de réglementer l’accès à la profession d’une façon relativement satisfaisante, les différents scandales impliquant des agents sportifs ont démontré que le contrôle de l’exercice de cette activité méritait d’être amélioré. En effet, nous constatons aujourd’hui que le sport n’a jamais représenté une telle manne financière, brassant des milliards d’euros au mépris des valeurs sportives. Il nous appartient donc, mes chers collègues, de garantir le respect de ces valeurs, qui sont partagées sur nos travées.
Aussi la présente proposition de loi répond-elle à un double objectif : d’une part, compléter les dispositions législatives encadrant l’accès au métier d’intermédiaire joué par l’agent sportif ; d’autre part, renforcer l’encadrement et la moralisation de la profession. Je tiens à souligner que l’utilité de cette fonction de conseil auprès des sportifs n’est pas en cause : il s’agit uniquement de responsabiliser davantage les fédérations, afin que les quelques agents sportifs peu scrupuleux ne puissent plus nuire à l’ensemble de la profession.
Dans ce but, le texte originel de la proposition de loi tendait à renforcer sur plusieurs points le dispositif législatif régi par les articles L. 222-6 et suivants du code du sport. Lors de l’adoption de cette proposition de loi en première lecture, le 4 juin 2008, nous visions un certain nombre d’objectifs.
Premièrement, seules les personnes physiques ayant réussi l’examen d’agent sportif devaient pouvoir obtenir la licence professionnelle. Vous avez, madame la secrétaire d’État, affirmé la nécessité de supprimer la délivrance de cette licence aux personnes morales dans le but d’une « identification claire et précise de l’agent sportif ». Le groupe UMP et moi-même en approuvons le principe, sachant que, si les personnes morales ne peuvent plus se voir délivrer cette licence, les agents sportifs pourront toujours se constituer en société.
Deuxièmement, les régimes d’incompatibilités étaient renforcés afin d’éviter les conflits d’intérêts entre l’activité d’agent et celles des autres acteurs du monde du sport. Il en allait de même pour les régimes d’incapacités, afin d’empêcher l’exercice de la profession par des délinquants financiers.
Troisièmement, les agents sportifs étaient rémunérés par les clubs, même lorsqu’ils sont mandatés par les joueurs. L’ensemble des contrats devait être soumis aux fédérations.
Quatrièmement, le renouvellement triennal de la licence était remplacé par un contrôle annuel de l’activité d’agent. Sur ce point, nous avions, mes chers collègues, précisé que le contrôle du respect des dispositions du code du sport devait être effectué par les fédérations. Vous avez, madame la secrétaire d’État, soutenu cette vigilance envers la profession et je vous en remercie.
Enfin, cinquièmement, les agents sportifs devaient respecter l’obligation de souscrire des garanties d’assurance pour couvrir leur responsabilité civile et celle de leurs préposés.
Nos collègues députés ont apporté diverses modifications à cet ensemble de mesures, contre lesquelles la commission de la culture, de l’éducation et de la communication n’a pas exprimé d’objection.
Concernant, tout d’abord, les règles d’incompatibilités, nos collègues députés ont souhaité supprimer l’interdiction du cumul de la fonction d’agent sportif et de l’exercice de la profession d’avocat. Malgré cette suppression, nous nous réjouissons qu’ils aient abouti à un dispositif équilibré, en maintenant les autres séparations juridiques que nous avions adoptées entre les agents sportifs et d’autres acteurs du sport.
Ensuite, les députés ont également supprimé l’obligation de souscrire une garantie d’assurance. Il nous avait semblé prudent de prévoir cette disposition, afin de couvrir la responsabilité civile des agents et celle de leurs préposés. Toutefois, comme l’a souligné le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale, il pouvait être difficile de justifier l’exigence de cette garantie pour les agents sportifs établis dans un autre État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen. Afin de ne pas léser ces derniers, nous donnons notre accord au maintien de cette suppression.
Quant au régime des incapacités applicable à la profession d’agent sportif, les députés l’ont simplement aligné sur celui de la profession d’avocat. Cet alignement, issu d’un amendement du Gouvernement, répond au souci, comme vous l’avez souligné, madame la secrétaire d’État, « de viser un champ d’incapacités tout aussi pertinent et qui présente le double avantage d’être à la fois éprouvé juridiquement et plus transparent ».
Je dois souligner que notre collègue auteur de la proposition de loi, Jean François Humbert, était opposé à la réduction du champ des incapacités. Même si la logique de simplification est louable, le régime des incapacités applicable aux avocats ne prend pas en compte des éléments comme les atteintes à la dignité de la personne ou encore les discriminations, qui me paraissent essentiels dans le processus de moralisation de la profession d’agent sportif.
S’agissant, enfin, des sanctions pénales, nous approuvons les modifications apportées. L’Assemblée nationale est allée dans le bon sens, en aggravant les sanctions pénales que nous avions déjà étendues à de nouveaux cas de non-respect du code du sport. La publication des sanctions prises à l’encontre d’agents sportifs est notamment prévue : nous nous accordons pour reconnaître à cette disposition son utilité afin de favoriser la transparence du système.
Mes chers collègues, ce texte, fruit d’un travail de longue haleine, donne à la profession d’agent sportif, discréditée par les dérives du sport-business, un statut conforme aux valeurs françaises du sport portées par la philosophie de Pierre de Coubertin. Nous nous devions d’encadrer la profession et d’instaurer les outils permettant de sanctionner ces dérives : c’est chose faite et nous nous en félicitons !
Je souhaite aborder un dernier point concernant l’utilisation abusive de mineurs étrangers par les clubs sportifs européens. Ce trafic de jeunes gens, majoritairement africains, rêvant d’être sportifs de haut niveau et à qui on promet un avenir glorieux pour, souvent, les abandonner sans protection en cas d’échec, est inacceptable.
Madame la secrétaire d’État, vous avez émis la volonté de faire de notre pays un exemple dans la lutte contre ces pratiques honteuses. Nous nous réjouissons de ce volontarisme face à cette menace pour les droits de l’enfant et pour le sport.
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le groupe UMP votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles adoptés conformes ou les articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Article 1er
(Non modifié)
Les articles L. 222-5 à L. 222-12 du code du sport sont remplacés par dix-huit articles L. 222-5 à L. 222-13 ainsi rédigés :
« Art. L. 222-5. – L’article L. 7124-9 du code du travail s’applique aux rémunérations de toute nature perçues pour l’exercice d’une activité sportive par des enfants de seize ans et moins soumis à l’obligation scolaire.
« La conclusion d’un contrat, soit relatif à l’exercice d’une activité sportive par un mineur soit dont la cause est l’exercice d’une activité sportive par un mineur, ne donne lieu à aucune rémunération ou indemnité ni à l’octroi de quelque avantage que ce soit au bénéfice d’une personne physique ou morale mettant en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un de ces contrats ou d’une personne physique ou morale agissant au nom et pour le compte du mineur.
« Les conventions écrites en exécution desquelles une personne physique ou morale met en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un de ces contrats ou agit au nom et pour le compte du mineur mentionnent l’interdiction prévue à l’alinéa précédent. La personne physique ou morale partie à une telle convention la transmet à la fédération délégataire compétente. Cette fédération édicte également les règles relatives à la communication des contrats relatifs à l’exercice d’une activité sportive par un mineur.
« Toute convention contraire au présent article est nulle.
« Art. L. 222-5-1. – Les infractions aux règles de rémunération mentionnées au premier alinéa de l’article L. 222-5 sont punies d’une amende de 7 500 €.
« La récidive est punie d’un emprisonnement de six mois et d’une amende de 15 000 €.
« Art. L. 222-6. – L’activité consistant à mettre en rapport, contre rémunération, les parties intéressées à la conclusion d’un contrat soit relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, soit qui prévoit la conclusion d’un contrat de travail ayant pour objet l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement, ne peut être exercée que par une personne physique détentrice d’une licence d’agent sportif.
« La licence est délivrée, suspendue et retirée, selon la discipline concernée, par la fédération délégataire compétente. Celle-ci contrôle annuellement l’activité des agents sportifs.
« Chaque fédération délégataire compétente publie la liste des agents sportifs autorisés à exercer dans sa discipline, ainsi que les sanctions prononcées en application de l’article L. 222-10-2 à l’encontre des agents, des licenciés et des associations et sociétés affiliées.
« Art. L. 222-6-1. – L’agent sportif peut, pour l’exercice de sa profession, constituer une société ou être préposé d’une société.
« Art. L. 222-7. – Nul ne peut obtenir ou détenir une licence d’agent sportif :
« 1° S’il exerce, directement ou indirectement, en droit ou en fait, à titre bénévole ou rémunéré, des fonctions de direction ou d’entraînement sportif soit dans une association ou une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives, soit dans une fédération sportive ou un organe qu’elle a constitué, ou s’il a été amené à exercer l’une de ces fonctions dans l’année écoulée ;
« 2° S’il est ou a été durant l’année écoulée actionnaire ou associé d’une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives ;
« 3° S’il a fait l’objet d’une sanction disciplinaire au moins équivalente à une suspension par la fédération délégataire compétente à raison d’un manquement au respect des règles d’éthique, de moralité et de déontologie sportives ;
« 4° S’il est préposé d’une association ou d’une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives ;
« 5° S’il est préposé d’une fédération sportive ou d’un organe qu’elle a constitué ;
« 6° (Suppression maintenue)
« Art L. 222-7-1. – (Non modifié) – Nul ne peut exercer, directement ou indirectement, en droit ou en fait, à titre bénévole ou rémunéré, des fonctions de direction ou d’entraînement sportif soit dans une association ou une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives, soit dans une fédération sportive ou un organe qu’elle a constitué s’il a exercé la profession d’agent sportif durant l’année écoulée.
« Nul ne peut être actionnaire ou associé d’une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives s’il a exercé la profession d’agent sportif durant l’année écoulée.
« Art. L. 222-7-2. – Nul ne peut obtenir ou détenir une licence d’agent sportif s’il :
« 1° A été l’auteur de faits ayant donné lieu à condamnation pénale pour agissements contraires à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ;
« 2° A été frappé de faillite personnelle ou de l’une des mesures d’interdiction ou de déchéance prévues au livre VI du code de commerce ou, dans le régime antérieur à la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, en application du titre VI de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ou, dans le régime antérieur à cette loi, en application du titre II de la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire, la liquidation des biens, la faillite personnelle et les banqueroutes.
« Le bulletin n° 2 du casier judiciaire est délivré à la fédération délégataire compétente.
« Art. L. 222-8. – (Non modifié) – Sont soumis aux incompatibilités et incapacités prévues aux articles L. 222-7 à L. 222-7-2 les préposés d’un agent sportif ou de la société qu’il a constituée pour l’exercice de son activité.
« Il est interdit d’être préposé de plus d’un agent sportif ou de plus d’une société au sein de laquelle est exercée l’activité d’agent sportif.
« Art. L. 222-8-1. – Lorsque l’agent sportif constitue une société pour l’exercice de sa profession, ses dirigeants, associés ou actionnaires sont soumis aux incompatibilités et incapacités prévues aux articles L. 222-7 à L. 222-7-2.
« Lorsque l’agent sportif constitue une personne morale pour l’exercice de sa profession, ses associés ou actionnaires ne peuvent en aucun cas être :
« 1° Une association ou une société employant des sportifs contre rémunération ou organisant des manifestations sportives ;
« 2° Une fédération sportive ou un organe qu’elle a constitué.
« Art. L. 222-8-2. – (Non modifié) – Lorsque l’agent sportif constitue une personne morale pour l’exercice de sa profession, ses dirigeants, associés ou actionnaires ne peuvent être des sportifs ou des entraîneurs pour lesquels l’agent peut exercer l’activité mentionnée au premier alinéa de l’article L. 222-6.
« Art. L. 222-9. – L’activité d’agent sportif peut être exercée sur le territoire national, dans les conditions prévues aux articles L. 222-5 à L. 222-13, par les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen :
« 1° Lorsqu’ils sont qualifiés pour l’exercer dans l’un des États mentionnés au premier alinéa du présent article dans lequel la profession ou la formation d’agent sportif est réglementée ;
« 2° Ou lorsqu’ils ont exercé à plein temps pendant deux ans au cours des dix années précédentes la profession d’agent sportif dans l’un des États mentionnés au premier alinéa dans lequel ni la profession, ni la formation d’agent sportif ne sont réglementées et qu’ils sont titulaires d’une attestation de compétence ou d’un titre de formation délivré par l’autorité compétente de l’État d’origine.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions auxquelles est soumis l’exercice de l’activité d’agent sportif par les ressortissants de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen souhaitant s’établir sur le territoire national, lorsqu’il existe une différence substantielle de niveau entre la qualification dont les intéressés se prévalent et les exigences requises pour l’obtention de la licence visée à l’article L. 222-6.
« L’activité d’agent sportif peut également être exercée de façon temporaire et occasionnelle par les ressortissants légalement établis dans un État membre de l’Union européenne ou dans un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen dans le respect de l’article L. 222-7-2. Toutefois, lorsque ni l’activité concernée, ni la formation permettant de l’exercer ne sont réglementées dans l’État membre d’établissement, ses ressortissants doivent l’avoir exercée pendant au moins deux années au cours des dix années qui précèdent son exercice sur le territoire national.
« Les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État partie à l’accord sur l’Espace économique européen doivent, préalablement à l’exercice de l’activité d’agent sportif sur le territoire national, y compris temporaire et occasionnelle, en faire la déclaration à la fédération délégataire compétente selon des modalités définies par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 222-9-1. – Le ressortissant d’un État qui n’est pas membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen et qui n’est pas titulaire d’une licence d’agent sportif mentionnée à l’article L. 222-6 doit passer une convention avec un agent sportif ayant pour objet la présentation d’une partie intéressée à la conclusion d’un contrat mentionné au même article L. 222-6.
« La convention de présentation mentionnée au premier alinéa du présent article doit être transmise à la fédération délégataire compétente.
« Un agent sportif établi dans un des États ou territoires considérés comme non coopératifs au sens de l’article 238-0A du code général des impôts ne peut exercer l’activité d’agent sportif sur le territoire national.
« Toute convention de présentation conclue avec un tel agent est nulle.
« Art. L. 222-10. – Un agent sportif ne peut agir que pour le compte d’une des parties aux contrats mentionnés à l’article L. 222-6.
« Le contrat écrit en exécution duquel l’agent sportif exerce l’activité consistant à mettre en rapport les parties intéressées à la conclusion d’un des contrats mentionnés à l’article L. 222-6 précise :
« 1° Le montant de la rémunération de l’agent sportif, qui ne peut excéder 10 % du montant du contrat conclu par les parties qu’il a mises en rapport ;
« 2° La partie à l’un des contrats mentionnés à l’article L. 222-6 qui rémunère l’agent sportif.
« Lorsque, pour la conclusion d’un contrat mentionné à l’article L. 222-6, plusieurs agents sportifs interviennent, le montant total de leurs rémunérations ne peut excéder 10 % du montant de ce contrat.
« Le montant de la rémunération de l’agent sportif peut, par accord entre celui-ci et les parties aux contrats mentionnés à l’article L. 222-6, être pour tout ou partie acquitté par le cocontractant du sportif ou de l’entraîneur. Cette rémunération n’est alors pas qualifiée d’avantage en argent accordé au sportif ou à l’entraîneur en sus des salaires, indemnités ou émoluments. L’agent sportif donne quittance du paiement au cocontractant du sportif ou de l’entraîneur.
« Toute convention contraire au présent article est réputée nulle et non écrite.
« Art. L. 222-10-1. – Au titre de la délégation de pouvoir qui leur est concédée, les fédérations délégataires et, le cas échéant, les ligues professionnelles qu’elles ont constituées veillent à ce que les contrats mentionnés aux articles L. 222-6 et L. 222-10 préservent les intérêts des sportifs, des entraîneurs et de la discipline concernée et soient conformes aux articles L. 222-6 à L. 222-10. À cette fin, elles édictent les règles relatives :
« 1° À la communication des contrats mentionnés à l’article L. 222-6 et de ceux mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 222-10 ;
« 2° À l’interdiction à leurs licenciés ainsi qu’à leurs associations et sociétés affiliées de recourir aux services d’une personne exerçant l’activité mentionnée au premier alinéa de l’article L. 222-6 qui ne détient pas de licence d’agent sportif au sens de ce même article ;
« 3° Au versement de la rémunération de l’agent sportif, qui ne peut intervenir qu’après transmission du contrat visé au deuxième alinéa de l’article L. 222-10 à la fédération délégataire compétente.
« Art. L. 222-10-2. – Les fédérations délégataires compétentes édictent des sanctions à l’encontre des agents sportifs, des licenciés et des associations et sociétés affiliées, en cas de :
« 1° Non-communication :
« a) Des contrats mentionnés à l’article L. 222-6 ;
« b) Des contrats mentionnés au deuxième alinéa de l’article L. 222-10 ;
« 2° Non-respect des articles L. 222-5 et L. 222-6 à L. 222-10-1 ;
« 3° Non-communication des documents nécessaires au contrôle de l’activité de l’agent.
« Art. L. 222-11. – Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende le fait d’exercer l’activité définie à l’article L. 222-6 :
« 1° Sans avoir obtenu la licence d’agent sportif ou en méconnaissance d’une décision de suspension ou de retrait de cette licence ;
« 2° Ou en violation du deuxième alinéa de l’article L. 222-5 ou des articles L. 222-7 à L. 222-10.
« Le montant de l’amende peut être porté au-delà de 30 000 € jusqu’au double des sommes indûment perçues en violation des 1° et 2° du présent article.
« Art. L. 222-12. – (Non modifié) – Les peines prévues à l’article L. 222-11 peuvent être accompagnées d’une interdiction temporaire ou définitive d’exercer l’activité d’agent sportif.
« Art. L. 222-13. – (Non modifié) – Les modalités d’application des articles L. 222-6, L. 222-6-1 et L. 222-9 à L. 222-10-2 sont définies par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. L'amendement n° 5, présenté par M. Lozach et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Tout agent sportif étant intervenu dans la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité sportive ou ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité sportive par un salarié d'une association ou d'une société employant des sportifs ne peut intervenir également pour la conclusion d'un contrat relatif à l'exercice rémunéré d'une activité d'entraînement ou qui prévoit la conclusion d'un contrat de travail ayant pour objet l'exercice rémunéré d'une activité d'entraînement par un autre salarié de cette même association ou société.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. La proposition de loi tend à définir la profession d’agent sportif de manière étroite. En l’appréhendant uniquement sous l’angle de l’intermédiaire mercantile et de son rôle transactionnel, le texte laisse de côté tout le champ du conseil et de l’assistance au joueur, qui constitue pourtant le quotidien de nombre d’agents, en tout cas les plus professionnels, pour ne pas dire les plus sérieux, d’entre eux. L’aide qu’ils apportent dans le déroulement de carrière des sportifs est réelle.
De cette définition réductrice, il résulte un dispositif timide, non seulement quant à l’équilibre des forces entre joueur, club et agent, mais également en matière de conflits d’intérêts. Ainsi, la proposition de loi, dans sa rédaction actuelle, tend à ignorer un grand nombre de situations dans lesquelles l’exercice de l’activité d’agent sportif engendre de tels conflits.
Nous considérons, par exemple, que le cumul des fonctions d’agent de joueurs et d’agent d’entraîneurs, s’il n’est pas mieux encadré, constitue une source potentielle de conflits d’intérêts. Il permet effectivement à un même agent de gérer, à la fois, la carrière de l’entraîneur d’un club et celle d’un ou plusieurs joueurs de ce même club.
Or, comme je l’indiquais dans mon propos liminaire, un entraîneur aura toujours tendance à privilégier un joueur qui relève du même agent que lui, étant rappelé que plus un joueur joue et plus sa valeur marchande augmente sur le marché des transferts. Dans ce cas de figure, la collusion entre l’agent et l’entraîneur peut aussi s’opérer aux dépens du joueur. On pourrait notamment imaginer qu’un agent et un entraîneur s’entendent pour faire jouer un sportif a minima, afin de lui faire accepter une procédure de transfert.
C’est pourquoi nous vous proposons d’interdire qu’un même agent puisse s’occuper de l’entraîneur et d’un ou plusieurs joueurs d’un même club.
Dans votre introduction, madame la secrétaire d’État, vous avez expliqué que cette proposition de loi permettrait d’atteindre l'objectif recherché, à savoir une sécurité juridique maximale. Je pense que l’objet de cet amendement rejoint votre préoccupation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. Aujourd’hui, la profession d’agent d’entraîneurs n’est ni autorisée ni encadrée. Pourtant, dans les faits, elle se développe.
La proposition de loi vise à permettre un contrôle de cette profession, ce qui constitue déjà un point positif.
Dans ce cadre, monsieur Lozach, vous posez la question suivante : que se passe-t-il si l’agent est simultanément l’agent de l’entraîneur d’une équipe et l’agent d’un joueur de cette même équipe ?
Le problème, selon moi, c’est que l’on ne peut pas savoir à l’avance où les joueurs vont être transférés. Avec cet amendement, nous courons le risque qu’aucun agent ne souhaite devenir agent d’entraîneurs, afin de ne pas restreindre sa liberté de négocier avec les joueurs, ou plutôt que ces agents d’entraîneurs ne soient finalement pas déclarés, ce qui reviendrait à la situation actuelle.
En outre, faut-il vraiment empêcher un agent de faire venir un joueur dans un club où il exerce ? Il démontre ainsi qu’il a confiance en lui, et cela, me semble-t-il, est l’élément essentiel.
On ne doit pas non plus inciter les agents à placer les joueurs à l’étranger, sous prétexte que les règles sont extrêmement rigides en France.
Pour toutes ces raisons, l’amendement n° 5 apparaît beaucoup trop restrictif. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Il a effectivement été constaté, au cours des dernières années, que certains agents sportifs exerçaient aussi la profession d’agent d’entraîneurs. Il est donc nécessaire que les mêmes règles s’appliquent dans les deux cas.
La proposition de loi constitue, de ce point de vue, une avancée importante en matière de contrôle de la profession d’agent d’entraîneurs.
En revanche, comme l’a dit M. le rapporteur, il n’est pas réaliste de penser que cette profession puisse être considérée comme totalement distincte de celle d’agent de joueurs. Une telle interdiction reviendrait, en fait, à encourager le recours à des prête-noms et favoriserait l’opacité. Or c’est tout ce que nous cherchons à éviter avec cette proposition de loi.
Par ailleurs, sur un plan sportif, je vois mal un entraîneur privilégier un mauvais joueur, sous prétexte que ce dernier a un agent en commun avec lui.
Les commissions des agents sportifs, constituées au sein de chaque fédération, devront néanmoins être vigilantes sur la question d’éventuels conflits d’intérêts entre l’activité d’agent de joueurs et celle d’agent d’entraîneurs.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour explication de vote.
M. Serge Lagauche. Si j’en crois la fin de l’intervention de Mme la secrétaire d’État, le dispositif proposé n’est pas aussi rigide que le dit M. le rapporteur. Je pense même qu’en matière de sport mieux vaudrait ne pas évoquer une quelconque rigidité de la loi en France. Nous en sommes loin !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. Pour éviter tout malentendu, je précise que nous ne demandons absolument pas la création de deux métiers distincts, qui seraient, d’une part, l’agent de joueurs et, d’autre part, l’agent d’entraîneurs. Il s’agit simplement d’éviter les confusions et les conflits d’intérêts lorsque le même agent réunit, dans son portefeuille, à la fois l’entraîneur d’un club et un ou plusieurs joueurs de ce même club.
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par M. Lozach et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Tout sportif professionnel doit déclarer à sa fédération délégataire le recours aux services d'un ou de plusieurs agents sportifs et leurs coordonnées.
La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. L’efficacité de ce nouveau dispositif législatif applicable aux agents sportifs dépendra de la manière selon laquelle les fédérations sportives délégataires se l’approprieront et des moyens dont elles disposeront pour le faire appliquer.
Dans cette perspective, l’accès facilité aux informations permettant le contrôle ultérieur est un élément clé. Considérant que les transmissions de contrats sont actuellement insuffisantes, nous proposons une procédure déclarative en cas de recours à un ou plusieurs agents sportifs.
Il est en effet essentiel de garantir la transparence et la stabilité des relations contractuelles entre l’agent et le joueur, car il est fréquent que des contrats soient signés à la dernière minute avant un transfert par l’intermédiaire d’un agent qui n’est pas celui du joueur. La mesure que nous présentons ici y concourra.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. Cet amendement est satisfait dans la mesure où les contrats de travail et de transfert ne seront homologués que si les noms des agents impliqués dans ces contrats ont été transmis à la fédération concernée. Par ailleurs, il y a obligation de publier la liste de ces agents.
En outre, rien ne peut obliger un joueur à conserver le même agent sur une longue durée, et il me semble maladroit, voire dangereux, de l’y forcer.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Il est déjà spécifié, à l’alinéa 50 de l’article 1er, que tout sportif professionnel doit déclarer à sa fédération délégataire le recours aux services d’un ou de plusieurs agents sportifs et les coordonnées de ce ou ces derniers.
Comme l’a indiqué M. le rapporteur, cet amendement est satisfait ; aussi, nous émettons un avis défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 6, présenté par M. Lozach et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après les mots :
constituer une
insérer le mot :
seule
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Une des avancées les plus importantes de la proposition de loi réside dans l’interdiction de délivrer une licence d’agent sportif à une personne morale. Cette possibilité constituait, en effet, une source évidente de détournement de la loi.
Ainsi, dans son rapport d’information, M. Dominique Juillot relevait qu’il était difficile de s’assurer de l’absence de double mandatement, un même agent pouvant représenter les deux parties au même contrat en utilisant, par exemple, sa qualité de personne physique pour le joueur et sa qualité de représentant de la personne morale pour le club.
L’interdiction vient donc lever cette difficulté, mais il ne faudrait pas que le bénéfice attendu de cette évolution en termes de transparence soit contrecarré par la possibilité, pour un même agent, de constituer plusieurs sociétés différentes pour exercer sa profession. Il nous semble en effet que rien n’empêcherait un même agent, sous couvert de sociétés différentes, de représenter les deux parties au même contrat.
C’est précisément ce type de contournements que vise à interdire notre amendement.
Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous nous inspirons en l’occurrence d’un certain nombre d’affaires judiciaires qui ont défrayé la chronique. Je signale à cet égard que, si nous avons beaucoup évoqué le football, d’autres sports sont de plus en plus concernés par le recours aux agents sportifs. Je pense notamment au rugby, dans lequel les agents sportifs ayant le plus de joueurs dans leur portefeuille commencent à envisager un regroupement, afin probablement d’« assécher » le marché. Cette situation engendre une très grande inquiétude, car l’impact risque d’être fort négatif, non seulement pour les finances des clubs concernés, mais également pour l’indépendance des joueurs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. Cet amendement, qui vise à autoriser un agent à ne créer qu’une seule société pour exercer son activité, me paraît attentatoire à la liberté du commerce et ignore les réalités du terrain.
En effet, un agent peut parfaitement exercer son activité dans deux disciplines différentes, s’il dispose de deux licences. Dans ce cas, pourquoi ne créerait-il pas deux sociétés bien distinctes ?
De plus, ce sont les obligations auxquelles sont astreintes les sociétés qui sont les plus importantes et la constitution de plusieurs entités ne permettra pas aux agents de s’extraire des règles régissant la profession.
Notre avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons que celles que M. le rapporteur vient d’exposer, il est également défavorable.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Voguet, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Renar et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 7 est présenté par M. Lozach et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 21 à 23
Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 222-7-2. - Nul ne peut obtenir ou détenir une licence d'agent sportif s'il a fait l'objet d'une condamnation pénale figurant au bulletin n° 2 du casier judiciaire pour crime ou pour l'un des délits prévus :
« 1° Aux chapitres Ier à VI du titre II du livre II du code pénal ;
« 2° Au titre Ier du livre III du même code ;
« 3° Aux chapitres Ier, III et IV du titre II du livre III du même code ;
« 4° Aux chapitres III et IV du titre III du livre IV du même code ;
« 5° Au titre IV du livre IV du même code ;
« 6° Aux articles L. 222-5-1 et L. 232-25 à L. 232-29 du présent code ;
« 7°À l'article 1750 du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l’amendement n° 1.
M. Jean-François Voguet. Cet amendement vise à rétablir le texte initial de la proposition de loi, tel que le Sénat l’avait voté en première lecture et tel qu’il avait été adopté par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale avant son passage en séance publique.
Ce texte élargissait le champ des incapacités actuellement appliquées à l’agent sportif, celles-ci se limitant aux agressions sexuelles, trafics de stupéfiants, proxénétisme, extorsions, escroqueries et infractions en matière de dopage.
Or le Gouvernement a supprimé cette rédaction élargie, en introduisant un amendement tendant à restreindre considérablement le champ des sanctions débouchant sur l’incapacité d’exercer le métier d’agent sportif. Il est ainsi revenu sur ce qui constituait un progrès en matière de transparence et d’encadrement d’une profession à bien des égards insuffisamment contrôlée.
Le texte dont nous discutons aujourd’hui, tel que l’a voulu le Gouvernement, limite donc les incapacités de détenir une licence d’agent sportif aux seules personnes ayant fait l’objet d’une condamnation pénale pour des faits contraires à l’honneur, la probité et les bonnes mœurs ou ayant été frappées d’une faillite personnelle ou de l’une des mesures d’interdiction ou de déchéance prévues par la loi.
Pour notre part, nous ne saurions nous satisfaire d’un si faible encadrement.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons de rétablir la rédaction du texte initial, qui interdisait l’exercice de la profession d’agent sportif à toute personne condamnée pour atteinte à la personne humaine, pour appropriation frauduleuse, pour recel et blanchiment, pour atteinte à l’administration publique, à l’action en justice et à la confiance publique, pour infraction en matière de dopage et infraction à la législation concernant les mineurs et, enfin, pour délit en matière fiscale.
Vous conviendrez que la non-condamnation aux motifs de ces incriminations pénales est particulièrement pertinente pour s’assurer qu’une personne dispose des qualités requises permettant l’exercice honnête de la profession d’agent sportif. Compte tenu des liens que le monde du sport entretient avec la jeunesse, cela paraît un minimum !
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour présenter l’amendement n° 7.
M. Serge Lagauche. Dans son rapport, notre collègue Pierre Martin analyse le remaniement, sur l’initiative du Gouvernement, du dispositif relatif aux incompatibilités applicables aux agents sportifs : il estime que le champ ainsi ouvert est « plus large, et probablement plus pertinent ». Je ne partage pas son avis sur ce point. À n’en pas douter, je ne suis pas le seul. Vous-même, madame la secrétaire d’État, jugiez que le texte issu du Sénat en matière d’incompatibilités allait au-delà de l’objectif de moralisation de la profession d’agent sportif !
En revanche, je rejoins volontiers notre rapporteur lorsqu’il indique que « l’application de cette disposition peut s’avérer malaisée, en raison du caractère jurisprudentiel de la définition de l’atteinte à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs ».
En réalité, cette nouvelle rédaction constitue un net recul en matière de moralisation de la profession d’agent sportif.
Madame la secrétaire d’État, faut-il voir dans la réécriture par vos soins du régime des incompatibilités une conséquence collatérale de la levée de l’interdiction pour les avocats d’être agents sportifs ?
Le fait de lever l’incompatibilité entre la profession d’avocat et celle d’agent sportif ne manque pas, d’ailleurs, de soulever certaines questions, sur lesquelles nous souhaiterions obtenir des précisions.
En premier lieu, les avocats étant tenus au secret professionnel, pourront-ils refuser, en tant qu’agents sportifs, de communiquer leurs contrats aux fédérations ?
En second lieu, seront-ils soumis aux sanctions disciplinaires prévues par les fédérations, alors que la profession d’avocat dispose de son propre ordre disciplinaire ?
Parce que nous sommes très attachés à un champ large, mais explicitement déterminé, des incapacités, ainsi qu’à des conditions claires et uniformisées d’application de cette disposition, nous vous proposons de revenir au régime des incapacités tel qu’il a été défini par le Sénat en première lecture, une disposition dont la rédaction avait été améliorée par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l’Assemblée nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. Ces amendements tendent à rétablir la liste des incapacités que le Sénat avait adoptée il y a deux ans et qui a été modifiée par l’Assemblée nationale. Il pourrait donc paraître difficile de se dédire aujourd’hui. Cela étant dit, la rédaction issue des travaux du Sénat frappait fort, mais sans réel discernement.
La notion d’atteinte à la probité, à l’honneur et aux bonnes mœurs introduite dans le texte à l’Assemblée nationale semble, à cet égard, plus adaptée. Elle couvre, en effet, un panel très large d’incriminations et constitue une référence pour de nombreuses autres professions, dont celle d’avocat.
Il n’y a pas de raison de traiter les agents sportifs différemment ou de manière plus sévère. La commission a donc émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rama Yade, secrétaire d’État. La disposition relative aux incompatibilités applicables aux agents sportifs, qui a pour origine un amendement gouvernemental, est la plus satisfaisante juridiquement ; elle s’applique d’ailleurs, depuis longtemps, à de nombreuses professions, notamment celles d’avocat et d’administrateur judiciaire. Elle confère une protection juridique maximale au dispositif : en tant que détenteurs d’une licence professionnelle, les avocats seront soumis aux mêmes obligations de transmission et aux mêmes sanctions que les autres agents sportifs. Ce dispositif est préférable à la solution consistant à dresser une liste ad hoc, qui entraîne des risques de contestation.
En outre, cette rédaction permet, contrairement à la précédente, de s’adapter à la création de nouvelles infractions et d’apporter une grande souplesse au dispositif.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. En fait de moralisation de la profession d’agent sportif, le texte est largement perfectible. Nous sommes, pour notre part, plus exigeants – pour ne pas dire plus draconiens ! – en matière d’incompatibilités. Cette position est d’autant plus justifiée que, dans ce secteur, très sensible, qui brasse des masses financières colossales, l’affairisme a tendance à prédominer.
Je prendrai un seul exemple. Lors du dernier examen organisé par la Fédération française de football pour recruter des agents de joueurs, alors que seules dix à quinze licences étaient en jeu, on a compté pas moins de quatre cents candidats, dont les motivations étaient très diverses.
Par ailleurs, du fait de la concentration de la plupart des contrats entre les mains d’un petit groupe d’agents, de nombreux agents sportifs se retrouvent sans aucun joueur à représenter. À l’évidence, il règne au sein de cette corporation une compétition féroce.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons renforcer les exigences et les contraintes permettant d’encadrer cette profession, en insistant sur le chapitre clé des incompatibilités.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.
M. Jean-François Voguet. La définition des conditions d’exercice de la profession d’agent sportif est en quelque sorte une démarche morale. Comme l’a dit M. Pozzo di Borgo, le monde sportif, notamment dans le football, se doit d’être exemplaire pour la jeunesse. Or j’attire votre attention sur un point : dans la mesure où le régime des incompatibilités et des incapacités applicable à cette profession a été assoupli, un jeune pourrait paradoxalement avoir moins de difficulté à devenir agent sportif qu’à intégrer la fonction publique territoriale !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 7.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 8, présenté par M. Lozach et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 31
Après le mot :
actionnaires
insérer les mots :
ou préposés
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Il convient d’étendre aux préposés des agents sportifs ayant constitué une société l’interdiction, déjà prévue aux termes de la proposition de loi pour les dirigeants, associés ou actionnaires de ces agents, de cumuler leurs fonctions avec celles d’entraîneur ou de sportif.
L’objectif que nous recherchons est toujours le même : assurer plus de transparence et de clarification pour éviter les conflits d’intérêts. En première lecture, nous avions déposé un amendement identique, mais il a été rejeté au motif que cette exigence était satisfaite par le dispositif de l’article L. 222-8 du code du sport.
Or cet amendement n’était que partiellement satisfait. En effet, si l’article L. 222-8 vise bien les fonctions de direction ou d’entraînement sportif comme étant incompatibles avec le fait d’être préposé d’un agent sportif ou d’une société d’agents sportifs, il ne couvre pas, contrairement au dispositif de l’article L. 222-8-2, le cas des sportifs. Nous vous proposons de corriger cette lacune.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. Les dispositions de l’article L. 222-8 du code du sport prévoient que les préposés des agents de joueurs sont soumis exactement aux mêmes incompatibilités que les agents de joueurs ; elles suffisent donc à encadrer très strictement l’exercice de cette profession.
La commission a émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 9, présenté par M. Lozach et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. La formulation actuelle de l’article L. 222-6 du code du sport, qui mentionne l’exercice « à titre occasionnel ou habituel » de l’activité d’agent sportif, a donné lieu à des difficultés d’interprétation, les interventions occasionnelles étant trop difficiles à définir. C’est la raison pour laquelle la mission de l’Inspection générale préconisait de supprimer la possibilité d’intervention ponctuelle s’agissant des agents sportifs.
En outre, l’alinéa 36 de l'article 1er prévoit un régime dérogatoire, sans aucune contrainte de titre homologué par la France, pour l’exercice de l’activité « temporaire ou occasionnelle » d’agent sportif sur notre territoire.
Les ressortissants d’un pays de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen dépourvu de toute réglementation relative à l’activité d’agent sportif doivent ainsi respecter une seule exigence : deux années d’exercice au cours des dix années écoulées. Il serait absolument inopportun de permettre qu’une telle mission soit confiée à un agent sportif ne respectant pas les obligations françaises, qui sont imposées aux professionnels installés sur notre territoire. Nous souhaitons donc la suppression de l’alinéa 36.
Vous invoquerez sans doute le droit communautaire, mais cet argument nous semble quelque peu tiré par les cheveux.
J’ajoute que le mélange des genres est fréquent dans le milieu du football. De nombreux agents sportifs, notamment anglais et italiens, qui exercent leur activité en dehors des frontières de leur pays – ils commencent à le faire en France ! –, sont souvent des parents de joueurs, de présidents de club ou d’entraîneurs. Il est donc important d’aller plus loin en matière de transparence et de moralisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. L’alinéa 36 de l’article 1er définit le régime des agents sportifs originaires de l’Union européenne qui exerceraient leur activité de manière temporaire et occasionnelle en France.
Dans ce cas, deux solutions existent : soit l’activité est réglementée dans leur pays, et ces agents doivent alors y être installés légalement ; soit l’activité n’est pas réglementée, comme au Royaume-Uni, et c’est une condition de durée d’exercice de l’activité qui s’applique.
Ce régime est issu des règles communautaires sur la liberté de prestation fixées par la directive Services et s’applique à de très nombreuses professions. Il s’agit donc, en fait, d’appliquer le droit communautaire.
Je note, au passage, que les règles relatives aux incapacités et incompatibilités, ainsi que celles qui concernent l’exercice de la profession, notamment la déclaration auprès de la fédération et la limitation de la rémunération, s’appliqueront également aux agents communautaires.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rama Yade, secrétaire d’État. Non, monsieur le sénateur, la référence au droit communautaire n’est pas tirée par les cheveux ! La notion d’exercice temporaire et occasionnel est directement liée à la directive européenne relative aux qualifications professionnelles. Il est essentiel d’assurer la transposition de cette directive pour que le dispositif français soit incontestable sur le plan européen. Supprimer cette disposition ne conduirait qu’à fragiliser l’ensemble du texte en le rendant contraire aux règles du droit communautaire.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. L’amendement n° 18, présenté par M. Lozach et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 37
Après les mots :
territoire national
supprimer les mots :
, y compris temporaire et occasionnelle,
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Je considère que cet amendement de coordination n’a plus d’objet.
Mme la présidente. L’amendement n° 18 n’a effectivement plus d’objet.
L’amendement n° 10, présenté par M. Lozach et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 38
Rédiger comme suit cet alinéa :
« Art. L. 222-9-1. - Un agent sportif ressortissant d'un État qui n'est pas membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen doit être titulaire d'une licence d'agent sportif au sens de l'article L. 222-6.
II. - Alinéa 39
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Afin de clarifier les conditions d’exercice des agents sportifs ressortissants d’États non membres de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen, il convient de soumettre ces professionnels à l’obtention préalable d’une licence.
Nous sommes contre la pratique des agents « prête-noms », rendue possible par le biais de conventions de présentation, pour les agents sportifs extracommunautaires. Un tel montage juridique n’est pas sain et contribue à maintenir l’opacité des opérations de transfert.
Par ailleurs, pour que les agents sportifs français titulaires d’une licence ne soient pas victimes d’une concurrence déloyale de la part des agents venant de pays où il n’existe aucune législation ni aucune réglementation sur le sujet, il convient de supprimer la possibilité d’exercer, en France, la profession d’agent sportif pour un ressortissant d’un État extracommunautaire qui ne serait pas titulaire d’une licence d’agent sportif. Il n’est pas sain, là encore, de prévoir pour les ressortissants d’États non membres de l’Union européenne des exigences inférieures à celles qui sont applicables aux ressortissants d’États membres. Il faut s’assurer, bien au contraire, que ces agents présentent les mêmes garanties qu’un agent français.
Ce sont justement les agents sportifs originaires des pays les plus laxistes en matière de réglementation de cette activité qui sont susceptibles de pratiques déviantes et frauduleuses, pouvant parfois être le fait de réseaux criminels organisés. La Commission européenne, elle-même, a estimé qu’il était moins risqué pour la mafia de blanchir son argent sale par l’intermédiaire du sport qu’au travers d’opérations immobilières.
Étant donné l’importance de ce sujet, nous souhaitons faire preuve d’une grande exigence en matière de moralisation. Je suis persuadé que cette volonté de transparence paiera à moyen terme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. Mon cher collègue, vous nous proposez de maintenir le système actuellement en vigueur : imposant aux agents étrangers de détenir une licence pour exercer leur activité en France, il s’est révélé trop contraignant et, de ce fait, inapplicable et inappliqué.
À mes yeux, le dispositif présenté dans la proposition de loi, beaucoup plus pragmatique, sera ainsi plus efficace. En pratique, l’agent extracommunautaire devra signer une convention avec un agent licencié en France pour participer à une transaction. Cette solution permettra de contrôler réellement son activité. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 11, présenté par M. Lozach et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 45
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de la rémunération de l’agent sportif est versé à ce dernier de manière fractionnée, en autant de tranches d’un montant égal que d’années prévues au contrat, le premier versement intervenant à la date d’effet du contrat, puis les suivants à chacune des échéances anniversaires du contrat.
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Au travers de cet amendement, nous abordons la question centrale des transferts, emblématique de l’argent roi dans le sport professionnel, tout particulièrement dans le football. Le marché des transferts peut s’apparenter à une spéculation sur la valeur marchande des joueurs, sans référence externe fiable ni logique claire, hormis celle de la surenchère financière attendue.
Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur la mise en place d’une meilleure régulation des transferts. Depuis plusieurs années, la FIFA et l’UEFA se sont saisies de cette question, en manifestant leur volonté de renforcer la réglementation et le suivi des informations financières et contractuelles des clubs.
C’est pourquoi nous regrettons l’absence de tout dispositif contribuant à la transparence et à la sécurisation des opérations de transfert. À l’échelle de l’agent sportif, il convient de lutter contre l’inflation des transferts, qui aboutit à des procédures dépourvues de toute logique sportive et à des dérives manifestes.
Nous proposons donc de fractionner le paiement de la commission de l’agent et de la subordonner à la durée effective d’exécution du contrat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. Cet amendement a pour objet d’imposer le fractionnement des rémunérations versées aux agents, en fonction du nombre d’années pour lesquelles le contrat a été passé.
À cet égard, plusieurs questions se posent.
Pourquoi pénaliser un agent qui aurait bien fait son travail, sous prétexte qu’il aurait décidé de rompre subitement sa collaboration avec un joueur ? Que faire si un joueur a changé d’agent entre-temps ? Faut-il verser le solde à l’agent qui a négocié le premier contrat ?
La Ligue nationale de rugby, consultée sur ce point, a envisagé de conseiller aux clubs de verser la rémunération de l’agent de manière fractionnée, avec éventuellement un versement important la première année, puis des versements plus faibles les années suivantes. Ce système, raisonnable et souple, ne pourrait être instauré si cet amendement était adopté.
Selon moi, les agents ne doivent pas être rendus responsables de tous les maux supposés du sport professionnel. Laissons les clubs et les joueurs négocier de manière relativement libre les conditions de la rémunération au vu des situations et des cas particuliers.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rama Yade, secrétaire d’État. La solution proposée, à première vue intéressante, se heurte néanmoins à une impossibilité juridique. En effet, le contrat par lequel l’agent met en relation le club et le joueur est un contrat non pas à exécution successive, qui permettrait ce type de fractionnement, mais à exécution instantanée.
Par ailleurs, cette solution dissuaderait de façon significative les agents sportifs de placer en France les meilleurs sportifs dont ils s’occupent. En effet, si les fédérations internationales, comme la FIFA pour le football ou la FIBA pour le basket-ball, envisagent généralement une limitation de la rémunération à 10 % des contrats conclus, aucune ne prévoit de paiement échelonné.
Enfin, une telle disposition, applicable uniquement sur le territoire national, pénaliserait la compétitivité du sport professionnel français, qui ne se verrait pas proposer les meilleurs sportifs.
M. Serge Lagauche. Ce n’est pas pour autant que nous avons les meilleurs ! (Sourires.)
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 3 est présenté par M. Voguet, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Renar et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 12 est présenté par M. Lozach et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 47
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l’amendement n° 3.
