compte rendu intégral
Présidence de M. Roger Romani
vice-président
Secrétaires :
M. Jean-Pierre Godefroy,
M. Jean-Paul Virapoullé.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
financement de la sécurité sociale pour 2010
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2010 (nos 82, 90 et 91).
Je rappelle que la discussion générale a été close et que trois motions de procédure ont été repoussées.
Nous passons donc à la discussion des articles.
Nous allons tout d’abord examiner la première partie du projet de loi concernant les dispositions relatives à l’exercice 2008.
PREMIÈRE PARTIE
Dispositions relatives à l’exercice 2008
Article 1er
Au titre de l’exercice 2008, sont approuvés :
1° Le tableau d’équilibre, par branche, de l’ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
|||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|||
Maladie |
164,0 |
168,1 |
-4,1 |
||
Vieillesse |
175,3 |
180,9 |
-5,6 |
||
Famille |
57,7 |
58,0 |
-0,3 |
||
Accidents du travail et maladies professionnelles |
12,3 |
12,1 |
0,2 |
||
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
404,2 |
414,0 |
-9,7 |
; |
.
2° Le tableau d’équilibre, par branche, du régime général de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
|||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|||
Maladie |
140,7 |
145,2 |
-4,4 |
||
Vieillesse |
89,5 |
95,1 |
-5,6 |
||
Famille |
57,2 |
57,5 |
-0,3 |
||
Accidents du travail et maladies professionnelles |
10,8 |
10,5 |
0,2 |
||
Toutes branches (hors transferts entre branches) |
293,1 |
303,3 |
-10,2 |
; |
3° Le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :
(En milliards d’euros) |
|||||
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|||
Fonds de solidarité vieillesse |
15,4 |
14,5 |
0,8 |
||
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles |
22,1 |
16,8 |
5,3 |
; |
.
4° Les dépenses constatées relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, s’élevant à 153,0 milliards d’euros ;
5° Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, s’élevant à 1,8 milliard d’euros ;
6° Le montant de la dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, s’élevant à 2,9 milliards d’euros.
M. le président. La parole est à M. François Autain, sur l’article.
M. François Autain. Avec cet article 1er, vous entendez, madame la ministre, soumettre à l’adoption du Sénat les comptes au titre de l’année 2008.
Cet exercice annuel est pour le moins curieux puisque, chaque année, la majorité adopte cet article 1er, qui n’est ni plus ni moins que la reconnaissance de l’insincérité des débats budgétaires que l’opposition dénonce à travers la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, comme nous l’avons fait avant-hier soir. La majorité rejette cette motion systématiquement, quitte à concéder deux ans plus tard que les critiques formulées alors par l’opposition étaient justes !
Vous comprendrez donc que, ce faisant, nous votions contre l’article 1er, qui témoigne tout de même d’un déficit global de 10,2 milliards d’euros !
Pour mémoire, en 2007, alors que nous examinions le PLFSS pour 2008, M. Woerth nous avait présenté deux tableaux, l’un fondé sur des estimations hautes et l’autre sur des estimations basses. Dans la première projection, les déficits devaient être, au maximum, de 7,6 milliards d’euros, et, dans la seconde projection de 8,8 milliards d’euros. En réalité, il en a été tout autrement puisque les comptes sociaux accusent près de 2 milliards d’euros de déficit supplémentaire.
Cette aggravation des comptes est d’autant moins justifiable que la crise, que vous présentez comme la principale responsable des déficits, n’a débuté qu’à la fin du dernier trimestre 2008.
Pourtant, chacun s’en souviendra, c’est cette année que vous avez instauré les franchises médicales et que se sont multipliés les transferts en direction des organismes d’assurance de santé complémentaire.
En somme, l’article 1er nous permet de mesurer pleinement la gravité de la situation et le caractère structurel du déficit. C’est ce que nous tendrons à démontrer durant nos débats, tout comme nous ferons la démonstration que, pour le PLFSS pour 2008, comme pour ceux pour 2009 et pour 2010, les déficits sont d’abord et avant tout la conséquence de deux causes distinctes : d’une part, votre inconséquence et votre irresponsabilité et, d’autre part, votre refus de doter la sécurité sociale des ressources suffisantes.
