M. le président. L’amendement n° 4, présenté par Mmes Didier et Assassi, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article unique, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l’article L. 213-1 du code de l’environnement est complété par les mots : « et de remettre chaque année un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre du droit à l’eau prévu à l’article L. 210-1 du code de l’environnement ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement est le seul que nous allons défendre puisque tous ceux que nous avons déposés en dehors de celui-ci ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. Je mets donc un point d’honneur à le présenter !
Nous proposons que le Comité national de l’eau remette, chaque année, un rapport d’évaluation sur la mise en œuvre du droit à l’eau. Notre requête paraît tout à fait fondée dans la mesure où cet organisme s’est vu confier, au travers de la LEMA, une mission d’évaluation et de suivi de la qualité et du prix des services publics d’eau et d’assainissement.
L’information des citoyens et de leurs représentants étant, selon nous, au fondement de toute démocratie, la remise d’un rapport annuel sur la question au Parlement se révèle indispensable. Ce document devrait comporter au moins des indications sur l’évolution du prix de l’eau dans les différentes régions, sur celle du nombre d’allocataires et du montant des allocations et, enfin, sur les mesures à prendre dans le domaine de l’environnement.
La commission nous a d’ores et déjà indiqué qu’elle émettrait un avis favorable sur cet amendement à condition que nous le rectifiions pour supprimer toute référence à la périodicité du rapport. Certes, comme le veut le proverbe, « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras », mais la suppression d’une telle précision aboutirait à rendre notre amendement purement déclaratoire, ce que nous ne saurions admettre.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Michel Houel, rapporteur. Madame Assassi, vous avez tout dit ! La commission était en effet prête à accepter votre amendement sous réserve de la rectification dont vous avez fait mention. Au regard de la quantité de travail que suppose l’établissement d’un tel rapport, il est pour nous hors de question d’exiger qu’il soit annuel. Mais peut-être le Comité national de l’eau annoncera-t-il le 19 février prochain, dans le cadre de la présentation de ses propositions, une mesure allant en ce sens.
En cet instant, je ne suis pas en mesure de vous indiquer la périodicité à prévoir.
Quoi qu'il en soit, puisque vous refusez de rectifier votre amendement, je suis au regret d’émettre un avis défavorable. C’est d’autant plus regrettable que, pendant un court instant, j’ai cru comprendre, en vous entendant citer le fameux proverbe, que vous alliez accepter notre proposition !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet le même avis que la commission, d’autant que cette disposition relative à la périodicité revêt plutôt un caractère réglementaire.
Cela étant, prévoir la remise d’un rapport est une très bonne idée, et il est dommage de ne pas l’inscrire dès à présent dans la loi. Nous proposerons donc de la faire figurer dans le cadre du dispositif préventif.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'examen de l'article unique et des amendements portant articles additionnels a renforcé l’appréciation que nous portons sur cette proposition de loi : les dispositions curatives prévues se révèlent insuffisantes pour garantir le droit à l’accès à l’eau pour tous ; le fait de raisonner uniquement en termes de gestion des impayés ne permettra pas de donner des garanties légales à ce droit fondamental.
Dans nos amendements, qui, je l’ai dit, ont tous été « retoqués » au titre de l'article 40 de la Constitution, à une exception près, nous avions proposé la création d’une allocation de solidarité établie en fonction des revenus et faisant l’objet d’une péréquation nationale.
Madame la secrétaire d'État, vous avez vous-même, au travers de vos déclarations, reconnu l'intérêt de notre démarche, tout comme le Comité national de l’eau dans un avis rendu le 15 janvier dernier. Il nous a été affirmé en commission qu’il s’agissait d’une mesure intéressante et complémentaire par rapport à celles que nous examinons aujourd'hui.
Par conséquent, si ces deux volets sont complémentaires, pourquoi les traiter séparément ? C’est incompréhensible ! Vous nous demandez d’attendre que le Gouvernement reprenne, par voie d’amendement, notre proposition lors de l'examen du projet de loi Grenelle II en première lecture à l’Assemblée nationale. S’il est urgent d’attendre pour prendre de véritables mesures préventives, quel intérêt avons-nous à voter dès aujourd'hui des dispositions curatives ?
Madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, tous ces éléments, je vous l’avoue, nous poussent à émettre des doutes sur la volonté du Gouvernement dans cette affaire. Nous craignons que les dispositions préventives que l’on nous promet se situent finalement bien en deçà de ce que nous préconisons. Pis encore, nous regrettons que le débat nécessaire ne puisse avoir lieu au sein de notre hémicycle, le Gouvernement ayant engagé, je le rappelle, la procédure accélérée sur le Grenelle II.
Après avoir pris connaissance, hier, du dispositif que le Gouvernement s’apprête à proposer lors la réunion du Comité national de l’eau du 19 février prochain, je dois dire que mes craintes sont confirmées. En effet, celui-ci, tout en reprenant pour partie notre proposition, en oublie pour l’instant l’essentiel. Nous attendons tout de même beaucoup – voyez comme nous sommes persévérants ! – de cette réunion pour le faire évoluer.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Madame la secrétaire d'État, le groupe socialiste reconnaît qu’il y a dans votre discours comme dans ce texte des éléments positifs et il a conscience des efforts déployés par M. Cambon pour faire avancer les choses, mais il estime que le résultat est insuffisant.
J’ai été extrêmement étonné de votre réaction tout à l’heure : comme si je n’avais pas le droit d’évoquer l’actualité brûlante ! Votre attitude me laisse d’autant plus perplexe que je partage l’analyse qui est faite dans les documents de campagne de Mme Pécresse : oui, il y a une pénurie de logements ; oui, les loyers ont doublé en dix ans. Je me dois néanmoins de préciser que ce n’est pas tout à fait exact pour ce qui concerne « nos » logements sociaux. Il reste que c’est globalement la réalité en région parisienne.
Lorsque nous vous entendons dire – parce que vous êtes, vous aussi, en campagne électorale – que les classes moyennes sont trop riches pour le parc social et trop pauvres pour le parc privé, nous sommes d’accord avec vous. Je ne comprends donc pas pourquoi vous m’avez agressé de la sorte : mon propos, qui se bornait à faire un constat, aurait dû être largement approuvé.
Bien entendu, nous nous opposons sur les solutions à mettre en œuvre. Mais je me suis bien gardé d’en parler, si ce n’est pour demander au Sénat de doubler la goutte d’eau ! (Sourires.) Tout le monde le sait ici, nous avions, avec M. Cambon, trouvé un consensus avec un taux de 1 %, et c’est vous, madame la secrétaire d'État, qui êtes intervenue pour le baisser de moitié.
Pour vous justifier, vous avez insisté sur le fait que nous étions encore en période de réflexion et qu’il convenait d’attendre des jours meilleurs. Chiche ! Mais, ainsi que mon collègue Paul Raoult vous le confirmera dans un instant, le groupe socialiste ne peut voter ce texte en l’état. Nous ne vous accordons qu’une demi-confiance ; ce n’est déjà pas si mal ! (Mme la secrétaire d'État rit.)
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Madame la secrétaire d'État, j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, en matière de politique environnementale, il y a indiscutablement un clivage entre la gauche et la droite. D’ailleurs, n’avez-vous pas reconnu vous-même qu’il y avait sur ces questions une politique de droite ?
M. Paul Raoult. J’ai tout de même lu un certain nombre de déclarations en ce sens !
Cela dit, avant toute autre considération, il y a l'intérêt général, et la frontière entre la gauche et la droite sur les problèmes d’eau et d’environnement n’est pas toujours évidente à établir.
Cela étant, nous le voyons bien, du fait de la crise sociale actuelle, le nombre des impayés a véritablement explosé. En tant que président d’une régie qui réunit environ 700 000 habitants et 640 communes, je connais bien le problème et je sais combien il est difficile de le résoudre.
D’aucuns affirment qu’il suffit de couper l’eau. Voilà une solution qui, en ce début de xxie siècle, manque pour le moins d’humanité, même si, je le reconnais, parmi les ménages qui ne paient pas leur eau, certains auraient les moyens de le faire. Si la menace d’une coupure a une quelconque utilité, c’est peut-être là qu’elle se trouve !
Cependant, après avoir fait le tour de la question, un constat s’impose : 3 % à 6 % des ménages ne peuvent pas payer leur facture d’eau. Là est le problème !