M. Jean-François Voguet. L’alinéa 47 de l'article 1er introduit la possibilité, jusqu’alors interdite, du double mandatement. Ce dispositif permet aux clubs de rémunérer les agents en lieu et place des sportifs.
Mais loin de mieux contrôler et de davantage réprimer les actes illicites, cette initiative entérine le développement d’une pratique illégale, source de corruption entre les agents et les clubs, et susceptible d’aboutir à un dévoiement du rôle de l’agent sportif, dont l’objet ne doit pas se réduire au seul aspect financier. En effet, la protection des intérêts des joueurs face à leur employeur, l’accompagnement tout au long de leur carrière, y compris au moment de leur reconversion professionnelle, font également partie des missions normalement dévolues à l’agent sportif.
La rédaction actuelle de l’alinéa 47, en prévoyant le double mandatement, réduit le joueur à une simple marchandise entre les mains de son agent. Nous sommes bien éloignés des valeurs du sport que ce texte affirme pourtant défendre ! Seul un mandatement simple, par le sportif lui-même, permet de garantir le respect des intérêts du joueur et de prévenir d’éventuelles pressions du club sur l’agent.
La défense des valeurs du sport face au pouvoir de l’argent rend donc le vote de cet amendement indispensable. De plus, une telle disposition permettrait de ne pas réduire les prélèvements fiscaux et sociaux, actuellement effectués sur le montant des transferts. En ces temps de rigueur, il ne serait pas anormal que les clubs et les joueurs participent à la solidarité nationale.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour présenter l’amendement n° 12.
M. Jean-Jacques Lozach. Afin de prévenir tout conflit d’intérêts et de réduire autant que possible la pratique des rétrocommissions, il nous semble indispensable de maintenir l’obligation du paiement de l’agent par le sportif. La question du double mandatement est, en effet, au cœur de la proposition de loi aujourd’hui soumise à notre examen. Comme je l’ai rappelé lors de la discussion générale, on va légaliser l’illégalité, ce qui s’apparente tout de même à une sorte d’aveu d’impuissance de la puissance publique. Jusqu’à présent, on a laissé faire. Ainsi, la quasi-totalité des agents sont rémunérés par les clubs et non pas par leur cocontractant. Non seulement on ferme les yeux mais, aujourd’hui, on veut normaliser une situation frauduleuse. En d’autres termes, on plie devant la réalité au lieu de la réformer !
Cette situation, disons-le, risque de faire émerger l’idée d’une justice à deux vitesses, ce que nous ne pouvons cautionner. Sans rappeler les rémunérations exorbitantes des joueurs concernés, qui bénéficient de ce système marchand, je précise que le dispositif préconisé est de nature à conforter le sentiment d’impunité chez certains sportifs.
Or, contrairement à ce que l’on peut lire ici ou là, la pratique du double mandatement ne fait pas consensus.
À titre d’exemple, l’UEFA est contre. Son président, que je cite de nouveau, a ainsi déclaré : « Si le club verse une commission élevée à l’agent, c’est souvent parce qu’elle permet de dissimuler une rétrocommission. Il n’y a qu’une seule solution : que les joueurs paient leurs agents, et qu’il soit interdit aux clubs de le faire. Cela règlera le problème. Car les joueurs ne paieront que jusqu’à un certain point ».
Je pourrais également rappeler la position du syndicat des joueurs professionnels de football, et notamment de son président Philippe Piat, ou certaines interventions de Sepp Blatter, le président de la FIFA. Quant aux syndicats des agents sportifs eux-mêmes, ils sont très largement partagés sur ce point.
Aussi nous appartient-il, à nous législateurs, d’arbitrer : ce texte de loi devrait imposer la rémunération de l’agent par le sportif, et exclusivement par lui.
Mme la présidente. L’amendement n° 13, présenté par M. Lozach et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 47, deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Cette rémunération est alors qualifiée d’avantage en argent accordé au sportif en sus des salaires, indemnités ou émoluments, et soumise aux prélèvements sociaux et fiscaux correspondants.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Au moment où l’ensemble des acteurs politiques s’accordent sur la nécessité de limiter le nombre et l’amplitude des niches fiscales et sociales, il nous semble particulièrement inopportun d’en créer une nouvelle. En effet, le paiement de l’agent par le club constitue, de fait, un avantage financier supplémentaire accordé au joueur.
Rappelons-le simplement, en France, l’ensemble des niches représente aujourd’hui un montant estimé à 75 milliards d’euros. La justice fiscale passe inévitablement par leur réduction. D’ailleurs, ce point nous renvoie à un débat antérieur, relatif au DIC, le droit à l’image collective. Envisagée pour 2012, sa suppression fut brutalement décidée dès 2010, sous prétexte qu’il s’agissait d’une niche sociale à supprimer. Force est de le constater, on supprime une niche d’un côté pour en recréer une de l’autre, ce qui nous paraît incohérent et regrettable !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. La proposition de loi introduit la possibilité pour l’employeur du sportif de rémunérer l’agent sportif intervenu dans la mise en rapport avec le sportif, afin d’obtenir enfin plus de transparence sur l’activité des agents. C’est l’un des piliers du texte et, selon moi, il ne faut pas revenir dessus.
Dans les domaines artistique et immobilier, rappelons-le encore une fois, la rémunération est traditionnellement mise à la charge de celui qui verse la somme prévue au contrat, c’est-à-dire l’acheteur ou l’employeur. Cela ne choque personne. À titre de comparaison, il est ainsi d’usage, dans le secteur artistique, d’inclure la commission de l’impresario dans la négociation d’embauche de l’artiste. Elle est donc prise en charge par l’organisateur du spectacle à l’égard duquel l’artiste s’engage.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 3 et 12.
Par ailleurs, la rémunération de l’agent est versée non pas à l’occasion de l’activité du sportif, mais en contrepartie de la rémunération d’une prestation d’intermédiaire dont profite le club qui bénéficie de l'engagement du joueur. Cette prestation de service est donc logiquement soumise à la TVA et n’entraîne pas le paiement de charges sociales.
Actuellement, il faut le savoir, les clubs paient déjà les agents ; pour l’administration fiscale, rarement trop conciliante, la TVA doit être appliquée et aucune charge sociale n’est due. Une nouvelle fois, il s’agit simplement d’appliquer aux agents sportifs le même traitement que celui qui est réservé aux intermédiaires du spectacle ou aux agents immobiliers. Qui trouverait logique de verser des charges sociales à un agent immobilier auquel il a fait appel pour acheter un appartement ?
Par conséquent, la commission est également défavorable à l’amendement n° 13.
M. Serge Lagauche. Les joueurs ne sont tout de même pas des appartements !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rama Yade, secrétaire d’État. Les trois amendements visent à supprimer la possibilité pour le club de verser à l’agent sa rémunération.
Pour défendre les amendements identiques nos 3 et 12, leurs auteurs invoquent des raisons fiscales. M. le rapporteur l’a indiqué, la rémunération de l’agent est versée non pas à l’occasion de l’activité du sportif, mais en contrepartie d’une prestation d’intermédiaire dont profite le club qui bénéficie de l’engagement du joueur. Il est légitime de préciser les conséquences fiscales de ce nouveau dispositif. Il s’agit non pas d’exonérer d’impôt un avantage financier perçu par le joueur, mais de permettre au club de réduire, sur le plan tant comptable que fiscal, la rémunération de l’agent représentant le joueur. En contrepartie, le club devra déclarer les sommes versées à l’agent. Cette obligation de déclaration permettra à l’administration fiscale de recouper les informations et de lutter contre l’évasion fiscale.
En conséquence, cette disposition ne constitue ni une exonération de droit commun ni une niche fiscale et ne saurait entraîner une baisse des recettes fiscales. De plus, ce dispositif fiscal, comme M. le rapporteur l’a souligné, existe déjà dans d’autres domaines. Il s’agit donc d’appliquer aux agents sportifs le même traitement que celui qui est réservé aux intermédiaires du spectacle ou aux agents immobiliers. Si cela est nécessaire, le Gouvernement pourra préciser la rédaction le moment venu.
Pour citer un exemple issu du domaine artistique, et conformément à la jurisprudence établie par le Conseil d’État, l’administration fiscale admet, lorsque l’artiste a recours à un impresario, que les sommes qui lui sont versées sont réputées payées pour le compte de l’organisateur du spectacle.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 3 et 12.
Il en est de même pour l’amendement n° 13, qui tend à supprimer la possibilité pour le club de rémunérer l’agent, mais les motifs, cette fois-ci, ne sont pas d’ordre fiscal.
Aux termes de la présente proposition de loi, l’employeur du sportif peut rémunérer en tout ou partie l’agent sportif qui l’a mis en rapport avec son salarié. Une telle disposition favorisera la transparence des opérations de placement, le paiement par le club étant désormais légal, quel que soit le mandataire.
Aujourd’hui, les joueurs ne signent pas de mandat pour éviter de rémunérer leurs agents. De ce fait, d’une part, les transactions ne peuvent pas être contrôlées et, d’autre part, sur le long terme, l’agent ne peut plus jouer pleinement son rôle dans l’accompagnement et l’encadrement du joueur.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 12.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 14, présenté par M. Lozach et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 49, première phrase
Supprimer les mots :
et, le cas échéant, les ligues professionnelles qu'elles ont constituées
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Il est tout à fait inopportun d’associer les ligues professionnelles aux fédérations pour ce qui concerne le contrôle du contenu des contrats. Une telle disposition est caractéristique du mélange des genres opéré par la présente proposition de loi. Attribuer aux représentants des clubs professionnels un rôle dans la mission de contrôle des contrats auxquels ils sont parties prenantes, c'est-à-dire les contrats de travail des joueurs ou des entraîneurs et les contrats de transfert, est bien éloigné de l’objectif de moralisation affiché.
Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Voguet, Mmes Gonthier-Maurin et Labarre, MM. Ralite, Renar et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 49
Remplacer les mots :
et, le cas échéant,
par les mots :
, en concertation avec
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Aux termes de l’alinéa 49 de l’article 1er, les fédérations pourraient remettre entre les mains des ligues professionnelles le contrôle des contrats passés par les agents sportifs, l’attribution des licences et l’application des règles définies par la présente proposition de loi.
Si nous approuvons les contrôles renforcés effectués sur les actes des agents sportifs et sur les transactions financières, nous n’estimons ni souhaitable ni juste que les ligues professionnelles en assument la responsabilité, car elles seraient alors juges et parties.
Les conflits d’intérêts sont en effet évidents, dans la mesure où la loi autorise les clubs à participer à la rémunération des agents de joueurs et que les dirigeants des clubs contribuent à l’administration des ligues. À titre d’exemple, parmi les vingt-six membres du conseil d’administration de la Ligue de football professionnel, huit sont des dirigeants de clubs.
À notre avis, seules les fédérations doivent avoir compétence en ces domaines, dans le cadre de leur délégation de service public. Il est important de renforcer leur pouvoir de contrôle pour mettre fin à l’opacité tant des pratiques des agents sportifs que du système qui régit leur statut. Il convient donc d’améliorer le dispositif et de respecter davantage l’éthique sportive à l’heure de la marchandisation du sport. Aussi, les fédérations ne doivent pas être affaiblies par un transfert aux ligues de leurs pouvoirs de contrôle.
C’est pourquoi, par le biais de l’amendement n° 2, nous proposons qu’elles seules exercent ces nouvelles prérogatives, et ce en concertation avec les ligues.
En conclusion, madame la secrétaire d’État, je vous demande de prévoir ces nouvelles missions, ainsi que leur financement, dans le cadre des contrats d’objectifs qui vous lient avec les fédérations.
En n’attribuant aucun moyen supplémentaire aux fédérations, vous les contraindrez à se dessaisir de ces nouveaux pouvoirs de contrôle. La loi qui résultera de nos travaux ne serait alors qu’un texte d’affichage, une pétition de principe sans lendemain.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. Au vu des compétences des ligues professionnelles, qui jouent un rôle essentiel dans l’homologation des contrats et dans le contrôle de la gestion des clubs par l’intermédiaire la DNCG, il paraît logique que la compétence de contrôle de l’activité des agents leur soit confiée.
Au demeurant, l’efficacité des missions de contrôle que les ligues exercent n’est absolument pas contestée.
Je rappelle, en outre, que les sanctions relatives à l’activité des agents restent de la seule compétence des fédérations.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 14 et 2.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable, pour des raisons identiques à celles que vient d’exposer M. le rapporteur.
La mise en œuvre du dispositif applicable aux sportifs est confiée aux fédérations délégataires, pleinement compétentes, notamment en matière disciplinaire, à l’égard de tous les intervenants, qu’ils soient agents, sportifs, membres des clubs ou organisateurs. L’objectif recherché est tout simplement une responsabilisation et une implication plus grandes de l’ensemble des acteurs, notamment des ligues, par le biais de l’intégration des dispositions législatives relatives aux agents dans les règlements des ligues.
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par M. Lozach et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 58
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les sanctions édictées par les fédérations délégataires compétentes prendront la forme de sanctions financières et sportives, telles que le retrait de points dans les classements nationaux pour les clubs ou la suspension pour les sportifs.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement vise à renforcer le pouvoir de sanction des fédérations en prévoyant des sanctions à la fois financières et sportives à l’encontre non seulement des agents, mais aussi des clubs et des sportifs.
L’une des raisons du déficit de contrôle de l’activité des agents sportifs par les fédérations réside dans l’inadéquation des sanctions applicables. Ces dernières portent exclusivement sur l’agent sportif lui-même. S’il peut être considéré comme le maillon faible de la chaîne de responsabilité, en tant que point de convergence d’intérêts différents, voire divergents, il convient cependant de responsabiliser tous les acteurs, y compris les joueurs et les clubs sportifs.
Ce n’est assurément pas la voie choisie dans le cadre de cette proposition de loi, tant en ce qui concerne la commission de l’agent qui peut être payée par le club à la place du joueur, ou encore les sanctions.
Ainsi, pour prendre l’exemple du football, la réglementation de la FIFA prévoit explicitement des mesures à l’encontre des clubs et des joueurs en cas de non-respect de ses dispositions. À l’inverse, en matière disciplinaire, le règlement de la Fédération française de football ne prévoit de régime de sanction qu’à l’égard des agents sportifs.
Cet amendement a pour objet la mise en conformité des dispositions françaises avec la réglementation de la FIFA et, plus globalement, l’instauration de sanctions réellement dissuasives, c’est-à-dire financières et sportives, à l’encontre des joueurs et des clubs, dans un souci de responsabilisation de tous les acteurs de la chaîne du sport.
Madame la secrétaire d’État, vous faites volontiers référence à l’échelon européen et à l’internationalisation du sport professionnel pour justifier la modestie de certains aspects de cette proposition de loi. Sur la question spécifique des sanctions, la réglementation internationale est plus exigeante, au moins dans le domaine du football, que notre réglementation nationale. Il serait à tout le moins dommage de ne pas se saisir de cet état de fait pour instaurer des sanctions réellement dissuasives et améliorer ainsi l’efficacité du dispositif.
De surcroît, à l’Assemblée nationale, un amendement similaire a été rejeté au motif, d’une part, qu’il était d’ordre réglementaire, et, d’autre part, qu’il était satisfait par l’article R. 222-16 du code du sport. Mais, après vérification, il s’avère que cet article concerne uniquement les sanctions à l’encontre des agents sportifs.
Dans l’éventualité où l’amendement n° 15 serait rejeté, madame la secrétaire d’État, pourriez-vous indiquer à la Haute Assemblée quelles sont d’ores et déjà les orientations prévues dans les futurs décrets relatifs aux sanctions applicables à l’encontre des clubs et des joueurs ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. Le présent amendement vise à préciser le régime des sanctions applicables aux agents, aux clubs et aux sportifs qui ne respecteraient pas les dispositions du code du sport relatives aux agents.
Il a clairement un caractère réglementaire, et vous l’avez vous-même évoqué. Il incombe en effet à la loi d’ouvrir la possibilité de prendre des sanctions. Il appartient ensuite au Gouvernement, voire aux fédérations délégataires, de définir un large panel de sanctions, qu’elles soient financières, sportives ou administratives, comme le retrait de la licence pour un agent.
Il faudrait aussi prévoir que les sanctions puissent prendre la forme d’un simple avertissement ou d’un blâme, en cas de faute vénielle, par exemple.
Parce que ces sanctions doivent être diversifiées et évolutives, la commission a considéré que leur liste ou leur nature ne devait pas être figée dans la loi. Elle émet, par conséquent, un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. La proposition de loi prévoit bien des sanctions à l’égard des sportifs et des clubs. Effectivement, la détermination du type de sanctions que peuvent prendre les fédérations relève du domaine réglementaire. Plusieurs types de sanctions sont envisageables à l’égard tant des clubs que des sportifs : il s’agit de sanctions pécuniaires, sportives, comme les retraits de point, ou encore administratives, telles que le retrait ou la suspension de licence.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. Nous souhaitons au moins que soit instituée une mise en conformité des dispositions nationales avec le règlement de la FIFA, en particulier en responsabilisant davantage les clubs et leurs dirigeants par l’application éventuelle de sanctions à la fois sportives et financières.
De plus en plus fréquemment, nous avons connaissance de l’arrivée de jeunes footballeurs africains dans des conditions extrêmes, pour ne pas dire dramatiques. À cet égard, dans son ouvrage, qui sort cette semaine, intitulé Négriers du foot – titre ô combien révélateur ! –, Maryse Ewanje-Epée, ancienne athlète reconvertie dans le journalisme sportif, relate la traite de jeunes footballeurs originaires d’Afrique, victimes de chantages, de trafics d’identité, voire de disparitions. Des milliers de familles seraient concernées par de telles pratiques inadmissibles : certaines d’entre elles sont même poussées à la ruine. Face à de tels drames humains, familiaux et sociaux, il nous paraît primordial de responsabiliser notamment les dirigeants des clubs à l’origine de ce type de transfert.
Mme la présidente. L'amendement n° 16, présenté par M. Lozach et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 58
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 222-10-3. - A la fin de chaque saison sportive, les fédérations délégataires compétentes transmettent au ministre chargé des sports un rapport retraçant leur activité de contrôle et de sanction vis-à-vis des agents, des licenciés et des associations et sociétés affiliées en application de l'article L. 222-10-2. Ce rapport est rendu public.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Cet amendement a pour objet d’instaurer une plus grande visibilité sur le contrôle effectif de la profession d’agent sportif par des fédérations, contrôle étendu par la présente proposition de loi aux licenciés et aux clubs. Le rapport exigé des fédérations permettra au ministre chargé des sports de mieux exercer son rôle de tutelle envers ces dernières.
Actuellement, les fédérations ne verraient « passer », si je puis dire, que 35 % des contrats dont elles ne parviendraient déjà pas à assurer le contrôle. Or elles sont le pilier central du dispositif d’encadrement de l’activité d’agent sportif, en ce qui concerne tant l’accès à la profession que le contrôle de l’activité de ces agents.
Dans ces conditions et au vu de la situation budgétaire de notre pays, nous ne pouvons que douter du renforcement effectif à court terme du fonctionnement des fédérations sportives délégataires.
En notre qualité de parlementaires, nous devons nous donner les moyens de suivre l’application de la loi, et donc de nous assurer de l’effectivité de la mission de contrôle et de sanction dévolue aux fédérations. Le rapport annuel que nous souhaitons instaurer répond à cette exigence.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. L’utilité du rapport demandé par les auteurs de cet amendement est très limitée, car les fédérations sportives sont d’ores et déjà astreintes à des obligations fortes quant au compte rendu de leur activité. Ainsi, l’alinéa 10 de l’article 1er dispose : « Chaque fédération délégataire compétente publie la liste des agents sportifs autorisés à exercer dans sa discipline, ainsi que les sanctions prononcées en application de l’article L. 222-10-2 à l’encontre des agents, des licenciés et des associations et sociétés affiliées. »
L’amendement n° 16 étant en grande partie satisfait, la commission y est défavorable.
Madame la secrétaire d’État, nous serons très attentifs aux rapports qui seront remis et nous souhaiterions pouvoir les examiner en liaison avec vos services.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Je veux tout d’abord revenir sur les propos de M. Lozach relatifs à la traite des mineurs, sujet également évoqué par MM. Pozzo di Borgo et Bordier.
La réponse à ce problème que j’étudie n’est pas, pour l’instant, de nature législative.
Il est tragique de constater la venue en Europe, dans des conditions inacceptables, de mineurs aspirants sportifs en provenance de pays du Sud, attirés par certains intermédiaires peu scrupuleux pour exercer leur passion, voire leur futur métier. L’importance de ce phénomène, dont j’ai conscience, soyez en certains, mesdames, messieurs les sénateurs, est difficile à mesurer, car tout se fait le plus souvent dans la clandestinité. On subodore que, en Europe, le nombre de victimes serait compris entre 5 000 et 7 000. C’est l’une des dérives les plus choquantes du monde du football.
Pour répondre à cette dérive, j’ai préféré agir par le biais de la création d’un fonds sportif pour la protection internationale de l’enfance, en coopération avec l’UNICEF. Il s’agit d’un fonds public-privé : public, parce qu’il bénéficie d’une contribution financière du ministère des sports ; privé, parce qu’il n’y a pas de raison que l’État assume toutes les dérives du football, le secteur privé étant donc aussi prié de s’en occuper.
Après avoir constitué ce fonds, dans la perspective de la Coupe du monde de football en Afrique du Sud, il s’agit, à terme, de créer des programmes d’éducation par le sport, notamment en Afrique – c’est là que le phénomène est le plus important – et/ou de financer des programmes déjà existants.
Des organisations comme la Fédération internationale de football association, la FIFA, ou des associations comme Diambars mènent des actions d’éducation par le sport, à travers des structures, au Sénégal, au Cameroun ou en Afrique du Sud. J’ai d’ailleurs déjà eu l’occasion, il y a quelques mois, d’aller en Afrique du Sud pour étudier et expertiser ces programmes, qui peuvent inspirer ceux que mènera le fonds sportif pour la protection internationale de l’enfance.
Par ailleurs, ce sujet se traite également au niveau européen. Le transfert des mineurs est interdit juridiquement par la Convention internationale des droits de l’enfant. Mais les dérogations sont si nombreuses que cette convention n’est pas très respectée.
C’est la raison pour laquelle ce sujet doit aussi être traité, parallèlement, au niveau européen. Un transfert étant par nature transfrontalier, il faut coopérer avec nos voisins pour nous saisir d’un tel phénomène. Ce sujet important fait partie de ceux sur lesquels je travaille à Bruxelles, dans le cadre du Conseil européen des ministres des sports, puisque le traité de Lisbonne nous y autorise.
J’en reviens à l’amendement n° 16, qui a pour objet d’obliger les fédérations à transmettre chaque année un rapport au ministre des sports, retraçant leur activité de contrôle et de gestion par rapport à ces agents. L’utilité d’un tel rapport serait limitée, car les fédérations sportives sont d’ores et déjà astreintes à des obligations fortes en matière de compte rendu de leurs activités.
M. le rapporteur l’a dit, l’alinéa 9 de l’article 1er prévoit que « chaque fédération délégataire compétente publie la liste des agents sportifs autorisés à exercer dans sa discipline ». Plus globalement, le ministère des sports est lié à ces fédérations par des conventions d’objectifs et de moyens, qui lui permettent de garder un œil sur leurs activités.
De plus, les sanctions prononcées contre les agents ainsi que la liste de ceux qui exercent légalement sont consultables par tous dans le Bulletin officiel des fédérations ou sur leur site internet.
Monsieur le rapporteur, j’entends bien votre demande. Vous souhaitez que nous puissions examiner ensemble l’état de ces rapports. Je ne manquerai pas d’y prêter une attention particulière et, d’ailleurs, rien ne devrait s’y opposer.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Lozach. J’ajouterai un mot sur ce rapport, que nous souhaitons voir rendu public.
Nous ne sommes pas naïfs, ce ne sont pas, nous le savons bien, les millions de Français qui ont regardé hier soir le match de football France–Costa Rica à la télévision qui se précipiteront sur ce type de rapport !
Mais notre vocation et notre responsabilité en tant que sénateurs est de faire en sorte que le maximum d’informations soit transmis à l’opinion publique, à la population et aux médias. La population doit prendre connaissance de la réalité du sport dans sa globalité et de ce que représente ce formidable phénomène de société.
Le sport, ce n’est pas simplement des images, des résultats ou des vertus éducatives, c’est toute une réalité économique et financière. Ce type de débat législatif et ce genre de proposition de loi sont une occasion, pour la population, de prendre connaissance de la réalité globale du sport, notamment de ce qui se passe en coulisses, et pas simplement de ce que les médias montrent quotidiennement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
Mme la présidente. L'amendement n° 17, présenté par M. Lozach et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente un rapport au Parlement dans l'année suivant la promulgation de la présente loi, étudiant la possibilité de créer une caisse de règlement pécuniaire des agents sportifs pour y déposer les fonds relatifs aux commissions versées dans le cadre des opérations liées à des contrats, des transferts et des achats de joueurs.
La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Les transferts de sportifs professionnels se caractérisent, sur le plan financier, par une multitude de transactions financières de natures différentes. Les flux financiers qui accompagnent ces transferts peuvent être sujets à des fraudes et à des opacités importantes.
Le présent amendement prévoit que soit étudiée la possibilité de créer une caisse de règlement pécuniaire des agents sportifs, qui pourrait fonctionner à l'image de la Caisse autonome des règlements pécuniaires des avocats, la CARPA, existant pour la profession d'avocat, afin d'assainir les opérations financières qui s'effectuent autour des contrats, des transferts et des achats de joueurs de certains sports professionnels.
Il s’agit, là aussi, de se donner les moyens d’une meilleure traçabilité des flux financiers concernés.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Pierre Martin, rapporteur. La question de la création d’une caisse de règlement pécuniaire des agents sportifs est pertinente. Il s’agit cependant d’une problématique éminemment internationale, qui ne pourra trouver de solution qu’à cette échelle.
Cela n’empêche toutefois pas la France d’y réfléchir. Madame la secrétaire d’État, je vous demande de vous engager à ce que la principale ligue concernée, à savoir le football, produise une telle étude dans son domaine. Cela nous permettrait de réunir quelques informations sur le sujet.
Cela étant dit, la commission n’a pas souhaité qu’une telle obligation soit fixée dans la loi. Aussi l’avis est-il défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rama Yade, secrétaire d'État. Il est tout à fait envisageable de demander à la ligue d’étudier cette possibilité, sans pour autant introduire une disposition législative.
Prévoir dans la loi que le rapport étudiera la possibilité de créer une caisse de règlement pécuniaire des agents sportifs n’est pas très opportun. Cela laisse penser que les dispositions sur lesquelles nous discutons seront inefficaces.
Par ailleurs, la réflexion sur ce sujet ne relève pas du domaine de la loi, comme l’a dit M. le rapporteur. Elle doit être articulée avec les dispositions internationales, qui ont d’ores et déjà été prises, notamment par la FIFA dans le domaine du football, afin de mettre en œuvre un tel système.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 17.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er bis
(Non modifié)
L’article L. 561-2 du code monétaire et financier est complété par un 16° ainsi rédigé :
« 16° Les agents sportifs. » – (Adopté.)
Vote sur l'ensemble
Mme la présidente. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. Comme je l’ai déjà dit dans la discussion générale, ce texte est insuffisant. C’est incontestable ; tout le monde en est conscient. Sur les travées de cet hémicycle, nous avons tous la même volonté d’aller plus loin et de moraliser l’activité sportive, en l’occurrence le sort des agents.
Néanmoins, ce texte a une grande vertu, celle d’exister ! Nous, radicaux de gauche et membres du RDSE, nous le voterons tranquillement, dans sa totalité. Nous considérons en effet qu’il est une étape supplémentaire vers la transparence, et vers une moralisation plus grande. Cela a d’ailleurs été dit fort pertinemment par Mme la secrétaire d’État, et je l’en remercie. Je ne doute pas de sa sincérité ni de celle de tous ceux qui sont intervenus sur ce texte, pour ou contre les amendements présentés.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Nous avions l’occasion, avec la discussion de ce texte, d’aller plus loin, de moraliser la profession d’agent sportif et, plus généralement, d’avancer des propositions progressistes dans l’organisation du sport professionnel, qui est une réalité incontournable dans notre pays mais qui, chacun en convient, est traversé de dérives très graves et inquiétantes.
L’occasion n’a pas été saisie. Nous avions proposé, tout comme le groupe socialiste, un certain nombre d’amendements allant dans ce sens. Ils n’ont pas été retenus, comme souvent. Ce qui prouve d’ailleurs les limites du débat démocratique.
Pourtant, nos amendements ne visaient pas à révolutionner le sport professionnel et la profession d’agent sportif. Il s’agissait simplement d’essayer de faire en sorte que cette profession, qui a été décriée, soit encadrée par la loi.
La plupart des textes que nous examinons vont dans le même sens. Il s’agit d’adapter la loi au sport professionnel. Nous le voyons aujourd’hui avec ce texte sur les agents sportifs. Nous l’avons vu hier en ce qui concerne la construction des stades, le droit à l’image, l’introduction en bourse des clubs, et je pourrais encore citer d’autres exemples.
La loi doit permettre au sport business, à l’argent roi, d’être légalisé et en donner une image positive, débarrassée des dérives. Cela confirme une volonté, présente tout au long du mandat de M. Nicolas Sarkozy : encadrer le sport professionnel par la loi et permettre au marché de continuer à faire son beurre – un bon beurre ! – dans cette activité humaine, pourtant si valorisante par certains égards.
Pendant ce temps, le sport amateur, le sport de club, le sport des villes et des villages périclite doucement, avec la sensation d’être largement abandonné par l’État. Heureusement, les collectivités territoriales et les clubs, avec leurs bénévoles et le travail qu’ils fournissent, sont là pour pallier cet abandon. Sans cela, j’en suis convaincu, nous n’aurions plus, dans notre pays, des millions de sportifs sur les stades chaque week-end.
Madame la secrétaire d’État, je suis inquiet pour l’avenir, notamment en ce qui concerne le financement du sport de club et du sport amateur, sachant les conséquences de la réforme des collectivités territoriales pour les ressources financières des communes et pour le sport professionnel qui remplit les caisses.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. L’examen de cette proposition de loi a été un peu précipité. Certes, le 11 juin, date du début de la Coupe du monde de football, approche et, derrière ce type d’organisation internationale, il y a, on le sait très bien, tout un marché des transferts où sont impliqués les agents sportifs concernés.
La proposition de loi avait été adoptée en première lecture il y a deux ans puis elle est restée lettre morte, et c’est dommage.
Nos amendements méritaient un meilleur sort que celui qui leur a été réservé. En effet, ils allaient tous dans le même sens, vers plus de clarté, de transparence, de traçabilité et de responsabilité pour les différents acteurs.
C’est un sentiment de frustration qui nous habite. Par rapport à tous ces objectifs, nous avons le sentiment d’être restés au milieu du gué. Par exemple, le maintien du double mandatement est une erreur historique – car nous n’aurons certainement pas à légiférer de nouveau sur cette profession au cours des mois ou des années qui viennent. De la même manière, grignoter le pouvoir des fédérations sportives pour préserver les intérêts financiers des clubs constitue une erreur historique.
Nous souhaitions avancer sur la voie de la moralisation du sport. C’est aujourd’hui très important, au moment où se développe le sport business et où il nous appartient de préserver les vertus éducatives du sport.
Nous voterons contre ce texte, plus en raison de ce qui n’y figure pas que pour ce qui y est inscrit.
Concernant les agents sportifs, nous avons une réglementation-passoire ! La puissance publique ne peut quasiment rien contrôler. Demain, cette réglementation sera sans doute un peu moins passoire, un peu moins laxiste et un peu moins contournée. Mais il était possible et souhaitable d’aller beaucoup plus loin. Cela n’a pas été le cas et nous le regrettons.
C’est la raison pour laquelle, je le répète, nous voterons contre cette proposition de loi.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq,
est reprise à quatorze heures cinquante, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Création des maisons d'assistants maternels
Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la création des maisons d’assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels (proposition de loi n° 425, texte de la commission n° 467, rapport n° 466).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi sur les maisons d’assistants maternels, élaborée sur l’initiative de M. Jean Arthuis, que je salue au passage, vient aujourd'hui en deuxième lecture devant la Haute Assemblée.
Les discussions en première lecture, au Sénat comme à l’Assemblée nationale, ont été nourries. Elles ont permis d’aboutir à un texte qui s’inscrit tout à fait dans les objectifs du Gouvernement, à savoir développer l’offre d’accueil des jeunes enfants de manière souple et sécurisée à la fois.
Je tiens à remercier tout particulièrement Jean Arthuis, mais également Alain Lambert, Jean-Marc Juilhard, ainsi bien sûr que votre rapporteur, André Lardeux, du travail accompli sur la présente proposition de loi. Celle-ci apporte la preuve que le législateur sait entendre les initiatives locales qui fonctionnent, pour ensuite leur donner une assise juridique et permettre leur développement. Elle est aussi une marque de confiance à l’égard des élus locaux, auxquels, avec les maisons d’assistants maternels, nous offrons un outil nouveau. Il leur appartiendra de s’en saisir pour répondre aux besoins de leurs concitoyens.
Les débats parlementaires en première lecture ont permis de clarifier un certain nombre de points d’interrogation en ce qui concerne les modalités de fonctionnement de ces maisons d’assistants maternels. Je pense à la délégation d’accueil auprès des autres assistants maternels de la maison, à la convention qu’il faudra passer – ou non – avec la caisse d’allocations familiales et le conseil général, enfin à la question de la formation des assistants maternels.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le texte qui vous est présenté aujourd’hui, après avoir été amendé par l’Assemblée nationale, me semble équilibré et conforme aux intentions des auteurs de cette proposition de loi. En effet, les députés ont apporté des modifications de nature à rassurer ceux qui pouvaient craindre un dispositif insuffisamment encadré, tout en conservant votre objectif initial et central de souplesse et de simplicité.
Je reprendrai trois ou quatre points de ce texte qui me semblent importants.
En ce qui concerne la délégation d’accueil, tout d'abord, les députés ont souhaité que l’accord de l’assistant maternel délégataire figure en annexe du contrat de travail signé entre le parent employeur et l’assistant maternel délégant. Ils ont également prévu que l’assistant maternel délégataire recevrait copie de ce contrat de travail, ce qui lui permettra, par exemple, de connaître les horaires d’accueil de l’enfant, ou encore les prescriptions médicales éventuelles s’appliquant à ce dernier.
S'agissant de la formation professionnelle, ensuite, les députés sont revenus au partage initial : soixante heures de formation avant l’accueil du premier enfant et soixante heures dans les deux ans qui suivent.
Chacun souscrit, me semble-t-il, à l’objectif qui était le vôtre, mesdames, messieurs les sénateurs, de lever tous les obstacles à l’entrée dans la profession d’assistants maternels. Vous aviez souhaité le faire en limitant la durée de la formation initiale au profit d’un report, une fois le ou les enfants accueillis.
Toutefois, cette disposition risquait, il est vrai, de désorganiser les conseils généraux, en ce qui concerne à la fois le contenu de la formation et l’accueil de substitution des enfants pendant la formation de leur assistant maternel. De nouvelles discussions ont donc eu lieu avec les représentants des assistants maternels, qui ont fait valoir leur souhait de conserver les règles actuelles.
Il me paraît néanmoins souhaitable de sensibiliser les conseils généraux à la nécessité de former dans de brefs délais les assistants maternels, afin de permettre à ces derniers d’obtenir leur agrément dans des temps raisonnables.
Enfin, tout dispositif nouveau mérite d’être suivi dans sa mise en œuvre et évalué, celui-ci comme les autres. Un rapport du Gouvernement sur les maisons d’assistants maternels sera donc remis au Parlement d’ici à trois ans.
Mesdames, messieurs les sénateurs, votre commission des affaires sociales a adopté le texte voté par l’Assemblée nationale sans modification, et il me paraît souhaitable, si vous en êtes d'accord, que la Haute Assemblée fasse de même.
En effet, le Gouvernement s’est fixé de son côté un objectif ambitieux, mais nécessaire, de développement important des modes de garde.
Les chiffres de 2009, première année de mise en œuvre de la convention d’objectifs et de gestion conclue entre la Caisse nationale d’allocations familiales et l’État, nous montrent que nous sommes sur la bonne voie pour atteindre notre objectif de 200 000 places supplémentaires d’ici à 2012.
L’année dernière, plus de 21 000 enfants supplémentaires ont été accueillis chez les assistants maternels et plus de 13 000 places de crèche ont été créées. En outre, une meilleure utilisation des places de crèche existantes a permis d’accueillir 32 400 enfants supplémentaires.
Afin de poursuivre cette dynamique, il faut favoriser toutes les initiatives et proposer des solutions innovantes qui répondent aux besoins des parents et des professionnels.
Les maisons d’assistants maternels constituent une réponse adaptée. Pour les parents, tout d'abord, qui sont soit soumis à des horaires de travail atypiques, soit rassurés par la présence de plusieurs adultes ; pour certains territoires, ensuite, notamment les zones rurales moins bien dotées en ce qui concerne l’offre de garde et plus limitées financièrement pour soutenir la création d’une crèche ; pour les assistants maternels, enfin, qui souhaitent exercer leur métier avec d’autres ou qui ne peuvent accueillir d’enfants à leur domicile.
Notre objectif commun est bien d’accueillir les jeunes enfants dans de bonnes conditions, en veillant à concilier les exigences de sécurité, la qualité de l’accueil des enfants et le besoin de souplesse des acteurs locaux. Le Gouvernement s’attachera désormais à la mise en œuvre de cette proposition de loi, qui, je le crois sincèrement, permettra de réaliser un tel équilibre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Arthuis applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avions adopté, au mois de janvier dernier, cette proposition de loi relative à la création des maisons d’assistants maternels.
L’Assemblée nationale l’a examinée à son tour le mois dernier, et je me réjouis que l’ordre du jour du Sénat nous permette de nous prononcer aussi rapidement en deuxième lecture.
Malgré les efforts de notre pays en matière d’accueil des jeunes enfants, dont tout le monde sait qu’ils sont déjà considérables et exemplaires dans l’Union européenne, nous n’étions jamais parvenus, jusqu’à présent, à répondre à deux types de demandes.
C’était le cas, tout d’abord, des besoins des zones rurales. La plupart du temps, les petites communes ne disposent pas du budget nécessaire pour financer des crèches, et les assistantes maternelles craignent souvent l’isolement. Il est donc très difficile pour ces communes d’attirer de jeunes actifs, qui sont forcés, s’ils s’y installent, de choisir entre vie professionnelle et vie privée.
Les maisons d’assistants maternels changeront cette situation : compatibles avec les finances des petites communes, elles apporteront une réponse qu’aucun autre dispositif n’a été en mesure de proposer aux parents. Pour le milieu rural, elles constituent donc une petite révolution, qui devrait largement contribuer à atténuer les désavantages dont son attractivité pâtit.
Le second besoin qu’aucun mode de garde actuel ne parvient à satisfaire, c’est celui des parents qui ont des horaires de travail atypiques. Pour différentes raisons, que chacun peut imaginer, ni les crèches ni les assistantes maternelles seules n’acceptent d’accueillir des enfants à cinq ou six heures le matin pour les garder jusqu’à vingt-deux heures le soir.
Bien sûr, il existe la garde à domicile, mais tout le monde sait combien son coût la rend sélective socialement. En revanche, les maisons d’assistants maternels, qui, pour les parents, ne sont ni plus ni moins coûteuses qu’une assistante maternelle travaillant à domicile, offrent une solution à chaque parent dont les horaires de travail sont atypiques, quel que soit son niveau de revenu. Là encore, ces maisons viennent pallier un manque que personne n’avait jusque-là pu combler.
C’est donc peu de dire, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que la promulgation de cette proposition de loi est très attendue, non seulement des parents et des assistantes maternelles, mais aussi des collectivités.
Je me contenterai, d’un point de vue technique, de rappeler ses deux apports essentiels.
Tout d’abord, et c’est là le point le plus important, elle encadre et sécurise la délégation d’accueil entre les assistantes maternelles. Celle-ci permet à une assistante maternelle de confier, avec l’accord des parents bien évidemment, l’accueil temporaire d’un enfant dont elle a la garde à une autre assistante maternelle travaillant dans le même regroupement. Cette faculté constitue le cœur du dispositif, puisqu’elle permettra d’élargir les horaires d’accueil et, donc, de répondre aux besoins des parents et des enfants.
Ses modalités d’application sont particulièrement précises : les parents et les assistantes maternelles devront accepter explicitement la délégation, qui figurera obligatoirement dans le contrat de travail, de même que les noms des assistantes maternelles auxquelles la délégation sera accordée. Celle-ci ne devra pas être rémunérée en sus ou spécifiquement, afin d’éviter le risque de requalification de la délégation en contrat de travail.
En outre, en autorisant et en encadrant par la loi la délégation d’accueil, nous offrons aux présidents de conseils généraux une sécurité qui leur manque actuellement. En effet, dans la quasi-totalité des cent cinquante maisons qui existent dans une quarantaine de départements, la délégation est déjà pratiquée, même si elle n’est pas autorisée ; en cas de problème, la responsabilité des départements pourrait donc être mise en cause.
Désormais, la délégation d’accueil bénéficiera d’un fondement légal, qui protégera les présidents de conseils généraux en cas d’accident. C’est sans doute ce qui explique que sept des cosignataires de la proposition de loi, à commencer par Jean Arthuis lui-même, soient à la tête de départements…
Le second apport essentiel de ce texte est d’offrir aux conseils généraux, dans le respect de la décentralisation, le choix de recourir, ou non, à une convention. Mes chers collègues, vous vous rappelez combien cette question fut épineuse.
Que ce document n’ait qu’un caractère facultatif me semble important pour deux raisons.
Tout d’abord, pourquoi imposer une convention nationale, élaborée dans des ministères parisiens quelque peu éloignés du terrain, à des départements qui s’en sont jusque-là très bien passés ? On viendrait perturber maladroitement un dispositif qui a déjà fait la preuve de son efficacité !
Ensuite, si l’on peut admettre la nécessité d’une convention lorsque le droit autorise les regroupements d’assistantes maternelles sans en préciser les modalités, comme c’est actuellement le cas, il en ira autrement dès lors qu’une loi encadrera en détail leur fonctionnement, ce qui est précisément l’objectif du présent texte. Pourquoi imposerions-nous une étape administrative que nous aurons nous-mêmes rendue inutile grâce à la loi ?
L’Assemblée nationale a compris nos intentions et respecté les grands équilibres que nous avions construits. Elle a notamment souhaité qu’un rapport d’évaluation soit remis au Parlement trois ans après la promulgation de la loi. Je pense que cette initiative qui est la bienvenue pourra rassurer ceux que la formule des maisons d’assistants maternels inquiète un peu.
Voilà, mes chers collègues, ce que je tenais à vous dire sur ce texte. Vous l’aurez compris, nous arrivons au terme d’un processus législatif dont nous aurons été les initiateurs déterminés et exigeants, et c’est pourquoi je vous proposerai une adoption conforme.
Nous pouvons nous féliciter de la rapidité avec laquelle nous avons su convaincre et apporter une réponse nouvelle au problème de l’accueil des jeunes enfants, notamment en horaires atypiques et en milieu rural. Il est rare, en effet, qu’une proposition de loi soit examinée et votée en cinq mois.
Je rappellerai enfin la démarche qui a présidé à notre initiative. Nous n’avons pas décrété par le haut de quelle façon les parents et les assistants maternels devaient s’organiser. Au contraire, nous avons pris pour point de départ l’analyse et l’écoute du terrain pour ensuite donner un fondement législatif aux innovations judicieuses et efficaces de la société.
Au fond, nous n’avons fait que notre travail de parlementaires. Mais, au vu du nombre d’assistants maternels, de parents et d’élus locaux qui attendent impatiemment la promulgation de la loi, j’ai la faiblesse de croire que ce travail n’aura pas été inutile. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Arthuis applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le secteur de la petite enfance est incontestablement en crise. Cela se répercute sur les familles, et plus spécifiquement sur les femmes, qui éprouvent toujours plus de difficultés à trouver un mode de garde pour leurs enfants.
Elles sont souvent conduites à différer leur reprise d’activité, à la réduire ou à élaborer avec leurs proches des solutions intermédiaires.
Il est d’autant plus crucial de trouver une solution satisfaisante pour les familles que cela sera favorable à l’emploi, en particulier des femmes.
Cette situation n’est pas acceptable. Les familles attendent de véritables réponses leur permettant de concilier vies professionnelle et familiale.
En dépit de l’enthousiasme de notre collègue Jean Arthuis, nous ne sommes pas convaincus par cette proposition de loi. Nous craignons même que, d’une certaine manière, elle ne participe à l’affaiblissement de l’offre de garde collective et nuise à la qualité de celle-ci.
C’est pourquoi, après une analyse pragmatique de cette proposition de loi, de sa portée, de sa capacité à répondre aux enjeux actuels, mes collègues du groupe CRC-SPG et moi-même nous prononçons contre ce texte. Je souhaite m’en expliquer ici.
