compte rendu intégral
Présidence de Mme Monique Papon
vice-présidente
Secrétaires :
M. François Fortassin,
M. Philippe Nachbar.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Conseil économique, social et environnemental
Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixte paritaire
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental (n° 462).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est appelé à voter le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, le CESE, après qu’a été adoptée la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a engagé la transformation de cette institution.
Le projet de loi organique procède à une véritable refondation du Conseil économique et social, dont les relations avec le Parlement demandaient à être renforcées et réaffirmées en sa qualité de troisième chambre au sens même de la Constitution.
L’article 1er du projet de loi organique pose clairement l’objet même du Conseil économique, social et environnemental en en rappelant les missions. Il dispose que le Conseil « assure leur participation à la politique économique, sociale et environnementale de la nation » et qu’« il examine les évolutions en matière économique, sociale ou environnementale et suggère les adaptations qui lui paraissent nécessaires ».
Nous avions entièrement souscrit à la volonté de l’Assemblée nationale de rétablir le fait que le Conseil doit favoriser la collaboration des principales activités du pays afin d’assurer une plus forte participation aux politiques mises en œuvre.
L’article 3 conforte ce rôle, considérant que le Conseil peut « appeler l’attention du Gouvernement et du Parlement sur les réformes qui lui paraissent nécessaires ».
Nous nous trouvons ainsi au cœur de l’équilibre des rôles entre les missions qui relèvent du Conseil économique, social et environnemental et les pouvoirs des assemblées parlementaires qui disposent désormais de la possibilité de le consulter.
Cet équilibre se trouve bien évidemment renforcé par la faculté donnée à nos concitoyens de saisir le Conseil économique, social et environnemental par voie de pétition. Sur ce point, monsieur le ministre, vous savez l’intérêt que nous portons à ce que le contrôle des signatures puisse s’effectuer par échantillonnage tout en prévoyant que l’avis soit rendu dans un délai maximum d’une année.
Pour favoriser la saisine du Conseil, le Sénat a souhaité renforcer et élargir la procédure d’urgence relative aux avis demandés au Conseil économique, social et environnemental.
S’agissant de la représentativité, le projet de loi organique, par référence au principe de parité, assure une meilleure prise en compte de la représentation des femmes et l’ouverture aux associations environnementales en même temps que la représentation des jeunes et des étudiants, en abaissant de vingt-cinq ans à dix-huit ans l’âge requis pour siéger au Conseil.
Tout en conservant l’équilibre de la répartition entre catégories adoptée par l’Assemblée nationale, le Sénat a tenu à procéder à un fléchage de certaines personnalités qualifiées. Ce fléchage permet d’enrichir la composition du Conseil en réintroduisant la représentation des entreprises publiques, la représentativité des activités économiques françaises à l’étranger – c’est une demande des sénateurs représentant les Français de l’étranger – et en associant au collège environnemental une représentation des entreprises qui sont au cœur de ces enjeux.
Votre rapporteur avait d’ailleurs proposé que les personnalités qualifiées soient désignées par tiers par le Président de la République et par chacun des présidents des deux assemblées. Mais, monsieur le ministre, vous avez convaincu le Sénat que la nomination des personnalités qualifiées devait être appréciée globalement et qu’il convenait, pour ce faire, que ce choix relève d’une autorité unique.
Enfin, il est un point qui, malgré tout, reste quelque peu en suspens ou, plus précisément, qui est différé. C’est celui de la représentativité, qui est vraisemblablement l’objet d’une des critiques les plus anciennes et les plus importantes opposées au Conseil économique et social.
Le projet de loi organique devait d’abord intégrer à effectif constant les acteurs du monde environnemental afin que puisse être créé un troisième pôle au sein du CESE ; mais la loi du 20 d’août 2008, qui a réformé les critères de représentativité des syndicats, ne prendra effet qu’en 2014. Il n’était dès lors pas possible d’aller plus loin dans la réforme de la composition du CESE sans déséquilibrer brutalement cette institution.