M. Jacques Mahéas. Bien sûr !
M. Paul Raoult. La pratique consistant à classer en impayés toutes les factures qui n’ont pas été mises en paiement est trop facile. Il n’est pas très noble d’évacuer ainsi le problème social.
Et puis, force est de constater aussi que le prix de l’eau n’a pas diminué. Et ce n’est pas près de changer ! L’une des raisons de cette évolution réside dans la multiplication des normes auxquelles doivent se plier les stations d’épuration. Afin de respecter la directive ERU, elles ont dû engager des investissements très lourds, de plusieurs milliards d’euros, pour mettre en place des traitements du phosphore et, surtout, des processus de dénitrification.
La situation est d’autant plus paradoxale que, la consommation de l’eau diminuant, les ressources des distributeurs, qu’ils soient privés ou publics, ont suivi la même courbe. Or 90 % de leur budget correspond à des frais de fonctionnement, autrement dit à des dépenses pérennes qu’ils doivent nécessairement assumer.
La tendance étant à l'augmentation finale du prix de l’eau, il est urgent, aujourd'hui, de proposer des solutions pour régler ce problème des impayés.
Il est inconcevable de préconiser un droit à l’eau sauf pour les pauvres. Un droit à l’eau, c’est un droit pour tous ! Ce n’est pas une marchandise comme les autres, c’est un bien vital, une richesse de l’humanité. On n’achète pas de l’eau comme on achèterait une voiture !
N’oublions pas que, pour une personne touchant le RMI, la facture d’eau représente entre 7 % et 10 % de son budget.
Par conséquent, madame la secrétaire d'État, vous comprenez mes hésitations au moment de voter cette proposition de loi. Si, en commission, nous l’avons adoptée à l'unanimité, c’est parce que nous avons considéré qu’elle constituait une avancée.
Je ne peux que le répéter : à mon sens, il aurait été plus judicieux de proposer un texte qui synthétise les aspects curatifs et préventifs. Je ne cherche pas à élucider les raisons pour lesquelles tel n’a pas été votre choix, madame la secrétaire d’État, mais je ne suis pas naïf et je sais que nous sommes tous en campagne électorale. Je ne peux donc m’empêcher de trouver quelque peu précipitée la présentation de cette proposition de loi, juste après avoir entendu, ce matin même, M. Flajolet nous annoncer des « propositions concrètes »… C’est pourquoi j’ai éprouvé un peu de colère à constater le peu de cas qu’on fait de ce que nous pouvons proposer.
Après quelques hésitations, le groupe socialiste va finalement s’abstenir. Je comprends que le groupe CRC-SPG, dont j’ai entendu les arguments, reste dubitatif. Mais nous faisons confiance à l’intelligence républicaine pour faire avancer les choses et pour qu’on nous soumette rapidement des propositions positives afin de résoudre le problème urgent qui reste à régler.
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Au terme de ce débat, je souhaite remercier ceux qui m’ont fait confiance. Ce n’est pas rien pour le sénateur de base que je suis d’avoir eu à conduire un texte jusqu’à sa discussion en séance publique !
L’un des mérites de cette proposition de loi est, selon moi, d’offrir une solution juridique concrète, sachant que le principe posé dans l’article 1er de la LEMA, de l’avis de tous, ne pouvait être effectivement mis en œuvre.
J’ai beaucoup travaillé sur ce texte, mais j’ai bien conscience qu’il ne règle pas la totalité de la problématique des impayés de factures d’eau. Je salue donc ceux qui ont d’ores et déjà entrepris de compléter mon travail.
Je tiens à remercier mon groupe, qui a permis l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de nos travaux, ainsi que Mme la secrétaire d’État et ses services, qui m’ont aidé à approfondir ma réflexion. Nous avons tous besoin de dépasser nos propres objectifs.
Je veux enfin exprimer ma gratitude à la commission de l’économie et à son rapporteur. Leurs propositions ont enrichi ce texte.
Je reste persuadé que celui-ci rendra service à de nombreuses familles en difficulté. En temps de crise, il n’y a pas de petit profit social ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
10
Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Jean-Patrick Courtois membre du conseil d’administration de l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice.
11
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 15 février 2010 à 15 heures et le soir :
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2010 (n° 276, 2009-2010).
Rapport de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances (n° 278, 2009-2010).
Avis de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 283, 2009-2010).
Avis de M. Jean-Claude Etienne, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 284, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART