Article 12 bis (nouveau)
À l’article L. 321-11 du même code, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l’article L. 442-2 sont applicables à toute personne se livrant à titre habituel à la revente ou à l’annonce de la revente d’un produit en l’état à un prix inférieur à son prix d’achat effectif, par le procédé des enchères publiques, dans les conditions prévues à cet article. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture.
L'amendement n° 37 est présenté par MM. Peyronnet, Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
toute personne
par les mots :
tout vendeur
et les mots :
ou à l'annonce de la revente d'un produit en l'état
par les mots :
d'un bien neuf
La parole est à M. Ambroise Dupont, vice-président de la commission de la culture, pour présenter l’amendement n° 3.
M. Ambroise Dupont, vice-président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. La disposition que propose la commission des lois est justifiée par l'ouverture des ventes volontaires aux biens neufs. Cependant, elle paraît difficilement applicable pour le marché de l'art, la cote d'un artiste étant susceptible de fluctuer dans le temps.
On ne peut appliquer aux œuvres d'art des considérations économiques propres aux biens neufs, car cela reviendrait à en interdire la revente en cas de baisse de la cote, ce qui arrive fréquemment. Cette logique est d'ailleurs valable pour les biens d'occasion en général.
Aussi la commission de la culture propose-t-elle de ne prévoir l'interdiction de revente à perte que pour les biens neufs.
En outre, une précision est apportée sur la responsabilité du vendeur, puisque, dans le cas des ventes volontaires, c’est bien lui qui détient l’information sur le prix d’achat effectif et donne ensuite mandat de vente. La référence à « toute personne » ne me paraît donc pas vraiment adaptée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 37.
M. Jean-Claude Peyronnet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Ces deux amendements identiques tendent à limiter l’interdiction de la revente à perte, dans le cadre des enchères publiques, aux biens neufs.
La commission des lois ayant ouvert aux opérateurs de ventes volontaires la possibilité de vendre des biens neufs, il peut paraître logique d’interdire la revente à perte pour ce type de biens.
Toutefois, même pour certains de ces biens au moins, la question se pose. Je pense en particulier aux bijoux.
Dans l’ensemble, si l’on recourt à la vente aux enchères pour vendre des biens neufs, c’est probablement parce que les biens n’ont pas atteint un prix minimal dans le cadre d’une mise en vente classique.
En tout état de cause, comme le propose la commission de la culture, l’interdiction de la revente à perte ne doit pas porter sur les œuvres et objets d’art, sujets à d’importantes fluctuations de prix.
La commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet lui aussi un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 37.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 12 bis, modifié.
(L'article 12 bis est adopté.)
Article 13
L’article L. 321-12 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 321-12. – Un opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques mentionné à l’article L. 321-4 peut garantir au vendeur un prix d’adjudication minimal du bien proposé à la vente. Si le bien a été estimé, ce prix ne peut être fixé à un montant supérieur à l’estimation la plus basse mentionnée à l’article L. 321-11.
« Si le montant du prix garanti n’est pas atteint lors de la vente aux enchères, l’opérateur est autorisé à se déclarer adjudicataire du bien à ce prix. À défaut, il verse au vendeur la différence entre le montant garanti et le prix d’adjudication.
« Il peut revendre le bien ainsi acquis y compris aux enchères publiques. La publicité doit alors mentionner de façon claire et non équivoque que l’opérateur est le propriétaire du bien. » – (Adopté.)
Article 14
À l’article L. 321-13 du même code, les mots : « Une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques » sont remplacés par les mots : « Un opérateur de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques mentionné à l’article L. 321-4 ». – (Adopté.)
Article 15
L’article L. 321-14 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques » sont remplacés par les mots : « Les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques mentionnés à l'article L. 321-4 » et le mot : « elles » est remplacé par le mot : « ils » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « la société » sont remplacés par les mots : « l’opérateur ayant organisé la vente » ;
3° (nouveau) Au troisième alinéa, les mots : « d’un mois » sont remplacés par les mots : « de trois mois ».
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié, présenté par Mme Mélot et MM. Houel, Bordier, Laménie et César, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
°Au troisième alinéa, les mots : «, sans préjudice de dommage et intérêts dus par l'adjudicataire défaillant » sont supprimés ;
° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans tous les cas, l'adjudicataire défaillant doit réparation de l'intégralité des préjudices subis augmentés d'une somme égale à la moitié du prix d'adjudication. »
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Cet amendement vise à assurer l'efficacité du mécanisme prévu à cet article. Sans lourdes sanctions en cas d’abus, il pourrait en effet profiter à des acheteurs peu scrupuleux, qui, regrettant leur achat, attendraient l'expiration du délai de trois mois, sans véritablement encourir de sanction.
À cette fin, nous estimons qu’il convient de prévoir de fortes amendes pour ces personnes indélicates ou malhonnêtes. Cela permettrait de sécuriser le processus de ventes aux enchères publiques, notamment pour le vendeur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que, en cas de folle enchère, l’adjudicataire défaillant paye la réparation de l’intégralité des préjudices subis et une somme égale à la moitié du prix d’adjudication.
Il convient de ne pas alourdir les sanctions actuelles, aux termes desquelles l’adjudicataire défaillant paye des dommages et intérêts ainsi que la différence entre le prix pour lequel il s’était porté acquéreur et le prix définitivement obtenu lors de l’enchère suivante.
Il appartient au juge de définir le montant des dommages et intérêts.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Il n’est pas envisageable de régler, à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi portant réglementation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, la question de l’introduction des dommages et intérêts punitifs dans notre droit. Cela suppose une réflexion approfondie, que la commission a d’ailleurs engagée.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Madame Mélot, l'amendement n° 17 rectifié est-il maintenu ?
Mme Colette Mélot. Non, je le retire, monsieur le président. Le processus de vente aux enchères publiques me paraît en effet sécurisé.
M. le président. L'amendement n° 17 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
L’article L. 321-15 du même code est ainsi modifié :
1° Le 1° du I est remplacé par les dispositions suivantes :
« 1° Si l’opérateur qui organise la vente n’a pas procédé à la déclaration préalable prévue à l'article L. 321-4 ou fait l’objet d’une interdiction temporaire ou définitive d’exercer l’activité de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ; » ;
2° Au 3° du I, les mots : « à l’article L. 321-8 » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 321-4 » ;
3° (nouveau) La première phrase du III est supprimée.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par MM. Peyronnet, Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. Par souci de simplification, la commission des lois propose la suppression de la mention selon laquelle « les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions définies au présent article ».
Dans le contexte actuel de prolifération des normes, est-il bien nécessaire de supprimer cette précision, qui présente le mérite de favoriser la clarté et la lisibilité de la loi ? Si redondante puisse-t-elle paraître, nous estimons qu’il convient de la maintenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a défini un principe général de responsabilité pénale des personnes morales ; il serait redondant de maintenir cette disposition dans le code de commerce.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mme Des Esgaulx, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
° Le présent article est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« IV. Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques peut se constituer partie civile dans le cadre des poursuites judiciaires fondées sur le présent article. »
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Cet amendement a pour objet de consacrer la possibilité, pour le Conseil des ventes volontaires, de se constituer partie civile dans les affaires mettant en cause, notamment, des opérateurs non déclarés.
Il s'agit de consolider cette capacité, qui, quoique reconnue de façon constante par la jurisprudence, est régulièrement contestée par les opérateurs visés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
L’article L. 321-16 du même code est abrogé. – (Adopté.)
Article 18
L’article L. 321-17 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « Les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques » sont remplacés par les mots : « Les opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques mentionnés à l’article L. 321-4 » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Mention de ce délai de prescription doit être rappelée dans la publicité prévue à l’article L. 321-11. »
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par Mme Des Esgaulx, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
°Au premier alinéa, les mots : « qui procèdent à » sont remplacés par les mots : « qui les assistent dans la description, la présentation et » ;
° Au premier alinéa, après les mots : « à l'occasion » sont insérés les mots : « des prisées et ».
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le rôle des experts qui interviennent auprès des opérateurs de ventes volontaires ainsi que leur régime de responsabilité.
En effet, l'expert n'assure pas seulement l'estimation des biens ; il apporte également son assistance pour l'authentification des objets.
La rédaction proposée tend à embrasser l'ensemble de leur champ d'intervention : ils « assistent » les opérateurs de ventes volontaires dans la description, la présentation et l'estimation des biens.
Par cohérence, l'amendement précise en outre que les opérateurs et les experts engagent leur responsabilité non seulement à l'occasion des ventes, mais aussi à l'occasion des prisées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. La rédaction actuelle de l’article 18 ne soulève aucune difficulté d’application. Cependant, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par MM. Peyronnet, Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
° À la fin du troisième alinéa, les mots : « à compter de l'adjudication ou de la prisée » sont remplacés par les mots : « à compter du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; »
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Cet amendement a pour objet de modifier le régime de la prescription des actions en responsabilité engagées à l’occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques.
Cette question a été abordée il n’y a pas si longtemps par notre assemblée, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi, déposée par notre collègue Jean-Jacques Hyest, portant réforme de la prescription en matière civile.
Au cours de la navette, l’Assemblée nationale avait modifié l’article L. 321-17 du code de commerce afin de prévoir que les actions en responsabilité civile engagées à l’occasion des prisées et des ventes volontaires et judiciaires de meubles aux enchères publiques se prescrivent par cinq ans à compter de l’adjudication ou de la prisée, et non plus par dix ans.
On nous avait alors expliqué qu’il s’agissait d’appliquer à ces actions le nouveau délai quinquennal de droit commun de la prescription extinctive. Dans ces conditions, l’Assemblée nationale aurait également dû modifier le point de départ de ce délai, en retenant non plus l’adjudication ou la prisée, mais la découverte, par la personne qui a intérêt à agir, de la faute commise à cette occasion
À défaut, des conséquences fâcheuses sont à craindre, qui avaient d’ailleurs été signalées par notre collègue Laurent Béteille, rapporteur de ce texte au nom de la commission des lois. Par exemple, si l’acquéreur d’un tableau attribué à tort à un peintre illustre s’aperçoit de l’erreur qui a été commise plus de cinq ans après l’adjudication ou la prisée, il ne pourra plus engager aucune action en responsabilité ni contre la société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, ou contre l’officier public ou ministériel ayant procédé à la vente, ni contre l’expert ayant procédé à l’estimation du tableau.
Notre collègue en concluait que de telles dispositions risquaient à l’évidence de décourager les futurs acquéreurs de se rendre aux prisées et adjudications et de les inciter à recourir plutôt à la vente de gré à gré.
La présente proposition de loi offre un cadre approprié pour réexaminer cette question.
Le régime de la prescription était également abordé dans les amendements identiques nos 4 et 25, mais ce dernier, présenté par Mme Dini, a disparu, sans doute parce qu’il a été retiré.
Ces amendements sont intéressants, mais ils se limitent au régime de responsabilité des experts, ce qui nous semble trop restrictif.
L’adoption de notre amendement, qui satisferait l’amendement n° 4 de la commission de la culture - ce n’est déjà pas négligeable -, conforterait les droits des consommateurs et mettrait fin à un régime de responsabilité à plusieurs vitesses.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Cet amendement tend à modifier le régime de la prescription applicable aux opérateurs de ventes volontaires.
Aujourd’hui, nous vivons sous le régime de l’excellente loi du 17 juin 2008, que nous appelons entre nous « loi Hyest ». (Sourires.) Je ne vois vraiment pas quel intérêt nous aurions à modifier un régime qui privilégie l’activité par rapport à la profession.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. On ne touche pas à l’équilibre de la loi Hyest ! (Nouveaux sourires.) Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Peyronnet. Je suis très déférent à l’égard du président de la commission des lois et je reconnais la qualité des textes qu’il fait voter.
Je me permets néanmoins d’insister, car nous traitons d’une marchandise particulière.
Si l’on achète un pneu défectueux, on risque l’accident assez rapidement et il est, dans ce cas, assez facile de se retourner contre le vendeur.
Le commerce des objets d’art fonctionne, lui, de manière bien différente. Les biens sont souvent mis sur le marché longtemps après leur acquisition, parfois dix, vingt ou trente ans après, voire davantage. Il me semblerait donc légitime de prévoir un régime dérogatoire pour ces marchandises très spécifiques.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par M. Nachbar, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les actions en responsabilité civile engagées contre les experts en œuvres d'art et objets de collection, qui exercent leurs activités hors du cadre des ventes publiques, se prescrivent par cinq ans à compter de la délivrance du certificat mentionnant la date de l'expertise. »
La parole est à M. Ambroise Dupont, vice-président de la commission de la culture.
M. Ambroise Dupont, vice-président de la commission de la culture. La commission de la culture souhaite mettre fin à un régime de responsabilité des experts à deux vitesses, qui crée un biais entre le secteur des ventes volontaires et le reste du marché de l’art, et qui peut influencer l’exercice de la profession d’expert.
Deux éléments sont à prendre en considération pour bien comprendre les conséquences de la législation actuelle.
Tout d’abord, la jurisprudence se montre beaucoup plus sévère à l’égard des experts depuis une quinzaine d’années puisqu’elle impose en quelque sorte une obligation de résultat.
Parallèlement à ce durcissement, les compagnies d’assurance refusent d’assurer les experts pour des périodes trop longues, ce qui peut les mettre dans une situation personnelle financière à laquelle ils ne peuvent faire face lorsque leur responsabilité est engagée et qu’il leur est demandé de rembourser des sommes pouvant aller jusqu’à plusieurs millions d’euros.
L’erreur d’expertise peut, je le rappelle, être décelée parce que la connaissance d’un artiste a évolué et que le catalogue raisonné de son œuvre tient compte de découvertes récentes.
La conjugaison de ces phénomènes n’est pas sans conséquences sur le marché de l’art. On peut craindre que les experts exerçant hors du cadre des ventes volontaires n’aient tendance à devenir plus frileux, à prendre moins de risques et à émettre des réserves de façon plus systématique afin d’éviter que leur responsabilité ne soit engagée pendant plusieurs dizaines d’années.
Or de telles réserves ont une incidence sur les prix. Lorsqu’un expert attribue une œuvre non pas à Poussin mais à des élèves du maître, il divise le prix du tableau par cent, voire mille, selon certains spécialistes. Ne risque-t-on pas ainsi de favoriser une valorisation artificielle du secteur des ventes volontaires ?
Évidemment, l’idée de revenir sur la loi du 17 juin 2008 au bénéfice d’une profession suscite des réactions. Il convient bien entendu de garder à l’esprit la protection des droits des vendeurs et des acheteurs face à une profession non réglementée. Cela ne justifie cependant pas que l’on écarte trop rapidement un amendement qui tient compte de la réalité d’une profession et de multiples contraintes pouvant naître d’une situation inéquitable, préjudiciable au bon fonctionnement du marché de l’art.
J’ajoute que la commission de la culture propose d’imposer, en contrepartie de l’extension de ce régime dérogatoire, la délivrance d’un certificat qui introduira un formalisme minimum pour la profession d’expert, et cela ne se voit pas beaucoup aujourd’hui...
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Gaillard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
...° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les actions en responsabilité engagées contre un expert pour des expertises d'objet d'art, d'antiquité ou de collection se prescrivent par cinq ans à compter de la date du certificat délivré par l'expert. »
La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard. Cet amendement va dans le sens de celui de la commission de la culture.
Il faut savoir, mes chers collègues, qu’il est presque impossible d’obtenir justice au-delà de dix ans.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur. Cet amendement tend à faire bénéficier les experts d’un régime de prescription plus favorable que celui dont ils jouissent aujourd’hui, dans l’ensemble de leur activité, c’est-à-dire même lorsqu’ils n’interviennent pas auprès d’un commissaire-priseur et qu’ils expertisent des biens vendus de gré à gré.
Les experts ne sont soumis à aucune régulation. La commission a d’ailleurs adopté une disposition visant à renforcer la déontologie de cette profession, qui le souhaitait. Aujourd’hui, rappelons-le, toute personne peut ouvrir un cabinet d’expert sans autre forme de justificatif.
Dans ces conditions, la règle de la prescription de droit commun constitue la seule garantie offerte au consommateur. C’est vraiment la contrepartie d’un régime ultralibéral.
Il convient de distinguer deux logiques.
Si l’expert intervient dans le cadre d’une vente publique, la réglementation est stricte et prévoit l’intervention du Conseil des ventes volontaires, la responsabilité de l’opérateur, qui doit s’assurer des garanties offertes par l’expert, ainsi qu’un délai de prescription de cinq ans à compter de l’adjudication ou de la prisée.
Si l’expert intervient hors vente publique, il n’y a pas de régulation et pas de garantie spécifique. Le délai de prescription est alors aussi de cinq ans, mais avec un point de départ glissant, qui prend effet le jour où le demandeur découvre l’erreur. L’action en responsabilité peut alors être engagée pendant un délai maximum de vingt ans.
Cette distinction, qui a été confirmée par la loi de juillet 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, paraît cohérente. On ne peut donner aux experts qui interviennent hors vente publique les avantages d’une profession réglementée. L’acheteur et le vendeur doivent supporter des risques. Si le délai était réduit, nous pourrions rapidement le regretter, notamment s’il survenait des affaires d’erreurs manifestes pour lesquelles les justiciables seraient restés sans moyen d’action en raison de la prescription.
Il me semble donc qu’il faut y regarder à deux fois avant de revoir ce délai.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission et n’a rien à ajouter à l’argumentation très étayée de Mme le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La loi a été votée en 2008. Si l’on commence à détricoter les lois un an après leur adoption, où va-t-on ?
M. le président. Monsieur le vice-président de la commission de la culture, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?
M. Ambroise Dupont, vice-président de la commission de la culture. J’ai bien écouté les arguments de notre éminent et talentueux rapporteur. Je considère toutefois que la question reste posée, car la date fluctuante ne permet pas de résoudre les problèmes.
Devant l’avis défavorable du Gouvernement et de la commission des lois, je vais retirer l’amendement. Je souhaite néanmoins, puisque vous l’avez proposé à plusieurs reprises, monsieur le secrétaire d’État, que l’on puisse à nouveau se pencher sur ce sujet dans la suite de la navette.
Je retire donc l’amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 4 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La loi de 2008 est extrêmement précise et son objectif est clair. Le délai de la prescription est de cinq ans pour une activité réglementée. Dans les autres cas, c’est la défense du consommateur qui prime. Le délai est donc de cinq ans à partir de la connaissance des faits. C’est un principe général que nous avons accepté.
Mes chers collègues, si nous commençons à détricoter la loi, qui plus est sans garanties, nous contrarions la réforme des prescriptions qui a été unanimement appréciée sur ces travées.
Je comprends très bien que tel groupe ou tel élu soit favorable à un délai fixe de cinq ans, mais, s’agissant d’une activité non réglementée, c’est l’intérêt du consommateur qui doit l’emporter.
Certes, on peut toujours poser la question. D’ailleurs, on nous l’avait déjà posée en 2008, et déjà au sujet de cette profession. Je souhaite que l’on s’abstienne de remettre en question peu de temps après leur adoption des textes qui nous ont paru équilibrés lorsque nous les avons votés.