M. Jean Arthuis. Ça va être difficile !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Tout d’abord, les maisons d’assistants maternels ne permettront pas de compenser les 400 000 places de garde qui manquent aujourd’hui. Nicolas Sarkozy s’était engagé à en créer 200 000, dont 100 000 en mode collectif. Il a cependant omis de préciser que, sur ces 100 000 places, la moitié au moins proviendrait de ces futures nouvelles structures.
De son côté, l’Union nationale interfédérale des organismes privés sanitaires et sociaux, l’UNIOPSS, considère que seules les assistantes maternelles les plus âgées, dont les enfants sont autonomes, pourraient être tentées par cette expérience, ce qui signifierait un déplacement des enfants du domicile de l’accueillant vers le local de la maison des assistants maternels. Et l’UNIOPSS de conclure : « Au final, l’augmentation réelle du nombre de places pourrait s’avérer assez faible ».
En revanche, si cette proposition de loi ne permet pas de pallier le manque de places, elle va concurrencer les places collectives de garde d’enfant.
Lors de l’examen en première lecture de cette proposition de loi, vous nous avez opposé le fait que des élus locaux ont recours à ce nouveau mode de garde.
Il est incontestable que, dans un contexte de pénurie de places d’accueil, ces élus doivent assumer pleinement leurs responsabilités en mettant en œuvre tous les moyens à leur disposition.
Cependant, votre argumentation néglige le facteur de la raréfaction de leurs ressources – chacun a présent à l’esprit la suppression de la taxe professionnelle – qui oblige les élus à opter pour les solutions les moins onéreuses, au détriment de la qualité.
Cette proposition de loi, suggérant aux maires de mettre à disposition des locaux pour les assistants maternels qui voudraient se regrouper, arrive donc à point nommé.
Nous ne sommes donc pas convaincus que les maisons d’assistants maternels puissent remplacer, sur le plan qualitatif, les modes de garde collectifs traditionnels que sont les crèches, les microcrèches et les crèches familiales.
De fait, si ces structures constituent bien un nouveau mode collectif de garde, elles offrent des conditions d’accueil et de sécurité considérablement réduites. Certains parlent déjà de structures « low cost » !
Par ailleurs, nous regrettons le choix de rendre facultative la convention tripartite passée entre l’État, la CAF et l’assistant maternel. Cela conduira de toute évidence à leur quasi-inexistence.
Ces conventions peuvent pourtant permettre d’avancer considérablement en matière de qualité de la prise en charge des jeunes enfants, par l’intégration d’un projet social et pédagogique qui fait actuellement cruellement défaut. Elles pourraient même prévoir un règlement intérieur organisant les relations de travail entre les différents assistants maternels.
Par ailleurs, nous tenons à rappeler qu’en l’état actuel cette proposition de loi ne permettra pas de répondre aux besoins des familles modestes. Ces structures nouvelles n’appliqueront pas, contrairement aux crèches publiques, de tarifs sociaux. Quel scandale à un moment où d’importantes incertitudes pèsent sur notre société !
En réalité, on le voit bien, le souci majeur de cette proposition de loi est de sécuriser juridiquement la délégation, qui en constitue le cœur.
Il y a donc, pour reprendre la formulation de mon ami le député Roland Muzeau, un important déséquilibre entre le souci affiché et légitime d’apporter une sécurité juridique aux assistants maternels et aux conseils généraux grâce à la délégation d’accueil et les conditions d’accueil ainsi avancées pour les jeunes enfants.
Non, cette proposition de loi n’apportera pas la sécurité juridique attendue par les assistants maternels, car elle revient sur un élément essentiel du contrat de travail : sa nature individuelle.
Ce contrat très particulier, qui se veut protecteur des salariés, ne peut être un contrat collectif et n’emporte d’effets juridiques qu’entre ses deux seuls signataires.
Par ailleurs, vous prévoyez toujours, malgré les déclarations du rapporteur à l’Assemblée nationale, que la délégation ne puisse pas donner droit à rémunération. Autrement dit, vous instaurez la notion de travail gratuit ou, dans le meilleur des cas, de troc entre du travail et du temps de travail.
On sait pourtant que les rémunérations des assistants maternels sont fixées individuellement, par contrat, au cas par cas.
Avec ce dispositif, vous considérez temporairement, pendant la période de délégation, que le contrat de travail n’a plus toute sa portée et que les heures de travail de deux salariés appliquant des tarifs différents se valent. Cette conception est juridiquement très contestable et, à n’en pas douter, elle entraînera une multiplication des contentieux.
Notre groupe votera donc contre cette proposition de loi. En effet, d’une certaine manière, elle constitue un renoncement à l’exigence de qualité qui a guidé jusqu’à aujourd’hui la création et les évolutions des métiers de la petite enfance.
Je ne prendrai qu’un exemple – et je terminerai mon intervention par ce point –, celui de la formation. Les assistants maternels pourront garder jusqu’à quatre enfants, dans une structure qui en compte seize, sans jamais avoir eu d’expérience professionnelle en la matière et en n’ayant suivi que soixante heures de formation ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, autant le dire d’emblée, c’est avec satisfaction et espoir que je m’engage avec vous dans cette deuxième lecture d’une proposition de loi qui me tient à cœur.
Satisfaction et espoir, parce que ce texte, bien que modeste dans ses enjeux, me semble révélateur de trois évolutions essentielles de notre vie politique.
D’abord, il apporte la preuve que le Parlement ne se contente pas d’enregistrer ou d’amender la volonté de l’exécutif, mais qu’il peut, lui aussi, prendre l’initiative de changements ou d’améliorations auxquels le Gouvernement n’aurait peut-être pas songé, ou qu’il trouverait trop audacieux.
Même si ce texte est sur le point d’aboutir grâce à votre engagement, monsieur le ministre, et à celui d’Éric Woerth, tout le monde se souvient ici de la difficulté – et c’est peu dire ! – que nous avons eue au départ à convaincre le Gouvernement du bien-fondé de notre initiative. Peut-être faut-il y voir l’application trop rigoureuse du principe constitutionnel de précaution. (M. le secrétaire d’État sourit.)
Il faut le souligner, à force de réflexions, d’auditions et de discussions, le Parlement a su convaincre, atténuer les nombreuses réticences initiales et mener son projet à terme. Mais il faut également savoir gré au Gouvernement de nous avoir entendus et, finalement, d’avoir repris à son compte un dispositif qu’il souhaite désormais voir rapidement entrer en vigueur. Merci, monsieur le ministre !
Retenons donc que la volonté parlementaire conjuguée à l’écoute gouvernementale peut aussi déboucher sur des avancées législatives et politiques pour le plus grand bénéfice de nos concitoyens.
Le deuxième sujet de satisfaction de cette proposition de loi, c’est l’évolution des rapports entre l’État et la société qu’elle révèle.
Nous n’avons pas décrété par le haut, de manière technocratique, comment les assistantes maternelles et les parents devaient s’organiser. Nous avons choisi de faire confiance aux intéressés eux-mêmes.
Nous n’avons pas voulu emprunter cette attitude de commandement qui caractérise trop souvent les décideurs de notre pays. Au contraire, nous sommes allés sur le terrain observer des initiatives de la société, qui nous ont semblé riches et utiles. Ce texte ne vient au fond que leur donner un socle législatif adapté.
C’est en fait le sens premier de cette proposition de loi : consacrer et sécuriser les initiatives d’assistantes maternelles et de parents qui ont eu l’intelligence et le courage d’inventer, hors des sentiers battus et des habitudes, une nouvelle manière d’accueillir les jeunes enfants.
Nous avons peut-être ici un exemple de la petite révolution qui est demandée aujourd’hui aux autorités publiques. Notre pays ne pourra prospérer et nos territoires ne pourront se développer que si ces autorités, locales ou nationales, préfèrent à la fonction confortable d’administration pointilleuse et tatillonne sur le respect de la norme, celle plus risquée mais plus utile de stimulateur d’initiatives, de centre de conseils et d’expériences au service des porteurs de projets. Faciliter et encadrer plutôt que contrôler et surveiller, c’est exactement ce que cette proposition de loi tente de faire. Sachons, mes chers collègues, innover en matière de réponse administrative aux attentes de nos concitoyens !
Enfin, les maisons d’assistants maternels sont aussi adaptées, à leur modeste niveau, bien sûr, à la situation dramatique de nos finances publiques. On le sait, il manque en France entre 300 000 et 400 000 places d’accueil, alors même que notre pays consacre déjà 3,8 % de son produit intérieur brut à la politique familiale et que le déficit structurel de la sécurité sociale atteint des niveaux jamais connus jusqu’à présent.
Se contenter de dépenser encore plus pour répondre aux besoins des familles, et endetter ainsi nos enfants et petits-enfants, serait donc irresponsable. Il est préférable d’innover et d’inventer de nouvelles solutions qui prennent en compte la réalité des coûts.
Or, tous financeurs confondus, la garde à domicile est le mode de garde le plus onéreux, avec 2 318 euros par mois, devant les crèches, 1 366 euros, et les assistantes maternelles, 895 euros.
Si l’on veut, de manière crédible et soutenable, apporter des solutions de garde aux parents, c’est donc avant tout sur les assistantes maternelles qu’il faut investir, comme le propose depuis déjà un an la commission des affaires sociales.
Ce texte s’inscrit bien dans cette stratégie qui consiste à créer des places d’accueil pour les enfants en offrant de nouvelles opportunités de travail et de carrière aux assistantes maternelles.
Là aussi, ne croyons pas que dépenser plus c’est nécessairement garder mieux. Faisons confiance au professionnalisme des assistantes maternelles et aux exigences des parents, qui ont prouvé, depuis une dizaine d’années maintenant, que la qualité de l’accueil est la première priorité des maisons d’assistantes maternelles.
Osons abandonner notre addiction normative, qui nous pousse à édicter les règles dans le moindre détail. Certes, celles-ci apaisent nos consciences, mais leur coût est insupportable pour notre société.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, il me semble qu’après plus de six mois de réflexion et de discussion ce texte est désormais mûr, solide et opérationnel. Je veux remercier mes collègues qui se sont associés à cette initiative, en particulier Jean-Marc Juilhard, qui est venu en Mayenne dans le cadre de sa mission d’information sur l’accueil des jeunes enfants en milieu rural, André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales, qui a fait montre d’une grande opiniâtreté pour faire avancer et enrichir cette proposition de loi, Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je remercie également nos collègues députés et le rapporteur de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, Yvan Lachaud, qui ont accueilli de façon constructive cette proposition de loi.
Je tiens aussi à remercier les assistantes maternelles qui, en 2005, m’ont sollicité au conseil général de la Mayenne pour être autorisées à travailler autrement, hors de leur domicile, en se regroupant. Ce sont elles qui ont jeté les bases de ces nouveaux établissements, qui ont conçu et construit avant l’heure la première maison d’assistants maternels.
Avec mes collègues du groupe de l’Union centriste, je souhaite donc que, pour répondre à la grande attente des parents, des assistants maternels et des collectivités, nous adoptions ce texte en l’état aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Jean-Claude Carle. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture la proposition de loi relative à la création des maisons d’assistants maternels et portant diverses dispositions relatives aux assistants maternels. Ce texte nous revient en un temps record, puisque quelque six mois seulement nous séparent de la discussion en première lecture par notre assemblée. Ce fait est suffisamment exceptionnel pour être souligné.
Mes chers collègues, la navette parlementaire a permis de modifier de façon parfois sensible certaines dispositions du texte sur lesquelles nous avions attiré votre attention en première lecture. L’Assemblée nationale a ainsi souhaité qu’un rapport d’évaluation soit remis au Parlement dans les trois ans suivant la promulgation de la loi.
Nous avions, pour notre part, souhaité voir l’expérimentation prolongée et étendue. En effet, les échecs de regroupement – ils existent – n’ont fait l’objet d’aucune analyse ni par la commission des affaires sociales du Sénat ni par celle de l’Assemblée nationale. Aussi, la généralisation de ce regroupement, qui se fonde uniquement sur les succès – que l’on met en avant, cela va de soi – semble quelque peu prématurée. D’autant que le succès des expériences rapportées repose essentiellement, je le rappelle, sur le volontarisme, la motivation et la personnalité des assistantes maternelles, combinés à l’écoute des professionnels et des politiques. Vous conviendrez que ce n’est pas transposable en tant que tel dans d’autres départements.
De plus, je l’avais signalé lors de la première lecture, au-delà même de cette indispensable volonté initiale, la proposition de loi n’intègre pas toutes les conditions qui sont réunies dans le cas de la Mayenne. En effet, les regroupements dans ce département bénéficient d’un encadrement assuré par l’action de l’Association nationale des regroupements d’associations de maisons d’assistantes maternelles, l’ANRAMAM, dont le siège est à Laval et dont la présidente est particulièrement déterminée, et c’est tout à son honneur.
Je pense que le rapport d’évaluation nous permettra au moins de dresser un bilan.
L’Assemblée nationale est également revenue sur la délégation d’accueil entre les assistants maternels, qui constitue le cœur du dispositif. Le principe consiste à permettre à un assistant maternel de déléguer si nécessaire l’accueil de l’enfant dont il a la charge à un autre assistant maternel. Ce dispositif soulève de nombreuses questions, notamment celle de la responsabilité civile et pénale en cas d’accident ou celle du risque de requalification du contrat de travail.
Des précisions ont été apportées sur ce dernier point. Je ne ferai que les rappeler.
Les parents et les assistants maternels devront accepter explicitement la délégation d’accueil, qui figurera dans le contrat de travail avec, en annexe, les noms des assistants maternels auxquels celle-ci est accordée. Elle n’est pas rémunérée et ne peut aboutir à ce qu’un assistant maternel effectue un nombre d’heures plus important que celui qui figure dans son contrat.
À mon sens, la question assurantielle demeure. Quelle sera la position des compagnies d’assurances lorsqu’elles seront par exemple confrontées à un accident survenu dans le cadre d’une délégation d’accueil confiée à un autre assistant maternel ?
Une autre question, qui a donné lieu à de longs débats au Sénat comme à l’Assemblée nationale, demeure, je veux parler de la convention.
À l'Assemblée nationale, tant le rapporteur Yvan Lachaud que les députés qui ont pris part à la discussion générale ont reconnu la nécessité de proposer un document type formalisant les relations juridiques au sein des maisons d’assistants maternels. M. Lachaud reconnaît que, sans un encadrement minimal, « aucune maison n’ouvrira ses portes ». Il ajoute : « Il est nécessaire que les caisses d’allocations familiales continuent de proposer un document type. » Cependant, les discours n’ont pas été suivis d’effet et je regrette que le recours à la convention reste optionnel.
Même si je reconnais bien volontiers qu’elle était lourde et complexe, la convention proposée par la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, avait le mérite de préciser un grand nombre de points et de poser le cadre de fonctionnement de ce qui sera, de fait, une collectivité d’enfants. La précision, le détail de la première version de la convention type de la CNAF, validé par le cabinet de Mme Morano,...
M. Jean Arthuis. Hélas !
Mme Claire-Lise Campion. ... prouve à tout le moins la multiplicité de questions que pose nécessairement tout type d’accueil collectif. Qui planifie les horaires d’accueil ? Qui prépare les repas ? Qui assure l’entretien des locaux ?
Quoi que l’on en dise, les maisons d’assistants maternels sont bien des structures d’accueil de type collectif. Et, à ce titre, nous retrouvons tous les enjeux liés à la socialisation des tout-petits : taux d’encadrement, qualification des professionnels, disponibilité pour les très jeunes enfants. Il s’agit donc bien d’un accueil collectif, qui doit par conséquent être envisagé sur un plan collectif.
La convention type, présentée par la CNAF, est rendue facultative par la proposition de loi. Or elle seule définit un projet d’établissement permettant de garantir des critères de qualité pour la mise en place d’un tel mode d’accueil et ainsi de développer la cohésion des membres de l’équipe en les associant à la poursuite d’objectifs communs. Ce projet d’établissement nous paraît indispensable pour mettre en place les maisons d’assistants maternels.
Telle qu’elle nous est présentée, la proposition de loi ne permet pas de satisfaire aux exigences minimales d’un dispositif correspondant, dans les faits, à une structure d’accueil collectif de seize jeunes enfants.
Je regrette une fois encore que la suggestion du président de la CNAF – travailler à une version simplifiée de la convention type – n’ait pas été retenue. Rappelons que, à partir d’un document dense et complexe de plus de douze pages, nous sommes parvenus à une version allégée susceptible de trouver son application dans nos départements. Aussi, je m’interroge encore sur les raisons qui poussent mes collègues à légiférer dans la précipitation, sans prendre en compte la proposition de la CNAF.
J’en viens maintenant à la formation, sujet qui a connu une évolution positive à la suite des travaux de l’Assemblée nationale.
Le Sénat avait réduit le temps de formation initiale à un quart du temps global de formation, soit 30 heures sur les 120 heures, au lieu des 60 heures initialement requises.
Mes collègues socialistes et moi-même avions insisté sur les effets négatifs d’une telle disposition : dévalorisation de la profession, retour sur un acquis récent, désorganisation des départements, impact financier pour les conseils généraux tenus de financer l’accueil des enfants durant le temps de formation des assistants maternels, difficultés supplémentaires pour les familles elles-mêmes.
Fort heureusement, l’Assemblée nationale est revenue à la situation initiale, tout en apportant une précision qui ne manque ni d’intérêt ni de piquant – je me plais à le souligner –, à savoir une initiation aux spécificités de l’organisation de l’accueil collectif des mineurs. Dans ces conditions, qui peut encore prétendre que les maisons d’assistants maternels ne sont pas des accueils collectifs ?
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Eh oui !
Mme Claire-Lise Campion. Nos remarques ont manifestement porté leurs fruits. Mais une initiation à ce mode d’accueil sera-t-elle suffisante ? Permettez-moi d’en douter.
Accueillir des enfants à leur domicile demande aux assistants maternels des qualités relationnelles, de l’organisation et certaines connaissances sur le développement de l’enfant. La motivation, aussi grande soit-elle, ne suffit pas.
Travailler en accueil de type collectif requiert d’autres compétences et, surtout, des connaissances, notamment celles qui concernent l’animation et la gestion d’un groupe – lequel peut atteindre un effectif de seize enfants d’âges différents –, les relations avec de nombreux parents, l’attitude à adopter dans des situations de conflit professionnel et le recours à un dispositif de régulation.
Je regrette profondément qu’il ne soit toujours pas prévu d’accompagnement ni de coordination de ces professionnels. Cela revient à les mettre en difficulté. Nous vous proposerons donc à nouveau des amendements en ce sens.
Cette proposition de loi qui tente de répondre au déficit de l’offre d’accueil des jeunes enfants est indissociable de la problématique générale de l’accueil et de la scolarisation de la petite enfance.
Le Gouvernement a ainsi assoupli les règles relatives aux modes d’accueil tant individuels que collectifs de la petite enfance. Ainsi la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a-t-elle mis en place l’expérimentation des jardins d’éveil pour les enfants de deux à trois ans avec un taux d’encadrement pouvant aller jusqu’à douze enfants par adulte, au lieu de huit actuellement pour la même tranche d’âge en crèche collective. Elle a par ailleurs augmenté la capacité d’accueil des assistants maternels de trois à quatre enfants.
La déréglementation est donc bien ce qui se cache derrière cette proposition de loi. Monsieur Arthuis, vous ne vous en êtes d’ailleurs pas caché lors de la table ronde sur la situation financière des départements organisée par la commission des finances le 5 mai dernier. Il va de soi que, sur ce sujet, je suis animée du même souci que vous.
M. Jean Arthuis. Ah !
Mme Claire-Lise Campion. Ainsi, vous avez pris comme exemple votre proposition de loi relative à la création des maisons d’assistants maternels afin de démontrer « que l’on peut se dégager de réglementations et de procédures inutilement contraignantes…
M. Jean Arthuis. Oui !
Mme Claire-Lise Campion. … et inventer des solutions adaptées et innovantes ».
M. Jean Arthuis. Oui !
M. André Lardeux, rapporteur, et M. Jean-Claude Carle. Il a raison !
Mme Claire-Lise Campion. Innover, oui, je suis d’accord. Assouplir, oui, je fais mien cet objectif. Mais, si je suis favorable à l’innovation, je suis en revanche convaincue que celle-ci ne peut se faire au prix de la déréglementation, qui ne permet pas de garantir la qualité de l’accueil des enfants. Les parents attendent un nombre plus important de places d’accueil, nous partageons leur préoccupation, mais pas aux dépens de la qualité.
L’accueil du jeune enfant est, à nos yeux, spécifique. Ce n’est pas un service comme un autre ; ce n’est pas un simple service à la personne, comme on veut nous le faire croire. C’est le moment où commence l’éducation de l’enfant à la société dans laquelle il va grandir.
Or les innovations proposées par le Gouvernement ou sa majorité, sous couvert d’ouvrir en nombre de nouvelles places d’accueil, tendent en réalité à durcir les conditions de travail des professionnels et à baisser la qualité de l’accueil des jeunes enfants.
M. Jean Arthuis. Ah bon ?
M. Jean-Claude Carle. C’est l’inverse !
Mme Claire-Lise Campion. Je prendrai un seul exemple pour illustrer mon propos.
L’alinéa 3 de l’article 5 de la proposition de loi prévoit un agrément initial pour deux enfants, sauf si les conditions d’accueil ne le permettent pas. Certes, il s’agit d’empêcher certains départements de limiter la première demande d’agrément à un seul enfant, ce qui a notamment pour effet négatif de ne pas permettre à certains professionnels de valider des droits à retraite pour cette première année, mais il s’agit surtout d’afficher davantage de places.
La rédaction qui nous est proposée ne règle en rien la situation des départements que je qualifierai d’« excessivement prudents ». En effet, sur quoi se fondent les services de la PMI pour décider du nombre d’enfants qu’un assistant maternel peut accueillir, sinon sur ses compétences, la configuration de son logement, ses capacités d’adaptation ? Et, s’il est fréquent de proposer une montée progressive du nombre d’enfants, dans un grand nombre de départements, certains professionnels sont agréés directement pour trois enfants.
Rien n’empêchera donc les services de PMI ou des conseils généraux de ces départements excessivement prudents de continuer à refuser un agrément pour deux enfants, en motivant leur décision sur l’absence de conditions d’accueil suffisantes.
Enfin, la Direction générale de l’action sociale a produit un référentiel de l’agrément des assistants maternels à l’usage des PMI, afin d’harmoniser les pratiques sur le territoire national. Donnons-lui le temps de produire ses effets !
Une fois encore, il s’agit, sur ce sujet important, non pas d’afficher des chiffres, mais de répondre au mieux aux besoins des familles dans un souci de qualité pour l’accueil de leurs enfants.
M. Jean Arthuis. Absolument !
Mme Claire-Lise Campion. C’est pourquoi nous vous proposerons, dans le même esprit, de revenir sur le nombre maximal de quatre enfants fixé par l’agrément et de le ramener à trois. Nous souhaitons ainsi un retour au système antérieur, qui fonctionnait très bien dans nos départements : limitation de l’agrément à trois enfants, avec une possibilité de dérogation pour l’accueil d’un quatrième enfant.
De plus, lors de notre déplacement en Mayenne, nous avions pu constater qu’en pratique les assistants maternels accueillaient trois enfants. Nombre de nos collègues députés ont également observé cet état de fait.
Pour conclure, si la navette a permis certaines avancées, ce texte, comme je l’ai démontré, n’est satisfaisant ni pour les familles ni pour les professionnels. Leur forte mobilisation autour du collectif « Pas de bébés à la consigne » en est l’illustration.
M. Jean Arthuis. Caricatural !
Mme Claire-Lise Campion. L’accueil de la petite enfance, question majeure pour les jeunes parents de notre pays, mérite beaucoup mieux.
Nous regrettons qu’une fois encore le Sénat s’apprête à rejeter, sous le prétexte d’aller vite, nos propositions d’amélioration, garantes de la qualité de l’accueil et de conditions de travail sécurisées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, si j’ai cosigné cette proposition de loi créant les maisons d’assistants maternels, c’est parce que, malgré tous les efforts de notre pays en la matière, il manque encore aujourd’hui 350 000 places d’accueil pour les jeunes enfants.
Comme l’indique le rapport de la commission, la France consacre aux aides et aux services de garde d’enfants entre 1 % et 1,5 % de son PIB, soit un niveau proche de ceux de la Suède et du Danemark, pays qui font figure de modèles en la matière. Le nombre de places en crèches a augmenté de 27 % entre 2000 et 2007.
Le Président de la République a pris des engagements forts, en fixant pour objectif une augmentation de 200 000 places à l’horizon 2012, réparties entre 100 000 places en accueil collectif et 100 000 places en accueil individuel.
Pourtant, les modes de garde actuels ne peuvent pas répondre à toutes les situations. Il faut donc non seulement accroître l’offre, mais aussi, et peut-être surtout, la diversifier pour l’adapter aux besoins de la population.
Dans les zones rurales, par exemple, notamment en montagne, M. le rapporteur l’a rappelé, les petites communes ne disposent pas des fonds nécessaires pour créer des crèches et les assistantes maternelles hésitent à établir leur domicile dans une zone isolée. Jusqu’à présent, aucune solution n’a été apportée à ces familles. L’utilité et le caractère novateur de cette proposition de loi sont là : créer des maisons d’assistants maternels, c’est-à-dire un nouveau mode de garde pour répondre à des besoins qu’aucun dispositif existant n’a réussi à satisfaire.
La municipalité d’Evron, en Mayenne, a calculé que le coût de fonctionnement d’une crèche était sept fois plus élevé pour la municipalité que le coût d’une maison d’assistants maternels. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin s’exclame.)
M. Jean Arthuis. Eh oui !
M. Jean-Claude Carle. Étant payées par les parents, les assistantes maternelles ne sont pas financièrement à la charge des communes. Le plus souvent, la commune participe à la création de la maison en fournissant les locaux, mais l’aide qu’elle apporte, en espèces ou en nature, reste toujours inférieure au coût de fonctionnement d’une crèche.
Ce n’est donc pas un mode de garde sélectif, comme le craint Mme Gonthier-Maurin. D’ailleurs, M. Arthuis a cité des chiffres comparatifs très explicites.
Ainsi que l’a souligné notre collègue Jean-Marc Juilhard dans son rapport d’information sur l’accueil des jeunes enfants en milieu rural, les maisons d’assistants maternels constituent, en fait, un outil de lutte contre la désertification rurale et de promotion des territoires jusque-là trop isolés.
L’autre atout des maisons d’assistants maternels est de proposer une souplesse unique dans les horaires de garde des enfants. En effet, une délégation d’accueil permet à l’assistante maternelle de confier, avec l’accord des parents, l’accueil temporaire de l’un des enfants dont elle a la garde à une autre assistante maternelle travaillant dans le même regroupement.
Grâce au roulement effectué par les assistantes maternelles, les enfants peuvent être gardés en dehors des horaires habituels d’ouverture des établissements d’accueil des jeunes enfants. Or de plus en plus de parents travaillent à temps partiel ou selon des horaires « atypiques », pour reprendre le terme utilisé par M. le rapporteur. Pour ces parents, l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle étant plus que malaisée, ce mode de garde est particulièrement bien adapté ! Là aussi, les maisons d’assistants maternels constituent une solution novatrice, opérationnelle et très attendue par les parents.
Vous le comprendrez, mes chers collègues, un autre aspect des maisons d’assistants maternels me tient particulièrement à cœur : il s’agit, par le biais de la formation professionnelle, de la promotion sociale des assistantes maternelles.
Songez que les maisons représentent une évolution de carrière possible pour 270 000 assistantes maternelles qui, après avoir accueilli les enfants chez elles, souhaitent travailler directement avec d’autres collègues, accueillir d’autres enfants, enrichir leur expérience et – pourquoi pas ? – pour les plus motivées d’entre elles, devenir ensuite puéricultrices ou éducatrices de jeunes enfants.
Si elles répondent aux besoins des parents et des communes, les maisons d’assistants maternels constituent bien, également, un moyen de promotion sociale et professionnelle pour près de 300 000 de nos compatriotes, ce qui explique aussi la grande attente qu’elles suscitent dans la profession.
Avant de conclure, j’ajouterai que des interrogations ont été soulevées au sein de conseils généraux sur le contenu de la convention précisant les modalités de fonctionnement des maisons, convention qui devrait être signée entre la caisse d’allocations familiales, ou CAF, le conseil général et les assistantes maternelles.
En effet, la caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, avait élaboré une convention type qui a été jugée inapplicable par de nombreux présidents de conseils généraux, quel que soit leur bord politique.
Je me réjouis que cette convention devienne facultative, dans un souci de souplesse. Les conseils généraux qui le souhaitent pourront utiliser la convention type des caisses d’allocations familiales. Ceux qui préfèrent formaliser différemment les règles de fonctionnement des maisons d’assistants maternels pourront le faire dans le respect de la loi, donc en toute sécurité juridique.
M. Jean Arthuis. Très bien !
M. Jean-Claude Carle. Le présent texte est l’aboutissement d’un long processus. Il tire son origine d’une expérience en cours depuis plus de quatre ans dans plusieurs départements, notamment en Mayenne.
Comme l’a souligné Jean Arthuis, lors de la première lecture de ce texte, « c’est le rôle du législateur que d’inscrire dans la loi les initiatives courageuses et convaincantes de la société ». Le groupe UMP partage cette conviction. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean Arthuis. Merci !
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en un siècle, le mode de garde des enfants est devenu l’une des principales préoccupations pour beaucoup de familles. Le nombre de places d’accueil est insuffisant et ne répond pas au besoin d’activité des femmes, qui, de plus en plus, et c’est tant mieux, continuent de travailler après la naissance de leur premier enfant.
D’une manière générale, l’offre ne couvre pas la moitié des besoins. On estime entre 300 000 et 400 000 le nombre de places, inégalement réparties sur le territoire, qui font défaut.
La liberté de choix du mode de garde n’est donc pas véritablement assurée, ce qui contraint l’un des deux parents, souvent la mère, à mettre entre parenthèses son activité professionnelle. Si l’accueil des enfants de plus de trois ans par l’école maternelle est exemplaire en France, il reste encore des efforts à accomplir en ce qui concerne l’accueil des plus jeunes.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui constitue un progrès, puisqu’elle tend à doter d’un cadre juridique spécifique la mise en place des regroupements d’assistants maternels.
Elle s’inscrit dans une démarche volontariste qui consiste à trouver de nouveaux modes de garde permettant aux familles de concilier vie privée et vie professionnelle. Le succès des expérimentations, menées depuis quelques années, en atteste. (M. Jean Arthuis opine.)
Les avantages de ces structures sont, en effet, incontestables pour les assistants maternels, les enfants et leurs parents.
Les professionnels peuvent exercer le même métier qu’à domicile, mais ils le pratiquent ensemble, dans un local commun. Cela permet de rompre leur isolement, de faire évoluer leur profession et, donc, de la valoriser.
Par ailleurs, ces structures rendent aussi possible l’accès à la profession de personnes dont le logement n’est pas conforme aux critères requis par la PMI.
Pour les parents, la proposition de loi apporte une certaine sécurité du fait du regroupement. Certains d’entre eux sont inquiets à l’idée de laisser leur enfant avec une seule assistante maternelle, qui peut accueillir jusqu’à quatre enfants. Il est, en effet, plus rassurant de le savoir au sein d’une structure collective.
La maison d’assistants maternels constitue également une solution aux disparités territoriales massives, une réponse à une demande sociale en évolution, particulièrement en zone rurale. La hausse démographique constatée dans ces territoires a eu pour conséquence de modifier les attentes de la population. Les familles se heurtent à de réels obstacles pour bénéficier de services d’accueil destinés à la petite enfance. Et cette réalité concerne aussi bien les territoires périurbains que les zones enclavées et isolées.
Au manque de places et de diversité, dans les formules proposées, s’ajoute un manque de souplesse des modes de garde existants et, de ce fait, l’impossibilité, parfois, de concilier sereinement vie familiale et vie professionnelle.
Les besoins des parents sont aujourd’hui très loin d’être satisfaits. Développer l’offre d’accueil des jeunes enfants, en milieu rural, peut constituer une dynamique réelle pour les campagnes et la mise en place des maisons d’assistants maternels devrait y contribuer.
En effet, elles offrent une souplesse dans les horaires d’accueil qu’aucun autre mode de garde n’est en mesure de proposer. En outre, elles apportent une solution à l’incapacité financière de certaines communes à subvenir aux frais de fonctionnement d’un établissement d’accueil collectif. Enfin, pour les enfants, ce mode d’accueil est propice à l’apprentissage de la vie en collectivité et facilite l’acquisition de l’autonomie.
En première lecture, je vous avais fait part de mes craintes, monsieur le secrétaire d’État. Aujourd’hui, je me réjouis que certaines d’entre elles aient été apaisées par les modifications qui ont été apportées par les députés.
Je pense principalement à la proposition du rapporteur de l’Assemblée nationale de ramener à soixante heures la formation initiale préalable à l’exercice de la profession.
Cependant, je continue de croire, par ailleurs, que les cent vingt heures de formation obligatoire sont toujours très insuffisantes au regard des compétences requises pour s’engager dans un regroupement avec plusieurs autres assistants maternels.
L’obligation d’assurance des assistants maternels travaillant en regroupement et le versement d’une indemnité majorée, en cas de licenciement à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, marquent également un progrès.
Enfin, j’avais souligné l’importance de prévoir un premier bilan de l’application de ce texte, afin d’évaluer clairement l’ensemble des problèmes constatés.
C’est chose faite, puisque le Gouvernement, dans les trois ans suivant la promulgation de la loi, devra remettre au Parlement un rapport sur la mise en place des maisons d’assistants maternels.
Vous pouvez compter sur les sénateurs du groupe RDSE pour étudier de très près les conclusions de ce rapport.
J’insiste, à nouveau, comme je l’ai fait en première lecture, sur le fait que les collectivités locales devraient continuer à privilégier, lorsqu’elles le peuvent, la construction de crèches collectives.
Ayant rappelé cette réserve, mes chers collègues, l’ensemble des sénateurs du groupe RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie pour cette discussion précise, témoignant du travail approfondi que vous avez mené les uns et les autres, ce qui n’est pas surprenant.
À titre personnel, et sans répéter les propos que j’ai tenus tout à l'heure, je tiens à dire combien je suis sensible à la présente proposition de loi, et ce pour plusieurs raisons.
D’abord, parce qu’elle est tirée d’une expérience pratique menée sur le terrain. C’est ainsi que nous aboutissons à des processus qui sont, si j’ose dire, vivables et ajustables. À cet égard, je reprends volontiers l’argument que vous avez développé, monsieur le rapporteur, selon lequel il importe de bien observer le fonctionnement des expérimentations afin de pouvoir en tirer des dispositifs qui soient simples. En l’occurrence, il s’agit bien de cela, et c’est très bien ainsi.
Ensuite, parce que, comme vous l’avez rappelé, monsieur Arthuis, il s’agit d’un texte d’initiative parlementaire, qui enrichi un dispositif. Le député que je suis encore dans l’âme est sensible à vos propos sur ce point.
Enfin, parce que, vous l’avez indiqué, madame Laborde, cette initiative sera évaluée. Pour ma part, je le redis, je suis convaincu que, dans ce domaine comme dans bien d’autres, notre pratique globale manque d’évaluation. Il me paraît donc excellent d’avoir intégré un tel processus d’évaluation dans le dispositif.
Madame Campion, je voudrais répondre à quelques-uns de vos arguments.
Comme l’a très justement rappelé M. le rapporteur, le dispositif envisagé répond bien, à mon sens, au besoin exprimé d’un mode de garde supplémentaire. M. Arthuis l’a dit, l’objectif gouvernemental est réaliste : nous souhaitons atteindre 200 000 places supplémentaires d’ici à 2012, soit 100 000 places en accueil collectif et 100 000 places chez les assistants maternels.
Les maisons d’assistants maternels constituent évidemment un outil de plus. Le besoin est recensé, un outil nouveau, qui est simple et pratique, est mis en place, et cela me paraît aller dans la bonne direction.
Les maisons d’assistants maternels poseraient-elles problème en faisant concurrence aux crèches ? La réponse est non. Ces structures ne répondent pas au même besoin. Les maisons viennent combler un besoin parfaitement identifié, notamment dans les zones rurales, comme l’a excellemment dit M. le rapporteur. Elles apportent donc une solution par le biais d’un dispositif souple. Il me semble que c’est ainsi qu’il faut voir les choses.
J’en viens à la convention. Je suis très favorable à tous les dispositifs qui laissent de la souplesse et permettent de s’extraire d’un cadre trop rigide. La convention devient facultative, chaque conseil général étant libre de la décider.
Il aurait effectivement été inutile, et même contre-productif, d’imposer à ce sujet une nouvelle étape administrative. Nous sommes tous d’accord, dans cette assemblée comme au Palais-Bourbon, sur le fait que nous souffrons sans doute d’un excès de réglementation. Tomber dans la non-réglementation aurait été évidemment préjudiciable, mais créer des étapes supplémentaires sur un dispositif dont la qualité principale est la souplesse aurait été tout à fait contre-productif.
Le dispositif envisagé est évidemment accessible aux familles modestes, puisque les ménages faisant appel à un assistant maternel dans ce cadre sont « solvabilisés » par le complément de libre choix du mode de garde. La logique est donc celle de l’accessibilité pour tous.
J’ai d’ailleurs été très sensible aux arguments financiers que vous avez mis en avant, monsieur Arthuis. Il est tout à fait vrai que lorsque l’on compare le coût par enfant des différents modes de garde, les chiffres sont extrêmement parlants. Vous les avez cités, permettez-moi de le faire à mon tour : pour l’assistante maternelle, le coût global est de 895 euros en 2009 ; pour la garde partagée, il est de 1 204 euros ; pour les crèches, établissements d’accueil du jeune enfant, il est de 1 366 euros, tandis que la garde à domicile coûte 2 318 euros.
Sur le plan financier, le dispositif répond à une logique qui contribue à la tenue ou à la retenue – je ne sais quel terme employer – de nos comptes publics, objectif constituant à mon sens une de nos priorités.
Je souhaite également dire quelques mots sur la délégation d’accueil.
Madame Claire-Lise Campion, vous avez rappelé – et vous avez bien fait – que de nombreux aménagements ont été apportés pour sécuriser le dispositif : au Sénat, la disposition par laquelle les parents doivent donner leur accord à la délégation, l’absence de rémunération entre les assistants maternels et l’impossibilité pour ces derniers de travailler au-delà de ce qui est convenu dans leur contrat de travail ; à l’Assemblée nationale, l’obligation pour chaque assistant maternel de donner son accord écrit annexé au contrat, chaque assistant maternel ayant copie des contrats. On le voit, sur ce point, le dispositif est assez bien bouclé.
Je terminerai en disant que cette proposition de loi me semble aller dans au moins trois bonnes directions.
À cet égard, les priorités sont de pouvoir introduire de la souplesse là où nous souffrons d’un excès de rigidité, de répondre à des besoins parfaitement identifiés tant en termes de population qu’en termes de territoire et, enfin, de s’inscrire dans une logique permettant un accès au dispositif pour les personnes aux revenus relativement modestes. Contribuer à mettre en place des outils nouveaux qui ne viennent pas grever lourdement nos comptes sociaux constitue également une priorité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle qu’aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5 du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles adoptés conformes ou les articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Article 1er
(Non modifié)
Après le chapitre III du titre II du livre IV du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Maisons d’assistants maternels
« Art. L. 424-1. – Par dérogation à l'article L. 421-1, l’assistant maternel peut accueillir des mineurs au sein d'une maison d’assistants maternels.
« Le nombre d’assistants maternels pouvant exercer dans une même maison ne peut excéder quatre.
« Art. L. 424-2. – Chaque parent peut autoriser l’assistant maternel qui accueille son enfant à déléguer cet accueil à un ou plusieurs assistants maternels exerçant dans la même maison.
« L’autorisation figure dans le contrat de travail de l’assistant maternel. L’accord de chaque assistant maternel auquel l’accueil peut être délégué est joint en annexe au contrat de travail de l'assistant maternel délégant. L’assistant maternel délégataire reçoit copie du contrat de travail de l’assistant maternel délégant.
« La délégation d’accueil ne fait l’objet d’aucune rémunération.
« Art. L. 424-3. – La délégation d’accueil prévue à l’article L. 424-2 ne peut aboutir à ce qu’un assistant maternel accueille un nombre d’enfants supérieur à celui prévu par son agrément, ni à ce qu’il n’assure pas le nombre d’heures d’accueil mensuel prévu par son ou ses contrats de travail.
« Art. L. 424-4. – Les assistants maternels qui bénéficient de la délégation d’accueil s’assurent pour tous les dommages, y compris ceux survenant au cours d’une période où l’accueil est délégué, que les enfants pourraient provoquer et pour ceux dont ils pourraient être victimes. Cette obligation fait l’objet d’un engagement écrit des intéressés lorsque la demande d’agrément est formulée auprès du président du conseil général dans les conditions prévues à l’article L. 424-5.
« Art. L. 424-5. – Lorsqu’une personne souhaite exercer la profession d’assistant maternel dans une maison d’assistants maternels et ne dispose pas encore de l’agrément défini à l’article L. 421-3, elle en fait la demande auprès du président du conseil général du département dans lequel est située la maison. S’il lui est accordé, cet agrément fixe le nombre et l’âge des mineurs qu’elle est autorisée à accueillir simultanément dans la maison d’assistants maternels. Ce nombre ne peut être supérieur à quatre. L’assistant maternel qui souhaite, après avoir exercé en maison, accueillir des mineurs à son domicile et ne dispose pas de l’agrément nécessaire à cet effet en fait la demande au président du conseil général du département où il réside.
« L’assistant maternel déjà agréé qui souhaite exercer dans une maison d’assistants maternels demande au président du conseil général du département dans lequel est située la maison la modification de son agrément en précisant le nombre de mineurs qu’il prévoit d’y accueillir. Si les conditions d’accueil de la maison garantissent la sécurité et la santé des mineurs, l’agrément modifié est accordé et précise le nombre et l’âge des mineurs que l’assistant maternel peut accueillir simultanément. Ce nombre ne peut être supérieur à quatre. L’assistant maternel peut, après avoir exercé en maison, accueillir des mineurs à son domicile s’il dispose déjà de l’agrément nécessaire.
« À défaut de réponse à la demande d’agrément ou de modification d’agrément dans un délai de trois mois après réception de la demande, celle-ci est réputée acquise.
« La délivrance de l’agrément ou de l’agrément modifié ne peut être conditionnée à la signature d’une convention entre le président du conseil général, l’organisme mentionné à l’article L. 212-2 du code de la sécurité sociale et les assistants maternels.
« Art. L. 424-6. – Le ménage ou la personne qui emploie un assistant maternel assurant l’accueil d’un mineur dans une maison d’assistants maternels perçoit le complément de libre choix du mode de garde dans les conditions prévues à l’article L. 531-5 du code de la sécurité sociale.
« Art. L. 424-7. – Les assistants maternels accueillant des enfants dans une maison d’assistants maternels et les particuliers qui les emploient bénéficient des mêmes droits et avantages et ont les mêmes obligations que ceux prévus par les dispositions légales et conventionnelles applicables aux assistants maternels accueillant des enfants à leur domicile. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme vous le savez, la majorité des organisations syndicales dénonce cette proposition de loi.
Ces organisations se sont d’ailleurs regroupées au sein du collectif « Pas de bébés à la consigne » pour exiger des législateurs que nous sommes de veiller à ce que notre action ait toujours pour objectif la qualité de l’accueil des jeunes enfants.
Récemment encore, les membres de ce collectif ont jeté des biberons dans la Seine (M. Jean Arthuis s’exclame.), véritables signaux d’alerte à l’adresse des parlementaires et du Gouvernement ; sans doute ne sont-ils pas tous arrivés à bon port.
Chers collègues de la majorité, il n’en demeure pas moins que cette proposition de loi, sous couvert d’apporter des solutions aux parents qui en ont besoin, s’inscrit dans un contexte plus large de dérégulation du secteur de la petite enfance.
Nous sommes d’ailleurs les premiers à dire qu’il faut rénover le service public de la petite enfance, notamment en permettant l’accueil des enfants à des horaires décalés.
Or vous prenez précisément prétexte des difficultés que rencontre ce secteur, en particulier en raison des manques de moyens financiers, pour le déréguler.
Comment analyser autrement les différentes dispositions adoptées, telles que le passage de trois à quatre enfants, le regroupement des assistants maternels pour leur permettre de garder jusqu’à seize enfants, et ce sans projet éducatif – quoi que vous en disiez –, avec des contraintes de sécurité limitées et une formation réduite au minimum.
M. Jean Arthuis. C’est insupportable !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À cela, il convient d’ajouter à votre projet la volonté d’extension des jardins d’éveil concomitante de la remise en cause de l’ouverture du droit d’accueil des jeunes enfants en maternelle dès deux ans.
Surtout, cette proposition de loi renvoie directement au débat perpétuel que nous avons sur l’application de la directive « Services ».
En effet, les services de la petite enfance, comme tous les services publics à la française, déplaisent aux commissaires européens et aux défenseurs d’une Europe où la concurrence, rappelez-vous, serait libre et non faussée. Nous en payons les pots cassés en ce moment.
Dans ce cadre, les crèches publiques et leur réglementation constituent des entraves à la concurrence et à la loi des marchés.
Mes chers collègues, tout cela donne l’impression que, pour répondre aux besoins légitimes de certaines familles, il faudrait faire primer le quantitatif sur le qualitatif.
