M. Jacques Mahéas. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, d’où vient cette proposition de loi ?
M. Cambon s’en souvient, nous avions longuement discuté au sein du SEDIF, le syndicat des eaux d’Île-de-France, d’une proposition que j’avais faite de transformer le financement de publications qui me paraissaient luxueuses en aide à des pays en voie de développement, pays francophones et tous francophiles. M. Cambon a mis en place cette aide avec une grande dextérité et beaucoup de dévouement.
Après avoir aidé les démunis étrangers, nous avons eu l’idée de regarder ce qui se passait chez nous. Nous avons alors constaté qu’un effort devait être fait dans ce domaine.
Reconnaissons que cette proposition de loi a le mérite d’exister même si, en réalité, nous le verrons, elle ne constitue, hélas ! qu’une goutte d’eau. (Sourires.)
Il est légitime et utile de souligner que, contrairement à ce que consacre l’article 1er de la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, texte qui a pourtant été adopté il y a trois ans, les conditions d’accès à l’eau ne sont toujours pas économiquement acceptables pour les plus démunis. Autrement dit, le droit à l’eau est encore loin d’être effectif dans la pratique. En effet, de plus en plus de ménages sont amenés à dépenser plus de 3 % de leurs revenus pour le service d’eau et d’assainissement, alors que ce seuil est communément considéré comme correspondant aux conditions dites « économiquement acceptables ». Ainsi, la facture d’eau moyenne s’élèverait à environ 21 euros par mois, ce qui représente 1,6 % du revenu médian, mais 5 % du RMI.
C’est pourquoi la solidarité devrait s’exercer pour garantir l’accès à l’eau, qui est un service public vital. Reste à organiser et à financer cette solidarité. C’est là que le bât blesse, même si le texte initial a été amélioré, notamment en inscrivant le dispositif proposé dans le cadre du fonds de solidarité pour le logement.
Pour autant, si l’on compare la proposition de loi que nous examinons et ce que prévoit, depuis 2005, la loi visant à la mise en œuvre du droit au logement dans son article 6-3, on constate que les possibilités de financement et de convention existent déjà, sans que les sommes allouées aux FSL permettent de répondre aux objectifs proclamés, car les départements assument quasiment seuls cette charge.
Le groupe socialiste avait donc proposé de rendre obligatoire l’attribution d’une subvention au FSL de la part des gestionnaires et des distributeurs des services publics de l’eau et de l’assainissement… Amendement « retoqué » !
En l’état, la proposition de loi se contente de calquer la loi existante, sans garantir de participation financière. Où est le progrès ?
Je crains de ne voir là qu’un effet d’annonce, au moment où votre politique libérale amplifie la crise actuelle et contribue précisément à accroître la précarité des plus démunis. Admettons que ce texte vous donne bonne conscience sociale. Reste qu’il demeure trop peu contraignant pour être efficace.
J’aurai tout à l'heure l’occasion, en défendant un amendement, de présenter le calcul que j’ai réalisé concernant la participation maximale qui pourrait être imposée au SEDIF, mais, je vous le dis tout de suite, je ne retrouve pas les 50 millions d’euros qui ont été avancés !
Le texte que nous discutons ne modifie donc qu’à la marge la possibilité de venir en aide aux familles les plus démunies.
Cela étant, je salue le travail réalisé par M. Cambon. Notre collègue avait d’ailleurs proposé une participation pourtant extrêmement modeste, de 1 %, mais celle-ci n’a, semble-t-il, pas recueilli l’accord de Mme la secrétaire d’État.
Cette proposition de loi nous donne la possibilité de nous engager dans une vraie réflexion et, madame la secrétaire d’État, nous avons apprécié le discours que vous avez tenu devant nous. Mais les actes ne suivent pas ! Aussi, nous prenons date : un jour, il faudra que nous envisagions ensemble la création d’un tarif social de l’eau. Croyez-moi, vous recueillerez alors l’assentiment unanime du Sénat !
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
(M. Guy Fischer remplace Mme Catherine Tasca au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. Nous passons à la discussion de l’article unique.
Article unique
1° Après l’article L. 2224-12-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2224-12-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2224-12-3-1. – Pour contribuer au financement des aides attribuées en application de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles pour permettre à toute personne ou famille, résidant en immeuble individuel ou en immeuble collectif d’habitation et éprouvant des difficultés particulières en raison notamment de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, de disposer de la fourniture d’eau, les communes ou leurs groupements chargés des services publics d’eau potable et d’assainissement, les délégataires en charge de la gestion de ces services en application de l’article L. 1411-1, ainsi que les régies constituées en application de l’article L. 2221-10, peuvent attribuer une subvention au gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement mentionné à l’article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement.
« Une convention détermine les règles de calcul ainsi que les modalités d’attribution et de versement de cette subvention, dont le montant ne peut excéder 0,5 % des montants hors taxes des redevances d’eau ou d’assainissement perçues par le service d’eau ou d’assainissement.
« Le gestionnaire du fonds informe le maire de toute demande reçue et sollicite son avis avant de procéder à l’attribution des aides. Sans réponse du maire dans un délai d’un mois, cet avis est réputé favorable. Sans préjudice des dispositions précédentes, le maire peut saisir le gestionnaire du fonds pour instruction d’une demande d’aide. » ;
2° Le I de l’article L. 2572-40 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« I. – Les articles L. 2224-7 à L. 2224-12-3, L. 2224-12-4 et L. 2224-12-5 sont applicables aux communes de Mayotte. » ;
3° À l’article L. 2571-2 du code général des collectivités territoriales, avant la référence : « L. 2224-12-4 », est ajoutée la référence : « L. 2224-12-3-1, » ;
4° Au 2° de l’article L. 6213-7 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « titres Ier », sont insérés les mots : « à l’exception de l’article L.2224-12-3-1 ».
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Raoult et Raoul, Mmes Herviaux, Nicoux et Khiari, MM. Teston, Botrel, Bourquin, Courteau, Daunis, Guillaume, Mirassou, Muller, Navarro, Patient, Rainaud, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
Une convention
insérer les mots :
passée avec le gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Il nous paraît utile de préciser que la convention déterminant les règles de calcul, les modalités d’attribution et de versement de la subvention attribué par les communes ou leurs groupements chargés des services publics d’eau potable et d’assainissement, les délégataires en charge de la gestion de ces services et les régies, est « passée avec le gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement », c’est-à-dire, dans la plupart des cas, le conseil général.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. M. Raoult vient de nous indiquer que, dans la plupart des cas, le gestionnaire du FSL est le conseil général. Il convient toutefois de rappeler que, si la gestion du FSL est bien une compétence départementale, l’article 65 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu, sur l’initiative du conseil général, la possibilité d’une délégation du FSL à la commune au moyen d’une convention.
Le décret du 2 mars 2005 relatif aux fonds de solidarité pour le logement prévoit que les communes et établissements publics de coopération intercommunale rendent alors compte chaque année au conseil général de l’activité des fonds locaux qu’ils gèrent.
La commission a considéré que la précision apportée par cet amendement pouvait être utile. Elle a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents
L'amendement n° 8, présenté par MM. Raoult et Raoul, Mmes Herviaux, Nicoux et Khiari, MM. Teston, Botrel, Bourquin, Courteau, Daunis, Guillaume, Mirassou, Muller, Navarro, Patient, Rainaud, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après les mots :
de versement
insérer les mots :
au volet « eau » des fonds de solidarité pour le logement
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Depuis 2005, les fonds d'aide aux impayés d'énergie, d'eau et de services téléphoniques ont été progressivement intégrés aux FSL, dont l'action était centrée sur l'accès au logement ou le maintien dans le logement. Or, je le rappelle, près de la moitié des départements n'accordent pas d'aide au paiement de l'eau.
Nous estimons qu'il est important de préciser que ces prélèvements sur les montants hors taxes des redevances d'eau ou d'assainissement perçues par le service de l'eau ou d'assainissement iront abonder le volet « eau » des FSL.
Il ne faut pas perdre de vue que l'objectif de cet article est de faciliter l'accès à l'eau des plus démunis, notamment de ceux qui se trouvent dans l'impossibilité d'assumer leurs obligations relatives au paiement des fournitures d'eau.
En d’autres termes, nous souhaitons nous assurer que le produit de ce prélèvement sera bien attribué à des personnes en difficulté pour payer leur facture d’eau, et non pas leur facture de gaz, d’électricité ou leur loyer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. Les services d’eau peuvent déjà, à l’heure actuelle, abonder les volets « eau » des FSL. Cet amendement n’apporte donc rien de nouveau par rapport au droit existant.
En outre, cet amendement est trop restrictif car le volet « eau » des FSL ne concerne que les ménages abonnés individuellement. Or 43 % des ménages sont abonnés collectivement et payent l’eau en même temps que leurs charges locatives.
Le dispositif proposé par la commission tend justement à offrir au service d’eau la possibilité d’abonder les FSL en général et pas seulement le volet « eau ». Il permet d’aider les ménages en habitat individuel et en habitat collectif, le FSL pouvant contribuer au paiement des charges d’eau incluses dans les charges locatives des immeubles collectifs d’habitation.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Raoult et Raoul, Mmes Herviaux, Nicoux et Khiari, MM. Teston, Botrel, Bourquin, Courteau, Daunis, Guillaume, Mahéas, Mirassou, Muller, Navarro, Patient, Rainaud, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer le pourcentage :
0,5 %
par le pourcentage :
1 %
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Pourquoi demander cet effort consistant à relever de 0,5 % à 1 % des montants hors taxes des redevances le taux plafond de la subvention versée au gestionnaire du FSL ?
Plusieurs départements connaissent actuellement de grandes difficultés financières et une recette supplémentaire, si minime soit-elle, serait la bienvenue. Je vous signale au passage que la non-compensation des transferts de charges de l’État au département de la Seine-Saint-Denis représente quelque 500 millions d’euros !
J’ai fait un rapide calcul concernant le SEDIF, qui regroupe 144 communes d’Île-de-France, où vivent 4,2 millions d’habitants. Son budget s’élève à 540 millions d’euros, dont les deux tiers couvrent les frais de fonctionnement. Or le prix de l’eau est constitué à 57 % par des taxes. Par conséquent, si mes calculs sont exacts, le prélèvement ne porterait que sur 43 %, soit 232 millions d’euros. Si le taux retenu est de 0,5 %, le produit se montera à 1,16 million d’euros, soit 0,27 euro par habitant… Autant dire une goutte d’eau !
Je vous propose donc, par cet amendement, de doubler cette goutte d’eau. (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. Il y a des gouttes d’eau qui finissent par représenter pas mal d’argent ! (Nouveaux sourires.)
M. Jacques Mahéas. Nous ne sommes pas d’accord !
M. Michel Houel, rapporteur. Cet amendement va à l’encontre de la position exprimée par la commission qui, je vous le rappelle, avait estimé que le taux de 1 % était élevé par rapport aux abandons de créances pour les seuls abonnés directs en situation d’impayés compte tenu de difficultés financières, dont on peut estimer que le taux est compris entre 0,1 % et 0,2 %.
Le taux de 1 % auquel cet amendement tend à revenir correspond en fait à l’ensemble des abandons de créances : cessation d’activité, règlement judiciaire, départ sans adresse, etc. Je tiens à souligner que le taux de 0,5 % correspond à une enveloppe globale de l’ordre de 50 millions d’euros.
J’estime donc qu’il convient d’éviter qu’un prélèvement sur la facture des abonnés domestiques ne couvre les montants d’abandons de créances consentis pour d’autres motifs.
Pour ma part, je suis tout à fait confiant dans la gestion des départements : la subvention sera bien attribuée au volet « eau » des FSL.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Ce texte constitue une nette avancée par rapport au précédent dispositif, qui ne permettait pas de prélèvement sur les factures d’eau. Seul un prélèvement sur le budget général ou sur les bénéfices était prévu.
Avec le prélèvement complémentaire de 0,5 % rendu possible par ce texte, comme l’a souligné la commission, les besoins d’ordre curatif sont largement couverts.
J’ajoute que ce texte est un premier pas. Le suivant devrait suivre très prochainement. Les conclusions du Comité national de l’eau, attendues pour le 15 février prochain, devraient en effet permettre de définir le volet préventif, pour lequel il faudra également prévoir un financement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. J’ai bien compris votre position, madame la secrétaire d’État. M. Cambon proposait un prélèvement de 1 % que vous avez divisé par deux, diminuant d’autant la portée de cette proposition de loi.
