M. Jacques Mahéas. C’est l’auberge espagnole !
M. Jacky Le Menn. La voiture-balai !
M. Hugues Portelli, rapporteur. Un peu : c’est vous qui l’avez dit !
Pour ce qui est de la réorganisation des fonctions de soutien du ministère de la défense, est prévue la mise à disposition des agents auprès des organismes à qui elles seront confiées.
Autre point important, sur lequel tout le monde était d’accord : le maintien des auxiliaires de vie scolaire individuels dans le cadre d’un partenariat avec des associations agréées.
En revanche, l’Assemblée nationale a rejeté une disposition tendant à supprimer le classement à la sortie des écoles de fonctionnaires.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous ne l’avions pas acceptée non plus !
M. Hugues Portelli, rapporteur. En effet, le Sénat y était opposé.
M. Jacques Mahéas. Vous avez changé d’avis !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne sait pas : il n’y a pas eu d’amendement !
M. Hugues Portelli, rapporteur. Nous en avons débattu en commission !
Quoi qu’il en soit, cette disposition a été rejetée à l’Assemblée nationale.
Le texte nous est parvenu ainsi en commission mixte paritaire.
L’ensemble de ces dispositions ont été examinées et validées par la commission mixte paritaire, à l’exception de l’une d’entre elles, introduite par amendement du Gouvernement à l’Assemblée nationale et visant à modifier le code de justice administrative en ce qui concerne les règles relatives au statut des magistrats de l’ordre administratif et à l’organisation de la justice administrative.
Mes chers collègues, nous voyons donc aboutir un texte important, qui fait suite à la loi que nous avions votée en 2007, présentée par M. Christian Jacob, et qui avait déjà amorcé des processus de mobilité dans la fonction publique.
Cette fois-ci, l’idée était de permettre une plus grande communication entre les trois fonctions publiques et d’essayer d’introduire une mobilité entre elles, tout en fixant des règles un peu plus sévères pour les mutations et la collaboration des fonctionnaires à des activités privées.
Dans le même ordre d’idée, ce texte permet également de donner plus de clarté aux règles de fonctionnement de la commission de déontologie et de compléter utilement la loi de 2007. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jacques Mahéas. Quel enthousiasme ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver aujourd’hui pour l’examen du texte définitif du projet de loi relatif à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique tel qu’issu des travaux de la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 9 juillet dernier.
Nous sommes, il est vrai, dans une situation un peu inédite car ce texte, examiné ici voilà près de quinze mois, n’a pu aboutir à l’Assemblée nationale que très tardivement, qui plus est il avait fait l’objet d’une déclaration d’urgence. Donc, tout cela n’est pas parfait, c’est le moins que l’on puisse dire.
Comme l’a indiqué M. le rapporteur, pendant plus un an, le texte a mûri – comment aurait-il pu en être autrement ? –, et comme il s’agit d’un texte de gestion de la fonction publique, des besoins nouveaux sont apparus en fonction de l’évolution de la situation.
Monsieur le rapporteur, la plupart des amendements adoptés par les députés sont issus de la commission des lois de l’Assemblée nationale, de son président ou de son rapporteur, très peu proviennent du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Eric Woerth, ministre. Cela étant, ce texte est à l’évidence éminemment important parce qu’il donne enfin à la fonction publique des règles de gestion modernisées, dont nous avons abondamment discuté.
Ce n’est pas un « texte-balai », comme cela a été dit tout à l’heure, c’est au contraire un texte extrêmement concret, fondé sur les principes mêmes qui empêchaient l’évolution et la mobilité des fonctionnaires.
Je souhaite adresser mes remerciements à toutes celles et tous ceux qui ont participé à ces débats, avec beaucoup d’efficacité et de sérieux. Dans ces remerciements, je ferai une place particulière aux présidents des commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale, ainsi qu’aux deux rapporteurs du projet de loi, qui ont travaillé de façon extrêmement détaillée, comme on a pu encore le constater dans l’intervention de M. Portelli.
Malgré les évolutions qu’a connues ce projet de loi, nous sommes restés parfaitement fidèles à notre conviction première : la qualité de la gestion des ressources humaines, qualité à l’évidence essentielle, d’une part, pour les fonctionnaires eux-mêmes, qui sont en droit d’attendre de l’État une vraie gestion des ressources humaines, et, d’autre part, pour les citoyens. Il n’y a pas que la question des fonctionnaires, il y a aussi le respect des citoyens, afin que l’État leur apporte un service public de qualité, au meilleur coût possible.
Rendre les carrières plus attractives, plus diversifiées, permettre à chaque fonctionnaire de découvrir les différents métiers et les différents territoires de l’État, s’assurer que chaque fonctionnaire qui le souhaite puisse changer de métier ou de région, c’était notre ambition initiale, c’est toujours et plus que jamais l’ambition de ce texte.
Il faut faire circuler les idées, bien sûr, mais aussi les hommes et les femmes qui servent cette idée de l’État et il faut faire circuler les compétences : c’est la condition d’un État moderne et dynamique, c’est aussi la condition pour avoir des fonctionnaires heureux et fiers de faire leur travail. Ils doivent avoir, à l’évidence, tout au long de la vie un parcours professionnel correspondant à leurs compétences et à des besoins personnels qui vont changer. Nous gérons tous des collectivités, nous le voyons bien.
Bien sûr, le chemin est long : aujourd’hui, on estime à moins de 5 % le nombre de fonctionnaires qui servent hors de leur corps d’appartenance. Évidemment, ce n’est pas assez. Comment s’étonner que la mobilité ne soit pas une préoccupation majeure des administrations ? C’est pourtant une préoccupation centrale des fonctionnaires, nous l’avons constaté.
Le projet de loi est le fruit d’une intense concertation. Je ne dis pas que tout le monde était d’accord, beaucoup de fédérations de fonctionnaires s’y sont d’ailleurs opposées, mais le débat a été respectueux et le dialogue très riche. Elles y mettaient, me semble-t-il, ce qui n’y était pas, c'est-à-dire l’idée que la fonction publique ressemblerait à un moment donné au secteur privé ou qu’on égratignerait – je ne sais pourquoi – son statut. Je leur ai dit que nous étions évidemment favorables au statut, mais pas au statu quo. (M. Jacques Mahéas s’exclame.) C’est en quelque sorte le fondement du projet de loi.
Le texte sur lequel vous allez vous prononcer répond aux trois objectifs initiaux : lever les obstacles juridiques à la mobilité des fonctionnaires – c’est ce que nous faisons – ; créer les conditions qui permettront d’assurer la modernisation, la continuité et l’adaptabilité du service ; enfin, mettre en œuvre des mesures de ressources humaines modernes pour faciliter les parcours de carrière et valoriser le mérite, et ce pour les trois volets de la fonction publique.
Le Gouvernement et le Parlement, durant tout le processus législatif qui va aboutir à l’adoption de ce texte, auront été très pragmatiques, extraordinairement proches à la fois des besoins des administrations et de ceux de nos concitoyens. C’est une démarche fondamentalement positive, me semble-t-il, vis-à-vis d’une fonction publique dont l’objectif est d’abord, bien évidemment, de servir, mais aussi de permettre à ses agents de mener une carrière attractive tout au long de la vie.
C’est donc un texte important, ne nous y trompons pas, un des premiers textes aussi important sur la fonction publique, aussi précis, aussi peu idéologique, aussi pragmatique, et je me réjouis que nous ayons pu enfin le faire aboutir, monsieur le rapporteur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est donc au milieu de l’été que nous achevons l’examen d’un texte qui est, selon nous, un véritable cheval de Troie destiné à démanteler le statut de la fonction publique. Cheval de Troie, car ce qui est au cœur de ce texte est non pas la mobilité des fonctionnaires, mais bien la possibilité de donner à l’État les outils permettant de faciliter la révision générale des politiques publiques et de mettre en œuvre le dogme du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite.
M. Jacques Mahéas. Eh oui !
Mme Éliane Assassi. Petit à petit, la conception de l’intérêt général, qui fonde la notion de service public, cède du terrain à votre conception managériale de la fonction publique et du service public.
Depuis 1987, année d’adoption de la loi Galland, qui a d’ailleurs mis en place les premiers freins à la mobilité des fonctionnaires, les atteintes au statut de la fonction publique se sont multipliées.
Le Conseil d’État a publié en 2003 un rapport envisageant de faire du contrat une source autonome du droit de la fonction publique. La loi du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique a introduit le contrat à durée indéterminée dans la fonction publique. La loi du 2 février 2007 dite « de modernisation » de la fonction publique a rapproché davantage encore la situation des agents publics de celle des salariés du secteur privé. Puis, le rapport Silicani d’avril 2008 est venu confirmer cette orientation : l’objectif est d’aboutir à une fonction publique de métiers et non plus d’emplois, à la généralisation du contrat et à la rémunération au mérite, contre le statut et l’efficacité sociale.
Est-ce un hasard si, en moins d’une année, le Gouvernement a présenté, d’une part, son projet de suppression du le classement de sortie de l’ÉNA, véritable prime au népotisme, et, d’autre part, la possibilité, dans la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », de recruter des directeurs d’hôpitaux dans le privé sans passer par le concours, et si, enfin, 87 députés de la majorité ont déposé une proposition de loi instituant la liberté de recrutement par les collectivités territoriales, faisant du contrat la règle et du statut l’exception ?
Le Président de la République et le Gouvernement lancent aujourd’hui une véritable offensive contre la fonction publique et le service public français dans un contexte européen de libéralisation croissante du marché. Le fait que 5 200 000 fonctionnaires échappent à la logique de marché n’est visiblement plus supportable pour le pouvoir politique en place !
Pourtant, la logique libérale a montré ses limites lors de la crise que nous avons connue et qui se poursuit. Les inégalités se sont considérablement accrues – certains continuant de s’enrichir, tandis que d’autres étaient licenciés –, l’argent public a été gaspillé par le biais d’aides publiques détournées et l’immoralité de certains dirigeants a éclaté au grand jour.
À l’opposé, le service public a largement démontré son rôle d’amortisseur social de la crise, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord, parce qu’il a préservé le pouvoir d’achat des fonctionnaires, malgré la stagnation de ce dernier depuis des années.
Ensuite, parce qu’il a joué un rôle en matière de préservation de l’emploi, mettant à l’abri du chômage et des plans sociaux les agents du service public.
Enfin, parce que, grâce à notre système de protection sociale et de retraites par répartition, il est facteur de solidarité.
En dépit de l’échec patent du système capitaliste et des dogmes libéraux, le Président de la République continue de vouloir appliquer une logique d’entreprise à la fonction publique ; ce projet de loi en est l’illustration.
Le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Jacques-Alain Bénisti, n’a d’ailleurs pas hésité, lorsque notre collègue Marc Dolez a dénoncé cette réforme permettant de démanteler le statut de la fonction publique pour mieux mettre en place la révision générale des politiques publiques, à s’exclamer que c’était le cas !
Cinq articles – les articles 6, 7, 8, 9 et 10 – symbolisent plus précisément votre projet managérial pour la fonction publique. Ce sont ces articles qui organisent respectivement l’individualisation des rémunérations, la possibilité, sous le vocable de « réorientation professionnelle », de licencier massivement des fonctionnaires, le cumul d’emplois à temps non complet, le recours facilité à des agents contractuels et, enfin, le recours à l’intérim.
Contrairement à ce que vous n’avez cessé d’affirmer, monsieur le ministre, ces articles ont fait l’objet d’une opposition de toutes les organisations syndicales représentant les fonctionnaires. Lors de la réunion du 18 mars 2008 du Conseil supérieur de la fonction publique d’État, six organisations ont voté contre ce texte, deux se sont abstenues, et toutes ont demandé le retrait des articles que je viens de citer. Le rejet de ces articles a été identique lors du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale du 26 mars 2008.
Toutes les organisations syndicales qualifient ce texte de « boîte à outils de la RGPP ».
Mme Éliane Assassi. À la lecture de ces articles, ce constat est en effet sans appel.
L’article 6 autorise, sous couvert d’incitation financière à la mobilité, la conservation par l’agent à titre individuel du plafond indemnitaire le plus favorable entre son employeur d’origine et son employeur d’accueil si, en cas de restructuration d’une administration, il est conduit à exercer ses fonctions dans un autre emploi de l’une des trois fonctions publiques.
Dans ce cas de figure, le plafond indemnitaire dépend non plus de l’emploi occupé, mais de la situation antérieure de l’agent, ce qui constitue un pas vers l’individualisation des rémunérations, la vénalité des emplois et la concurrence entre les agents d’un même service au mépris de l’intérêt général.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non ! Bien au contraire, c’est la protection de l’agent !
Mme Éliane Assassi. Tout à coup, vous m’écoutez, monsieur Hyest : je vous en remercie.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je vous écoute depuis le début de votre intervention, mais vous répétez toujours la même chose !
Mme Éliane Assassi. Peut-être, mais vous allez devoir m’écouter jusqu’à la fin de mon propos.
L’article 7, relatif à la prétendue réorientation professionnelle des agents, est, en réalité, celui qui permettra de mettre en œuvre un véritable plan social dans la fonction publique.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous déformez tout !
Mme Éliane Assassi. Je sais bien que mes propos ne vous font pas plaisir, mais il s’agit là d’un constat factuel !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais vous déformez les mesures prises en faveur des agents !
Mme Éliane Assassi. Un agent placé en situation de réorientation professionnelle en cas de restructuration d’une administration de l’État pourra être licencié de fait, puisque placé en disponibilité d’office – et donc sans traitement – …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On lui aura proposé trois emplois !
Mme Éliane Assassi. … ou, le cas échéant, admis à la retraite, s’il refuse successivement trois offres d’emploi public.
Les maigres garanties apportées par les députés – l’offre devra être ferme et précise et devra également tenir compte du lieu de résidence habituel de l’intéressé – ne suffisent pas à masquer que cet article constitue l’outil idéal pour permettre à l’administration, qui multiplie actuellement les restructurations de ministères et de services, de procéder à de futures suppressions de poste.
Cet article est en parfaite cohérence avec la révision générale des politiques publiques, mais également avec le projet de fonction publique de métiers que le Gouvernement essaie d’imposer petit à petit.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est bien !
Mme Éliane Assassi. Dès lors que les agents seront dans des « cadres statutaires » extrêmement larges, l’administration pourra leur imposer des emplois n’ayant plus grand-chose à voir avec leurs qualifications.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est bien mieux !
Mme Éliane Assassi. Ce qui est ici en jeu, c’est la fin des garanties statutaires liées à l’emploi public,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
Mme Éliane Assassi. … alors que celles-ci sont indispensables pour assurer la neutralité et l’indépendance des fonctionnaires à l’égard du pouvoir politique et économique.
L’article 8 est, avec les articles 9 et 10, celui qui ouvre la voie à une aggravation de la précarité dans la fonction publique.
En effet, il autorise le cumul d’emplois à temps non complet entre les trois fonctions publiques. Le caractère expérimental et l’accord de l’agent ne sauraient constituer des garanties.
L’expérimental, nous le savons bien ici, est souvent pérennisé ; et il est bien souvent difficile pour un agent de refuser un autre poste qui, pour précaire qu’il soit, lui permettra peut-être d’améliorer sa rémunération.
Cet article maintient donc dans la précarité des agents déjà précaires, quand la solution tient justement à la résorption de cette précarité par une affectation sur des emplois à temps complet.
De plus, il remet en cause l’obligation faite à l’administration d’affecter un agent reçu à un concours sur un emploi à temps complet correspondant à son grade. Il s’agit donc d’une rupture profonde avec la conception d’une fonction publique de carrière, destinée cette fois encore à faciliter la mise en place d’une fonction publique de métiers.
L’article 9 se situe dans cette même logique de précarisation de l’emploi public, puisqu’il étend de façon considérable le recours à des agents contractuels pour répondre temporairement à des besoins permanents.
Cet article introduit ainsi davantage de flexibilité et de précarité au sein de la fonction publique, et remet en cause la permanence de l’emploi, principe pourtant fondamental, car garantissant la continuité du service public.
Enfin, l’article 10 est peut-être celui qui a le plus cristallisé toutes les oppositions à ce texte, puisqu’il prévoit la possibilité pour les administrations de recourir à des salariés d’agences d’intérim.
Mme Éliane Assassi. L’argument selon lequel ce recours pourrait être généralisé au motif que les établissements hospitaliers le font déjà ne saurait évidemment nous convaincre. L’objectif de cette opération est bien sûr de pourvoir temporairement à des emplois de fonctionnaire et de faciliter ainsi les suppressions de poste sur le long terme.
Cette introduction de l’intérim dans le statut de la fonction publique est tout à fait inacceptable. Même la commission des lois du Sénat avait jugé cette disposition discutable et avait proposé, dans un premier temps, sa suppression.
M. Portelli, notre rapporteur, avait estimé qu’il est « discutable de confier aux salariés de travail temporaire, qui, par nature, assurent des missions assez fugaces chez des employeurs successifs de toutes natures, des fonctions de puissance publique ». Sa conclusion est nette et sans appel : « Le sens du service public s’acquiert par une longue pratique et par l’application d’un statut spécifique ».
M. Jacky Le Menn. Tout à fait !
Mme Éliane Assassi. En première lecture, nous avions déploré que M. le rapporteur soit revenu sur sa position et ait accepté de maintenir la possibilité de recourir à l’intérim, qui a vocation à faire économiser des postes et qui traduit également l’idéologie du Gouvernement consistant à banaliser le contrat dans la fonction publique et à dénaturer le statut.
Je le redis avec force, remplir une mission de service public n’est pas un emploi comme les autres. Les intérimaires n’auront pas pour préoccupation de satisfaire l’intérêt général, ni même de rechercher l’efficacité sociale, puisqu’ils n’auront pas vocation à rester dans la fonction publique. Et pourtant, pendant la courte période au cours de laquelle ils y travailleront, c’est bien la qualité du service public qui sera en jeu. Aussi, nous ne pouvons que nous opposer à une telle logique.
Il est donc question dans ce projet de loi non pas de mobilité, ni même de parcours professionnel dans la fonction publique, mais bien de mobilité contrainte, puisque celui-ci offre les outils permettant de procéder à des suppressions massives de poste et de précariser l’emploi public.
Toutes ces dispositions vont à l’encontre de l’esprit du statut de la fonction publique et, si évolution il doit y avoir, ce n’est certainement pas celle-là !
Nous aurions apprécié d’entendre parler de la promotion de l’égal accès des femmes et des hommes aux emplois supérieurs de la fonction publique, de la résorption de la précarité et de la titularisation des contractuels indûment recrutés sur des emplois permanents, de l’instauration de modalités sérieuses de négociation et de dialogue social, etc.
Ces mesures auraient constitué des améliorations positives du statut général de la fonction publique. Or non seulement vous n’en proposez aucune, monsieur le ministre, mais, surtout, vous vous appliquez à démanteler ce statut et à généraliser le contrat au sein de celui-ci.
Or le recours au contrat fera prévaloir le favoritisme, le clientélisme, l’arbitraire, les pressions politiques et économiques, et, au bout du compte, la corruption, dont la France a su se protéger jusqu’à maintenant.
Je le répète, ce projet de loi porte une atteinte sans précédent au statut de la fonction publique. Pire, il va à l’encontre de l’intérêt de nos concitoyens en matière de préservation de l’emploi et de maintien des services publics. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous voterons contre ce projet de loi et accompagnerons toutes les démarches visant à empêcher sa mise en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
(M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)