Néanmoins, il est nécessaire que le problème de la représentativité des membres du CESE soit à terme pris en compte par le législateur. C’est l’objet de l’article 8 bis A par lequel le Sénat a introduit la clause de revoyure qui permettra d’évaluer la pertinence de la composition du CESE tous les dix ans et pour la première fois dès 2014.
Au-delà de la discussion qui a eu lieu en commission mixte paritaire sur la nature du dispositif proposé, je me félicite de l’identité de vues des membres de cette dernière sur ce point important, dont la mise en œuvre relève de la responsabilité du Gouvernement.
La refondation entreprise donne au CESE les outils institutionnels lui permettant de jouer pleinement le rôle qu’a entendu lui donner la réforme constitutionnelle de 2008 pour autant que l’on voudra en faire vivre l’esprit.
Le projet de loi organique relatif au Conseil économique, social et environnemental, tel qu’il résulte des travaux de la commission mixte paritaire, est un texte équilibré au regard des attentes et des ambitions placées dans ce nouveau Conseil. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de l’adopter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Henri de Raincourt, ministre chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi organique assure la pleine transformation du Conseil économique et social en Conseil économique, social et environnemental, et sa revalorisation, déjà engagée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Le texte adopté par la commission mixte paritaire est le résultat d’un travail parlementaire approfondi, conduit dans un esprit de dialogue et de responsabilité.
Je dois saluer la qualité des débats auxquels il m’a été donné de participer, tout particulièrement au Sénat, débats qui ont permis d’aboutir à un texte équilibré, comme M. le rapporteur l’a lui-même souligné à l’instant.
Je tiens tout particulièrement à remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, et le rapporteur, M. Jean-Pierre Vial, de leur contribution tout à fait éminente et décisive à l’élaboration de solutions pouvant faire l’objet d’un large consensus.
La principale difficulté de ce texte résidait dans la recomposition nécessaire du Conseil. La modification de la composition, réalisée à effectif constant – cela a été dit à de nombreuses reprises –, devait traduire de façon adéquate la nouvelle compétence environnementale du Conseil. Elle devait également tenir compte des transformations de la société française afin de garantir la représentativité de l’institution.
La nouvelle composition proposée par le Gouvernement reposait sur un équilibre fragile, difficilement acquis. Le Sénat, comme l’Assemblée nationale, a pris soin de préserver cet équilibre, et je tiens à lui exprimer la vive gratitude du Gouvernement.
Comme cela a également été rappelé, la Haute Assemblée a souhaité enrichir la composition du Conseil, et la commission mixte paritaire a retenu le système de fléchage des personnalités qualifiées mis en place à cet effet. Les entreprises publiques, les activités économiques françaises à l’étranger, l’économie verte, le logement social, les retraités trouveront ainsi désormais une représentation dans les différents contingents de personnalités qualifiées.
L’institution d’une clause de revoyure répond, en outre, au souci de la Haute Assemblée de garantir durablement la représentativité du nouveau Conseil économique, social et environnemental.
Par ailleurs, le projet de loi organique tend à adapter le fonctionnement du Conseil afin de tirer toutes les conséquences de la révision constitutionnelle. Le travail d’actualisation de l’ordonnance de 1958 mené par le Gouvernement a été amélioré par l’Assemblée nationale. Plusieurs dispositions innovantes ont aussi été adoptées pour renforcer la dynamique de la réforme. La commission mixte paritaire a ainsi retenu, sur l’initiative du Sénat, la création d’une procédure de consultation en urgence ou la fixation d’un délai maximum pour rendre un avis sur une pétition.
Enfin, le projet de loi organique précise les conditions de consultation du Conseil économique, social et environnemental par le Parlement et celles de sa saisine par voie de pétition. Ces nouvelles voies de saisine, instaurées par la Constitution révisée, sont largement ouvertes par le texte, tout en préservant le Conseil d’excès qui seraient préjudiciables à la réalisation de sa mission et à la qualité de ses travaux. Répondant à un souci d’équilibre, ces dispositions ont été adoptées conformes par les deux assemblées.
Ainsi, après un examen minutieux par les deux chambres du Parlement, le projet de loi organique me paraît pleinement répondre à l’ensemble des objectifs fixés par le constituant.
