compte rendu intégral
Présidence de Mme Monique Papon
vice-présidente
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux,
M. Jean-Noël Guérini.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Commission mixte paritaire
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.
3
Organe central des caisses d'épargne et des banques populaires
Discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires (nos 424, 444 et 445).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord présenter les excuses de Mme Christine Lagarde – je ne fais que modestement la suppléer ici –, qui a dû se rendre à Luxembourg pour le Conseil ECOFIN et une réunion de l’Eurogroupe.
Voilà neuf mois, en septembre 2008, après la faillite de la banque Lehman Brothers, le monde se retrouvait au bord du précipice. Plusieurs banques étaient menacées de faillite ; la défiance généralisée conduisait à une paralysie de tout le système économique et financier.
Sous l’impulsion déterminante du Président de la République, alors président du Conseil de l’Union européenne, le Gouvernement a mis en œuvre des solutions coordonnées afin d’éviter que la crise financière n’entraîne l’effondrement du système financier européen.
Un mois après, le 15 octobre 2008, le Gouvernement a présenté devant la Haute Assemblée le projet de loi de finances rectificative pour le financement de l’économie.
Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, les instruments dont vous avez autorisé la création ont démontré leur efficacité et suscitent d’ailleurs l’envie d’un certain nombre de pays européens.
Dans le même temps, le Gouvernement s’est mobilisé pour assurer le sauvetage de la banque Dexia. Alors qu’elle était au bord de la faillite en octobre, cette banque a dégagé un bénéfice de l’ordre de 250 millions d’euros au premier trimestre de cette année.
En contrepartie des dispositifs mis en œuvre pour les soutenir, les banques se sont engagées à augmenter leurs encours de crédit à l’économie. La création d’un médiateur du crédit a permis d’apporter un soutien et une réponse immédiate aux entreprises confrontées à des problèmes de financement.
Au-delà de la réponse d’urgence à la crise, la France a défendu, dans le cadre du G20, un programme coordonné de réformes pour s’assurer que les excès du passé – excès de crédit, excès de complexité, excès de cupidité – ne se répètent pas.
C’est dans ce contexte que je souhaiterais vous exposer, premièrement, les objectifs du rapprochement entre les caisses d’épargne et les banques populaires ; deuxièmement, le rôle joué par l’État ; troisièmement, le cœur du projet de loi qui vous est soumis : la création d’un organe central.
Cependant, avant d’engager l’examen du projet de loi, je voudrais, au nom de Mme Christine Lagarde, remercier M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général, pour les excellentes conditions dans lesquelles s’est déroulé l’examen de ce texte en commission.
J’en viens au premier point : le sens et les objectifs du rapprochement.
Bien qu’ils ne partagent que depuis moins de dix ans le statut d’établissement bancaire coopératif, les deux groupes disposent de valeurs et d’une organisation communes. Leur rapprochement, comme l’a souligné M. le rapporteur, « n’est ni fortuit ni improvisé, il constitue l’aboutissement logique de trajectoires historiques convergentes ».
Ce que nous examinons ce soir, c’est l’accélération du rapprochement des caisses d’épargne et des banques populaires. Voulu par les deux groupes et annoncé en octobre dernier, ce rapprochement est fondé sur le constat – partagé aujourd’hui par tous – que la banque universelle constitue le modèle le plus robuste pour faire face aux turbulences financières, contrairement à la séparation, observée ailleurs, entre banques de détail, d’un côté, et banques de financement et d’investissement, de l’autre.
Ce rapprochement donnera naissance au deuxième groupe bancaire français : plus de 7 millions de sociétaires, 7 700 agences, 110 000 collaborateurs et 34 millions de clients !
Pour autant, les Français – je les rassure – ne verront pas disparaître la croix blanche sur fond bleu des banques populaires ni l’écureuil blanc sur fond rouge des caisses d’épargne.
M. Alain Gournac. On l’espère bien !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Cette union est loin de constituer une fusion pure et simple : les deux réseaux, comme vous l’avez constaté dans le projet de loi, demeureront distincts ; ils conserveront une politique commerciale et des marques autonomes. Par ailleurs, les deux groupes partagent une culture coopérative commune qu’ils conserveront dans l’opération. Les caisses d’épargne continueront à lutter contre l’exclusion bancaire, à financer le logement social et à contribuer à l’amélioration du développement économique. Les banques populaires, quant à elles, resteront attachées à la promotion de la culture de l’entreprenariat.
Dans le respect des deux identités et des deux marques, le nouveau groupe pourra s’appuyer sur deux réseaux autonomes et complémentaires : l’un, le réseau des caisses d’épargne, est plutôt orienté vers le crédit aux particuliers, tandis que l’autre, celui des banques populaires, est davantage tourné vers le crédit aux entreprises. Par ce rapprochement, le groupe renforcera son positionnement comme banque universelle de dépôts et confortera sa solidité financière.
Ce rapprochement permettra également d’améliorer le pilotage stratégique de Natixis, avec une gouvernance claire et simplifiée - un unique actionnaire de référence au lieu de deux – et d’intégrer Natixis dans un ensemble au profil plus diversifié et assis sur des réseaux solides et des métiers moins volatils que la stricte banque de financement et d’investissement.
Je précise que Natixis a engagé un plan de réduction de ses risques, grâce à la mise en gestion extinctive de certains actifs. Ce portefeuille, dont on peut dire, dans ces conditions, qu’il est correctement « cantonné », couvre 33,7 milliards d’euros de risques pondérés. Il comprend les actifs dits « toxiques » de Natixis, c’est-à-dire les actifs exposés à la crise immobilière américaine, mais également des actifs de marché « complexes » tels que les dérivés de taux ou les structurés de fonds. Ce portefeuille, qui s’apparente donc en quelque sorte à une structure interne de cantonnement, est sans doute le plus efficace et le moins coûteux pour l’État. Il fait l’objet d’un suivi rapproché de la part de la Commission bancaire, en sus du suivi « classique » de l’établissement réalisé par le superviseur.
Les résultats de Natixis au premier trimestre 2009 s’expliquent par les pertes enregistrées sur ce portefeuille en gestion extinctive, le reste de ses activités dégageant des bénéfices. Le rapprochement des caisses d’épargne et des banques populaires permettra donc, tout en en améliorant la gouvernance, d’intégrer cette filiale dans un groupe au profil de risque beaucoup moins élevé. Voilà ce qu’il faut incontestablement à Natixis pour affronter l’avenir !
Dans ces conditions, et ce sera mon deuxième point, il convient de s’interroger sur le rôle de l’État.
Il va de soi que l’État souhaite accompagner cette union, qui procède de la volonté non pas de l’exécutif, mais de celle des deux groupes, et ce depuis longtemps. Le Gouvernement s’est engagé à accompagner la création du nouveau groupe par un apport de fonds propres.
L’apport de l’État en fonds propres, d’un montant de 5 milliards d’euros, dépasse de 3 milliards d’euros l’apport proposé aux autres banques de la place. Il a été validé par la Commission européenne le 8 mai dernier et s’effectuera par l’intermédiaire de la société de prise de participation de l’État, la SPPE, en deux étapes.
D’une part, l’État réalisera cet apport de fonds propres dans les conditions de droit commun sous la forme de titres super-subordonnés, à concurrence de 2 milliards d’euros, titres qui pourront être souscrits avant le 31 août par les deux groupes, comme c’est le cas pour les autres établissements bancaires français.
D’autre part, l’État apportera au nouveau groupe un complément de 3 milliards d’euros de fonds propres sous la forme d’actions de préférence sans droit de vote qui seront émises par le nouvel organe central, une fois le rapprochement réalisé.
L’apport de l’État en fonds propres permettra au nouveau groupe de bénéficier d’une structure financière robuste et pérenne et d’afficher un ratio de solvabilité tier one proche de 9 %, celui des banques européennes les mieux capitalisées à ce jour.
Toutes les conditions sont donc réunies pour assurer l’intégrité de l’investissement de l’État, objectif qui est au cœur de la démarche du Gouvernement. Les actions de préférence seront injectées au niveau du nouvel organe central. En revanche, la rémunération et le remboursement de cet apport seront assis sur l’ensemble du groupe.
Compte tenu de l’ampleur de son investissement, qui va au-delà du celui qui est prévu pour les autres groupes bancaires, l’État disposera de droits de gouvernance dans le nouveau groupe.
Le nouvel organe central sera doté d’un directoire et d’un conseil de surveillance. Celui-ci comprendra, outre des représentants des salariés, dix-huit membres, sept issus du groupe banque populaire, sept issus du groupe caisse d’épargne et quatre désignés sur proposition de l’État, dont deux membres indépendants.
Enfin, à partir de la cinquième année, les actions seront convertibles en actions ordinaires, de sorte que l’État pourra détenir au maximum 20 % du capital du nouvel organe central. Cette clause de conversion constitue une incitation au remboursement de l’État. Matériellement, cette conversion se traduira par l’émission de bons de souscription d’actions au profit de l’État.
J’en viens au troisième point : la création d’un nouvel organe central par la loi.
Non seulement l’État accompagne financièrement cette union, mais il doit aussi la rendre possible par la loi.
Le code monétaire et financier contient, en effet, pour les réseaux bancaires mutualistes et coopératifs des dispositions spécifiques. Ce projet de loi prévoit donc la création du nouvel organe central. Dans un réseau mutualiste, celui-ci est une sorte de tête de réseau. Il dispose de pouvoirs étendus en matière de gestion de la liquidité au sein du groupe.
L’organe central comprendra les principales filiales des deux groupes. Les moyens techniques et humains des banques populaires et des caisses d’épargne nécessaires à l’exercice des missions d’organe central seront également rassemblés dans cette nouvelle entité. Les filiales du pôle immobilier des deux groupes ainsi que les autres participations des deux organes centraux seront, quant à elles, dans un premier temps, conservées par leurs banques respectives.
Le projet de loi prévoit que le nouvel organe central sera créé sous la forme d’une société anonyme détenue à la majorité absolue du capital social et des droits de vote par les caisses d’épargne et les banques populaires : c’est l’objet de l’article 1er, qui énonce également les missions du nouvel organe central, à savoir, notamment, la définition des orientations stratégiques du groupe, la coordination des politiques commerciales des deux réseaux, la représentation du groupe et des réseaux auprès des organismes de place et pour conclure des accords nationaux et internationaux, l’adoption des mesures nécessaires pour garantir la liquidité et la solvabilité du groupe, la définition des principes et conditions d’organisation du contrôle interne et de la politique de gestion des risques.
L’article 4 prévoit, lui, le transfert des actifs et des passifs de la Caisse nationale des caisses d’épargne et de la Banque fédérale des banques populaires vers le nouvel organe central, ainsi que le transfert de l’ensemble des personnels et des moyens financiers et techniques nécessaires à l’accomplissement des missions définies à l’article 1er.
Ces transferts emporteront les effets d’une transmission universelle de patrimoine vers le nouvel organe central et seront opposables aux tiers, sans autre formalité. Ils n’ouvrent pas droit à remboursement anticipé ou à modification de ces contrats.
Les porteurs des instruments financiers concernés seront naturellement informés de ces transferts.
À l’article 5 figurent les dispositions relatives à l’organisation du dialogue social au sein du nouveau groupe. L’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires agira en qualité de groupement patronal pour le compte de ces deux réseaux. Le projet de loi constitue une garantie pour les personnels puisqu’ils conserveront leur statut actuel.
Je voudrais souligner, avant de conclure, combien les travaux de l’Assemblée nationale et du Sénat nous ont permis de prendre en compte les préoccupations exprimées par les parlementaires.
Ainsi, à l’Assemblée nationale, la composition du conseil de surveillance a été précisée pour y inclure une majorité de représentants des sociétaires, soit dix membres au moins sur dix-huit. C’est un point qui a donné lieu à de longs débats et la rédaction adoptée me semble satisfaisante pour permettre une représentation majoritaire des sociétaires au sein du conseil de surveillance du nouvel ensemble.
Au Sénat, les auditions conduites par votre commission des finances ont permis de mettre en lumière les questions liées à la représentation des salariés au sein des deux groupes.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C’est bien !
M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le protocole d’accord prévoyait que le conseil de surveillance comprendrait deux représentants du comité d’entreprise du nouvel organe central. Afin de prendre en compte la spécificité de chacun des réseaux, le protocole d’accord a été amendé pour prévoir, au sein du conseil de surveillance, deux représentants supplémentaires des salariés, un pour chaque réseau.
Au total, le conseil de surveillance comprendra donc quatre représentants de salariés. Conformément au droit commun des sociétés, ces représentants disposeront d’une voix consultative.
En conclusion, Mme Christine Lagarde souhaite insister sur l’urgence qui s’attache à la mise en œuvre de ce rapprochement. Le calendrier est très serré. Les opérations nécessaires au rapprochement doivent en effet être réalisées avant la fin du mois de juin afin de pouvoir se fonder sur les évaluations conduites sur la base des comptes au 31 décembre 2008.
En outre, la mise en œuvre effective du rapprochement conditionne l’apport par l’État de 3 milliards d’euros d’actions de préférence, qui permettront au groupe de renforcer ses fonds propres afin de continuer à jouer un rôle majeur dans le financement de notre économie, des ménages, des entreprises et des collectivités locales.
Comme Mme Christine Lagarde l’a indiqué devant votre commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’un texte « court et technique », mais essentiel, qui porte un projet, quant à lui, hautement stratégique : l’union de deux grands groupes coopératifs emblématiques pour créer le deuxième groupe bancaire français.
Je suis convaincu que la constitution d’un établissement de cette taille et de cette solidité, bien accompagné par l’État, offrira au groupe banques populaires-caisses d’épargne une place essentielle dans le paysage bancaire et financier français, au service du financement de notre économie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous allons examiner un texte à caractère technique, que j’ai même qualifié de « minimaliste ».
Le projet de loi relatif à l’organe central des caisses d’épargne et des banques populaires ne comportait à l’origine que sept articles ; l'Assemblée nationale en a ajouté deux. Ce texte traite de la création du nouvel organe central commun aux deux groupes, du transfert des moyens et du patrimoine nécessaires à l’exercice de son activité et de ses missions, ainsi que de l’organisation du dialogue social au sein de ce vaste ensemble.
Dans mon propos liminaire, je me bornerai à vous présenter quelques orientations, mes chers collègues, car nous aurons tout loisir d’approfondir notre analyse lors de l’examen des articles et des amendements.
Tout d’abord, j’évoquerai le contexte actuel et les raisons pour lesquelles il est nécessaire d’opérer le rapprochement des deux groupes. Ensuite, j’en viendrai à des considérations sur le projet de loi lui-même. Enfin, je formulerai des réflexions relatives à la gouvernance du nouvel ensemble et à celle de son organe central.
Concernant tout d’abord le contexte, l’impact de la crise est très visible sur les comptes de 2008 des caisses d’épargne ; il est un peu plus modéré sur ceux des banques populaires, mais est particulièrement important pour leur filiale commune, Natixis.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oh ! là ! là !
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur. Le groupe Banque populaire dégage, en 2008, un résultat déficitaire de 468 millions d’euros, contre un bénéfice de 1,3 milliard d’euros en 2007. Les caisses d’épargne enregistrent, elles, une perte de 2 milliards d’euros, pour un bénéfice de 1,4 milliard d’euros en 2007. Natixis, quant à elle, fait apparaître des pertes à hauteur de 2,62 milliards d’euros, pour un bénéfice de 1,1 milliard d’euros en 2007.
Rappelons, par ailleurs, que Natixis est l’établissement français qui a été le plus touché par l’affaire Madoff, avec 375 millions d’euros à provisionner à ce titre dans les comptes de 2008.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur. En outre, les caisses d’épargne, tout comme d’ailleurs Natixis, se sont livrées à une politique onéreuse d’acquisitions immobilières, et ce en haut de cycle, avec notamment le montage complexe de l’acquisition du contrôle de Nexity et l’opération Foncia.
Nous nous souviendrons également que les caisses d’épargne ont subi un grave préjudice, tant sur le plan financier qu’en termes d’image, à la mi-octobre 2008, avec une perte de 752 millions d’euros sur des opérations de négociation pour compte propre d’instruments dérivés sur des indices d’actions, opérations qui avaient manifestement échappé à la vigilance, et peut-être même à la compréhension, de la direction générale du groupe. Il en est résulté le départ des deux principaux dirigeants, MM. Charles Milhaud et Nicolas Mérindol.
