M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. ... ou se voient appliquer un traitement discriminatoire.
Il en a été ainsi, tout récemment – –, pour la vente de ravitailleurs à l’armée américaine ! (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.) Certes, cela relève de la défense, mais il s’agit quand même d’un marché public ! Cette situation de discrimination n’est pas acceptable. Ce n’est pas affaire de protectionnisme ; c’est une question d’équité et de réciprocité ! (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
Pour sa part, la France transposera en droit interne les dispositions dérogatoires à l’accord sur les marchés publics de l’OMC de 1994, mais c’est bien une démarche européenne que nous voulons. Au nom de la France, j’ai demandé à la Commission de proposer les mesures réglementaires qui s’imposent pour faire appliquer les dispositions de cet accord sur le plan européen, dans un esprit de parfaite réciprocité.
Le Conseil européen sera également appelé à approuver le nouveau plan pluriannuel sur l’espace de liberté, de sécurité et de justice, dit « programme de Stockholm ». Ce programme, qui succède à ceux de Tampere et de La Haye, fixe les objectifs pour les cinq années à venir.
Ce document répond aux priorités que nous nous étions assignées : mettre en œuvre concrètement les engagements du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté sous l’impulsion de Brice Hortefeux, lors de présidence française ; renforcer la coopération opérationnelle en matière policière et judiciaire ; accroître l’efficacité de l’Europe de la justice au bénéfice des citoyens, notamment à travers la mise en œuvre du principe de reconnaissance mutuelle ; enfin, développer la dimension extérieure de la JAI, c’est-à-dire la justice et les affaires intérieures, en faisant des relations extérieures un élément du renforcement de la sécurité de l’espace européen de libre circulation. Nombre de domaines sont ici en cause : l’immigration, la lutte contre la drogue, etc.
La mise en œuvre de ce nouveau programme sera l’une des priorités de la prochaine présidence espagnole. Elle pourra, à cet égard, bénéficier des nouvelles règles établies par le traité, notamment un processus de décision facilité dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.
Enfin, l’actualité internationale chargée se reflétera dans l’agenda du Conseil européen.
Le premier point concerne l’Afghanistan, après le discours prononcé, le 1er décembre, par le président Obama.
Le renforcement militaire de la coalition n’a pas de sens sans la réussite du volet civil de notre assistance ; ce point est capital. Avec une aide annuelle de près de 950 millions d’euros, montant consolidé de l’aide des États membres et de la Commission, l’Union européenne a un rôle majeur à jouer dans la stabilisation de la situation en Afghanistan qui, je le rappelle, fait partie des deux ou trois pays les plus pauvres du monde. L’Union européenne peut contribuer de manière décisive à la définition des priorités de la communauté internationale.
La Conférence internationale de Londres, le 28 janvier, sera un rendez-vous essentiel dans ce domaine. Elle aura pour objectif de redéfinir les termes de la relation entre la communauté internationale et l’Afghanistan. Il s’agira, en particulier, de créer les conditions d’une appropriation croissante des responsabilités par les Afghans eux-mêmes.
Deuxième point : le Conseil européen doit également être l’occasion d’envoyer un message de détermination au plus haut niveau politique sur le programme nucléaire iranien.
L’Iran continue d’accumuler de l’uranium faiblement enrichi – pour l’instant... –, en violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies, sans vraie raison électronucléaire civile identifiable.
Voilà dix jours, le 27 novembre 2009, le conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique a demandé à l’Iran de se conformer sans délai à ses obligations internationales et de cesser immédiatement ses travaux sur le site de Qom. Cette résolution, la dixième, vient s’ajouter aux cinq résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies.
Malheureusement, l’Iran continue de rester sourd à nos inquiétudes sur la finalité de son programme nucléaire. Je rappelle qu’il n’existe toujours pas de socle électronucléaire dans ce pays. Non seulement il ne répond pas aux offres de dialogue, mais il défie la communauté internationale, comme en témoigne l’annonce, par le président iranien, de la construction de dix nouvelles usines d’enrichissement.
Notre offre de négociation reste sur la table, mais il doit être clair que nous attendons des gestes concrets de la part de l’Iran et un changement profond de son comportement sur le dossier nucléaire. Si l’Iran continue de refuser de coopérer avec la communauté internationale, nous devrons prendre des mesures fortes, à la mesure de l’enjeu, de l’urgence, de l’inquiétude des pays de la région et des efforts de dialogue que nous avons entrepris.