Mesdames, messieurs les sénateurs, l’adoption de ce projet de loi organique sera un moment majeur dans la vie du Conseil économique, social et environnemental. Plus représentatif et donc plus légitime, modernisé et donc plus efficace, le Conseil pourra prendre toute sa place au cœur de nos institutions et de notre société. Sa contribution sera attendue pour permettre à notre démocratie de faire face aux défis majeurs de notre temps. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ultime étape de la réforme du Conseil économique, social et environnemental, cette séance relative aux conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 18 mai dernier me donne l’occasion de rappeler ici un certain nombre de nos positions, lesquelles n’ont été que partiellement prises en considération. Il faut toutefois noter que le travail des deux assemblées a largement permis d’améliorer le texte présenté par le Gouvernement.
Je tiens à saluer le courage de M. le rapporteur de la commission des lois, Jean-Pierre Vial, qui a pris des positions intéressantes sur de nombreux points de cette réforme, notamment sur le droit de pétition ou sur la nomination des personnalités qualifiées. Ses positions, qui, souvent, n’étaient pas très éloignées des nôtres, n’ont malheureusement pas été toujours soutenues par la majorité sénatoriale.
Hormis quelques ajustements d’ordre rédactionnel, le texte découlant de la commission mixte paritaire est en tout point similaire à celui que nous avons voté en séance publique le 5 mai dernier. Les sénateurs socialistes ont néanmoins permis de maintenir lors de la commission mixte paritaire des dispositions jugées utiles que les députés souhaitaient supprimer. Je pense à la clause de revoyure.
Mon analyse sera donc en tout point conforme à celle que j’ai déjà pu défendre : le texte permet certes un certain nombre d’avancées, mais il me laisse toutefois de nombreux regrets.
En ce qui concerne les avancées, la commission mixte paritaire n’a pas modifié, grâce à l’appui des sénateurs socialistes, l’article 8 bis A relatif à la clause de revoyure. Cet article tend à prévoir la remise d’un rapport au Parlement, afin que les assemblées puissent être saisies de l’évolution de la composition du CESE tous les dix ans, avec une première mise en œuvre dans quatre ans. Vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur, il s’agit d’une avancée importante, que nous devons au Sénat.
La commission mixte paritaire, à l’instar du Sénat, n’a également pas remis en cause l’apport de l’Assemblée nationale concernant la représentation du mouvement coopératif agricole. C’est un signal fort envoyé à destination du monde agricole, qui connaît une crise aiguë.
Du côté des regrets, nos propositions visant à améliorer la représentation des Français de l’étranger, des acteurs du logement social et des représentants des entreprises publiques n’ont pas été retenues.
Nous n’avons pas été suivis non plus sur la mise en œuvre d’une stricte parité entre les hommes et les femmes, sur la nomination des personnalités qualifiées ou encore sur la suppression des personnalités associées.
Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des articles du projet de loi. S’il convient de reconnaître que, à l’issue de cette réforme, le fonctionnement du CESE sera largement amélioré, la réforme est pour le moins timide s’agissant de la répartition et de la nomination de ses représentants.
Sur la représentation, bien que celle-ci ne soit plus figée puisqu’il pourra y avoir des ajustements périodiques pour tenir compte de l’évolution des différentes composantes de la société française, je m’étonne que n’ait pas été saisie l’opportunité qui nous a été donnée d’avoir, dès aujourd’hui, un CESE vraiment représentatif.
En effet, nos propositions dans ce domaine allaient dans le bon sens, notamment celles qui sont relatives à la représentation des Français de l’étranger, telles qu’elles ont été défendues par notre collègue Richard Yung, ou encore celles, pourtant des plus mesurées, qui portent sur la représentation des entreprises publiques.
Sur les articles 6 et 9 bis relatifs respectivement à la parité et à l’amélioration de la prise en compte de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, là encore, nos propositions n’ont pas été retenues. Je reste pourtant persuadé qu’il sera nécessaire, à moyen terme, de procéder à des ajustements sur ces deux points.
Enfin, de manière plus générale, deux points essentiels du projet de loi tel qu’il nous est présenté aujourd’hui sont pour le moins problématiques et viennent entacher assez gravement la portée de cette réforme : il s’agit de la désignation des personnalités qualifiées et de la non-suppression des personnalités associées.
Lors des débats en commission des lois, le rapporteur a retiré son amendement relatif à la désignation des personnalités qualifiées du CESE par tiers, par le Président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée nationale. Pour cette raison, nous avions déposé en séance publique un amendement identique, qui n’a pas été retenu.
Outre l’extension des attributions du CESE au domaine environnemental et son rapprochement des citoyens grâce à la saisine par voie de pétition, l’objectif majeur de la réforme était bien évidemment de renforcer les liens avec le pouvoir législatif. Sur ce dernier point, force est de constater que la réforme n’est pas aboutie.
Pour conclure, je souhaite exprimer mon profond regret en ce qui concerne l’article 9, relatif aux personnalités associées : notre amendement visant à supprimer cette catégorie de membres non titulaires discrétionnairement nommés par le Gouvernement n’a pas été adopté. La suppression de cet anachronisme aurait fait honneur à notre assemblée et mis fin à des pratiques d’une autre époque.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu des éléments que je viens de développer, le groupe socialiste s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier M. le rapporteur de la qualité de son travail et de sa volonté de faire évoluer positivement le Conseil économique, social et environnemental.
Conséquence de la procédure accélérée engagée par le Gouvernement, le projet de loi organique relatif au CESE nous revient aujourd’hui après une seule lecture dans chaque assemblée. Le cheminement du texte illustre, une fois de plus, la surcharge du calendrier parlementaire. Ce projet de loi organique ne déroge malheureusement pas à ce qui est en passe de devenir la norme.
En effet, bien qu’il ait été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 25 août 2009 et qu’il fasse l’objet d’une procédure accélérée, il aura fallu attendre plus de huit mois pour qu’il soit discuté par nos collègues députés, la priorité ayant été donnée à d’autres textes médiatiques. Il aura ensuite été débattu en un mois successivement à l’Assemblée nationale, au Sénat et en commission mixte paritaire. Reconnaissons, mes chers collègues, que tout cela n’est pas d’une grande logique !
Ce projet de loi organique, qui permet une évolution, et non une révolution,…
M. Henri de Raincourt, ministre. Effectivement, car on ne sait jamais comment finit une révolution ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. … contient des éléments qui nous paraissent positifs. Notre groupe s’abstiendra ou votera le texte, mais, en tout état de cause, aucun de ses membres ne s’y opposera.
Sur le fond, les conclusions de la commission mixte paritaire s’inscrivent dans le droit fil des discussions auxquelles a donné lieu l’examen du projet de loi organique devant la Haute Assemblée. Certaines des dispositions qui avaient été adoptées ici ont ainsi été conservées : la procédure de consultation en urgence, l’encadrement de la procédure d’avis sur les pétitions, l’obligation de prendre en compte, le cas échéant, les avis du CESE dans les études d’impact annexées aux projets de loi. Nous en prenons acte, et nous en sommes satisfaits.
Nous nous félicitons également qu’ait été retenue, après quelques débats, la proposition de notre rapporteur, votée par le Sénat, tendant à obliger le Gouvernement à envisager périodiquement la révision de la composition du CESE, afin de garantir le maintien d’une réelle représentativité de cette institution. Le Sénat avait choisi de prévoir la remise d’un rapport suivie d’un débat, seul moyen envisageable de s’assurer que ce point soit évoqué tous les dix ans.
Nous le savons tous, depuis la création du Conseil, la question de la représentativité des membres de ce dernier constitue un point d’achoppement. Elle avait déjà été soulevée en 1963 et, avant la discussion du présent projet de loi organique, une seule réforme était intervenue, en 1984.
Nous espérons que la clause décennale de revoyure ainsi introduite permettra de prévenir la sédimentation et l’immobilisme éventuel du CESE, afin de garantir que sa composition reflète au mieux l’image du monde économique, social et environnemental de notre pays. Le CESE doit devenir une institution à l’expertise solide et diversifiée, ce qui est loin d’être compatible avec le processus actuel de choix des heureux désignés.
Néanmoins, aussi bien les débats en première lecture que ceux de la commission mixte paritaire n’ont pas permis de régler un certain nombre de problématiques que nous évoquions ici même le 5 mai dernier.
En premier lieu, subsiste le problème – c’en est bien un, en effet, comme notre collègue Simon Sutour vient de le rappeler – des conditions de nomination des 72 membres de section associés désignés par le Premier ministre. Nous demeurons opposés au principe même de ce train de nomination, qui répond le plus souvent à des considérations trop peu transparentes – ou elles le sont trop justement ! – et pas toujours conformes à l’intérêt général et au niveau d’expertise qui devrait être requis pour devenir membre du Conseil.
Le rapport Chertier de 2002 évoquait déjà en des termes peu amènes l’inutilité de ces conseillers dont l’existence menace l’équilibre, déjà fragile, de l’institution. Nous n’avons pas du tout été convaincus par l’argumentation qui nous a été opposée par le Gouvernement, pour lequel le choix des personnalités qualifiées doit être apprécié globalement et, en conséquence, être effectué par une autorité unique.
Dès lors, et puisque rien n’a changé sur ce point, nous persistons à penser que le maintien de ces conseillers nommés de façon discrétionnaire constitue une survivance fort regrettable. De la sorte, nous ne contribuons pas à doter le CESE de la crédibilité et de la légitimité qu’il recherche pour trouver enfin une place solide dans notre paysage institutionnel.
En second lieu, nous regrettons le compromis auquel est parvenue la CMP à l’article 6 sur la représentation des entreprises publiques parmi les personnalités qualifiées du secteur économique. Actuellement représentées par dix conseillers, les entreprises publiques ne le seront plus que par deux représentants, alors que leur importance est majeure dans notre pays.
Le Sénat avait d’ailleurs initialement prévu, sur l’initiative de notre rapporteur et à l’unanimité de notre commission, me semble-t-il, de porter ce chiffre à trois, pour permettre la représentation des activités économiques françaises à l’étranger. Ce compromis aboutit au final à une sous-représentation des entreprises publiques, face aux vingt-sept représentants des entreprises privées, industrielles, commerciales et de services. Nous regrettons ce déséquilibre.
En troisième lieu, et en conclusion, nous constatons que le dispositif de saisine du CESE par le Parlement, rendu possible par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, est resté en l’état. En limitant ce droit de saisine, malgré d’autres avancées comme les pétitions, le texte introduit un filtrage qui réserve, de fait, un droit de veto à la majorité. Il est dommage qu’un effort n’ait pas été fait sur cette question.
Si le CESE doit avoir une efficacité dans nos institutions, c’est par la qualité de son expertise (M. le ministre acquiesce.), laquelle passe, bien évidemment, par la compétence et l’expérience des hommes amenés à y siéger.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jacques Mézard. En tout état de cause, les conclusions de la commission mixte paritaire n’ont pas levé tous les doutes qui étaient les nôtres en première lecture. Dans ces conditions, les membres de notre groupe confirmeront leur vote, les uns s’abstenant, les autres votant en faveur du texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous l’avons dit lors de l’examen du projet de loi organique, comme d’ailleurs lors de la révision constitutionnelle, la réforme du Conseil économique et social et sa transformation en Conseil économique, social et environnemental nous paraissent tout à fait opportunes. Nous sommes bien entendu favorables à la consultation de ce conseil par le Parlement et à sa saisine par les citoyens. Un certain nombre d’évolutions positives sont donc à noter.
Nous avons cependant émis des critiques sur la nomination par le pouvoir exécutif des personnalités qualifiées, dont on ignore la nature des qualifications requises, sur la suppression des représentants des entreprises publiques, sur l’absence de représentant des organismes du logement social, sur la diminution de la représentation du monde agricole, enfin et surtout sur l’absence de changement véritable quant à la prise en compte des avis du Conseil économique, social et environnemental.
Nous avions présenté des amendements correspondant à ces remarques lors de l’examen de ce texte, mais ils n’ont pas été retenus. Le texte issu de la commission mixte paritaire diffère peu de celui qui a été adopté par le Sénat.
Je le répète, les inflexions au texte initial apportées par le Sénat et par la commission mixte paritaire sont plutôt positives : l’ajout d’un représentant du logement social, qui comble une lacune importante, la procédure de saisine d’urgence du CESE, la possibilité de contester la nomination d’un membre devant le Conseil d’État, la clause de revoyure.
Reste que les raisons pour lesquelles nous nous étions abstenus demeurent. Elles tiennent principalement à la sous-représentation des entreprises publiques – même si la représentation de celles-ci a été rétablie, le fait de limiter le nombre de leurs représentants à deux nous paraît sous-estimer la place des entreprises publiques et du service public dans ce pays –, au système de nomination des personnalités qualifiées, qui montre la toute-puissance de l’exécutif et son pouvoir discrétionnaire, et à l’absence de réel dispositif de suivi des avis du Conseil économique, social et environnemental.
Certes, le CESE s’étoffe et prend mieux en compte la réalité sociale, mais ses avis continueront à ne pas avoir beaucoup d’effet, ce qui est regrettable.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons à nouveau sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à dire que nous discutons aujourd’hui d’un texte amélioré, à la suite de son examen par le Sénat et par la commission mixte paritaire.
Je souhaite rappeler tout l’intérêt que nous portons au Conseil économique et social. Dans un pays comme le nôtre, où le débat et le dialogue sont toujours difficiles – c’est sans doute une responsabilité collective –, où nous avons beaucoup de mal à dégager des consensus, le Conseil économique et social est l’un des rares lieux où les représentants des salariés dialoguent véritablement et efficacement avec les représentants des employeurs. Il convient de souligner cette spécificité importante.
D’ailleurs, l’essaimage de cette institution à travers le monde – il existe, je crois, une soixantaine de conseils économiques et sociaux – prouve le succès et l’utilité de cette structure, contrairement à ce que beaucoup pensent. Reste qu’il faut bien sûr la faire évoluer et prendre en compte les grandes tendances de la société. Telle était la finalité de ce projet de loi organique.
Les travaux du Sénat, puis ceux de la commission mixte paritaire, ont amélioré le texte initial. Je pense au souci de l’environnement, au développement durable, à la saisine du CESE par les citoyens. Nous étions donc prêts à trouver un accord.
Mais, comme d’habitude, toutes nos propositions se sont heurtées au mur de fer de la majorité gouvernementale. Elles n’avaient pourtant rien de révolutionnaire et ne remettaient nullement en cause l’équilibre du texte. Nous pensions même – peut-être naïvement – qu’elles l’amélioraient.
Or, comme cela a été dit, la représentation des entreprises publiques a été réduite à la portion congrue. Il en va de même de la représentation des associations de protection des consommateurs, du secteur de l’économie sociale, du logement social ; et j’ose à peine parler de celle des Français de l’étranger – on va me reprocher de plaider pro domo –, qui disparaît, remplacée – Dieu merci – par un représentant des activités économiques françaises à l’étranger. Quel effort ! On a quand même l’impression de subir une capitis diminutio.
Un autre problème important, qui a déjà été évoqué, est l’inflation des personnalités qualifiées, qui passent de quinze à quarante. On me rétorquera qu’il est facile d’être vertueux quand on n’est pas aux affaires. Or nous prenions justement là un engagement, non seulement pour vous, si j’ose dire, mais aussi pour nous. Cette réforme des conditions de nomination des personnalités qualifiées aurait valu pour l’avenir. Finalement, on voit bien qu’il s’agira d’une sorte de vivier servant à l’exécutif pour remercier des services rendus, voire pis !
Le défaut de suppression des personnalités associées est soumis à la même critique.
Enfin, citons le problème de la parité homme-femme.
Ces raisons, que je ne fais qu’évoquer, vous les connaissez bien, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur. Nous pensions que nos propositions amélioreraient le texte, et nous continuons à le penser. Il est dommage que nous ne soyons pas parvenus à nous entendre sur des choses aussi simples.