Enfin, pour terminer ce rappel de l’historique récent, les deux groupes ont été et demeurent directement confrontés aux graves difficultés des rehausseurs de crédit, ou monolines, qui sont une spécificité de la finance américaine, au travers de leur filiale CIFG, Compagnie Ixis Financial Guaranty, créée en mai 2002 et apportée par Ixis, c’est-à-dire, à l’origine, par la Caisse des dépôts et consignations, lors de la fusion qui devait donner naissance à Natixis.
Telles sont les difficultés auxquelles le nouveau groupe doit faire face.
Cette situation dégradée a été manifestement un facteur d’accélération du rapprochement entre les caisses d’épargne et les banques populaires. Ce rapprochement procédait d’un choix opéré par les précédentes directions générales, mais, compte tenu des quelques éléments que je viens de rappeler, il est devenu une urgente nécessité.
En septembre 2008, la Caisse nationale des caisses d’épargne et la Banque fédérale des banques populaires ont été, une première fois, amenées à recapitaliser Natixis à hauteur de 3,7 milliards d’euros. Cette opération a été relayée, via les outils que nous avons créés en octobre 2008 dans la loi de finances rectificative pour le financement de l’économie, par la souscription de la SPPE à une première émission de titres super-subordonnés à durée indéterminée, pour plus de 2 milliards d’euros.
Natixis a également engagé un recentrage de sa stratégie et de son offre et a cantonné, dans une structure comptable interne dénommée « Gestion active des portefeuilles cantonnés », les portefeuilles d’actifs qui ne correspondaient plus aux nouveaux choix stratégiques ou requéraient une trop grande immobilisation de fonds propres et de trésorerie.
En d’autres termes, il s’agit des actifs potentiellement « illiquides » ou « toxiques », dont le montant total s’élevait à 31 milliards d’euros à la fin du mois de décembre 2008 et à environ 33,7 milliards d’euros en avril 2009. Je parle à dessein d’actifs « potentiellement illiquides », car il est clair que le risque de pertes financières sur ce portefeuille ne porte pas sur la totalité de son évaluation. Il est non moins clair cependant qu’il peut en concerner une fraction significative, même si nous ignorons à ce jour dans quelle proportion.
Hélas ! la chronique n’est pas achevée.
Ainsi, le 13 mai dernier, Natixis a publié de lourdes pertes pour le seul premier trimestre de 2009, à savoir 1,83 milliard d’euros, liées à de nouvelles dépréciations d’actifs au sein de la structure interne « Gestion active des portefeuilles cantonnés ». Dès lors, les deux actionnaires de référence ont dû réaliser un nouvel apport en capital à hauteur de 3,5 milliards d’euros, conduisant à une nouvelle émission de titres super-subordonnés à durée indéterminée par la Caisse nationale des caisses d’épargne et la Banque fédérale des banques populaires, émission placée auprès de la SPPE, pour un montant de 2 milliards d’euros. Ce montant vient « préempter » en quelque sorte une grande partie de l’apport de 5 milliards d’euros décidé par l’État et dédié au nouvel organe central.
Enfin, les deux actionnaires de référence doivent aussi apporter 1,5 milliard d’euros sous forme d’avance remboursable, financée à parité par chaque réseau et rémunérée à un taux de 6,83 % environ, en vertu des conditions en vigueur à la mi-mai 2009.
Dans ces conditions, on le comprendra, le rapprochement des deux réseaux doit être mené à marche forcée : c’est cette option qui assure la crédibilité de l’ensemble, qui conditionne sa position sur les marchés et, tout simplement, la continuité de l’exploitation.
Les bases de cette opération ont été fixées par le protocole de négociations du 16 mars 2009.
Ce document pose tous les principes, à savoir la création d’un nouvel organe central « fort » et « disposant d’une structure financière robuste et pérenne », dénommé CEBP ; le maintien temporaire de la Banque fédérale des banques populaires et de la Caisse nationale des caisses d’épargne en tant que sociétés holdings détenant les filiales et actifs non transférés ; l’apport de fonds propres par l’État pour un montant total de 5 milliards d’euros, élément décisif du protocole de négociations.
Les dix articles du document détaillent les principaux aspects du rapprochement. Si celui-ci n’est pas opéré dans les semaines qui viennent sur la base des résultats comptables audités au 31 décembre 2008, il sera nécessaire d’apprécier de nouveau les conditions économiques de l’opération, les parités, en se fondant sur les comptes suivants, c’est-à-dire ceux qui seront émis à la date du 30 juin 2009.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Philippe Marini, rapporteur. C’est une question de responsabilité. Cette réalité qu’il faut prendre en compte limite beaucoup aujourd’hui – nous avons beaucoup insisté sur ce point au cours des auditions et à l’occasion des travaux de la commission des finances – la liberté de manœuvre du Sénat.
J’en viens au dispositif lui-même, qui respecte un équilibre entre le droit commun des banques et la préservation des spécificités de la structure coopérative.
Le nouvel organe central dispose d’un statut conforme au droit commun. Il s’agira d’une société anonyme ayant la qualité d’établissement de crédit.
En tant qu’organe central, il disposera des prérogatives légales communes aux organes centraux des banques coopératives ou mutualistes.
Ses autres missions comprennent logiquement la définition de la politique, des principes et des limites de la gestion des risques, et la surveillance de ces risques sur une base consolidée ; la garantie de la liquidité et de la solvabilité de cet organe central qui est la banque du groupe, en particulier par la mise en œuvre des mécanismes de solidarité internes au groupe ; l’obligation de veiller à l’application par les caisses d’épargne de leurs missions d’intérêt général ; enfin, l’agrément des dirigeants des établissements affiliés comme leur révocation individuelle ou collective en cas de décision non conforme aux dispositions législatives ou aux instructions fixées par l’organe central chef de réseau.
Bien entendu, dans un tel cadre, l’organisation du dialogue social est un enjeu tout à fait essentiel. On vient, à cet égard, de rappeler que la loi préserve le statut de branche autonome des caisses d’épargne. En revanche, les banques populaires, dont les accords collectifs sont adossés à la convention collective de branche de l’Association française des banques, se voient attribuer le statut de branche autonome et spécifique. Cette solution assure le maintien de l’identité propre de chaque groupe, de chaque réseau sur le plan social.
Le nouveau groupe comportera en fait non pas deux, mais quatre branches. En effet, il faut prendre en compte les filiales banques commerciales ou « branche AFB », comme la Société marseillaise de crédit, ainsi que le Crédit maritime, régi par des dispositions particulières.
La commission des finances a tenu à auditionner les représentants de toutes les organisations syndicales, tant côté Banque populaire que côté Caisse d’épargne.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur. Pour répondre aux inquiétudes des personnels, le nouveau patron du groupe vient d’annoncer la mise en place d’un « comité stratégique », ainsi que la mise en œuvre de « dispositifs et mesures incitatives basées sur le volontariat ». Nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de la discussion des articles.
Le protocole et le projet de loi établissent un équilibre que je trouve raisonnable entre les caisses d’épargne ou les banques populaires, d’une part, et les organes centraux des branches ainsi que le nouvel organe central, d’autre part.
La structure coopérative du groupe paraît respectée sous sa double forme et avec les deux cultures propres à l’un et à l’autre réseau.
Au sein des dix-huit membres du conseil de surveillance du nouvel organe central ayant voix délibérative, selon le droit commun d’ailleurs, les réseaux disposent d’une double majorité avec quatorze représentants des réseaux, dont au moins dix représentants des sociétaires. M. Karoutchi a insisté tout à l’heure sur cette disposition introduite par l’Assemblée nationale.
Cette majorité a vocation à s’appliquer à l’ensemble des prérogatives de l’organe central, et elle est de surcroît renforcée puisque quinze voix sur dix-huit seront requises pour les décisions les plus importantes. Quatorze représentants des réseaux coexisteront, en effet, avec quatre membres désignés par l’État et quatre représentants du comité d’entreprise et des salariés, lesquels auront voix consultative ; c’est, à l’heure actuelle, le cas pour le réseau des banques populaires.
En conclusion, mes chers collègues, la structure financière du futur groupe sera sensiblement renforcée par un nouvel apport de fonds publics à hauteur de 5 milliards d’euros, qui vient s’ajouter à la première souscription, fin 2008, de la Société de prise de participation de l’État, la SPPE. Le soutien global de l’État s’élève donc à plus de 7 milliards d’euros.
Ce chiffre est considérable, mais je serais tenté de le rapprocher d’un autre chiffre, celui de la cession, par la Caisse des dépôts et consignations,…