Nous rechercherons l’adoption de nouvelles mesures en priorité au Conseil de sécurité. Mais il appartient aux Européens de prendre leurs responsabilités et nous souhaitons que l’Union européenne s’y prépare dès maintenant. Il s’agit d’un enjeu essentiel pour l’avenir de la sécurité internationale et régionale ; or le temps presse.
Troisième point : en ce qui concerne le Proche-Orient, le conseil « Affaires étrangères » a, ce matin, rappelé la priorité absolue de l’Europe, à savoir que les négociations de paix reprennent le plus rapidement possible.
Le Conseil a également rappelé un certain nombre de principes essentiels : sécurité d’Israël, soutien à des négociations conduisant à l’établissement d’un État palestinien. Il a également qualifié la récente décision du gouvernement israélien relative au moratoire sur la colonisation en Cisjordanie de « premier pas dans la bonne direction ». Le Conseil a également souligné que Jérusalem avait vocation à devenir la capitale des deux États.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Quatrième et dernier point : l’état des négociations avec la Turquie et plusieurs États candidats des Balkans occidentaux.
Avec la clôture du débat institutionnel, le long processus de stabilisation et d’intégration européenne des Balkans – avec la perspective offerte aux pays de la région depuis les sommets de Zagreb en 2000, là encore sous présidence française, et de Thessalonique en 2003 – sera l’une des priorités de l’Union européenne. C’est un enjeu majeur pour la sécurité et la paix de notre continent sur lequel la France s’est particulièrement engagée depuis plus de quinze ans.
C’est grâce à elle que les États concernés ont accompli d’importants progrès – même si rien n’est encore réglé dans les Balkans –, qui ont été relevés par la Commission européenne dans son dernier rapport sur l’élargissement.
De plus, dans l’ensemble de la région, des accords de facilitation des visas avec l’Union européenne vont entrer en vigueur ou vont être conclus prochainement.
Mais ces progrès sont à consolider et beaucoup reste encore à faire : l’accord slovéno-croate qui vient d’être signé devrait faire l’objet de procédures référendaires en Slovénie ; la Croatie doit encore trouver une solution à la transmission d’éléments de preuve exigés par le tribunal de La Haye et, plus encore, réformer un système judiciaire encore lent et corrompu ; la Serbie ne pourra poursuivre son rapprochement avec l’Union européenne que si elle sait se montrer irréprochable et régler ses comptes avec l’histoire en livrant les criminels de guerre Ratko Mladic et Goran Hadzic au tribunal de La Haye et en produisant les réformes attendues ; la persistance du différend sur le nom de l’ancienne République yougoslave de Macédoine ne permet pas, pour l’heure, de fixer une date pour le début des négociations d’adhésion de ce pays, qui devra attendre au moins la présidence espagnole du premier semestre prochain.
Je n’oublie ni le Kosovo, où, en dépit des progrès enregistrés, la question de la reconnaissance de son indépendance demeure ouverte pour cinq des États membres de l’Union, ni la Bosnie-Herzégovine, où les responsables politiques restent encore incapables de faire aboutir les réformes (M. le président de la commission des affaires européennes, opine.) qui doivent permettre de démanteler le quasi-protectorat en place depuis quinze ans et dont le maintien interdit tout nouveau progrès au-delà de l’accord de stabilisation et d’association en cours de ratification.
Enfin, l’absence de progrès réels de la Turquie dans le respect de ses engagements de 2005 au titre du protocole d’Ankara, qui prévoyait l’ouverture des ports et aéroports du pays au commerce chypriote, ainsi que la normalisation des relations avec la République de Chypre, est un autre sujet de préoccupation pour le Conseil européen, qui devrait conclure à la reconduite des mesures restrictives adoptées par l’Union européenne en 2006 aussi longtemps que ces conditions n’auront pas été remplies par Ankara.
Tels sont, mesdames et messieurs les sénateurs, les principaux sujets inscrits à l’ordre du jour du prochain Conseil européen. Je vous prie d’excuser la longueur de mon propos, mais, comme vous l’avez constaté, il y a beaucoup de travail sur l’établi (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le secrétaire d’État, je ne peux qu’approuver ce que vous avez dit lorsque vous vous êtes réjoui des nominations intervenues depuis le dernier Conseil européen.
Vous venez de dresser un tableau complet de l’état de l’Union ; il y a effectivement de la matière, comme l’on dit !
Pour ce qui est des thèmes abordés, le Conseil européen des 10 et 11 décembre va se situer dans une grande continuité par rapport au Conseil européen du 19 novembre, même s’il y a des éléments nouveaux.
La principale différence est que les nominations du président stable et du haut représentant sont derrière nous. Le Conseil européen va donc pouvoir se concentrer davantage sur les deux grands thèmes déjà évoqués voilà un mois : la situation économique et le changement climatique, à quoi va s’ajouter le « programme de Stockholm » en matière de justice et d’affaires intérieures.
Voilà autant de domaines où l’action de l’Union a besoin d’impulsions fortes et durables, et où elle est attendue. Mais cette action suppose aussi une vue d’ensemble et une continuité dans la démarche. Nous savons tous que les anciennes règles de fonctionnement ne permettaient pas d’obtenir ce résultat. Il a fallu des années pour parvenir enfin à la ratification du traité de Lisbonne. Naturellement, on ne peut pas encore savoir, aujourd’hui, si le résultat sera nettement meilleur avec ce traité ; c’est l’expérience qui le dira. Mais nous n’aurons plus aucune excuse !
Quand on considère la manière dont se présente ce Conseil européen, on ne peut manquer de conclure qu’il était bel et bien nécessaire d’essayer de fonctionner autrement, car, une fois de plus, nous sommes, qu’on le veuille ou non, devant des perspectives très générales qui recueilleront probablement, sans trop de peine, un consensus, mais qui ne contiennent pas de lignes d’action très claires ni très fermes.
Prenons l’exemple du « programme de Stockholm », dont l’adoption sera sans doute un point fort de ce Conseil européen.
Voilà un domaine où les citoyens ont une grande attente à l’égard de l’Europe. C’est la question que l’on nous posait au moment du référendum sur le traité constitutionnel : mais que fait l’Europe, où est l’Europe ? Car tout le monde peut constater la nécessité d’agir en commun, que ce soit pour mettre en place un espace européen de justice, pour lutter contre la délinquance transfrontière ou encore pour maîtriser l’immigration.
La commission des affaires européennes du Sénat a examiné de près la préparation du nouveau programme ; un rapport d’information a été préparé conjointement par Annie David, Jean-Claude Peyronnet et Hugues Portelli. Or, à la lecture de ce rapport, qui ne peut être taxé de partialité, on sent que nos trois collègues, sans exception, ont eu quelque peine à discerner, dans les documents préparatoires, de véritables priorités politiques, clairement identifiables par les citoyens
De mois en mois, d’année en année même, dans ce domaine-là comme dans d’autres, on reste finalement dans des orientations générales qui ne constituent guère un projet fédérateur. Je sais bien que, sur cette base, la Commission doit proposer un « programme d’action » plus précis qui sera débattu sous présidence espagnole. Mais il serait d’autant plus utile que le Conseil européen adopte enfin, dans cette perspective, un message politique plus affirmé, une véritable feuille de route.
Si tel n’est pas le cas, monsieur le secrétaire d'État, il faudra bien que les États qui sont réellement décidés à avancer n’hésitent pas à dire qu’ils auront recours, chaque fois que nécessaire, aux « coopérations renforcées », puisque le traité de Lisbonne en donne la possibilité, ou aux « coopérations spécialisées », car l’expérience montre que c’est ainsi que l’on surmonte les blocages.
Prenons, par exemple, le cas du divorce transfrontalier, qui est à l’origine de contentieux longs et coûteux pour des personnes traversant déjà une épreuve sur le plan personnel. Comment accepter que la proposition Rome III soit toujours enlisée, alors que vingt-six États membres sur vingt-sept s’étaient mis d’accord sur une solution ? Mais voilà : la Commission européenne hésite à accepter une coopération renforcée, et puis, disons-le, c’est la Suède qui bloque, et nous sommes précisément sous présidence suédoise.
La solution se fera donc attendre encore un peu plus longtemps… Et les citoyens de l’Union européenne pourront à juste titre dire encore : « Mais que fait l’Europe ? »
Nous sommes ici très loin de l’« Europe des résultats » que le président de la Commission européenne appelait de ses vœux. Puisque nous avons soutenu ce dernier, il doit, lui aussi, faire ses preuves, notamment sur ce point précis du règlement Rome III, qui, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’est pas un point de détail. Nous devons absolument montrer ce que nous voulons.
Il est vrai que le traité de Lisbonne entre en vigueur : le prochain Conseil européen sera le dernier de l’ancienne formule. Il est impératif que la mise en œuvre du nouveau traité soit l’occasion de repartir sur de meilleures bases.
Pendant des années, nous avons répété qu’il fallait réformer les institutions – cela a duré quinze ans ! - pour que l’Union puisse enfin remplir ses missions. Maintenant que la réforme est accomplie, les citoyens ne comprendraient pas qu’il n’y ait pas de progrès tangible.
Le Conseil européen est, que cela plaise ou non à certains, la clé de voûte des institutions de l’Union. C’est pourquoi, lors des travaux de la Convention sur l’avenir de l’Europe, il est apparu nécessaire à la fois de le conforter et de le réformer. Un meilleur fonctionnement du Conseil européen était le moyen d’assurer la primauté du politique. Ce sera la tâche du premier président stable du Conseil européen que de faire entrer cette réforme dans la réalité.
Je sais que le choix des chefs d’État et de Gouvernement a été critiqué. Pour ce qui me concerne je ne partage pas du tout ces critiques. Il faut se souvenir que, au sein de la Convention, il a été difficile d’obtenir la création de la présidence stable. Les opposants étaient nombreux, et le compromis s’est fait en donnant à cette présidence stable des attributions bien plus réduites que celles qui étaient prévues au départ, en cela en dépit de la volonté du président de la Convention, Valéry Giscard d’Estaing.
Nous étions finalement tous d’accord sur un point : il fallait choisir une personnalité qui soit en mesure de tirer toutes les potentialités de cette nouvelle fonction, de lui donner toute la consistance possible. Je pense que, de ce point de vue, le choix d’Herman Van Rompuy est bien pesé.
Les médias auraient évidemment aimé que soit désigné quelqu’un de plus… médiatique. Mais une personnalité très connue aurait été rapidement ramenée à la réalité de sa fonction, qui ne ressemble en rien à celle du président des États-Unis. La tâche du président stable est d’abord de rapprocher les points de vue, de favoriser des compromis positifs, de garantir la continuité dans l’action. Ce n’est pas une tâche très médiatique ; on a même des chances de mieux la remplir si l’on ne se demande pas constamment où sont les caméras ! (Sourires.)
Nous avons besoin non pas d’un rival des chefs d’État ou de Gouvernement, mais de quelqu’un qui sache au contraire les faire travailler ensemble et qui puisse faire valoir à l’extérieur les résultats de ce travail commun. Pour créer cette fonction, il faudra de la détermination, mais aussi de l’habileté et de la sagesse.
Nous verrons si l’homme qui a été choisi fera preuve de ces qualités. Mais laissons-le travailler ! Pour ma part, je me refuse à être déçu par avance. Après tout, ni Robert Schuman, ni Jean Monnet, ni Paul-Henri Spaak, ni Alcide De Gasperi, ni même Konrad Adenauer ne furent, en leur temps, des personnalités très médiatiques. Et pourtant, ils ont lancé la construction européenne. D’ailleurs, le président Sarkozy a bien dit, en parlant du nouveau président du Conseil européen : « Il vous étonnera. »
L’Europe d’aujourd’hui a besoin de résultats tangibles. Il nous faut sortir de la crise en veillant à ce que les excès de la sphère financière ne se reproduisent pas, ce qui n’est absolument pas acquis. Il nous faut obtenir une action mondiale efficace face au réchauffement climatique. Il nous faut répondre au besoin d’une coopération judiciaire et policière plus opérationnelle.
Pour que nous soyons en mesure de satisfaire à ces exigences, la période de transition institutionnelle que nous vivons doit se terminer au plus vite. Nous avons déjà parcouru une bonne partie du chemin avec les nominations du président stable et du Haut représentant. Il faut maintenant que la nouvelle Commission soit formée et opérationnelle le plus tôt possible.
Nous avons besoin d’une Europe en ordre de bataille, car elle a des combats majeurs à mener et ne peut pas se permettre de les perdre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean François-Poncet, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
M. Jean François-Poncet, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président. Monsieur le secrétaire d’État, le Conseil européen des 10 et 11 décembre sera le premier depuis l’entrée en vigueur, le 1er décembre dernier, du traité de Lisbonne. C’est sur la portée de ce traité que j’aimerais interroger le spécialiste des affaires européennes que vous êtes depuis longtemps.
Le traité de Lisbonne est censé permettre à l’Europe de faire un grand pas vers son intégration. Et il est vrai qu’il réalise une triple percée.
Il s’agit d’abord d’une percée démocratique puisque le Parlement européen devient un véritable colégislateur : tous les textes doivent lui être soumis en vertu de la procédure de codécision ; il aura également le dernier mot en matière budgétaire, et ce n’est pas le moins important.
C’est également une percée en termes d’efficacité puisque la majorité qualifiée s’appliquera à un nombre beaucoup plus considérable de sujets.
Le traité constitue enfin une percée en matière internationale. D’une part, il crée en effet une présidence stable du Conseil européen, en lieu et place de la présidence tournante, qui voyait les titulaires de la présidence changer tous les six mois. La rotation des présidents ne subsiste que pour les conseils spécialisés ; agriculture, industrie, etc. D’autre part, le traité accroît aussi de façon très significative l’autorité du Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui cumule désormais ses fonctions avec celle de vice-président de la Commission, qui disposera du nouveau service européen pour l’action extérieure et aura donc la main sur l’outil diplomatique de l’Union.
Ces changements devraient permettre à l’Union européenne de devenir un acteur international de premier plan. Avec une population de 500 millions d’habitants et un produit intérieur nettement supérieur à celui des États-Unis, il est évident que l’Europe est un des principaux poids lourds de la planète, face à la Chine et aux États-Unis.
Cependant, monsieur le secrétaire d’État, un double doute me taraude.
Premièrement, l’élaboration et la mise en œuvre de la politique étrangère de l’Union font désormais intervenir trois, voire quatre hauts responsables : le président de la Commission européenne, bien sûr, qui dispose de services étoffés, y compris à l’étranger, et de moyens considérables pour l’aide au tiers monde, avec toute l’influence que cela peut comporter ; le Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, également devenu vice-président de la Commission ; le Président du Conseil européen, président « stable » puisqu’il est désormais désigné pour deux ans et demi renouvelables une fois ; s’y ajoutent, pris collectivement, les présidents des Conseils des ministres spécialisés, renouvelables tous les six mois, et qui à mon avis ne renonceront pas facilement à gérer les aspects extérieurs des problèmes intérieurs traités par ces Conseils spécialisés.
D’où ma question : ne court-on pas le risque de voir la diplomatie européenne paralysée par des conflits, ou simplement par une absence de coordination entre des personnalités entre lesquelles il n’existe aucune hiérarchie claire. Nous ne sommes, en définitive, pas très avancés pour répondre à la fameuse question de Kissinger : « l’Europe, quel numéro de téléphone ? »
M. Jacques Blanc. Il y en a plusieurs ! (Sourires.)
M. Jean François-Poncet, vice-président de la commission. de la commission des affaires étrangères. Voilà ! Il y en a effectivement trois ou quatre, et celui qui s’aviserait d’en ignorer un pourrait s’en repentir.
Deuxièmement, monsieur le ministre, comment ne pas s’étonner de ce que, pour ces postes éminents – « éminentissimes », même ! - de président stable du Conseil européen et de Haut représentant, le choix des Vingt-sept se soit porté sur des personnalités inconnues de l’opinion européenne.
J’ai entendu les compliments que le président de la commission des affaires européennes a faits sur ces deux personnalités, dont je ne mets pas en doute les qualités. Je dis simplement que, pour la plupart des Français et des autres Européens – à l’exception des Belges, évidemment -, Van Rompuy est un illustre inconnu, et qu’il en va de même pour Mme Catherine Ashton, qui, en sa qualité de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, va de surcroît faire ses premiers pas sur la scène internationale, dont elle ignorait tout jusqu’à présent.
Herman Van Rompuy et Catherine Ashton : ces noms retentissent très probablement aujourd'hui pour la première fois dans cet hémicycle.
Je ne conclus rien de définitif de ces deux interrogations, mais elles m’amènent, au terme de cette brève intervention, à me tourner vers vous, monsieur le secrétaire d’État, source de toute lumière ! (Sourires.)
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Bien sûr, monsieur le président !
M. Jean François-Poncet. Que faut-il, en définitive, attendre de la mise en œuvre du traité de Lisbonne? S’agit-il d’une véritable avancée européenne – ce que je veux croire -, ou simplement d’un décor d’opéra où le chœur chante «Marchons ! Marchons ! » et où, sur la scène, personne ne bouge ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Richard Yung applaudit également.)
M. le président. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.
La parole est à Mme Annie David.