M. Jean Arthuis. Oh !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pourtant, en la matière, la qualité de l’accueil est naturellement déterminante.
Pour reprendre les termes de l’appel du collectif « Pas de bébés à la consigne »…
M. Jean-Claude Carle. C’est insultant pour les enfants !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. … qui a été publié dans le journal l’Humanité : « Du côté des bébés, les apports de la psychologie et de la psychanalyse d’enfant ont révélé la spécificité des repères relationnels des jeunes enfants. »
Derrière la notion d’accueil de qualité, on le voit, c’est bien l’enjeu fondamental de la formation des professionnels qui fait débat.
D’ailleurs, toutes les études internationales convergent sur la définition de certains critères de qualité des modes de garde, au premier rang desquels figurent le niveau de qualification professionnelle, le taux d’encadrement, la taille restreinte des groupes d’enfants, le temps et la disponibilité accordés à l’enfant et à sa famille, ou encore les temps de réflexion sur les pratiques professionnelles, qui favorisent des relations individualisées.
Nous, les membres du groupe CRC-SPG, tenons à rappeler que nous respectons le choix de certaines familles pour un mode de garde individualisé reposant sur une assistante maternelle. Nous considérons néanmoins que, même si ce choix peut se comprendre au plan individuel, il n’est pas souhaitable qu’il soit généralisé au plan collectif, particulièrement dans le contexte que je viens de rappeler.
Pour toutes ces raisons, nous demeurons opposés à cette proposition de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. André Lardeux, rapporteur. Je répondrai rapidement à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, car il est certains propos que l’on ne peut pas laisser dire.
Pour commencer, « Pas de bébés à la consigne », nom du mouvement qu’elle a évoqué, c’est un peu insultant pour les bébés en question.
M. Jean-Claude Carle. Exactement ! Très bien !
M. André Lardeux, rapporteur. Les assistantes maternelles sont tout de même des personnes responsables et dignes, tout à fait compétentes pour accueillir les enfants.
Les membres de ce collectif ont jeté des biberons dans la Seine,…
M. Jean Arthuis. C’est intelligent !
M. André Lardeux., rapporteur. … tant mieux, si c’était du bisphénol A ! (Sourires.)
M. Yves Daudigny. Et tant pis pour les poissons ?
M. André Lardeux, rapporteur. Les poissons ne sont pas concernés parce que l’eau de la Seine n’est pas très chaude !
M. Jean Arthuis. Et le Grenelle ?
M. André Lardeux, rapporteur. Toute plaisanterie mise à part, les familles qui bénéficient éventuellement de ce mode de garde dans les maisons d’assistants maternels en sont très satisfaites. Il répond à leurs attentes et à leur besoin. On ne peut donc pas dire que le service rendu par les assistantes maternelles dans ce cadre est de mauvaise qualité, bien au contraire !
Je l’ai constaté en Mayenne et en Loire-Atlantique. Je cite volontairement ces deux départements : non seulement ce sont les deux voisins géographiques du département dont je suis l’élu, mais ils ont aussi la particularité d’être dirigés par des majorités opposées, Union centriste-UMP en Mayenne et PS-communistes en Loire-Atlantique. On ne peut donc pas dire que ce sont des questions de politique politicienne qui déterminent le choix ; ce sont au contraire des raisons pragmatiques et d’efficacité qui ont guidé les élus de ces départements.
J’ajouterai que, pour les familles, le coût des assistantes maternelles n’est pas plus important que celui de la garde à domicile.
En outre, ce premier mode de garde est plus sécurisant pour elles. Le fait que plusieurs assistantes maternelles travaillent ensemble et qu’elles aient la charge de plusieurs enfants constitue une sécurité dans un domaine où l’opinion est extrêmement sensible en ce moment ; en dehors des accidents domestiques éventuels, nous avons tous à l’esprit ces affaires regrettables de pédophilie. L’association de plusieurs assistantes maternelles qui, tout simplement, s’autostimulent et s’autosurveillent me paraît un bon moyen pour éviter que ne surviennent de telles situations, car aucun tiers extérieur aux assistantes maternelles n’entre alors en contact avec l’enfant.
En outre, j’ai posé la question aux assistantes maternelles mayennaises que j’ai rencontrées : si la loi évoluait pour empêcher ce genre de regroupement, aucune d’elles ne souhaiterait reprendre la garde personnelle à domicile, car leur famille est aussi gagnante dans cette affaire. Les enfants sont par exemple très satisfaits de ne pas voir de jeune enfant dans leur chambre, notamment en journée, ce qui les empêchait auparavant de profiter de cet espace.
Le système que nous proposons n’est qu’une possibilité : les assistantes maternelles se regrouperont si elles le désirent et les collectivités les accompagneront si elles le souhaitent.
Par ailleurs, j’ai constaté pour ma part en Mayenne que le travail de qualité effectué par les assistantes maternelles reposait sur l’engagement des services de PMI et que, grâce à la présence de ces derniers auprès de ces institutions nouvelles, le système fonctionnait très bien.
Si d’autres conseils généraux décident de mettre en place ces dispositifs, il n’y a donc aucune raison pour qu’ils ne fonctionnent pas aussi bien qu’en Mayenne ou en Loire-Atlantique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Arthuis applaudit également.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn et Jeannerot, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
trois
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. La proposition de loi entend autoriser l’exercice d’un métier d’accueil de la petite enfance de type collectif aux professionnels que sont les assistants maternels, qui exerceront ainsi leur activité dans des conditions quasi identiques à celles qui prévalent dans un petit établissement d’accueil du jeune enfant.
Cette disposition est, selon nous, complètement emblématique d’une sous-estimation de la nécessaire professionnalisation de l’accueil collectif dans le domaine de la petite enfance.
C’est pourquoi nous vous demandons de limiter les regroupements à trois assistants maternels afin de réduire la taille de la future structure et, par voie de conséquence, le nombre d’enfants, de manière à garantir un accueil de meilleure qualité.
Je tiens à rappeler que notre collègue député Michèle Tabarot, dans la discussion qui a eu lieu il y a quelque temps sur ce texte à l’Assemblée nationale, s’est elle-même interrogée sur la pertinence d’accueillir au sein de ces structures jusqu’à seize enfants, nombre qui, à ses yeux comme aux nôtres, semble trop important.
Je vous invite à entendre l’appel que nous lançons au travers de cet amendement, même si la commission et son rapporteur nous ont proposé un vote conforme.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. Mme Campion a presque donné la réponse. Je me suis cependant engagé ce matin en commission à lui répondre sur le fond et à ne pas me contenter d’invoquer la volonté du Sénat de voter conforme le texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale.
Je tiens à saluer la constance et l’implication de Mme Campion sur ce dossier.
Je lui ferai simplement remarquer que cet amendement apparaît comme un demi-assentiment au système, parce que ce qu’elle conteste, ce n’est pas le principe de la maison d’assistants maternels, mais le nombre de professionnels pouvant se regrouper, l’amendement visant à faire passer ce nombre de quatre à trois.
Mme Claire-Lise Campion. C’est pour l’améliorer !
M. André Lardeux, rapporteur. Dans votre esprit, il s’agit de l’améliorer. Je n’en suis pas certain. Quatre – qui est le maximum possible –, c’est une bonne référence.
En Mayenne, j’ai vu certaines maisons qui ont trois assistantes maternelles et d’autres où elles sont quatre. En Loire-Atlantique, le chiffre varie entre deux, trois ou quatre. Le texte laisse donc la souplesse nécessaire. Rien n’oblige un président de conseil général à donner un agrément pour quatre assistants maternels. Si un président de conseil général estime, soit pour des raisons propres à sa collectivité, soit pour des raisons de principe comme celles que vous défendez, que le nombre d’assistants maternels autorisés à exercer dans une même maison ne peut excéder trois, il fera des agréments pour trois assistantes maternelles.
La présence de seize enfants est vraiment très exceptionnelle puisque ces maisons ont pour vocation de fonctionner sur une amplitude horaire très grande. Les enfants qui sont là à huit heures le matin ne sont pas ceux qui sont présents à dix-huit heures. En effet, le système est conçu pour répondre à la demande de parents qui travaillent soit tôt le matin, soit tard le soir. Et ce ne sont bien évidemment pas les mêmes familles, fort heureusement, d’ailleurs.
C’est la raison pour laquelle la commission confirme l’avis défavorable émis lors de la première lecture. (MM. Jean Arthuis et Jean-Claude Carle applaudissent.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable, pour des raisons similaires, que je résume en trois phrases très simples.
D’abord, les expérimentations menées en Mayenne et ailleurs ont montré que le dispositif fonctionnait sans difficulté avec quatre professionnels.
Ensuite, et je rejoins M. le rapporteur, nous sommes dans une logique de souplesse : le chiffre de quatre étant un maximum, il laisse, par définition, la possibilité de rester en dessous de quatre.
Enfin, comme vient de le souligner M. le rapporteur, il y aura nécessairement des plages où les enfants seront plus nombreux et des plages où ils le seront moins, ce qui correspond exactement ce que je décrivais voilà quelques instants, à savoir un besoin de souplesse et de diversification des modes de garde.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Madame Gonthier-Maurin, j’ai été franchement étonné par vos propos, qui sont à la limite de la blessure pour les personnes concernées ! Je pense aux assistants maternels.
En revanche, je rends hommage à votre sens de la formule : « pas de bébés à la consigne », « jeter les biberons dans la Seine », c’est vraiment formidable ! Je vous dis combien je suis impressionné, mais c’est tellement caricatural qu’on dénature nos propres débats. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin proteste.)
Madame Campion, je ne voterai pas cet amendement, pas plus que les six autres, pour des raisons que vous imaginez.
Contrairement à ce que vous avez dit, on ne déréglemente pas ! Les crèches sont soumises à des normes : un adulte assistant maternel encadre cinq enfants qui ne marchent pas encore ou huit enfants qui marchent. Vous ne contestez pas l’intérêt que représente l’accueil par les assistants maternels. Mais vous considérez que le fait de les regrouper altère la qualité de l’accueil qui, jusque-là, se faisait individuellement, au domicile de chaque assistant maternel.
M. Ladislas Poniatowski. C’est une sécurité !
M. Jean Arthuis. Vous aurez du mal à le démontrer, car je pense que quatre assistants maternels, ou trois, ou deux, exercent entre eux ou entre elles une sorte d’autodiscipline, d’autosurveillance et d’autoresponsabilité. Au domicile personnel peuvent parfois survenir des complications dans la relation avec l’environnement familial. Ce risque est complètement écarté dans le cas particulier du regroupement.
Je voudrais vous amener à ne voir dans cette réponse rien d’autre qu’une adaptation de l’accueil par les assistantes maternelles. Je le répète, vous aurez du mal à démontrer que le regroupement constitue une altération de l’accueil par rapport à l’accueil individuel au domicile de chaque assistante maternelle.
C’est la raison pour laquelle je comprends mal vos hésitations. Il appartient aux présidents de conseils généraux d’assumer pleinement leurs responsabilités. S’ils pensent que ce n’est pas jouable, ils ne le feront pas.
À quoi bon décentraliser si les actions d’aide sociale doivent être exactement les mêmes, décrites par le menu, pour tous les départements français, dans des circulaires administratives, des décrets ou des instructions ministérielles ?
Chacun doit assumer ses responsabilités par rapport à un objectif. Et l’objectif, c’est l’accueil de la petite enfance. Jouons le jeu de la confiance et demandons à nos services de PMI d’exercer les diligences nécessaires pour vérifier que les conditions sont réunies et irréprochables sur le plan de la santé et de la sécurité des enfants.
Faisons confiance aux parents qui doivent, eux aussi, assumer leurs responsabilités lorsqu’ils confient leurs enfants à un assistant maternel au domicile de celui-ci ou bien dans un lieu de regroupement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
(M. Roger Romani remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani
vice-président
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.
Mme Claire-Lise Campion. Je vais reprendre un certain nombre d’éléments que notre collègue Jean Arthuis vient de développer à notre endroit.
Les assistantes maternelles qui, pour reprendre votre exemple, ont un agrément pour accueillir quatre enfants à leur domicile doivent gérer une situation bien précise : celle dans laquelle un adulte, qui est un professionnel, prend en charge quatre enfants.
Si quatre professionnels qui ont l’agrément pour accueillir chacun quatre enfants se regroupent, on arrive à une sorte de minicollectivité composée de seize personnes. Chacune de ces professionnelles va naturellement gérer la relation qu’elle doit continuer à avoir avec les quatre enfants pour lesquels elle a été agréée.
Et il lui reviendra aussi de gérer potentiellement un certain nombre d’autres points qui relèvent de l’ordre des échanges entre les professionnelles elles-mêmes. Entre membres d’une même équipe, les approches, les pratiques antérieures et les points de vue sur le plan éducatif, par exemple, peuvent être différents.
C’est à partir de ces différences qu’apparaît l’utilité d’un cadre minimum. Il ne s’agit pas d’avoir quelque chose de lourd, ni d’immuable, qui rende difficile le fonctionnement d’un tel établissement. Mais il est en même temps absolument indispensable que ces questions soient prises en compte en amont. Nous en sommes ici aussi responsables.
L’exemple de la Mayenne est un exemple de réussite pleine et entière. Et je souhaite évidemment, en toute sincérité, tant aux professionnels qui ont mené ces expérimentations tout au long des années qu’aux élus et au président du conseil général que vous êtes, monsieur Arthuis, de poursuivre.
Mais nous savons aussi que, dans d’autres départements où nous n’avons pas eu le temps de nous rendre – je l’avais dit lors de la première lecture –, les réussites pleines et entières ont été moins nombreuses. Il y a eu des difficultés de l’ordre naturel, quasi humain. Et il est apparu évident et nécessaire que soit établi un cadre minimum pour que quelqu’un puisse, à un moment donné, réguler des situations difficiles.
Cet objectif peut être atteint grâce à la présence d’un professionnel référent dans l’équipe ou par la signature d’une convention destinée à régler un certain nombre de difficultés.
Il existe des possibilités pour offrir ce cadre et rassurer, sur le plan global, comme sur le plan individuel, les familles et qui apportaient un « plus » aux professionnels que sont les assistantes maternelles. À mon tour, je les salue, parce qu’elles font un travail assez remarquable dans des conditions souvent difficiles. J’en ai plusieurs milliers dans mon département dont je suis responsable depuis douze ans.
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn et Jeannerot, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ils désignent parmi ceux qui exercent au sein de la maison des assistants maternels le référent chargé d'être l'interlocuteur auprès du conseil général, de la commune, ou de la caisse d'allocations familiales.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. La proposition de loi autorise le regroupement de quatre assistants maternels, soit, au maximum, le rassemblement de seize enfants.
Comment ne pas considérer que cette situation s’assimile dans les faits à une structure collective qui ne dit pas son nom ?
Regrouper des enfants et des assistants maternels sur un même lieu ne s’improvise pas, ne s’invente pas, mais se construit.
Ce regroupement, tel que vous nous le proposez, repose sur une initiation de formation à un travail collectif qui reste insuffisante, sur l’absence de projet et de convention.
Il n’est prévu aucun accompagnement ni coordination de ces personnes. N’est-ce pas les exposer à des difficultés certaines ?
Accueillir des enfants à domicile demande des qualités relationnelles, de l’organisation et certaines connaissances de base concernant le développement de l’enfant.
Travailler en collectivité requiert d’autres compétences, notamment celles qui concernent l’animation et la gestion d’un groupe d’enfants pouvant aller jusqu’à seize enfants d’âges différents, les relations avec de nombreux parents, le positionnement dans des situations de conflit professionnel et le recours à un dispositif de régulation.
C’est pourquoi nous vous proposons d’apporter plus de garanties au dispositif, en introduisant un référent parmi les assistants maternels, chargé d’être l’interlocuteur auprès du conseil général, de la commune, ou de la caisse d’allocations familiales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Il n’est pas nécessaire d’inscrire ce genre de chose dans la loi. À supposer qu’on le fasse, on introduirait l’idée de créer un établissement, ce qui est tout à fait contraire à l’esprit même du dispositif. Cela étant, les assistantes maternelles sont libres de leur organisation interne.
M. Jean Arthuis. C’est la gestion participative !
M. André Lardeux, rapporteur. Il arrive souvent que, pour des raisons pratiques, elles constituent à trois ou quatre une association,…
M. Jean Arthuis. Effectivement !
M. André Lardeux, rapporteur. … qui comporte naturellement une présidente et une secrétaire. La structure évolue certainement au fil des années. Le problème pratique est déjà résolu. Il n’y a pas besoin d’un texte qui rigidifierait les choses et en transformerait l’esprit.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Cet amendement soulève une difficulté d’ordre juridique. En réalité, monsieur le sénateur, le référent, s’il était institutionnalisé dans la loi, aurait de facto un pouvoir qui serait un pouvoir de direction sur les autres assistants maternels. Il pourrait alors être assimilé à un employeur, ce qui entraînerait toute une série de conséquences totalement incompatibles avec l’esprit de ce dispositif, notamment en matière de contrat signé.
La complexité du dossier s’en trouverait encore un peu plus accrue, sans doute en termes de rémunérations – ce qui n’est pas l’argument principal, je tiens à le dire – et incontestablement en termes de lien de subordination, qui n’est pas du tout dans l’esprit de cette proposition de loi.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn et Jeannerot, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'un des assistants maternels doit obligatoirement avoir une expérience d'au moins 5 ans.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Cet amendement est construit sur les mêmes bases que le précédent : le regroupement des assistants maternels et la question ou non de l’accueil collectif.
Alors que ce dernier, que ce soit dans les crèches, les microcrèches ou les crèches parentales, est aujourd’hui réglementé, en termes d’encadrement, mais aussi de qualification professionnelle, comment pourrions-nous accepter qu’un regroupement d’enfants se fasse sans un certain nombre de garanties ?
Cette proposition de loi autorise l’exercice d’un métier d’accueil collectif de la petite enfance à des personnes qui n’ont pas obligatoirement les qualifications professionnelles ni l’expérience du travail en groupe.
La formation professionnelle et les compétences requises pour être assistant maternel ne nous paraissent pas suffisantes pour travailler à plusieurs en dehors du domicile. Les assistants maternels risquent d’être confrontés, en effet, et cela a déjà été dit, à des situations conflictuelles ou à des tensions auxquelles ils ne sont pas préparés.
En dehors du fait que nous ayons proposé, par amendement, de limiter le nombre d’assistants maternels et d’enfants qui peuvent se regrouper, il nous semble indispensable que l’un des assistants maternels ait un minimum d’expérience de ce travail.
Il nous paraît donc nécessaire d’insérer une référence à une durée d’expérience professionnelle de cinq ans pour au moins un assistant maternel déjà agréé souhaitant exercer dans une maison d’assistants maternels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. Cette disposition aurait pour conséquence de rendre très précaires les regroupements d’assistantes maternelles. Exiger que l’une d’entre elles ait l’expérience suffisante, c’est risquer de fermer la maison au départ de cette dernière !
Laissons la liberté et laissons les services de PMI faire en sorte qu’un certain nombre de garanties soient appliquées. Ne compliquons pas trop les choses !
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour trois raisons.
La première, c’est que l’on veut permettre l’accès de la profession d’assistant maternel aux personnes qui le souhaitent sans avoir les conditions de logement adéquates pour ce faire. Cela peut concerner de jeunes assistants maternels qui n’ont pas d’expérience.
Deuxième raison, la formation qui précède l’accueil de l’enfant permet de donner aux personnes intéressées les bases suffisantes, nous semble-t-il, pour exercer ce métier.
Enfin, troisième raison, le fait d’exercer à plusieurs permet de mutualiser, en quelque sorte, les pratiques, les expériences, et c’est finalement plus sécurisant pour les parents.
Voilà trois arguments qui complètent ceux du rapporteur et qui m’ont conduit à émettre un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn et Jeannerot, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 11, troisième phrase
Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
trois
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, nous ne sommes pas favorables à l’agrément donné pour quatre enfants par assistant maternel. Les dérogations accordées par les services de PMI dans nos départements, justement pour permettre d’accueillir quatre enfants, étaient suffisantes et cela fonctionnait parfaitement bien.
De plus, lors de notre déplacement dans le département de la Mayenne, les professionnels que nous avons rencontrés et qui participent à de tels regroupements dans les maisons d’assistants maternels nous ont fait part de leurs réserves sur des structures qui peuvent accueillir jusqu’à seize enfants.
D’où cet amendement, que nous vous invitons à adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, comme d'ailleurs au suivant qui a le même objet.
Le nombre d’enfants pouvant être accueillis est de quatre au maximum. Il appartient aux conseils généraux d’apprécier s’ils doivent accorder un agrément pour quatre enfants, trois ou deux. De ce point de vue, les choses sont très claires.
J’ajoute que nous avons déjà discuté très longuement en première lecture, mais également lors de l’examen d’autres textes, de ce nombre d’enfants accueillis. Dans les pays nordiques qui, en général, ne sont pas en retard dans ce domaine, les normes d’encadrement sont plus souples et le nombre d’enfants accueillis est plus élevé que chez nous. Et puis quatre enfants au maximum pour une assistante maternelle, c’est toujours moins que pour une personne responsable travaillant en crèche, où les normes d’encadrement sont supérieures.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je partage l’avis de M. le rapporteur. Nous ne souhaitons pas établir de distinction entre la garde des enfants à domicile, où il est permis de garder jusqu’à quatre enfants, et les maisons d’assistants maternels. Introduire une restriction pour ces dernières, alors même que, comme je l’ai indiqué précédemment, tout nous laisse penser que la mutualisation de la vigilance, si j’ose dire, et des pratiques permet d’accentuer la sécurité, ne répondrait à aucune logique. L’avis est donc défavorable.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn et Jeannerot, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 12, troisième phrase
Remplacer le mot :
quatre
par le mot :
trois
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn et Jeannerot, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Remplacer les mots :
ne peut être
par le mot :
est
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. La convention présentée à la signature des conseils généraux, de la caisse d’allocations familiales et des assistants maternels est bien au cœur de la démarche qui a abouti à cette proposition de loi. Notre collègue André Lardeux a dénoncé fortement cette convention en disant qu’elle tuait dans l’œuf les projets de regroupement.
Aussi incomplète, perfectible soit-elle, une convention représente pourtant un cadre minimal, indispensable, selon nous, à la sécurité juridique et au fonctionnement d’un regroupement.
La difficulté ici est bien de vouloir faire de l’individuel avec du collectif.
Si les maisons d’assistants maternels s’inscrivent logiquement dans une recherche de solution innovante, et nous le saluons, il est néanmoins incontestable qu’elles constituent dans les faits des structures d’accueil collectif.
Leur viabilité impose donc un minimum de règles indispensables à l’aménagement, à l’organisation du quotidien, à la gestion matérielle et financière, à la détermination des responsabilités.
En l’état actuel, le regroupement proposé ne comporte pas, à notre sens, les garanties indispensables à un fonctionnement sécurisé et pérenne.
La convention représente un cadre minimal indispensable de sécurité juridique et de fonctionnement d’un regroupement. La suppression de l’obligation de convention et, par conséquent, l’absence de convention de niveau national font qu’au mieux chaque département, voire chaque territoire d’un département, aurait un mode de fonctionnement propre pour ses maisons d’assistants maternels.
N’est-il pas incohérent, et cela a déjà été dit, d’imposer des règles plus contraignantes à des microcrèches regroupant au plus neuf enfants qu’à des maisons pouvant regrouper jusqu’à seize enfants ?
Quel message envoyons-nous aux professionnels et aux parents ?
Qu’il s’agisse du décret de février 2007 – qui « déprofessionnalise » les conditions d’accueil –, de la création des jardins d’éveil et de la déscolarisation entre deux et trois ans – passée de 35 % à moins de 20 % – ou de la directive « Services » du côté sanitaire et social, les réponses apportées à ces différentes questions constituent bien, toutes ensemble, un choix de politique familiale pour notre pays que nous ne cautionnons pas.
Enfin, au-delà des conditions de sécurité et de gestion quotidienne, l’existence, en amont de la création des maisons d’assistants maternels, d’un projet éducatif collectif nous semble justifiée. Il existait, même a minima, dans la convention élaborée par la CNAF.
Certes, la convention rigidifie le dispositif, mais peut-il en être autrement lorsqu’il s’agit de la sécurité de l’accueil d’enfants ?
Tous ces éléments nous conduisent à vous demander d’adopter cet amendement et de rendre ainsi la convention obligatoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. Cet amendement repose sur une subtilité grammaticale : dans la rédaction actuelle de l’article, la faculté est donnée de créer une convention ; l’amendement proposé rend la convention obligatoire.
Je ne pense pas qu’une convention doive être imposée d’en haut. C’est à chaque conseil général d’établir son règlement en ce domaine. Par ailleurs, un règlement valable dans le département de la Mayenne ne l’est pas forcément dans l’Essonne ou en Seine-Saint-Denis dans la mesure où les contextes sont extrêmement différents. Donc, laissons aux conseils généraux le soin d’établir des règles. Évitons l’embolie du système, qui pourrait être paralysé par cette obligation de convention. C’est d'ailleurs cela qui a provoqué le dépôt de cette proposition de loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission, et pour des raisons qui sont exactement celles qu’a données M. Lardeux.
Je me permets tout de même de souligner que l’esprit qui sous-tend la proposition de loi c’est la souplesse. En l’occurrence, on s’inscrit dans cette logique tout en donnant quand même des garanties, puisque la conclusion d’une convention est toujours possible si les parties en conviennent. Certes, la convention est facultative et, je le répète, cela va tout à fait dans le sens de ce qui nous paraît souhaitable.
J’ajoute que les conseils généraux qui le souhaitent peuvent utiliser les conventions types des caisses d’allocations familiales ; ceux qui préfèrent privilégier d’autres règles de fonctionnement peuvent le faire de leur côté, notamment par les services de la PMI.
Donc, on voit bien que tous les outils existent, qu’il est possible de les utiliser ou de faire autre chose. Pour cette raison, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Il m’est difficile d’être complètement convaincu par les arguments que viennent de présenter M. le rapporteur et M. le ministre.
Nous comprenons parfaitement l’intérêt, cela a été dit, des maisons d’assistants maternels, mode de garde qui peut apporter des réponses nouvelles, en particulier dans les territoires ruraux. Nous saluons l’innovation qu’il représente, en particulier l’expérience menée dans le département de la Mayenne, et nous faisons tout à fait nôtre le souhait plusieurs fois exprimé de plus de souplesse. Mais il y a, selon nous, et c’est là, me semble-t-il, que les raisonnements diffèrent, changement de la nature du travail des assistants maternels lorsqu’ils passent d’une garde individuelle à domicile à une garde collective dans un lieu qui n’est plus leur domicile. (Mme Claire-Lise Campion opine.)
Nous pensons que ce changement de nature du travail des assistants maternels, que nous saluons par ailleurs, doit s’accompagner de nouvelles règles, de quelques contraintes indispensables pour garantir la sécurité des enfants ainsi que celle des assistants maternels et même des parents, d’où les différents amendements proposés.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. Je ne voudrais pas qu’il y ait d’ambiguïté : la délivrance d’un agrément n’est pas aléatoire, elle intervient après avoir pris un certain nombre de précautions, et les services de la PMI en sont spécialement chargés.
On a vu à quoi on aboutissait avec la convention écrite. Pour une fois que le Parlement exerce ses prérogatives, laissons-le agir ! Lorsqu’on s’en remet au cabinet du ministre – et je fais confiance au ministre ici présent – et à la caisse nationale des allocations familiales, on aboutit à un dispositif qui tue dans l’œuf toute initiative.
De grâce, laissons les conseils généraux définir, s’ils le souhaitent, des conventions, mais n’en faisons pas une condition. La convention n’est pas nécessairement écrite. Certains veulent des béquilles, d’autres s’en passent. Il me semble que si nous parvenons à conjuguer liberté et responsabilité, nous respecterons l’intérêt de nos concitoyens.
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Campion, M. Daudigny, Mmes Jarraud-Vergnolle et Le Texier, MM. Le Menn et Jeannerot, Mmes Printz, Schillinger et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer les deux alinéas ainsi rédigés :
« Cette convention comprend notamment un projet social et éducatif, un règlement de fonctionnement, ainsi que la désignation d'un référent technique.
« L'agrément est conditionné à l'avis favorable de la commune d'implantation.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Cet amendement vise à préciser le contenu de la convention tripartite en prévoyant qu'elle comprend notamment un projet social et éducatif, un règlement de fonctionnement, ainsi que la désignation d'un référent technique.
Cet amendement a également pour objet de conditionner l'agrément à l'avis favorable de la commune d’implantation, comme le prévoyait la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009. Cela permettra à la commune d'être informée de l'ouverture d'une maison d'assistants maternels quand elle ne fournit pas le local et de conserver le pilotage de la politique de la petite enfance sur son territoire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. André Lardeux, rapporteur. Je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement qui découle du précédent. Il s’agit toujours de rigidifier un système.
Laissons les conseils généraux régler leurs relations avec les collectivités de base que sont les communes. Tous les cas de figure sont possibles dans ce domaine : certaines communes veulent être informées ; d’autres veulent aider les regroupements d’assistants maternels, en fournissant des locaux, par exemple ; d’autres encore, tout en déclarant qu’elles n’y sont pas opposées, font néanmoins savoir qu’elles n’apporteront aucune aide. Donc, évitons de rigidifier le dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d’être évoquées par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 1er bis
(Non modifié)
Un rapport sur la mise en place des maisons d’assistants maternels est remis au Parlement dans les trois ans suivant la promulgation de la présente loi. – (Adopté.)
……………………………………………………….
Article 3
(Non modifié)
Les maisons d’assistants maternels mentionnées à l’article L. 424-1 du code de l’action sociale et des familles ne sont pas des établissements au sens de l’article L. 233-2 du code rural. – (Adopté.)
……………………………………………………….
Article 5
(Non modifié)
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 421-4 du code de l’action sociale et des familles, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le nombre d’enfants pouvant être accueillis simultanément fixé par l’agrément est sans préjudice du nombre de contrats de travail, en cours d’exécution, de l’assistant maternel.
« L’agrément initial de l’assistant maternel autorise l’accueil de deux enfants au minimum, sauf si les conditions d’accueil ne le permettent pas. Le refus de délivrer un premier agrément autorisant l’accueil de deux enfants ou plus est motivé. »
II. – L’article L. 421-14 du même code est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est remplacé par l’alinéa suivant :
« Une initiation aux gestes de secourisme ainsi qu’aux spécificités de l’organisation de l’accueil collectif des mineurs est obligatoire pour exercer la profession d’assistant maternel. » ;
2° (Suppression maintenue)
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« La durée et le contenu des formations suivies par un assistant maternel figurent sur son agrément. » – (Adopté.)
…………………………………………………….
Article 6 bis
(Non modifié)
À l’article L. 214-2-1 du code de l’action sociale et des familles, après le mot : « professionnelle », sont insérés les mots : « ainsi que leurs possibilités d’évolution de carrière ». – (Adopté.)
Article 6 ter
(Non modifié)
L’article L. 423-12 du code de l’action sociale et des familles est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce décret précise le montant minimal de cette indemnité de licenciement lorsque le licenciement est prononcé pour inaptitude professionnelle consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle. » – (Adopté.)
Article 6 quater
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 30 juin 2011, un rapport dressant un premier bilan de la mise en œuvre du plan métiers de la petite enfance. – (Adopté.)
……………………………………………………….
M. le président. Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Je tiens, à titre personnel, à remercier le premier signataire de cette proposition de loi ainsi que son rapporteur. Ce texte va en effet introduire une souplesse qui est attendue non seulement par les assistantes maternelles mais également par les familles. Face aux problèmes de garde d’enfants auxquels sont confrontés les parents, cette proposition de loi apporte des solutions qui vont dans le bon sens.
Nous sommes à la recherche de systèmes plus souples qui permettent de répondre à toutes les attentes. Je remercie M. Jean Arthuis d’avoir proposé cette solution, qui est une quatrième voie par rapport aux modes de garde existants. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la nécessité de permettre aux familles de ce pays de faire un véritable choix pour l’accueil de leur enfant fait consensus. Nous sommes également d’accord sur le nombre de places, entre 300 000 et 400 000, qu’il serait nécessaire de créer au niveau national pour répondre aux attentes de ces mêmes familles.
Nous le reconnaissons tous, les collectivités seront de moins en moins capables de maintenir le rythme d’investissement dans les systèmes d’accueil des jeunes enfants que nous avons connu ces dernières années. C’est bien dommage.
Le développement des horaires atypiques conforte, certes, le bien-fondé des innovations dans le domaine de l’accueil des jeunes enfants, mais si la créativité est nécessaire en la matière, elle ne doit pas être recherchée à n’importe quel prix, et en tout cas doit éviter toute prise de risques.
Or, avec ce texte, qui entrouvre la porte de la déréglementation, de nombreux risques sont pris, en termes de sécurité mais aussi de qualité de l’accueil, comme nous avons eu l’occasion de le dire aussi bien lors de la première lecture que cet après-midi.
Cette proposition de loi doit donc être replacée dans le contexte général de la politique de la petite enfance. Que constatons-nous, sinon que seul semble importer le nombre potentiel de places d’accueil supplémentaires. Or les chiffres sont parfaitement théoriques et nous devrons regarder comment ces annonces seront traduites dans la réalité sur le territoire national.
Il est vrai que l’abandon du droit opposable à l’accueil du jeune enfant, droit quasi impossible à mettre en œuvre, nécessite de réfléchir à des solutions de rechange, mais pas au détriment de la qualité de l’accueil des plus jeunes, comme nous le constatons malheureusement.
Mes chers collègues, vous en conviendrez, les enfants de zéro à six ans, et a fortiori ceux de zéro à trois ans, sont incontestablement un public très vulnérable et fragile qui doit faire l’objet d’une attention particulière et spécifique. Il ne fait aucun doute à nos yeux que l’accueil de ces tout jeunes enfants participe de l’éducation et, partant, qu’il relève des missions d’intérêt général. D’ailleurs, nous parlons bien depuis un grand nombre d’années de « l’accueil » des jeunes enfants et non plus de leur « garde ».
Qu’il s’agisse du projet de réforme du décret de février 2007, de la création des jardins d’éveil, de la déscolarisation des enfants âgés de deux à trois ans – le taux de scolarisation est passé de 35 % à moins de 20 % -, de la directive « Services » dans les domaines sanitaire et social - le Gouvernement a délibérément fait le choix de ne pas sortir de son champ d’application l’accueil collectif -, ou qu’il s’agisse encore, je me plais à l’évoquer ici cet après-midi, de la suppression de l’institution du Défenseur des enfants, les réponses apportées constituent, toutes ensemble, un choix de politique familiale que nous ne cautionnons pas.
Il nous est proposé aujourd’hui de créer un nouveau mode d’accueil collectif qui ne veut pas dire son nom, mais qui, à travers certains des articles que nous avons étudiés cet après-midi, le dit quand même ! Cela a pour conséquence d’introduire une véritable incohérence, puisque l’on impose à des microcrèches regroupant au plus neuf enfants des règles plus contraignantes qu’à des maisons d’assistants maternels pouvant en accueillir jusqu’à seize. Cette situation ne nous paraît pas acceptable.
Nous regrettons vivement que la majorité ait rejeté l’ensemble des amendements que nous proposions, car ils tendaient à réintroduire un minimum des réglementations et des garanties indispensables pour un nouveau mode d’accueil.
Mes chers collègues, la proposition de loi ne prévoit pas les exigences minimales que devrait respecter un dispositif comparable en réalité à une structure d’accueil collective de seize enfants. Je le répète, l’innovation ne doit se faire ni au prix de la déréglementation ni en laissant de côté l’intérêt supérieur de l’enfant.
C’est la raison pour laquelle mon groupe, tout en le regrettant, votera contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la position du groupe du RDSE sur cette proposition de loi n’est pas dogmatique. Nous estimons que les maisons d’assistants maternels sont en définitive le maillon manquant qui permet d’améliorer l’accueil des jeunes enfants. Le dispositif proposé n’est pas parfait, c’est évident, mais l’orientation nous paraît relativement satisfaisante, notamment pour les zones rurales.
En effet, on observe que de plus en plus de jeunes ménages vivent en zone rurale, alors qu’ils vont travailler ailleurs. Cela correspond souvent à un choix de vie, mais peut-être également à un choix économique. Nous sommes dans la civilisation du pavillonnaire, et c’est tout à fait légitime. Or les prix des terrains étant beaucoup moins élevés dans les zones rurales, les candidats à la construction choisissent très souvent de s’y installer.
Ils sont d’autant plus incités à faire ce choix qu’un certain nombre de services leur sont proposés. Or les crèches sont quasi inexistantes dans les zones rurales. Cette proposition de loi vient donc combler une lacune en offrant aux familles une nouvelle possibilité d’accueil du jeune enfant, qui sera sans doute très appréciée. J’ajoute que nous avons un filet de sécurité, je veux parler du conseil général, notamment s’agissant de la formation. Et si un département dispose d’un maillage suffisant de places d’accueil, il n’aura aucun besoin de recourir aux maisons d’assistants maternels.
Pour ces raisons, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais me réjouir de l’aboutissement de cette discussion et de l’adoption probable de la proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui.
Je souhaite que nous puissions avoir d’autres débats sur la question, car les échanges que nous avons eus aujourd'hui m’ont paru trop manichéens, entre ceux qui veulent assurer une protection grâce à la loi et ceux qui, par souci de liberté, voudraient s’affranchir des préoccupations relatives à la qualité de l’accueil dans ses dimensions aussi bien sanitaire qu’éducative.
Madame Campion, vous avez dit tout à l’heure que les enfants de deux ans étaient déscolarisés. Dans mon département, j’encourage les parents à ne pas mettre leurs enfants à l’école avant l’âge de trois ans. Vu l’état de nos finances, ce n’est pas faire bon usage des fonds publics que de payer des bacs + 5 pour s’occuper d’enfants qui passent une partie de leur temps au dortoir.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cela nous rappelle quelque chose !
Mme Odette Terrade. Changer les couches !
M. Jean Arthuis. Au moment où nous nous préoccupons de la petite enfance, nous avons aussi à débattre du financement des retraites. Nous sommes là au cœur des problèmes de solidarité intergénérationnelle.
Sachons faire usage des moyens dont la société dispose : en proposant ces maisons d’assistants maternels, nous ne transgressons pas cette exigence de solidarité. Au fond, que faisons-nous ? Nous permettons simplement à ces assistantes maternelles de continuer à jouer le rôle essentiel qui est le leur dans l’accueil de la petite enfance en leur offrant la possibilité de travailler autrement.
Il est vérifié que les conditions prévues dans le présent texte, et qui vont être légalisées dans un instant, permettent d’assurer la même qualité d’accueil que celle qui est offerte par les assistants maternels à domicile. C’est une ouverture, et pas une trahison, et nous ne saurions en aucune façon être suspectés de renoncer aux exigences qualitatives et éducatives qui prévalent dans notre pays pour l’accueil des jeunes enfants.
Mes chers collègues, les remerciements que j’ai exprimés tout à l’heure étaient incomplets : j’aurais dû y associer Mme la présidente de la commission des affaires sociales et ses collaborateurs, qui nous ont apporté une assistance tout à fait précieuse. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, je me réjouis d’avoir pu présider cette séance. Au-delà des liens anciens qui nous unissent, j’ai grand plaisir à vous voir au banc du Gouvernement.
5
Tarif réglementé d'électricité
Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, tendant à autoriser les petits consommateurs domestiques et non domestiques d’électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé (proposition de loi n° 442, texte de la commission n° 469, rapport n° 468).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, tout d’abord, de bien vouloir excuser Jean-Louis Borloo, qui est retenu à Oslo pour la seconde conférence internationale sur les grands bassins forestiers.
Je tiens à saluer l’initiative de votre rapporteur, qui, en lien avec le député Jean-Claude Lenoir, a été à l’origine de la proposition de loi visant à autoriser les petits consommateurs domestiques et non domestiques d’électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé. Nous voici donc presque arrivés au terme d’un processus législatif qui avait débuté dans votre assemblée le 25 mars dernier.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la loi relative au secteur de l’énergie, adoptée en 2006, avait en effet instauré des règles de réversibilité, mais le dispositif mis en place était transitoire et, dans le droit actuel, la réversibilité s’achève au 30 juin 2010.
Vous le savez, le Gouvernement avait envisagé, dans un premier temps, de revoir ces règles à l’occasion de la discussion du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dit projet de loi NOME.
Toutefois, le texte commençant seulement à être débattu à l’Assemblée nationale cette semaine, il est vite devenu clair qu’un vide juridique risquait de s’installer d’ici à son adoption définitive. Il faut donc se féliciter de l’initiative de votre rapporteur, M. Ladislas Poniatowski, qui va permettre de prolonger les règles actuelles, provisoirement ou définitivement, dans l’attente de la réforme qui sera mise en place par la loi NOME.
L’Assemblée nationale, lors de la discussion du texte en mai dernier, a légèrement remanié la rédaction de l’article unique voté par le Sénat. Elle a également souhaité compléter le texte par un dispositif relatif au tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché de l’électricité, le TarTAM. Ce tarif réglementé arrivait, lui aussi, à expiration à une date butoir fixée au 30 juin 2010.
Là encore, sans préjuger des discussions sur l’avenir du TarTAM qui auront lieu à l’occasion du débat sur la loi NOME, il est apparu cohérent au rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, M. Jean-Claude Lenoir, d’éviter tout vide juridique en prorogeant les dispositions législatives ouvrant droit au TaRTAM, sans les modifier, jusqu’au 31 décembre 2010. Il s’agit en outre de garantir aux gros consommateurs un minimum de sécurité juridique, ne serait-ce que pour éviter tout retard dans la programmation de leurs investissements.
En séance publique, le rapporteur a perfectionné le texte adopté par la commission des affaires économiques en ajoutant une clause destinée à prévenir toute optimisation abusive du TaRTAM.
En effet, le TaRTAM moyen est plus fortement saisonnier que les prix de marché : par rapport au marché, il est beaucoup moins cher l’été et un peu plus cher l’hiver, afin de favoriser un moindre recours à des moyens de production de pointe. Il est par ailleurs composé d’une part fixe, qui dépend de la puissance souscrite, et d’une part variable, qui dépend du volume d’électricité consommé.
Afin d’éviter les effets d’aubaine dus à ces variations, le texte adopté par l’Assemblée nationale interdit au consommateur final d’électricité bénéficiaire de la prorogation de renoncer au TaRTAM avant l’échéance du 1er janvier 2011 et de modifier ses paramètres tarifaires au cours de cette période, à moins d’une évolution durable.
Lors de l’examen du texte en deuxième lecture, le 19 mai dernier, la commission de l’économie a approuvé les ajouts introduits par l’Assemblée nationale et a décidé d’adopter le texte dans la rédaction votée par les députés en première lecture. Aucun amendement n’ayant été déposé pour la séance publique, c’est donc à un vote conforme, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous êtes invités à procéder.
Le Gouvernement ne peut que se réjouir de la qualité du travail du Parlement et de l’unanimité à laquelle il est parvenu. En effet, ne perdons pas de vue que ce texte constitue pour les petits consommateurs et les entreprises – dans l’attente de la modernisation de la régulation prévue par le projet de loi NOME – la garantie de pouvoir accéder au mode de fourniture d’énergie qu’ils souhaitent.
Cette proposition de loi a répondu à un calendrier ponctuel d’ajustement. Elle ne préjuge pas les discussions plus globales qui seront ouvertes par l’examen devant votre Haute Assemblée du projet de loi NOME, dont je rappelle qu’il s’attache à refonder l’organisation du marché de l’électricité en France. Jean-Louis Borloo viendra d’ailleurs devant vous s’expliquer à ce sujet en toute clarté, comme à son habitude.
Dans l’attente de l’examen prochain de ce projet de loi structurant, je vous invite à apporter, par votre vote, votre soutien à la proposition de loi dans la rédaction déjà adoptée par la commission de l’économie, un texte de transition utile et bienvenu. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous retrouvons pour la deuxième lecture d’un texte court, puisque celui-ci ne comporte qu’un seul article. Son objet est d’éviter une période de vide juridique en permettant aux consommateurs d’électricité et de gaz qui ont quitté le fournisseur historique d’électricité, EDF, ou de gaz, GDF, de revenir au tarif réglementé si, au bout de six mois, ils ne sont pas satisfaits de la prestation du nouveau fournisseur, conformément au principe de réversibilité.
Avant d’en venir plus précisément à cette proposition de loi et à son examen par l’Assemblée nationale, je ferai un bref rappel historique.
Conformément aux directives européennes, la totalité des marchés du gaz et de l’électricité ont été ouverts à la concurrence depuis le 1er juillet 2007.
Depuis cette date, donc, tous les consommateurs français peuvent quitter leur fournisseur historique et choisir un autre opérateur.
Or la possibilité qui était ainsi offerte à nos compatriotes n’a pas rencontré un grand succès. Trois ans après l’ouverture complète des marchés, 96 % des consommateurs domestique d’électricité sont restés fidèles à EDF et 90 % des consommateurs domestiques de gaz sont restés fidèles à GDF.
Après que Bruxelles a donné son accord, il a donc été tenté de créer plus de fluidité sur le marché, notamment en permettant les allers-retours entre les tarifs réglementés et les prix de marché. La loi du 21 janvier 2008 est donc venue introduire le principe de la réversibilité. Or cette disposition, qui était temporaire, arrivera à échéance au 1er juillet 2010.
Mais que se passe-t-il après ?
Après, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dit NOME, ou NOMÉ, devait prendre le relais, si je puis dire, et permettre aussi bien aux petits consommateurs qu’aux gros consommateurs d’électricité et de gaz de faire ces allers-retours. Le problème est que ce texte met un peu de temps à être adopté. L’Assemblée nationale en a terminé l’examen hier en commission. Le projet loi n’arrivera en séance publique que le 8 juin.
Pour notre part, nous avons également commencé nos auditions, depuis près de quinze jours déjà. Comme à l’accoutumée, le Sénat aime travailler en amont et écouter. Il se fait d’ailleurs un malin plaisir à montrer qu’il écoute peut-être un peu plus encore…
Ces auditions continueront jusqu'au 7 juillet, date à laquelle le rapport sera présenté à la commission de l’économie. Le débat sera alors terminé à l’Assemblée nationale, ce qui nous permettra de savoir ce que nos collègues députés auront décidé.
Le 7 juillet, nous serons à quelques jours de la fin de la session extraordinaire, qui se terminera le 13 juillet. Le travail en commission sera donc terminé, mais le débat en séance publique ne commencera que la deuxième semaine de la rentrée, c’est-à-dire vraisemblablement le 15 ou le 16 septembre.
Si je vous dis tout cela, mes chers collègues, c’est pour souligner que nous allons avoir un problème de calendrier, car l’adoption définitive du projet de loi NOME ne dépend pas simplement de la reprise de la session parlementaire en septembre. N’oublions pas qu’il y aura également une deuxième lecture de ce texte à l’Assemblée nationale, puis au Sénat. Néanmoins, je pense que nous devrions pouvoir y arriver et même, à mon avis, avant l’adoption du projet de loi de finances, car j’ai cru comprendre que le Gouvernement était décidé à faire aboutir le texte avant le 31 décembre.
Cela étant, j’appelle votre attention, madame la secrétaire d’État, et plusieurs de mes collègues risquent de le faire également, sur le fait qu’il restera à prendre les décrets d’application.
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Or c’est un sujet qui laisse planer quelques inquiétudes.
J’en viens à ma petite proposition de loi. Par parenthèse, elle porte mon nom, car je l’ai présentée, mais je rappelle qu’elle a été cosignée par quatre-vingt-un sénateurs.
Ce texte, donc, vise simplement à prolonger du 1er juillet au 31 décembre cette possibilité de réversibilité. Il a été adopté en première lecture ici le 25 mars et, je dois le dire, d’une manière assez consensuelle. Il a même été renforcé de deux manières.
D’une part, sur l’initiative de Roland Courteau et du groupe socialiste, le principe de la réversibilité a été étendu au gaz pour des raisons d’homogénéité. Je m’explique.
Contrairement à ce qui se passe pour l’électricité, le tarif régulé est, pour le gaz, peu différent du prix de marché. Toutefois, il était logique que la même règle s’applique à tous les consommateurs, d’autant qu’un même fournisseur peut vendre du gaz et de l’électricité. Je remercie donc mes collègues du groupe socialiste d’avoir présenté cet amendement, sur lequel j’ai bien évidemment émis un avis favorable.
D’autre part, une autre petite modification a été adoptée. Notre collègue Xavier Pintat, notamment en tant que président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, a voulu que, pour ce qui concerne tous les nouveaux sites, les gros consommateurs puissent également bénéficier de la réversibilité, en prolongeant la date butoir jusqu’à la fin de l’année.
Après son examen par le Sénat, le texte est parti à l’Assemblée nationale. Les députés, eux aussi, ont été très conscients du vide juridique à combler. Ils ont donc adopté notre texte, avec cependant une légère modification rédactionnelle, qui ne me pose d’ailleurs aucun problème.
Cela étant, les députés ont renforcé le texte du Sénat, comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d’État, s’agissant de ce que l’on appelle le TaRTAM. C’était d’ailleurs convenu entre nous, car mon inquiétude était que le texte soit adopté par l’une des deux assemblées, mais reste un peu trop longtemps dans un tiroir avant d’être adopté par l’autre. C’est ce qui arrive parfois à nos petites propositions de loi…
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Par souci de coordination et afin de favoriser la bonne entente entre nos deux assemblées, M. Emorine, président de la commission de l’économie du Sénat, M. Ollier, président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, et les deux rapporteurs, Jean-Claude Lenoir et moi-même, avons décidé que le Sénat n’aborderait pas la question du TaRTAM. Mes collègues de la Haute Assemblée, tous bords confondus, auraient pu être tentés de déposer un amendement pour l’inclure dans le texte, madame la secrétaire d’État. Ils ne l’ont pas fait afin d’inviter les députés à se saisir le plus vite possible de la proposition de loi.
Le TaRTAM, je le rappelle, est ce mécanisme qui permet aux gros consommateurs d’électricité de pouvoir eux aussi bénéficier de la réversibilité. Je rappelle également que ceux-ci ont pu quitter le fournisseur historique bien avant 2007, dès 2003.
Dans un premier temps, tous s’en sont réjouis, car les prix du marché étaient plus bas. Dans un second temps, tous se sont retrouvés dans des situations catastrophiques lorsque les prix du marché qui leur étaient appliqués ont explosé. Pour leur permettre, avec la tolérance de Bruxelles, de bénéficier d’une certaine réversibilité, l’Assemblée nationale - Jean-Claude Lenoir était déjà rapporteur du texte à l’époque -, a proposé le TaRTAM, disposition qui fut ensuite adoptée par le Sénat.
Pour en revenir à la présente proposition de loi, lorsque celle-ci a été examinée en deuxième lecture par la commission de l’économie, nous savions tous, quel que soit notre bord politique, je le répète, que le soin de renforcer le dispositif avec le TaRTAM avait été laissé aux députés. Le même consensus s’est donc dégagé, seul le groupe CRC-SPG s’abstenant, mais de façon assez volontariste, je dois dire. Nous sommes en effet tous conscients qu’un vrai problème se pose pour nos concitoyens et pour nos entreprises.
Mes chers collègues, je vous appelle à émettre un vote conforme. J’espère que nous retrouverons en séance publique le consensus qui a prévalu en commission. Je suis cependant conscient, car j’ai bien entendu ce qui s’y est dit, qu’il n’y aura peut-être pas tout à fait le même consensus lorsque viendra ici en débat le projet de loi NOME. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Daniel Raoul. Vous avez tout compris !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le dépôt de la proposition de loi tendant à autoriser les petits consommateurs domestiques et non domestiques d’électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé a été motivé par l’échec de l’ouverture à la concurrence du marché de l’énergie.
Un échec, car peu de consommateurs, trop peu selon les membres de la majorité, ont fait le choix de quitter les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité. Pourtant, certains opérateurs alternatifs n’ont pas ménagé leurs efforts, employant des méthodes quelquefois bien peu éthiques, au point d’être épinglés par le médiateur national de l’énergie.
Notons que les opérateurs historiques n’ont pas été en reste pour inciter les « usagers », devenus désormais des « consommateurs », à tenter l’aventure des prix du marché libre. Mais nos concitoyens ont tenu compte des mésaventures des consommateurs non domestiques, de l’absence de baisse des prix sous l’influence de la concurrence libre et non faussée dans différents autres secteurs et de la hausse toujours plus forte de la rémunération des actionnaires.
Nous sommes, bien sûr, favorables au principe de l’élargissement de la réversibilité. Je le rappelle, nous avions d’ailleurs déposé des amendements allant dans ce sens lors de l’examen du projet de loi qui a privatisé GDF.
Nous pourrions donc être satisfaits de voir inscrite dans la loi l’extension de la réversibilité à tous les consommateurs finals domestiques ou non de gaz et d’électricité, même si elle est limitée dans le temps. Nous pourrions être soulagés de voir le dispositif relatif au tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché de l’électricité prolongé de six mois. Pourtant, nous sommes au contraire très inquiets de la direction prise par le Gouvernement dans sa politique énergétique.
Vous écrivez dans votre rapport, monsieur Poniatowski, que « l’introduction de la concurrence ne s’est pas traduite par une baisse des prix », raison pour laquelle, « afin de répondre aux préoccupations des entreprises ayant fait le choix de la concurrence pour leur approvisionnement électrique et confrontées à l’explosion des prix de marché de cette énergie, il a été décidé d’offrir à ces consommateurs professionnels la possibilité de retourner provisoirement à un tarif réglementé, en instaurant le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, TaRTAM ».
Ainsi, l’échec de la politique libérale du Gouvernement, notamment en ce qui concerne la baisse des prix pour les consommateurs, apparaît clairement. Vous pouvez constater que la concurrence libre et non faussée ne garantit pas aux consommateurs des prix bas. Elle ne permet pas non plus de procéder aux investissements lourds pourtant nécessaires à la performance du secteur. Elle permet simplement de rémunérer le capital.
Avec le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, vous allez affaiblir EDF encore davantage. En effet, ce texte prévoit de mettre en place un mécanisme « d’accès régulé à l’électricité de base ».
Ainsi, les fournisseurs privés pourront conclure avec EDF des contrats d’achat d’électricité à un prix régulé et pour des volumes déterminés par l’autorité de régulation. Autrement dit, on obligera EDF à vendre d’importants volumes d’électricité à un prix avantageux, sans réel partage du risque industriel, risque consubstantiel à la production électronucléaire.
Les opérateurs alternatifs n’auront plus intérêt à investir dans de nouveaux moyens de production. Pourtant, ces investissements sont nécessaires à l’équilibre du secteur électrique, mais les coûts sont lourds et ce n’est que sur le long terme que l’on peut attendre des retours sur investissement.
Selon le Gouvernement, il s’agit de « préserver, pour l’ensemble des consommateurs, le bénéfice de l’investissement réalisé dans le développement du nucléaire par des prix et des tarifs reflétant de manière cohérente la réalité industrielle du parc de production, comme le garantissaient jusqu’à présent les tarifs réglementés de vente ».
En fait, on met en place une économie administrée en faveur du privé et au profit des intérêts privés C’est assez intéressant de la part de fervents défenseurs de la non-intervention de l’État dans le jeu du marché !
Ce projet de loi NOME est critiquable à plusieurs égards, mais l’article 1er cristallise une vision mercantile de secteurs stratégiques d’importance nationale, et ce au détriment de la collectivité. On brade une partie de l’énergie, sans contreparties, afin de permettre aux opérateurs alternatifs de proposer des tarifs intéressants.
Pourtant, il ne faut pas oublier que, si l’entreprise EDF a pu concevoir, construire, exploiter et optimiser le parc électronucléaire, c’est parce que les citoyens français l’ont financée !
Si l’objectif recherché est réellement de favoriser le consommateur, alors il serait plus simple de soustraire le secteur énergétique aux règles du marché.
Aujourd’hui, on nous propose une forme de bricolage afin de maintenir un peu d’intervention publique tout en dépeçant l’opérateur historique.
La logique de rentabilité à court terme guide les politiques des opérateurs historiques depuis leur changement de statuts. On s’étonne pourtant de la hausse de tarifs et on semble découvrir l’état du réseau électrique par voie de presse ! Selon un document confidentiel, écrit par deux vice-présidents de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, le réseau électrique ne cesse de se dégrader : la durée moyenne d’une panne a augmenté de 50 % en dix ans et ce sont les départements ruraux qui sont les plus touchés.
Cette situation n’est ni nouvelle ni surprenante. Elle est la conséquence directe des politiques menées par la droite aux niveaux national et européen.
Dans ce contexte, comment pouvez-vous prétendre protéger les consommateurs ?
Vous l’aurez compris, nous ne pouvons pas voter la proposition de loi de la majorité alors que, dans quelques mois, le projet de loi va aggraver encore davantage les défaillances du secteur énergétique. C’est pourquoi, comme en commission, monsieur le rapporteur, notre groupe s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
M. Jean-Claude Merceron. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si le texte qui nous est soumis en seconde lecture répond bien à l’urgence de combler un vide juridique avant le 1er juillet 2010, les questions touchant à l’organisation du marché de l’électricité seront approfondies et plus largement discutées à l’occasion de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité dont la première lecture commence à l’Assemblée nationale.
Sans vouloir anticiper le débat que nous ne manquerons pas d’avoir au Sénat sur ce texte, je veux souligner que le coût de l’énergie est l’une des préoccupations quotidiennes majeures de nos concitoyens.
Je connais, madame la ministre, votre fibre sociale, qui ne s’est jamais démentie, quelles que soient vos fonctions. Je ne doute pas que vous continuerez à être attentive aux conséquences sociales de la crise financière et économique qui nous atteint de plein fouet, notamment en matière de précarité énergétique.
Nous aurons à répondre à cette évidente préoccupation, mais également à nous soucier de la sécurité et de la qualité des approvisionnements énergétiques de la France.
Je ne prolongerai pas plus longuement mon propos aujourd’hui, car ce n’est pas l’objet de la présente discussion. Cependant, nous devons d’ores et déjà signaler à nos concitoyens en difficulté, voire en grande difficulté, combien nous sommes préoccupés par leur situation.
Corme cela vient d’être excellemment exprimé par notre collègue Ladislas Poniatowski, auteur et rapporteur de la proposition de loi tendant à autoriser les consommateurs finals domestiques de gaz et d’électricité ainsi que les petites entreprises à retourner au tarif réglementé d’électricité, il était nécessaire de pérenniser le principe d’une réversibilité que l’article 66 de la loi de 2005 n’autorisait que jusqu’au 30 juin 2010.
Nos collègues députés ont prorogé pour six mois le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, le TaRTAM, en l’assortissant d’une clause visant à interdire les stratégies d’optimisation. Cette modification concerne bien évidemment les consommateurs industriels.
Je me félicite qu’une large majorité de sénateurs soutiennent ce texte et je confirme le vote de première lecture du groupe de l’Union centriste. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les auteurs de cette proposition de loi, M. Ladislas Poniatowski et son homologue député M. Jean-Claude Lenoir, qui ont travaillé de conserve mais aussi de concert.
Je vous remercie d’avoir tenu l’engagement que vous aviez pris devant la commission de l’économie. La partie TaRTAM a été effectivement prorogée par les députés qui ont d’ailleurs adjoint une clause toute à fait pertinente permettant d’éviter les effets d’aubaine entre juillet 2010 et décembre 2010.
Nous défendions depuis fort longtemps ces tarifs réglementés, que nous considérons comme une protection pour le consommateur. Nous nous sommes donc battus contre ce dispositif de date butoir déjà en 2005, puis en 2007, lors de la discussion commune de trois propositions de loi, si vous vous en souvenez, monsieur le rapporteur, la vôtre, la nôtre, et celle de notre collègue Xavier Pintat.
Il me semble que nous sommes en train de combler un vide juridique que vous aviez vous-même créé en retenant la date de juillet 2010. C’est donc presque un hommage du vice à la vertu qui est aujourd’hui l’occasion de la discussion de cette proposition de loi.
Sans retracer l’historique de l’ouverture à la concurrence, je souhaite rappeler la déclaration du Président de la République de l’époque, faite lors du sommet de Lisbonne, dans laquelle Jacques Chirac considérait que cette ouverture du marché de l’énergie en février 2002 ne pouvait avoir lieu qu’après l’adoption de la directive sur les services d’intérêt général. Or, dès novembre 2002, Mme Fontaine a ouvert à la concurrence, sans conditions, le marché de l’électricité.
S’agissant de la future loi NOME, prochainement en discussion, vous comprenez bien, monsieur le rapporteur, que notre attitude ne sera pas tout à fait la même que sur cette proposition de loi. Vous avez bien entendu les critiques qui émanaient de notre groupe, mais aussi celles du président d’EDF ou d’autres, dont les arguments peuvent, je le reconnais, être différents des nôtres.
Je souhaite par ailleurs aborder – je participais ce matin à la préparation d’un rapport de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques sur les problèmes de haute et de très haute tension – la question du statut de RTE qui, me semble-t-il, devrait évoluer. Cette prétendue filiale à 100 % de capitaux publics, est en fait une filiale à 100 % d’une société anonyme, EDF, qui a été partiellement privatisée.
C’est peut-être une anomalie. En tous les cas, je réitère ma proposition, même si elle n’avait pas rencontré un grand succès. Compte tenu du rôle stratégique de son réseau, et avec la privatisation d’EDF, RTE devrait normalement devenir un établissement public. RTE remplit en effet pour l’État une mission d’aménagement du territoire et occupe une fonction stratégique en termes de distribution de l’énergie et même d’indépendance énergétique.
L’ensemble des opérateurs, y compris alternatifs, se félicitant du fonctionnement actuel de RTE, il me semble qu’une telle réflexion est possible. Dès maintenant, je vous avoue ma préférence pour le statut d’établissement public compte tenu des missions confiées à RTE.
Nous allons bien sûr voter votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, mais en considérant que c’est un pis-aller et que nous aurons un débat de fond lors de la prochaine discussion du projet de loi NOME.
En tout cas, je vous remercie d’avoir tenu les engagements que vous aviez pris devant la commission de l’économie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, conformément à la réglementation européenne, notre pays a, depuis dix ans, procédé par étapes à l’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz naturel.
Limitée dans les premiers temps aux plus gros consommateurs, cette libéralisation a conduit à adapter notre cadre législatif afin de clarifier les conditions dans lesquelles les clients éligibles, c’est-à-dire autorisés à faire le choix de la concurrence, pouvaient conserver le bénéfice des tarifs réglementés.
Aujourd’hui, il est indéniable que nous sommes dans un encadrement européen extrêmement contraignant.
Globalement, la mise en œuvre des directives concernant l’énergie suscite quelques effets négatifs. On a considéré que l’énergie était un bien comme les autres, alors qu’elle ne peut être légitimement comparée à aucun autre produit, quel qu’il soit. Tous ceux qui s’intéressent attentivement à ces questions le savent depuis bien longtemps. Un jour ou l’autre, il faudra bien remettre en cause l’organisation de ce marché.
Le seul message qui nous soit adressé est que la politique européenne énergétique est fondée sur le recours aux mécanismes – prétendument régulateurs – du marché. Alors que disparaissaient certains opérateurs publics et qu’arrivaient sur le marché de nouveaux opérateurs, nous savons que cette politique a entraîné des augmentations des tarifs de l’énergie à travers tout le continent.
S’agissant de l’électricité, la totalité du marché français est ouvert à la concurrence depuis le 1er juillet 2007. Or, près de trois ans après cette libéralisation totale, la plupart des consommateurs domestiques ont choisi de rester fidèles aux tarifs réglementés. De même, la répartition des ventes entre les tarifs réglementés et le marché évolue très lentement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 94 % des utilisateurs domestiques sont restés au tarif réglementé, tandis que 1 % ont accédé à l’offre de marché d’un fournisseur historique et seulement 5 % à l’offre de marché d’un fournisseur alternatif.
Tandis que l’immense majorité des ménages est demeurée fidèle au tarif réglementé d’électricité, ce sont surtout les grands sites industriels qui ont su faire jouer la concurrence pour passer aux offres de marché.
L’ouverture à la concurrence est donc restée purement théorique.
Cette prédominance des tarifs réglementés a trois causes principales.
Il s’agit premièrement de la notoriété d’EDF qui, par le choix du nucléaire, a renforcé sa capacité à produire une énergie à un coût relativement acceptable et sans émission de gaz à effet de serre.
Le fait qu’EDF ait pendant très longtemps entretenu les réseaux d’une façon très satisfaisante n’y est pas étranger. À cet égard, on peut déplorer aujourd'hui quelques dérives…
Deuxièmement, je citerai le caractère modéré des tarifications et, troisièmement, la crainte de subir des hausses de tarifs non maîtrisées.
Toutefois, la plus grande confusion règne dans l’esprit de nos concitoyens quant au rôle respectif des différents acteurs et aux mécanismes existants ; il est donc nécessaire, nous semble-t-il, d’engager une action pédagogique forte pour mieux les informer sur l’ouverture des marchés et sur les implications du changement de fournisseur.
Il est même urgent de simplifier le système, car la France est le seul pays où les conditions de réversibilité sont aussi restrictives et complexes.
Que constatons-nous ?
À la complexité des systèmes énergétiques, il faut ajouter le désengagement d’EDF et de GDF de nos territoires. C’est peut-être le problème majeur car, dès lors qu’un certain nombre d’agents ne sont plus déployés, la méconnaissance du terrain s’installe, et les élus ruraux savent combien elle est pénalisante. Il faut voir aussi que les centres de décision sont éloignés ; les interlocuteurs de proximité manquent et les clients sont renvoyés à des numéros de téléphone qui les obligent à appuyer sur une douzaine de touches avant d’obtenir un interlocuteur, et encore, s’ils ont la chance d’être mis en relation dans la journée… Sinon, c’est remis au lendemain !
De même, les litiges liés à des facturations peu lisibles mais surtout très fantaisistes sont de plus en plus nombreux, et les opérateurs ont tendance à se défausser de leurs responsabilités sur l’informatique, qui a souvent bon dos !
Dans ces conditions, le nombre de saisines du médiateur national de l’énergie a explosé. Le texte que nous examinons aujourd’hui a au moins le mérite de nous donner l’occasion de le rappeler.
Par ailleurs, la part des dépenses d’énergie ne cesse de croître dans le budget des ménages et peut dépasser 15 % pour les ménages les plus modestes, ce qui pose la question de la capacité politique du Gouvernement à agir sur les tarifs réglementés. Il ne saurait y avoir de démission politique en matière tarifaire, sinon c’est le pouvoir d’achat de nos concitoyens qui serait de plus en plus pénalisé, ne l’oublions jamais !
La présente proposition de loi, composée d’un article unique, a pour objet d’autoriser les petits consommateurs d’électricité et de gaz à accéder ou à retourner aux tarifs réglementés sans condition de date butoir. Elle est à la fois consensuelle et pragmatique, deux adjectifs qui la résument le mieux. Il était en effet nécessaire de combler le vide juridique auquel auraient été bientôt confrontés les consommateurs, petits ou gros, et de prolonger de façon pragmatique le TaRTAM.
En réalité, la proposition de loi est un dispositif transitoire – certains pourraient le qualifier de « replâtrage » - en préambule à une nouvelle organisation du marché de l’électricité.
Les consommateurs pouvaient choisir de quitter l’opérateur historique ; désormais, ils pourront choisir de revenir sur le marché réglementé. Il s’agit en fait d’une sorte de régulation qui, sur proposition de notre assemblée en première lecture, sera élargie au gaz naturel. Je tiens à cet égard à rendre hommage à notre rapporteur, car c’est un élément d’une très grande importance.
Considérant que l’électricité et le gaz sont des produits de première nécessité et non des produits comme les autres, nous estimons que la proposition de loi est un signe clair envoyé au Gouvernement afin de l’alerter sur les conséquences néfastes de la libéralisation du marché de l’énergie, surtout lorsqu’il s’agit de la fourniture d’un bien de consommation essentiel.
Cette proposition de loi semble répondre aux attentes immédiates des consommateurs finals, quels qu’ils soient, qui gardent leur liberté de choix. C'est la raison pour laquelle le groupe du RDSE, notamment les Radicaux de gauche, votera ce texte à l’unanimité.
Avant de quitter la tribune, madame la secrétaire d'État, je voudrais vous faire part de mon souhait d’une mise à plat prochaine de tous les problèmes énergétiques. En tant que président d’un syndicat départemental d’électricité, je suis presque quotidiennement confronté à la méconnaissance de nos concitoyens concernant le panel énergétique : on entend de tout, des propos sincères mais non fondés, et souvent aussi des propos beaucoup plus discutables. Notre Haute Assemblée et le Gouvernement s’honoreraient d’engager cette nécessaire remise à plat. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, je souhaite en guise de préalable, au nom du groupe UMP, remercier M. Ladislas Poniatowski qui est à l’origine de cette proposition de loi aussi utile qu’heureuse, cosignée de surcroît par quelque quatre-vingts sénateurs. Si nous ne sommes pas tous des spécialistes de la question, nous connaissons en revanche la compétence de notre collègue et son implication personnelle. Aussi lui faisons-nous toute confiance.
Cette proposition de loi conjugue tous les avantages : elle est brève, nécessaire, pragmatique, consensuelle. En un mot, elle est exceptionnelle ! (Sourires.) Elle répond en outre à une urgence et concerne à la fois l’électricité et le gaz.
Comme l’ont rappelé Mme la secrétaire d'État et M. le rapporteur, la loi relative au secteur de l’énergie a été adoptée par le Parlement en 2006. Elle comportait des dispositions relatives aux tarifs réglementés dont la validité expirera dans un mois environ. Cette date avait été adoptée dans la perspective de la future loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, ou loi NOME, mais les travaux préparatoires ont duré plus longtemps que prévu et le vote ne pourra pas intervenir avant l’automne.
C’est donc pour combler le vide juridique qui serait créé à compter du 1er juillet que notre collègue a imaginé cette proposition de loi. C’est une proposition minimale mais protectrice des consommateurs, qu’ils soient particuliers, professionnels ou même industriels, et qui n’entame en rien les dispositions que nous pourrions être amenés à voter dans la future loi NOME.
La proposition de loi autorise donc sans limite de temps les particuliers à revenir aux tarifs régulés, cette faculté n’étant en rien contraire aux directives européennes. Elle proroge en outre, pour de nouveaux sites, la possibilité d’accéder aux tarifs régulés.
Les députés ont complété le texte par la prorogation du tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, le TaRTAM, qui concerne les gros consommateurs et qui arrivait, lui aussi, à échéance le 1er juillet 2010 – mes prédécesseurs à cette tribune l’ont évoqué. Un deuxième vide juridique a ainsi été évité.
En ce qui concerne les dates, deux dispositions de la proposition de loi ne sont pas limitées dans le temps : la réversibilité au bénéfice des particuliers et la possibilité pour les nouveaux sites souscrivant une puissance inférieure à 36 kilovoltampères d’accéder aux tarifs régulés.
En revanche, la possibilité d’accéder aux tarifs régulés ouverte aux nouveaux sites souscrivant une puissance supérieure ainsi que le TaRTAM ne sont pas prolongés au-delà du 31 décembre 2010, ce qui implique que la loi NOME soit votée avant le 1er janvier 2011. Cela devrait être possible, mais, sait-on jamais !
Je tiens donc à souligner – pour m’en réjouir, car ce n’est pas toujours le cas – le parfait fonctionnement de la navette parlementaire entre les deux assemblées, ce qui nous permet d’adopter rapidement un texte qui va dans le sens de l’intérêt général de nos concitoyens. Cela a été rendu possible par la bonne entente des présidents de commission et des rapporteurs des deux assemblées.
Ce texte nous permet également d’attendre sereinement les débats sur le projet de loi NOME. C’est un exemple à suivre et nous aimerions que l’élaboration des textes puisse se réaliser plus souvent dans de telles conditions.
Le groupe UMP votera donc cette proposition de loi et se félicite du consensus qu’elle a suscité dans les divers groupes politiques du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi NOME sera l’occasion de débattre plus largement ; aussi mon intervention sera-t-elle très succincte.
Je veux à mon tour saluer l’excellent travail du Sénat. La proposition de loi portée par M. Poniatowski a été fortement enrichie, travaillée et soutenue par la commission de l’économie. Encore une fois, le rôle du Sénat a été essentiel sur cette question de l’énergie et des dispositifs transitoires.
Je voudrais simplement apporter quelques précisions sur les questions de calendrier qui ont été évoquées par plusieurs d’entre vous.
M. le rapporteur s’est interrogé sur l’articulation entre la future loi NOME et les dispositions transitoires prévues dans la proposition de loi. Le Gouvernement est déterminé à faire en sorte que l’examen du projet de loi NOME soit achevé le plus rapidement possible, en tout cas avant la fin de l’année. Le travail préparatoire à l’élaboration des décrets, sans préjuger bien évidemment du futur texte, peut d’ores et déjà commencer en attendant le vote définitif. Certaines instances doivent être consultées, mais nous ferons en sorte que les délais soient les plus brefs possible.
Quoi qu’il en soit, toutes les questions particulières d’articulation avec le dispositif résultant de l’application de la présente proposition de loi pourront être discutées à l’occasion de l’examen du projet de loi NOME. Il n’aurait pas été judicieux, notamment à l’égard de la Commission européenne, de prolonger des dispositions qui n’ont pas vocation à être pérennes au-delà de l’année 2010. Le projet de loi NOME, je le répète, nous permettra, le cas échéant, de trouver des solutions.
Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, en saluant une dernière fois l’excellent travail du Sénat. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique.
Article unique
(Non modifié)
I. – La loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est ainsi modifiée :
1° Aux IV, V et VI de l’article 66, au IV de l’article 66-1 et à l’article 66-3, les mots : « avant le 1er juillet 2010 » sont supprimés ;
1° bis Le IV de l’article 66-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’un consommateur final domestique de gaz naturel a fait usage pour la consommation d’un site de cette faculté depuis plus de six mois, il peut, sous réserve d’en faire la demande, à nouveau bénéficier des tarifs réglementés de vente de gaz naturel pour ce site. » ;
2° L’article 66-2 est ainsi rédigé :
« Art. 66-2. – L'article 66 est également applicable aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux de distribution ou de transport :
« 1° Pour les consommateurs finals domestiques et les consommateurs finals non domestiques souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kilovoltampères ;
« 2° Jusqu’au 31 décembre 2010, pour les consommateurs finals souscrivant une puissance supérieure à 36 kilovoltampères. »
II. – Le I de l’article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du premier alinéa, la date : « 30 juin 2010 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2010 » ;
2° À la quatrième phrase du second alinéa, la date : « 1er juillet 2010 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2011 » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Au plus tard le 15 juin 2010, les fournisseurs informent leurs clients bénéficiant du tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché de la faculté qui leur est offerte d’en bénéficier jusqu’à l’échéance mentionnée à l’alinéa précédent, ainsi que des modalités pour y souscrire. Un consommateur final d’électricité qui souhaite bénéficier du tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché pour l’alimentation d’un site au-delà du 30 juin 2010 doit adresser une demande écrite à son fournisseur avant le 1er juillet 2010 pour un bénéfice du tarif qui ne peut débuter après cette date. Il ne peut, pour ce site, ni renoncer au bénéfice de ce tarif avant l’échéance dudit tarif mentionnée à l’alinéa précédent, ni modifier ses paramètres tarifaires, en particulier sa puissance souscrite, son option et sa version tarifaires, au cours de cette même période, sauf en cas d’évolution durable de l’activité du site se traduisant par une modification des besoins d’alimentation du site depuis le réseau auquel le site est raccordé. »
M. le président. Je ne suis saisi d’aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
Mme Odette Terrade. Le groupe CRC-SPG s’abstient !
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
6
Grand Paris
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au Grand Paris (n° 491).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de l’examen, entamé par l’Assemblée nationale au mois de novembre dernier et par le Sénat au début du mois d’avril, du projet de loi sur le Grand Paris.
En dépit de l’engagement de la procédure accélérée sur ce texte, je crois pouvoir dire que le Parlement, en particulier la commission spéciale du Sénat, a accompli un travail approfondi et, ai-je lu ici et là, reconnu de tous.
La commission mixte paritaire, qui s’est réunie jeudi dernier, est parvenue, sur tous les points restant en discussion, à dégager un accord entre nos deux assemblées. J’ai aujourd’hui le plaisir et l’honneur de vous présenter ses principales conclusions.
Avant d’aborder la présentation du texte résultant de nos délibérations, je tiens à rendre un hommage appuyé au président de la commission spéciale du Sénat, M. Jean-Paul Emorine, ainsi qu’aux vice-présidents et aux membres de cette même commission, qui m’ont accompagné tout au long de mes déplacements et de mes auditions.
Je tiens également à remercier nos collègues de l’Assemblée nationale, le rapporteur du projet de loi relatif au Grand Paris, M. Yves Albarello, le président de la commission du développement durable et de l’aménagement durable, M. Christian Jacob, le président-rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Patrick Ollier, ainsi que le rapporteur de la commission des lois, M. Jacques Alain Bénisti, qui, tous, ont contribué à la bonne conduite de nos travaux en commission mixte paritaire, dans un climat d’écoute et de respect mutuel.
Enfin, bien entendu, j’associe à ces remerciements M. le secrétaire d’État, M. Christian Blanc, et les membres de son cabinet, avec qui j’ai pu travailler de manière approfondie et en toute confiance.
J’en viens maintenant au texte de la commission mixte paritaire.
Les principaux apports du Sénat n’ont pas été remis en cause. Ils peuvent schématiquement être structurés autour de cinq axes.
En premier lieu, le Sénat a souhaité une concertation loyale avec les collectivités territoriales, à travers la consultation de Paris-Métropole, tant sur le schéma d’ensemble du réseau de transport public que sur les contrats de développement territorial.
En deuxième lieu, il a prévu une gouvernance efficace en choisissant une structure à trois niveaux pour la Société du Grand Paris et à deux niveaux pour l’établissement public de Paris-Saclay.
En troisième lieu, le Sénat a renforcé la légitimité de la Société du Grand Paris : il a précisé que les opérations d’aménagement ou de construction que la SGP conduirait dans le territoire des communes non signataires d’un contrat de développement territorial ne pourront être réalisées que dans un rayon réduit, inférieur à 250 mètres, autour des gares du réseau de transport public du Grand Paris et après avis des élus locaux concernés.
En quatrième lieu – ce point est sans doute le plus important, car il n’avait pas été évoqué par l’Assemblée nationale –, nous avons essayé de poser les premiers jalons législatifs d’un financement clair.
Nous avons d’abord rappelé que l’État assurerait le financement des infrastructures du nouveau réseau de transport. Nous avons ensuite précisé que ce financement serait indépendant de la contribution de l’État aux contrats de projets conclus avec la région. Enfin, nous avons introduit deux dispositifs fiscaux : d’une part, une taxe sur les plus-values immobilières liées à la réalisation d’une infrastructure de transport collectif a été instaurée au bénéfice de la Société du Grand Paris comme de la région d’Île-de-France pour le STIF ; d’autre part, l’assujettissement à l’imposition forfaitaire des entreprises de réseaux du matériel roulant utilisé sur les lignes exploitées par la RATP a été décidé en faveur de la Société du Grand Paris.
Enfin, en cinquième lieu, le Sénat a élaboré le volet « logement » du texte. Le texte prévoit la territorialisation par le préfet de l’objectif annuel de construction de 70 000 logements. Il prévoit également que les communes soumises à l’obligation de construire des logements sociaux devront intégrer des logements de ce type lorsqu’elles réaliseront des opérations d’aménagement autour des gares du futur réseau de transport public du Grand Paris.
À la suite de nombreuses discussions avec le rapporteur de l’Assemblée nationale, aussi viriles que franches (Sourires), aucun de ces grands apports du Sénat, je le répète, n’a été remis en cause par la commission mixte paritaire.
La commission mixte paritaire a précisé et affiné la réflexion sur quatre sujets importants : l’aménagement de la nouvelle taxe sur les plus-values immobilières ; la consultation des élus locaux sur le dossier du Grand Paris ; l’extension de la compétence d’aménagement de la Société du Grand Paris et la gouvernance de l’établissement public de Paris-Saclay.
Je reprends ces quatre points.
Premièrement, la commission mixte paritaire a aménagé la nouvelle taxe sur les plus-values immobilières liées à la réalisation d’une infrastructure de transport collectif. Nous avons souhaité créer un demi-tarif et éviter ainsi les effets de seuil. Alors que la taxe devait s’appliquer dans la limite d’un périmètre de 800 mètres autour d’une entrée de gare, la commission mixte paritaire a étendu la zone d’application et le périmètre retenu est désormais compris entre 800 mètres et 1 200 mètres, avec un taux réduit de moitié, de 7,5 % au maximum, contre 15 % en dessous de 800 mètres.
Deuxièmement, s’agissant du dispositif de consultation des élus locaux sur le dossier du Grand Paris, l’Association des Maires d’Île-de-France, l’AMIF, a été reconnue comme structure consultative. Cette association, qui vient de perdre son président, à qui nous étions tous très attachés, Claude Pernès, sera ainsi consultée, au même titre que Paris-Métropole, tant sur le schéma d’ensemble du réseau de transport public que sur les contrats de développement territorial. Cette reconnaissance est d’autant plus justifiée que cette association est de plus en plus représentative des communes franciliennes et que d’ores et déjà plus de 80 % d’entre elles sont adhérentes.
Troisièmement, la commission mixte paritaire a étendu les possibilités pour la Société du Grand Paris de conduire des opérations d’aménagement sur le territoire des communes non signataires d’un contrat de développement territorial. Le rayon d’action a ainsi été porté de 250 mètres à 400 mètres, ce qui rendra possible un aménagement cohérent sur 50 hectares au lieu de 20 hectares.
La commission mixte paritaire a toutefois pris le soin de préciser que cette compétence ne concernerait que les gares nouvelles du réseau du Grand Paris. Autrement dit, il n’est pas question d’aménager des quartiers entiers autour des actuels arrêts parisiens de la ligne 14 du métro, qui doit servir d’épine dorsale au projet du Grand Paris.
Contrairement à ce que certains ont prétendu, le périmètre d’aménagement de la Société du Grand Paris, hors contrat de développement territorial, sera raisonnable : sur la base d’une quarantaine de gares nouvelles, sa surface d’action atteindrait 2 000 hectares, soit un cinquième de la surface de Paris aujourd'hui.
Quatrièmement, enfin, après de longues discussions organisées par le président du Sénat, à qui je tiens à rendre l’hommage qui lui est dû, la commission mixte paritaire a modifié la gouvernance de l’établissement public de Paris-Saclay. Elle a ainsi porté de dix-neuf à vingt et un le nombre maximal de membres du conseil d’administration de cet établissement public. Nous avons en effet considéré que le décret d’application pourrait utilement prévoir la désignation, en sus du représentant de la région, des représentants des départements et des présidents des quatre communautés d’agglomération intéressées, de deux maires représentant les communes concernées, l’un pour les communes du département de l’Essonne, l’autre pour celles du département des Yvelines.
Enfin, mes chers collègues, la commission mixte paritaire a permis de trouver des solutions raisonnables sur les deux projets qui avaient suscité de multiples annonces aussi brutales qu’injustifiées : Charles-de-Gaulle Express et Arc Express.
J’évoquerai tout d’abord le Charles-de-Gaulle Express. Sur l’initiative des deux rapporteurs, la commission mixte paritaire a sécurisé le dispositif adopté au Sénat.
Elle a ainsi précisé que le contrat devait respecter les principes généraux du droit posés par la jurisprudence du Conseil d’État en cas de situations imprévues ou de modification unilatérale par l’État des clauses du contrat pour cause d’intérêt général. C’est l’application d’une jurisprudence ancienne mais toujours d’actualité, l’arrêt Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux de 1916, plus connu sous le titre Gaz de Bordeaux.
En outre, elle a tenu à marquer que l’État ne devait pas subventionner la construction de la ligne. Autrement dit, le Parlement a mis le Gouvernement face à ses responsabilités : c’est à lui de savoir rapidement s’il souhaite ou non mener à terme ce projet qui est en gestation depuis un certain nombre d’années. J’indique à ce sujet que toutes sortes de demandes ont été formulées à l’occasion des auditions auxquelles j’ai procédé : si personne n’est allé jusqu’à demander une liaison jusqu’à Orly, certains souhaitent que le point d’arrivée de la ligne soit non pas la gare de l’Est, mais la gare Saint-Lazare ou la gare Montparnasse ! (Sourires.)
J’en viens maintenant au second projet, Arc Express, qui a été au cœur des débats, au Sénat comme à l’Assemblée nationale.
Je rappelle que la commission spéciale avait souhaité mettre un terme au débat public relatif à ce projet dès la publication de la présente loi. Le Sénat avait considéré que, si l’on engageait la procédure de débat public sur Arc Express avant celle qui doit concerner la double boucle prévu par le présent projet de loi, nous risquions d’avoir deux débats publics menés de manière non coordonnée sur des projets qui, M. le secrétaire d’État l’a rappelé, se recouvrent très largement. L’objectif du Sénat était d’éviter que les usagers ne soient déroutés par la coexistence de deux projets de transport aux tracés quasi similaires présentés à la concertation à des dates différentes.
Sur l’initiative des deux rapporteurs, et après de longs débats, la commission mixte paritaire a pris en compte cette préoccupation et a prévu que le débat public sur Arc Express pourrait bien avoir lieu, mais à condition de respecter deux conditions : qu’il soit mené de façon conjointe avec celui qui concernera le Grand Paris et dans le souci d’une bonne information du public.
Sur la première condition, la commission mixte paritaire a souhaité que les deux débats soient conduits de manière simultanée et coordonnée. Notons que cette obligation, de bon sens, ne devrait pas retarder le débat sur Arc Express, contrairement à ce que d’aucuns ont pu prétendre. En effet, la Commission nationale du débat public n’aurait vraisemblablement pas lancé ce débat avant le mois de septembre 2010, c’est-à-dire en même temps que celui portant sur le Grand Paris. En tout état de cause, un amendement présenté par M. Yves Albarello, le rapporteur de l’Assemblée nationale, et que j’ai cosigné, est venu préciser que le débat public sur les deux projets aurait lieu dans un délai de quatre mois après la promulgation de la loi.
Sur la seconde condition, la commission mixte paritaire a précisé que la Commission nationale du débat public devrait intégrer dans les dossiers respectifs de ces deux débats les éléments techniques et financiers des deux projets. Cela garantira la bonne information du public sur chacun des deux projets, sur leur structure, sur leurs modalités et sur leur financement.
Tels sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les éléments que je souhaitais mettre en avant.
Grâce aux travaux approfondis du Sénat – je remercie encore tous les membres de la commission spéciale –, et dans un souci d’apaisement que tout le monde appelle de ses vœux aujourd'hui, la commission mixte paritaire est parvenue à un texte équilibré prenant en compte les préoccupations des députés et des sénateurs. C’est pourquoi, mes chers collègues, je ne peux que vous inviter à l’adopter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
(M. Roland du Luart remplace M. Roger Romani au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite avant tout remercier chaleureusement le président de la commission spéciale, M. Jean-Paul Emorine, et son rapporteur, M. Jean-Pierre Fourcade, qui ont mis tout leur engagement et toute leur exigence républicaine au service de ce projet de loi.
Je souhaite remercier également tous les sénateurs, issus des diverses sensibilités politiques de la nation, qui, tout au long de nos échanges, des nombreuses auditions, de la discussion en séance publique ici même, puis lors de la commission mixte paritaire, ont contribué de manière constructive et exigeante à l’amélioration de ce texte, qui doit rendre possible la réalisation d’un projet capital pour l’avenir de notre pays.
Aujourd’hui, nous réalisons une étape-clé. Elle va permettre la mise en œuvre opérationnelle du Grand Paris, un an à peine après son lancement par le Président de la République. Je souhaite en rappeler les enjeux.
Il s’agit, d’abord, de mettre en mouvement le moteur de la croissance que constitue la région capitale en tirant partie de tous ses potentiels, et de participer ainsi à la sortie structurelle de la crise que nous connaissons. Les effets de cette croissance auront un impact positif sur les capacités de croissance de l’ensemble des métropoles de notre pays.
Il s’agit, ensuite, de faire évoluer l’urbanisme de la métropole parisienne pour relever les défis du xxie siècle et retisser le lien entre Paris et sa banlieue.
Il s’agit, enfin, d’agir sur la cohésion sociale, facteur-clé du « vivre ensemble », c’est-à-dire de l’essence même de toute démocratie.
Soyons toutefois clairs quant à l’ordre de ces facteurs.
La croissance économique qu’il s’agit d’impulser est absolument indispensable pour tirer vers le haut l’urbanisme post-Kyoto et pour réussir l’immense chantier de la cohésion sociale. Sans cette croissance, nous n’aurons pas l’énergie indispensable aux ambitions que nous affichons.
Notre travail va se poursuivre, dans le souci constant de la concertation et de l’efficacité.
Après l’approbation du projet de loi, je proposerai à la région, sur la base du protocole d’accord relatif au schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF, acté en juillet 2009, de travailler de concert pour rechercher toutes les voies de notre complémentarité, dans le respect des compétences de chacun.
Le Gouvernement mettra en place d’ici à l’été les outils opérationnels que sont la Société du Grand Paris, l’établissement public de Paris Saclay et l’atelier international du Grand Paris.
Dès septembre 2010, le débat public et la concertation relatifs au réseau du Grand Paris seront lancés et, dès la fin du débat, les premiers contrats de développement territorial pourront être signés.
Enfin, les travaux pourront commencer au début de 2013 ; dix ans plus tard, en 2023, ce sera la mise en service, et l’ensemble sera devenu réalité.
Bien des fois, mesdames, messieurs les sénateurs, confronté aux conservatismes divers, je me suis dit qu’il est difficile d’avoir une grande ambition pour la France d’aujourd’hui !
Cependant, je sais maintenant, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous sommes tous, toujours, lorsque le moment est venu, au service des grandes ambitions et des grands projets capables d’impulser de la vitalité pour l’avenir de notre pays.