C’est pourquoi les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre l’article 1er.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.
Mme Patricia Schillinger. Depuis maintenant huit ans, les finances de la sécurité sociale ne cessent de s’appauvrir pour atteindre cette année un déficit global de 10 milliards d’euros. La situation est plus qu’alarmante. On observe chaque année une dégradation continue des comptes de la sécurité sociale.
Le temps où le régime général était excédentaire est bien loin. C’était en 2001 sous Lionel Jospin. Entre 1998 et 2001, l’ensemble des quatre branches de la sécurité sociale était à l’équilibre, alors même que nous avions créé la couverture maladie universelle, qui permettait à plus de 2 millions de personnes d’accéder au système de soins.
Et la crise ne suffit pas, à elle seule, à expliquer aujourd’hui les déficits. Avant la crise, les déficits étaient déjà là. Vous voulez nous faire croire, aujourd’hui, que la totalité du déficit serait de nature conjoncturelle. Il n’en est rien. Il faut des réformes structurelles.
Philippe Séguin a lui-même déclaré : « Rien ne serait plus dangereux à nos yeux que de tirer prétexte de la situation conjoncturelle pour ne pas voir qu’avant même la crise la sécurité sociale faisait face à un déficit structurel de plus de 10 milliards d’euros […] et à une dette cumulée de plus de 100 milliards d’euros. »
Alain Vasselle, quant à lui, a parlé d’une situation totalement inédite face à laquelle les solutions habituelles sont insuffisantes. Il a ainsi déclaré : « Le retard que nous avons pris dans l’engagement de réformes structurelles, dont chacun sait depuis longtemps qu’elles sont absolument indispensables, pourrait être payé fort cher dans le contexte de la récession actuelle. »
Ainsi, force est de le constater, les réponses apportées par le Gouvernement sont insuffisantes et inefficaces. Madame la ministre, votre politique ne fonctionne pas depuis plusieurs années et vous êtes responsables de ces déficits.
Quand allez-vous changer de méthode ? Vous n’arrêtez pas de faire des économies sur le dos des malades. Depuis huit ans, le Gouvernement stigmatise les assurés, notamment les malades en les faisant davantage payer. En diminuant les dépenses, vous vous attaquez aux plus précaires d’entre nous et vous creusez les inégalités face à la santé.
Souvent, j’entends dire : « Le parti socialiste n’a pas de propositions ! ». Madame la ministre, nous en avons, mais vous ne voulez pas les entendre ! Par exemple, nous vous proposons la suppression de toutes les niches fiscales, notamment celle du bouclier fiscal. Alors que la Grande-Bretagne et les États-Unis ont décidé de faire contribuer les plus riches ; en France, le Gouvernement s’accroche désespérément à cette mesure.
Madame la ministre, quand allez-vous prendre des mesures structurelles ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. L’article 1er symbolise l’échec total des trois grandes mesures phares de la majorité en place depuis 2002.
La première est liée à la réforme des retraites.
En effet, 2008 devait être l’année du rétablissement durable à l’équilibre des comptes du régime vieillesse. Or, nous étions en 2008 à plus de 5,6 milliards d’euros de déficit. Rappelons qu’en 2003, année de la réforme Fillon, la sécurité sociale avait près d’1 milliard d’euros d’excédent sur la branche des retraites. Le déficit dépasserait les 10,5 milliards d’euros en 2010 et, selon les projections figurant à l’annexe B du projet de loi, atteindrait même 14,5 milliards d’euros en 2013 !
La loi de 2003, en rendant encore plus complexe un corpus de règles déjà particulièrement dense et peu lisible, a rendu très difficile la prévisibilité des évolutions affectant les retraites. À cet égard, il faut souligner que la Cour des comptes, cette année – et c’est une première ! –, a refusé de certifier les comptes du régime vieillesse de l’année 2008.
Le deuxième échec est lié à la réforme de l’assurance maladie d’août 2004.
Elle n’a apporté aucune réponse à ces grandes questions ni même aux principes qui justifiaient la réforme. En 2008, le déficit de cette branche a été de 4,4 milliards d’euros. Il quadruplera l’année prochaine pour être à plus de 17 milliards d’euros !