Pourtant, la crise est profonde. Sans doute suis-je l’élu d’un département, la Seine-Saint-Denis, où elle est particulièrement grave. J’ai reçu aujourd'hui des tracts de la campagne pour les élections régionales de Mme Valérie Pécresse, tête de liste en Île-de-France. (L’orateur brandit un document sur lequel figure un portrait photographique de la susdite.) On y souligne, en l’imputant à Jean-Paul Huchon – ce qui est tout de même étonnant ! – la pénurie de logements et le doublement des loyers en dix ans. Il est évident que les gens ne peuvent plus se loger dans le privé, comme cela est précisé plus loin, et qu’ils se tournent vers le logement social.
Mais, même là, certains ménages n’arrivent pas à acquitter l’ensemble de leurs factures ! C’est ainsi que, dans nos communes, des familles se retrouvent sans chauffage en plein hiver parce qu’on leur a coupé le gaz : c’est indécent, madame la secrétaire d’État ! Nous savons que cela arrive et nous ne pouvons rien faire ! Je vous demande donc de bien vouloir relayer notre indignation.
Certes, on ne coupe plus l’eau – j’ai connu, il n’y a pas si longtemps, la tonne d’eau au pied de l’immeuble – et c’est effectivement un progrès. Néanmoins, refuser de revenir au taux de 1 % qu’avait prévu M. Cambon dans son texte initial, sous prétexte de raisons techniques et financières, c’est passer à côté du problème. Il s’agit d’une question de survie pour certaines familles qui connaissent de telles difficultés qu’elles risquent même d’être expulsées. Alors, si nous pouvons faire un effort supplémentaire, faisons-le !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Je vous rappelle, monsieur le sénateur, que nous examinons une proposition de loi. C’est donc la commission, et non le Gouvernement, qui modifie la loi. Or la commission a jugé qu’il était nécessaire qu’il en soit ainsi.
Par ailleurs, je trouve qu’il n’est pas très convenable de mener campagne pour les régionales dans cet hémicycle !
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Jacques Mahéas. Ah ! Cela vous met en difficulté, madame la secrétaire d’État !
M. Dominique Braye. Vous ne savez pas faire la séparation des genres !
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Revet, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
La contribution apportée au fonds de solidarité pour le logement peut également prendre la forme d'abandons, totaux ou partiels, des créances correspondant aux factures d'eau mise à la charge des personnes ou familles visées au premier alinéa.
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
... - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article unique.
(L'article unique est adopté.)
Articles additionnels après l'article unique
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par MM. Raoult et Raoul, Mmes Herviaux, Nicoux et Khiari, MM. Teston, Botrel, Bourquin, Courteau, Daunis, Guillaume, Mirassou, Muller, Navarro, Patient, Rainaud, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase de l'article L. 2224-12-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
Le conseil municipal ou l'assemblée délibérante du groupement de collectivités territoriales peut définir une catégorie d'usagers éprouvant des difficultés particulières au regard notamment de son patrimoine, de l'insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d'existence et bénéficiant en conséquence d'un tarif social de l'eau en application de l'article L. 210-1 du code de l'environnement.
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Il semble nécessaire, afin de lever toute ambigüité, de clairement énoncer dans le code général des collectivités territoriales qu’un tarif social de l’eau, réservé à une catégorie d’usagers en difficulté, est envisageable. Cela permettra de garantir une sécurité juridique aux collectivités qui procèdent d'ores et déjà à des expérimentations en matière de tarification sociale de l'eau.
La tarification progressive mise en place dans certaines collectivités permet aux usagers de bénéficier d’un tarif abordable pour la première tranche de consommation d’eau, laquelle correspond aux besoins vitaux ou essentiels. Si elle permet d’alléger la facture des consommateurs de base – les petits revenus sont souvent les plus faibles consommateurs –, elle bénéficie en fait à tous les usagers.
Décider d’appliquer un tarif uniforme spécial à une catégorie définie d’usagers à revenus modestes permettrait de mieux accompagner les personnes en difficulté, et ce avant d’en arriver à des situations d’impayés et d’endettement. Il existe d’ailleurs déjà une tarification sociale relative à l’énergie en France : depuis 2005 pour l’électricité, avec le tarif de première nécessité, le TPN, et depuis 2008 pour le gaz avec le tarif social. Cette tarification est ouverte aux personnes physiques bénéficiant de la couverture maladie universelle et dont les ressources annuelles demeurent inférieures à un plafond qui dépend de la composition du foyer. Pourquoi ne pas s’en inspirer pour l’eau ?
Récemment, le Gouvernement a d’ailleurs déclaré qu’il envisageait la mise en œuvre d’un tarif social pour l’internet à haut débit au motif qu’il est devenu un outil essentiel. Si le caractère essentiel d’un service est une condition nécessaire et suffisante à l’instauration d’un tarif social, alors un tel tarif devrait exister depuis bien longtemps pour l’eau, car il n’y a pas plus essentiel et plus vital pour l’homme que l’eau !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. Je ne remets nullement en cause l’objectif que cherchent à atteindre nos collègues, mais il renvoie au dispositif préventif que le Comité national de l’eau prépare actuellement. Je vous propose donc, monsieur Raoult, d’attendre ses propositions, qui seront connues le 19 février prochain. Je sais que certains d’entre vous auraient souhaité que l’on attende ses décisions avant d’examiner la présente proposition de loi,…
M. Jacques Mahéas. Cela aurait été mieux !
M. Michel Houel, rapporteur. … mais l’ordre du jour est ainsi fait.
Si nos collègues entendent donner la possibilité aux communes ou aux groupements de collectivités territoriales de mettre en place une tarification dite « sociale », je leur précise que le III de l’article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales, introduit par la LEMA, offre déjà aux collectivités la faculté de déployer, si elles le souhaitent, une tarification progressive en direction des usagers.
La commission sollicite donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Raoult, l'amendement n° 9 est-il maintenu ?
M. Paul Raoult. Non, je le retire, monsieur le président, la LEMA prévoyant en effet la possibilité d’instituer une tarification progressive depuis le 1er janvier 2010.
Je tenais néanmoins à aborder cette question, car l’enjeu me paraît extrêmement important. J’espère que le Comité national de l’eau fera des propositions plus complètes et plus précises.
M. le président. L'amendement n° 9 est retiré.
L'amendement n° 10, présenté par MM. Raoult et Raoul, Mmes Herviaux, Nicoux et Khiari, MM. Teston, Botrel, Bourquin, Courteau, Daunis, Guillaume, Mirassou, Muller, Navarro, Patient, Rainaud, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du III de l'article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales est complétée par les mots : «, soit sur la base du tarif applicable à la catégorie d'usagers correspondante. »
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. L'article L. 2224-12-1 prévoit que « toute fourniture d'eau potable fait l'objet d'une facturation au tarif applicable à la catégorie d'usager correspondante ». Il apparaît donc important de préciser ici que le montant de la facture peut aussi dépendre de la catégorie d'usagers concernée et du tarif qui lui est applicable et pas seulement du tarif au mètre cube ou du tarif par tranche de consommation.
Cet amendement étant très proche du précédent, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 10 est retiré.
L'amendement n° 11, présenté par MM. Raoult et Raoul, Mmes Herviaux, Nicoux et Khiari, MM. Teston, Botrel, Bourquin, Courteau, Daunis, Guillaume, Mirassou, Muller, Navarro, Patient, Rainaud, Repentin et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Cette aide peut être versée soit de façon préventive lorsqu'il est établi que la personne ne peut accéder à l'eau potable pour son alimentation et son hygiène dans des conditions économiquement acceptables, soit de façon curative lorsque la personne se trouve dans l'impossibilité d'assumer ses obligations relatives au paiement des fournitures d'eau. »
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. L'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles prévoit que « toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, au regard notamment de son patrimoine, de l’insuffisance de ses ressources ou de ses conditions d’existence, a droit à une aide de la collectivité pour disposer de la fourniture d’eau, d’énergie et de services téléphoniques dans son logement ».
Toutefois, ce droit a généralement été interprété de façon restrictive comme un droit à une aide curative, c'est-à-dire n’intervenant, comme l’aide du FSL, qu'en cas d'impayé. Or ce droit peut tout à fait s’entendre comme un droit à une aide en amont permettant, de façon préventive, de réduire le montant de la facture afin que la personne ou la famille éprouvant des difficultés particulières puisse accéder à l'eau dans des conditions économiquement acceptables au regard de ses ressources limitées. Il convient de le préciser afin que ce droit ne soit plus interprété de manière aussi restrictive.
Nous avons déjà eu ce débat. Une telle aide serait liée aux revenus de la personne. L’aide préventive est une idée importante, qui devrait s’appuyer sur la solidarité nationale.
Certes, le texte qui nous est soumis aujourd’hui représente une avancée. Toutefois, pour les régies municipales, il va être difficile, en tout cas politiquement délicat, d’expliquer à ceux qui règlent leur facture qu’ils paieront en partie pour ceux qui ne peuvent pas payer la leur ! Un tel dispositif sera peut-être moins visible dans les grandes villes, mais, dans les communes rurales, je ne vois pas les régies municipales défendre un tel projet.
Le règlement des factures d’eau des personnes aux faibles revenus doit relever, me semble-t-il, de la solidarité nationale et non d’une solidarité territoriale, variable en fonction du département, du délégataire, public ou privé, et des ressources qu’il peut dégager.
La mesure qui nous est proposée laissera subsister des inégalités à la fois territoriales et sociales importantes, ce qui ne me paraît pas très juste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. Je tiens à rappeler que le système que nous mettons en place est curatif et non préventif.
Avec cet amendement, cher collègue, vous anticipez les discussions que nous pourrons avoir sur les modalités de fonctionnement d’un dispositif préventif en matière d’aide à l’accès à l’eau, notamment sur la question de la définition du seuil en deçà duquel une aide serait justifiée, ainsi que sur celle des modalités de calcul des aides correspondantes.
Je rappelle que 20 000 syndicats et organismes collectent l’eau en France. La proposition de loi laisse la liberté au maire de signer ou non une convention avec le département.
Vous avez dit tout à l’heure que 20 % des départements n’avaient pas de fonds de solidarité pour le logement. Mais cela signifie tout de même que 80 % d’entre eux en ont un !
Votre amendement, s’il était adopté, monsieur Raoult, donnerait une base légale à un mécanisme – préventif – qui n’existe pas encore, les propositions dans ce sens devant être présentées prochainement par le Comité national de l’eau et le ministère de l’écologie.
Par ailleurs, le dispositif que vous proposez introduirait une confusion au sein de l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles. En effet, cet article est générique et concerne l’ensemble des services d’eau, d’électricité et de téléphone. Or l’amendement n° 11 vise à y inscrire une disposition spécifique concernant le seul service de l’eau. Il y a là un manque de précision.
L’enfer étant souvent pavé de bonnes intentions, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult. Je comprends votre raisonnement, monsieur le rapporteur, mais un système semblable serait-il concevable pour les impayés de loyers dans les HLM ?
M. Christian Cambon. Comment fait-on pour les cantines scolaires ?
M. Paul Raoult. Franchement, on trouverait absurde d’augmenter de 10 % ou de 15 % le loyer de certains locataires afin de régler celui de leurs voisins qui ne peuvent pas le payer, faute de revenus suffisants ! Cette logique est, je le répète, absurde. Parce que l’on ne veut pas créer de système de solidarité nationale, on crée des systèmes territoriaux qui sont sources d’inégalités !
Cela étant dit, cette question fera l’objet d’un autre débat lorsque les propositions du Comité national de l’eau seront connues. Selon ce qu’a indiqué ce matin même son président, André Flajolet, lors des journées parlementaires de l’eau, elles devraient être très consensuelles, le comité concerné du Comité national de l’eau étant très largement ouvert. Nous les attendons donc avec beaucoup d’impatience.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour explication de vote.
M. Christian Cambon. J’ai beaucoup de respect pour mon collègue Paul Raoult, mais comment peut-on dire que toute solidarité ne peut s’exercer qu’au niveau national, non au niveau local ? À quoi servent donc les CCAS ? Les cantines scolaires ne sont-elles pas financées par ceux qui peuvent payer un tout petit peu plus que les autres ? N’en est-il pas de même pour les activités sportives, pour les conservatoires ? Ne sont-ils pas financés par ceux des parents qui peuvent payer un tout petit peu plus que les autres ?
M. Jacques Mahéas. Toutes ces activités sont déficitaires !
M. Christian Cambon. Si ce n’est pas de la solidarité locale, alors je ne comprends rien à ce concept !
Ce débat est intéressant, mais, sur ce point, mon cher collègue, je suis en désaccord profond avec vous.