C'est la raison pour laquelle je vous invite, au nom du Gouvernement, à approuver le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la procédure législative concernant le projet de loi relatif au Grand Paris, procédure marquée par le souhait du Gouvernement d’aller vite, la procédure accélérée ayant été engagée. Rien ne le justifiait pourtant, si ce n’est la volonté présidentielle.
Malgré nos appels répétés à prendre le temps de bâtir un échange constructif – nous aurions souhaité une seconde lecture dans chaque chambre pour un projet de loi d’une telle ampleur –, vous avez fait le choix inverse, monsieur le secrétaire d’État. Nous le regrettons, comme nous regrettons que vous ayez passé outre au résultat des élections régionales, lesquelles ont été marquées par la victoire d’une majorité de gauche portant une autre exigence et d’autres valeurs pour la région capitale et pour son avenir.
Au pas de charge, vous avez fait adopter par les parlementaires un projet de loi toujours fortement décrié par les élus, par les associations et par les syndicats, mais également par les architectes de l’atelier international du Grand Paris, comme en témoigne la récente tribune de Jean Nouvel dans Le Monde.
Force est de constater que ce n’est pas de bon augure pour mener à terme un projet qui se veut structurant pour les vingt années à venir.
Nous n’avons pourtant eu de cesse de vous le répéter : un projet urbain, pour être viable, doit non seulement être co-élaboré par les différents acteurs, mais doit également recueillir l’adhésion des populations.
Une intervention étatique que je qualifierai d’autoritaire, comme celle que vous proposez par le biais de la Société du Grand Paris, est l’expression d’une vision étriquée et « ringarde » de l’action publique en termes d’aménagement du territoire.
Cette conception, dont l’histoire nous a montré qu’elle aboutissait à des non-sens urbains – je pense notamment au développement des villes nouvelles –, ne saurait être porteuse d’avenir.
Sur le fond, je me dois de revenir sur le sens du projet de loir relatif au Grand Paris ainsi que sur l’ambition qu’il porte pour la métropole.
À l’évidence, les débats que nous avons eus dans l’hémicycle il y a sept semaines n’ont pas permis de combler les lacunes que nous pointions du doigt dès le départ. La commission mixte paritaire qui s’est tenue la semaine dernière n’y est pas parvenue non plus.
Deux points majeurs n’ont pas évolué : le principe de gouvernance pour la métropole en termes d’aménagement du territoire ; la réalisation du Grand huit et ses principes de financement.
Certains voient dans la Société du Grand Paris la configuration institutionnelle embryonnaire de la métropole ; quoi qu’il en soit, il n’aura échappé à personne qu’elle sera avant tout, voire uniquement, le bras armé de l’État en Île-de-France pour modeler le territoire selon des préceptes libéraux.
En effet, le développement urbain et économique de la région proposé au travers de ce texte repose sur l’organisation d’une ségrégation urbaine et sociale, grâce à une valorisation foncière autour de pôles de compétitivité spécialisés définis sur le tracé du Grand huit.
Pourtant, la spécialisation des territoires est une voie sans issue, surtout quand elle repose essentiellement sur une offre de services indépendante de toute ambition industrielle.
Voilà que les principes d’égalité et de solidarité volent en éclats dans la région capitale, ce qui contribuera immanquablement au refoulement organisé des couches populaires au-delà d’un nouveau périphérique. Nous ne pouvons l’accepter.
La commission mixte paritaire a enfoncé le clou en adoptant deux amendements présentés par les rapporteurs. Le premier visait à élargir le champ d’intervention de la Société du Grand Paris au sein des communes qui n’auront pas signé de contrat de développement territorial dans un périmètre de 400 mètres. Le deuxième visait à étendre le champ de la taxe sur la valorisation foncière autour des gares en créant une zone intermédiaire entre 800 mètres et 1 200 mètres.
Cette valorisation foncière est le cœur du projet de loi relatif au Grand Paris, puisque c’est elle qui permettra de financer la Société du Grand Paris et donc le Grand huit.
Nous contestons très fermement de telles dispositions, qui ont pour ultime objet d’exercer une sorte de chantage sur les collectivités afin de les contraindre à signer un contrat de développement territorial sous peine de subir la loi de la Société du Grand Paris et de l’État. Pour ma part, ce n’est pas le sens que je donne au mot « partenariat » !
Bien évidemment, pour contrer le reproche que nous vous adressons de céder à l’autoritarisme et à un sentiment de défiance envers les collectivités, vous ne manquerez pas de nous opposer la tenue d’un débat public.
Certes, il est heureux que des débats publics puissent encore être organisés dans notre pays lorsqu’il est question de projets d’aménagement structurants. Mais, au final, qui décidera sinon la Société du Grand Paris ? Et elle ne sera pas liée par cette consultation… Indéniablement, un mécanisme de prise de décisions autoritaire est à l’œuvre.
Toutes ces logiques intègrent parfaitement la réforme des collectivités territoriales, dont le sens profond est à rechercher dans un assèchement des espaces de démocratie de proximité qui s’accompagne d’une perte de compétences, mais également d’une perte de ressources.
Le projet de loi relatif au Grand Paris s’inscrit pleinement dans cette démarche ; les collectivités visées sont tout autant la région que les départements et les communes.
Lors des discussions en commission mixte paritaire, il a été mis fin au suspens insoutenable sur le débat public lié au projet Arc Express.
Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises en séance publique, la suppression pure et simple du débat public sur un projet concerté et dont les financements sont déjà actés était une décision irresponsable.
Faut-il répéter que le projet Arc Express correspond à de véritables besoins de déplacements inter-banlieues ? Il n’est pas hypothétique, mais il est concret et nécessaire, et il constitue une véritable avancée.
Certes, la version du texte qui nous est proposée aujourd’hui comporte une avancée. Toutefois, elle ne peut totalement nous satisfaire puisqu’il est mentionné que les deux débats publics sur le projet Arc Express et sur le Grand huit seront lancés conjointement. Cela signifie, en creux, que ce qui pourrait être discuté lors du débat public, c’est moins le projet Arc Express en lui-même que son opportunité face au Grand huit !
On entend souvent dire, monsieur le secrétaire d'État, que ces deux projets sont compatibles à 60 %, à 70 %, voire à 90 %. Pourquoi ne pas faire un effort pour les rendre compatibles à 100 % ? Voilà qui constituerait une réelle avancée sur le chemin d’une coopération réalisée en bonne intelligence !
Aucun débat public ne peut masquer l’exigence d’un consensus réel entre les différentes collectivités territoriales concernées : État, région, communes et Ville de Paris. Or c’est précisément ce qui fait défaut à ce projet.
De la même manière que le capitalisme ne pense les rapports qu’en termes de dominants et de dominés, la question institutionnelle n’est abordée dans ce projet de loi que sous l’angle de la contrainte et du rapport de force.
Il ne faut pas penser la région contre l’État, ou vice-versa, mais il faut penser la région, l’État et les autres collectivités comme différents échelons au service de la population, donc de l’intérêt général.
C'est la raison pour laquelle nous avions proposé l’instauration d’un conseil d’administration tripartite composé de représentants de l’État, d’élus locaux et de représentants de la société civile dans des proportions équivalentes, de manière à garantir la prise en compte de l’intérêt commun. Vous avez balayé cette proposition d’un revers de la main.
Cette attitude illustre votre conception de l’exercice du pouvoir. Cela dit, pourquoi, comment réaliser un Grand huit ? Surtout, à qui profitera-t-il ou plutôt à qui profiteront les terrains autour des gares du Grand huit ? Car, je tiens à le préciser de nouveau ici, la création d’un métro automatique n’est pas, en soi, ce qui nous pose problème.
En tout état de cause, force est de constater que ce projet ne répondra pas aux nombreux besoins des Franciliens, alors même que la richesse de la région capitale est d’abord à rechercher dans ses habitants.
La satisfaction des besoins passe, bien évidemment, en matière de transport, par une amélioration de l’existant ainsi que par un maillage cohérent et régulier de l’ensemble du territoire francilien, objectif qui ne peut être atteint en réalisant une rocade de 130 kilomètres de long dont la faisabilité technique ne nous a jamais été démontrée !
Mais il ne faudrait pas oublier les autres secteurs où l’intervention publique est défaillante, faute de financements étatiques adéquats. Je pense notamment au secteur du logement : vous promettez la construction de 70 000 logements, mais vous ne fournissez aucune garantie d’une réelle mixité sociale. Là encore, nous avons formulé de véritables propositions : elles n’ont pas été prises en compte, mais nous continuerons à les défendre dans le débat public !
J’y insiste à nouveau, il faut que les contrats de développement territorial permettent d’atteindre l’objectif de 20 % de logement sociaux fixé par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU. De plus, il faudrait, comme nous l’avions préconisé, renforcer les missions de l’établissement public foncier, afin de lui permettre de jouer son rôle de portage foncier pour les collectivités et d’inscrire concrètement la mixité sociale en Île-de-France.
Je ne cesse de le répéter : nous n’exprimons pas d’opposition de principe à l’intervention de l’État en Île-de-France, ni au Grand huit. Mais convenons que cette intervention s’inscrit dans le cadre d’un désengagement total de l’État des politiques publiques. À l’inverse, pourquoi l’État ne prendrait-il pas toute sa place au sein du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF, au lieu de vouloir le contourner d’une manière qui nous semble inacceptable ? Pourquoi de véritables budgets ne seraient-ils pas affectés à la politique de la ville ou aux transports ? Pourquoi ne pas revoir la suppression de la taxe professionnelle, qui prive les collectivités locales de leviers d’intervention pour développer un service public de qualité ?
Vous le voyez, mes chers collègues, trop de questions restent sans réponse. Mais je ne m’en étonne pas, car elles n’entrent pas dans le schéma de pensée du Gouvernement, ni, par conséquent, dans le projet du Grand Paris tel qu’il nous est présenté.
Ce projet achève aujourd’hui sa course parlementaire. Pour autant, ces questions vont demeurer et elles seront forcément posées dans le cadre du débat public. Ce vote n’est donc qu’une étape sur un chemin encore très long.
Pour terminer, je veux émettre à nouveau des doutes sur la capacité de financement réelle de l’État pour réaliser ces nouvelles infrastructures. La dotation de 4 milliards d’euros ne suffira pas à financer le Grand huit et les taxes créées pour son fonctionnement n’apporteront les subsides escomptés qu’en cas de développement économique avéré. Au regard de la crise que nous traversons et des politiques d’austérité que vous menez et que vous annoncez, vos prévisions conservent un caractère largement incantatoire.
Vous l’aurez compris, parce que ce projet de loi ne répond pas à toutes ces questions et que, bien au contraire, il cède la place de l’intervention publique aux bétonneurs et aux spéculateurs, nous continuons et nous continuerons à nous y opposer de la manière la plus ferme.
J’achèverai mon propos en soulignant la qualité des travaux de notre commission spéciale, réalisés sous la houlette de son président et de son rapporteur, mais également grâce aux personnels qui nous ont accompagnés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, malgré le calendrier décousu de nos débats, je pense que nous sommes tous plutôt satisfaits des améliorations que nous avons pu collectivement apporter au texte de ce projet de loi relatif au Grand Paris tel qu’il est issu des travaux de la commission mixte paritaire, sans oublier ceux de la commission spéciale du Sénat, présidée par Jean-Paul Emorine et efficacement animée par son rapporteur, Jean-Pierre Fourcade.
Une difficulté majeure menaçait pourtant la qualité de nos débats : la mise en œuvre d’un projet national, voire européen, sur le territoire d’une collectivité locale, dans le cadre d’une compétence partagée, constituait en effet un terrain glissant. Ce projet a mis ainsi en lumière les difficultés de gouvernance du mille-feuille administratif de la région d’Île-de-France, aux multiples couleurs politiques : elles ont rendu nos discussions sur ce texte parfois houleuses.
J’évoquerai en quelques mots l’idée sous-jacente à ce projet de loi, même si d’autres l’ont fait avant moi, car elle me paraît importante.
À l’heure de la concurrence entre les grandes villes du monde, il est indispensable de donner au Grand Paris l’envergure que peut avoir son homologue chez notre voisin proche, je veux parler du Grand Londres, parce qu’aujourd’hui le développement économique se fait par la puissance de l’urbanisation. Ce n’est pas tant la Chine qui se développe, que Hong-Kong, Shanghai, Pékin et Canton. C’est la croissance économique des villes-monde qui tire la croissance économique des pays.
Sans le projet du Grand Paris, la ville de Paris et la région d’Île-de-France sont vouées à devenir deux « puissances moyennes ». En ce sens, le projet du Grand Paris est ambitieux, et je considère qu’il constitue une initiative majeure en termes d’investissements structurants futurs. Je réitère donc le soutien de la grande majorité des sénateurs du groupe de l’Union centriste à l’esprit de ce projet de loi.
Sur la question du cluster de l’innovation de Paris-Saclay, je me félicite de l’adoption des amendements que mon groupe avait déposés, tendant à favoriser la subsidiarité de la gouvernance de l’établissement public de Paris-Saclay et à mieux équilibrer son rôle au service de cet écosystème.
Il était indispensable de considérer le conseil d’administration non pas comme une autorité qui dicte une stratégie, mais bien comme un facilitateur d’initiatives – un « marieur », pour reprendre l’exemple de la Silicon Valley – qui, partant de la base, c'est-à-dire des projets des hommes et femmes qui travaillent sur le plateau de Saclay, facilite la mise en relation des uns avec les autres afin de créer des activités nouvelles, dans un mouvement ascendant.
Ce principe du bottom up – excusez l’emploi de ce terme anglais – est assurément une clé du développement du plateau de Saclay, qui devrait tirer la croissance de l’économie française. Par ailleurs, en soutenant la sauvegarde hydraulique du plateau, le groupe centriste a défendu une vision de l’aménagement du territoire qui associe aménagement économique et respect de l’environnement dans le cadre d’un développement durable et humain.
En outre, la construction d’un métro automatique interconnecté aux infrastructures de transport nationales et internationales, et reliant des pôles économiques stratégiques et des bassins de vie, est assurément un facteur d’attractivité économique ; si c’est un pari sur l’avenir, c’est aussi une nécessité.
Là encore, l’initiative prise par l’État de financer et mettre en œuvre un réseau de transports est salutaire dans le contexte de la compétition économique mondiale, comme nous l’ont montré les derniers événements enregistrés par les bourses mondiales.
Dans le cadre de l’exercice d’une compétence partagée, il était important de limiter le pouvoir de l’État sur l’aménagement de ces zones. Les contrats de développement territorial conclus avec les collectivités locales constituent ainsi un outil juridique nouveau particulièrement intéressant. L’amendement du président Nicolas About, adopté au sein de notre assemblée, limite d’ailleurs à bon escient les marges de manœuvre de l’État aménageur agissant en dehors d’un contrat de développement territorial.
En ce qui concerne les transports, je souhaite revenir brièvement sur trois points.
Tout d’abord, je salue l’initiative de la commission mixte paritaire qui a amélioré de nombreuses dispositions, de même que l’amendement de notre rapporteur visant à renforcer la desserte de l’est parisien par le TGV.
Ensuite, la solution de compromis obtenue sur la question des Arc Express nord et sud, dont les tracés étaient à 80 % analogues au tracé du métro, me paraît satisfaisante. Je vous parlais des problèmes de gouvernance, de compétences concurrentes : nous sommes au cœur de cette problématique. Mon amendement sur les Arc Express, qu’avait adopté le Sénat, a ouvert un débat important. Il a permis sans doute de crever un abcès politique, qui figeait le Gouvernement et la région d’Île-de-France dans la défense de leurs positions « politiques ».
Enfin, je reste convaincu que, du point de vue tant de la rationalisation des finances publiques que de la lisibilité du schéma de transports parisien, l’État ne doit pas financer des projets qui entreraient directement en concurrence avec le métro automatique du Grand Paris, comme le projet CDG Express. Je vous rappelle d’ailleurs que j’avais déposé un amendement en ce sens, qui a été adopté à l’unanimité par le Sénat ; le dispositif a été encore amélioré par la commission mixte paritaire et je suis satisfait de sa rédaction définitive.
Pour conclure, j’espère que le dialogue et la concertation entre le secrétariat d’État chargé du développement de la région capitale et le conseil régional d’Île-de-France permettront une mise en œuvre concertée et coordonnée de ce projet ambitieux, parce que les Franciliens et les Français, pour ne pas dire les Européens, ont besoin du Grand Paris.
J’irais même plus loin : j’espère que ce projet de loi relatif au Grand Paris que vous portez, monsieur le secrétaire d’État, constituera le socle d’un projet plus vaste – mon collègue Philippe Dallier s’en réjouira –, je veux parler d’une vraie réforme de la gouvernance de l’Île-de-France et de son mille-feuille administratif.
Peut-être le projet de loi sur la réforme des collectivités locales – avec mon collègue Dominati, j’attends une réponse du ministre à ce sujet et j’espère qu’elle sera positive ! – nous apportera-t-il les outils pour faire du Grand Paris une métropole exemplaire au niveau mondial.
D’ici là – je m’y engage en tant qu’élu de Paris –, je souhaite que le syndicat mixte Paris-Métropole soit plus hardi dans ses initiatives, plus visionnaire dans son action. Je ne suis pas opposé à ce que ses pouvoirs soient renforcés, afin qu’il soit plus qu’un syndicat d’études. Je ne suis pas non plus opposé à ce que ses capacités d’action soient développées pour poser les bases de la nouvelle gouvernance attendue sur le territoire francilien.
Pour l’heure, je salue sincèrement le travail de M. le secrétaire d’État, qui nous a présenté une vision que nous avons partagée ; je salue également le travail de l’Assemblée nationale, comme celui du Sénat, car les deux assemblées ont corrigé et amélioré le dispositif correspondant à cette vision.
Je confirme que le groupe de l’Union centriste, dans sa grande majorité, votera ce projet de loi. (Applaudissements au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d’État, finalement, la discussion de ce projet de loi arrive à son terme !
Vous devez cet aboutissement au soutien de votre majorité parlementaire, qui a adopté la finalité de votre projet et n’en conteste pas la faisabilité. Or c’est précisément l’une et l’autre que le groupe socialiste ne partage pas.
Sans revenir sur nos débats initiaux, l’absence de navette parlementaire ne nous a pas permis de nous faire entendre suffisamment, mais la commission mixte paritaire, qui s’est déroulée dans un bon climat, ne nous a pas laissé davantage d’espace. Il faut dire que l’affaire était bouclée dès l’abord, monsieur le secrétaire d’État, grâce au compromis que vous aviez négocié avec votre majorité.
La finalité qui nous inspire a été exprimée par les Franciliens et leurs élus : ils veulent disposer d’un réseau de transports apte à leur faciliter la vie, de villes à vivre et, d’une manière générale, d’un cadre de vie épanouissant.
Vous avez voulu faire de la double boucle de transports le symbole de votre projet de loi en l’opposant tout au long des débats à Arc Express, projet de la région, mais le compromis majoritaire de la commission mixte paritaire sur le débat public simultané ne doit pas masquer l’essentiel.
Nul ne peut contester les deux points forts du projet Arc Express de la région, à savoir son financement, qui est assuré, et son maillage avec le réseau francilien, qui assure la desserte de la zone dense. La double boucle, quant à elle, repose sur une finalité théoriquement guidée par le souci économique, mais la démonstration n’est toujours pas faite de son insertion dans le réseau existant, ni dans celui que va construire la région.
En renvoyant au débat public le soin de choisir entre les deux visions, la commission mixte paritaire, et donc la majorité parlementaire, a refusé de trancher. Avouons-le, ce « choix » n’est pas très glorieux de la part du législateur ! Le rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale n’a pas craint de prétendre avoir « sauvé le soldat Huchon ». C’est une forfanterie, car nous n’avions pas compris que le président Huchon fût en danger, au vu du score réalisé dans les urnes le 21 mars dernier !
Mais revenons aux choses sérieuses !
En entretenant le flou, le risque est grand in fine que ne soit réalisé à moyen terme qu’un tout petit morceau du Grand huit, qui serait commun à Arc Express, et, compte tenu des délais de réalisation, le non-choix de la majorité parlementaire renvoie à plus tard, beaucoup plus tard – peut-être même trop tard ! – les vrais choix.
Le développement économique en pâtira, alors qu’il était la motivation initiale du secrétaire d’État et du rapporteur, et tout le monde y aura perdu : les Franciliens, dont les besoins de mobilité rythment la vie quotidienne, et l’ensemble du territoire français, qui n’a rien à gagner à l’affaiblissement de sa région capitale. En effet – je le rappelle, car on l’oublie trop souvent – l’Île-de-France a une très forte capacité de redistribution à l’égard des autres régions.
Quant à la faisabilité d’une telle infrastructure, et donc sa crédibilité et son délai de réalisation, elle est mise en doute par la faiblesse du financement apporté par le Gouvernement.
Vous avez égrainé, monsieur le secrétaire d’État, un certain nombre de possibilités de financement tout au long de l’examen du texte, mais, au final, votre schéma repose soit sur des financements virtuels, soit sur des financements hasardeux.
La seule réalité tangible est l’affectation au budget de la Société du Grand Paris de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, qui est due par le réseau de transport et donc, dans ce cas précis, par l’autorité organisatrice des transports – le STIF –, émanation des collectivités territoriales de l’Île-de-France. C’est tout de même extravagant ! En effet, vous n’avez eu de cesse d’écarter et la région et le STIF de la gouvernance effective de votre projet.
Les deux rapporteurs se sont engagés, lors de la commission mixte paritaire, à aménager le tarif de cette IFER due par le STIF dans le cadre d’une prochaine loi de finances.
Monsieur Fourcade, ce renvoi à la loi de finances est une commodité de langage que nous connaissons bien, mais qui est très rarement suivie d’effets ! Je ne veux pas parler de promesse de Gascon – j’ai trop de respect pour les rives de la Garonne, du Tarn et de bien d’autres fleuves que nous aimons les uns et les autres… (Sourires.) – mais, tout de même, cette facilité ne peut pas nous satisfaire, car nous savons trop bien ce qu’il adviendra lors de l’examen du projet de loi de finances.
Cette ressource est donc bien maigre pour réaliser une infrastructure dont le coût est, de surcroît, dès le départ sous-estimé.
L’alimentation financière initiale de la Société du Grand Paris repose, quant à elle, sur une virtualité, celle du remboursement du prêt consenti à la filière automobile.
Les constructeurs voudraient bien procéder à ce remboursement avant la date anniversaire de la fin de l’année 2011, mais le Gouvernement s’y est opposé. Il a le temps et, surtout, il lui reviendra de faire le choix de la réutilisation des fonds. Or, en ces temps de disette budgétaire et de compression de la dépense publique, monsieur le secrétaire d’État, il n’y a aucune certitude que vous pourrez en faire disposer la Société du Grand Paris.
C’est sans doute ce qui vous a fait persévérer avec obstination dans la voie pourtant écartée par le groupe de travail présidé par Gilles Carrez, celle de la taxe sur les plus-values immobilières. Il est inacceptable de priver de cette ressource les collectivités locales directement concernées, celles qui seraient sur le tracé et disposeraient d’une gare. Il est au demeurant très curieux de faire reposer un financement pérenne sur la spéculation foncière, qui, comme vous le savez, est par définition aléatoire.
À ce propos, je voudrais faire une remarque d’ordre juridique.
Selon l’article 9 bis du texte issu de la commission mixte paritaire, que j’ai relu attentivement, la taxe est exigible dans un périmètre situé à moins de 800 mètres d’une entrée de gare de voyageurs. Mais, dans le même article, il est question d’un taux réduit pour les biens situés à une distance de moins de 1 200 mètres. Comment pourra-t-on exiger le paiement de la taxe, même à taux réduit ? Il faudrait vérifier ce point, monsieur le rapporteur, car il y a là une difficulté juridique qui demandera certainement une rectification.
Quant au partenariat avec les communes, prôné par le Gouvernement, il est mis à mal par la commission mixte paritaire et sa décision d’étendre le périmètre d’aménagement à 400 mètres autour des gares, soit 50 hectares où la Société du Grand Paris aura les pleins pouvoirs, y compris contre les communes. Cette disposition, misant sur l’enchérissement des terrains au détriment des besoins en logements sociaux, que le Gouvernement prétend pourtant défendre, ira à l’encontre d’un urbanisme cohérent.
La majorité a refusé que la commune donne son accord – c’était l’objet d’un de nos amendements –, lui octroyant un simple avis, ce qui ne fait que renforcer la méfiance des élus locaux à l’égard de l’État. Cela ne nous étonne pas beaucoup car, tout au long des débats, nous nous sommes heurtés à cette défiance du Gouvernement à l’égard des collectivités et, parfois, à celle du rapporteur.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, si vous considérez le fait d’avoir mené ce projet de loi jusqu’à son vote final comme une victoire, permettez-moi de dire que vous le devez plus au contexte qu’a une adhésion de conviction de votre majorité.
Celle-ci se devait de resserrer les rangs, mais, après tout, ce texte l’engage-t-il vraiment ? Du temps s’écoulera avant d’en voir la mise en œuvre. Qui plus est, le Grand Paris ne se résume heureusement pas à ce projet de loi : Paris-Métropole va prospérer – nous l’espérons –, la région va faire son travail, les élus s’organisent et vont continuer de s’organiser, l’atelier des architectes va bâtir des projets… et l’État sera bien obligé de faire avec les uns et les autres !
La vie est toujours plus forte que la procédure et celle que vous avez construite risque bien – fort heureusement ! – de tourner à vide. D’ailleurs, s’il fallait une raison supplémentaire de voter contre ce texte, cette procédure en serait une. Mais il n’est pas nécessaire de nous fournir cette raison de plus, car, comme vous l’avez compris, mes chers collègues, nous n’avons pas beaucoup changé d’avis tout au long des débats ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris, un texte qui a suscité des débats vifs et passionnés, ici au Sénat, à l’Assemblée nationale, mais également au sein des collectivités locales concernées.
Depuis plusieurs mois, les élus franciliens se sont fortement mobilisés pour exprimer leurs attentes, leurs interrogations et finalement, pour beaucoup d’entre eux, leur déception. Cette déception, la plupart de mes collègues du RDSE et moi-même la partageons.
Le principe d’une attention spécifique portée à Paris et sa région nous semblait, au départ, une bonne initiative. Conscients du potentiel économique d’une capitale, nous comprenons bien la nécessité de dynamiser celui-ci dans l’espoir d’un effet d’entraînement bénéfique pour le reste du pays.
Concentrant près de 30 % du produit intérieur brut national, l’Île-de-France joue un rôle moteur indéniable. Avec sept gares de TGV, deux grands aéroports, un axe fluvial majeur, la région francilienne dispose également d’une situation de carrefour exceptionnelle.
Tous ces atouts permettent à Paris de faire partie du club très fermé des quatre premières villes-monde, aux côtés de New York, Londres et Tokyo. Mais pour combien de temps encore ? Depuis quelques années, la ville est rattrapée par des capitales européennes de plus en plus attractives, comme Madrid ou Berlin, et par des agglomérations asiatiques à la croissance spectaculaire, comme Shanghai, Pékin ou Bombay.
Aujourd’hui, Paris accuse un retard de deux points de croissance par rapport aux autres capitales. Il était donc important de réagir afin de lui offrir de nouvelles capacités de développement.
Malheureusement, le projet de loi relatif au Grand Paris ne me semble pas en mesure de répondre à ce défi. Comme j’ai eu l’occasion de le dire, le 6 avril dernier, lors de la discussion générale, le texte appelle de nombreuses réserves, dont la plupart n’ont pas été levées par la commission mixte paritaire réunie la semaine dernière.
C’est regrettable, mais ce n’est pas étonnant au regard des conditions dans lesquelles le projet de loi a été élaboré, puis examiné.
Ainsi, souvenons-nous qu’en amont la consultation des élus franciliens a été réduite au strict minimum. Le maire et le Conseil de Paris n’ont eu que quelques semaines pour donner leur avis sur un projet de loi pourtant très important pour les Parisiens. Pour notre part, la procédure accélérée nous a privés d’un débat d’une durée à la hauteur des enjeux.
Il s’agit tout de même d’un texte engageant l’avenir d’une ville et de sa région sur vingt-cinq ou trente ans ! Projeter un chantier aussi pharaonique sans donner le temps de la concertation aux acteurs concernés et le temps de la réflexion aux parlementaires est déraisonnable. Nous sommes nombreux sur ces travées à avoir regretté cette méthode, et pas seulement du côté de l’opposition. Certains élus de votre majorité, monsieur le secrétaire d’État, n’ont pas caché leur malaise.
Il résulte de ce manque de temps un projet de loi imparfait. La commission spéciale, dont je salue le travail, a tenté de l’améliorer sur de nombreux aspects, sans toutefois parvenir à le rendre très convaincant. De plus, la plupart des amendements de l’opposition, avant tout motivés par le souci de rendre de la cohérence au projet du Grand Paris, ont connu un sort funeste.
À l’issue du processus législatif, nous obtenons donc un texte qui a toujours les mêmes défauts : il est autoritaire, aléatoire et incomplet. Le constat est sévère, chers collègues, mais il n’est que le reflet d’un travail au cours duquel, comme je le disais à l’instant, le dialogue a fait cruellement défaut.
Pourquoi un texte autoritaire ? Le 29 avril 2009, au Palais de Chaillot, le Président de la République avait évoqué un véritable partenariat avec les collectivités locales. Or, je le répète, la concertation n’a pas prévalu avec les élus locaux ni même d’ailleurs avec les architectes.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que vous écrivez dans votre livre Le Grand Paris du xxie siècle que « l’équilibre entre complexité et harmonie nécessitera tout le travail de nos architectes et urbanistes », alors que la lettre de mission du Président vous commandait d’intégrer les propositions des architectes pour le développement francilien, élaborées dans le cadre de la consultation internationale lancée par l’État avec le concours financier de la Ville de Paris, celles-ci ont été écartées.
On voit ainsi émerger un projet se résumant à la création d’une rocade de métro automatique et au développement du plateau de Saclay.
Pour mettre en œuvre cette ambition, vous avez choisi de créer la Société du Grand Paris et d’accorder une place prépondérante à l’État au sein de son conseil de surveillance, tenant ainsi à distance les élus franciliens, alors même que des pans entiers de leur territoire vont être bouleversés.
Vous avez fait le choix de reléguer le STIF au second plan, un organe pourtant compétent et légitime pour l’organisation des transports en Île-de-France. Vous avez en revanche créé les conditions permettant de lui faire supporter le coût de l’exploitation.
Tout cela irrite les élus franciliens, qui se sentent dépossédés des décisions, mais qui sont bien conscients de devoir en supporter les conséquences, notamment financières.
Le procédé est d’autant plus choquant que les élections régionales ont reconduit une majorité porteuse de propositions très attendues par les habitants de la région parisienne : la modernisation du RER, la « désaturation » de la ligne 13 du métro, le prolongement de la ligne EOLE sont quelques-unes des priorités dégagées par les élus et pour lesquelles les financements ont déjà été mobilisés. Avant tout, un important travail a été engagé par la région pour la création de l’Arc Express, point sur lequel la commission mixte paritaire est heureusement parvenue à un compromis.
Au regard des résultats obtenus par la liste qu’il a conduite, il semble que les Franciliens fassent confiance à la vision proposée par Jean-Paul Huchon pour leur région.
Le texte relatif au Grand Paris pose problème en termes de démocratie, en ce qu’il vient se superposer autoritairement à des projets en cours, et des projets légitimes. Mes chers collègues, au sein de l’organisation décentralisée de la République, la région parisienne est visiblement destinée à subir un régime d’exception que la commission mixte paritaire n’a pas réussi à atténuer. Le système de gouvernance du Grand Paris demeure problématique et fortement recentralisateur.
J’ai également qualifié ce texte d’aléatoire, car, à mes yeux, la question du financement n’est pas réglée.
Cet aspect, pourtant fondamental, reste très flou pour un projet qui nécessitera toute de même la coquette somme de 21 milliards d’euros d’investissements. Au cours des débats, nous attendions donc des réponses, des garanties.
Dans le contexte d’un endettement public préoccupant, est-il bien raisonnable de lancer ce projet, concurrent de projets déjà existants ? Le Gouvernement compte notamment sur la valorisation foncière et immobilière dégagée à terme aux abords des gares de la rocade. Tout cela est bien hasardeux, car cela suppose la réussite du projet. Or la crise économique s’installe, hélas ! durablement. La prévision de 60 000 emplois qui, selon vous, devraient être créés grâce à la valorisation de la rocade et du plateau de Saclay, soit le double du nombre actuel de création de postes, me paraît bien optimiste, pour ne pas dire surréaliste.
Enfin, j’ai parlé d’un texte incomplet.
Le discours du Palais de Chaillot proposait de jeter les bases d’une véritable dynamique métropolitaine, ouverte, durable, solidaire. Pourtant, à ce stade, rien n’est prévu pour garantir la qualité de vie dans les futurs quartiers.
La dimension environnementale, pratiquement inexistante dans le projet initial, a été ajoutée au cours des débats, au détour de quelques articles mentionnant le développement durable. Soit ! La protection d’une zone naturelle à usage agricole sur le plateau de Saclay a été actée. Mais tout cela demeure bien faible au regard de l’urgence écologique.
S’agissant du volet relatif au logement, là aussi la déception est grande. Si le Sénat a ajouté, à l’article 1er, sur proposition de la commission spéciale, un objectif de production de 70 000 logements, rien n’est prévu pour réduire la fracture sociale. Ce n’est pas le préfet qui résoudra, à lui tout seul, le problème du manque de logements en Île-de-France !
Au bout du compte, ce texte reflète une vision parcellaire de la métropole de demain, très éloignée des objectifs de l’après-Kyoto et de la nécessaire solidarité territoriale.
Mes chers collègues, de nombreux outils existaient déjà pour développer la métropole parisienne. Paris Métropole avait ouvert la voie à une ambition fondée sur le dialogue avec les élus, les Franciliens et tous les acteurs publics et économiques soucieux de conserver à leur agglomération le titre de ville-monde. Le projet de loi a le grand défaut de balayer tout ce travail et de ne pas s’articuler avec l’existant.
Si quelques amendements adoptés par le Sénat ont rétabli, ici et là, un peu de cohérence, le texte définitif ne laisse pas entrevoir la possibilité d’un projet véritablement structurant. La plupart des radicaux de gauche et la grande majorité des membres du RDSE n’approuveront pas les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission spéciale, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte est emblématique d’un fort volontarisme politique en matière d’aménagement du territoire et de développement économique. Il renoue avec une tradition française qui place l’État au cœur de la réalisation des grands projets structurants de dimension nationale.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Jacques Gautier. Ce volontarisme, c’est celui du Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui s’est personnellement investi dans ce projet d’envergure, et vous a confié, monsieur le secrétaire d’État, la difficile mission de faire de l’agglomération parisienne une ville-monde attractive, à l’avant-garde de l’innovation et du développement durable, au sein d’une compétition internationale de plus en plus dure, tout en améliorant la qualité de vie des habitants de la région-capitale.
Le défi est énorme, non seulement pour Paris, mais aussi pour notre pays, et nous devons le relever ensemble.
Ce projet, qui dessine ce que sera notre métropole dans quinze ans, témoigne d’une véritable ambition, porteuse d’avenir, qui profitera à la nation tout entière.
En effet, le Grand Paris est un projet d’intérêt général, qui n’oppose pas la droite à la gauche, l’Île-de-France aux autres régions. C’est un projet urbain global, nécessaire à la France, conçu en lien étroit avec le pays.
Monsieur le secrétaire d’État, certains n’ont voulu voir dans votre texte qu’un projet de réseau de transport automatique ou d’aménagement du plateau de Saclay. Or vous nous avez proposé une véritable « boîte à outils », qui nous permettra de définir et de réaliser, ensemble, une quarantaine de gares et, autour d’elles, des pôles de développement économique comportant des logements, des services publics et des activités, cela grâce aux « contrats de développement territorial », instruments novateurs qui sont au cœur du partenariat entre l’aménageur, la Société du Grand Paris, ou SGP, et les collectivités territoriales concernées.
Ce texte a été amélioré grâce au travail effectué au Sénat, notamment par le rapporteur Jean-Pierre Fourcade, auquel je tiens à rendre hommage.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Jacques Gautier. Son engagement, son expérience, sa compétence et son sens du dialogue, associés à la sérénité constructive du président Emorine,…
M. Adrien Gouteyron. Bravo !
M. Jacques Gautier. … ont permis de porter ce projet devant la Haute Assemblée, qui ne manque ni de talents ni de technicité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Parmi les améliorations apportées, je veux souligner, plus particulièrement, la réécriture de l’article 1er et l’affirmation d’un financement clair et viable, porté par l’État et par une gouvernance efficace.
Grâce au Sénat, les élus locaux, les collectivités territoriales ainsi que les populations concernées seront mieux associés au projet de réseau de transport. L’entrée de deux nouveaux maires au sein du conseil d’administration de l’établissement public de Paris-Saclay, rappelée par M. le rapporteur, en est l’illustration. Le texte retenu par la commission mixte paritaire conforte notre volonté.
M. Laurent Béteille. Très bien !
M. Jacques Gautier. Je veux citer, également, la consultation de l’Association des maires de l’Île-de-France, l’AMIF, sur le futur schéma d’ensemble du Grand Paris, et souhaite, à mon tour, rendre un hommage appuyé à son président, M. Claude Pernes, qui vient de nous quitter prématurément. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
Grâce aux contrats de développement territorial et au périmètre d’intervention retenu pour la Société du Grand Paris, les opérations d’aménagement seront cohérentes. En cas de désaccord avec la commune, la SGP sera bien obligée de négocier : un projet non souhaité par les populations ne verra donc pas le jour.
S’agissant de la spéculation immobilière que ce projet pourrait éventuellement favoriser, la nouvelle taxe jouera un rôle largement modérateur. (Mme Nicole Bricq s’exclame.) L’ensemble du dispositif me paraît donc rationnel.
Nous avons tous souhaité insister sur la nécessité d’articuler le futur réseau avec les réseaux existants de métro, de bus, de train, de lignes à grande vitesse. Cette exigence a été prise en compte, et il faut s’en féliciter : une cohérence a ainsi été établie entre le présent et l’avenir.
La commission mixte paritaire a trouvé un accord de bon sens sur les projets Arc Express et Charles-de-Gaulle Express. Ce dernier projet pourra voir le jour, sans subvention de l’État, mais sous la forme d’une délégation de service public, ce qui permettra d’éviter d’alourdir la facture de l’État.
Le lancement du débat public conjoint sur la « double boucle » et sur Arc Express est une réponse pragmatique qui devrait rassurer tous les acteurs concernés. Nous aurons ainsi une vue d’ensemble cohérente.
Je ne parlerai pas des autres aspects du développement du cœur de la région-capitale, en matière de recherche, d’innovation, d’emploi, de logement, d’environnement ou de création architecturale. Le potentiel de ce projet ouvre des perspectives exceptionnelles, et ne demande qu’à être exploité. Ainsi, la création de l’établissement public de Paris-Saclay fera émerger un pôle technologique et scientifique de premier rang en matière de recherche, d’enseignement, de développement et d’innovation.
Oui, mes chers collègues, l’État a pris ses responsabilités et toute sa place dans ce projet ! Non, il n’a pas « bafoué la démocratie locale » ou la décentralisation ! On ne peut pas faire le procès de ce texte, alors même que l’État investit plus de 20 milliards d’euros dans les transports franciliens de demain et qu’il propose, au travers d’une contractualisation avec les collectivités, de favoriser leur développement.
Mais l’État n’oublie pas le quotidien : il va préparer très rapidement, en concertation avec la région et les collectivités territoriales, le prochain contrat de projets, auquel il participera financièrement. Nous pourrons ainsi apporter, tous ensemble, des réponses concrètes aux problèmes que rencontrent chaque jour les Franciliens, notamment dans le domaine des transports.
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Très bien !
M. Jacques Gautier. Ce texte majeur est la première étape d’un projet d’ensemble qui doit permettre de conforter la place éminente de la région-capitale dans la compétition internationale, non pas pour la gloriole, mais pour améliorer son attractivité, son potentiel, ses emplois et la vie de nos concitoyens. Car c’est à eux que nous devons penser avant tout ! Cet objectif, que nous a fixé le Président de la République, est un enjeu national. C’est pourquoi le groupe UMP votera avec conviction ce texte d’avenir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que la commission mixte paritaire soit parvenue à élaborer ce texte de compromis, qui ouvre la voie à une mise en œuvre rapide d’une loi très importante pour notre région et pour notre pays.
Ce projet de loi est aussi très important pour les Franciliens, pour lesquels la question des transports représente une préoccupation majeure.
Ce texte apporte la réponse adéquate aux problèmes actuels, une réponse à la hauteur des défis considérables que la région doit relever si elle veut rester dans le peloton de tête des villes-mondes en matière d’attractivité internationale.
Il s’agit d’un projet d’avenir, inspiré par le Président de la République, qui permet d’imaginer la région-capitale de demain, au service de la France. C’est une chance historique que nous ne pouvons pas et que nous ne devons pas laisser passer.
La construction du Grand Paris est emblématique de notre volonté de renforcer le pouvoir d’attraction de la France et de l’Île-de-France, en vue de favoriser la création des emplois de demain. C’est une opération majeure d’aménagement et de développement du territoire, que nous réaliserons au nom de la réussite et du rayonnement de la France, dans un difficile contexte de compétition internationale ; cette compétition, n’en doutons pas, laissera sur le bord du chemin les pays et les régions qui n’auront pas su prendre à temps les bonnes décisions.
Nous refusons d’accepter avec une douce résignation de voir cette région perdre des points chaque année face à la concurrence, parce que nous savons que, au bout du compte, c’est l’ensemble du pays qui en paiera, un jour, le prix.
Il fallait donc que notre pays se dote des outils nécessaires pour répondre à cette ambition. C’est aujourd’hui chose faite, et nous vous apportons, monsieur le secrétaire d’État, notre soutien plein et entier.
Je souhaite aborder un point qui, on le comprendra aisément, m’intéresse particulièrement : le développement de l’est parisien et le nécessaire rééquilibrage avec l’ouest de la région.
Les emplois sont toujours plus à l’Ouest, et les logements à l’Est ! Telle est, pour une bonne part, l’origine des problèmes de transport que nous connaissons. Des zones résidentielles importantes ont certes été créées, mais elles sont très peu et très mal desservies, par un réseau de transport vétuste et obsolète. Ainsi se pose le problème lancinant de la ligne A du RER, mais nous pourrions décliner la suite de l’alphabet…
De manière générale, chacun s’accorde à dénoncer l’obsolescence des transports en région parisienne. Avec plus d’un million de voyageurs transportés par jour, la ligne A du RER est aujourd’hui la plus saturée et la plus encombrée d’Europe. Cette situation est devenue insupportable pour des millions de personnes. Il était temps d’entendre l’exaspération de nos concitoyens !
Nous soutenons donc le projet d’un métro de grande capacité et à grande vitesse, qui permettra d’élargir considérablement le réseau, mais à condition que l’on ne sacrifie pas les urgences de court terme, c’est-à-dire l’entretien et l’amélioration du réseau existant.
Comme je l’ai déjà dit lors de la première lecture, il est capital de conjuguer les investissements prévus dans le projet de loi avec ceux qui permettront de rénover le plus rapidement possible le réseau existant et le matériel roulant. Il faut faire coexister le système moderne et très performant prévu par le projet du Gouvernement avec l’actuel réseau vieillissant de RER. Ce projet n’a de sens, selon nous, que s’il s’intègre parfaitement au réseau existant.
C’est pourquoi j’ai souhaité, avec nombre de mes collègues de l’Île-de-France, en particulier de l’est parisien, qu’il soit précisé dans le texte que le financement du nouveau réseau par l’État sera indépendant de sa contribution aux contrats de projets conclus avec la région d’Île-de-France, pour permettre la création, l’amélioration et la modernisation des réseaux existants de transport public. Ces mesures doivent permettre de renforcer en priorité la qualité du service rendu par les réseaux de transport public, en particulier dans le cœur de l’agglomération parisienne, en termes de sécurité, de fréquence et de ponctualité.
En outre, je note avec une grande satisfaction que le projet du Gouvernement comporte la desserte de l’aéroport d’Orly par le métro automatique. Nous devons nous en réjouir ! Rappelons qu’aucune ligne directe de transport en commun ne relie actuellement à la capitale cet aéroport situé à sept kilomètres de Paris, qui accueille vingt millions de passagers par an. Au mieux, c’est une anomalie ; au pire, un scandale !
La zone Orly-Rungis jouxte le plateau de Saclay, qui, avec ses très nombreux chercheurs et ses entreprises grandes et moyennes, est une pièce très importante du dispositif. L’ensemble Orly-Rungis-Saclay compte 90 000 emplois et constitue l’équivalent, à l’est de Paris, de ce que représente La Défense à l’ouest. Ce fait est trop rarement relevé pour que je ne le souligne pas ici !
L’un des mérites du Grand Paris et de ce nouveau réseau de transport sera donc de rééquilibrer l’est et l’ouest de la région en termes de création d’emplois et d’activités. Pour mener à bien ce projet ambitieux, la Société du Grand Paris disposera des moyens d’agir et pourra avoir recours à des procédures simplifiées, mais en passant des contrats de développement avec les collectivités, dans le cadre d’un partenariat gagnant-gagnant. Un tel projet ne peut en effet réussir qu’avec les maires et les élus locaux, et non pas contre eux.
Mme Nicole Bricq. Nous sommes bien d’accord !
M. Christian Cambon. Nous sommes convaincus, pour nombre d’entre nous, que le contrat de développement territorial est une innovation juridique majeure, qui permettra un dialogue équilibré entre les maires et l’État, dans lequel les maires auront le dernier mot s’agissant de l’urbanisation de leur territoire, ce qui est somme toute la moindre des choses ! Ils bénéficient en effet de la confiance de la population, et savent mieux que personne ce qui est supportable pour celle-ci et ce qui ne l’est pas. On ne peut donc pas parler de violation de la démocratie locale ou de recentralisation rampante.
Un autre point nous semble d’une importance majeure : le maillage territorial. Sur notre initiative, le projet de loi a confié à l’établissement public Société du Grand Paris la compétence de veiller au développement, autour des futures gares du métro automatique, d’un réseau de transport de surface s’appuyant essentiellement sur les lignes d’autobus pour mettre en place un maillage particulièrement fin de l’ensemble du territoire, sachant qu’il y aura désormais à la fois des radiales et des rocades. Il était en effet absurde de construire des gares sans prévoir un maillage de l’offre de transport de surface.
Nous avions donc une triple préoccupation : conjuguer le nouvel investissement avec ceux qui sont indispensables à l’amélioration du réseau actuel, assurer le développement de l’est parisien et veiller au maillage territorial autour des nouvelles gares. Nous constatons avec satisfaction que le présent projet de loi la prend en compte.
En conclusion, je voudrais à mon tour féliciter M. Jean-Pierre Fourcade de l’excellence et de l’ampleur du travail accompli. Ayant eu l’honneur de travailler sous son autorité pendant de longues années, je n’en attendais pas moins de lui. Je souhaite lui rendre un hommage appuyé. De la même manière, les apports de la commission spéciale, présidée avec une grande compétence par Jean-Paul Emorine, sont considérables. Ils ont permis d’améliorer très substantiellement le texte.
Enfin, le compromis permettant de prendre en compte à la fois le projet de l’État et le projet Arc Express de la région constitue un signal fort. Nous espérons tous, dans cette enceinte, que l’ensemble des acteurs concernés pourront se réunir autour d’un projet ambitieux de développement de la région d’Île-de-France.
Mes chers collègues, il est plus que temps de passer à l’action. Un trop grand nombre d’années se sont écoulées depuis la mise en place des lignes du RER, d’Eole, puis de Meteor. Nos concitoyens franciliens, fatigués par leurs conditions de transport, et au-delà le pays tout entier, ont besoin que notre région dispose d’un équipement à la hauteur de celui des autres grandes capitales du monde.
Monsieur le secrétaire d'État, nous soutenons votre projet avec espoir et conviction. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le secrétaire d'État, au terme de nos travaux sur le projet de loi relatif au Grand Paris, force est de constater que votre vision du plateau de Saclay reste inchangée. Votre projet ne prend pas en compte les réalités locales, les besoins des populations, les propositions formulées par les élus. La plupart des amendements que nous avons déposés ont été rejetés.
De nombreuses inquiétudes persistent donc sur l’avenir du plateau de Saclay, alors que, depuis maintenant une quarantaine d’années, ce dernier fait l’objet de l’attention des pouvoirs publics, qui souhaitent en faire un cluster scientifique.
Plusieurs grandes écoles s’y sont implantées, rejointes par l’université Paris-Sud 11, des organismes nationaux de recherche et des entreprises appartenant à de grands groupes. Le projet pour le plateau de Saclay, érigé en technopole, ne traduit cependant pas l’ambition initiale de favoriser les synergies et les coopérations entre les diverses entités déjà installées.
Pourtant, des dispositifs de soutien aux différentes activités ont été superposés, notamment depuis les années 2000 : réseaux thématiques de recherche avancée, pôles de recherche et d’enseignement supérieur, opération d’intérêt national, plan Campus et, plus récemment, le grand emprunt.
Aujourd’hui, le Gouvernement propose d’ajouter à ces dispositifs un établissement public aux compétences très étendues, dépassant le cadre traditionnel de celles d’un aménageur. En effet, il aura pour mission de mettre en synergie les différents acteurs du plateau selon une vision économique, y compris en intervenant dans les choix d’orientation scientifique et de recherche.
Cet intérêt des pouvoirs publics pour le plateau de Saclay est compréhensible, eu égard au potentiel unique de celui-ci. Cependant, le projet du Gouvernement est-il de nature à répondre aux forts enjeux, non seulement scientifiques et économiques, mais également urbains, sociaux ou environnementaux, liés à l’aménagement du plateau ? Nombre d’élus, de chercheurs, d’enseignants, de salariés, d’associations et de citoyens pensent le contraire.
S’agissant tout d’abord des enjeux scientifiques, technologiques et économiques, la priorité consiste selon nous à repenser la coopération dans ces domaines en associant les différents acteurs concernés. Or le Gouvernement, s’appuyant sur le modèle de la Silicon Valley, qui nous semble aujourd’hui dépassé, de concentration d’établissements, propose que cette coopération soit pilotée par un établissement public, de façon technocratique. Le modèle et la méthode retenus s’avèrent à nos yeux inadaptés aussi bien au territoire concerné qu’à notre époque, caractérisée par des moyens de communication modernes et rapides.
L’objectif du Gouvernement n’est donc pas celui, affiché, de créer des synergies entre les différents acteurs du plateau. Il s’agit, en fait, de créer un pôle de formation des élites et de compétitivité économique, avec, en toile de fond, la déconstruction du service public de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Ce mouvement est déjà amorcé, notamment avec le projet de déménagement des laboratoires de recherche de l’université Paris-Sud 11 sur le plateau, les étudiants des premiers cycles restant eux dans la vallée, où les locaux sont vétustes. Ces laboratoires de recherche rejoindront ainsi les grandes écoles, regroupées par ailleurs dans la structure ParisTech. Mais surtout, ils seront à disposition des grands groupes et des entreprises privées et, de fait, soumis aux orientations d’un établissement public, subordonnées à des projets à court terme et à visée purement économique. L’université se trouvera, quant à elle, cantonnée à un rôle subalterne de formation de masse, et le lien entre enseignement supérieur et recherche sera définitivement rompu.
Ce projet inquiète non seulement les enseignants-chercheurs de l’université Paris-Sud 11, qui y voient la fin de leur université, mais également les salariés des entreprises industrielles, déjà victimes de délocalisations dans le secteur de la recherche et du développement.
Par la suite, le plateau de Saclay, pôle de compétitivité, accueillera tout naturellement une gare du futur métro automatique. Mais ce choix correspond-il aux enjeux urbains, sociaux, environnementaux ou relatifs aux transports ? Là encore, la réponse ne peut être que négative. Tout indique que l’urbanisation du plateau sera « pensée » à partir de cette gare. Dans ces conditions, elle dépendra inévitablement d’intérêts marchands, au lieu d’être articulée autour d’un schéma territorial cohérent prenant en compte l’ensemble des besoins des populations habitant et travaillant sur le plateau.
Ces décisions s’imposeront aux élus et aux populations. Elles favoriseront la spéculation immobilière dans les zones aménagées autour de la nouvelle gare, cette spéculation étant d’ailleurs l’une des sources de financement que vous envisagez, monsieur le secrétaire d'État, pour la desserte du plateau de Saclay comme pour l’ensemble de votre projet.
Les conséquences de la création de ce métro automatique seront lourdes. Non seulement la spéculation foncière qu’engendrera sa réalisation rendra inaccessibles aux familles modestes les logements autour des gares, mais elle reportera de surcroît, voire neutralisera, les projets d’amélioration des réseaux de transport existants, alors qu’il manque 5 milliards d’euros pour moderniser les lignes B et C du RER, aujourd’hui saturées, et qu’il faudrait renforcer les dessertes locales du plateau.
Il est vrai, le plateau de Saclay dispose d’un fort potentiel dans les domaines de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’innovation, qui ne peut cependant être valorisé si la recherche est soumise à des intérêts financiers privés. Les enjeux sont multiples et interdépendants. La coopération scientifique et économique ne peut être repensée sans prise en compte des questions d’urbanisation, des moyens de transports à disposition des habitants et des salariés et de la dimension environnementale propre à ce territoire. Une urbanisation non maîtrisée menacera la richesse agricole et le réseau hydrographique du plateau. L’adoption de quelques amendements relatifs à ces sujets par le Sénat, dont deux avaient été déposés par mon groupe, ne suffit pas à nous rassurer définitivement sur l’avenir environnemental du plateau.
Monsieur le secrétaire d'État, pour toutes ces raisons, nous ne pouvons approuver votre projet relatif au plateau de Saclay. Votre vision nous semble dépassée. Le mode de gouvernance proposé assure la prédominance de l’État, en dépossédant l’ensemble des partenaires locaux : élus, habitants, chercheurs, salariés, syndicats ou associations. Ce projet ignore les besoins actuels des populations qui vivent et travaillent sur ce territoire. Les membres du groupe CRC-SPG s’y opposent donc sans ambiguïté et voteront contre les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les déséquilibres sociaux et territoriaux constituent de réels freins à la croissance de la région d’Île-de-France. Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire ne permet pas de penser qu’ils seront facilement résorbés.
Pourtant, depuis plusieurs années, les collectivités territoriales franciliennes sont porteuses de projets structurants pour leurs territoires en termes d’emploi, de logement et de transport. C’est le cas, en particulier, du département du Val-de-Marne, dont l’ensemble des élus, toutes tendances politiques confondues, soutiennent depuis 2006 le projet de création de la rocade de métro automatique Orbival, ayant vocation à s’insérer dans le projet Arc Express de la région d’Île-de-France.
La réalisation du projet Orbival est indispensable pour offrir des conditions de déplacement acceptables aux Val-de-Marnais, ainsi que pour mettre fin à la saturation de l’ensemble des lignes radiales de transport lourd de la région d’Île-de-France. Elle est également incontournable pour assurer des liaisons avec les autres banlieues, tant de petite que de grande couronne.
Un consensus politique très fort se dégage dans le Val-de-Marne autour du projet Orbival, puisque tous les élus et maires concernés en sont parties prenantes. Il a recueilli l’approbation de très nombreux acteurs économiques, associatifs et du monde universitaire et de la recherche. Il bénéficie également d’un très fort soutien populaire. La Ville de Paris, le conseil général de la Seine-Saint-Denis et plusieurs villes d’autres départements, tels que les Hauts-de-Seine, adhèrent aussi à ce projet qui, rappelons-le, fait partie intégrante du projet Arc Express porté par la région d’Île-de-France.
Grâce à l’inscription de crédits au contrat de projets État-région 2007-2013 pour la liaison Arc Express, ce projet de rocade a débouché sur l’adoption à l’unanimité par le conseil d’administration du STIF du dossier de saisine de la Commission nationale du débat public, la CNDP. Cette dernière a validé, lors de sa séance du 7 avril 2010, le dossier du débat réalisé par le STIF, qu’elle a considéré comme suffisamment complet pour que le débat public soit engagé.
Ces quelques rappels chronologiques montrent à quel point toutes les conditions étaient réunies pour l’organisation dans les meilleurs délais possibles du débat public sur les liaisons Arc Express et Orbival.
Dans ce contexte, l’adoption par la majorité sénatoriale d’un amendement déposé par M. Pozzo di Borgo lors de l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris fut vécue par de nombreux élus du Val-de-Marne comme un mauvais coup asséné au projet Orbival. Intégré au projet Arc Express, Orbival devenait la victime collatérale d’une attaque frontale portée par la majorité sénatoriale à la région d’Île-de-France et à son projet Arc Express. Ce vote revenait à une annulation du débat public sur les projets Arc Express et Orbival et débouchait sur de longs mois de retard dans la perspective de la construction de la rocade de métro automatique en proche couronne. Or l’expérience prouve que les retards pris en matière d’infrastructures de transport sont difficilement rattrapables.
De plus, contrairement au réseau du Grand Paris, ces deux projets prévoient une liaison fine et rapide entre les villes de la banlieue parisienne, répondant ainsi à un besoin urgent et constituant un puissant outil de rééquilibrage entre l’est et l’ouest francilien. La distance entre deux stations pourra faire l’objet d’un débat intéressant.
Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, nous avons proposé, au nom du groupe socialiste du Sénat, de supprimer la disposition intégrée dans le projet de loi du fait de l’adoption de l’amendement précité. Cela nous semblait indispensable afin de ne pas retarder le débat public sur les projets Arc Express et Orbival. Les Franciliens n’admettraient pas que de nouveaux retards puissent être pris du fait d’oppositions stériles et incompréhensibles à leurs yeux. Comment expliquer aux usagers qui, quotidiennement, sont confrontés à des difficultés de déplacement, que ce débat public soit reporté, alors que leurs besoins en matière de transports de banlieue à banlieue sont si grands et leurs attentes si fortes ?
Afin de réduire les difficultés qui auraient pu apparaître lors du débat public sur le réseau de transport du Grand Paris – on n’aurait pu s’empêcher de le comparer au projet Arc Express –, notre collègue député M. Albarello et M. Fourcade ont suggéré que les deux projets soient présentés au cours du même débat public.
Cette solution permettrait la poursuite de la procédure de débat public sur le projet Arc Express. L’expertise technique sur le réseau de transport en double boucle du Grand Paris est loin d’être achevée, alors que le débat public sur le projet Arc Express peut être lancé dès à présent. Vous liez les destins des deux projets en soumettant ces derniers à un débat public commun, alors même que vous reconnaissez l’existence d’une différence de nature entre eux. Il paraît dès lors indispensable que les deux projets soient présentés à égalité dans le cadre du débat public commun et que les points de rapprochement possibles entre le projet Arc Express et le réseau de transport du Grand Paris soient recherchés.
En effet, on ne voit pas pourquoi on présenterait les deux projets dans le cadre d’un même débat public sans avoir la volonté de les rapprocher.
Ainsi, le métro automatique en double boucle du Grand Paris pourra bénéficier des projets Orbival et Arc Express, ainsi que de l’ensemble du plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France.
Les projets Orbival et Arc Express et le plan de mobilisation pour les transports en Île-de-France ont en effet été le fruit d’une longue concertation avec tous les acteurs concernés, comme vient de le rappeler M. Bernard Vera. C’est par cette méthode que sera respecté le travail des élus locaux, en lien direct avec les besoins des populations. Le syndicat mixte d’études Paris-Métropole, mis en place par M. Bertrand Delanoë et aujourd’hui présidé par notre collègue député Jean-Yves Le Bouillonnec, s’inscrit précisément dans cette logique de concertation et de partenariat entre les collectivités de la métropole francilienne. Recenser les besoins et mutualiser les investissements pour corriger les inégalités sociales et territoriales en matière de logement, de transport, d’emploi et d’environnement, voilà la méthode que nous souhaitons voir appliquer pour un projet aussi vaste et structurant que celui de l’émergence d’une métropole post-Kyoto !
Nous espérons qu’à l’issue de ce processus parlementaire, la priorité du Gouvernement sera la nécessaire correction des inégalités, encore prégnantes, entre l’est et l’ouest franciliens.
L’État crée, sur le plateau de Saclay, un pôle dédié à la recherche et à l’innovation. Le projet est louable, mais on assiste de nouveau à une concentration des moyens sur quelques sites privilégiés, ignorant toute forme de partenariat, notamment avec l’université Paris-Est.
Au final, ce texte ne permet pas de réduire suffisamment les inégalités entre l’Est et l’Ouest. C’est d’autant plus regrettable que cette question est précisément au centre des préoccupations du SDRIF, élaboré par la région d’Île-de-France. Le Gouvernement doit cesser d’en bloquer la mise en œuvre et transmettre le SDRIF au Conseil d’État.
À l’issue de nos travaux, nous ne pouvons qu’éprouver une profonde déception. Il était question de concevoir une ville-monde, une ville à vivre, une ville-prototype pour les générations futures, permettant de concilier les impératifs environnementaux avec les nécessités liées au travail et aux loisirs de ses habitants.
Or l’objet du texte issu des travaux de la CMP se résume pour l’essentiel à la construction d’un métro automatique souterrain en double boucle et à la création d’un établissement public sur le plateau de Saclay. Il s’agit d’un projet de loi autoritaire et recentralisateur, qui intervient dans un contexte de défiance, voire d’hostilité, de l’État à l’égard des collectivités territoriales, des communes, des départements et surtout de la région d’Île-de-France.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez annoncé, lors des débats qui se sont tenus dans cet hémicycle en avril dernier, vouloir commencer les travaux de la double boucle de métro automatique par le Sud-Est, en tenant ainsi compte du travail déjà effectué par le Val-de-Marne et en permettant, par là même, d’inclure le développement de Marne-la-Vallée dans la boucle reliant, par le Sud-Est, Orly à Roissy.
Je ne doute pas que les futurs responsables de la Société du Grand Paris visiteront, à compter du 1er juin prochain, au Mac Val, le musée d’art contemporain du Val-de-Marne, l’exposition, organisée par le département, intitulée « Orbival, un métro pour la banlieue », où vont s’exprimer sept équipes d’architectes en imaginant la station de métro en Val-de-Marne. Ils pourront ainsi s’imprégner davantage des réalités territoriales auxquelles les élus locaux sont confrontés.
La volonté de rapprochement des deux projets de transport dans le cadre d’un débat public commun est sûrement un des éléments de la prise en compte de l’expertise des élus sur le terrain et des besoins des populations.
J’ai pris bonne note de la volonté de notre rapporteur de mettre en place le plus rapidement possible le débat public, dans un esprit de coopération, ainsi que de votre engagement, monsieur le secrétaire d’État, concernant le calendrier. J’espère que vous continuerez dans cette voie, en particulier au travers de l’élaboration des contrats de développement territorial. Ainsi, les banlieues Est et Nord pourront donner une traduction concrète à leur volonté de réussir leur développement, pour le bien de leurs habitants et de l’Île-de-France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
Je rappelle que, en application de l’article 42, alinéa 12, du règlement, lorsqu’il examine après l’Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur l’ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :
projet de loi relatif au grand paris
Article 1er
Le Grand Paris est un projet urbain, social et économique d’intérêt national qui unit les grands territoires stratégiques de la région d’Île-de-France, au premier rang desquels Paris et le cœur de l’agglomération parisienne, et promeut le développement économique durable, solidaire et créateur d’emplois de la région capitale. Il vise à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux au bénéfice de l’ensemble du territoire national. Les collectivités territoriales et les citoyens sont associés à l’élaboration et à la réalisation de ce projet.
Ce projet s’appuie sur la création d’un réseau de transport public de voyageurs dont le financement des infrastructures est assuré par l’État.
Ce réseau s’articule autour de contrats de développement territorial définis et réalisés conjointement par l’État, les communes et leurs groupements. Ces contrats participent à l’objectif de construire chaque année 70 000 logements géographiquement et socialement adaptés en Île-de-France et contribuent à la maîtrise de l’étalement urbain.
Le projet du Grand Paris favorise également la recherche, l’innovation et la valorisation industrielle au moyen de pôles de compétitivité et du pôle scientifique et technologique du Plateau de Saclay dont l’espace agricole est préservé.
Ce projet intègre un objectif de croissance économique afin de soutenir la concurrence des autres métropoles mondiales.
Le réseau de transport du Grand Paris est étroitement interconnecté avec le réseau préexistant en Île-de-France. Il s’inscrit dans le maillage du réseau ferroviaire, fluvial et routier national afin de réduire les déséquilibres territoriaux. Il doit permettre des liaisons plus rapides et plus fiables avec chacune des régions de la France continentale et éviter les engorgements que constituent les transits par la région d’Île-de-France.
TITRE IER
ÉLABORATION ET OUTILS DE MISE EN OEUVRE DU RÉSEAU DE TRANSPORT PUBLIC DU GRAND PARIS
Article 2
I. - Le réseau de transport public du Grand Paris est constitué des infrastructures affectées au transport public urbain de voyageurs, au moyen d’un métro automatique de grande capacité en rocade qui, en participant au désenclavement de certains territoires, relie le centre de l’agglomération parisienne, les principaux pôles urbains, scientifiques, technologiques, économiques, sportifs et culturels de la région d’Île-de-France, le réseau ferroviaire à grande vitesse et les aéroports internationaux, et qui contribue à l’objectif de développement d’intérêt national fixé par l’article 1er.
Le financement par l’État de ce nouveau réseau de transport est indépendant de sa contribution aux contrats de projets conclus avec la région d’Île-de-France permettant la création, l’amélioration et la modernisation des réseaux de transport public. Ces mesures permettent de renforcer en priorité la qualité du service rendu par les réseaux de transport public, en particulier dans le cœur de l’agglomération parisienne, notamment en termes de sécurité, de fréquence et de ponctualité. La réalisation de ce nouveau réseau de transport est coordonnée avec les mesures de création, d’amélioration et de modernisation du réseau existant en Île-de-France.
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2013, un rapport évaluant l’état d’application de la loi n° .… du …. relative au Grand Paris. Il fait notamment mention des capitaux nécessaires à la finalisation du projet de réseau de transport public du Grand Paris.
II. - Le schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris, respectueux des enjeux liés au développement durable, en décrit les principales caractéristiques et mentionne :
- les prévisions en matière de niveau de service, d’accessibilité, de mode d’exploitation, de tracé et de position des gares ;
- les possibilités de connexion au réseau ferroviaire à grande vitesse qui comprend notamment la ligne reliant Paris aux régions Haute-Normandie et Basse-Normandie ;
- les possibilités de connexion aux autres réseaux de transport public urbain en Île-de-France à la date d’élaboration du schéma d’ensemble ;
- les possibilités de raccordement par ligne à grande vitesse de la liaison par train à grande vitesse Roissy Charles-de-Gaulle – Chessy Marne-la-Vallée, prolongée jusqu’à l’aéroport d’Orly ;
- l’offre de transport public complémentaire du nouveau réseau disponible à partir de ses gares ;
- la prise en compte de l’intermodalité, de sorte que, sans préjudice des compétences du Syndicat des transports d’Île-de-France ainsi que de celles des collectivités territoriales concernées, soient indiquées les dispositions à prendre en compte afin de permettre le développement d’une offre tarifaire combinant le transport public et le stationnement des véhicules légers autour des gares.
Les infrastructures du réseau du Grand Paris intègrent des dispositifs destinés à permettre le déploiement d’un réseau de communication électronique à très haut débit.
Le schéma d’ensemble est approuvé par un décret en Conseil d’État auquel est annexée la déclaration prévue par le 2° du I de l’article L. 122-10 du code de l’environnement.
À compter de leur approbation respective, la compatibilité entre le schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris et le plan de déplacements urbains de la région d’Île-de-France est assurée dans les conditions de l’article 28-4 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs.
III. - La mise en place d’un réseau à haut niveau de performance prioritairement affecté au fret ferroviaire entre les grands ports maritimes du Havre et de Rouen, qui constituent la façade maritime du Grand Paris, et le port de Paris est un objectif d’intérêt national.
Au plus tard douze mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en place de ce réseau.
Ce rapport présente également les possibilités de construire de nouvelles installations portuaires le long de la Seine afin de permettre une meilleure desserte du Grand Paris.
IV. - Sans préjudice des indemnités qui viendraient, le cas échéant, à être dues au délégataire au titre des stipulations du contrat de délégation de service public, rédigées dans le respect des principes généraux du droit applicables à ces contrats, la construction de la liaison ferroviaire express directe dédiée au transport des voyageurs entre l’aéroport de Roissy – Charles-de-Gaulle et Paris, prévue par le paragraphe V de l’article 22 de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports, ne donne lieu à aucune subvention de l’État.
Article 2 bis
(Suppression maintenue)
Article 3
I. - Le schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris visé au II de l’article 2 est établi après avis des collectivités territoriales et de leurs établissements publics de coopération intercommunale, s’ils sont compétents en matière d’urbanisme ou d’aménagement, de l’association des maires d’Île-de-France, du syndicat mixte « Paris-Métropole », du Syndicat des transports d’Île-de-France et de l’atelier international du Grand Paris.
Le public est également associé au processus d’élaboration de ce schéma. À cette fin, un débat public est organisé par la Commission nationale du débat public, conformément au présent article. Ce débat est lancé dans un délai de quatre mois suivant la promulgation de la loi n° du relative au Grand Paris. La Commission nationale du débat public (CNDP) met en place une commission particulière dont le nombre des membres ne peut être supérieur à douze. L’établissement public « Société du Grand Paris » assume la charge matérielle et financière du débat, à l’exception du coût des expertises complémentaires, à la charge de la CNDP qui peut en demander le remboursement à cet établissement public.
Le débat public porte sur l’opportunité, les objectifs et les principales caractéristiques du projet de réseau de transport public du Grand Paris.
II. - Le dossier destiné au public est établi par l’établissement public « Société du Grand Paris ». Il comporte tous les éléments nécessaires à l’information du public, notamment :
- les objectifs et les principales caractéristiques du projet de réseau de transport public du Grand Paris définies au II de l’article 2 de la présente loi ;
- l’exposé des enjeux socio-économiques, y compris au regard du rayonnement international de la région d’Île-de-France et de la France ;
- l’estimation du coût et les modes de financement envisagés ;
- les prévisions de trafic ;
- l’analyse des incidences sur l’aménagement du territoire ;
- le rapport environnemental et l’avis de la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable prévus par les articles L. 122-6 et L. 122-7 du code de l’environnement.
L’établissement public « Société du Grand Paris » transmet le projet de dossier à la Commission nationale du débat public qui, par une décision rendue dans un délai de quinze jours, constate que le dossier est complet ou indique les éléments qu’il convient d’y ajouter dans un délai qu’elle prescrit dans la limite d’un mois.
III. - Dès publication de la décision prévue au dernier alinéa du II ou réception des éléments complémentaires demandés ou du refus motivé de l’établissement public « Société du Grand Paris » de transmettre ces éléments, et au plus tard un mois avant le début du débat public, la Commission nationale du débat public publie le dossier en indiquant, le cas échéant, les éléments complémentaires demandés ou le refus motivé de transmettre ces éléments, les modalités et le calendrier du débat.
À compter de la publication du dossier, la région et le Syndicat des transports d’Île-de-France, les départements d’Île-de-France, les communes et établissements publics de coopération intercommunale d’Île-de-France, s’ils sont compétents en matière d’urbanisme ou d’aménagement, l’association des maires d’Île-de-France, le syndicat mixte « Paris-Métropole » ainsi que l’atelier international du Grand Paris disposent d’un délai de quatre mois pour faire connaître leur avis à la Commission nationale du débat public. À l’expiration de ce délai, leur avis est réputé favorable.
IV. - Le président du tribunal administratif de Paris ou le membre du tribunal délégué par lui à cette fin peut désigner cinq observateurs parmi les personnes inscrites sur les listes d’aptitude aux fonctions de commissaire-enquêteur prévues par l’article L. 123-4 du code de l’environnement. Ces observateurs peuvent assister de plein droit aux réunions de la commission particulière prévue au I du présent article. Ils sont astreints à un devoir de réserve vis-à-vis du projet objet du débat public pendant toute la durée de ce débat.
La durée du débat public est de quatre mois.
V. - Dans un délai de deux mois à compter de la date de clôture du débat public, le président de la Commission nationale du débat public en publie le compte rendu et le bilan, auxquels sont joints les avis exprimés par les personnes visées au second alinéa du III. Il en fait rapport aux commissions permanentes compétentes des assemblées parlementaires.
Dans un délai de deux mois suivant la publication de ce bilan, l’établissement public « Société du Grand Paris », par un acte motivé qui est publié, indique les conséquences qu’il tire de ce bilan pour le schéma d’ensemble qui a fait l’objet du débat public. Cet acte fait notamment état des modalités de prise en compte des avis exprimés par les personnes visées au second alinéa du III. Il précise le schéma d’ensemble retenu et les modifications éventuellement apportées, ainsi que les conditions prévues pour sa mise en œuvre. Le président du conseil de surveillance de l’établissement public « Société du Grand Paris » fait rapport aux commissions permanentes compétentes des assemblées parlementaires des conditions dans lesquelles l’acte prévu au présent alinéa a été élaboré, notamment la façon dont il a été tenu compte du débat public.
VI. - (Suppression maintenue)
VII. - Aucune irrégularité au regard des I à V ne peut être invoquée après l’expiration du délai de recours contentieux contre l’acte mentionné au second alinéa du V.
VIII. - La première phrase du premier alinéa de l’article L. 121-2 du code de l’environnement est complétée par les mots : « ainsi qu’au schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris auquel est applicable la procédure de débat public prévue par l’article 3 de la loi n° du relative au Grand Paris ».
VIII bis. - L’article L. 300-2 du code de l’urbanisme n’est pas applicable aux projets ayant fait l’objet du débat public organisé en application du présent article.
IX. - La procédure de débat public engagée sur le fondement de l’article L. 121-8 du code de l’environnement portant sur un projet de rocade par métro automatique en Île-de-France, dénommé « Arc express », et les dispositions du présent article sont coordonnées selon les modalités du IX.
La Commission nationale du débat public lance conjointement la procédure de débat public relative au schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris et celle relative à « Arc express » visée au premier alinéa.
Afin de mieux informer le public, la Commission nationale du débat public intègre aux dossiers respectifs de ces débats les éléments techniques et financiers des deux projets.
X. - Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article.
Article 4
Les projets d’infrastructures qui mettent en œuvre le schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris sont déclarés d’utilité publique par décret en Conseil d’État et constituent, à compter de la date de publication de ce décret, un projet d’intérêt général au sens des articles L. 121-2 et L. 121-9 du code de l’urbanisme.
La déclaration d’utilité publique est prononcée conformément au chapitre Ier du titre Ier du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et l’enquête précédant la déclaration d’utilité publique est réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement.
Cette enquête est ouverte par arrêté du représentant de l’État dans la région ou le département dans un délai de dix ans à compter de la date de publication du décret en Conseil d’État approuvant le schéma d’ensemble prévu par le II de l’article 2 de la présente loi.
La commission d’enquête prévue à l’article L. 123-4 du code de l’environnement peut comprendre un ou plusieurs membres ayant été désignés comme observateurs en application du IV de l’article 3 de la présente loi.
Le dossier d’enquête publique comprend une évaluation économique, sociale, environnementale et financière établie conformément aux dispositions de l’article 14 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs relatives aux grands projets d’infrastructures de transport, l’étude d’impact et l’avis de l’autorité administrative de l’État compétente en matière d’environnement, prévus par l’article L. 122-1 du code de l’environnement, et le bilan du débat public défini à l’article 3 de la présente loi.
Article 5
I. - La première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 13-15 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est complétée par les mots : « ou, dans le cas des projets ou programmes soumis au débat public prévu par l’article L. 121-8 du code de l’environnement ou par l’article 3 de la loi n°° du relative au Grand Paris, au jour de la mise à disposition du public du dossier de ce débat ».
II. - La procédure prévue à l’article L. 15-9 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique peut être appliquée en vue de la prise de possession immédiate, par le titulaire de la déclaration d’utilité publique, de terrains bâtis ou non bâtis nécessaires à l’exécution des travaux des projets d’infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris, dans les conditions prévues par cet article.
Les décrets en Conseil d’État pris en application du même article L. 15-9 sont publiés dans un délai de cinq ans à compter de la date de publication du décret en Conseil d’État déclarant d’utilité publique le projet d’infrastructures.
Article 6
I. - Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le a de l’article L. 213-4 est ainsi rédigé :
« a) La date de référence prévue à l’article L. 13-15 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique est :
« - pour les biens compris dans le périmètre d’une zone d’aménagement différé :
« i) la date de publication de l’acte délimitant le périmètre provisoire de la zone d’aménagement différé lorsque le bien est situé dans un tel périmètre ou lorsque l’acte créant la zone est publié dans le délai de validité d’un périmètre provisoire ;
« ii) la date de publication de l’acte créant la zone d’aménagement différé si un périmètre provisoire de zone d’aménagement différé n’a pas été délimité ;
« iii) dans tous les cas, la date du dernier renouvellement de l’acte créant la zone d’aménagement différé ;
« - pour les biens non compris dans une telle zone, la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan d’occupation des sols ou approuvant, révisant ou modifiant le plan local d’urbanisme et délimitant la zone dans laquelle est situé le bien ; »
2° À l’article L. 212-2 et au dernier alinéa de l’article L. 212-2-1, les mots : « quatorze ans » sont remplacés par les mots : « six ans renouvelable ».
II. - Les zones d’aménagement différé créées avant l’entrée en vigueur de la présente loi prennent fin six ans après cette entrée en vigueur ou, si ce délai est plus court, au terme du délai de quatorze ans prévu à l’article L. 212-2 du même code dans sa rédaction antérieure à la présente loi.
TITRE II
ÉTABLISSEMENT PUBLIC « SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS »
Article 7
I. - Il est créé un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial dénommé « Société du Grand Paris ».
II. - L’établissement public « Société du Grand Paris » a pour mission principale de concevoir et d’élaborer le schéma d’ensemble et les projets d’infrastructures composant le réseau de transport public du Grand Paris et d’en assurer la réalisation, qui comprend la construction des lignes, ouvrages et installations fixes, la construction et l’aménagement des gares, y compris d’interconnexion, ainsi que l’acquisition des matériels roulants conçus pour parcourir ces infrastructures et, dans les conditions de l’article 16, leur entretien et leur renouvellement, dans les conditions prévues par la présente loi. À cette fin, l’établissement public « Société du Grand Paris » peut acquérir, au besoin par voie d’expropriation ou de préemption, les biens de toute nature, immobiliers et mobiliers, nécessaires à la création et à l’exploitation des infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris.
II bis. - Sans préjudice des compétences du Syndicat des transports d’Île-de-France, l’établissement public « Société du Grand Paris » veille également au maillage cohérent du territoire par une offre de transport de surface permettant la desserte des gares du réseau de transport public du Grand Paris.
III. - L’établissement public « Société du Grand Paris » assiste le représentant de l’État dans la région pour la préparation et la mise en cohérence des contrats de développement territorial prévus par l’article 18.
IV. - L’établissement public « Société du Grand Paris » peut conduire des opérations d’aménagement ou de construction.
Lorsque ces opérations interviennent sur le territoire des communes signataires d’un contrat de développement territorial, l’établissement public « Société du Grand Paris » ne peut conduire de telles opérations que si ce contrat le prévoit. Dans ce cas, ce dernier prévoit également, dans le ressort territorial des établissements publics d’aménagement autres que l’établissement public « Agence foncière et technique de la région parisienne », lequel de ces établissements publics ou de la « Société du Grand Paris » conduit ces opérations d’aménagement ou de construction.
Lorsque ces opérations interviennent sur le territoire des communes non signataires d’un contrat de développement territorial, l’établissement public « Société du Grand Paris » peut, après avis des communes et établissements publics de coopération intercommunale compétents concernés, conduire ces opérations dans un rayon inférieur à 400 mètres autour des gares nouvelles du réseau de transport public du Grand Paris.
Pour la réalisation de sa mission d’aménagement et de construction, l’établissement public « Société du Grand Paris » exerce les compétences reconnues aux établissements publics d’aménagement.
Dans le respect des règles de publicité et de mise en concurrence prévues par le droit communautaire, des objectifs du développement durable, de la diversité des fonctions urbaines et de la mixité sociale dans l’habitat, l’établissement public « Société du Grand Paris » peut, par voie de convention, exercer sa mission d’aménagement et de construction par l’intermédiaire de toute personne privée ou publique ayant des compétences en matière d’aménagement ou de construction.
V. - L’établissement public « Société du Grand Paris » peut se voir confier par l’État, les collectivités territoriales ou leurs groupements, par voie de convention, toute mission d’intérêt général présentant un caractère complémentaire ou connexe aux missions définies aux II à IV.
VI. - L’établissement public « Société du Grand Paris » peut créer des filiales ou prendre des participations dans des sociétés, groupements ou organismes dont l’objet concourt à la réalisation des missions définies aux II à V.
VII. - Pour l’exercice de ses compétences définies aux II à VI, l’établissement public « Société du Grand Paris » peut conclure, à titre gratuit ou onéreux, des conventions de coopération ou de mandat avec des établissements publics de l’État. Les conventions ainsi conclues peuvent avoir pour objet la mise en œuvre des procédures de recrutement, de gestion et de rémunération de ses personnels ainsi que la mise en œuvre des procédures de passation de contrats avec des opérateurs économiques publics ou privés pour répondre à ses besoins en matière de fournitures, de travaux ou de services.
Article 8
I. - L’établissement public « Société du Grand Paris » est dirigé par un directoire qui exerce ses fonctions sous le contrôle d’un conseil de surveillance.
II. - Le directoire comprend trois membres nommés, après avis du conseil de surveillance, par un décret qui confère à l’un d’eux la qualité de président du directoire. La nomination de ce dernier ne peut intervenir qu’après son audition par les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
III. - Le conseil de surveillance est composé de représentants de l’État et d’élus des collectivités territoriales nommés pour une durée de cinq ans renouvelable ou pour la durée de leur mandat.
Les représentants de l’État constituent au moins la moitié des membres du conseil de surveillance.
Le président du conseil de surveillance est élu parmi ses membres.
IV. - L’établissement public « Société du Grand Paris » est soumis au contrôle économique et financier de l’État.
V. - Il est institué auprès du conseil de surveillance un comité stratégique composé des représentants des communes et des établissements publics compétents en matière d’aménagement ou d’urbanisme dont le territoire est, pour tout ou partie, situé sur l’emprise d’un projet d’infrastructure du réseau de transport public du Grand Paris ou dans le périmètre d’un contrat de développement territorial prévu par l’article 18. Ce comité comprend également deux députés et deux sénateurs désignés par leur assemblée respective ainsi que des représentants des chambres consulaires et des organisations professionnelles et syndicales.
Ce comité est créé dans un délai de six mois à compter de la publication du décret en Conseil d’État prévu à l’avant-dernier alinéa du II de l’article 2 de la présente loi.
Il peut être saisi de tout sujet par le conseil de surveillance. Il peut émettre des propositions et demander que des questions soient inscrites à l’ordre du jour d’une réunion du conseil de surveillance.
VI. - Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. Il précise notamment la composition du conseil de surveillance, le nombre, les conditions et les modalités de désignation de ses membres, ainsi que les attributions et les modalités de fonctionnement du conseil de surveillance et du directoire prévues par les articles L. 225-57 à L. 225-82 et L. 225-85 à L. 225-93 du code de commerce qui sont applicables à l’établissement public « Société du Grand Paris » et les conditions dans lesquelles le commissaire du Gouvernement peut s’opposer à des décisions du directoire, ainsi qu’à celles du conseil de surveillance de l’établissement public et, le cas échéant, de ses filiales. Il précise également la composition et les modalités de fonctionnement du comité stratégique.
VII. - L’annexe III de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public est complétée par un alinéa ainsi rédigé :
« Société du Grand Paris. »
VIII. - Un décret du Premier ministre nomme un préfigurateur de l’établissement public « Société du Grand Paris ». Ce préfigurateur est compétent pour saisir, au nom de cet établissement, la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable.
Le décret de nomination fixe également les conditions dans lesquelles, en application de l’article 7, le préfigurateur peut conclure tout contrat, convention ou marché nécessaire au fonctionnement de l’établissement public « Société du Grand Paris ». Les fonctions du préfigurateur cessent à compter de la publication du décret nommant le président du directoire et au plus tard le 30 septembre 2010.
Le préfigurateur rend compte au conseil de surveillance, au cours de sa première séance, des actes et décisions qu’il a pris.
Article 9
L’établissement public « Société du Grand Paris » bénéficie notamment des ressources suivantes :
1° Les dotations en capital apportées par l’État ;
1° bis Les autres dotations, subventions, avances ou participations apportées par l’État et les dotations, subventions, avances, fonds de concours ou participations apportés par l’Union européenne, les collectivités territoriales et leurs groupements, les établissements publics ou toute autre entité, sous forme de terrains, d’ouvrages ou d’espèces ;
2° Les emprunts sur les marchés financiers ;
3° Les participations des aménageurs et constructeurs aux coûts des gares en application des articles L. 311-4, L. 332-9 et L. 332-11-3 du code de l’urbanisme et des articles 11 et 19 de la présente loi ;
4° Les produits de la cession, de l’occupation, de l’usage ou de la location de ses biens mobiliers et immobiliers, dont les produits des baux commerciaux conclus dans les gares ;
5° Les produits des redevances domaniales dues pour l’occupation de ses biens ou ouvrages immobiliers ;
6° Les produits des redevances et produits pour service rendu ;
7° Les produits de toute autre redevance ou taxe éventuellement créée ou affectée à son profit par la loi ;
8° Les dons et legs ;
9° Tous autres concours financiers.
Article 9 bis
Le titre III de la deuxième partie du livre Ier du code général des impôts est complété par un chapitre V ainsi rédigé :
« Chapitre V.
– « Taxe forfaitaire sur le produit de certaines valorisations immobilières de la région d’Île-de France
« Art. 1635 ter A. - I. - Il est institué une taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis résultant, sur le territoire de la région d’Île-de-France, des projets d’infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris défini à l’article 2 de la loi n° du relative au Grand Paris. Cette taxe est exigible pendant quinze ans à compter de la date de publication ou d’affichage de la déclaration d’utilité publique de ces projets.
« La taxe est affectée au budget de l’établissement public " Société du Grand Paris " créé par la loi n° du précitée.
« Pour le financement de ses projets d’infrastructures, la région d’Île-de-France peut également, sur délibération du conseil régional, instituer la taxe définie au premier alinéa sur le produit de la valorisation des terrains nus et des immeubles bâtis résultant de la réalisation d’infrastructure de transport collectif en site propre devant faire l’objet d’une déclaration d’utilité publique ou, lorsque celle-ci n’est pas requise, d’une déclaration de projet. La taxe est exigible pendant quinze ans à compter de la date de publication ou d’affichage de l’une des déclarations précitées. La taxe est affectée au budget du Syndicat des transports d’Île-de-France.
« II. - La taxe s’applique aux cessions à titre onéreux des terrains nus et des immeubles bâtis, ainsi qu’aux droits relatifs à ces biens, et aux cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière définies au I de l’article 726 représentatives de ces immeubles qui figurent dans un périmètre arrêté par l’État ou, lorsque la taxe est instituée sur délibération du conseil régional, par la région d’Île-de-France. Ce périmètre ne peut s’éloigner de plus de 800 mètres d’une entrée de gare de voyageurs prévue pour le projet d’infrastructure au titre duquel la taxe a été instituée.
« Sont exclus du champ de la taxe :
« 1° La première vente en l’état futur d’achèvement et la première vente après leur achèvement d’immeubles bâtis sous réserve qu’ils n’aient pas fait l’objet d’une première vente en l’état futur d’achèvement ;
« 2° Les ventes de terrains au titre desquelles la taxe sur la cession des terrains nus devenus constructibles prévue par l’article 1529 est due ;
« 3° Les transferts de propriété opérés dans des conditions prévues par l’article L. 12-1 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
« 4° Les terrains et bâtiments vendus par les gestionnaires d’infrastructures de transports collectifs ferroviaires ou guidés, dès lors que les produits de ces cessions sont affectés à des travaux ou aménagements en lien direct avec la mise en œuvre du schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris visé au II de l’article 2 ;
« 5° Les cessions de biens qui ont été acquis postérieurement à la mise en service de l’équipement d’infrastructure concerné ;
« 6° Les terrains et bâtiments qui sont vendus à un organisme d’habitations à loyer modéré, à une société d’économie mixte gérant des logements sociaux, à l’association mentionnée à l’article L. 313-34 du code de la construction et de l’habitation, aux sociétés civiles immobilières dont cette association détient la majorité des parts pour les logements visés au 4° de l’article L. 351-2 du même code ou à un organisme bénéficiant de l’agrément relatif à la maîtrise d’ouvrage prévu à l’article L. 365-2 dudit code ;
« 7° Les terrains et bâtiments qui sont vendus à une collectivité territoriale, à un établissement public de coopération intercommunale compétent ou à un établissement public foncier mentionné aux articles L. 321-1 et L. 324-1 du code de l’urbanisme en vue de leur cession à l’un des organismes mentionnés au 6° du présent II ; en cas de non respect de cette condition dans un délai d’un an à compter de l’acquisition des biens, la collectivité territoriale ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent reverse à l’État ou à la région d’Île-de-France, selon le cas, le montant dû au titre du I ; ce délai est porté à trois ans pour les cessions réalisées par un établissement public foncier au profit de l’un des organismes mentionnés au 6°.
« III. - La taxe est due par les personnes physiques et les sociétés ou groupements soumis à l’impôt sur le revenu ou l’impôt sur les sociétés et par les contribuables qui ne sont pas fiscalement domiciliés en France assujettis à l’impôt sur le revenu, soumis au prélèvement dans les conditions prévues par l’article 244 bis A.
« IV. - La taxe est assise sur un montant égal à 80 % de la différence entre, d’une part, le prix de cession défini à l’article 150 VA et, d’autre part, le prix d’acquisition défini à l’article 150 VB. Le prix d’acquisition, ainsi que les dépenses et frais retenus en majoration de ce prix, sont actualisés en fonction du dernier indice des prix à la consommation hors tabac publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques à la date de l’acquisition du bien ou de la réalisation des dépenses.
« La plus-value calculée dans les conditions fixées au premier alinéa du présent IV est diminuée du montant de la plus-value imposée en application des articles 150 U à 150 VH.