Cela nous confirme bien que, loin d’être la martingale promise, la réforme de l’assurance maladie de 2004 a aggravé ses comptes. Certaines mesures – dossier médical personnel, médecin traitant, contribution forfaitaire à la charge de l’assuré – constitueront des exemples historiques de catastrophes en matière de politique publique.
En finissant aujourd’hui le travail de démontage de ces gadgets entamé l’année dernière, vous nous donnez enfin raison.
Le troisième échec est lié à la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA.
Le dispositif d’exonération de cotisations sur les heures supplémentaires issu de la loi TEPA, entré en vigueur au 1er octobre 2007, a plombé durablement les comptes de la sécurité sociale ! L’année dernière, ce sont plus de 2,8 milliards d’euros de recettes, selon le dernier rapport de la Cour des comptes, non compensés par l’État, qui sont partis en fumée pour les comptes de l’assurance maladie.
Le montant des recettes fiscales perçues par le régime général pour compenser les exonérations de cotisations sociales s’est élevé à 24,8 milliards d’euros en 2008, soit une augmentation de 15,5 % par rapport à 2007, largement due aux exonérations de cotisations sur les heures supplémentaires, qui ont flambé, comme tout le monde le sait.
Madame la ministre, rien ne serait plus dangereux que de faire de la crise un prétexte pour différer les indispensables réformes de notre protection sociale et de son financement. On ne peut plus se contenter de demi-mesures. Il faut certes lutter contre la fraude, responsabiliser le corps médical, on peut aussi toujours améliorer le système existant, mais cela ne pourra suffire ni à résorber les milliards d’euros de dette accumulée ni à répondre à l’explosion des dépenses.
Il faudra des mesures de plus grande ampleur, tant pour les retraites que pour l’organisation et le fonctionnement du système de santé. Ces mesures seront douloureuses pour beaucoup et seront, à n’en pas douter, impopulaires auprès de nos concitoyens et particulièrement de votre clientèle électorale.
Mais elles sont nécessaires, si l’on veut sauvegarder au profit des générations futures le bénéfice que nous ont légué ceux qui nous ont précédés.
Comme vous le sentez à travers mon propos, nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l'article.
M. Yves Daudigny. S’il fallait chercher une raison de plus pour voter contre l’article 1er, on pourrait la trouver ce matin dans la lecture du journal Les Échos.
Il ne s’agit ni d’un journal subversif ni d’un porte-parole du parti socialiste, on peut y lire pourtant un article titré : « La santé coûte [aujourd’hui] 50 % plus cher aux familles qu’en 2001 ».
Il est indiqué que l’augmentation des dépenses de santé dans le budget des ménages varie suivant les cas de 39 % à 57 % de 2001 à 2009.
Il est indiqué que cette augmentation est due essentiellement à l’accumulation de ce qu’on a appelé les « mesurettes », franchises, déremboursement de médicaments, forfaits hospitaliers ou dépassements d’honoraires.
Il est indiqué aussi combien se sont creusées les inégalités en fonction des types de ressources, du niveau de ressources et du type d’assurance.
C’est une raison de plus, sans aucun doute, pour voter contre l’article 1er.
M. François Autain. Il a de très bonnes lectures !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2 et annexe A
Est approuvé le rapport figurant en annexe A à la présente loi décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion de l’approbation, à l’article 1er, des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2008.
ANNEXE A
RAPPORT DÉCRIVANT LES MESURES PRÉVUES POUR L’AFFECTATION DES EXCÉDENTS ET LA COUVERTURE DES DÉFICITS CONSTATÉS SUR L’EXERCICE 2008
I. – S’agissant du régime général :
Les comptes du régime général ont été déficitaires de 10,2 milliards d’euros en 2008. La branche Maladie a enregistré un déficit de 4,4 milliards d’euros, la branche Vieillesse un déficit de 5,6 milliards d’euros et la branche Famille un déficit de 0,3 milliard d’euros. Seule la branche Accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) a présenté un résultat excédentaire de 0,2 milliard d’euros.
L’article 10 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 a prévu que la Caisse d’amortissement de la dette sociale couvrirait les déficits cumulés au 31 décembre 2008 des branches Maladie et Vieillesse du régime général ainsi que ceux du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) dans la limite de 27 milliards d’euros.
Les modalités du transfert ont été fixées par deux décrets successifs (décrets n° 2008-1375 du 19 décembre 2008 et n° 2009-927 du 28 juillet 2009). Un premier versement à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) de 10 milliards d’euros a été effectué en décembre 2008. Deux versements ont eu lieu les 6 février et 6 mars 2009 pour un montant de 16,9 milliards d’euros. Un dernier versement de régularisation a été effectué le 4 août 2009 pour 100 millions d’euros.
Compte tenu des précédentes opérations de reprise de dette, ainsi que des affectations des résultats excédentaires de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), les déficits concernés se sont élevés au total à 27,01 milliards d’euros, dont 13,9 milliards d’euros pour la CNAV, 9,1 milliards d’euros pour la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), et 4,0 milliards d’euros pour le FSV. Comme le transfert de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) était plafonné à 27 milliards d’euros, les règles de priorité définies par la loi ont été appliquées : le montant transféré à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) a en conséquence été réduit de 9 millions d’euros.
Conformément à l’article 4 bis de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, de niveau organique, des ressources additionnelles ont été transférées à la CADES, sous la forme d’une fraction de 0,2 point de contribution sociale généralisée (CSG) (en provenance du Fonds de solidarité vieillesse), afin de garantir que la durée d’amortissement de la dette portée par la caisse ne soit pas allongée du fait de cette opération.
Le déficit de la branche Famille qui n’entrait pas dans le champ de l’article 10 est couvert par les excédents cumulés de la branche (soit 2,4 milliards d’euros depuis la reprise de dette de 1998). D’un point de vue financier, il est à noter que l’ensemble de ces sommes sont gérées simultanément au sein de la trésorerie centrale de l’ACOSS même si les résultats de chaque branche restent isolés dans les écritures de l’agence. À cet égard, le solde du compte « bancaire » de la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF) auprès de l’ACOSS reste positif, à hauteur de 2,1 milliards d’euros au 31 décembre 2008.
L’excédent de la branche AT-MP est resté acquis à cette branche.
II. – S’agissant des organismes concourant au financement des régimes :
1. Couverture du déficit du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA) :
Le FFIPSA a enregistré un déficit de 2,7 milliards d’euros pour l’exercice 2008 : 1,5 milliard d’euros pour la branche Maladie et 1,2 milliard d’euros pour la branche Vieillesse.
L’article 17 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 précitée a supprimé le FFIPSA. L’article 61 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a pour sa part prévu la reprise de la dette cumulée du fonds par l’État. Le régime a ainsi perçu fin décembre 2008 7,9 milliards d’euros correspondant aux déficits cumulés prévisionnels de la branche Maladie et de la branche Vieillesse.
Ce montant étant finalement surévalué de 0,4 milliard d’euros, il a été transféré à titre transitoire à la branche Vieillesse du régime des non-salariés agricoles géré depuis le 1er janvier 2009 par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA). Le projet de loi de finances rectificative pour 2009 devrait affecter cette somme à l’apurement des dettes de l’État vis-à-vis de la CCMSA.
2. Couverture du déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) :
Le FSV a été excédentaire en 2008 pour la deuxième année consécutive (+ 0,8 milliard d’euros). Cependant, ses déficits cumulés représentaient 4,0 milliards d’euros à fin 2008.
Comme pour les branches Maladie et Vieillesse du régime général, les déficits cumulés du fonds au 31 décembre 2008 ont été transférés à la CADES conformément à l’article 10 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 précitée.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.
M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, le régime général a accusé en 2008 un déficit de 10,2 milliards d’euros, renouant avec les déficits abyssaux, selon les termes de M. Mattei, de 2003, de 2004 et de 2005. Vous conviendrez que cette situation est sans précédent dans l’histoire de la sécurité sociale, surtout quand on se souvient, Mme Schillinger l’a rappelé tout à l’heure, qu’en 2000 l’équilibre était pratiquement atteint.
Mon intervention portera sur la seconde partie de l’article 2 consacrée aux organismes concourant au financement des régimes.
L’année dernière, alors que la crise était déjà amorcée, nous avions dénoncé vos prévisions sur les comptes à venir du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et votre numéro de prestidigitation consistant à transférer 0,3 % des cotisations UNEDIC vers la branche retraite. Nous avions voté contre le transfert d’une partie de la CSG du FSV vers la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, ce qui a eu bien sûr pour conséquence de mettre le FSV en déficit.
En 2009, le déficit, en y incluant celui du FSV, sera donc pour les régimes de base au minimum de 26,5 milliards d’euros et, en 2010, de 35,1 milliards d’euros, soit, au total, 61,6 milliards d’euros supplémentaires sur deux années.
Au lieu de faire des propositions pour répondre à ce déficit, vous autorisez l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, à emprunter 65 milliards d’euros. Nous vous l’avons déjà dit lors de la discussion générale, cette mesure, dénoncée par la Cour des comptes, est pour nous irresponsable. Le conseil d’administration de l’ACOSS ne l’a d’ailleurs pas approuvée.
Dans cette optique, madame la ministre, que proposerez-vous l’année prochaine, 100 milliards d’euros ?
En outre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoit la prise en charge par le FSV des périodes d’arrêt maladie, maternité, accidents du travail ou invalidité pour un montant global de 1,2 milliard d’euros, avec une montée en charge de la mesure étalée en 2010 et en 2011. Ainsi le solde du FSV serait-il déficitaire de 4,5 milliards d’euros en 2010, après l’avoir été de 3 milliards d’euros en 2009.
Selon les hypothèses retenues dans l’annexe B, le solde du FSV resterait sur des niveaux très dégradés puisqu’il accuserait un déficit de 3,1 milliards d’euros en 2013. La CADES ayant repris sa dette, le solde cumulé du FSV à la fin de 2008 a été ramené à zéro, mais redeviendrait largement déficitaire à la fin de 2013, à hauteur de 18,3 milliards d’euros.
Les charges financières découlant des déficits courants de 2009 à 2013 seront ensuite supportées par la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés, dont la situation financière fera l’objet d’un débat ultérieur.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous voterons contre l’article 2.
Mme Patricia Schillinger. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l’article 2 et l’annexe A.
(L’article 2 et l’annexe A sont adoptés.)
Vote sur l’ensemble de la première partie
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.
(La première partie du projet de loi est adoptée.)
M. le président. Nous allons examiner la deuxième partie du projet de loi concernant les dispositions relatives à l’année 2009.
DEUXIÈME PARTIE
Dispositions relatives à l’année 2009
Section 1
Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre financierde la sécurité sociale
Article 3
Est ratifié le décret n° 2009-939 du 29 juillet 2009 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.
Mme Annie David. Madame la ministre, avec cet article 3, le Gouvernement entend ratifier le décret qui aura pour effet de relever le plafond des avances de trésorerie au régime général de la sécurité sociale, c’est-à-dire à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS.
Cette méthode n’est pas nouvelle puisque c’est la cinquième fois que le plafond est relevé, ce qui témoigne d’une gestion pour le moins mauvaise. En raison des manques chroniques de ressources, cumulés au refus de transférer à la CADES la dette sociale, le Gouvernement est contraint de faire fonctionner la machine à tirer les bons de trésorerie.
En effet, nous le savons tous, et le Gouvernement ne peut pas feindre de l’ignorer, la Caisse des dépôts et consignations, qui fait d’habitude office de banquier de l’ACOSS, elle-même banquière de la sécurité sociale, n’est pas en mesure d’avancer à cette agence – de lui prêter, devrais-je dire, puisqu’il y a tout de même des intérêts – les quelque 30 milliards d’euros qui vont lui manquer.
Le risque est donc grand que, demain, l’État fasse appel aux marchés financiers pour financer notre système de protection sociale. Ce mécanisme est à la fois dangereux et scandaleux.
Il est scandaleux, d’abord, car votre refus de régler durablement la question des déficits et votre fuite en avant vers des lendemains que vous espérez meilleurs pourraient permettre à quelques spéculateurs de s’enrichir sur le dos de la protection sociale. Avouez tout de même que telle n’était pas la mission que les hommes et les femmes qui, au sortir de la guerre, ont imaginé la sécurité sociale avaient espéré lui confier.
Ce mécanisme est, ensuite, dangereux, puisqu’il soumet la sécurité sociale, qui est le bien de tous les salariés, en activité ou non, privés d’emplois ou en devenir, aux fluctuations des marchés internationaux et des évolutions de leurs intérêts.
Ce renvoi à la sphère financière nous paraît d’autant plus surprenant que vous justifiez vous-même le déficit constaté en 2009 et annoncé en 2010 par la crise financière.
Nous nous étonnons donc que, tel un pompier pyromane, vous entendiez confier aux acteurs de la spéculation financière, responsables du déficit de la sécurité sociale, l’avenir de celle-ci. Mais nous ne sommes pas les seuls à être inquiets puisque la Cour des comptes, elle-même, soulignait : « L’indexation du coût de financement de l’ACOSS sur l’EONIA – qui est le taux d’intérêt du marché interbancaire de la zone euro décidé par la Banque centrale européenne – rend la trésorerie de la sécurité sociale particulièrement exposée au risque des taux, qu’ils soient fixes ou variables ; rien ne dit que les taux favorables actuels perdureront. »
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, mes chers collègues, devant le refus obstiné du Gouvernement d’accepter nos propositions de recettes nouvelles, les sénatrices et sénateurs communistes et du parti de gauche voteront contre cet article 3.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l’article.
Mme Patricia Schillinger. Avec cet article, il s’agit de ratifier le relèvement du plafond de découvert de l’ACOSS, la banque de la sécurité sociale. Pour faire face à l’accumulation des déficits en 2009 et 2010, le Gouvernement augmente une fois de plus le plafond des avances de trésorerie de cette agence. Alors que celui-ci avait atteint l’équivalent de 12 milliards d’euros en 1998 et de 4 milliards d’euros en 2000, il représente aujourd’hui 29 milliards d’euros : cela donne le vertige !
Aucun déficit de la sécurité sociale ne pourra être transféré dans l’immédiat à la CADES, car celle-ci doit disposer de ressources suffisantes pour amortir la dette qu’elle reprend. Pour reprendre la dette de 2008-2009, il aurait fallu augmenter le taux de la CRDS qui est affectée à cet objet.
C’est l’ACOSS qui devra donc porter ces déficits puisque le Gouvernement n’a pas opté pour cette augmentation. Ainsi a-t-il écarté toute augmentation des prélèvements obligatoires ou toute révision de la gestion spécifique de la dette sociale au sein de la CADES. Il a exclu toute hausse de la CRDS ou de reprise de la dette par l’État en 2010 et a indiqué que, pour l’année prochaine, le financement des prestations sociales sera garanti en donnant à l’ACOSS les moyens de trésorerie nécessaires.
Or, l’ACOSS devra porter plus de 20 milliards d’euros de déficit pour 2009 et environ 30 milliards d’euros pour 2010. À cela s’ajoutent les besoins de trésorerie ponctuels, le déficit du FSV, ce qui devrait porter à 60 milliards d’euros le seuil en question en 2010.
Madame la ministre, l’ACOSS connaît de tels besoins de trésorerie qu’elle va accuser un découvert considérable en la matière. La dette de la sécurité sociale, elle, atteint des montants sans précédent.
Le directeur de l’ACOSS s’est alarmé de cette situation, qui va conduire l’agence à émettre massivement des billets de trésorerie et à emprunter sur les marchés financiers internationaux.
Par ailleurs, la Cour des comptes critique l’accumulation de découverts, laissés à la charge de l’ACOSS, qui « prive de portée le système de cantonnement de la dette sociale alors que la création de la CADES, en 1996, visait justement à mettre fin à la facilité de déficits accumulés ».
Dans son rapport, M. Vasselle, précise bien : « C’est pourquoi la Cour [des comptes] recommande, comme le rapporteur général de la commission, que ces découverts soient transférés à la CADES, ce qui implique, pour respecter la loi organique de 2005 selon laquelle tout accroissement de la dette doit s’accompagner d’une augmentation des ressources à due concurrence, une hausse du taux de la contribution au remboursement de la dette sociale. »
Madame la ministre, M. Woerth s’est dit favorable au transfert de la dette sociale à la CADES à partir de 2011. Pourquoi ne pas le faire dès l’année prochaine ? Qu’attend le Gouvernement ?