« Le taux de la taxe est de 15 % pour l’État et de 15 % pour la région d’Île-de-France lorsque la cession porte sur des biens ou droits relatifs à ces biens mentionnés au II entièrement situés à une distance de moins de 800 mètres d’une entrée de gare de voyageurs prévue pour le projet d’infrastructure au titre duquel la taxe a été instituée. Au-delà de cette distance, et lorsque la cession porte sur des biens ou droits relatifs à ces biens mentionnés au II entièrement situés à une distance de moins de 1 200 mètres d’une entrée de gare de voyageurs prévue pour le projet d’infrastructure au titre duquel la taxe a été instituée, le taux de la taxe est de 7,5 % pour l’État et de 7,5 % pour la région d’Île-de-France. Le montant total de ces taxes ne peut excéder 5 % du prix de cession. En cas d’excédent, celui-ci s’impute, à parts égales, sur le produit de la taxe due à l’État et sur celui de la taxe due à la région d’Île-de-France.
« La taxe est exigible lors de chaque cession qui intervient dans le délai mentionné au I. Elle est due par le cédant.
« V. - Une déclaration conforme à un modèle établi par l’administration est déposée lors de l’enregistrement de l’acte de cession dans les conditions prévues par l’article 150 VG. Lorsqu’aucune plus-value, calculée selon les modalités prévues au IV du présent article, n’est constatée, aucune déclaration ne doit être déposée. L’acte de cession soumis à la formalité fusionnée ou présentée à l’enregistrement précise, sous peine du refus de dépôt ou de la formalité d’enregistrement, les fondements de cette absence de taxation.
« VI. - La taxe est versée lors du dépôt de la déclaration prévue au V, dans les conditions prévues par l’article 150 VG.
« VII. - La délibération du conseil régional d’Île-de-France prévue au troisième alinéa du I est notifiée aux services fiscaux au plus tard le premier jour du deuxième mois qui suit la date à laquelle la délibération est intervenue. À défaut, la taxe n’est pas due. »
Article 9 ter
I. - Après l’article 1599 quater A du code général des impôts, il est inséré un article 1599 quater À bis ainsi rédigé :
« Art. 1599 quater À bis. - I. - L’imposition forfaitaire mentionnée à l’article 1635-0 quinquies s’applique au matériel roulant utilisé sur les lignes de transport en commun de voyageurs mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l’article 2 de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l’organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, pour des opérations de transport de voyageurs.
« II. - L’imposition forfaitaire est due chaque année par les personnes ou organismes qui sont propriétaires au 1er janvier de l’année d’imposition de matériel roulant ayant été utilisé l’année précédente pour des opérations de transport de voyageurs sur les lignes de transport en commun de voyageurs mentionnées aux premier et deuxième alinéas dudit article 2.
« III. - Le montant de l’imposition forfaitaire est établi pour chaque matériel roulant en fonction de sa nature et de son utilisation selon le barème suivant :
(En euros) |
|
Catégorie de matériels roulants |
Tarifs |
Métro Motrice et remorque |
12 260 |
Autre matériel Automotrice et motrice Remorque |
23 000 4 800 |
« Les catégories de matériels roulants sont précisées par arrêté conjoint des ministres chargés du transport et du budget en fonction de leur capacité de traction, de captation de l’électricité, d’accueil de voyageurs et de leur performance.
« Les matériels roulants retenus pour le calcul de l’imposition sont ceux dont les personnes ou organismes sont propriétaires au 1er janvier de l’année d’imposition et qui sont destinés à être utilisés pour des opérations de transport de voyageurs sur les lignes de transport en commun de voyageurs mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l’article 2 de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 précitée.
« Lorsque du matériel roulant est destiné à être utilisé à la fois sur le réseau ferré national et sur les lignes de transport en commun de voyageurs mentionnées aux premier et deuxième alinéas dudit article 2, ce matériel est retenu pour le calcul de l’imposition s’il est destiné à être utilisé principalement sur ces lignes.
« IV. - Le redevable de l’imposition déclare, au plus tard le deuxième jour ouvré suivant le 1er mai de l’année d’imposition, le nombre de matériels roulants par catégorie.
« Le contrôle, le recouvrement, le contentieux, les garanties, sûretés et privilèges sont régis comme en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties.
« V. - La composante de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux prévue au présent article est affectée au budget de l’établissement public " Société du Grand Paris " créé par la loi n° du relative au Grand Paris. Toutefois, si le décret fixant les attributions et les modalités de fonctionnement du conseil de surveillance et du directoire de cet établissement public n’est pas publié avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de la date limite de dépôt de la déclaration prévue au IV, cette composante est affectée à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France afin de financer des projets d’infrastructures de transport en Île-de-France. »
II. - 1. Au titre de 2010, le I s’applique aux matériels roulants dont les personnes ou organismes sont propriétaires au premier jour du deuxième mois suivant celui de la publication de la présente loi et qui sont destinés à être utilisés sur les lignes de transport en commun de voyageurs mentionnées aux premier et deuxième alinéas de l’article 2 de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l’organisation des transports de voyageurs en Île-de-France.
2. Au titre de 2010, le redevable de l’imposition déclare, au plus tard le premier jour du quatrième mois suivant celui de la date de publication de la présente loi, le nombre de matériels roulants par catégorie.
………………………………………………………
Article 11 bis
L’établissement public « Société du Grand Paris » est dissout après qu’il a épuisé les compétences conférées par le présent titre.
TITRE III
RÉALISATION ET GESTION DU RÉSEAU DE TRANSPORT PUBLIC DU GRAND PARIS
………………………………………………………
Article 16
Lorsque, pour la réalisation des infrastructures et, le cas échéant, l’acquisition des matériels mentionnés à l’article 7, l’établissement public « Société du Grand Paris » recourt à un contrat de partenariat conclu en application de l’ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, le contrat peut également porter sur l’entretien et le renouvellement des lignes, ouvrages, installations et matériels concernés, à l’exclusion de la gestion du trafic et des circulations qui sont régis par le troisième alinéa de l’article 2 de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l’organisation des transports de voyageurs en Île-de-France. Le contrat comporte des stipulations de nature à garantir le respect des impératifs de sécurité et de continuité du service public.
Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article, notamment la manière dont est garantie la cohérence des missions mentionnées au premier alinéa avec celles qui incombent à la Régie autonome des transports parisiens, à la Société nationale des chemins de fer français et à Réseau ferré de France, et les modalités de rémunération du cocontractant ou de perception par ce dernier des redevances liées à l’utilisation des infrastructures nouvelles.
Article 17
I. - Sans préjudice des dispositions de l’article 16, les lignes, ouvrages et installations mentionnés à l’article 7 sont, après leur réception par le maître d’ouvrage, confiés à la Régie autonome des transports parisiens qui en assure la gestion technique dans les conditions prévues à l’article 2 de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 précitée. L’établissement public « Société du Grand Paris » est propriétaire de ces lignes, ouvrages et installations, ainsi que des gares, y compris d’interconnexion, qu’elle réalise, jusqu’à sa dissolution.
Après leur réception par le maître d’ouvrage, les matériels mentionnés à l’article 7 sont transférés en pleine propriété au Syndicat des transports d’Île-de-France qui les met à la disposition des exploitants mentionnés au II de l’article 1er de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 précitée.
Les personnes désignées gestionnaires des lignes, ouvrages et installations dans le cadre du présent article sont subrogées aux droits et obligations de l’établissement public « Société du Grand Paris » dans la mesure nécessaire à l’exercice de leur compétence de gestionnaire d’infrastructure. Une convention entre les parties établit les droits et obligations concernés.
II. - Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du I du présent article, notamment les conditions de rémunération de l’établissement public « Société du Grand Paris » pour l’usage ou le transfert de propriété de ses lignes, ouvrages, installations ainsi que de ses matériels.
III. - Le troisième alinéa de l’article 2 de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 précitée est ainsi modifié :
1° À la septième phrase, après le mot : « conditions », est inséré le mot : « objectives, » ;
2° Avant la dernière phrase, sont insérées cinq phrases ainsi rédigées :
« L’activité de gestionnaire de l’infrastructure du réseau de métro affecté au transport public urbain de voyageurs en Île-de-France est comptablement séparée de l’activité d’exploitant de services de transport public de voyageurs. Il est tenu, pour chacune de ces activités, un bilan et un compte de résultat à compter du 1er janvier 2012. Ces documents sont certifiés annuellement. Toute subvention croisée, directe ou indirecte, entre chacune de ces activités est interdite. De même, aucune aide publique versée à une de ces activités ne peut être affectée à l’autre. »
TITRE IV
DÉVELOPPEMENT TERRITORIAL ET PROJETS D’AMÉNAGEMENT
Article 18
I. - Des contrats de développement territorial peuvent être conclus pour la mise en œuvre des objectifs définis à l’article 1er entre le représentant de l’État dans la région, d’une part, et les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pour les objets relevant des compétences qui leur ont été transférées, d’autre part.
La région, le département concerné, l’association des maires d’Île-de-France et le syndicat mixte « Paris-Métropole » sont consultés préalablement à la signature du contrat.
Les contrats définissent, dans le respect des principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1 du code de l’urbanisme, les objectifs et les priorités en matière d’urbanisme, de logement, de transports, de déplacements et de lutte contre l’étalement urbain, d’équipement commercial, de développement économique, sportif et culturel, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers et des paysages et des ressources naturelles.
Ces contrats font l’objet, préalablement à leur signature, d’une enquête publique réalisée conformément aux dispositions du chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement. La décision d’ouverture de cette enquête intervient au plus tard :
- pour les communes situées dans le périmètre de l’établissement public Paris-Saclay prévu au titre V de la présente loi, dans un délai de dix-huit mois à compter de sa publication ;
- pour les autres communes, dans un délai de dix-huit mois à compter de l’approbation du schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris.
Chaque contrat porte sur le développement d’un territoire inclus dans un ensemble de communes d’un seul tenant et sans enclave. Il fixe la liste des communes concernées.
Toute commune ou établissement public de coopération intercommunale, sous réserve qu’il soit attenant à un ensemble de communes tel que défini par le précédent alinéa, peut, sans préjudice des délais mentionnés aux cinquième et sixième alinéas, adhérer à un contrat de développement territorial existant, à condition d’avoir obtenu l’accord des cocontractants.
II. - Le contrat de développement territorial définit les modalités de mise en œuvre des objectifs visés au troisième alinéa du I.
Il est procédé à l’établissement d’un diagnostic spécifique tenant compte de la situation locale en matière de logement et de logement social sur les territoires inclus dans le périmètre du contrat.
Au vu de ce diagnostic, le contrat précise le nombre de logements et le pourcentage de logements sociaux à réaliser. Ces objectifs quantitatifs ne peuvent être inférieurs à ceux prévus dans le cadre du programme local de l’habitat.
Le contrat de développement territorial comporte des engagements permettant d’assurer, dans le respect des objectifs du développement durable et notamment la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la maîtrise de l’énergie et la production énergétique à partir de sources renouvelables, la préservation de la qualité de l’air, de l’eau, du sol et du sous-sol, des ressources naturelles, de la biodiversité, des écosystèmes et des espaces verts, la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, la prévention des risques naturels prévisibles, des risques technologiques, des pollutions et des nuisances de toute nature.
Il peut prévoir la création de zones d’aménagement différé dont il dresse la liste, fixe le périmètre, et définit les bénéficiaires des droits de préemption institués dans ces zones.
Il précise les actions ou opérations d’aménagement ou les projets d’infrastructures nécessaires à la mise en œuvre des objectifs visés au troisième alinéa du I, ainsi que les conditions de leur mise en œuvre et l’échéancier prévisionnel de leur réalisation. Il définit, après consultation de l’atelier international du Grand Paris, les conditions de leur insertion dans le tissu urbain existant.
Il présente les conditions générales de leur financement. Ce financement inclut :
- les participations des aménageurs et constructeurs dues en application des articles L. 311-4, L. 332-9 et L. 332-11-3 du code de l’urbanisme ;
- la moitié des excédents dégagés par les opérations d’aménagement.
L’autre moitié de ces excédents est versée à parts égales au Syndicat des transports d’Île-de-France et à l’établissement public « Société du Grand Paris » afin de financer le réseau de transport public du Grand Paris.
III. - La délibération du conseil municipal ou de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale qui autorise le maire ou le président de l’établissement public à signer le contrat de développement territorial emporte, pour l’application de l’article L. 212-1 du code de l’urbanisme, avis favorable de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale sur la création des zones d’aménagement différé prévues au contrat.
Dans les zones d’aménagement différé mentionnées au II du présent article, lorsqu’elle n’est pas bénéficiaire d’un droit de préemption à titre principal, la commune est titulaire d’un droit de préemption à titre subsidiaire sur l’ensemble du territoire ainsi défini. Le bénéficiaire du droit de préemption à titre principal informe la collectivité territoriale et le propriétaire du bien de sa décision d’exercer ou non son droit de préemption dans le délai de deux mois suivant la déclaration préalable d’aliénation faite par le propriétaire dans les conditions prévues par l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme. Lorsque le bénéficiaire du droit de préemption à titre principal renonce à exercer ce droit, le délai fixé par le même article L. 213-2 à l’expiration duquel le silence gardé vaut renonciation à l’exercice du droit de préemption est porté à trois mois pour permettre au titulaire du droit de préemption à titre subsidiaire de faire usage de ce droit.
IV. - Le contrat de développement territorial peut valoir déclaration de projet des actions ou opérations d’aménagement et des projets d’infrastructures visés au sixième alinéa du II pour l’application de l’article L. 300-6 du code de l’urbanisme. Dans ce cas, le contrat précise les actions et opérations pour lesquelles il vaut déclaration de l’intérêt général.
Si ces actions ou opérations d’aménagement ou ces projets d’infrastructures ne sont pas compatibles avec le schéma directeur de la région d’Île-de-France, les schémas de cohérence territoriale, les schémas de secteurs et les plans locaux d’urbanisme, l’autorité administrative engage les procédures de mise en compatibilité prévues par les articles L. 122-15, L. 123-16 et L. 141-1-2 du même code. L’enquête publique visée au quatrième alinéa du I est organisée dans les conditions prévues par ces articles.
V. - (Suppression maintenue)
VI. - Les règles de publicité et de communication définies aux articles L. 2121-24 et L. 2121-26 du code général des collectivités territoriales sont applicables aux contrats de développement territorial.
VII. - Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent article.
Article 19
Pour la mise en œuvre des actions et opérations nécessaires à un contrat de développement territorial, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale concernés peuvent conclure avec une personne morale de droit public ou privé, jusqu’à l’expiration du contrat de développement territorial, un contrat portant à la fois sur la conception du projet d’aménagement global, l’élaboration d’une proposition de révision ou de modification du document d’urbanisme et la maîtrise d’ouvrage des travaux d’équipement concourant à la réalisation du projet d’aménagement.
Pour la passation du contrat, les spécifications techniques formulées pour la définition des besoins comportent au moins le programme global de construction de l’opération d’aménagement avec une répartition indicative entre les programmes de logements, d’activité économique et la liste des équipements publics à réaliser.
Le programme global de construction de l’opération d’aménagement doit tenir compte des programmes locaux de l’habitat, dès lors que ceux-ci ont été adoptés.
Les communes visées à l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation ne peuvent conclure un tel contrat qu’à la condition que le programme global de construction de l’opération d’aménagement intègre une augmentation du pourcentage de logements locatifs sociaux au sens du même article L. 302-5.
Le contrat précise les conditions selon lesquelles, en cas de résiliation totale ou partielle à l’issue de la procédure de révision ou de modification du document d’urbanisme ou de l’enquête publique, les parties peuvent s’accorder, sans attendre la liquidation définitive du solde et l’indemnisation du cocontractant, sur le montant d’une provision dont elles acceptent le versement anticipé à ce dernier.
Le contrat ne peut mettre à la charge du cocontractant que le coût des équipements publics à réaliser pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le périmètre fixé par la convention ou, lorsque la capacité des équipements programmés excède ces besoins, la fraction du coût proportionnelle à ces besoins.
TITRE IV BIS
DISPOSITIONS RELATIVES AU LOGEMENT
Article 19 bis
Le chapitre II du titre préliminaire du livre III du code de la construction et de l’habitation est complété par une section 4 ainsi rédigée :
« Section 4
« Objectifs de construction de logements en Île-de-France
« Art. L. 302-13. - En région d’Île-de-France, afin d’atteindre l’objectif fixé à l’article 1er de la loi n° du relative au Grand Paris, le représentant de l’État dans la région définit, tous les trois ans, les objectifs annuels de production de nouveaux logements dans des périmètres comprenant un ou plusieurs territoires soumis à l’obligation de réaliser un programme local de l’habitat. Le comité régional de l’habitat, les communes et les établissements publics compétents en matière de programme local de l’habitat concernés sont consultés pour avis, celui-ci étant réputé favorable à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de leur saisine.
« Les programmes locaux de l’habitat tiennent compte des objectifs fixés au premier alinéa.
« Un bilan territoire par territoire de l’avancée de la réalisation des objectifs mentionnés au premier alinéa est présenté chaque année au comité régional de l’habitat. »
Article 19 ter
En région d’Île-de-France, dans les communes visées à l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, les actions ou opérations d’aménagement et les projets d’infrastructures prévues autour des gares du réseau de transport public du Grand Paris doivent intégrer la réalisation de logements pour contribuer à l’atteinte des objectifs définis au même article L. 302-5.
TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES À LA CRÉATION D’UN PÔLE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE SUR LE PLATEAU DE SACLAY
CHAPITRE IER
Dispositions relatives à l’établissement public de Paris-Saclay
Article 20
Il est créé un établissement public de l’État à caractère industriel et commercial, dénommé : « Établissement public de Paris-Saclay ».
Il a pour objet l’impulsion et la coordination du développement du pôle scientifique et technologique du plateau de Saclay, ainsi que son rayonnement international.
Il exerce ses missions dans les communes dont la liste figure dans l’annexe A à la présente loi. Le périmètre d’intervention de l’établissement peut être modifié par décret en Conseil d’État, après consultation des organes délibérants des communes et établissements publics de coopération intercommunale territorialement concernés.
Article 21
L’établissement est chargé de conduire toute action susceptible de favoriser les activités d’enseignement, de recherche et d’innovation et leur valorisation industrielle, et de réaliser des opérations d’aménagement du pôle scientifique et technologique.
À cet effet, il a notamment pour missions de :
1° Sans préjudice des compétences dévolues à d’autres personnes publiques, réaliser les opérations d’équipement et d’aménagement prévues par l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme et les acquisitions foncières nécessaires ;
2° Réaliser des investissements destinés à favoriser l’implantation d’organismes exerçant des activités d’enseignement supérieur et de recherche, et d’entreprises ;
3° Participer à la collecte de fonds auprès de tiers afin de contribuer aux activités d’enseignement supérieur, de recherche, à leurs développements technologiques et industriels, ainsi qu’à la création d’entreprises ;
4° Mettre à disposition des organismes d’enseignement supérieur et de recherche et des entreprises des plateformes technologiques, des structures de formation et d’information, de réception, d’hébergement et de restauration ;
5° Fournir à ces organismes et entreprises qui en font la demande des prestations en matière de dépôt et d’entretien de brevets, de protection de la propriété intellectuelle et industrielle, de création et de financement d’entreprises ;
6° Assurer des missions d’assistance aux maîtres d’ouvrage et aux pouvoirs adjudicateurs d’opérations immobilières ayant pour objet le développement du pôle scientifique et technologique ;
7° Soutenir les initiatives de ces organismes et entreprises relatives à la circulation des connaissances, des innovations et des bonnes pratiques, la mobilité professionnelle, la diffusion des offres d’emploi et de stage et les rapprochements entre les milieux scientifiques et économiques ;
7° bis En concertation avec les collectivités territoriales et leurs groupements, favoriser la couverture par des réseaux de communications électroniques en très haut débit du pôle scientifique et technologique ;
8° Contribuer à la promotion de l’image de marque du pôle, notamment à l’étranger ;
8° bis Contribuer à soutenir les synergies développées par les acteurs du pôle scientifique et technologique et favoriser, à leur demande, la coordination de leurs initiatives respectives ;
9° En concertation avec les collectivités territoriales, les syndicats des eaux, la chambre interdépartementale d’agriculture d’Île-de-France, la société d’aménagement foncier et d’établissement rural de l’Île-de-France et l’agence de l’eau Seine-Normandie, contribuer à assurer les conditions du maintien de l’activité agricole, la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers et la pérennité du patrimoine hydraulique. Dès lors que des projets d’urbanisation affectent l’écoulement des eaux superficielles ou souterraines, l’établissement public de Paris-Saclay prend les mesures permettant le maintien de l’équilibre hydrographique du plateau de Saclay et des vallées concernées par l’écoulement des eaux du plateau ;
10° Encourager les partenariats avec les collectivités territoriales ou leurs groupements, les organismes d’enseignement supérieur et de recherche ainsi que les entreprises des secteurs d’activité concernés sur l’ensemble du territoire national.
L’établissement peut créer des filiales ou prendre des participations dans des entreprises, groupements ou organismes dont l’objet concourt à la réalisation de ses missions.
Il peut, en dehors de son périmètre d’intervention, lorsqu’elles sont nécessaires à l’exercice de ses missions, réaliser des acquisitions d’immeubles bâtis ou non bâtis et, avec l’accord des communes intéressées, des opérations d’aménagement et d’équipement urbain.
Article 21 bis
Le Gouvernement remet au Parlement tous les trois ans un rapport présentant, en les justifiant, les prises de participation de l’établissement public de Paris-Saclay dans des entreprises, filiales, groupements ou organismes prévus à l’article 21.
Article 22
I. - L’établissement est administré par un conseil d’administration composé de quatre collèges :
1° Le collège des représentants de l’État, qui comprend un représentant de l’établissement public « Société du Grand Paris » désigné par le directoire de celui-ci ;
2° Le collège des représentants des communes du périmètre d’intervention de l’établissement, de leurs groupements, des départements de l’Essonne et des Yvelines et de la région d’Île-de-France. La perte du mandat électoral entraîne la démission d’office du conseil d’administration, il est alors pourvu au remplacement de l’élu démissionnaire dans les meilleurs délais ;
3° Le collège des personnalités choisies en raison de leurs compétences et de la réalisation de projets remarquables dans les domaines universitaire et scientifique ;
4° Le collège des personnalités choisies en raison de leur expérience en qualité de chef d’entreprise ou de cadre dirigeant d’entreprise.
Le conseil d’administration comporte au plus vingt-et-un membres. Les représentants des premier et deuxième collèges en détiennent la majorité.
Les troisième et quatrième collèges comptent chacun quatre représentants au conseil d’administration.
Il est institué auprès du conseil d’administration un comité consultatif de personnalités représentatives d’associations reconnues d’utilité publique, des organisations professionnelles agricoles, des chambres consulaires, des organisations professionnelles et syndicales ainsi que des associations agréées dans le domaine de l’environnement. Ce comité comprend un député et un sénateur désignés par leur assemblée respective, ainsi qu’un représentant de la Ville de Paris et un représentant de chacun des départements de la région d’Île-de-France qui ne sont pas représentés au conseil d’administration. Ce comité est saisi, par le conseil d’administration, des projets concernant la stratégie et les grandes opérations d’équipement et d’aménagement de l’établissement public, les plans d’investissement de celui-ci et les orientations envisagées pour agir en faveur de la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers. Il peut être saisi de tout autre sujet par le conseil d’administration, émettre des propositions et demander que des questions soient inscrites à l’ordre du jour d’une réunion du conseil d’administration.
II. - La durée du mandat de membre du conseil d’administration est de cinq ans. Le mandat est renouvelable.
Article 23
La direction générale de l’établissement est assurée par le président du conseil d’administration qui porte le titre de président-directeur général. Il est nommé par décret, parmi les membres du conseil d’administration, après avoir été auditionné par les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Pour cette nomination, il peut être dérogé à l’article 7 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public.
..…….…………………………………………………
Article 24
L’établissement public de Paris-Saclay bénéficie notamment des ressources suivantes :
1° Les dotations en capital apportées par l’État ;
1° bis Les autres dotations, subventions, avances ou participations apportées par l’État et les dotations, subventions, avances, fonds de concours ou participations apportés par l’Union européenne, les collectivités territoriales et leurs groupements, les établissements publics ou sociétés nationales, ainsi que toutes personnes publiques ou privées françaises ou étrangères ;
2° Les produits des redevances pour services rendus ;
2° bis Les produits des redevances domaniales dues pour l’occupation de ses biens ou ouvrages immobiliers ;
3° Les produits de la cession, de l’occupation, de l’usage ou de la location de ses biens mobiliers et immobiliers ;
3° bis (Suppression maintenue)
4° Les produits des emprunts ;
5° Les dons et legs ;
6° Tous autres concours financiers.
………………………………………………………
Article 27
Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent chapitre. Il précise notamment les règles d’organisation et de fonctionnement de l’établissement, les modalités d’exercice de sa tutelle et du contrôle économique et financier de l’État, celles du contrôle de l’État sur ses filiales, les conditions dans lesquelles le commissaire du Gouvernement chargé de sa surveillance peut s’opposer aux délibérations du conseil d’administration de l’établissement public et, le cas échéant, de ses filiales ainsi que son régime financier et comptable.
CHAPITRE II
Dispositions relatives au développement durable sur le plateau de Saclay
Article 28
Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier est complété par une section 3 ainsi rédigée :
« Section 3
« Zone de protection naturelle, agricole et forestière du plateau de Saclay
« Art. L. 141-5. - Il est créé une zone de protection naturelle, agricole et forestière dans le périmètre de l’opération d’intérêt national du plateau de Saclay et de la petite région agricole de ce plateau qui comprend les communes dont la liste figure à l’annexe A bis à la loi n° du relative au Grand Paris. Cette zone, non urbanisable, est délimitée par décret en Conseil d’État, pris dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi n° du précitée, après avis du conseil régional d’Île-de-France, des conseils généraux de l’Essonne et des Yvelines, des conseils municipaux et des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale compétents situés dans le périmètre de l’opération d’intérêt national, ainsi que de la chambre interdépartementale d’agriculture d’Île-de-France, de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural de l’Île-de-France, de l’Office national des forêts et des associations agréées pour la protection de l’environnement présentes dans le périmètre d’intervention de l’établissement public de Paris-Saclay.
« Cette zone comprend au moins 2 300 hectares de terres consacrées à l’activité agricole situées sur les communes figurant à l’annexe À bis précitée.
« Pour l’exercice de ses missions, l’organe délibérant de l’établissement public de Paris-Saclay définit les secteurs indispensables au développement du pôle scientifique et technologique. Ces secteurs ne peuvent être inclus dans la zone de protection.
« La zone est délimitée après enquête publique conduite dans les conditions définies par le chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement. L’enquête porte également sur la ou les mises en compatibilité visées au dernier alinéa.
« Une carte précisant le mode d’occupation du sol est annexée au décret en Conseil d’État précité.
« L’interdiction d’urbaniser dans la zone de protection vaut servitude d’utilité publique et est annexée aux plans locaux d’urbanisme des communes intéressées, dans les conditions prévues par l’article L. 126-1 du présent code.
« Les communes intéressées disposent d’un délai de six mois à compter de la publication du décret en Conseil d’État visé au premier alinéa du présent article pour mettre en compatibilité leur plan local d’urbanisme.
« Art. L. 141-6. - (Suppression maintenue)
« Art. L. 141-7. - La révision du périmètre de la zone est prononcée par décret en Conseil d’État, selon les modalités définies à l’article L. 141-5.
« Art. L. 141-8. - Au sein de la zone de protection, l’établissement public de Paris-Saclay élabore, en concertation avec les communes ou établissements publics de coopération intercommunale situés dans la zone de protection, un programme d’action qui précise les aménagements et les orientations de gestion destinés à favoriser l’exploitation agricole, la gestion forestière, la préservation et la valorisation des espaces naturels et des paysages.
« Lorsqu’il concerne la gestion agricole, le programme d’action est établi après consultation de la chambre interdépartementale d’agriculture d’Île-de-France.
« Lorsqu’il concerne la gestion forestière, le programme d’action est établi en accord avec l’Office national des forêts et le centre régional de la propriété forestière d’Île-de-France et du Centre. Les documents d’orientation et de gestion des forêts concernées élaborés en application du code forestier sont adaptés, si nécessaire, en fonction des orientations retenues, et valent aménagement et orientation de gestion au titre du présent article.
« Art. L. 141-9. - Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application de la présente section. » ;
2° Après le c de l’article L. 123-12, il est inséré un c bis ainsi rédigé :
« c bis) Sont manifestement contraires au programme d’action visé à l’article L. 141-8 ; ».
Article 29
I. - Après l’article 1er-4 de l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l’organisation des transports de voyageurs en Île-de-France, il est inséré un article 1er-5 ainsi rédigé :
« Art. 1er-5. - I. - Il est constitué un syndicat mixte de transports entre l’établissement public de Paris-Saclay et les communes ou leurs groupements compétents en matière de transports. La liste des communes intéressées est annexée à la présente ordonnance.
« Sauf dispositions contraires prévues par le présent article, ce syndicat est régi par les articles L. 5721-1, L. 5721-4, L. 5721-6 et L. 5722-1 du code général des collectivités territoriales.
« II. - Le comité syndical de l’établissement comprend des représentants de l’établissement public de Paris-Saclay, des départements de l’Essonne et des Yvelines et des communes ou de leurs groupements compétents en matière de transports, désignés en application des articles L. 2121-21, L. 2121-33 et L. 5711-1 du même code. Chaque membre est représenté dans le comité par un délégué.
« L’établissement public de Paris-Saclay dispose de 40 % des voix. Le quotient ainsi obtenu est, s’il y a lieu, arrondi à l’unité supérieure pour attribuer à l’établissement un nombre entier de voix. Les autres voix sont réparties entre les départements, les communes ou leurs groupements comme suit :
« 1° Chaque département dispose de trois voix ;
« 2° Chaque commune de 80 000 habitants et plus dispose de neuf voix ;
« 3° Chaque commune de 20 000 habitants et plus et de moins de 80 000 habitants dispose de trois voix ;
« 4° Chaque commune de moins de 20 000 habitants dispose d’une voix ;
« 5° Les établissements publics de coopération intercommunale disposent des voix attribuées à leurs membres en lieu et place de ces derniers.
« Le président du syndicat mixte est élu parmi les membres du comité syndical, à la majorité qualifiée des deux tiers.
« Les membres du syndicat mixte contribuent aux dépenses de l’établissement au prorata du nombre de voix qu’ils détiennent.
« III. - Le syndicat élabore un plan local de transport. Ce document porte sur les services réguliers et à la demande assurés dans le périmètre d’intervention du syndicat pour la desserte des organismes exerçant des activités d’enseignement supérieur et de recherche, et des entreprises. Il précise les liaisons à desservir, la nature des services et les programmes d’investissements nécessaires. Il est approuvé à la majorité qualifiée des deux tiers.
« Le syndicat mixte transmet ce plan au Syndicat des transports d’Île-de-France.
« Les deux parties disposent d’un délai de six mois à compter de cette transmission pour convenir des conditions d’application par le Syndicat des transports d’Île-de-France du plan local de transport, éventuellement modifié pour tenir compte des observations de ce dernier.
« À défaut d’accord entre le syndicat mixte et le Syndicat des transports d’Île-de-France, le syndicat mixte devient autorité organisatrice des services de transport qui sont inscrits au plan local de transport.
« L’autorité organisatrice des services de transport désigne les exploitants, définit les modalités techniques d’exécution, les conditions générales d’exploitation et de financement des services et veille à la cohérence des programmes d’investissements. Les règles de tarification en vigueur en Île-de-France sont applicables aux services inscrits au plan local de transport.
« Une convention, à laquelle est annexé le plan local de transport, fixe les conditions de participation de chacune des parties au financement des services concernés qui sont inscrits au plan de transport du Syndicat des transports d’Île-de-France, les aménagements tarifaires éventuellement applicables et les mesures de coordination des services organisés respectivement par le Syndicat des transports d’Île-de-France et le syndicat mixte.
« À l’expiration du délai mentionné au troisième alinéa du présent III, les parties disposent d’un délai de six mois pour conclure cette convention.
« À défaut, le représentant de l’État dans la région d’Île-de-France fixe les règles et mesures mentionnées au sixième alinéa. Il détermine les conditions de participation financière du Syndicat des transports d’Île-de-France en tenant compte du produit du versement de transport perçu par cet établissement dans le périmètre d’intervention du syndicat mixte.
« IV. - Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. Il précise notamment les règles d’organisation et de fonctionnement du syndicat mixte, les règles de coordination des transports et les conditions de révision du plan local de transport. »
II. - La liste figurant à l’annexe B à la présente loi est annexée à l’ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 précitée.
III. - Le I entre en vigueur le 1er juillet 2011, sauf si le Syndicat des transports d’Île-de-France a délégué une partie de ses attributions afin d’assurer la desserte des organismes exerçant des activités d’enseignement supérieur et de recherche ainsi que des entreprises dans les communes visées à l’annexe B précitée.
ANNEXE A
LISTE DES COMMUNES INCLUSES DANS LE PÉRIMÈTRE D’INTERVENTION DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC DE PARIS-SACLAY
Communes du département de l’Essonne :
Ballainvilliers
Bièvres
Bures-sur-Yvette
Champlan
Chilly-Mazarin
Épinay-sur-Orge
Gif-sur-Yvette
Gometz-le-Châtel
Igny
Linas
Longjumeau
Longpont-sur-Orge
Marcoussis
Massy
Morangis
Montlhéry
Nozay
Orsay
Palaiseau
Saclay
Saint-Aubin
Saulx-les-Chartreux
Les Ulis
Vauhallan
Villebon-sur-Yvette
La-Ville-du-Bois
Villejust
Villiers-le-Bâcle
Wissous
Communes du département des Yvelines :
Bois-d’Arcy
Buc
Châteaufort
Le Chesnay
Élancourt
Fontenay-le-Fleury
Guyancourt
Jouy-en-Josas
Les-Loges-en-Josas
Magny-les-Hameaux
Montigny-le-Bretonneux
Rocquencourt
Saint-Cyr-l’École
Toussus-le-Noble
Trappes
Vélizy-Villacoublay
Versailles
La Verrière
Viroflay
Voisins-le-Bretonneux
ANNEXE A BIS
LISTE DES COMMUNES VISÉES À L’ARTICLE 28
Bièvres
Buc
Châteaufort
Gif-sur-Yvette
Guyancourt
Igny
Jouy-en-Josas
Les Loges-en-Josas
Orsay
Palaiseau
Saclay
Saint-Aubin
Toussus-le-Noble
Vauhallan
Villiers-le-Bâcle
ANNEXE B
LISTE DES COMMUNES INCLUSES DANS LE PÉRIMÈTRE D’INTERVENTION DU SYNDICAT MIXTE DE TRANSPORTS DU PÔLE SCIENTIFIQUE ET TECHNOLOGIQUE DE SACLAY
Communes du département de l’Essonne :
Ballainvilliers
Bièvres
Bures-sur-Yvette
Champlan
Chilly-Mazarin
Épinay-sur-Orge
Gif-sur-Yvette
Gometz-le-Châtel
Igny
Linas
Longjumeau
Longpont-sur-Orge
Marcoussis
Massy
Morangis
Montlhéry
Nozay
Orsay
Palaiseau
Saclay
Saint-Aubin
Saulx-les-Chartreux
Les Ulis
Vauhallan
Villebon-sur-Yvette
La-Ville-du-Bois
Villejust
Villiers-le-Bâcle
Wissous
Communes du département des Yvelines :
Bois-d’Arcy
Buc
Châteaufort
Le Chesnay
Élancourt
Fontenay-le-Fleury
Guyancourt
Jouy-en-Josas
Les-Loges-en-Josas
Magny-les-Hameaux
Montigny-le-Bretonneux
Rocquencourt
Saint-Cyr-l’École
Toussus-le-Noble
Trappes
Vélizy-Villacoublay
Versailles
La Verrière
Viroflay
Voisins-le-Bretonneux
M. le président. Sur les articles du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je ne suis saisi d’aucun amendement.
Quelqu’un demande-t-il la parole sur l’un de ces articles ?...
Le vote est réservé.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je donne la parole à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons dénoncé le recours à la procédure d’urgence pour l’examen d’un texte si crucial pour l’avenir de la région francilienne et demandé, sans succès, qu’il y soit renoncé. Le Gouvernement porte la pleine responsabilité de ce refus aux yeux de la population et de ses représentants.
Malgré ces conditions de débat insatisfaisantes, notre groupe a fait des propositions visant à améliorer ce texte, pour tenter de faire de la métropole francilienne un lieu de coopération et de développement concerté, un territoire solidaire. Toutes ont été balayées : le Gouvernement et la majorité en portent, là aussi, la responsabilité.
Nous n’avons eu de cesse de dénoncer ce projet de loi, notamment parce qu’il s’inscrit pleinement dans un ensemble plus vaste de réformes. Qui peut nier, par exemple, que ce texte soit lié à la réforme des collectivités territoriales ? La mise en œuvre de cet ensemble de réformes se soldera finalement par moins de services publics, moins d’élus de proximité, donc moins de démocratie et de cohésion sociale.
Jouer en partie l’avenir de la région d’Île-de-France sur un « tube » de 130 kilomètres, principalement financé par la spéculation foncière autour d’une quarantaine de futures gares, c’est signer l’arrêt de mort de toutes les politiques menées courageusement par les collectivités, qui travaillent pour assurer la présence d’infrastructures publiques de qualité, partout et pour tous.
Comment nier l’incidence qu’aura très vite la mise en place de cette logique spéculative, dont la conséquence évidente sera de repousser toujours plus loin les populations les plus fragiles, en bref toutes celles et tous ceux qui n’intéressent pas la finance et les quartiers d’affaires ?
L’État, par la création de la Société du Grand Paris, met en chantier une réorganisation profonde de l’ensemble de l’Île-de-France. Les communes concernées par le Grand Huit se verront proposer un choix véritablement cornélien, entre la mainmise sur leur foncier par la Société du Grand Paris dans le cadre d’un contrat de développement territorial ou par le biais de la zone de préemption de 400 mètres de rayon autour des futures gares.
Où est la concertation dans cette procédure de racket du territoire francilien au profit de la SGP ? Quelle marge de manœuvre reste-t-il aux collectivités ? Ne biaisons pas : elle sera faible.
Face à ce déni de démocratie, nous serons pleinement engagés dans le débat public qui va commencer, et qui durera plus de quelques mois, contrairement à ce que prévoit le projet de loi. Il est en effet indispensable que les hommes et les femmes vivant et travaillant dans notre région soient informés, puissent donner leur opinion et fassent valoir leurs avis sur un projet qui influera sur leurs conditions de vie, de travail, de circulation, et qui comportera des incidences écologiques évidentes.
Dans ce scénario de prise en main étatique de la région d’Île-de-France voulu par la majorité, où se trouve la réponse aux problèmes de vie quotidiens de millions de personnes ? Ce scénario impose un mode de développement selon des pôles d’excellence et oublie le reste des territoires. Cela ne peut aboutir qu’au renforcement de la mise en concurrence des territoires et à la création de nouvelles zones privées de développement économique. Faute de ressources, elles deviendront des lieux où il sera plus difficile de vivre, où les transports en commun ne seront pas améliorés, ce qui va à l’encontre des projets de développement durable. Il ne peut en résulter que de nouvelles inégalités.
Une fois ce projet de loi adopté, une hypothèque demeurera : qui viendra financer sa mise en œuvre ? On parle de 21 milliards d’euros, mais tout le monde sait qu’il s’agit là d’une estimation basse. Outre les 4 milliards d’euros que l’État est supposé avancer au titre du grand emprunt, encore plus hypothétiques aujourd’hui qu’hier eu égard aux mesures de rigueur imposées aux peuples d’Europe pour pallier la faillite de l’actuelle construction européenne, qui fait justement la part belle à la spéculation, rien n’est vraiment assuré. On peut gager que ce seront les habitants et les usagers qui paieront pour la réalisation d’un projet de transport n’améliorant guère leur quotidien.
La réintroduction du débat public sur Arc Express ne doit pas cacher la réalité de ce projet : au lieu d’une coopération et d’une mise en compatibilité, on assistera à un combat projet contre projet, qui se livrera au détriment des populations.
Ce projet de loi ne répond aucunement à l’aspiration populaire à une métropole respectueuse de l’environnement, permettant un mieux-vivre pour chacun, favorisant des projets de solidarité, irriguée par un maillage fin de réseaux de transport et tendant à la mixité sociale, essentielle à la solidarité territoriale. Il est vraiment regrettable que le Gouvernement tourne le dos à ces aspirations. En conséquence, je le confirme, notre groupe votera contre les conclusions de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je fais miens sans réserve les propos de mes collègues Jacques Gautier et Christian Cambon.
À mon tour, je voudrais féliciter M. le rapporteur du travail tout à fait remarquable qu’il a mené sous la houlette de M. le président de la commission spéciale. Le Sénat s’est livré à une réflexion très approfondie, et la commission mixte paritaire a, pour l’essentiel, conservé ses apports, qui, je puis en témoigner, répondent réellement aux attentes des élus locaux.
Ainsi, nous avons introduit le logement dans ce projet de loi et fait référence à la nécessité de développer le très haut débit. Sur l’initiative de M. Cambon, un certain nombre d’objectifs ont été ajoutés en termes de rénovation des infrastructures de transport existantes. Cela répond à une attente très forte dans le département de l’Essonne, où nous sommes confrontés à une situation quotidiennement insupportable. Le rappel de cette exigence y a été très apprécié. L’interconnexion entre la nouvelle infrastructure et les anciennes est aussi un élément très important.
Le projet du plateau de Saclay est assez extraordinaire. Quelques-unes de nos meilleures grandes écoles se trouvent déjà sur place. La perspective de les voir travailler en synergie et de donner une impulsion nouvelle à la recherche et à l’enseignement supérieur sur le plateau est extrêmement satisfaisante pour les élus de l’Essonne. Loin de s’inquiéter de ce projet, les enseignants de l’université d’Orsay devraient s’en réjouir, me semble-t-il, car il est de nature à faire rayonner encore davantage leur campus, au sein de ce regroupement des meilleurs établissements de recherche français.
La valorisation du plateau de Saclay participe bien de cette volonté de faire rayonner le Grand Paris, de favoriser son développement, de lui donner un nouvel élan, pour que notre capitale, conformément au vœu du Président de la République, soit une ville-monde.
Par ailleurs, monsieur Vera, si quelques-unes des plus performantes de nos entreprises profitent de ce rapprochement pour développer leur recherche et améliorer leur compétitivité internationale, ce n’est pas moi qui m’en plaindrai !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas ce qui va se passer !
M. Laurent Béteille. Je crois donc qu’il s'agit d’un très beau projet pour le département de l’Essonne. Toutefois, il fallait faire en sorte que ce développement ne se fasse pas au détriment de l’environnement. Or un certain nombre d’associations de défense de la nature craignaient précisément que l’arrivée du métro automatique et la création d’une nouvelle gare sur le plateau ne suscitent un essor anarchique de l’urbanisme. Pour apaiser ces craintes, il fallait sanctuariser les fameux 2 300 hectares de terres agricoles du plateau : vous y avez consenti, monsieur le secrétaire d'État, et donné l’assurance que cette mesure serait prise dans un délai précis. De ce point de vue, nous avons obtenu satisfaction.
Enfin, conformément aux attentes des élus locaux, la commission mixte paritaire a permis à deux maires supplémentaires de siéger au sein du conseil d’administration de l’établissement public du plateau de Saclay.
En conclusion, le travail qui a été réalisé, tant au Sénat qu’au sein de la commission mixte paritaire, est de nature à nous satisfaire pleinement. L’élu de l’Essonne que je suis est heureux de pouvoir voter ce texte. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?…
Conformément à l’article 42, alinéa 12, du règlement, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans la rédaction résultant du texte élaboré par la commission mixte paritaire.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 206 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 179 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
En conséquence, le projet de loi est adopté définitivement.
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Modification de l’ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. le ministre chargé des relations avec le Parlement a avancé au mercredi 2 juin, après la suite éventuelle du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, le début de la discussion des projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits, initialement prévu le jeudi 3 juin prochain.
La discussion de ces deux projets de loi se poursuivra le jeudi 3 juin après-midi et soir et, éventuellement, le vendredi 4 juin.
En conséquence, l’ordre du jour des séances des mercredi 2, jeudi 3 et vendredi 4 juin s’établit comme suit :
Mercredi 2 juin 2010
À 14 heures 30 et le soir :
- Suite éventuelle du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique ;
- Projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits.
Jeudi 3 juin 2010
À 9 heures 30 :
- Projet de loi de finances rectificative pour 2010 ;
À 15 heures et le soir :
- Questions d’actualité au Gouvernement ;
- Suite éventuelle du projet de loi de finances rectificative pour 2010 ;
- Suite des projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits.
Éventuellement, vendredi 4 juin 2010
À 9 heures 30 et à 14 heures 30 :
- Suite des projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits.
Acte est donné de cette communication.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 28 mai 2010 à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche (n° 200, 2009-2010).
Rapport de M. Gérard César et M. Charles Revet, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 436, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 437, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures vingt.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART