Sommaire

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

Secrétaires :

MM. Jean-Pierre Godefroy, Bernard Saugey.

1. Procès-verbal

2. Loi pénitentiaire. – Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)

Article additionnel avant l'article 14 (suite)

Amendement n° 110 de M. Alain Anziani. – MM. Claude Jeannerot, Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. – Rejet.

Division et article additionnels avant l'article 14

Amendements nos 113 et 112 de M. Alain Anziani. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.

Article 14

Amendements nos 191 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis, 229 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 21 rectifié à 24 rectifié, 63 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery et 114 de M. Alain Anziani. – M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Alima Boumediene-Thiery, MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait des amendements nos 191 et 114 ; rejet des amendements nos 229, 21 rectifié à 24 rectifié et 63 rectifié.

Adoption de l'article.

Article 14 bis. – Adoption

Articles additionnels avant l'article 15

Amendements nos 60 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery, 115 rectifié bis de M. Alain Anziani et 230 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Alain Anziani, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Louis Mermaz. – Rejet des trois amendements.

Article 15

M. Louis Mermaz.

Amendements nos 27 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery, 192 rectifié de M. Nicolas About, rapporteur pour avis, et 231 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur pour avis, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Jean-Pierre Michel, Alain Anziani, Jean-Pierre Sueur, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Jean-Pierre Fourcade. – Rejet des amendements nos 27 rectifié et 231 ; adoption de l’amendement no 192 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 15 bis

Mme Éliane Assassi.

Amendements nos 25 rectifié bis et 26 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Pierre Fauchon, Jean-Pierre Sueur. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Articles additionnels avant l'article 16

Amendement n° 117 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 118 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Article 16

M. Louis Mermaz.

Amendements nos 28 rectifié et 29 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Jean-Pierre Michel. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 232 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 17

Amendement n° 30 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendements nos 32 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 120 rectifié de M. Alain Anziani. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 233 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 31 rectifié bis de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.

Amendement n° 33 rectifié bis de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 34 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 18

Amendement n° 36 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 37 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 35 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 18 bis

Amendement n° 121 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Robert Badinter. – Adoption.

Adoption de l’article modifié.

Article 19

Amendements identiques nos 64 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery et 122 de M. Alain Anziani ; amendement n° 41 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet des trois amendements.

Adoption de l’article.

Article 19 bis

MM. le rapporteur, Alain Anziani.

Amendement n° 38 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

3. Questions d'actualité au Gouvernement

Conséquences de la suppression de la taxe professionnelle

M. Jacques Mézard, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Difficultés de l'industrie automobile

MM. Yves Détraigne, Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

Chiffres de l'emploi et plan de relance

M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

conclusions du rapport balladur

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

rapprochement de la caisse d'épargne et de la banque populaire

M. Jean-Pierre Fourcade, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

services publics ruraux

M. Simon Sutour, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

bilan du dispositif de l'auto-entrepreneur

MM. Philippe Dallier, Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

la politique en faveur des jeunes

MM. Christian Demuynck, Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse ; le président.

Voitures electriques

M. Louis Nègre, Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.

conclusions du rapport balladur

M. Jean-Claude Peyronnet, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

4. Désignation des membres de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

5. Loi pénitentiaire. – Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)

Article 19 bis (suite)

Amendement n° 39 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. – Rejet.

Amendement n° 212 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel avant l'article 20

Amendement n° 193 rectifié de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Claude Jeannerot, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 20

Mme Raymonde Le Texier, M. Claude Jeannerot, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Brigitte Gonthier-Maurin.

Amendements nos 42 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery et 234 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mmes Alima Boumediene-Thiery, Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet des deux amendements.

Amendements nos 194 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis, et 124 de M. Alain Anziani. – MM. le rapporteur pour avis, Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait de l’amendement no 124 ; adoption de l’amendement no 194.

Amendement n° 195 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.

Amendement n° 43 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l’article 20

Amendement n° 125 de M. Alain Anziani. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. le président de la commission, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.

Amendement n° 126 rectifié de M. Alain Anziani. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement n° 127 de M. Alain Anziani. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Amendement no 197 rectifié ter de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. le président, Alain Anziani, Hugues Portelli, Claude Jeannerot, Mme Virginie Klès. – Retrait.

Reprise de l’amendement no 197 rectifié quater par M. Alain Anziani. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 21. – Adoption

Article additionnel après l’article 21

Amendement n° 128 rectifié de M. Alain Anziani. – M. Claude Jeannerot. – Retrait.

Article 22

Amendements nos 129 de M. Alain Anziani et 196 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Pierre Fauchon. – Adoption de l’amendement n° 129 rédigeant l’article, l’amendement n° 196 devenant sans objet.

Articles additionnels après l’article 22

Amendement n° 130 de M. Alain Anziani. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. le rapporteur pour avis. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

MM. Louis Mermaz, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; le président.

Articles additionnels après l’article 22 (suite)

Amendement n° 131 de M. Alain Anziani. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

Amendement n° 132 de M. Alain Anziani. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

Amendement n° 133 de M. Alain Anziani. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet par scrutin public.

Rappel au règlement

MM. Hugues Portelli, le président.

Articles additionnels après l’article 22 (suite)

Amendement n° 198 rectifié de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 199 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

Reprise de l’amendement no 199 rectifié par M. Alain Anziani. – Rejet.

Amendement n° 200 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 201 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

Reprise de l’amendement no 201 rectifié par M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, Pierre Fauchon. – Rejet.

Amendement n° 202 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

Reprise de l’amendement no 202 rectifié par M. Alain Anziani. – Rejet.

Amendement n° 203 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

Article 23 (supprimé)

Amendement n° 59 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. le président de la commission. – Rejet par scrutin public.

L’article demeure supprimé.

Article additionnel avant l’article 24

Amendement n° 204 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

Reprise de l’amendement no 204 rectifié par M. Jean-Pierre Sueur. – MM. Louis Mermaz, Richard Yung, Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances. – Rejet.

Article 24

MM. Louis Mermaz, Philippe Dallier, au nom de la commission des finances ; Alain Anziani, Richard Yung, Mme Raymonde Le Texier, MM. Hugues Portelli, Jean-Pierre Sueur, Robert Badinter, le rapporteur, Mme le garde des sceaux.

Demande de priorité de l’amendement no 303 de la commission. – M. le président de la commission, Mme le garde des sceaux. – La priorité est ordonnée.

Amendements nos  235 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, 45 rectifié, 44 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 134 à 136 rectifié de M. Alain Anziani et 303 (priorité) de la commission. – M. le rapporteur, Mmes Éliane Assassi, Alima Boumediene-Thiery, M. Alain Anziani, Mme le garde des sceaux, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Pierre Fauchon, Hugues Portelli, Robert Badinter. – Adoption de l’amendement no 303, l’amendement no 235 devenant sans objet ; rejet des amendements nos 45 rectifié, 134, 135, 44 et 136 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 24

Amendement n° 137 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.

Article additionnel avant l'article 25

Amendement n° 236 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Article 25

M. Louis Mermaz, Mme le garde des sceaux, M. Richard Yung.

Amendement n° 140 rectifié de M. Richard Tuheiava. – MM. Richard Tuheiava, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. le président de la commission. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 25

Amendement n° 141 rectifié de M. Richard Tuheiava. – MM. Richard Tuheiava, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Article 26. – Adoption

Article additionnel après l'article 26

Amendement n° 237 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Article 27

Mme Raymonde Le Texier.

Adoption de l'article.

Division et article additionnels après l'article 27

Amendements nos 142 et 143 de M. Alain Anziani. – Mme Raymonde Le Texier, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet de l’amendement no 143, l’amendement no 142 devenant sans objet.

Division et articles additionnels après l'article 27

Amendements nos 238 à 242 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Richard Yung, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des amendements nos 239 à 242, l’amendement no 238 devenant sans objet.

Article 28 (supprimé)

Articles 29 et 30. – Adoption

Article additionnel après l'article 30

Amendement n° 243 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Dépôt d'une proposition de loi

7. Dépôt d'une proposition de résolution

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

Secrétaires :

M. Jean-Pierre Godefroy,

M. Bernard Saugey.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Articles additionnels avant l'article 14 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article additionnel avant l'article 14

Loi pénitentiaire

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire (projet n° 495, 2007-2008, texte de la commission n° 202, rapports nos 143, 201 et 222).

Dans la discussion des articles du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 110 tendant à insérer un article additionnel avant l’article 14.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Division et article additionnels avant l'article 14

Article additionnel avant l'article 14 (suite)

M. le président. L'amendement n° 110, présenté par MM. Anziani et Jeannerot, Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Le Menn et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les mesures appliquées en matière de santé et de sécurité doivent assurer une protection efficace des détenus et ne peuvent pas être moins rigoureuses que celles dont bénéficient les travailleurs hors de prison.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement tend à transcrire dans notre droit la règle pénitentiaire européenne 26.13.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est un amendement de nature réglementaire. La commission en demande le retrait. À défaut, elle y sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 14
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 14

Division et article additionnels avant l'article 14

M. le président. L'amendement n° 113, présenté par MM. Anziani et Jeannerot, Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Le Menn et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 14, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section...

De l'enseignement et de la formation

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement tend à créer une nouvelle section intitulée « De l'enseignement et de la formation ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les dispositions prévues dans cette section ayant un caractère exclusivement réglementaire, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le parcours d’exécution de peine, consacré par l'article 51 du projet de loi, permet de mettre en place des actions de formation au sens large.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 112, présenté par MM. Anziani et Jeannerot, Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Le Menn et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire organise l'accès des détenus à des programmes d'enseignement qui répondent à leurs besoins individuels tout en tenant compte de leurs aspirations.

Chaque établissement dispose d'une bibliothèque ouverte à tous les détenus. Ces derniers sont consultés sur les choix des documents.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement tend à reprendre pour une large part les dispositions prévues par un amendement de la commission saisie pour avis qui a été adopté hier.

Par référence à la règle pénitentiaire européenne 28.1, il convient de mettre en place des programmes d’enseignement qui répondent véritablement aux besoins et aux aspirations des détenus. Par ailleurs, il est nécessaire que chaque établissement puisse disposer d’une bibliothèque ouverte à tous.

Il s’agit de mettre l’accent sur les droits des détenus ou sur le respect de leur individualité et d’apporter des réponses à la question de l’enseignement dans les établissements pénitentiaires. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cette disposition est déjà garantie par les articles D 450 et suivants du code de procédure pénale : « Toutes facilités compatibles avec les exigences de la discipline et de la sécurité doivent être données à cet effet aux détenus aptes à profiter d’un enseignement scolaire et professionnel et, en particulier, aux plus jeunes et aux moins instruits. »

Cet amendement est donc pleinement satisfait. C'est la raison pour laquelle la commission en demande le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pratiquement tous les établissements pénitentiaires disposent d’une bibliothèque. Néanmoins, les dispositions relatives à l’organisation et à leur fonctionnement relèvent du décret et non de la loi.

C’est pourquoi le Gouvernement, même s’il partage la préoccupation exprimée par les auteurs de cet amendement, émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Division et article additionnels avant l'article 14
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 14 bis

Article 14

La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement d'un acte d'engagement par l'administration pénitentiaire. Cet acte, signé par le chef d'établissement et la personne détenue, énonce les droits et obligations professionnels de celle-ci ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération.

Il précise notamment les modalités selon lesquelles le détenu, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant l'absence de contrat de travail, bénéficie des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail.

M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 191, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans les établissements pénitentiaires donne lieu à la signature d'un contrat de travail de droit public entre le détenu et l'administration pénitentiaire, représentée par le chef d'établissement. 

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prévoir la signature d’un contrat de travail de droit public entre le détenu et l’administration pénitentiaire.

On peut craindre que cette signature ne rigidifie les conditions d’accès au travail en prison et ne limite la possibilité pour les prisonniers d’exercer une activité rémunérée. Toutefois, la nature du contrat garantit que le droit privé ne sera pas intégralement appliqué. Il convient de préserver les droits des détenus en faisant en sorte que leur situation se rapproche le plus possible du droit commun.

J’en demande peut-être trop, mais on ne demande beaucoup qu’à ceux qu’on aime ! (Sourires.)

Si tel était le cas, je comprendrais que la commission des lois, qui a déjà prévu des avancées importantes sur cette question, demande le retrait de cet amendement. Je ne vous en garderais pas rancune, monsieur le rapporteur !

M. le président. L'amendement n° 229, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

La participation des détenus aux activités professionnelles organisées dans ou en dehors des établissements pénitentiaires donne lieu à l'établissement d'un contrat de travail entre l'administration pénitentiaire, l'employeur et le détenu. Ce contrat prend en compte les conditions spécifiques inhérentes à la détention.

Il énonce les conditions de travail et de rémunération du détenu et précise ses droits et obligations professionnelles qu'il doit respecter ainsi que la protection sociale dont il bénéficie.

Il stipule en particulier les indemnités perçues en cas d'accident de travail et de perte d'emploi.

Il précise notamment les modalités selon lesquelles le détenu, dans les conditions adaptées à sa situation et nonobstant les dérogations du contrat de travail au droit commun, bénéficie des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique prévues aux articles L. 5132-1 à L. 5132-17 du code du travail.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur About, vous le savez, il faut demander beaucoup pour espérer obtenir un peu !

En 2002 – cela fait sept ans –, notre collègue Paul Loridant remettait un rapport d’information très intéressant sur la mission de contrôle sur le compte de commerce 904-11 de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires, RIEP. Il dressait un certain nombre de constats et relevait notamment l’absence de contrat de travail – cette disposition n’existait pas dans la loi de 1987 relative au service public pénitentiaire –, l’absence de dispositions relatives à la période de l’emploi, à la durée de la période d’essai, à la durée du travail, au droit à la formation, à la représentation auprès de l’employeur, etc.

En d’autres termes, le détenu est un sous-salarié.

Nous en revenons donc au débat qui nous occupe depuis que nous avons entamé l’examen de ce texte : la personne détenue doit être privée de liberté et de rien d’autre ; il faut par conséquent lui garantir que lui sont accordés les droits et règles qui régissent notre société.

Sur la question du travail en prison, la situation n’a pas évolué depuis la publication de ce rapport.

L’année dernière, la Chancellerie a décidé d’installer des centres d’appel dans deux prisons, le centre pénitentiaire pour femmes de Rennes et le centre de détention de Bapaume, afin de préparer la réinsertion des détenus et d’indemniser les victimes.

Cette décision a suscité de vives réactions, les syndicats soupçonnant les entreprises de vouloir baisser les coûts salariaux en recrutant des détenus. Cette réaction n’est que la conséquence de l’absence de contrat de travail et de réglementation sur le travail des détenus.

Aujourd'hui, nous examinons un projet de loi pénitentiaire, ce n’est pas si fréquent, chacun le sait ! Profitons-en pour résoudre ce problème, qui prendra des proportions importantes si l'administration pénitentiaire a véritablement la volonté de favoriser l’accès des détenus à une activité salariée. La question du statut du salarié détenu deviendra récurrente, notamment avec le télétravail, car des entreprises se porteront inévitablement volontaires pour faire travailler des prisonniers à très bas prix.

Une telle situation ne sera pas supportable pour les salariés qui ne sont pas détenus et n’améliorera en rien le travail en prison.

Plus encore qu’en 2002, où elle avait déjà toute sa place, la question du contrat de travail des détenus est à l’ordre du jour.

M. le président. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Avant le premier alinéa de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

Les détenus reçoivent, dès leur incarcération et pendant l'exécution de leur peine, une information sur les droits sociaux de nature à faciliter leur réinsertion.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à faire migrer une disposition concernant l’information des détenus sur leurs droits sociaux, prévue à l'article 83 de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions

Il me semble pertinent de rapatrier cette disposition dans le projet de loi pénitentiaire, afin de mentionner que tout détenu a le droit de bénéficier d’une information sur ses droits sociaux.

Certes, cette disposition est déjà appliquée, mais elle prendra une nouvelle dimension, si nous l’intégrons dans ce projet de loi pénitentiaire, qui entend compiler des dispositions éparpillées dans différents textes, de manière à donner une meilleure lisibilité au droit applicable aux détenus.

M. le président. L'amendement n° 114, présenté par MM. Anziani et Jeannerot, Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Le Menn et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après la première phrase du premier alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

L'acte d'engagement est établi en présence de la structure d'insertion par l'activité économique qui mettra en œuvre les modalités spécifiques et d'accompagnement du détenu.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement a pour objet de préciser que la structure d'insertion avec laquelle l'administration pénitentiaire aura contracté sera présente dès l'établissement de l'acte d'engagement.

Il s'agit de permettre au détenu d'établir rapidement un contact avec la structure appelée à prendre en charge les actions d'accompagnement dont il bénéficiera et de faire état de ses aspirations éventuelles. Réciproquement, tant l'administration pénitentiaire que la structure d'insertion pourront mesurer la situation du détenu et ses capacités d'insertion sociale et professionnelle.

La possibilité de créer une relation de confiance doit conduire à des actions d’insertion, non seulement pendant la détention, mais aussi lors de la phase de préparation à la libération et, postérieurement à cette dernière, à l’élaboration d’un contrat de travail.

Le sujet évoqué ce matin renvoie à la question des activités dans la maison d’arrêt ou dans le centre de détention, que nous avions effleurée hier. Il vise à nous orienter progressivement vers la mise en place systématique d’une sorte de contrat d’insertion avec le détenu dès son arrivée dans le lieu de détention. Cela permettrait de gagner en lisibilité et en efficacité par rapport à l’enjeu majeur de la réinsertion à la sortie.

M. le président. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les différends nés de l'application ou de l'interprétation de l'acte d'engagement mentionné dans le présent article relèvent de la compétence des tribunaux administratifs.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme nous l’avons déjà indiqué – nous ne cesserons d’ailleurs de le répéter –, la mise en œuvre d’un véritable contrat de travail au sein des prisons soulève des difficultés que nous ne pouvons pas ignorer.

Nous ne devons pas en oublier l’essentiel : le travail en prison contribue non seulement à l’insertion du détenu ou à la réalisation de son projet de sortie, mais également à l’enrichissement des entreprises qui peuvent ainsi employer des personnes, en dehors des règles du droit du travail, en leur offrant une rémunération équivalente à 45 % du SMIC, soit 3 euros par heure.

Mes chers collègues, nous ne souhaitons pas que les prisons se transforment en sweatshops, ces unités de production qui exploitent la misère des populations du tiers monde, sous couvert de leur développement.

Si nous décidons que le droit doit entrer en prison, il doit également en être ainsi du droit du travail.

La question du travail en prison pose en réalité un dilemme : doit-on privilégier les droits des détenus ou ceux des entreprises ?

Le Gouvernement, par le biais du projet de loi que nous examinons, a choisi les entreprises et l’attractivité au détriment de conditions de travail conformes au droit en vigueur à l’extérieur des établissements pénitentiaires.

Pour autant, cet acte d’engagement ne doit pas complètement échapper au droit.

C’est pourquoi nous vous proposons de créer les conditions d’un contrôle de l’exécution de l’acte d’engagement par la juridiction administrative, puisque l’administration pénitentiaire agit comme employeur.

Il s’agirait de donner la possibilité au détenu de faire contrôler les conditions d’exécution de son acte.

Étant donné le niveau des salaires, l’absence d’encadrement de la rupture de cet acte et la précarité qu’il induit, ce serait la moindre des choses.

M. le président. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Il précise également les modalités selon lesquelles le détenu bénéficie du droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles prévu aux articles L. 433-4 et L. 434-4 du code de la sécurité sociale.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. J’ai déjà évoqué le fait que les détenus constituent une main d’œuvre idéale. L’absence de respect du droit du travail garantit une souplesse qui, à certains égards, constitue du dumping social.

On oublie souvent que, dans certains ateliers de confection, les détenus se servent de machines et, parfois, se blessent. Que se passe-t-il dans un tel cas ? Qu’advient-il du maigre salaire qu’ils perçoivent ? Sont-ils indemnisés par une caisse d’assurance ?

Nous vous proposons d’inscrire dans la loi pénitentiaire deux exigences fondamentales. Ainsi, le détenu doit bénéficier du droit à la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Si les dispositions du code du travail ne s’appliquent pas à lui, il doit bénéficier du droit de la sécurité sociale, au même titre que n’importe quel salarié.

Cette exigence découle de la règle pénitentiaire européenne 26.14 : « Des dispositions doivent être prises pour indemniser les détenus victimes d’accidents du travail et de maladies professionnelles dans des conditions non moins favorables que celles prévues par le droit interne pour les travailleurs hors-prison. »

Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 24 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les personnes détenues peuvent, avec l'autorisation du chef d'établissement, travailler pour leur propre compte ou pour le compte d'associations constituées en vue de leur réinsertion sociale et professionnelle.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement tend à apporter une précision utile en ce qui concerne le travail des détenus.

Certains détenus travaillent en milieu ouvert ou pour leur propre compte au sein de l’établissement pénitentiaire. Il est donc nécessaire de préciser que l’exercice d’une activité professionnelle – donc le travail d’insertion – vise également le travail pour son propre compte et pour le compte d’associations.

Il en est ainsi, par exemple, d’une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur, ou, plus récemment, de placement sous surveillance électronique. Dans ce dernier cas, je vous rappelle qu’un contrat de travail de droit commun est établi.

Dans la mesure où il existe un régime différent selon que le détenu travaille à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement, il me semble nécessaire de faire référence à ces deux situations.

M. le président. L'amendement n° 63 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire favorise, dans la mesure du possible, l'égal accès de toutes les personnes détenues à une activité professionnelle.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. La présentation de cet amendement me permet de mettre l’accent sur le problème de l’égal accès de tous les détenus à une activité professionnelle.

Mes chers collègues, ceux d’entre nous qui se sont rendus dans des prisons ont constaté que l’administration pénitentiaire doit faire face à une pénurie d’offres d’emploi. C’est la raison pour laquelle seulement un détenu sur trois travaille.

Ainsi, il y a ceux qui exercent une activité et qui, de ce fait, disposent de revenus leur permettant d’améliorer leurs conditions de détention, et ceux qui n’ont pas accès au travail, en raison non pas de leur manque de compétence, de qualification ou d’aptitude, mais du manque de places disponibles.

L’accès à l’emploi est pourtant essentiel dans le parcours de l’insertion ; par conséquent, il doit être favorisé, dans la mesure du possible.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’inscrire dans la future loi le principe selon lequel l’administration pénitentiaire favorise l’égal accès de tous les détenus à un travail.

Certes, cette disposition est symbolique. Elle n’oblige en rien l’administration et ne crée pas une obligation positive particulière. Son objet est de faire référence au problème de l’accès à l’emploi en prison, problème qui dépasse l’administration pénitentiaire, mais dont elle doit avoir conscience ; elle doit tout mettre en œuvre pour pouvoir le surmonter.

Alors que dans le droit du travail classique la question de l’accès au travail est largement encadrée, le travail en prison ne comprend aucune règle de cette nature.

Nous savons que l’accès au travail est utilisé par l’administration pénitentiaire comme un outil de régulation de la détention. Nous savons que le privilège de travailler est lié non pas toujours aux besoins du détenu, mais plutôt à son comportement. C’est par l’accès ou non au travail que certains établissements sanctionnent de manière déguisée des détenus.

Nous vous proposons d’inscrire dans la loi pénitentiaire cet objectif : favoriser l’accès au travail de tous les détenus. Il ne faut pas qu’il soit seulement réserver à ceux qui ont un comportement exemplaire ; il doit être ouvert à tous les détenus, sous réserve qu’ils disposent des compétences requises et qu’ils l’aient demandé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le président, avant de donner l’avis de la commission, je souhaite, par quelques propos introductifs sur le travail en prison, exposer des arguments généraux, qui s’appliqueront à un grand nombre des amendements qui viennent d’être présentés.

Mes chers collègues, vous savez que la commission des lois a souhaité mettre en place une obligation d’activité. Comme nous le disions déjà hier, une telle obligation va beaucoup plus loin que l’obligation de travail, puisqu’elle concerne tant la formation que l’apprentissage de la lecture, la responsabilité sociale, culturelle ou sportive.

Dans cette obligation d’activité, le travail doit bien évidemment prendre une part aussi prépondérante que possible. Il faut donc développer le travail pour les détenus. Cela paraît être une impérieuse obligation, et pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, le développement du travail permet de diminuer la tension en milieu carcéral et de procurer une occupation aux détenus,…

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … afin que le temps passé en prison se rapproche le plus possible de la vie en dehors des établissements pénitentiaires. Ainsi, la transition entre la vie en prison et après la libération du détenu sera facilitée.

Par ailleurs, le travail doit offrir l’opportunité au détenu qui n’était peut-être pas particulièrement qualifié pour tel ou tel type d’activité, d’acquérir un savoir-faire et des qualités professionnelles qui lui permettront de trouver plus facilement un emploi à sa sortie de prison.

Enfin, une autre raison a trait à la rémunération, qui donne la possibilité au détenu non seulement de cantiner, mais aussi d’augmenter le pécule dont il bénéficiera à sa sortie de prison et de participer à l’indemnisation des victimes.

Pour la commission des lois, le travail en milieu carcéral est donc un objectif fondamental. De ce fait, elle souhaite le développer autant que faire se peut.

Lors des visites que j’ai effectuées dans des établissements pénitentiaires, j’ai constaté que des efforts étaient réalisés en ce domaine. D’ailleurs, la France n’a pas à rougir du taux d’occupation des détenus par rapport aux autres pays européens.

J’ai également observé que certains responsables de la détention pensent que le développement du travail relève de la responsabilité du gestionnaire privé ou de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires, la RIEP, alors que d’autres prennent leur bâton de pèlerin et se rendent dans les chambres de commerce et d’industrie, dans les cercles patronaux, pour présenter leur établissement, les possibilités de travail et les ateliers parfois performants qu’ils offrent. J’ai remarqué qu’ils obtenaient systématiquement des réponses, beaucoup plus encourageantes qu’on ne pourrait le croire.

Selon moi, la première des obligations consiste à ce que tous les acteurs jouent pleinement leur rôle, sans se rejeter la responsabilité les uns sur les autres. Un travail partagé devrait systématiquement être effectué entre le gestionnaire privé, le directeur de l’établissement et la Régie.

La commission des lois a d’ailleurs présenté des amendements pour que, lors de la procédure de passation des marchés, s’exerce un droit de préférence en faveur de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires ainsi que des différents partenaires privés qui offrent des emplois aux détenus.

Mes chers collègues, j’ai été très choqué de constater que des entreprises, qui se disent « citoyennes », passent des chartes éthiques dans lesquelles elles affirment que jamais elles ne travailleront avec des détenus. L’entreprise citoyenne est au contraire celle qui donne du travail aux détenus !

J’arrive au terme de ces considérations générales. Lors de mes visites dans différents établissements, j’ai acquis la conviction que le travail des détenus n’est pas, loin s’en faut, une excellente opération financière pour l’entreprise privée. Les difficultés en la matière sont très nombreuses. Elles tiennent au niveau de qualification d’un grand nombre de détenus qui n’ont jamais travaillé avant leur détention. Elles tiennent aussi aux contraintes inhérentes au système pénitentiaire. En effet, des contrôles et des fouilles en nombre doivent être effectués très fréquemment, car dans les ateliers se trouvent des outils dangereux qui peuvent servir à d’autres fins que le travail. En instituant la journée continue, certains établissements pénitentiaires ont cherché à limiter les inconvénients liés à ces fouilles à répétition.

Par ailleurs, si les prisons nouvelles sont équipées d’ateliers performants, les conditions de travail sont parfois particulièrement difficiles dans des anciens établissements. Les problèmes de gestion des flux de camions sont très complexes.

La première grande responsabilité consiste donc à développer effectivement le travail carcéral, à ne pas décourager les entreprises et à essayer de faire en sorte qu’elles soient de plus en plus nombreuses à proposer du travail aux détenus.

J’ai parfois été surpris par l’attitude des uns et des autres, y compris de certaines organisations syndicales. De deux choses l’une : soit on est d’accord pour donner du travail en prison, soit on y est opposé. Dans les établissements notamment de Bapaume ou de Rennes, des centres d’appel devaient être mis en place. Or des réticences parfois fortes ont été exprimées par des syndicats ou par la population contestant que l’on donne du travail aux détenus, alors qu’il n’est pas possible d’en offrir à tous les demandeurs d’emploi qui ne sont pas incarcérés.

Pourtant, en ce qui concerne les centres d’appel, la concurrence, car il y en a une, ne vient pas des détenus mais d’Afrique du Nord, de l’île Maurice, bref de l’étranger ! Sur ce point, tous les acteurs, c'est-à-dire les parlementaires, certes, mais aussi les organisations syndicales, doivent prendre leurs responsabilités.

Pardonnez-moi, mes chers collègues, cette trop longue introduction, qui me permettra néanmoins d’exprimer plus rapidement mon avis sur les différents amendements.

En ce qui concerne l’amendement n° 191, M. About a cherché à rapprocher le travail en prison du droit commun, comme je l’ai fait moi-même.

La solution la plus radicale serait bien sûr d’introduire un contrat de travail traditionnel. Toutefois, la solution proposée par Nicolas About est de mettre en place un contrat de travail de droit public, qui constituerait d'ailleurs une innovation juridique : ce serait un « contrat administratif », une notion qui, ne le cachons pas, soulève bien des difficultés sur le plan juridique.

Nous nous demandons également si la rédaction proposée n’aurait pas pour effet d’écraser la référence aux interventions des entreprises d’insertion en milieu pénitentiaire, alors qu’il nous semble particulièrement utile de laisser ouverte cette possibilité. Nous en avons d'ailleurs longuement discuté en commission avec le haut-commissaire Martin Hirsch, et nous sommes tout à fait convaincus de l’importance de cette disposition proposée par le Gouvernement.

Nous nous sommes donc arrêtés un cran plus bas que M. About, en prévoyant que l’acte d’engagement pourrait être signé entre le chef d’établissement et la personne détenue. La commission des lois estime, pour le moment, que le curseur est placé au bon endroit. C'est pourquoi nous demanderons à M. About de bien vouloir retirer son amendement.

L’amendement n° 229 vise, quant à lui, à donner aux détenus le droit de signer un contrat de travail avec l’employeur et l’administration pénitentiaire, ce qui constitue le summum de l’ambition !

Je le répète, la commission a amélioré la rédaction du projet de loi. Or cet amendement, qui tend à assimiler presque totalement l’activité des détenus au droit commun, risquerait de décourager l’offre de travail, qui me paraît déjà largement insuffisante en prison et que nous souhaitons précisément encourager. Mes chers collègues, développons d'abord de façon importante l’offre de travail, puis nous tâcherons de sécuriser la relation juridique ! J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 229.

Madame Boumediene-Thiery, je vous demande de retirer l’amendement n° 22 rectifié, dans la mesure où le droit à l’information sur les droits sociaux est déjà compris dans les dispositions de l’article 10 bis du projet de loi. Si cet amendement est utile, il est, me semble-t-il, satisfait !

L’amendement n° 114 de nos collègues socialistes appelle deux remarques.

Tout d'abord, sur la forme, la précision proposée relève plutôt du règlement. Ensuite et surtout, sur le fond, si nous insérions cette disposition à cet endroit du projet de loi, nous laisserions entendre que l’acte d’engagement concerne seulement les activités organisées dans le cadre d’une structure d’insertion par l’activité économique, alors que, bien entendu, il vise tous les emplois proposés en milieu pénitentiaire, ce qui, selon moi, est tout à fait positif. J’émets donc un avis défavorable.

L’amendement n° 21 rectifié vise à mettre en place une voie de recours devant le juge administratif concernant l’interprétation ou l’application de l’acte d’engagement unilatéral. Or, suis-je tenté de dire, il conviendrait plutôt de laisser le juge administratif développer sa jurisprudence, qui aujourd'hui est particulièrement protectrice des détenus.

Vous le savez, mes chers collègues, une série de décisions qui, jusqu’alors, étaient considérées comme des mesures d’ordre intérieur, par conséquent insuffisamment importantes pour que le juge les connaisse, sont devenues des actes faisant grief, c'est-à-dire des décisions susceptibles de recours pour excès de pouvoir, et donc d’annulation.

Aujourd'hui, dans la jurisprudence du Conseil d'État, seul le déclassement, donc la perte de travail, est susceptible de faire grief et de donner lieu à un recours. En revanche, tel n’est pas le cas d’un refus ou d’un changement d’emploi.

Il nous semble souhaitable de conserver cet équilibre, qui est également nécessaire pour ne pas décourager l’emploi en milieu pénitentiaire ; vous savez, mes chers collègues, que c’est là une de nos obsessions ! Mon avis est donc défavorable.

S'agissant de l’amendement n° 23 rectifié, les garanties que Mme Alima Boumediene-Thiery souhaite introduire sont déjà prévues par la partie réglementaire du code de procédure pénale, plus précisément par son article D-110. La commission demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettrait un avis défavorable.

J’apporterai une réponse de même nature en ce qui concerne l’amendement n° 24 rectifié. Une disposition similaire figure déjà à l’article D-101 du code de procédure pénale. La commission demande donc le retrait de cet amendement, qui est satisfait.

Il en va presque de même pour l’amendement n° 63 rectifié. Cette disposition vise un objectif louable, mais elle est déjà comprise dans la garantie des détenus prévue par les articles 1er et 10 du présent projet de loi. La commission demande donc également le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En ce qui concerne l’amendement n° 191, tout d'abord, comme vient de le souligner M. le rapporteur, pour un détenu qui exécute une peine, le travail constitue un moyen privilégié de préparer la sortie de prison et la réinsertion.

En complément des observations que nous avons formulées hier, je rappelle que, à aucun moment, l’activité ou le travail en prison ne sont considérés comme une sanction : il ne s’agit pas de travaux forcés ! Je tiens également à souligner que le problème de l’activité des détenus se pose plutôt dans les maisons d’arrêt que dans les établissements pour peine.

Dans les maisons d’arrêt, tout d'abord, les personnes détenues relèvent de plusieurs statuts. On y trouve des condamnés à de courtes peines, certes, mais aussi des prévenus. Le taux d’activité est d’environ 38 % dans les maisons d’arrêt, contre 51 % dans les établissements pour peine.

En outre, les établissements sont souvent vétustes, puisque la majorité d’entre eux ont été construits avant le début du XXe siècle, ce qui pose des problèmes de configuration et donc de sécurité, en ce qui concerne tant la surveillance des détenus que l’accueil des activités.

Il faut savoir que, dans certains établissements, les ateliers sont installés dans les couloirs. À la prison de la Santé, par exemple, ils ont été aménagés entre deux étages ! Même si nous développons une offre d’activité, un problème d’organisation se posera donc.

Néanmoins, malgré ces difficultés, l’administration pénitentiaire a accompli un énorme effort pour préserver et maintenir l’activité dans les établissements, comme le montrent les chiffres relatifs au taux d’activité que j’évoquais à l’instant.

Il n’est donc pas possible de faire du contrat de travail le droit commun pour les personnes détenues. Qu’inscrirons-nous dans ce contrat si la personne est transférée, remise en liberté ou relaxée s’il s’agit d’un prévenu ? Si nous mettons en place un contrat de travail de droit commun, le suivi des droits des personnes détenues posera problème en cas d’activité.

Je vous rappelle que l’acte d’engagement existe déjà dans la pratique, car certains établissements pénitentiaires l’ont expérimenté. Avec ce texte, nous généralisons ce document et lui accordons un statut juridique, ce qui créera des droits pour les détenus. Mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit tout de même d’une avancée majeure, qu’il vous revient d’accepter !

Le problème n’est pas que nous serions hostiles, ou non, au droit du travail. Simplement, des difficultés se poseront en cas de rupture du contrat, pour des raisons qui ne sont pas liées à l’activité, par exemple lors de la remise en liberté ou du déclassement des détenus. Si une personne éprouve des difficultés dans l’exercice de son activité, il faudra bien qu’elle cesse de travailler !

Le contrat de travail n’est donc pas adapté. Non seulement il irait à l’encontre des intérêts des entreprises, mais il ne répondrait pas aux attentes des personnes détenues.

D'ailleurs, madame Boumediene-Thiery, notre objectif n’est pas de favoriser l’activité des entreprises : nous souhaitons donner davantage de souplesse à l’administration pénitentiaire, mais aussi aux détenus !

Malgré la crise, au cours des six derniers mois, l’administration pénitentiaire a réussi à maintenir le même taux d’activité des détenus. Le contrat de travail risquerait d’être un obstacle à l’activité, au détriment des personnes détenues. Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à l’amendement n° 191.

En ce qui concerne l’amendement n° 229, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, j’émettrai également un avis défavorable, car je ne souhaite pas l’introduction d’un contrat de travail de droit commun.

Je le rappelle, dans le cadre des aménagements de peine, les personnes sont soumises au droit commun si elles exercent une activité à l’extérieur, qu’elles soient en placement extérieur, en semi-liberté, voire en libération conditionnelle, et il s’agit alors d’un véritable contrat de travail.

L’acte d’engagement ne porte que sur l’activité en prison, en raison des contraintes que je viens d’exposer, mais toutes les personnes qui se trouvent encore placées sous écrou et qui bénéficient d’un aménagement de peine à l’extérieur ont signé un contrat de travail classique. Je suis donc défavorable à l’amendement n° 229.

En ce qui concerne l’amendement n° 22 rectifié, les droits sociaux sont attachés aux détenus individuellement et n’ont pas de lien avec une activité professionnelle. Tous les prisonniers en bénéficient, que ceux-ci exercent, ou non, une activité.

Les détenus pourront exercer plus facilement ces droits sociaux, notamment parce qu’ils auront la possibilité d’élire leur domicile dans les établissements pénitentiaires. Le présent projet de loi renforce les droits sociaux des détenus ! Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 22 rectifié.

L’amendement n° 114 vise l’acte d’engagement qui sera signé par le détenu et le chef d’établissement. Il tend à prévoir des modalités particulières pour les entreprises d’insertion. Or cette disposition ne nous paraît pas souhaitable ; l’activité doit être traitée de la même manière, dans quelque entreprise qu’elle ait lieu.

D'ailleurs, comme l’a rappelé M. le rapporteur, l’activité peut prendre diverses formes. Elle n’est pas seulement professionnelle ; elle peut être aussi artistique, culturelle ou sportive. Nous sommes donc défavorables à l’amendement n° 114.

En ce qui concerne l’amendement n° 21 rectifié, le contentieux qui naît entre l’administration et les détenus relève forcément de la compétence du juge administratif.

Les déclassements, il est vrai, peuvent constituer des sanctions, et le juge administratif contrôlera alors la légalité de ces décisions. Toutefois, ils peuvent aussi être pris dans l’intérêt du détenu : si celui-ci ne peut plus exercer son activité, en raison de problèmes de santé physiques ou psychologiques, par exemple, et s’il doit recevoir des soins avant de la reprendre, il est nécessaire de le déclasser.

Le déclassement n’est pas forcément une sanction ! D’où l’intérêt pour le détenu que le juge administratif puisse contrôler la légalité de ces décisions. L’amendement n° 21 rectifié n’est donc pas nécessaire.

L’amendement n° 23 rectifié vise, notamment, la réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles. Toutefois, les détenus bénéficient déjà d’une prise en charge de leurs frais médicaux classiques, qu’ils exercent ou non une activité, et l’amendement n° 23 rectifié n’est donc pas utile.

L’amendement n° 24 rectifié vise à permettre aux détenus de travailler pour leur propre compte, avec l’autorisation du chef d’établissement. Toutefois, cette possibilité est déjà prévue par la loi du 9 septembre 2002. Elle figure d'ailleurs aux articles 718 et D-101 du code de procédure pénale. Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

S'agissant de l’amendement n° 63 rectifié, il est satisfait par l’article D-101 du code de procédure pénale, qui fixe des critères objectifs de choix pour l’accès au travail des détenus.

Je le répète, cette activité dépend non seulement de l’aptitude physique, mais aussi de la personnalité du détenu, sans qu’il y ait de sélection. Toute demande d’accès au travail est examinée par la commission pluridisciplinaire, qui rend un avis, et tout refus d’acceptation est motivé. Il n’y a donc pas de difficulté en l’occurrence. D'ailleurs, si une discrimination se produisait, elle relèverait du juge pénal.

Je suis donc défavorable à l’amendement n° 63 rectifié.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 191 est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Le cœur s’incline devant la raison ! (Sourires.) Je retire cet amendement, monsieur le président, au moins provisoirement ; nous reviendrons sur cette question une autre fois.

M. le président. L'amendement n° 191 est retiré.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 229.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le cœur ou la raison, monsieur About, je ne vois pas les choses ainsi !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. « Ah! frappe-toi le cœur, c’est là qu’est le génie. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai un cœur et une raison et je ne m’inclinerai pas !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Le mieux est l’ennemi du bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les détenus sont sans doute emprisonnés pour de bonnes raisons, en tout cas pour un certain nombre de raisons, mais ils rencontrent nombre de difficultés, que ce soit pour exercer leurs droits civiques, pour entretenir des liens familiaux, et l’organisation d’une garantie de leurs droits est très complexe.

Si on renonce à l’idée selon laquelle l’application des droits, à l’exception de celui d’aller et venir, contribue à la réinsertion des détenus dans la société, on a tout faux ! Et on continue, comme c’est hélas le cas pour d’autres problématiques, de ne pas aller dans le sens de l’histoire humaniste !

La question du travail des détenus revêt deux aspects : le contrat de travail et une rémunération qui corresponde – je ne prétends pas qu’elle doit être identique – à la rémunération de droit commun, indexée sur le SMIC ou sur les minimas sociaux. Sur ces deux volets, vous ne voulez pas agir !

Comme vous le savez, de nombreux détenus ne peuvent malheureusement pas travailler. Pour eux, la reconstruction doit déjà passer par d’autres étapes avant qu’une activité professionnelle puisse être envisagée. Évidemment, il faut aussi tenir compte des difficultés qu’ont les entreprises à confier du travail aux détenus dans les établissements pénitentiaires, et ce pour toutes les raisons que vous avez mentionnées, madame la ministre, et que je connais bien.

Il n’en reste pas moins que le détenu exerçant une activité professionnelle doit avoir accès aux droits afférant au contrat de travail. Il doit aussi percevoir, pour son travail, une rémunération qui correspond à une réalité dans le monde des rémunérations salariales, qui sont déjà, il faut le dire, généralement basses.

Tel est mon point de vue ! Le rapport de Paul Loridant date de 2002. Nous sommes en 2009 et, une fois de plus, une loi pénitentiaire est préparée. Peut-être serons-nous obligés d’en élaborer une nouvelle bientôt, parce qu’elle n’aura pas répondu aux nécessités et aux espérances. Quel dommage ! Encore une occasion ratée !

Cette situation n’est pas liée au problème des entreprises. En revanche, mes chers collègues, soyez certains que, si des sociétés peuvent organiser une activité de télétravail au travers d’une exploitation toute particulière des détenus, elles le feront.

Par conséquent, je maintiens mon amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 229.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l’amendement n° 22 rectifié.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Mon explication de vote concerne en fait tous les amendements pour lesquels un retrait a été demandé.

Je ne peux pas accepter cette demande de retrait. Comme je l’ai indiqué, il s’agit pour moi de compiler un ensemble de dispositions éparpillées dans les différents textes de manière à donner une meilleure lisibilité du droit applicable aux détenus.

De plus, l’incorporation de tous ces droits éparpillés dans le projet de loi pénitentiaire leur donne une valeur politique importante et leur confère une nouvelle dimension. C’est pourquoi je souhaite vivement cette réintégration !

Par ailleurs, s’agissant des interpellations de Mme la ministre, je ne me fais aucun souci sur les garanties données à l’encontre du travail obligatoire. En revanche, je regrette de le dire, mais, dans la réalité, l’administration pénitentiaire utilise souvent l’accès ou le non-accès au travail comme une sanction déguisée.

On pourra toujours observer que le déclassement d’emploi pourra faire l’objet d’un recours devant le tribunal administratif. Mais combien de temps faudra-t-il à celui-ci pour examiner le dossier et remettre sa décision ? Le détenu devra-t-il attendre trois ans pour savoir s’il a accès ou non au travail ? C’est complètement irréaliste, d’autant plus que l’on sait – tous ceux qui connaissent les prisons le savent – que ces décisions sont souvent prises en fonction du comportement du détenu.

Enfin, en matière de droits sociaux, je rappelle que, s’il existe des droits sociaux généraux, par exemple en cas de maladies, il existe aussi des droits sociaux spécifiques, notamment en cas d’accident du travail.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote sur l'amendement n° 114.

M. Claude Jeannerot. Nous nous rangeons à l’explication donnée par M. le rapporteur sur cet amendement.

En effet, j’en conviens, la proposition que nous avons faite introduit une difficulté de lecture. Néanmoins, sur le fond, elle milite pour que le projet de loi gagne en cohérence, ce qui est peut-être encore possible !

En particulier, comme je l’indiquais précédemment, nous pourrions améliorer la lecture du texte si l’article 14 et l’article 11 ter, que nous avons adopté hier, étaient présentés sous une même rubrique, qui traiterait de l’obligation de proposer au détenu une sorte de contrat d’insertion passant par l’activité professionnelle, par la formation et par l’éducation.

Je crois que nous y gagnerions en cohérence et en lisibilité.

Pour autant, nous retirons l’amendement n° 114.

M. le président. L’amendement n° 114 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 14
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Articles additionnels avant l'article 15

Article 14 bis

Lors de la passation d'un marché, le pouvoir adjudicateur peut attribuer un droit de préférence, à égalité de prix ou à équivalence d'offres, à l'offre présentée par le service pénitentiaire de l'emploi ou par les sociétés concessionnaires des établissements pénitentiaires pour les produits ou services assurés par les personnes détenues. Les dispositions de l'article 53 du code des marchés publics sont applicables. – (Adopté.)

Article 14 bis
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 15

Articles additionnels avant l'article 15

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 60 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Avant l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'autorité administrative favorise, lors de l'incarcération initiale ou d'un transfèrement, la possibilité pour le détenu de maintenir des relations stables et continues avec sa famille.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet le maintien des relations familiales avec les détenus.

Vous le savez, ce lien familial est indispensable, notamment pour préparer le parcours de réinsertion, mais également pour organiser la sortie.

La préservation des relations que le détenu entretient avec l’extérieur est donc une exigence forte, à laquelle le projet de loi apporte une réponse partiellement satisfaisante. Je pense, à cet égard, à l’inscription dans le texte de la commission du principe de parloir hebdomadaire.

Je souhaiterais revenir sur un point qui n’est pas abordé par le projet de loi pénitentiaire, celui du tourisme carcéral.

Il arrive que l’administration utilise le transfèrement des détenus, non pas uniquement pour assurer une meilleure répartition des détenus dans les prisons ou pour des raisons de sécurité ou de maintien de l’ordre, mais plutôt à titre coercitif, comme un moyen détourné de sanction. Le transfert se fait alors sans motif.

Ainsi, je me rappelle avoir été un jour interpellée par un détenu qui avait été transféré dix-huit fois en douze mois. C’est énorme !

Cette réalité a des conséquences désastreuses sur le droit au maintien des liens familiaux avec le détenu.

En effet, les familles n’ont pas toujours la possibilité ni les moyens de suivre leur proche qui est en détention. À ce titre, je vous rappelle les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe dans son rapport de 1993 : « Un détenu qui se trouve dans une telle situation de transfert incessant aura de très sérieuses difficultés à maintenir des contacts avec sa famille, ses proches ou même son avocat. L’effet des transfèrements successifs sur un détenu pourrait, dans certaines circonstances, constituer un traitement inhumain et dégradant. »

Il n’est donc pas seulement question d’une atteinte au droit de vivre des familles. Le transfèrement incessant peut engendrer des souffrances psychiques de nature à porter atteinte à la dignité du détenu. Il peut même compromettre le droit à la défense en perturbant les relations du détenu avec ses avocats.

C’est la raison pour laquelle, tout en ayant conscience que le transfèrement est souvent nécessaire, nous souhaitons qu’il soit exécuté dans le respect du droit du détenu à maintenir des relations avec ses proches. À dire vrai, cela n’implique pas grand-chose : prévenir la famille dans les meilleurs délais et assurer une proximité géographique entre le détenu et ses proches dans la décision de transfèrement.

J’ai rencontré de nombreuses familles qui vivent, en ce moment même, un véritable cauchemar en raison de l’éloignement avec un parent détenu. Par exemple, cela coûte très cher à une famille de Lille de se rendre à la prison des Baumettes ou dans une autre prison éloignée. Or, souvent, les familles concernées sont en situation difficile et n’ont pas les moyens d’effectuer des visites régulières au détenu.

Des problèmes matériels découlent de cette rupture. Les décisions de transfèrement doivent donc prendre en compte toutes ces exigences de stabilité, de contact et de moyens nécessaires à la famille pour entretenir la relation.

C’est ce que nous vous proposons avec cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 115 rectifié bis, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes détenues dans des établissements pénitentiaires ont droit au maintien de leurs liens familiaux.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement est de ceux qui ne plaisent pas toujours, puisque – je le reconnais bien volontiers – il s’agit d’un amendement de principe. D’ailleurs, il doit s’organiser avec l’amendement suivant, qui précise l’exercice du droit au maintien des liens familiaux.

Cet amendement se justifie par son texte. Il s’agit de rappeler, avec beaucoup de vigueur, le principe des liens familiaux !

Ce rappel vise, d’abord, à éviter les dérogations. En effet, dans la réalité, les choses ne se déroulent pas comme dans le code de procédure pénale. Des familles arrivent au parloir et découvrent qu’il n’y a pas de parloir. Des familles viennent parfois de loin pour se voir invitées, au dernier moment, devant la prison, à retourner chez elles.

Or, il s’agit d’un principe absolu pour le détenu, mais aussi pour les familles qui ont le droit de voir leur parent emprisonné !

De plus, ce principe présente un intérêt pour la réinsertion. En effet, en amoindrissant les relations entre la famille et le détenu, nous compromettons les possibilités de réinsertion, qui ne sont pas envisageables sans accueil familial à la sortie de prison.

M. le président. L'amendement n° 230, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus ont le droit de maintenir des liens avec leur famille, leurs proches et des représentants d'associations ou de tout autre organisme extérieur.

Les autorités judicaires et administratives doivent tenir compte, dans toutes les décisions relatives à l'exercice de ce droit, de l'éloignement de la famille, de la fragilité psychologique du détenu et de son état de santé.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre amendement reprend la règle pénitentiaire européenne 24.1, qui pose le principe du droit reconnu au détenu de maintenir des liens familiaux avec toute autre personne.

Or, chacun sait que les liens avec la famille ou les proches sont particulièrement difficiles à entretenir et souvent rompus dès l’arrivée en détention.

Certes, les détenus disposent déjà d’un droit à recevoir des visites. Mais son application est tout de même laissée à l’appréciation de l’administration pénitentiaire, qui peut le refuser pour des motifs liés au maintien de la sécurité ou au bon ordre de l’administration.

De ce fait, il arrive que des parloirs soient refusés à la dernière minute, sans que la famille ait évidemment pu être prévenue. Il arrive également que des proches, après avoir parcouru des kilomètres, voire des centaines de kilomètres, se voient refuser l’accès au parloir pour quelques minutes de retard.

De surcroît, la fréquence et la durée des séances de parloir sont souvent trop espacées pour la première et trop courte pour la seconde. Ces difficultés sont affrontées par les détenus, mais aussi par les familles. Comme l’a très habilement montré le film « À côté » de Stéphane Mercurio, que je vous conseille de regarder, le maintien des liens avec un conjoint ou un fils détenu constitue souvent un parcours plus qu’ardu.

Le maintien des liens avec les familles dépend également du lieu de l’incarcération. L’administration pénitentiaire ne tient nul compte de la distance entre le détenu, sa famille ou ses connaissances.

Ainsi, des milliers de détenus se retrouvent coupés de toutes relations familiales ou amicales et sont plongés dans un grand isolement affectif, pour ne pas dire dans une véritable misère affective, qui aggrave l’isolement carcéral.

En 1998, une étude publiée par les Cahiers de démographie pénitentiaire et qui, d’ailleurs, n’a pas été rééditée depuis, démontrait que 47 % des personnes incarcérées n’avaient pas été appelées à un seul parloir durant leur détention.

Depuis 2003, l’administration a ouvert des unités de vie familiale dans quelques établissements pour peine, ainsi que des parloirs familiaux dans certaines maisons centrales. Enfin, un petit progrès est accompli !

Toutefois, ces deux aménagements sont loin d’être généralisés et ne concernent que des condamnés à de longues peines.

L’absence de liens familiaux a des répercussions sur l’état de santé physique et mentale des détenus. Alors que le nombre de suicides a explosé depuis janvier dernier, il est urgent de les renforcer. Il doit donc être reconnu formellement dans la loi que les détenus ont droit au maintien de leurs liens avec leur famille ou toute autre personne.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur l’amendement n° 60 rectifié, la commission estime que le droit qui est visé, à savoir le maintien de relations stables et continues avec la famille, est garanti par les articles 15 et 15 bis du texte proposé par la commission, que nous examinerons dans quelques instants.

Je précise d’ailleurs que, concernant les transferts, qui, parfois, peuvent être très fréquents, quelques progrès ont été enregistrés, progrès liés à l’évolution de la jurisprudence administrative : alors que ces transferts étaient autrefois considérés comme étant des actes ne faisant pas grief, la jurisprudence du Conseil d’État a évolué et les assimile désormais à des décisions administratives susceptibles de recours.

La commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

L’amendement n° 115 rectifié bis semble inutile à la commission, l’article 15, dans la rédaction qu’elle a élaborée, permettant de garantir le droit au maintien des liens familiaux, ce de manière concrète, c'est-à-dire sous la forme de visites ou de permissions de sortie.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La rédaction de l’article 15 paraît préférable à celle qui est proposée dans cet amendement.

Elle pourrait, d’ailleurs, être enrichie de dispositions relatives aux unités de vie familiale, la volonté de la commission étant de ne pas limiter l’ouverture desdites unités aux établissements pour peine, mais de l’étendre aux maisons d’arrêt. En effet, une personne peut rester très longtemps dans une maison d’arrêt bien qu’elle soit présumée innocente. Plus on est présumé innocent, moins on a de droits : c’est là un paradoxe qu’il faudra bien résoudre.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Effectivement !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Les remarques que je viens de formuler valent pour l’amendement n° 230.

Nous devons avoir pour objectif de favoriser au maximum la proximité du détenu et de sa famille. Cependant, dans la pratique, c’est parfois difficilement réalisable, en particulier pour les personnes condamnées à de longues peines – parce qu’il y a peu de maisons centrales sur notre territoire –, pour les mineurs – car seuls sept établissements pénitentiaires leur sont réservés – et pour les femmes – puisque, le nombre de femmes incarcérées représentant seulement un peu plus de 3 % de la population carcérale, les établissements accueillant des femmes ne sont pas très nombreux. Je précise au passage que tous ceux que j’ai visités, notamment la prison pour femmes de Rennes, sont parfaitement convenables. (Mme Bernadette Dupont opine.) Si l’ensemble des lieux de détention étaient dans un état comparable, la loi pénitentiaire aurait rempli en grande partie son objet.

Je précise, en outre, qu’une certaine souplesse est nécessaire, pour que le détenu puisse être affecté dans un établissement qui, de par le type d’activités et de formations qu’il propose, est le mieux à même de répondre à son profil.

Nous allons généraliser l’évaluation en début d’incarcération : si le détenu manifeste la volonté, par exemple, d’apprendre un métier de l’aéronautique, auquel il est plus facile de s’initier du côté de Toulouse que du côté de Lille, il pourra en être tenu compte pour son affectation.

On ne peut exclure que, dans certains cas, notamment les cas de criminalité intrafamiliale, l’éloignement puisse être souhaitable.

Je rappelle également la situation particulièrement difficile et douloureuse des détenus qui ne reçoivent aucune visite. Nombre d’entre eux ne reçoivent que les visites de l’aumônier et des visiteurs de prison. J’en profite, d’ailleurs, pour saluer le rôle tout à fait éminent joué par les uns et par les autres.

Je précise, enfin, que la commission a souhaité corriger les effets de l’éloignement – nous y reviendrons dans un instant – en reprenant une suggestion de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et de nos collègues du groupe CRC-SPG : la durée du parloir devra prendre en compte l’éloignement de la famille.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je tiens à signaler à Mme Mathon-Poinat que j’ai trouvé, moi aussi, le film À côté particulièrement émouvant et remarquable. Les situations qu’il dépeint doivent être évitées au maximum, voire, si possible, totalement.

La commission est donc défavorable à l’amendement n° 230.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En ce qui concerne l’amendement n° 60 rectifié, pour les prévenus – il s’agit d’environ 20 % de la population pénale –, ce n’est pas l’administration pénitentiaire qui décide du lieu d’incarcération, c’est exclusivement l’autorité judiciaire, ce qui peut se comprendre : c’est lié aux affaires en cours.

Pour les condamnés, l’administration pénitentiaire tient compte au premier chef du critère du maintien des liens familiaux et favorise donc la proximité géographique avec la famille. D’ailleurs, 80 % des détenus demandent leur transfert à cette fin et obtiennent satisfaction.

Je tiens à répondre à l’observation qu’a faite, lors de son explication de vote, Mme Alima Boumediene-Thiery : il n’y a pas d’opposition entre l’administration pénitentiaire et les détenus. Prétendre que l’administration pénitentiaire règle parfois des comptes avec les détenus est une caricature. (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.)

Au contraire, les agents de l’administration pénitentiaire exercent un métier ardu, ce dans des conditions difficiles. D’ailleurs, ils jouent un rôle primordial dans la prévention des suicides : ces derniers seraient beaucoup plus nombreux s’ils n’étaient pas au plus près des personnes détenues.

Je tiens à le dire et à leur rendre hommage, car – j’insiste – ils exercent un métier difficile dans des conditions très difficiles. Souvent, ils s’attachent à nouer avec les détenus une relation qui va bien au-delà de leur fonction et de leur mission.

Je ne puis laisser dire que l’administration pénitentiaire utilise les classements ou les déclassements contre les détenus.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce n’est pas ce qui a été dit !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce ne sont pas des sanctions déguisées. L’administration pénitentiaire respecte la loi, respecte le droit, et tout classement, tout déclassement est toujours motivé. (Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.) Un déclassement n’est pas forcément une sanction, même s’il peut l’être.

Il faut aussi comprendre le point de vue des agents de l’administration pénitentiaire, qui – je n’aurai de cesse de le rappeler – exercent des missions extrêmement difficiles : un surveillant pénitentiaire confronté, par exemple, à un jeune majeur ou un mineur qui refuse de se lever – et à qui il faut donc apporter le petit-déjeuner dans sa cellule – ou de pratiquer toute activité, peut ressentir quelque exaspération.

J’insiste une fois encore : le classement et le déclassement ne sont pas des sanctions déguisées ; les agents de l’administration pénitentiaire font un travail difficile, dans des conditions difficiles.

Je me permets de dire que, s’agissant de la prévention du suicide, ils font preuve d’une immense bonne volonté : ils vont bien au-delà de leur mission quand ils passent du temps avec les personnes détenues, parfois des nuits entières, pour éviter que certaines ne passent à l’acte. Je souhaite donc leur rendre hommage.

Le transfèrement, ou le refus de transfèrement, n’est pas forcément une sanction. Parfois, des critères liés à la sécurité ou à un problème d’organisation président au non-transfèrement des personnes détenues qui demandent un transfèrement ; parfois, il est procédé à des transfèrements d’office d’un établissement à un autre en cas de problèmes de comportement de détenus dans un établissement pénitentiaire : quand ils se comportent mal ou quand des faits de bandes sont à déplorer, l’administration pénitentiaire transfère d’office les détenus en cause dans un autre établissement.

Il faut tenir compte de tous ces critères. L’objet de la loi pénitentiaire est, certes, d’améliorer les conditions de détention, de donner plus de droits aux détenus, mais aussi d’apporter des améliorations aux conditions de travail des personnels de l’administration pénitentiaire.

Aussi, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 60 rectifié.

Quant à l’amendement n° 115 rectifié bis, le Gouvernement y est défavorable : en effet, il est déjà prévu, dans l’article 10, le respect des droits des détenus par l’administration pénitentiaire, notamment le respect de la vie privée. Ce droit est, de plus, conforté dans les articles 15 et suivants, qui tendent à recommander l’autorisation du droit de visite, d’avoir une correspondance et de téléphoner.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 230, puisque, dans l’article 10 ainsi que dans les articles 15 et suivants, est prévu explicitement le respect des droits des détenus par l’administration pénitentiaire.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l'amendement n° 60 rectifié.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je tiens à réagir aux propos de Mme le garde des sceaux : il n’y a pas d’opposition systématique entre l’administration pénitentiaire et les détenus, mais il faut tenir compte de la réalité et ne pas pratiquer la politique de l’autruche.

Dans ses rapports, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ou CNDS, indique que des agents de l’administration pénitentiaire ont été condamnés pour avoir commis des bavures. Peut-être s’agissait-il de cas isolés, mais les faits sont là. Ceux qui connaissent bien le milieu pénitentiaire savent que les condamnés constituent une population difficile. En revanche, l’administration pénitentiaire se doit de réagir lorsque, malheureusement, se produisent des abus. Ces abus existent, madame le garde des sceaux, vous le savez. D’ailleurs, des condamnations ont été prononcées. Ces condamnations existent aussi.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous avez raison : il peut y avoir des abus, des infractions, mais des sanctions sont alors prises à l’encontre des agents qui s’en sont rendus coupables. À aucun moment, l’administration pénitentiaire ne pratique la politique de l’autruche ou ne couvre de tels actes. Les agents eux-mêmes ne le souhaitent pas. D’ailleurs, ces abus sont souvent révélés et les sanctions prises en conséquence.

La grande majorité des 33 000 agents  de l’administration pénitentiaire font bien leur travail, malgré les conditions difficiles dans lesquelles ils l’exercent. D’ailleurs, ils ont décidé d’appliquer les règles pénitentiaires européennes sans attendre la loi. S’agissant des expérimentations, ils n’ont pas attendu une instruction d’en haut, ils l’ont fait de manière très volontaire et très engagée.

Je leur rends de nouveau hommage de leur travail difficile mais quand ils commettent des abus, ils sont sanctionnés et, je tiens à le dire, jamais l’administration pénitentiaire n’a souhaité couvrir quelque comportement litigieux ou délictueux que ce soit.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote sur l'amendement n° 115 rectifié bis.

M. Louis Mermaz. Cet amendement présenté par notre collègue Anziani me semble tout à fait utile : « Les personnes détenues dans des établissements pénitentiaires ont droit au maintien de leurs liens familiaux. » S’il est un endroit d’un texte où une déclaration de principe, un rappel des principes serait utile, c’est bien celui-là.

En effet, nous verrons dans un moment – j’y reviendrai – à quel point l’article 15 revêt un caractère flou et, parfois, favorisant l’arbitraire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est très bien !

M. Louis Mermaz. La meilleure façon de se prémunir contre les imperfections de cet article 15 serait d’adopter cet amendement.

Afin de ne pas reprendre la parole ultérieurement, je profite de l’occasion pour dire que – Mme le garde des sceaux elle-même l’a reconnu, prouvant ainsi qu’elle lisait parfois les rapports de la Commission nationale de déontologie de la sécurité – le système pénitentiaire peut parfois présenter des défauts et des défaillances.

Nul, ici, ne met en cause la qualité du travail des surveillants. Nous sommes nombreux à avoir visité des prisons et à avoir dialogué avec eux. Mais il est vrai qu’il y a parfois des abus. Pour les éviter, les règles doivent être précises.

Je constate, d’ailleurs, que, dans sa seconde réponse à Mme Boumediene-Thiery, Mme le garde des sceaux a été beaucoup plus claire et semble avoir compris ce qui lui avait été dit. (Marques d’indignation sur les travées de lUMP.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Franchement !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Arrêtez !

M. Louis Mermaz. Je dis bien « semble avoir compris », parce que sa première déclaration mettant en cause notre collègue comme si elle avait accusé l’ensemble du personnel pénitentiaire est inadmissible. Elle a peut-être parlé pour le Journal officiel, mais moi aussi ! J’exerce mes droits !

Mme Catherine Procaccia. Mais sur quel ton !

M. Louis Mermaz. On a le ton que l’on peut : certains chantent, d’autres parlent !

L’adoption de cet amendement n° 115 rectifié bis s’avère d’autant plus nécessaire que nous avons quelques craintes sur la survie de l’amendement n° 192, dans la mesure où des amendements similaires et tout aussi utiles ont été retirés immédiatement ! Mais nous en reparlerons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. François Trucy s’exclame.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 115 rectifié bis.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 230.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 15
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 15 bis

Article 15

Le droit des détenus au maintien des relations avec les membres de leur famille s’exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l’autorise, par les permissions de sortie des établissements pénitentiaires.

L’autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d’un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien de l’ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions.

L’autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s’il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d’autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer.

Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l’autorité judiciaire.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l’article.

M. Louis Mermaz. Cet article 15 introduit, dans le chapitre III du titre Ier, la section 3 relative à la vie privée et familiale et aux relations avec l’extérieur.

Son premier alinéa est ainsi rédigé : « Le droit des détenus au maintien des relations avec les membres de leur famille s’exerce soit par les visites que ceux-ci leur rendent, soit, pour les condamnés et si leur situation pénale l’autorise, par les permissions de sortie des établissements pénitentiaires. » Soit !

Toutefois, les choses deviennent plus inquiétantes à l’alinéa suivant, qui commence par ces mots : « L’autorité administrative ne peut… » En effet, chaque fois qu’une négation est préférée à une affirmation, on sait qu’un voile d’hypocrisie s’apprête à tomber, car tout est fait pour endormir l’attention.

Je reprends la lecture : « L’autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d’un condamné, suspendre ou retirer ce permis… » – cela se gâte ! – « que pour des motifs liés au maintien de l’ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. » Une telle rédaction semble certes frappée au coin du bon sens, mais qui va prendre la décision ? Une fois encore, on s’en remet au service public de l’administration pénitentiaire, lequel aura forcément une appréciation subjective ; une fois encore, la mesure pâtit d’un défaut d’encadrement et s’avère très ambiguë.

Quant au troisième alinéa, il précise : « L’autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s’il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d’autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer. » Au moins, ici, tout est clairement affirmé, il n’y a plus d’hypocrisie ! Je regrette qu’il n’en soit pas allé de même à l’alinéa précédent…

L’article 15 se termine par cette courte phrase : « Les permis de visite des prévenus sont délivrés par l’autorité judiciaire. » Cette rédaction nous convient plutôt : même si l’autorité judiciaire a aussi ses imperfections – comme dans tout corps de métier, certains éléments sont meilleurs que d’autres –, son intervention constitue tout de même une véritable garantie.

Mais le risque d’arbitraire qui nous préoccupe naît précisément de cette possibilité octroyée à l’autorité administrative de retirer les autorisations de visite. Pourquoi l’autorité judiciaire ne pourrait-elle pas également intervenir en la matière ? Certes, le juge administratif pourra toujours être saisi, mais, en attendant qu’il se prononce – cela pourra durer longtemps ! –, la famille n’aura plus de droit de visite.

C’est justement pour nous prémunir contre ce genre de situations, souvent déplorables, que notre collègue Alain Anziani a défendu tout à l’heure l’amendement n° 115 rectifié bis. Dans ce domaine, l’ensemble des recommandations des instances européennes – je vous en épargnerai la lecture – vont d’ailleurs exactement dans le même sens.

Mes chers collègues, le fond est important et les barrières juridiques doivent être clairement fixées. Mais ne tombons pas dans un juridisme excessif. La pratique compte tout autant, et c’est bien l’état d’esprit du Gouvernement qui est en cause. Les personnels de l’administration pénitentiaire ne sont pas à l’origine des problèmes auxquels sont aujourd’hui confrontées les prisons. Les syndicats, notamment la CGT, FO et la CFDT, n’ont de cesse de dénoncer les carences du Gouvernement. C’est ce dernier, par l’aggravation continue des procédures pénales et du code pénal, qui est le premier responsable des malheurs et des suicides qui frappent les prisons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 27 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

les membres de leur famille

par les mots :

leurs proches

II. - Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :

membres de la famille

par le mot :

proches

III. - Dans le troisième alinéa de cet article, remplacer les mots :

membres de la famille

par les mots :

proches du détenu

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, visant à élargir le champ des personnes susceptibles d’être considérées comme membres de la famille des détenus. Ces derniers sont souvent en rupture avec leurs familles biologiques et n’ont de contacts qu’avec des proches, qu’ils considèrent comme partie intégrante de la famille.

Nous craignons donc que ce critère de la famille ne soit trop restrictif et qu’il ne conduise à justifier des refus de permis de visite sur le simple fondement de la nature des liens de parenté. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de substituer à l’expression « membres de la famille » le terme « proches », qui permet d’englober un éventail plus large des relations personnelles.

Si le troisième alinéa de l’article 15 fait référence à « d’autres personnes que les membres de la famille », c’est pour leur réserver un régime spécifique : celles-ci pourront se voir opposer que leurs visites « font obstacle à la réinsertion du condamné ». Voilà un motif assez flou, qui empêchera certains détenus de voir des proches, à l’exception du visiteur de prison.

Il me semble donc important d’aligner le régime des visites de certains proches sur celui des membres de la famille, plutôt que de les considérer comme des personnes qui n’en sont pas.

M. le président. L’amendement n° 192, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les prévenus doivent pouvoir être visités, par les membres de leur famille ou d’autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. L’article 15 consacre dans la loi l’ensemble des dispositions relatives au droit de visite des détenus. La commission des affaires sociales souhaite élever au niveau de la loi la disposition réglementaire précisant la fréquence minimale des visites auxquelles ont droit les détenus. Force est de constater qu’elle n’est pas, aujourd'hui, correctement respectée.

M. le président. L’amendement n° 231, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Après les mots :

des motifs liés

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa de cet article :

à la prévention des infractions. Les détenus sont informés sans délai de la décision les concernant.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre amendement, dans la logique de celui que nous avons précédemment défendu, tend à supprimer les restrictions au droit de visite des détenus qui sont laissées à la libre appréciation de l’administration pénitentiaire. En effet, si le projet de loi confirme ce droit, il l’assortit toujours d’un certain nombre de restrictions.

Nous souhaitons que le détenu concerné soit informé sans délai de la décision de refuser, de retirer ou de suspendre un permis de visite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 27 rectifié de Mme Boumediene-Thiery. L’article 15 prévoit, certes, un régime différencié – un peu plus libéral pour la famille, un peu plus contrôlé pour les autres personnes –, mais équilibré, puisqu’il n’exclut en rien la visite des proches.

Par ailleurs, la commission a considéré que les précisions figurant dans l’amendement n° 192 de la commission des affaires sociales, pour importantes qu’elles soient, relevaient non pas du domaine de la loi, mais plutôt de celui du règlement. Cela dit, sur ce point, elle peut s’en remettre à l’avis du Gouvernement. Si l’amendement devait être adopté, je préférerais d’ailleurs qu’il soit préalablement rectifié, en remplaçant les mots « doivent pouvoir » par le mot « peuvent ».

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Favorable !

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 192 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les prévenus peuvent être visités, par les membres de leur famille ou d’autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Enfin, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 231, qui vise à supprimer les restrictions liées au maintien de l’ordre et à la sécurité susceptibles d’être apportées au permis de visite. Sur ce point, il est effectivement impossible de donner satisfaction à nos collègues du groupe CRC-SPG, et les événements survenus récemment ont montré combien ces restrictions s’avèrent indispensables.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur Mermaz, je tiens à répondre aux propos que vous avez tenus à mon encontre. Jusqu’à il y a un instant, – ô surprise ! – le ton et le contenu de vos interventions avaient été corrects. Force est de constater que vous n’avez pas pu vous retenir bien longtemps ! Finalement, vous ne faites que reprendre le comportement qui a toujours été le vôtre lors des précédents débats, notamment sur la rétention de sureté et les peines plancher. Au moins, si je puis dire et même si je le déplore, vous êtes en accord avec votre nature profonde. J’espère simplement que ces propos, d’une grande incorrection, dépassent votre pensée.

Vous avez affirmé que je ne lisais pas les rapports de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, ou, du moins, que je manquais de temps pour ce faire. Sachez que je lis ces rapports et leurs conclusions avec une grande attention. Du reste, mes services en tirent les conséquences sur le plan pratique. Je vous demande donc d’être non seulement plus respectueux des missions et des responsabilités de la CNDS et, plus largement, de celles des acteurs concernés, mais aussi plus attentif aux suites qui sont données à ces recommandations.

Si je défends l’administration pénitentiaire, ce n’est pas par principe, c’est parce qu’il est normal de soutenir des personnels qui font réellement un travail difficile. Je vous invite d’ailleurs à vous rendre sur le terrain, dans les établissements pénitentiaires, ce que, à ma connaissance, vous n’avez jamais fait en 2008 et en 2009 ! (M. André Dulait applaudit.)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous vous rendrez alors compte par vous-même des conditions dans lesquelles ces personnels travaillent et combien il est ardu d’être confronté à une population carcérale de plus en plus difficile.

Monsieur le sénateur, au-delà même du ton que vous avez employé, je ne pouvais pas laisser vos propos sans réponse. Oui, j’ai beaucoup de considération pour cette administration, qui respecte le droit et la loi et qui dépasse souvent le strict cadre de ses missions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Les personnels font un travail courageux au quotidien. Vous pouvez toujours faire des incantations, mais retournez d’abord sur le terrain !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour en venir aux amendements, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 27 rectifié.

Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 192 rectifié, relatif à la fréquence des visites reçues par les détenus, vise à reproduire dans la loi les dispositions de l’article D. 410 du code de procédure pénale, aux termes duquel les « prévenus doivent pouvoir être visités au moins trois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine. » Cette disposition relevant déjà du domaine réglementaire, votre amendement est satisfait. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’y serai défavorable.

L’exigence d’information, que tend à insérer l’amendement n° 231, est déjà satisfaite par l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, loi applicable aux détenus et à l’administration pénitentiaire, cette dernière motivant d’ores et déjà les décisions relatives aux visites dont les détenus sont tenus informés. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l’amendement n° 27 rectifié.

M. Jean-Pierre Michel. Madame le garde des sceaux, il ne faut pas vous énerver ainsi.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je n’apprécie pas les irrespectueux !

M. Jean-Pierre Michel. M. Mermaz n’a mis en cause ni l’administration pénitentiaire ni ses personnels. Il connaît bien la situation des établissements pénitentiaires pour s’y rendre depuis longtemps. D’ailleurs, personne, ici, sur la gauche de cet hémicycle, n’a critiqué cette administration dans son ensemble.

Nous l’avons dit dès la discussion générale, nous l’avons répété depuis, il y a une contradiction totale entre votre loi pénitentiaire, la politique pénitentiaire que vous voulez mettre en œuvre, au travers notamment, nous le verrons, des dispositions du texte concernant les alternatives à la détention provisoire et aux aménagements des peines privatives de liberté, et votre politique pénale.

J’en veux d’ailleurs pour preuve les circulaires, toutes différentes, portant sur la politique pénale pour 2009 que vous avez tout récemment envoyées – c’était le mois dernier – dans chaque cour d’appel. Ces différences proviennent du fait que, dans chaque cour d’appel, vous stigmatisez un certain nombre de tribunaux. Ainsi avez-vous écrit : « Vous devrez veiller, monsieur le procureur général, à ce que [telle juridiction] mette bien en œuvre la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. En effet, le taux de peines plancher pour cette juridiction est de 33,3 % au 5 janvier 2009, contre une moyenne nationale de 49,3 %. »

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n’a aucun rapport avec l’article !

M. Jean-Pierre Michel. Nul doute que, si je prenais l’ensemble des circulaires adressées aux cours d’appel, je trouverais d’autres exemples de ce genre !

Autrement dit, madame le garde des sceaux, au sein d’une cour d’appel, on stigmatise publiquement, puisque tous les magistrats ont reçu la circulaire, telle ou telle juridiction, soit parce que les juges du siège le considèrent ainsi, soit parce que le procureur ne prend pas les réquisitions que vous voulez ou ne respecte pas la circulaire nationale concernant les peines plancher.

Or les peines plancher sont l’une des causes principales de la surpopulation pénale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, c’est faux !

M. Jean-Pierre Michel. Vous êtes donc pris dans une totale contradiction ! Voilà ce que voulait dire M. Mermaz.

M. Laurent Béteille. Il l’a dit d’une drôle de manière !

M. Jean-Pierre Michel. Nous sommes tout à fait favorables à l’amendement de M. About, mais je ne peux que constater cette contradiction qui vous embarrasse tous.

Notre cher rapporteur M. Lecerf a ainsi répondu à M. Anziani que l’on ne pouvait pas mettre sur le même plan la famille et les proches de la personne détenue et que, d’ailleurs, l’article 15 était plus strict pour les visites de proches que pour celles de la famille, puis a ensuite émis un avis plus ou moins favorable à l’amendement de M. le président des affaires sociales, auquel il n’ose pas s’opposer. Cette attitude est totalement contradictoire, puisque M. About met exactement sur le même plan la famille et les proches !

Mes chers collègues de la majorité, madame le garde des sceaux, vous devriez vous mettre d’accord ! Vous ne faites que jeter de la poudre aux yeux et vous ne voulez surtout pas régler le problème ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout va bien ! Ne vous inquiétez pas pour nous, monsieur Michel !

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Je tiens également à revenir sur l’incident qui a opposé M. Mermaz et Mme le garde des sceaux.

Je connais Louis Mermaz depuis longtemps...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Moi aussi !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il peut parler tout seul !

M. Alain Anziani. Il ne faut pas vous énerver, madame le garde des sceaux. Nous parlons tranquillement.

Je peux vous assurer que M. Mermaz respecte l’administration pénitentiaire et ses personnels. Mais il est aussi un homme libre et, en tant que tel, il a tout à fait le droit, surtout dans cette enceinte, d’exprimer son opinion et de donner son avis sur un texte.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Ce n’est pas ce qu’il a fait !

M. Alain Anziani. Je trouve en revanche choquant de votre part, madame le garde des sceaux, de lui avoir rétorqué qu’il n’avait pas visité de prisons au cours des dernières années. Que signifie cette phrase ? Une enquête a-t-elle été menée sur la vie de Louis Mermaz afin de déterminer si, oui ou non, il avait visité des prisons en dehors du cadre de la commission d’enquête ? (Murmures désapprobateurs sur les travées de lUMP.)

C’est ce que vous avez dit, madame le garde des sceaux ! Comment pouvez-vous disposer d’une telle information ? Vous n’en savez rien, et heureusement, car ce serait très grave ! Vous avez franchi la ligne jaune : vous ne deviez pas prononcer cette phrase !

Mme Raymonde Le Texier. C’est la politique du chiffre !

M. Alain Anziani. Cela étant dit, je trouve l’amendement n° 192 rectifié de M. About très positif, car il prend en compte la situation des prévenus, dont les droits doivent être les moins limités possible, et seulement par exception justifiée par les nécessités de l’instruction – ce que nous pouvons tous comprendre ! – ou par des impératifs de sécurité. Le principe doit être que ces personnes doivent pouvoir recevoir la visite de leur famille le plus souvent possible.

Je crois donc nécessaire, contrairement à M. le rapporteur, d’en revenir à la première rédaction de l’amendement : « les prévenus doivent pouvoir être visités ». En effet, si nous maintenons la formule « les prévenus peuvent être visités », nous serons confrontés à un problème d’interprétation : qui sera compétent pour apprécier l’opportunité de ce droit de visite ? Les mots « doivent pouvoir » traduisent en revanche la consécration d’un droit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je tiens à répondre cordialement à mon excellent collègue Jean-Pierre Michel, avec lequel j’ai le plaisir de travailler sur le dossier de la responsabilité pénale des malades mentaux. Je ne vois pas de contradiction entre le fait d’être un peu plus favorable à l’amendement de M. About qu’à la distinction les proches et la famille. En effet, même si l’amendement du président de la commission des affaires sociales était adopté, il va de soi que les modalités de contrôle des visiteurs seraient différentes selon qu’ils font partie de la famille ou du cercle des proches. Il y a donc une parfaite coordination, et non une contradiction, entre ces deux positions.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 27 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement n° 192 rectifié est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Oui, monsieur le président. Dès lors que l’article 15 correspond à l’élévation au niveau législatif de l’article D. 404 figurant dans la partie règlementaire du code de procédure pénale, la proposition que je formule au travers de mon amendement doit pouvoir, elle aussi, être élevée à ce niveau.

M. Jean-Pierre Sueur. La rectification est-elle maintenue ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Oui, monsieur Sueur. Le mot « peuvent » indique bien qu’il s’agit d’une possibilité. S’il y a des visiteurs, cette faculté de recevoir des visites au moins trois fois par semaine pour les prévenus et au moins une fois par semaine pour les condamnés doit être respectée. En l’absence de visiteurs, on ne peut pas rendre ces visites obligatoires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je souhaite attirer l’attention de M. About sur les conséquences de la rectification de son amendement.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Mais s’il n’y a pas de visite !

M. Jean-Pierre Sueur. Pour ma part, je préfère la version originelle. Il m’est arrivé, en effet, de beaucoup travailler sur les verbes « devoir » et « pouvoir ».

Vous nous proposez d’inscrire dans la loi le mot « peuvent », en nous indiquant qu’il signifie la même chose que le mot « doivent », et que le membre de phrase « les prévenus peuvent être visités » traduit une obligation.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Oui !

M. Jean-Pierre Sueur. Cette obligation consiste à donner aux personnes qui souhaitent rendre visite aux détenus la possibilité de le faire.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. L’indicatif a valeur impérative !

M. Jean-Pierre Sueur. Je comprends cet argument. Cependant, il serait encore plus clair...

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Mais non !

M. Jean-Pierre Sueur. Permettez-moi, monsieur About, de préciser le sens de votre rédaction : je défends votre position !

La première mouture de votre amendement – « les prévenus doivent pouvoir être visités » – était très claire. Elle signifie non pas qu’il faut créer artificiellement des demandes de visites s’il n’y en a pas, mais qu’à chaque demande de visite, dans le cadre des trois visites autorisées par semaine, cette visite est de droit.

Cette version, monsieur About, était beaucoup plus claire, protectrice et limpide. Je vous demande donc d’en revenir à votre premier mouvement, qui était aussi celui de la commission des affaires sociales. Je vous assure que c’était le bon !

M. Laurent Béteille. M. Sueur ne croit pas une seule seconde à ce qu’il vient de dire !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Franchement, monsieur Sueur, quelle argumentation !

Vous savez fort bien que, sur le plan juridique, l’indicatif « peuvent » a valeur d’impératif. « Doivent pouvoir », c’est une jolie formule, bien que je la trouve assez maladroite en littérature, en raison de l’apposition des verbes « devoir » et « pouvoir ».

Il faut tout de même faire un peu de droit lorsque l’on examine des textes juridiques ! Je vous assure, monsieur Sueur, que ces deux formulations signifient la même chose.

M. Jean-Pierre Sueur. Je n’en suis pas sûr !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela m’étonne de vous, compte tenu de votre grande intelligence du droit et de votre connaissance de la langue française !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Il nous faut rétablir la sérénité de notre débat et oublier la petite bataille qui vient d’opposer M. Mermaz et Mme le garde des sceaux.

L’amendement de M. About a l’énorme avantage d’opérer une distinction entre les prévenus et les condamnés. Aujourd’hui, 40 % des détenus sont des prévenus : il nous faut démontrer, par un vote aussi large que possible, que nous souhaitons préserver leurs droits, et ce quels que soient les problèmes grammaticaux qui se posent.

Je partage l’avis de M. Hyest : le mot « peuvent » est tout à fait valable. Sachons faire simple !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

M. Jean-Pierre Fourcade. Nous devons manifester notre volonté de faciliter le maintien des liens des détenus avec l’extérieur, en préservant d’abord les droits des prévenus, puis ceux des condamnés.

L’amendement de M. About apporte un élément important, que je recommande à l’attention des juges de la détention, qui ont parfois tendance à faire incarcérer un peu rapidement certains prévenus.

Je voterai donc, des deux mains, l’amendement de M. About.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Michel. Je souhaite expliquer brièvement mon vote sur l’amendement n° 192 rectifié de M. About.

Je souhaite tout d’abord demander à notre estimé président de la commission des lois pour quelle raison, si les mots « doivent pouvoir » et le mot « peuvent » signifient vraiment la même chose, l’amendement a fait l’objet d’une rectification en séance ? On se le demande !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Parce que c’est plus joli !

M. Jean-Pierre Michel. Cet amendement, je le rappelle, a été présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales. Envisage-t-il, dans ces conditions, de la réunir ? (Protestations sur les travées de lUMP.) Cette commission a voté cet amendement. A-t-on le droit, oui ou non, de modifier en séance le vote d’une commission ? J’attends votre réponse ! Si celle-ci est positive, je suggère que nous nous penchions à nouveau sur cette question lors de la rédaction du futur règlement du Sénat. Pour ma part, je trouve cela totalement aberrant ! (M. Laurent Béteille s’exclame.)

Le vote de la commission des affaires sociales, auquel je n’ai pas participé, portait sur un texte précis. Je vous pose donc la question suivante : qui a le droit de modifier ce texte en séance plénière ? (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Laurent Béteille. Il s’agit d’une simple rectification rédactionnelle !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. « Qui  a le droit ? » C’est presque une chanson ! (Sourires.)

Tout parlementaire a le droit de modifier un amendement en séance : il s’agit du droit de sous-amender.

M. Jean-Pierre Michel. Pas le rapporteur !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. J’ignorais que le rapporteur n’était pas un sénateur !

Ce droit de sous-amender appartient à tous ceux qui ont pour mission de rédiger un texte de loi le mieux possible.

Lorsqu’elle a donné son avis sur mon amendement, Mme le garde des sceaux a dit qu’il n’était pas nécessaire d’ajouter la disposition que je propose, car elle est d’ordre réglementaire et existe déjà. Certes ! Mais en élevant ce texte réglementaire au niveau de la loi, comme j’ai tenté de le faire au travers de cet amendement, j’avoue que j’ai commis une erreur, dont je demande pardon : j’ai fait un copié-collé de l’article D. 410 du code de procédure pénale, dans lequel figuraient les mots « doivent pouvoir ».

M. René Garrec. C’était mal rédigé !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Lorsqu’on élève un texte règlementaire au niveau de la loi, il faut si possible en améliorer la rédaction et la rendre plus élégante. Je suis fidèle en cela à l’enseignement que nous donnait mon maître Jean Foyer lorsque j’étais un jeune député, en 1978 ; il tenait à ce que la loi soit parfaitement écrite. C’est la raison pour laquelle je souhaite que nous nous ralliions à la rédaction proposée par M. le président Hyest et par M. le rapporteur.

Vous aurez ainsi doublement satisfaction, mes chers collègues : grâce au nouveau texte législatif, qui répond à vos attentes, et grâce au règlement, qui maintient la formule à laquelle vous tenez. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 192 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste s’abstient, et notre abstention est justifiée ! (Sourires.)

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 231.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 15, modifié.

(L’article 15 est adopté.)

Article 15
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Articles additionnels avant l'article 16

Article 15 bis

Les unités de vie familiale ou les parloirs familiaux implantés au sein des établissements pénitentiaires peuvent accueillir toute personne détenue.

Tout détenu doit bénéficier d’au moins un parloir hebdomadaire, dont la durée doit être fixée en tenant compte de l’éloignement de sa famille. Pour les prévenus, ce droit s’exerce sous réserve de l’accord de l’autorité judiciaire compétente.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le Gouvernement n’avait même pas mentionné, dans le projet de loi initial, les unités de vie familiale ni les parloirs. Pourtant, les premières sont encore trop peu nombreuses dans les établissements pénitentiaires et les conditions de mise en œuvre des seconds sont la source d’insatisfactions, de la part tant des détenus que des familles.

Faciliter l’accès aux unités de vie familiale et aux parloirs est essentiel pour maintenir les liens des détenus avec leurs conjoints et leurs enfants. Le maintien de ces liens évite la désocialisation des détenus durant la détention et il est, à ce titre, un facteur évident de réinsertion. Il était donc nécessaire de combler cette lacune du projet de loi.

Le rapporteur l’a fait en partie, puisqu’il a inscrit dans la loi que les unités de vie familiale et les parloirs familiaux implantés dans les établissements pénitentiaires peuvent accueillir toute personne détenue, y compris donc les prévenus.

Mais une lacune subsistait toujours, relative cette fois à la fréquence et à la prise en compte des contraintes pour la famille, liées à l’éloignement par exemple. Or, le Comité d’orientation restreint, le COR, recommandait que tout détenu, quel que soit son régime de détention, puisse bénéficier effectivement d’un parloir hebdomadaire au minimum, dont la durée pourra être étendue en considération d’éléments particuliers : éloignement de la famille, fragilité du détenu au niveau du risque suicidaire, prescription médicale, etc. Le COR demandait également que cet accès au parloir hebdomadaire soit maintenu pour les détenus subissant une sanction de cellule disciplinaire.

Nous avons donc, lors de l’examen du projet de loi en commission, déposé un amendement tendant à imposer cette obligation de parloir hebdomadaire pour tous les détenus – sous réserve de l’accord de l’autorité judiciaire pour les prévenus – ainsi qu’un autre amendement visant à reconnaître ce droit aux détenus placés en cellule disciplinaire. La commission des lois a adopté ces deux amendements et a modifié en ce sens le présent article 15 bis et l’article 53, rendant ainsi effectif le droit des détenus à un parloir hebdomadaire.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 25 rectifié bis, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Tout détenu peut être autorisé à recevoir, dans des conditions préservant son intimité, les membres de sa famille dans des unités de vie familiale ou dans des parloirs familiaux

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 26 rectifié.

M. le président. L’amendement n° 26 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les unités de vie familiale sont aménagées de manière à garantir le respect du droit à l’intimité. Les visites ont lieu en dehors de la présence du personnel pénitentiaire.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ces deux amendements ont pour objet d’introduire la notion de respect de l’intimité du détenu, malheureusement absente de cet article. L’amendement n° 25 rectifié bis a trait aux unités de vie familiale, les UVF, et aux parloirs familiaux, alors que l’amendement n° 26 rectifié ne concerne que les UVF.

Il est important de préciser dans la loi que les visites familiales s’exercent dans le respect par l’administration pénitentiaire de l’intimité du détenu. Je vous renvoie, mes chers collègues, aux excellentes études produites par l’Observatoire international des prisons, l’OIP. On y apprend que la France a beaucoup de progrès à faire sur cette question, en comparaison d’autres pays.

Par exemple, la Suède, l’Espagne ou le Canada ont mis en place des espaces où les détenus peuvent se soustraire à toute surveillance durant quelques heures pour recevoir leur famille. D’autres pays, comme la Lituanie ou la République tchèque prévoient même une durée de plusieurs jours. Le détenu doit pouvoir recevoir sa famille à l’abri du regard des surveillants. Ces moments sacrés permettent à un détenu de poursuivre sa vie familiale, voire sexuelle.

Je vous le rappelle, le droit à une vie sexuelle fait partie intégrante du droit à l’intégrité physique et morale des détenus, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Ce droit doit donc être protégé. Est-il normal qu’un détenu se voie infliger une sanction de quinze jours d’isolement, voire de deux mois de suppression de visites, pour s’être livré à des contacts sexuels avec sa compagne lors d’un parloir ?

Il faut aujourd’hui mettre un terme à cette hypocrisie et briser le tabou qui entoure la sexualité en prison. Finissons-en avec ce déni : les relations sexuelles ont lieu aujourd’hui, malgré tous les risques de sanction, dans des conditions déplorables, en tout cas loin de la dignité humaine, dont nous avons parlé si longuement hier.

Cessons également de penser que le respect de l’intimité du détenu est incompatible avec la préservation de la sécurité des établissements : c’est faux ! Comme le soulignait la commission Canivet dans son rapport de 2000, « l’artificielle opposition si souvent faite entre sécurité et humanisation des prisons est à récuser sans merci, dès lors que l’une et l’autre peuvent parfaitement cheminer de pair ».

Nous devons aujourd’hui rompre le tabou de la sexualité en prison et ne plus chercher de prétextes : l’administration doit trouver les moyens de mieux développer une politique adaptée de prévention contre la transmission du VIH ou contre les violences sexuelles en détention.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’inscrire le principe du respect de l’intimité du détenu dans l’article 15 bis.

M. Bernard Frimat. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je me trouve assez en harmonie avec nombre des propos tenus par Mme Boumediene-Thiery. Je pense comme elle que l’hypocrisie a suffisamment duré sur la question des relations sexuelles en prison. Je me souviens d’une époque pas si éloignée où, dans les parloirs, ce qui était toléré dans tel établissement ne l’était pas dans tel autre et pouvait éventuellement entraîner le placement en quartier disciplinaire ; et même lorsque la tolérance prévalait, les conditions dans lesquelles les rencontres se déroulaient constituaient une atteinte à la dignité des personnes, qu’il s’agisse des détenus, de leurs compagnes, des autres visiteurs et également du personnel de l’administration pénitentiaire.

S’il est un dossier qui recueille l’unanimité, c’est bien celui des unités de vie familiale. Il a d’ailleurs été, selon moi, assez bien mené par l’administration pénitentiaire et a permis, en outre, d’établir des rapports et une estime différente entre les personnels de l’administration pénitentiaire et les détenus. Sur ce point, la commission a souhaité non seulement que les unités de vie familiale et les parloirs familiaux figurent dans le texte de la loi pénitentiaire, mais aussi qu’ils soient ouverts à tous les détenus. Comme je le disais tout à l’heure, pourquoi réserver ces possibilités aux seuls condamnés et ne pas les ouvrir aux prévenus dans les maisons d’arrêt, quand on sait qu’ils peuvent y rester extrêmement longtemps et que la situation n’est pas prêt de s’améliorer dans les années à venir ?

En ce qui concerne l’amendement n° 25 rectifié bis, qui, je vous rassure, madame Boumediene-Thiery, est bien rédigé, permettez-moi une boutade : il n’est pas nécessaire d’écrire que tout détenu « doit pouvoir ». (Sourires.) Tout détenu « peut », cela revient au même. Quoi qu’il en soit, je demande le retrait de cet amendement car il me paraît satisfait par la rédaction actuelle de l’article 15 bis.

S’agissant de l’amendement n° 26 rectifié, qui porte sur la garantie du droit à l’intimité et la nécessité de prévoir que les visites aient lieu en dehors de la présence du personnel pénitentiaire, j’observe que tout se passe bien actuellement au sein des unités de vie familiale, qui se sont mises en place dans un état d’esprit positif. Par ailleurs, je pense que ces dispositions ne sont pas de niveau législatif. C’est pourquoi je demande également le retrait de cet amendement.

Je souhaiterais terminer mon propos en évoquant une confidence recueillie lors d’une visite en maison centrale – on ne sort pas indemne de telles expériences ! J’ai eu l’occasion de discuter longuement avec une personne condamnée à une très longue peine, qui avait eu la possibilité de bénéficier récemment d’un parloir familial. Cet homme avait ainsi pu rencontrer sa compagne pour la première fois depuis très longtemps. Les parloirs familiaux, comme les unités de vie familiale, sont parfois l’objet de plaisanteries douteuses, même dans l’administration pénitentiaire, mais je me souviendrais toujours de cet homme pleurant sur mon épaule et me disant, à moi qui ne l’avais jamais vu et qui ne le reverrais jamais : « C’était la première fois que je revoyais ma compagne, j’ai été incapable de faire quoi que ce soit, mais là n’était pas l’essentiel ! »

S’il est donc une politique que je souhaite réellement encourager, c’est bien celle-là ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En ce qui concerne l’amendement n° 25 rectifié bis, le bénéfice des visites en unité de vie familiale n’est pas limité aux seuls membres des familles des détenus. Souvent, beaucoup de détenus n’ont plus de famille ou n’entretiennent plus de relations avec elle ; ils peuvent donc recevoir leurs amis ou toute autre personne avec laquelle ils n’ont aucun lien familial ou qu’ils ont même pu connaître pendant leur détention, ne serait-ce que par correspondance. Il n’y a donc pas lieu de prouver un lien familial pour bénéficier de ces UVF ; si celles-ci étaient réservées aux familles, peu de détenus pourraient bénéficier de visites.

Tous les nouveaux établissements pénitentiaires abritent maintenant une unité de vie familiale, ce qui permet aux détenus de maintenir des liens sociaux. Le bénéfice des UVF sera étendu aux personnes prévenues mais je tiens à observer que cette extension présente quelques difficultés, notamment pour les personnes incarcérées dans le cadre de dossiers d’instruction particulièrement lourds ou complexes : vous savez très bien que l’administration pénitentiaire n’a pas accès au dossier d’instruction, ce qui peut compliquer la procédure.

Quant aux parloirs familiaux, pour mettre un terme à l’hypocrisie qui a longtemps prévalu, je tiens à préciser qu’il en existe désormais 34, notamment dans huit maisons centrales. Il s’agit de petites salles d’environ dix mètres carrés, dans lesquelles l’intimité est totalement préservée.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 25 rectifié bis.

L’amendement n° 26 rectifié a trait aux modalités pratiques de déroulement des visites ; or ces dispositions ne relèvent pas du domaine de la loi. Je suis cependant en accord total avec l’objectif poursuivi par ses auteurs, d’ailleurs la réglementation est de fait extrêmement pratique. Les visites dans le cadre des unités de vie familiale se passent généralement très bien et n’ont donné lieu à quasiment aucun incident.

Pour compléter les propos du rapporteur, je rappelle que la durée des visites en UVF peut aller jusqu’à soixante-douze heures. Cependant de nombreux détenus ne souhaitent pas bénéficier d’une durée de visite aussi longue et demandent en général des visites beaucoup plus courtes pour permettre une reprise des relations plus progressive.

C’est donc pour des raisons de pure forme que j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement n° 26 rectifié, dont l’objectif est aussi le nôtre.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, les amendements nos 25 rectifié bis et 26 rectifié sont-ils maintenus ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, je les maintiens, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Je voudrais dire à Mme Boumediene-Thiery que je comprends peut-être mieux que certains de nos collègues le sens de son amendement, car je crois être le seul dans cet hémicycle à avoir dirigé une maison d’arrêt, accueillant cent vingt détenus, pendant au moins un an et demi. C’était au Maroc.

J’ai rencontré les problèmes que notre collègue évoquait dans la présentation de ses amendements et j’avais réussi à mettre en place un système pratique de relations familiales, fondé sur des autorisations de sortie d’un jour ou d’un jour et demi, puisque nous ne disposions pas de locaux adaptés. Ce système ne m’a jamais causé d’inquiétude car les détenus sont toujours rentrés à la prison. Sur le plan humain, il en est résulté une amélioration certaine et l’ambiance de la maison d’arrêt connaissait un réel apaisement dans une période cependant difficile.

J’approuve donc tout à fait la teneur de ces amendements. Cela étant, je me range à l’avis du rapporteur : la rédaction de cet article satisfait d’une manière convenable à ces préoccupations. Dans cet esprit, je ne voterai pas ces amendements, non pas que j’y sois opposé, mais parce que le texte du rapporteur – comme l’ensemble de sa démarche, que je suis heureux de saluer à cette occasion – tient compte, autant que possible, de ces préoccupations humaines qui font toute la dignité de notre débat !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Je voterai les deux amendements présentés par Alima Boumediene-Thiery, parce que le droit au respect de l’intimité me paraît une notion importante. Le mot « intimité » est vraiment essentiel en l’occurrence. Aujourd’hui, vous le savez, le respect de l’intimité n’est pas vraiment garanti dans les prisons. Or il s’agit d’un droit fondamental de la personne humaine. Je regrette, monsieur le rapporteur, que vous n’ayez pas pu – ou voulu – donner un avis favorable à au moins l’un de ces deux amendements.

J’aurais souhaité poser une question supplémentaire à Mme le garde des sceaux. Vous nous avez indiqué des chiffres, madame, relatifs aux parloirs familiaux. En ce qui concerne les unités de vie familiale, vous nous avez dit que tous les établissements pénitentiaires nouveaux en comporteraient une : cela ne représente que quelques unités, car seuls cinq ou six établissements vont ouvrir dans les temps qui viennent.

Je voulais donc vous demander quelles actions vous comptiez mettre en œuvre pour doter l’ensemble des maisons d’arrêt et des maisons pour peines d’au moins une unité de vie familiale, voire plusieurs. En effet, aujourd'hui, dans de nombreux établissements on ne trouve pas de parloirs familiaux et encore moins d’unités de vie familiale.

Donc, existe-t-il au sein de votre ministère un programme visant à doter chaque établissement d’au moins une, voire plusieurs unités de vie familiale ?

Je vous remercie des réponses que vous voudrez bien m’apporter.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Les nouveaux établissements seront obligatoirement dotés d’unités de vie familiale. Dans les établissements déjà existants, un problème de configuration peut se poser. Des réaménagements sont possibles sur les programmes les plus récents. En revanche, dans les établissements plus anciens, parfois vétustes, se posent des problèmes d’organisation, de fonctionnement et de sécurité.

Dans de nombreux établissements - par exemple, à Nanterre, et dans un certain nombre de maisons centrales –, il a été possible d’aménager des parloirs familiaux, en réunissant des petites pièces où étaient installés des parloirs individuels. Chaque fois que c’est possible, on réalise ces aménagements. Sachez, monsieur le sénateur, que lorsqu’on ne le fait pas, ce n’est pas du tout par mauvaise volonté, mais parce qu’il existe des contraintes liées à l’immobilier.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 25 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 26 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15 bis.

(L'article 15 bis est adopté.)

M. Pierre Fauchon. Bravo ! Bel article !

Article 15 bis
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 16

Articles additionnels avant l'article 16

M. le président. L'amendement n° 117, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les prévenus d'office sont autorisés à contacter téléphoniquement les personnes titulaires d'un permis de visite, sauf opposition expresse du magistrat lors de la délivrance du permis. Les contacts avec d'autres personnes, y compris de la famille, sont soumis à autorisation, le magistrat peut s'y opposer s'il s'agit de la victime ou s'il existe un risque de pression ou de concertation frauduleuse.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Je suis persuadé que cet amendement va être unanimement adopté, car il a pour objet de simplifier une procédure, et nous avons tous à cœur d’élaborer des lois de simplification.

L’article 16 prévoit que les détenus ont le droit de téléphoner mais que les prévenus doivent obtenir l’autorisation de l’autorité judiciaire.

Je suggère une formulation plus simple et qui aurait également pour conséquence d’alléger le travail des magistrats. Dans la rédaction actuelle, en même temps que le juge accorde le droit de visite il décide du droit de téléphoner. Nous proposons, dès lors que le juge a accordé le droit de visite sans expressément s’opposer au droit de téléphoner, que ce droit soit acquis. Le juge peut toujours, au vu du dossier, refuser d’accorder le droit de téléphoner.

C’est une mesure de simplification et d’allégement du travail des magistrats.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’article 16 du projet de loi a pour effet d’étendre au prévenu le bénéfice de l’accès au téléphone, ce qui est déjà une innovation particulièrement importante. Néanmoins, il subordonne ce droit à l’autorisation du juge, ce qui peut, en effet, être justifié par les nécessités de l’enquête.

L'amendement n° 117 vise à lever cette autorisation préalable pour les personnes titulaires d’un permis de visite.

Votre commission a souhaité en rester à l’équilibre du texte qu’elle a proposé pour cet article. Elle a donc émis un avis défavorable.

Qui plus est, cet amendement pourrait éventuellement se retourner contre les prévenus, les permis de visite étant ensuite accordés moins facilement s’il y a automaticité entre permis de visite et droit de téléphoner.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’article 16 prévoit un régime commun d’accès au téléphone pour les prévenus et les condamnés ; il ne serait pas opportun de distinguer le régime applicable selon la catégorie juridique du détenu, comme l’ont proposé les auteurs de cet amendement.

L’administration pénitentiaire s’est fortement engagée dans l’installation de postes téléphoniques dans les maisons d’arrêt pour justement aboutir à la généralisation de l’accès au téléphone pour tous les détenus, prévenus et condamnés.

Mais on doit pouvoir également subordonner cet accès au téléphone à certaines conditions, qu’il s’agisse de condamnés ou de prévenus. Il est normal que l’on puisse le faire même pour les personnes condamnées, ne serait-ce que pour prévenir les risques d’évasion.

Le Gouvernement n’est donc pas favorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Je ferai observer à M. le rapporteur que son argument ne tient pas.

Il nous dit que notre amendement pourrait se retourner contre le détenu parce que le magistrat, s’il a quelques hésitations, risque de refuser le permis de visite pour ne pas autoriser la communication téléphonique. C’est faux, dans la mesure où nous précisons dans notre amendement que, au moment où il accorde le permis de visite, le magistrat peut refuser l’accès au téléphone.

Donc, je le répète, l’argument ne tient pas et je pense sincèrement - comme tout le monde vous le confirmera, y compris les magistrats, monsieur le rapporteur – que c’est une mesure de bon sens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 118, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus doivent être autorisés à communiquer aussi fréquemment que possible - par lettre, par téléphone ou par d'autres moyens de communication - avec leur famille, des tiers et des représentants d'organismes extérieurs, ainsi qu'à recevoir des visites desdites personnes.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. La réinsertion est notre obsession et nous savons qu’elle ne peut être facilitée que si le détenu garde des liens avec ses proches.

Cet amendement a donc pour objet de favoriser autant que possible la communication entre le détenu et ses proches par tous moyens. Il va vraiment dans le sens profond d’une grande loi pénitentiaire et est d’ailleurs conforme à la règle pénitentiaire européenne 24.1.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Comme elle l’a déjà souligné lors des précédents amendements sur la transcription des règles pénitentiaires européennes, la commission préfère la transcription concrète de principes plutôt que leur simple affirmation.

Elle constate que les principes posés dans cet amendement sont déclinés au travers de trois articles du projet de loi : l’article 15 bis pour les visites, l’article 16 pour les communications téléphoniques, l’article 17 pour la correspondance.

Cet amendement lui paraît donc satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’article 10 prévoit déjà le respect des droits des détenus, notamment le droit au respect de la vie privée et familiale, qui correspond d’ailleurs à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Les articles 15,  15 bis et suivants déclinent les différents moyens par lesquels s’exerce ce droit, que ce soient les visites, les communications téléphoniques, les correspondances.

Les dispositions prévues sont largement suffisantes et la fréquence de l’utilisation de ces moyens ne relève pas du domaine législatif. Tout est bien listé, et cette précision n’apparaît pas utile.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 16
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 17

Article 16

Les détenus ont le droit de téléphoner aux membres de leur famille. Ils peuvent être autorisés à téléphoner à d'autres personnes pour préparer leur réinsertion. Dans tous les cas, les prévenus doivent obtenir l'autorisation de l'autorité judiciaire.

L'accès au téléphone peut être refusé, suspendu ou retiré, pour des motifs liés au maintien de l'ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l'information.

Le contrôle des communications téléphoniques est effectué conformément aux dispositions de l'article 727-1 du code de procédure pénale.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l’article.

M. Louis Mermaz. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le vote des deux amendements présentés par M. Anziani aurait, à notre sens, éclairé l’article 16 qui recèle les mêmes ambiguïtés que l’article 15 sur les droits de visite.

Je le lis pour la clarté du débat : « Les détenus ont le droit de téléphoner aux membres de leur famille. Ils peuvent être autorisés à téléphoner à d'autres personnes pour préparer leur réinsertion. Dans tous les cas, les prévenus doivent obtenir l'autorisation de l'autorité judiciaire. » Il n’y a là rien à dire.

« L'accès au téléphone peut être refusé, suspendu ou retiré, pour des motifs liés au maintien de l'ordre et de la sécurité » – là, on retrouve l’intention, le vieux débat sur la dangerosité qui remonte aux sorcières de Salem ! – « ou à la prévention des infractions et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l'information. »

Qui décide du refus de l’accès au téléphone ? On a bien compris que c’était le juge qui délivrait l’autorisation. Mais qui peut refuser ou suspendre l’accès ? J’aimerais que M. le rapporteur veuille bien répondre à mes questions, car si l’on comprend qui autorise on voit nettement moins bien qui suspend.

Les exceptions aux appels téléphoniques sont à droit constant depuis le décret du 16 novembre 2007 : l’autorisation peut être refusée pour des motifs liés au maintien de l’ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l’information. Pour les prévenus, il s’agit de l’autorité judiciaire.

Comme actuellement, dans tous les cas, les prévenus doivent obtenir l’autorisation de l’autorité judiciaire, nous pensons que seule l’autorité judiciaire peut, pour ces détenus, suspendre cette autorisation. Mais qu’en est-il des condamnés ?

Je citerai les règles pénitentiaires européennes 24.1, 24.2 et 24.3 - c’est à cause de ces manifestations européennes que nous sommes réunis aujourd’hui, si j’ai bien compris.

« 24.1 – Les détenus doivent être autorisés à communiquer aussi fréquemment que possible - par lettre, par téléphone ou par d’autres moyens de communication – » – on pense à l’électronique – « avec leur famille, des tiers et des représentants d’organismes extérieurs, ainsi qu’à recevoir des visites desdites personnes. »

« 24.2. – Toute restriction ou surveillance des communications et des visites nécessaire à la poursuite et aux enquêtes pénales, au maintien du bon ordre, de la sécurité et de la sûreté, ainsi qu’à la prévention d’infractions pénales » – vous savez ce que j’en pense – « et à la protection des victimes – y compris à la suite d’une ordonnance spécifique délivrée par une autorité judiciaire – doit néanmoins autoriser un niveau minimal acceptable de contact.

« 24.3 – Le droit interne doit préciser les organismes nationaux et internationaux, ainsi que les fonctionnaires, avec lesquels les détenus peuvent communiquer sans restrictions. »

Le manque de clarté demeure : qui peut suspendre une autorisation pour les condamnés ?

En conclusion, il serait là aussi très utile que M. le rapporteur veuille bien nous apporter des précisions.

M. le président. L'amendement n° 28 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

téléphoner

insérer le mot :

régulièrement

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 28 rectifié et 29 rectifié, car ils sont complémentaires.

M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 29 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, et qui est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du premier alinéa de cet article par les mots :

ou à leurs proches 

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L'amendement n° 28 rectifié concerne le droit pour les détenus de téléphoner régulièrement.

Le droit pour le détenu de téléphoner participe au maintien de ses relations familiales, nous l’avons vu. Ce droit doit être aussi régulier que les visites, compte tenu de la difficulté qu’éprouvent certaines familles à se déplacer pour des raisons d’éloignement géographique ou simplement pour des raisons financières.

Pour certains détenus, c’est le seul moyen de maintenir quelques contacts ou quelques relations familiales normales.

Je vous rappelle que la règle pénitentiaire européenne 24.1 prévoit que les détenus doivent être autorisés à communiquer aussi fréquemment que possible, par téléphone.

II faut considérer cette exigence de régularité comme un impératif : c’est cette régularité qui assure le caractère continu et stable des relations du détenu avec sa famille et ses proches.

Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de nombreuses radios associatives qui diffusent des messages de familles à destination de proches ou d’amis qui sont détenus. Voilà comment aujourd’hui s’exerce souvent la communication avec les détenus, par ondes interposées.

Nous devons garantir aux détenus la possibilité de téléphoner régulièrement, surtout lorsque la famille est éloignée du lieu de détention.

L’amendement n° 29 rectifié vise à élargir l’éventail des personnes auxquelles le détenu peut téléphoner. En conséquence, il est proposé d’ajouter, aux membres de la famille, les proches.

En l’occurrence, l’article 16 prévoit que les détenus peuvent être autorisés à téléphoner à d’autres personnes que les membres de leur famille pour préparer leur réinsertion, et dans ce seul cas.

Les proches sont à mi-chemin entre ces deux catégories de personnes. Je souhaite donc savoir s’ils sont concernés par la première phrase de l’article 16 ou bien par la seconde phrase.

Il s’agit, par cet amendement, d’avoir la garantie que les proches sont considérés comme les membres de la famille au regard du droit de téléphoner.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je ne peux pas ne pas apporter à M. Mermaz une réponse qu’il connaît aussi bien que moi (Sourires) : les retraits d’autorisation sont effectivement de la compétence de l’administration pénitentiaire.

Cela étant dit, ayant demandé à prendre connaissance du contenu de certaines communications téléphoniques en milieu carcéral, j’ai constaté que celui-ci était parfois éloquent. On se dit alors qu’il est fondamental qu’une interdiction, ou, plus précisément, un retrait d’autorisation de téléphoner puisse très rapidement intervenir, ne serait-ce que pour préserver la sérénité la plus élémentaire des proches et parfois même de la famille la plus immédiate.

Sur l’amendement n° 28 rectifié de notre collègue Alima Boumediene-Thiery, insérer l’adverbe « régulièrement » ne nous semble pas une précision nécessaire. En effet, le détenu peut appeler sa famille aussi souvent qu’il le souhaite. En pratique, il l’appelle grâce à la carte téléphonique qu’il peut acquérir auprès de l’établissement pénitentiaire. D’ailleurs, dans certains établissements pénitentiaires, des systèmes de gratuité ont été mis en place pour les détenus indigents afin de leur permettre de téléphoner.

Concernant l’amendement n° 29 rectifié, nous avons déjà abordé le même problème dans un amendement précédent. La notion de « proches » à laquelle fait référence l’amendement ne paraît pas suffisamment précise. La commission propose, pour les personnes condamnées, de réserver l’accès au téléphone sans autorisation préalable aux communications avec les seuls membres de la famille. Nous ne sommes pas hostiles à cette différenciation entre la famille et les proches.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En ce qui concerne l’amendement n° 28 rectifié, l’adverbe proposé n’ajoute rien aux droits dont jouissent les personnes détenues. Aussi, nous sommes défavorables à cet amendement.

Sur l’amendement n° 29 rectifié, le régime des communications téléphoniques, comme celui des visites, pour les membres de la famille du détenu, est un régime favorable puisque ces communications sont de droit, sauf pour des raisons de sécurité.

Le Gouvernement est donc opposé à l’extension du régime favorable dont bénéficient les membres de la famille sur le fondement du droit au respect de la vie privée et familiale, notamment à son extension à la catégorie imprécise des « proches ».

Aujourd’hui, les détenus peuvent communiquer avec toute personne autre que les membres de leur famille, c’est-à-dire avec leurs proches, dès lors que ceux-ci contribuent à préparer leur réinsertion, ce qui est le cas dans la très grande majorité des situations.

En conséquence, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l'amendement n° 29 rectifié.

M. Jean-Pierre Michel. Il faut déterminer le sens du terme « famille », même si cela peut sembler saugrenu.

Qu’est-ce que la famille ? Pour les frères, les sœurs, les parents, il n’y a pas de problème, nous sommes d’accord. Ensuite, au niveau du couple, il y a les gens mariés ou pacsés ; mais ceux qui ne le sont pas… Font-ils ou non partie de la famille ? Et les enfants nés hors mariage, qui ne sont pas reconnus, appartiennent-ils à la famille ?

Le Gouvernement tend d’ailleurs à élargir cette notion. Si Mme Morano vient de déposer un projet de loi sur le statut des beaux-parents, c’est bien parce que le terme « famille » lui paraît beaucoup trop étroit par rapport à la réalité de la vie actuelle.

Le mot « proches » est beaucoup plus près de la réalité. En conséquence, il faut à tout prix adopter cet amendement n° 29 rectifié !

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous avez raison, la notion de « famille » est devenue de plus en plus élargie.

Il existe cependant des actes juridiques comme le PACS ou le mariage. Donc, un lien familial réunit les enfants, les parents et les cousins.

Par ailleurs, nous avons une conception très large de la notion de « famille », mais, si vous souhaitez apporter cette précision, on peut le faire par décret, plutôt que dans la loi.

À titre anecdotique, je citerai cependant le cas de détenus qui changent de petite amie pendant leur incarcération : la nouvelle petite amie est tout de même considérée comme un membre de la famille.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et l’ancienne ? (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 232, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :

au maintien de l'ordre et de la sécurité ou

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement s’inscrit dans la logique de ceux que nous avons déposés sur les autres articles puisqu’il s’agit de supprimer la restriction des droits, en l’occurrence du droit de téléphoner.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur la suppression des critères relatifs à l’ordre et à la sécurité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous avons abordé cette question avec d’autres amendements et nous avions alors émis un avis défavorable. Nous maintenons notre position : avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment conserve-t-on une trace des décisions de l’administration pénitentiaire ? Par exemple, lorsqu’elle supprime l’accès d’un détenu au téléphone, cette suppression pourra-t-elle être motivée précisément ?

Le contrôleur général des prisons bénéficiera de l’aide de contrôleurs délégués. Mais si nous n’avons jamais de traces des raisons pour lesquelles l’administration pénitentiaire exerce son droit de suspension, de restriction ou de suppression de droits octroyés aux détenus, comment la situation pourra-t-elle évoluer vers ce que nous souhaitons tous, à savoir le respect des droits élémentaires de la personne, sauf cas de nécessité absolue ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 232.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

Article 16
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 18

Article 17

Les personnes condamnées et, sous réserve que l'autorité judiciaire ne s'y oppose pas, les personnes prévenues, peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix.

Le courrier adressé ou reçu par les détenus peut être contrôlé et retenu par l'administration pénitentiaire lorsque cette correspondance paraît compromettre gravement la réinsertion du détenu ou le maintien de l'ordre et la sécurité. En outre, le courrier adressé ou reçu par les prévenus est communiqué à l'autorité judiciaire selon les modalités qu'elle détermine.

M. le président. L'amendement n° 30 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le courrier adressé ou reçu par les détenus est transmis ou remis dans un délai raisonnable et sans altération.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le droit de correspondance du détenu ne doit pas faire l’objet de restrictions injustifiées et doit préserver le droit du détenu de communiquer avec l’extérieur.

Par cet amendement, nous proposons de préciser que le courrier du détenu est protégé contre toutes les formes de lenteur ou d’altération. En effet, ce sont des restrictions injustifiées au droit de correspondance du détenu.

La question de la lenteur n’est pas illusoire : parfois, la lenteur se transforme même en absence d’acheminement ! On en trouve un exemple dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme puisque dans l’affaire Frérot, la France a été condamnée en raison du refus, par le directeur de Fleury-Mérogis, d’acheminer un courrier de détenu.

La question de la lenteur d’acheminement est également importante lorsqu’il s’agit d’un courrier adressé au greffe d’une juridiction, telle que la Cour européenne des droits de l’homme. Ainsi, le courrier, réapparaît par magie après le délai de forclusion, et le détenu est donc privé de son droit de recours.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’article 3-2 de l’Accord européen concernant les personnes participant aux procédures devant la Cour européenne des droits de l’homme pose le principe de la célérité de transmission des correspondances des détenus.

Pour toutes ces raisons, nous proposons de préciser que le courrier du détenu est transmis ou remis dans un délai raisonnable et sans altération.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. D’une part, nous avons quelques doutes sur le caractère législatif du contenu.

D’autre part, et surtout, la référence à l’absence d’altération du courrier pourrait être contradictoire avec la possibilité d’un contrôle prévue par le second alinéa de l’article 17.

Aussi, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le délai de transmission du courrier est lié aux opérations de contrôle du contenu opérées par l’administration pénitentiaire comme par les autorités judiciaires.

Cependant, la situation s’est beaucoup améliorée, les délais de transmission du courrier étant maintenant très raisonnables. Néanmoins, dans certains cas, le courrier reste soumis à des contrôles, il faut donc accorder les délais nécessaires.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

J’aimerais maintenant répondre à Mme Borvo Cohen-Seat au sujet du refus d’accès au téléphone. Celui-ci peut faire l’objet d’un recours devant le juge administratif. En outre, lorsque les détenus sont écoutés, ils en sont toujours informés. Bien sûr, si au cours de la communication, un détenu donne, par exemple, des modalités d’évasion, la conversation est interrompue.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’avais bien compris !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 32, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, après le mot :

contrôlé

insérer les mots :

 , en présence du détenu, 

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le principe du contrôle du courrier des détenus est régi par le code de procédure pénale dans des termes volontairement flous.

L’article  D. 416 de ce code prévoit ainsi que « les lettres de tous les détenus, tant à l’arrivée qu’au départ, peuvent être lues aux fins de contrôle ».

Il n’est donné, volontairement, aucune autre précision sur la nature de ce contrôle ni sur sa régularité. Il en découle une certaine paranoïa, entretenue par l’administration pénitentiaire, sur la réalité de ces contrôles et sur leur fréquence.

Afin de s’assurer de leur fréquence et du caractère fondé d’une retenue, nous proposons que le contrôle soit effectué en présence du détenu. Cela aura pour effet d’éviter les retenues abusives, qui ne sont pas fondées en droit, et de permettre au détenu de savoir immédiatement quel courrier a été contrôlé et éventuellement retenu.

M. le président. L'amendement n° 120 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, après le mot :

pénitentiaire

insérer les mots :

en présence du détenu

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement va dans le même sens que le précédent.

La correspondance est un élément essentiel de la vie d’un détenu. Elle fait l’objet de contrôles et de rétentions pour les motifs énoncés dans le texte.

Je rejoins les propos de ma collègue : évitons une source de crispation inutile ! Le détenu ne doit pas avoir le sentiment, à tort ou à raison, que ce contrôle s’exerce au-delà des critères prévus par les textes.

Si le contrôle prenait la forme d’un échange, c’est-à-dire s’il avait lieu en présence du détenu et non sans le détenu, cela améliorerait peut-être aussi la vie en prison, pour ceux qui contrôlent comme pour ceux qui sont contrôlés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cette précision selon laquelle le contrôle du courrier devrait avoir lieu en présence du détenu n’a pas du tout convaincu la commission.

Dans la pratique, elle risque en effet de soulever des difficultés. Par ailleurs, contrairement à l’effet recherché, elle pourrait avoir un effet vexatoire. Imaginez la situation, mes chers collègues : je suis l’agent de l’administration pénitentiaire, je me tourne vers le détenu, j’ouvre le courrier, je commence à lire devant lui pour finalement refuser de lui transmettre la lettre en question !

Ce serait aller à l’encontre des objectifs qui sont les vôtres.

En conséquence, nous sommes défavorables aux amendements nos 32 et 120 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, nous émettons un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Peut-être les choses pourraient-elles se dérouler d’une manière moins caricaturale.

Ainsi, lors du contrôle, si on décide de retenir le courrier, il faudrait alors aller expliquer les raisons de cette décision au détenu tout en écoutant ses arguments. Cela ne pourrait avoir que des vertus positives.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Imaginez comment les choses pourraient se passer à Fleury-Mérogis, qui est la plus grande prison d’Europe, s’il fallait à chaque contrôle de courrier, aller voir le détenu, lire sa lettre, lui annoncer que telle ou telle partie ne convient pas et que cette lettre ne peut donc pas lui être remise. Cela me semble peu respectueux de la dignité de la personne et matériellement guère faisable. Je ne vois pas ce qu’apporte la présence du détenu lors de la lecture du courrier.

Par ailleurs, nous ne sommes pas là dans une procédure contradictoire, pendant laquelle le détenu peut être amené à s’expliquer sur le contenu des courriers interceptés. C’est non pas à l’administration pénitentiaire mais à l’autorité judiciaire qu’il revient de demander au détenu des explications.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 233, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

À la fin de la première phrase du second alinéa de cet article, supprimer les mots :

ou le maintien de l'ordre et de la sécurité

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Notre amendement a également pour objet de supprimer certaines restrictions aux droits des détenus, en l’occurrence au droit de correspondance. Dans ce domaine, le texte maintient le statu quo, puisqu’il n’apporte aucune amélioration réelle, en ce qui concerne le contrôle du courrier ou sa rétention par l’administration pénitentiaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 233.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 31 rectifié bis, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le courrier adressé ou reçu par les détenus dans le cadre de l'exercice de leur défense ne peut être ni contrôlé ni retenu.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet de préciser que les correspondances du détenu pour l’exercice de sa défense ne doivent en aucun cas être contrôlées ou retenues.

La confidentialité des échanges entre le détenu et son avocat doit être inscrite dans la loi pénitentiaire, car il s’agit d’une garantie fondamentale du droit à un procès équitable.

À ce propos, il convient de préciser que le principe de confidentialité s’applique que l’avocat ait ou non assisté le détenu au cours de son procès. Ce principe découle d’ailleurs d’un rapport de la Commission européenne des droits de l’homme du 1er décembre 1998, dans lequel la France a été condamnée pour avoir appliqué cette discrimination.

Depuis le décret du 13 décembre 2000, le code de procédure pénale prévoit expressément le principe de la confidentialité des correspondances des détenus avec leur avocat. Aussi, nous vous proposons de donner à cette règle une valeur législative.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que les dispositions de l’article D. 69 du code de procédure pénale, qui ne semble pas poser problème aujourd'hui, sont suffisantes. Elle a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Nonobstant la référence au texte en vigueur de M. le rapporteur, nous voterons en faveur de cet amendement. En effet, nous estimons qu’il est très important d’inscrire dans la loi le droit pour le détenu de communiquer sans aucune restriction avec son avocat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié bis, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :  

Le courrier transmis au Médiateur de la République ou à toute autre autorité de contrôle des conditions de prise en charge des détenus, ainsi que celui adressé par ces mêmes autorités au détenu, ne peut être ni contrôlé ni retenu.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement, procédant de la même idée que l’amendement n° 31 rectifié bis, vise à étendre le bénéfice de la confidentialité des correspondances à celles qui sont échangées avec le Médiateur de la République ou toute autre autorité de contrôle des conditions de prise en charge des détenus.

Cette exigence paraît logique : il n’est pas concevable que le courrier d’un détenu dont l’objet est de décrire les conditions de sa détention puisse être censuré.

La loi doit garantir au détenu la possibilité de communiquer, sous pli fermé et dans la confidentialité la plus totale, avec certaines autorités investies d’un pouvoir de contrôle.

Ainsi en est-il des parlementaires, qui doivent pouvoir recevoir des courriers régulièrement afin de s’assurer des conditions de détention. C’est d’ailleurs un préalable nécessaire à toute saisine du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Nous vous proposons donc d’inscrire dans la loi que la correspondance du détenu avec le Médiateur de la République ou toute autre autorité chargée du contrôle des lieux de privation de liberté est confidentielle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ma chère collègue, la commission ne souhaite pas se livrer à cette énumération, où pourraient figurer le Médiateur de la République et ses délégués, les parlementaires, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté et ses délégués. À ses yeux, celle-ci semble relever non pas du domaine de la loi mais du domaine du règlement. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque l'administration pénitentiaire décide de retenir le courrier d'un détenu, elle lui notifie sa décision.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet d’inscrire dans la loi pénitentiaire une règle prévue par la circulaire du 19 décembre 1986.

Cette circulaire exige que le détenu soit informé de la rétention d’un courrier et de ses motifs. Or, dans la pratique, la notification d’une retenue n’est pas automatique – elle est même rare –, alors que c’est elle qui permet au détenu d’exercer un recours pour faire contrôler les motifs de la retenue.

La notification est le point de départ de tout recours, qu’il soit hiérarchique, c’est-à-dire exercé auprès du chef d’établissement, ou contentieux, devant le tribunal administratif.

Nous vous proposons de mettre noir sur blanc dans la loi la règle de la notification de toute retenue de courrier au détenu, de manière à garantir un contrôle automatique des retenues par les voies de droit existantes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a estimé que la préoccupation de Mme Boumediene-Thiery était tout à fait fondée et qu’il était indispensable que le détenu soit informé si son courrier n’a pas pu lui être distribué. Elle a donc émis un avis favorable sur cet amendement, même si elle est bien consciente que cette disposition devrait plutôt relever du domaine règlementaire.

Si la commission était certaine que cette disposition allait être prise par décret, elle pourrait se ranger à l’opinion du Gouvernement. En tout état de cause, il lui importe que cette préoccupation soit satisfaite.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cette exigence de notification est légitime, mais elle est déjà satisfaite par l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979, aux termes duquel les personnes physiques sont informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent, lesquelles sont motivées. Cette mesure est déjà applicable aux détenus et à l’administration pénitentiaire. Aussi, le Gouvernement estime qu’il n’est pas nécessaire de prévoir cette disposition dans la loi pénitentiaire. Comme M. le rapporteur vient de le dire, une telle disposition peut être prise par décret, puisqu’elle relève non pas du domaine de la loi, mais bien du domaine réglementaire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Dans ces conditions, je laisse juge notre collègue Boumediene-Thiery de l’opportunité de retirer son amendement au vu des explications apportées par Mme le garde des sceaux. Si tel n’est pas le cas, la commission des lois, qui a donné un avis favorable sur son amendement, le votera.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 34 rectifié est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. J’estime qu’il est préférable d’inscrire dans la loi la garantie de notification, qui, je le rappelle, est le point de départ obligatoire de tout recours.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.

(L'article 17 est adopté.)

Article 18

Les détenus doivent consentir par écrit à la diffusion ou à l'utilisation de leur image ou de leur voix lorsque cette diffusion ou cette utilisation est de nature à permettre leur identification.

L'administration pénitentiaire peut s'opposer à la diffusion ou à l'utilisation de l'image ou de la voix d'une personne condamnée, dès lors que cette diffusion ou cette utilisation permet son identification et que cette restriction s'avère nécessaire à la sauvegarde de l'ordre public, à la prévention des infractions, à la protection des droits des victimes ou de ceux des tiers ainsi qu'à la réinsertion du détenu. Pour les prévenus, la diffusion et l'utilisation de l'image ou de la voix sont autorisées par l'autorité judiciaire.

Article 17
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Article 18 bis

M. le président. L'amendement n° 36 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, après les mots :

d'une personne condamnée,

insérer les mots :

par décision motivée intervenant avant ladite diffusion ou utilisation,

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement est relatif à la censure dont peut faire l’objet un détenu dans l’exercice de sa liberté d’expression.

En effet, l’article 18 prévoit qu’un détenu n’a pas la libre disposition de son image ou de sa voix et qu’il ne peut communiquer avec des journalistes qu’avec l’accord de l’administration pénitentiaire.

Pour les mêmes raisons que pour la censure des correspondances, il est nécessaire que toute interdiction de communication avec l’extérieur soit notifiée au détenu et, surtout, justifiée.

Nous vous proposons donc de prévoir que toute interdiction de diffusion ou d’utilisation de l’image ou de la voix d’un détenu doit être motivée en droit comme en fait.

Il convient en effet d’appliquer les mêmes règles à ce type d’informations qu’en ce qui concerne le contrôle des correspondances et qu’elles aient les mêmes effets : la possibilité pour le juge de contrôler le caractère abusif de l’interdiction.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’opposition de l’administration pénitentiaire à l’utilisation par un détenu de son image ou de sa voix est strictement et minutieusement encadrée par le projet de loi. Il n’a pas semblé nécessaire à la commission de prévoir une motivation spéciale. L’avis sur cet amendement est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 37 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

À la fin de la première phrase du second alinéa de cet article, supprimer les mots :

ainsi qu'à la réinsertion du détenu

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Les restrictions au droit du détenu de communiquer avec l’extérieur, y compris avec la presse, doivent être d’interprétation stricte.

Les règles pénitentiaires nous fournissent un cadre précis concernant les justifications possibles au droit des détenus de communiquer avec les médias : la règle pénitentiaire européenne 24.12 prévoit en effet que des limitations peuvent être adoptées « au nom de la sécurité et de la sûreté, de l’intérêt public ou de la protection des victimes, des autres détenus et du personnel ».

Il n’est fait référence nulle part à la réinsertion du détenu. Il s’agit d’un critère trop vague, qui ne manquera pas de justifier des censures abusives. En effet, tout peut être contraire à la réinsertion d’un détenu. Ainsi, le fait même de s’exprimer est un obstacle à sa réinsertion puisqu’il est exposé et sort de l’anonymat.

Dans ce cas, ce critère devient un critère fourre-tout, qui justifiera les censures les plus injustifiées.

Nous vous proposons de supprimer ce critère afin d’éviter que le détenu ne subisse une censure injustifiée dans l’exercice de son droit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Pour la commission, la restriction tenant à l’objectif de réinsertion au droit à l’utilisation par le détenu de son image ou de sa voix peut être utile. Elle est d’ailleurs retenue dans plusieurs autres articles, notamment celui qui concerne le droit de visite. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 35 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'alinéa précédent n'exclut pas la possibilité, pour le prévenu, d'exercer son droit à la protection de son image mentionné au I de l'article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Lorsqu’on examine l’article 18 du projet de loi, on constate que le droit du détenu de communiquer avec les médias n’est envisagé que de manière négative. Seul le premier alinéa permet d’entrevoir une esquisse d’un droit à l’image du détenu, même si l’alinéa suivant le réduit à néant.

Notre amendement concerne le droit à l’image des prévenus. En effet, l’article 35 ter de la loi du 15 juin 2000 a intégré dans notre droit un principe visant à garantir le respect de la présomption d’innocence des prévenus dans la presse, en sanctionnant toute utilisation de l’image d’un prévenu sans son consentement.

Nous vous proposons d’intégrer dans la loi pénitentiaire ce principe, qui permet d’ailleurs aux prévenus, comme le démontre une jurisprudence foisonnante, de revendiquer le droit au respect de leur image devant les juridictions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement est redondant. En effet, le premier alinéa de l’article 18 contient déjà cette garantie.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je rappelle que les dispositions de la loi du 29 juillet 1881 s’appliquent. Cet amendement est donc inutile.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

Article 18
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Article 19

Article 18 bis

Tout détenu a droit à la confidentialité de ses documents personnels. Ces documents peuvent être confiés au greffe de l'établissement qui les met à la disposition de la personne concernée.

M. le président. L'amendement n° 121, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les documents mentionnant le motif d'écrou du détenu sont, dès l'arrivée des détenus, obligatoirement confiés au greffe.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. L’adoption de cet amendement pourrait avoir des conséquences très importantes pour la vie des détenus. Je pense plus particulièrement à ceux qui sont incarcérés pour des délits ou des crimes sexuels.

Je suis favorable à l’article 18 bis, mais je souhaite aller plus loin. En effet, si la remise des documents reste une simple possibilité, nous risquons d’avoir affaire à deux catégories de détenus : ceux qui laisseront au greffe les documents mentionnant le motif d’écrou et ceux qui les emporteront avec eux en cellule. Celui qui laissera ces documents au greffe risque donc d’être immédiatement stigmatisé par les autres détenus. Pourquoi ne souhaite-t-il pas les garder avec lui, pourquoi ne veut-il pas que les autres puissent les consulter ? Or on sait le sort qui peut parfois être réservé aux délinquants ou aux criminels sexuels en prison.

Il me semble beaucoup plus sage que les documents mentionnant le motif d’écrou de tous les détenus soient obligatoirement confiés au greffe, où chacun pourra librement consulter son dossier. Cet amendement conforte donc le texte de la commission en apportant une garantie supplémentaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est tout à fait en phase avec l’amendement de M. Anziani. Je me souviens en effet d’un meurtre lié à la découverte par le codétenu qu’il partageait sa cellule avec un « pointeur », comme on dit dans le milieu carcéral.

Cet amendement conforte donc le nouveau droit introduit par la commission concernant la confidentialité des documents personnels du détenu. En effet, certains ne mesurent pas les conséquences qu’aurait la découverte par leur codétenu de leur dossier judiciaire. L’obligation de remettre au greffe dès leur arrivée des documents mentionnant le motif d’écrou permettra de renforcer leur protection.

La commission a donc émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Deux mots : excellente disposition !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Excellente explication de vote ! (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18 bis, modifié.

(L'article 18 bis est adopté.)

Section 4

De l'accès à l'information

Article 18 bis
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Article 19 bis (début)

Article 19

Les détenus ont accès aux publications écrites et audiovisuelles. Toutefois, l'autorité administrative peut interdire l'accès des détenus aux publications contenant des menaces graves contre la sécurité des personnes et des établissements ou des propos ou signes injurieux ou diffamatoires à l'encontre des agents et collaborateurs du service public pénitentiaire ainsi que des personnes détenues.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 64 rectifié est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

L'amendement n° 122 est présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer la seconde phrase de cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 64 rectifié.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à supprimer les restrictions imposées par cet article au droit de recevoir des informations.

Le droit de recevoir des informations fait partie intégrante du droit à la liberté d’expression. Il ne peut donc souffrir d’aucune des restrictions rigoureuses contenues dans le projet de loi.

En effet, le droit des détenus de lire le journal ou de regarder la télévision est le seul contact dont ils bénéficient avec l’extérieur. Cette fenêtre vers l’extérieur doit être préservée de toute censure. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : l’article 19 organise une censure intolérable !

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer la seconde phrase de l’article 19.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 122.

M. Alain Anziani. Supprimer les restrictions va de soi. En effet, le droit commun interdit déjà qu’un certain nombre de publications contiennent des propos injurieux ou diffamatoires.

Mme le garde des sceaux ne peut pas s’opposer à nos amendements pour une raison simple : il y a quelques minutes, elle a justifié l’inutilité de l’amendement n° 35 rectifié par l’existence de la loi de 1881. Or ce texte s’applique aussi ici, puisqu’il prévoit un certain nombre d’interdictions qui rendent tout à fait inutiles les précisions apportées dans la seconde phrase de l’article 19.

M. le président. L'amendement n° 41 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase de cet article, après le mot :

graves

insérer les mots :

et précises 

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s’agit d’un amendement de repli.

À défaut de supprimer la seconde phrase de cet article, il faut encadrer les restrictions au droit des détenus de recevoir les informations aux seuls cas de menaces graves et précises. Ce critère de précision des menaces figure déjà dans le code de procédure pénale en ce qui concerne la retenue des courriers des détenus. Nous proposons donc de le transposer à l’article 19 afin de garantir que la simple gravité des menaces ne puisse justifier à elle seule une censure.

Ce critère permet en outre de s’assurer que seules des menaces précises, c’est-à-dire celles qui visent une personne en particulier, peuvent justifier les restrictions au droit du détenu de s’informer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les restrictions à l’accès aux publications écrites et audiovisuelles ont été encadrées par la commission. Il nous semble qu’elles peuvent être justifiées, y compris, comme l’a prévu la commission, pour interdire les publications contenant des propos injurieux ou diffamatoires à l’encontre des personnes détenues.

Prenons l’amendement n° 121, qui vient d’être adopté par le Sénat, à l’unanimité, je crois. Si une publication contient une stigmatisation, notamment en direction d’un délinquant sexuel, nous perdrons le bénéfice de cette mesure.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 64 rectifié et 122.

Quant à l’amendement n° 41 rectifié, la référence aux menaces graves paraît encadrer suffisamment l’appréciation de l’administration pénitentiaire.

La commission a donc également émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’article 19 élève au niveau législatif les restrictions susceptibles d’être apportées à l’accès aux publications écrites et audiovisuelles.

L’objectif est d’encadrer l’action de l’administration pénitentiaire, de garantir la bonne exécution de l’accès aux publications et de concilier le respect des droits des détenus avec les impératifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité dans l’établissement.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 64 rectifié et 122.

Sur l’amendement n° 41 rectifié, je rejoins tout à fait les arguments avancés par M. le rapporteur.

Le texte de la commission comble un vide législatif et dote désormais l’administration pénitentiaire d’un outil qui lui faisait défaut.

L’article D. 444 du code de procédure pénale, qui vise les publications contenant des menaces précises contre la sécurité des personnes ou celle des établissements pénitentiaires, est désormais inadapté. La rédaction de la commission, qui fait référence à des « menaces graves », est amplement suffisante. D’ailleurs, quand des menaces sont graves, c’est qu’elles sont précises.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 64 rectifié et 122.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19.

(L'article 19 est adopté.)

Section 4 bis

De la sécurité

Article 19
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Article 19 bis (interruption de la discussion)

Article 19 bis

L'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels.

Même en l'absence de faute, l'État est tenu de réparer le dommage résultant du décès provoqué, au sein d'un établissement pénitentiaire, par l'agression d'une personne détenue.

Lorsqu'une personne détenue s'est donné la mort, l'administration pénitentiaire informe immédiatement sa famille ou ses proches des circonstances dans lesquelles est intervenu le décès et facilite, à leur demande, les démarches qu'ils peuvent être conduits à engager.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il a paru indispensable à la commission que soit rappelée dans la loi l’obligation pour l’administration pénitentiaire d’assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux, collectifs ou individuels.

Au-delà de l’affirmation de ce principe, parce que l’on pourrait nous reprocher de ne pas être concrets, la commission a souhaité en tirer les conséquences de manière plus précise.

D’une part, elle a introduit une responsabilité sans faute de l’État pour les décès intervenus en prison à la suite d’une agression par un détenu. Le cas se produit rarement – et c’est heureux ! –, mais il signale un manquement très grave de l’État à ses obligations.

Aucun personnel n’est décédé dans ces circonstances depuis 1992, mais, en 2007, deux détenus sont morts du fait de violences commises par leur codétenu. En outre, il y a quelques jours, un drame de ce genre s’est déroulé à Lannemezan.

Monsieur le président de la commission des lois, une fois n’est pas coutume, notons que la commission des finances nous a épargnés sur ce point.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne leur donnons pas des idées !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. D’autre part, en cas de suicide d’une personne détenue, la commission a souhaité assigner à l’administration pénitentiaire l’obligation d’informer immédiatement sa famille et ses proches et, si ceux-ci le souhaitent, de faciliter autant que possible leurs démarches. En effet, comme l’a souligné le professeur Jean-Jacques Dupeyroux lors de son audition, les familles des détenus se heurtent parfois au silence de l’administration, ce qui ne peut qu’aggraver leur désarroi.

Le suicide d’un détenu est un drame pour sa famille. C’est aussi un drame pour le personnel pénitentiaire. Mais ne soyons pas naïfs, ces situations se reproduiront encore, malheureusement. Il faut donc que tout soit fait pour aider les familles.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, sur l'article.

M. Alain Anziani. Il s’agit d’un très bon article, qui montre d’ailleurs tout l’apport de la commission des lois et de son rapporteur. Dans le texte initial en effet, ce droit n’était pas consacré.

Cette rédaction a eu la chance de passer la barrière de la commission des finances. Mon amendement, quant à lui, a été frappé en plein vol par l’article 40.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Vous n’avez pas été le seul !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. N’en parlons plus !

M. Alain Anziani. J’en parle, parce que je trouve absurde que l’on ne puisse pas écrire « résultant du décès ou de séquelles ».

Le fait que, même en l’absence de faute, l’État est tenu de réparer le dommage résultant du décès provoqué par l’agression d’une personne détenue est une très bonne chose. Mais pourquoi, dans la même prison, au sein de la même cellule, un détenu qui perd la vue, par exemple, à cause de ses codétenus ne peut-il obtenir réparation ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il est plus facile d’obtenir réparation quand on est encore vivant…

M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

protection effective

insérer les mots :

de sa dignité et

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. À mon sens, l’article 19 bis est l’un des plus importants du projet de loi. Nous le devons d’ailleurs à l’audace de notre rapporteur, et nous soutiendrons son adoption.

La responsabilité sans faute qui est instituée est à certains égards une révolution juridique importante et bienvenue, même si je regrette que cette responsabilité ne soit pas étendue aux cas de suicides, puisque la protection du droit à la vie des détenus constitue également une obligation positive de l’État au regard de la Convention européenne des droits de l’homme.

Mon amendement a pour objet de compléter le premier alinéa de cet article en y intégrant, une fois de plus, le respect de la dignité du détenu. La dignité, cette fameuse notion qui fait si peur…

Je suis consciente que nous aurons beaucoup de peine à faire respecter cette exigence et que l’administration croulera sous les condamnations si un tel principe est reconnu, mais je ne désespère pas qu’un jour la dignité du détenu soit enfin respectée dans ces lieux.

La dignité des détenus ne sera pas respectée tant que le problème de la surpopulation carcérale ne sera pas réglé une bonne fois pour toutes. En attendant, la France est sous le spectre permanent d’une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme en raison des conditions déplorables de prise en charge des détenus.

Mes chers collègues, si nous ne posons pas une nouvelle fois le principe du respect de la dignité du détenu, nous passerons à côté de l’essentiel. En effet, ce principe est le moteur de toute politique pénitentiaire qui se prétend respectueuse des droits des détenus, car il en est la source fondamentale. Tous les droits des détenus découlent de ce principe.

Je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit à son sujet depuis le début de l’examen de ce texte. Je vous invite à faire preuve de courage : le courage d’accepter que nos prisons ne soient plus les mouroirs de la République, le courage de mettre un terme aux traitements inhumains et dégradants dont sont victimes les détenus, le courage de ne pas attendre encore cinq ans avant que le principe d’encellulement individuel entre vigueur et que la dignité des détenus soit enfin respectée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a estimé qu’il fallait garder à l’article 19 bis son objet précis, qui est la sécurité des personnes détenues.

En outre, le respect de la dignité des personnes est couvert par l’article 1er et désormais par l’article 10 du projet de loi, que nous avons modifié hier en ce sens.

C’est pourquoi la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettrait un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’article 19 bis est important, mais je ne peux pas laisser dire que sans cet article l’administration pénitentiaire n’a rien fait en la matière.

Il faut rendre justice à l’administration pénitentiaire, qui a toujours réalisé toutes les démarches pour prévenir les familles et les proches en cas de décès. Pour les cas les plus dramatiques, bien sûr, le choc est tel qu’il peut parfois se produire un léger délai dans l’information des familles.

Par ailleurs, l’administration pénitentiaire ne connaît pas toujours l’environnement du détenu ; elle ne sait pas qui prévenir ou les coordonnées des intéressés ne sont pas à jour. Je pense notamment au récent décès d’un détenu dont l’administration ne connaissait pas le nom de la dernière petite amie.

Jusqu’à présent, l’administration pénitentiaire a toujours fait tout ce qui était en son pouvoir pour prévenir les familles et les proches lorsque survient un décès.

Je ne peux pas non plus laisser dire que les prisons sont des mouroirs ; ce n’est pas acceptable. Ainsi, le nombre de personnes décédées de mort violente en détention a été de deux en 2004, cinq en 2005, trois en 2006, deux en 2007, trois en 2008 et deux en 2009.

Ne caricaturons pas la situation dans les prisons ! Nous sommes tous d’accord pour améliorer les conditions de détention des personnes privées de liberté, mais il faut aussi reconnaître l’action de l’administration pénitentiaire pour éviter, justement, que les prisons ne deviennent des mouroirs.

J’en viens à l’amendement n° 38 rectifié. Le droit, pour toute personne détenue, au respect de sa dignité est désormais inscrit dans l’article 10 du projet de loi, que nous avons rédigé de manière consensuelle, hier, au terme d’un débat approfondi.

La notion de dignité ne nous effraie pas, elle n’effraie pas non plus l’administration pénitentiaire. Le principe du respect de la dignité de la personne détenue est déjà inscrit dans le texte, et ce dans plusieurs articles. (Mme Alima Boumediene-Thiery fait un signe de dénégation.) C’est pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, vous dites que la prison n’est pas un mouroir, mais elle l’est parfois puisque des détenus en fin de vie restent en prison, ce qui est pourtant contraire aux dispositions de la loi Kouchner.

Quant aux suicides en prison, ils sont nombreux, comme en témoigne l’actualité récente. Nul n’ignore qu’il existe de graves risques de suicide dans les établissements pénitentiaires.

Je ne dis pas que les suicides sont dus à l’administration pénitentiaire, qui n’est pas responsable du caractère suicidaire d’une personne, mais le passage à l’acte est facilité par le défaut de prise en charge des détenus sur le plan psychologique, ou par l’ignorance de leur état, comme ce fut le cas récemment à Nanterre, situation que ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin évoquera peut-être cet après-midi. Les carences dans la prise en charge psychologique du détenu, en particulier celle des arrivants, nouveaux ou récidivistes, favorise le passage à l’acte.

La Défenseure des enfants estime que le suicide des mineurs est quarante fois plus élevé en prison que dans la population des jeunes en général. Il y a bien une raison. L’administration pénitentiaire devrait être en mesure d’éviter le passage à l’acte.

Nous attendons les conclusions du rapport Albrand sur la prévention du suicide en prison. Il semble cependant avéré que le placement en quartier disciplinaire pousse au passage à l’acte. Il a été envisagé, pour y remédier, d’attribuer des vêtements et des draps en papier : ce n’est pas ainsi que l’on résoudra sérieusement le problème !

L’action de l’administration pénitentiaire est importante dans la prévention du passage à l’acte, encore faut-il lui en donner les moyens.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la ministre, vous avez la fâcheuse manie de m’opposer à l’administration pénitentiaire. Or ce n’est pas le cas, vous le savez bien. Je me rends souvent en prison et j’ai de très bonnes relations avec les agents. Je vous prie donc de ne pas caricaturer ainsi ma position.

J’y insiste, la notion de responsabilité sans faute est une véritable révolution juridique, que nous devons à notre commission.

Vous nous dites que les prisons ne sont pas des mouroirs. Mais, s’il y a de moins en moins de décès en prison, c’est tout simplement parce que les détenus agonisants sont évacués à l’hôpital. C’est l’administration pénitentiaire elle-même qui me l’a signalé.

Je tiens également à souligner que la mention du respect de la dignité des personnes détenues ne figure pas plusieurs fois dans le texte, mais une seule fois, à l’issue de la bataille que nous avons menée hier à l’article 10. Une seconde occurrence ne serait pas de trop !

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Vous avez raison de le souligner, madame Borvo Cohen-Seat, l’administration pénitentiaire doit œuvrer de plus en plus à la prévention du suicide en prison. Elle le fait avec les moyens dont elle dispose, en formant les personnels qui passent du temps avec les détenus, et ce dans des conditions de plus en plus difficiles. Elle ne saurait toutefois être tenue pour responsable des suicides.

Je tiens à souligner que des efforts sans précédent ont été accomplis en matière de santé en prison ces dernières années. La loi de 1998 instituant le principe des soins en prison fut une avancée, je le reconnais, mais elle a été votée sans les crédits nécessaires. Pour notre part, nous avons augmenté le nombre de médecins coordonnateurs en matière de suivi socio-judiciaire.

En matière de santé, nous avons également créé des hôpitaux-prisons, alors que le sujet était nié depuis des années. Une capacité d’une centaine de places est prévue d’ici à la fin de l’année 2009 ; elle devrait atteindre 710 places à l’horizon 2011-2012.

Par conséquent, nous faisons tout ce que nous pouvons pour prévenir les suicides et améliorer la prise en charge des détenus atteints de troubles, mais nous ne pouvons pas rattraper en quelques mois le retard qui a été accumulé pendant des années.

S'agissant du suicide des mineurs et des jeunes, pour lequel nous détenions quasiment le record en Europe, peut-être convient-il de s’interroger à l’échelle de la société tout entière ? Les problèmes sont bien sûr aggravés en milieu fermé.

Le taux de suicide a néanmoins fortement diminué, notamment en quartier disciplinaire – je vous ai cité les chiffres hier. Comme vous le savez, j’ai autorisé, par décret, les visites des familles dans les quartiers disciplinaires – ce qui n’avait donc pas été fait avant –, en particulier afin de prévenir les suicides. Nous devons en effet éviter qu’en prison des mineurs âgés de treize ou quatorze ans ne voient pas leurs familles pendant plusieurs mois. Nous devons favoriser le maintien des liens familiaux. Nous en donnons désormais les moyens à l’administration pénitentiaire.

Madame Boumediene-Thiery, je ne vous oppose pas à l’administration pénitentiaire, avec laquelle, je le sais, vous entretenez de bons rapports. Je vous ai ainsi donné l’occasion de le souligner et de dire tout votre attachement à l’excellent travail qui est réalisé en faveur des personnes détenues. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 19 bis (début)
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Discussion générale

3

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

Je demande à chacun d’être attentif au respect de ce temps de parole.

Conséquences de la suppression de la taxe professionnelle

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur les conséquences pour les collectivités locales de la suppression annoncée de la taxe professionnelle.

En effet, le 5 février dernier, non sans rappeler l’annonce faite il y a un an de la suppression de la publicité sur le service public de l’audiovisuel, le Président de la République a annoncé, cette fois-ci, la suppression de la taxe professionnelle en 2010. Et puis, plus rien, plongeant alors dans l’inquiétude les collectivités et les élus locaux, qui craignent une nouvelle improvisation intempestive.

Cette suppression profitera, bien évidemment, aux entreprises assujetties à un impôt sur lequel tout le monde, à commencer par ses concepteurs, s’accorde à dire, depuis des années, que son mode de calcul doit être revu. Il n’est pas envisageable que cette suppression ne fasse l’objet d’aucun remplacement par des ressources fiscales nouvelles préservant les collectivités locales. Or, sur la compensation, comme en son temps pour la publicité, le chef de l’État reste très flou, se contentant de dire : « il y a des possibilités autour de la taxe carbone ».

Dans un contexte de crise grave et au moment même où le Gouvernement sollicite les collectivités pour financer son plan de relance, l’enjeu est de taille : il y va de la survie et du maintien des politiques de proximité menées par les collectivités sur tous nos territoires. Plonger ainsi les collectivités dans l’incertitude amène celles-ci à freiner leurs investissements.

Faut-il rappeler dans cet hémicycle que les collectivités ont perçu l’année dernière plus de 28 milliards d’euros au titre de la taxe professionnelle, dont 17 milliards d’euros ont été affectés aux communes et aux intercommunalités ?

Cette taxe représente ainsi, à elle seule, 43 % de ce que rapportent les impôts directs locaux. La taxe professionnelle constitue donc une recette essentielle pour toutes les collectivités de notre pays et l’on comprend alors aisément l’émoi suscité par l’annonce de sa disparition chez les élus locaux de tous bords, comme le montrent d’ailleurs les réactions et les craintes exprimées par toutes les associations d’élus.

Ces inquiétudes sont, me semble-t-il, partagées sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée. En effet, monsieur le Premier ministre, trouver un impôt de substitution en un an ne sera pas chose facile, a fortiori dans la situation de crise économique actuelle.

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Jacques Mézard. Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement envisage-t-il toujours de supprimer la taxe professionnelle ? Si oui, quelles sont vos réelles intentions pour garantir la compensation des pertes de recettes ? Disposez-vous d’un calendrier précis ? De quelle façon le Parlement sera-t-il associé à ce chantier ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, votre question comporte un certain nombre des éléments de ma réponse et je ne doute pas qu’à la suite d’un travail de réflexion qui ne sera pas improvisé, auquel je souhaite associer des représentants de votre Haute Assemblée et de l’Assemblée nationale, nous arrivions à trouver les substituts auxquels vous faisiez référence.

Permettez-moi de rappeler quelques-uns des principes qui nous guideront.

Premièrement, nous en sommes d’accord, la taxe professionnelle n’est pas un bon impôt, ni dans son assiette, ni dans son taux, ni dans son mode de calcul.

Deuxièmement, la suppression de certaines de ses composantes – la base foncière subsistera, car elle constitue un lien étroit entre l’entreprise et le territoire – améliorera considérablement la compétitivité des entreprises et l’attractivité du territoire français.

Troisièmement, la suppression de la taxe professionnelle entraînera un allègement pour les entreprises : il est chiffré aujourd’hui à 11,4 milliards d’euros, soit, net d’impôt sur les sociétés, 8 milliards d’euros.

Avec l’ensemble des modes de calcul, la perte de recettes représente 22 milliards d’euros pour les collectivités locales ; elle sera intégralement compensée collectivité par collectivité, M. le Premier ministre l’a réaffirmé haut et fort.

Mme Christine Lagarde, ministre. Vous avez raison, il faut ensuite déterminer comment !

Tout d’abord, il est indispensable de conserver un lien entre les entreprises et le territoire. C’est la raison pour laquelle la partie foncière, en particulier le foncier industriel, doit demeurer un élément de base extrêmement important.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela ne suffit pas !

Mme Christine Lagarde, ministre. Ensuite, nous allons devoir chercher d’autres sources de financement qui permettront de compenser le manque à gagner, collectivité par collectivité.

M. Jean-Pierre Sueur. Dans quelle direction ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Certaines indications ont déjà été données ; il s’agit, notamment, de fractions supplémentaires de la TIPP et de la taxe sur les conventions d’assurance. D’autres pistes doivent être explorées, en particulier pour ce qui est de la base foncière industrielle ou de la valeur ajoutée.

Ce sont des pistes que nous examinerons de façon concertée et productive, après la conférence nationale des exécutifs que M. le Premier ministre réunira prochainement.

Quoi qu’il en soit, vous pourrez compter sur le Gouvernement, sous l’autorité de François Fillon, pour être extrêmement attentif à la compensation de la suppression de la taxe professionnelle pour les collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Difficultés de l'industrie automobile

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi

Les chiffres publiés en début de semaine sur l’activité du secteur automobile en France semblent indiquer que l’effet de la prime à la casse est en train de s’estomper et que les stocks de véhicules augmentent de nouveau. Le marché des véhicules particuliers a en effet reculé de 13 % le mois dernier par rapport à février 2008, alors que, dans le même temps, l’activité de ce secteur redémarre fortement en Allemagne. Les immatriculations ont en effet bondi de 22 % le mois dernier chez notre voisin, ce qui constitue un record pour un mois de février, selon l’association allemande des constructeurs automobiles.

Du fait de l’importance de ses stocks et de la faiblesse de son activité, l’industrie automobile française a considérablement réduit sa production. La plupart des entreprises de ce secteur ont d’ailleurs mis un terme à leurs contrats d’intérim, n’ont pas renouvelé les contrats de leur personnel en contrats à durée déterminée et sont passées d’une organisation de leur production en trois-huit à une organisation en deux-huit.

Dans ce contexte, les sous-traitants de l’industrie automobile sont évidemment les premiers touchés et on assiste à une augmentation inquiétante des plans sociaux dans ces entreprises.

Or, alors qu’il est possible de prendre livraison, en France, d’une automobile de marque étrangère dans des délais normaux de l’ordre de trois à quatre semaines après sa commande, on constate que ce délai est aujourd’hui de trois à quatre mois lorsqu’il s’agit de prendre livraison d’un véhicule de marque française. Et ce délai anormalement long se vérifie dans toutes les régions, quel que soit le constructeur et quel que soit le niveau de gamme du véhicule commandé.

De ce fait, les clients qui souhaitent acheter une voiture neuve se rabattent sur des véhicules de marque étrangère. Cette situation incompréhensible, qui ne correspond pas au discours des constructeurs français selon lesquels les stocks n’ont jamais été aussi importants, est inquiétante, car elle ne peut qu’aggraver la situation du secteur et accélérer les réductions d’emplois, notamment chez les sous-traitants.

Pouvez-vous nous indiquer comment le Gouvernement explique cette différence entre les faits et les discours et ce qu’il entend faire pour remédier à un comportement qui encourage les Français à acheter des véhicules de marque étrangère au détriment des constructeurs nationaux ? (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l’extraordinaire succès de la prime à la casse qui a été décidée en France, sur l’initiative du Président de la République, par le gouvernement de François Fillon. D’autres pays nous ont imités : j’en veux pour preuve la prime à la casse en Allemagne, qui a fait bondir le marché allemand de l’automobile de près de 20 %.

Il est vrai qu’il peut y avoir çà et là un certain nombre de tensions, car les constructeurs automobiles n’avaient pas anticipé ce succès.

Cependant, vous le savez bien, la prime à la casse n’est pas, à elle seule, susceptible de résoudre les problèmes de la filière automobile.

C’est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé avec François Fillon, dès le 9 février dernier, un « Pacte automobile » fondé sur un certain nombre de principes.

Il s’agit, d’abord, de la réactivité. C’est pourquoi les deux constructeurs automobiles français ont bénéficié d’un plan de soutien et de prêts : ont été débloqués 6,5 milliards d’euros à leur intention, avec des contreparties, et 2 milliards d’euros pour les banques des constructeurs, afin de financer les crédits.

Ensuite, nous n’avons pas traité uniquement le cas difficile des constructeurs automobiles : c’est l’ensemble de la filière qui a fait l’objet de l’attention des pouvoirs publics.

S’agissant de la sous-traitance automobile, sur l’initiative de Mme Christine Lagarde, OSEO pourra garantir jusqu’à 90 % des prêts.

Nous avons aussi mis en œuvre une indemnisation élargie du chômage partiel.

Quant à l’avenir, il s’articule autour d’un plan « véhicules décarbonés », avec une enveloppe de 250 millions d’euros pour les projets dits « verts ».

Par ailleurs, le crédit d’impôt recherche est l’élément le plus puissant de tous les pays développés pour financer les dépenses de recherche et de développement ; nous savons tous, monsieur le sénateur, combien l’innovation est la clé de la croissance de demain.

Christine Lagarde vient d’évoquer les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle. Celle-ci jouera aussi en faveur de l’industrie française. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a fait ce choix.

M. le président. Monsieur le secrétaire d’État, je vous prie de bien vouloir conclure !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Le Gouvernement est entièrement mobilisé : il ne laissera pas tomber la filière automobile française. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Chiffres de l'emploi et plan de relance

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

Jour après jour, la France bat de tristes records : les déficits deviennent abyssaux et le chômage explose ; 300 000 emplois ont été détruits ces six derniers mois, dont 90 200 pour le seul mois de janvier, soit déjà le tiers de vos prévisions pour 2009 !

M. Éric Doligé. Et dans les autres pays ?...

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous déclarez que la France résiste mieux que d’autres pays européens.

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n’est pas une consolation pour les centaines de milliers de nouveaux chômeurs.

Notre « résistance » n’est due qu’à notre spécificité : un service public fort et des dispositifs de protection sociale efficaces, auxquels le Gouvernement n’a cessé de s’attaquer ces dernières années.

M. Didier Boulaud. C’est exact !

M. Jean-Pierre Godefroy. Face à cette crise d’une gravité extrême, il faut des mesures fortes. Or non seulement vous avez tardé à réagir, mais les réponses que vous apportez sont totalement décalées par rapport à ce que vivent nos concitoyens.

Vous multipliez les annonces, mais la situation ne s’arrangera pas tant que vous ne remettrez pas en cause les dogmes qui fondent votre politique.

Il est évident qu’il faut supprimer la loi TEPA, qui est un boulet pour nos finances publiques. (Protestations sur les travées de lUMP.)

Concernant le bouclier fiscal, il coûte cher au budget de l’État, comme l’a montré la Cour des comptes, et encourage l’évasion fiscale, sans avoir le moindre effet positif sur l’activité économique.

M. René-Pierre Signé. À la casse !

M. Jean-Pierre Godefroy. Quant à la détaxation des heures supplémentaires, elle ne sert à rien, le nombre d’heures supplémentaires ayant été similaire en 2007, avant la loi, et en 2008. Elle n’est donc bien qu’un effet d’aubaine, puisque l’on a maintenant intérêt à déclarer ses heures supplémentaires pour bénéficier des avantages financiers.

Une telle mesure est catastrophique en période de récession. Il faut non pas gaspiller ainsi inutilement 3 milliards d’euros, mais mobiliser toutes les ressources de la collectivité nationale !

La question n’est plus de travailler plus pour gagner plus, mais bien d’être plus nombreux à travailler. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.) Qui plus est, lorsque la reprise sera là, ce système d’heures supplémentaires constituera un frein à l’embauche.

M. René-Pierre Signé. Eh oui ! En fait, il l’est déjà !

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous avez récemment annoncé, sur l’insistance des syndicats, la création d’un Fonds d’investissement social doté de 2,5 milliards d’euros, afin de soutenir les chômeurs et de leur permettre de suivre une formation dans l’espoir de retrouver un emploi. (Marques d’impatience sur les travées de lUMP.)

Toutefois, à examiner les choses de près, on s’aperçoit que le Gouvernement ne consacrera, en fait, que 800 millions d’euros de crédits nouveaux. Pour le reste, …

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Godefroy. … vous vous contentez de réaffecter des sommes déjà programmées ou de dire aux partenaires sociaux d’aller piocher dans les caisses des ASSEDIC ou de la formation professionnelle. En un mot, les salariés licenciés, les chômeurs, n’ont qu’à s’aider eux-mêmes ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Quant au plan de relance uniquement centré sur l’investissement, il ne produit aucun effet au moment même où la crise frappe le plus fort. Il est en décalage total avec l’urgence de la situation ; il risque de porter ses fruits une fois la bataille perdue.

M. le président. Votre question, j’y insiste, mon cher collègue ! Je pense à M. Peyronnet, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Pierre Godefroy. Ma question est la suivante, monsieur le président. (Ah ! sur les travées de lUMP.) Je vous remercie de l’attendre avec autant d’impatience, mes chers collègues !

M. Éric Doligé. On ne l’attend pas !

M. Jean-Pierre Godefroy. Avez-vous enfin l’intention d’orienter les efforts de la nation en priorité vers la relance de la consommation ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, revenons précisément sur quelques chiffres et rectifions-les chaque fois qu’ils ne sont pas justes.

L’économie française n’a pas détruit 600 000 emplois ! Il s’agit du nombre des demandeurs d’emploi, et non pas de celui des destructions d’emplois.

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous prévoyons pour l’année 2009, l’année la plus difficile en cette période de crise, 350 000 destructions d’emplois. Ne confondons pas les choses et n’induisons personne en erreur !

J’aborderai maintenant la question de la consommation. Monsieur le sénateur, dans quel domaine l’économie française a-t-elle réalisé son meilleur score en janvier ? Dans celui de l’exportation ? Non ! Dans celui des investissements ? Non ! Précisément dans celui de la consommation, …

Mme Christine Lagarde, ministre. … avec un taux de croissance de 1,8 %.

M. René-Pierre Signé. C’est l’effet des fêtes !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il faut donc centrer prioritairement notre effort non pas dans ce secteur, mais sur l’investissement et le soutien aux populations qui sont les plus victimes de la crise.

Tels sont les deux axes principaux de notre action, et nous avons pris de multiples mesures à cet effet.

Examinons maintenant les chiffres du chômage, puisque vous y avez fait allusion, monsieur le sénateur.

Les chiffres du quatrième trimestre de l’année 2008 dénotent une progression sensible du chômage, …

M. René-Pierre Signé. Catastrophique !

Mme Christine Lagarde, ministre. … mais nous sommes partis du taux le plus bas depuis vingt-cinq ans : de 7,2 %, …

M. René-Pierre Signé. Avec les emplois aidés !

Mme Christine Lagarde, ministre. … nous passons à 7,8 %. Cette augmentation s’explique par le freinage brutal de l’économie française, puisque cette dernière a connu une croissance négative de 1,2 % au quatrième trimestre 2008. Dans ces conditions, il était inéluctable de connaître un accroissement du chômage au cours du quatrième trimestre.

Toutefois, nous ne sommes pas restés les deux pieds dans le même sabot !

M. Bernard Frimat. Vous n’avez même plus de sabots !

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous avons pris une série de dispositions.

Premièrement, nous avons augmenté de manière progressive l’indemnisation du chômage partiel, en la faisant passer de 50 % à 60 %, puis à 75 %, et nous avons accru le quota d’heures supplémentaires autorisées pour les sociétés qui doivent recourir à des mesures d’activités partielles en le portant à 1 000 heures.

M. Jean-Pierre Godefroy. Faites le calcul !

Mme Christine Lagarde, ministre. Par ailleurs, nous avons encouragé les très petites entreprises de moins de dix salariés à embaucher en franchise totale de contributions sociales.

Aujourd'hui, les petites entreprises de moins de dix salariés embauchent à un rythme de 2 000 nouveaux salariés par jour, et ce depuis maintenant quinze jours. (M. Didier Boulaud montre le titre d’un article de journal intitulé : « Chômage record ».)

Renforcer l’indemnisation partielle du chômage et encourager les TPE à embaucher, car nous savons que ce sont elles qui embauchent : telles sont les deux mesures que nous avons prises pour inciter les entreprises à maintenir les salariés dans l’emploi.

M. le président. Je vous demande de bien vouloir conclure, madame la ministre !

Mme Christine Lagarde, ministre. Sous l’autorité de François Fillon, le Gouvernement a engagé les partenaires sociaux à améliorer le système d’indemnisation du chômage.

Sur les deux fronts que j’ai cités, nous luttons donc contre un taux de chômage dégradé en raison du freinage de l’économie française. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. René-Pierre Signé. La loi TEPA, le péché originel !

conclusions du rapport balladur

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.

Nous savons aujourd'hui que M. le Président de la République et M. Balladur sont sur la même longueur d’onde pour ce qui concerne la reprise en main des collectivités territoriales par l’État et la réduction des dépenses publiques utiles.

M. Éric Doligé. Il était temps !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Car ce sont bien là, à nos yeux, les principales caractéristiques des propositions de M. Balladur : …

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … transformation des collectivités locales en services déconcentrés de l’État, plan social territorial ou étranglement financier.

En supprimant la compétence générale des départements, des régions et des communes membres de métropoles, l’État sera en effet seul à disposer du pouvoir de dire qui a le droit de faire quoi dans chaque collectivité locale. Ce faisant, vous niez les libertés locales et le rôle des élus locaux – mettre en œuvre les politiques souhaitées par la population – avec, en prime, un éloignement des élus et des citoyens, alors que ceux-ci revendiquent très largement une plus grande proximité.

Votre projet du Grand Paris est caricatural : il s’agit d’une gestion directe de la région par l’Élysée. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Dallier. N’importe quoi !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec beaucoup de démagogie, vous avez essayé de convaincre la population qu’il fallait mettre fin au millefeuille territorial qui rendait les collectivités « inefficaces et coûteuses ». Mais ce millefeuille, c’est bien vous ou votre prédécesseur qui l’avez créé, avec la décentralisation Raffarin, un chef-d’œuvre d’émiettement des compétences conjointes, concurrentes ou émiettées !

M. Alain Fouché. L’émiettement, c’est vous !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Financièrement, vous avez chargé la barque des collectivités sans compensation réelle et, pour couronner le tout, avant même le rapport Balladur, le Président de la République a annoncé la suppression de la taxe professionnelle. Curieuse façon de soutenir l’investissement en cette période de crise, surtout quand on sait que les trois quarts de l’investissement public sont réalisés par les collectivités locales ! Mais sans doute préférez-vous privilégier les grands groupes financiers. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Fouché. C’est toujours la même chose !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le Premier ministre, le Président de la République vous a demandé d’élaborer un texte reprenant les propositions Balladur. Quasiment toutes les associations d’élus ont émis, globalement ou partiellement, des critiques au fur et à mesure que les intentions de M. Balladur étaient dévoilées.

M. Didier Boulaud. Balladur à la retraite !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment allez-vous organiser une véritable discussion avec les élus et, surtout, un débat public avec la population sur la démocratie locale, sur le rôle de chacune des collectivités et sur les moyens financiers leur permettant de répondre aux besoins des populations ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. René-Pierre Signé. Balladur, élu local !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Madame le sénateur, si j’ai bien compris, tout va bien, il ne faut rien changer !

M. René-Pierre Signé. Il ne faut pas changer ainsi !

M. Bernard Frimat. Il faut changer le Gouvernement !

M. Didier Boulaud. Il faut changer Sarkozy !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. À vous écouter, il est inutile de clarifier la situation pour donner davantage de lisibilité à nos concitoyens sur l’administration des villes, des communautés, des départements et des régions.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez mal entendu !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Si je vous ai bien comprise, il est inutile d’améliorer la rapidité et l’efficacité des décisions.

Mme Éliane Assassi. Vous avez mal compris !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame le sénateur, ne soyez pas aussi conservatrice et, j’allais dire, aussi passéiste ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Écoutez ce que disent les élus !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il me semble que l’ensemble de nos concitoyens souhaitent savoir plus clairement qui fait quoi et qui prend telle ou telle décision.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec quels moyens !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Les élus ont aussi besoin d’une réelle lisibilité sur leur rôle et leurs compétences !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Écoutez les élus !

M. René-Pierre Signé. Balladur, élu local !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Au sein de la commission présidée par M. Balladur, qui comprenait également des membres de l’opposition, …

M. Éric Doligé. Heureusement !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. … certains élus de gauche, je note que, sur les vingt propositions, seize d’entre elles ont été adoptées à l’unanimité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien regrettable !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Quoi qu’il en soit, je puis vous assurer que le rapport remis ce matin par M. Balladur au Président de la République va effectivement faire l’objet d’une vaste concertation, …

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, vous répondez à ma question !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. … afin d’examiner les propositions et le bien-fondé de certaines critiques.

M. René-Pierre Signé. La majorité se couche !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. M. le Premier ministre va d’ailleurs réunir dans les tout prochains jours une conférence des élus locaux. Pour ma part, j’organiserai une concertation.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On a effectivement besoin de débats !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Un projet de loi-cadre sera déposé devant le Parlement et suivi d’un ou de plusieurs projets de loi.

Nous aurons donc très largement l’occasion de discuter de toutes ces questions en vue d’obtenir le plus grand consensus possible. En matière d’institutions, il est essentiel de se soucier d’abord de l’intérêt général, en oubliant les égoïsmes particuliers !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On l’a vu avec la révision constitutionnelle !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Et c’est ce que nous faisons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. René-Pierre Signé. On n’a pas besoin de réformes comme celles-là !

rapprochement de la caisse d'épargne et de la banque populaire

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Ma question s'adresse à Mme le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.

M. Didier Boulaud. Surtout de l’emploi !

M. René-Pierre Signé. De la justice et de l’emploi !

M. Jean-Pierre Fourcade. Madame le ministre, la semaine dernière, la fusion de deux entités, la Caisse d’Épargne et la Banque populaire, a donné naissance à une très grande banque, la deuxième banque française. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Forte de 34 millions de clients environ, de plus de 7 millions de sociétaires et d’une importante assise territoriale au travers de 7 700 agences, …

M. Didier Boulaud. Je vais me dépêcher de changer de banque, car je n’ai pas confiance : je ne veux pas que les copains de Sarkozy me piquent mon argent !

M. Jean-Pierre Fourcade. … avec près de 110 000 salariés au total, cette nouvelle structure bancaire se met en place avec quelques handicaps : les pertes constatées en 2008 pour les deux réseaux et leur filiale commune Natixis, ainsi que l’effet sur leurs dépôts de la banalisation des livrets d’épargne depuis le 1er janvier de cette année.

Bien sûr, l’essentiel des pertes concerne non pas la clientèle traditionnelle de ces deux entités, …

M. Paul Raoult. C’est pourtant elle qui va payer !

M. Jean-Pierre Fourcade. … mais les opérations de diversification, de marché ou de grande clientèle à l’international auxquelles les deux structures ont voulu se confronter.

Il importe de redonner confiance aux millions de porteurs de livret A, …

M. René-Pierre Signé. Ils sont partis ! Ils n’ont plus confiance !

M. Jean-Pierre Fourcade. … de rassurer les quelque 110 000 salariés du groupe, ainsi que les sociétaires et les emprunteurs.

Le Gouvernement se doit d’apporter des réponses positives concernant aussi bien les fonds propres de la nouvelle banque que son organisation.

Pouvez-vous nous dire, madame le ministre, comment sera conçu l’organe central des deux réseaux ?

M. François Marc. À l’Élysée !

M. Jean-Pierre Fourcade. Comment ces derniers fonctionneront-ils à l’avenir…

M. René-Pierre Signé. Elle n’en sait rien !

M. Jean-Pierre Fourcade. … et dans quelle mesure le statut mutualiste actuellement en place sera-t-il protégé ?

M. Didier Boulaud. Parlez-nous de son président !

M. Jean-Pierre Fourcade. Enfin, pouvez-vous nous indiquer sous quelle forme se traduira le soutien du Gouvernement à ces banques ? (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. René-Pierre Signé. Avec l’argent public !

M. Didier Boulaud. Avec l’argent des contribuables ! Il faut reprendre la formule de Poniatowski : « les copains… » !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué l’ensemble des raisons pour lesquelles la Banque populaire et la Caisse d’Épargne ont enfin décidé de fusionner, mais il en est une que vous n’avez pas mentionnée : leur histoire commune, qui se décline de deux façons.

Premièrement, ces deux établissements, tout comme le Gouvernement, sont très attachés à leur culture mutualiste. J’espère que celle-ci sera maintenue dans le projet de loi qui sera présenté devant la Haute Assemblée ; il nous donnera l’occasion d’évoquer la structure de tête permettant de fusionner les deux établissements, puisque cette question relève de la loi.

Deuxièmement, ce projet de fusion occupe les deux groupes depuis pratiquement dix ans. Annoncé à la presse et aux marchés financiers, il progressait lentement depuis le mois d’octobre.

C’est pour toutes ces raisons que l’État est intervenu pour accélérer le processus. Après fusion, ces deux établissements financiers constitueront, vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, le deuxième groupe bancaire français. Il ne faut donc pas attendre, ni tergiverser.

M. Didier Boulaud. Cela fera une plus grosse catastrophe ! Vous deviez surtout vous dépêcher de caser quelqu’un, M. Pérol !

Mme Christine Lagarde, ministre. J’ai personnellement demandé aux deux groupes d’accélérer leurs négociations et de les conclure avant le 26 février dernier, date de publication de leurs résultats.

Le Gouvernement est également intervenu pour renforcer les fonds propres. Il s’agira en effet d’un groupe important, avec 30 millions de clients, qui gèrera, d’un côté, l’épargne des Français et, de l’autre, le crédit aux entreprises puisque les activités de ces deux établissements vont non pas se faire concurrence, mais, au contraire, se compléter.

Il était important que l’État apporte une contribution aux fonds propres, pour consolider cette structure…

M. Didier Boulaud. Moi, je vais tout mettre La Poste !

Mme Christine Lagarde, ministre. … et participer à la définition de la stratégie : l’orientation de Natixis devra être clairement réexaminée.

M. Didier Boulaud. Ce sera vite fait !

Mme Christine Lagarde, ministre. C’est ce que nous demanderons à l’ensemble des dirigeants de ce groupe. La participation de l’État s’élèvera au maximum à 5 milliards d’euros, sous forme de titres super-privilégiés ou d’actions préférentielles, …

M. Didier Boulaud. Tous à La Poste !

Mme Christine Lagarde, ministre. … qui seront éventuellement convertibles en actions ordinaires assorties, si nécessaire, d’un droit de vote, ce qui donnerait à l’État un maximum de 20 % de participation dans le capital des deux établissements ainsi réunis.

Mais cette fusion, c’est vous qui la déciderez, puisque le projet de loi vous sera présenté dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. Allons tous en Suisse, comme Johnny !

services publics ruraux

M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.

M. Simon Sutour. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.

À l’heure où la mode est d’évoquer les métropoles, je vais vous parler des territoires ruraux. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. Balladur est un spécialiste !

M. Simon Sutour. Qu’il est loin le temps où la fracture territoriale était le thème majeur du débat public !

Je voudrais me faire l’écho dans notre assemblée, qui est le « grand conseil des communes de France » et qui représente les collectivités territoriales, du découragement et de l’exaspération des élus des zones rurales de notre pays. Ces derniers ne sont plus en mesure de répondre aux besoins élémentaires de leurs administrés en termes de service public, …

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui ! Et on me traite de conservatrice !

M. Simon Sutour. … alors même que le contexte actuel de crise économique et sociale aiguë appelle au contraire une intervention publique plus forte à destination de nos concitoyens les plus fragiles.

Certes, l’évolution des services publics ne doit pas être un tabou, mais nombre d’élus locaux ont le sentiment d’une politique purement comptable, conséquence de la révision générale des politiques publiques, et non d’une politique de fond, en particulier avec les récentes réformes des cartes judiciaire, militaire ou hospitalière.

M. René-Pierre Signé. Sans oublier les gendarmes !

M. Simon Sutour. Dans les domaines du service postal et des télécommunications, la situation est préoccupante, vous le savez. Chaque jour, nous sommes saisis, les uns et les autres, sur l’ensemble des travées de cette assemblée, de la dégradation du service postal, avec des fermetures de bureaux de poste, et pas uniquement dans les zones les moins peuplées.

Le service téléphonique voit sa qualité diminuer et les coupures de téléphones fixes sont désormais monnaie courante. La fracture numérique demeure, avec un accès au haut débit limité et des zones blanches importantes en matière de téléphonie mobile.

Depuis quelque temps, on apprend régulièrement la fermeture d’agences EDF–GDF.

Tribunaux de proximité, trésoreries, bases militaires, hôpitaux ruraux : on ne compte plus les suppressions de services publics !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Thierry Foucaud. C’est vrai !

M. Simon Sutour. Mais je voudrais, madame la ministre, insister sur deux points qui sont plus particulièrement de votre compétence ministérielle.

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue !

M. Simon Sutour. J’y viens, monsieur le président !

Il s’agit des sous-préfectures et des brigades de gendarmeries. En ce qui concerne les premières, certaines seront supprimées, d’autres maintenues, mais sans sous-préfet !

M. Alain Fouché. Ce n’est pas vrai !

M. René-Pierre Signé. Elles ne vont pas durer bien longtemps !

M. Simon Sutour. Cela semble être le cas, dans mon département, de la sous-préfecture du Vigan.

Pour ce qui est des brigades de gendarmerie, des études semblent être en cours, qui pourraient aboutir à de nombreuses suppressions, dont deux dans mon département : à Sauve et à Génolhac.

Pouvez-vous, madame la ministre, préciser les intentions du Gouvernement à ce sujet, et, d’une manière plus large, nous indiquer quelle politique il entend mener en matière de territoires ruraux, afin d’éviter que la fracture territoriale ne devienne un gouffre territorial ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. Il faut demander à Balladur, c’est un spécialiste de la ruralité !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous parlez de conservatisme !

M. le président. La parole est à Mme le ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous savez combien je suis attachée au monde rural et à la présence de l’État sur tout notre territoire.

M. Didier Boulaud. Et les gendarmeries ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous fermez les bureaux de poste !

M. Jean-Pierre Bel. Et il n’y a pas que cela !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Pour autant, il ne faut pas avoir une vision nostalgique du XIXe siècle ou du début du XXe siècle ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. François Marc. C’est la République, tout simplement !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il existe de nouvelles façons de travailler et il faut prendre en compte un certain nombre de réalités.

Lorsqu’un bureau de poste ne reçoit que trois personnes par jour au maximum, on peut s’interroger sur l’emploi qui est fait de l’argent des contribuables français, …

M. Didier Boulaud. Et les gendarmeries ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. … au regard du service rendu. C’est la raison pour laquelle des rationalisations peuvent intervenir, à condition que le service public soit effectivement assuré à nos concitoyens de façon égale.

M. Jean-Pierre Bel. Cela va beaucoup plus loin, et vous le savez !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. D’ailleurs, c’est ce qui se passe dans un certain nombre de petits villages, notamment en ce qui concerne les bureaux de poste.

S’agissant plus particulièrement des gendarmeries, monsieur Sutour, je suis très attachée au maillage territorial…

M. Didier Boulaud. Vous l’étiez, mais vous ne l’êtes plus !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. …de nos zones rurales et périurbaines.

M. Didier Boulaud. Vous étiez tellement attachée aux gendarmeries que vous les avez récupérées au ministère de l’intérieur !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ce maillage existe, et il continuera d’exister ! Pour autant, il nous faut réfléchir à un meilleur fonctionnement des brigades. Dans votre département, par exemple, monsieur le sénateur, sur une distance de quinze kilomètres, sur un axe routier, on trouve trois brigades de gendarmerie. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Où ça ?

M. René-Pierre Signé. C’est faux ! Venez voir !

M. Jean-Pierre Sueur. C’est l’exception !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. On peut s’interroger sur une nouvelle organisation, afin que les gendarmes soient davantage présents sur le terrain !

M. Didier Boulaud. Ce n’est pas parce qu’il y a des radars qu’il y a des brigades de gendarmerie !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mais, bien entendu, cela doit être effectué en concertation avec les élus. Aucune décision n’a été prise, mais nous devons, en tout état de cause, mener une réflexion sur ce sujet. Celle-ci est en cours ; elle intégrera ladite concertation, qui sera organisée par les préfets.

En ce qui concerne les sous-préfectures, j’ai eu l’occasion, notamment dans cette assemblée, de dire à maintes reprises que j’étais attachée à leur présence sur les territoires les plus fragiles (M. Christian Poncelet approuve.), …

M. René-Pierre Signé. Sans sous-préfet !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. … parce que c’est là que l’on a le plus besoin de l’autorité de l’État. Ce n’est pas dans les villes où se trouvent déjà l’ensemble des services publics que les sous-préfectures sont le plus nécessaires. Elles seront donc bel et bien maintenues dans les territoires fragiles, notamment dans les zones de montagne ou les zones rurales.

M. René-Pierre Signé. Pas de sous-préfet, c’est le début de la fin !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela ne nous empêche pas de réfléchir à la façon de mieux les organiser, en particulier pour ce qui est du contrôle de légalité.

M. le président. Je vous demanderai de bien vouloir conclure, madame la ministre !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Je conclus, monsieur le président !

Quant au problème des conseillers d’administration, je vous rappelle simplement qu’il est possible de nommer sous-préfets des personnels qui n’ont pas suivi la carrière préfectorale, qui viennent d’ailleurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Didier Boulaud. De l’Élysée, par exemple ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela se fait depuis des années !

Dans le souci de garantir la promotion sociale – je pensais que la gauche y était attachée (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), mais il semble que la droite le soit davantage (Applaudissements sur les travées de lUMP.) – j’ai effectivement prévu qu’il soit possible pour des conseillers d’administration, au nombre de quinze, d’occuper des postes de sous-préfets. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. René-Pierre Signé. Vous finissez par avouer !

bilan du dispositif de l'auto-entrepreneur

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.

M. Didier Boulaud. Cela va très bien dans tous ces secteurs !

M. Philippe Dallier. La loi de modernisation de l’économie, adoptée en août dernier, a créé le régime de l’auto-entrepreneur, devenu opérationnel depuis le 1er janvier 2009.

Ce nouveau régime, en apportant une véritable simplification, permet enfin à ceux qui le souhaitent de créer leur entreprise, sans formalité autre qu’une simple déclaration et sans ticket d’entrée.

Il prévoit également – et c’est certainement le plus intéressant – que l’auto-entrepreneur ne payera ses cotisations sociales et son impôt, de manière forfaitaire, qu’à partir du moment où l’entreprise aura réalisé du chiffre d’affaires, et non pas avant même que le premier euro soit entré dans les caisses, comme c’est le cas sous les autres régimes.

Lors de la discussion du texte de loi, ce dispositif avait été critiqué sur les travées de la gauche, ce qui n’étonnera personne. Mais il l’avait aussi été, ce qui était plus surprenant, par certains représentants du monde de l’entreprise, notamment dans l’artisanat.

Les principales critiques formulées portaient sur la crainte d’un manque de soutien à ces créateurs d’entreprises, ainsi que sur l’absence d’exigences vis-à-vis de ces auto-entrepreneurs. Ces deux facteurs pourraient, selon les plus pessimistes, conduire ceux-ci à l’échec, voire léser leurs clients.

Pour autant, mes chers collègues, il semble que ce nouveau statut rencontre un franc succès. J’aimerais donc savoir, monsieur le secrétaire d’État, quel bilan vous pouvez tirer des premières semaines d’application de ce nouveau régime.

J’aimerais également connaître les mesures que vous avez mises en place pour accompagner ces auto-entrepreneurs et leur permettre de passer le cap des premiers mois, qui sont toujours les plus difficiles pour une nouvelle entreprise, quel que soit son statut.

Enfin, ma dernière question est relative aux chômeurs indemnisés : s’ils sont bien éligibles au dispositif, ils ne peuvent pas bénéficier de la totalité des avantages. Dans le contexte économique que nous traversons, monsieur le secrétaire d’État, ne serait-il pas opportun d’améliorer encore ce nouveau régime au bénéfice de ceux qui souhaiteraient créer leur propre activité alors qu’ils sont demandeurs d’emploi ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un peu téléphoné, comme question !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services. Monsieur le sénateur, vous avez raison d’indiquer combien ce régime de l’auto-entrepreneur, qui figurait à l’article 1er de loi de modernisation de l’économie, que j’ai eu l’honneur de présenter au Parlement avec Christine Lagarde, rencontre un franc et plein succès.

M. Jacques Mahéas. Les gens cherchent du travail !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. À l’heure où je vous parle, ce sont plus de 81 000 auto-entrepreneurs qui se sont inscrits depuis le 1er janvier 2009. Lorsque nous avons créé ce régime, nous pensions que son extrême simplicité, que vous avez relevée, serait un facteur de succès.

Mais un autre élément concourt à ce succès : de nombreux Français se sont emparés de ce régime, car ils y ont vu une opportunité de créer leur activité, de façon, comme nous le disons souvent, à transformer leur projet en revenus.

M. Didier Boulaud. C’est un Gouvernement extraordinaire ! Tout ce qu’il touche se transforme en or !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Bien sûr, cette création d’activité est essentielle pour la vitalité de notre pays. Mais il faut assurer un accompagnement plus important des auto-entrepreneurs. Je pense à la responsabilité particulière des chambres de commerce et d’industrie et des chambres des métiers, notamment en ce qui concerne l’exigence de qualification professionnelle. Il convient en effet de fournir des assurances à cet égard, pour ce régime comme pour tous les autres.

Ce dispositif est perfectible, bien sûr. C’est pourquoi une mission d’évaluation sera conduite avant la fin de l’année.

Toutefois, dans quelques semaines, Christine Lagarde et moi-même annoncerons que les demandeurs d’emploi créateurs d’entreprises pourront s’inscrire comme auto-entrepreneurs en bénéficiant d’un taux de prélèvement spécifique inférieur au taux commun.

Outre la réponse collective des pouvoirs publics, il y a la réponse individuelle des Français, ne l’oublions pas ! Avec ce nouveau régime de l’auto-entrepreneur, les pouvoirs publics fournissent un outil supplémentaire de lutte contre la crise. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Didier Boulaud. Avec vous, on a l’impression que plus c’est petit, plus c’est important !

M. René-Pierre Signé. De quoi se plaint-on, alors ?

la politique en faveur des jeunes

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Ma question s'adresse à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse.

Le 12 janvier dernier, à Saint-Lô, le Président de la République vous a demandé, monsieur le haut-commissaire, de prendre en charge la définition et l’élaboration d’une nouvelle politique pour la jeunesse en vous nommant haut-commissaire à la jeunesse.

M. René-Pierre Signé. Il a été bien reçu !

M. Christian Demuynck. Il a insisté, à cette occasion, sur le besoin d’autonomie des jeunes et sur l’absence de réponse en la matière du système actuel. Il a également souligné le nécessaire corollaire de cette liberté, qui doit être la responsabilité.

Le 18 février dernier, lors des rencontres avec les partenaires sociaux, le Président de la République et le Premier ministre ont souhaité que des propositions soient rapidement faites pour la jeunesse et que soit organisée une grande concertation avec les jeunes.

M. Didier Boulaud. Une table ronde, par exemple ?

M. Christian Demuynck. Lors de votre venue au Sénat le 17 février dernier devant la commission des affaires culturelles, vous avez évoqué devant nous les pistes de cette concertation,…

M. René-Pierre Signé. Non balisées !

M. Christian Demuynck. … ainsi que les grands axes sur lesquels elle devrait, selon vous, porter.

Vous avez également rappelé la mission qui vous avait été confiée par le Président de la République de relancer le service civique, en permettant qu’il devienne une véritable forme d’engagement pour la jeunesse. Je sais que, depuis votre nomination, vous avez multiplié les échanges avec les acteurs du secteur.

Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le haut-commissaire, quelles seront les grandes lignes de cette concertation que vous allez lancer très prochainement et les sujets sur lesquels vous souhaitez axer la réflexion ?

Pouvez-vous également nous faire part de la façon dont vous souhaitez associer la représentation nationale à ce rendez-vous particulièrement important que vous donnez à la jeunesse française ? (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse. Lorsque j’ai défendu ici même le projet de loi généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, vous avez été nombreux, sur l’ensemble les travées, à dire que vous étiez d’accord pour l’application du dispositif aux plus de vingt-cinq ans, tout en vous interrogeant sur ce que l’on ferait pour les moins de vingt-cinq ans. Je m’étais alors engagé, au nom du Gouvernement, à ne pas laisser cette question sans réponse, et c’est précisément la tâche à laquelle nous nous attelons maintenant.

D’ailleurs, vous considériez tous qu’il fallait non pas forcément étendre le RSA en dessous de vingt-cinq ans, mais plutôt inventer des choses nouvelles.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. C’est pourquoi nous donnerons, lundi, le coup d’envoi à une vaste concertation sur ces sujets-là.

Une concertation ne fait pas perdre de temps ! Regardez les nombreuses réformes pour lesquelles nous ne sommes pas passés par une telle phase. En croyant faire le bien des jeunes, nous les avons mis dans la rue, car on ne peut pas, effectivement, agir contre le gré des intéressés !

M. René-Pierre Signé. Pour ce qui est de les mettre dans la rue, c’est réussi !

M. Didier Boulaud. Ah oui, vous les avez bien mis dans la rue !

M. René-Pierre Signé. Il manque une politique de la jeunesse !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. S’il manque une politique de la jeunesse, c’est parce que chacun se renvoie la balle ! Qui est véritablement responsable ? On ne le sait pas !

Nous mettons donc autour de la table...

M. Didier Boulaud. Est-ce qu’elle sera rose ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. ... les partenaires sociaux, les organismes qui représentent les jeunes, dont les syndicats étudiants, les régions, les départements, les communes, les différents acteurs des services publics de l’éducation et de l’emploi, afin d’élaborer des propositions qui permettent d’avancer.

Sur ce point, nous avons bien évidemment souhaité associer la représentation nationale.

M. René-Pierre Signé. Et le Président de la République ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Le président du Sénat a bien voulu désigner deux sénateurs parmi vous, l’un appartenant à la majorité, l’autre à l’opposition, pour que nous puissions travailler ensemble. Je suis tout à fait disposé à ce que nous ayons un débat global au sein des groupes de travail qui seront constitués.

M. René-Pierre Signé. C’est bien le moins !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Permettez-moi cependant d’aborder quelques questions de fond.

Est-il normal qu’un jeune soit suivi par l’éducation nationale jusqu’au 30 juin et que, le 3 juillet, on ne sache pas qui s’en occupe ? Est-il normal qu’il soit récupéré par une mission locale trois jours, trois mois ou trois ans après, voire jamais ? La réponse est non !

Est-il normal que des jeunes payent des orientations décidées quand ils avaient onze, douze, treize ou quatorze ans, sans possibilité de rattrapage ? La réponse est non !

M. François Marc. Jack Lang !

M. Didier Boulaud. Les chevaliers de la table ronde !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Est-il normal que des jeunes qui ont agi comme il le fallait en matière d’orientation, de diplôme, restent ensuite sur le carreau, dans les conditions dont on a parlé voilà quelques jours ? La réponse est non !

M. Didier Boulaud. Il est temps d’y penser !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Est-il normal que chacun se renvoie la balle ? La réponse est non !

M. René-Pierre Signé. Et la solution ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Je m’engage à ce que, lors de cette concertation, nous formulions des propositions de long terme et des réponses appropriées à la situation de crise. Nous y parviendrons ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. René-Pierre Signé. Mais vous ne proposez pas de solution !

M. Didier Boulaud. Cela fait sept ans que la droite est au pouvoir. Cela commence à faire beaucoup !

M. le président. Monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, je vous informe que la conférence des présidents a décidé, hier, de créer une mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes.

Voitures electriques

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Ma question s'adresse à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d’État chargée de l’écologie.

Madame la secrétaire d'État, jour après jour, les nouvelles confirment l’extrême gravité de la crise qui frappe le secteur automobile.

M. René-Pierre Signé. Ils se réveillent enfin !

M. Louis Nègre. Les chiffres les plus récents sont particulièrement inquiétants.

M. Didier Boulaud. Ce n’est pas ce que disait M. Hervé Novelli voilà un instant ; il disait même le contraire !

M. Louis Nègre. Chez les constructeurs américains, on peut parler d’effondrement du marché. Nos champions nationaux sont, eux aussi, des victimes directes de la récession qui touche ce marché, avec toutes les conséquences désastreuses pour l’emploi et l’ensemble de la filière.

M. Didier Boulaud. Il faudrait accorder vos violons !

M. René-Pierre Signé. Je croyais que tout allait bien !

M. Louis Nègre. La crise économique mondiale n’est pas la seule raison qui explique un tel effondrement du marché automobile. Le modèle économique de la voiture thermique du XXe siècle, grosse consommatrice de carburant et polluante, est brutalement devenu obsolète. En effet, conscients de la crise environnementale qui atteint notre planète, les mentalités et les comportements des consommateurs évoluent très rapidement et défavorablement face à ce modèle économique dépassé.

Confronté à cette situation, le Gouvernement a réagi vigoureusement. Outre le plan de soutien financier de plus de 8 milliards d’euros, il a lancé trois actions phares.

La première est une allocation de 400 millions d’euros pour la recherche et le développement des véhicules à faible émission de CO2 annoncée par le Président de la République en personne,...

M. Jean-Pierre Sueur. C’est le service d’information du Gouvernement !

M. René-Pierre Signé. Il est partout !

M. Louis Nègre. ... lors du salon mondial de l’automobile, le 9 octobre 2008.

La deuxième action, ce sont les états généraux de l’automobile organisés le 20 janvier 2009 par le Gouvernement.

M. Didier Boulaud. Les ministres viennent à vélo !

M. Louis Nègre. Enfin, la troisième action est la réunion qui s’est tenue le 17 février sous votre présidence, madame la secrétaire d'État, et celle de Luc Chatel, réunion à laquelle j’ai eu l’honneur de participer avec tous les acteurs de la filière décarbonée : l’objet était de définir une « stratégie nationale de déploiement des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques et hybrides rechargeables ».

M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !

M. Louis Nègre. Malgré ce contexte volontariste, mon interrogation porte sur la réalité de l’avenir de la filière du véhicule décarboné, notamment du véhicule électrique.

Quelle crédibilité faut-il accorder à ce que d’aucuns ont appelé « un énième plan » ? Plus précisément, existe-t-il une vraie volonté d’établir une politique pérenne dans ce domaine ?

Compte tenu du défi technologique que représente cette nouvelle filière, ne risque-t-on pas de décevoir ou de susciter de faux espoirs ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le temps de parole n’est-il pas de cinq minutes seulement ?

M. Louis Nègre. Enfin, au vu de la concurrence exacerbée qui s’annonce entre constructeurs mondiaux, chinois, américains, japonais,...

Un sénateur socialiste. Lui, il peut parler dix minutes ; il est, c’est vrai, du parti du président !

M. Louis Nègre. ... quel calendrier pensez-vous pouvoir fixer à moyen et long terme pour que notre pays entre véritablement dans le marché du véhicule propre ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Monsieur le sénateur, vous avez raison, le plan « véhicules décarbonés » est manifestement un enjeu d’avenir, et bien d’autres pays se sont d’ailleurs placés sur ce secteur.

M. René-Pierre Signé. Première phase : les compliments !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Pourquoi est-ce un enjeu majeur ?

D’abord, c’est un enjeu écologique et le secteur des transports est le premier émetteur de gaz à effet de serre. On sait fabriquer des véhicules émettant deux à trois fois moins de gaz à effet de serre qu’aujourd'hui.

Ensuite, c’est un enjeu économique, puisque l’automobile représente 10 % de nos emplois.

Enfin, c’est un enjeu social, car l’augmentation du prix du pétrole est inéluctable. Il ne faut pas que les 60 % de nos concitoyens qui prennent leur véhicule tous les jours en soient les victimes.

Notre atout majeur, ce sont nos constructeurs. Ils se situent, il faut le savoir, au deuxième et au troisième rang européen des constructeurs qui mettent sur le marché des véhicules faiblement émetteurs de gaz à effet de serre. C'est la raison pour laquelle ils sont moins touchés que les autres par la crise.

Qu’allons-nous faire ? La feuille de route a été fixée par le Président de la République : à l’horizon 2012, déploiement des véhicules décarbonés en France.

Mme Nicole Bricq. Si elle a été fixée par le Président de la République, elle ne peut être que bonne !

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État. Le premier objectif est la recherche.

Premièrement, le Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres, le PREDIT, auquel 400 millions d'euros sont attribués, est d’ores et déjà opérationnel.

Deuxièmement, dans le cadre du fonds de soutien aux démonstrateurs de recherche confié à l’ADEME, il est prévu un plan spécial pour les véhicules décarbonés de 80 millions d'euros. L’idée est une expérimentation en site réel.

Troisièmement, deux plateformes d’innovation publique/privée de 90 millions d'euros ont été créées sur la question spécifique des batteries.

J’en viens maintenant à la demande.

Des dispositifs de soutien ont été mis en place.

D’abord, le système de bonus de 5 000 euros pour les véhicules qui émettent moins de 60 grammes de gaz à effet de serre a été étendu aux véhicules utilitaires légers. C’était un vrai besoin, car la demande est importante dans ce domaine.

Ensuite, une commande groupée de véhicules décarbonés de 100 000 véhicules a été signée le 17 février avec de grandes collectivités et de grandes entreprises.

S’agissant du soutien de l’offre, M. Novelli vient de vous en parler.

Enfin, le groupe de travail sur les infrastructures de recharge pour véhicules électriques et hybrides a été installé. Si les précédents plans ont été un échec, c’est bien parce qu’on n’avait traité que la question du véhicule et non celle des services, notamment des infrastructures de recharge. Ce groupe de travail doit nous faire à la mi-2009 des propositions destinées à être intégrées dans le calendrier législatif avant la fin de l’année. C’est en tout cas notre objectif.

Nous nous sommes saisis, Luc Chatel et moi, de cette question. Nous avons tiré les leçons des erreurs passées ; celles-ci ne se reproduiront pas. Il s’agit vraiment, aujourd'hui, d’un défi incontournable, car, par définition, l’avenir sera sans carbone. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)

conclusions du rapport balladur

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, et porte sur le rapport que M. Balladur a remis ce matin au Président de la République et qui ne manque pas d’inquiéter.

Derrière l’apparence d’une évolution tranquille se cache une révolution brutale qui aboutirait à une architecture territoriale très simplifiée, supprimant les départements, regroupant les 36 000 communes en 2 500 communes nouvelles et ramenant les régions métropolitaines à quinze au lieu vingt-deux.

En attendant, la période transitoire dessine une France à peu près ingouvernable, faite de territoires enchevêtrés encore plus qu’actuellement. Si le rapport Attali proposait la suppression du département, le rapport Balladur le fait mourir à petit feu pour éviter une révision constitutionnelle impossible.

Comment, en effet, cette institution pourrait-elle vivre, alors que ses compétences, toutes ses compétences, seraient transférées aux onze métropoles à statut particulier dans un premier temps, et progressivement, c’est-à-dire dans une incertitude programmatique totale, à d’autres agglomérations, et pourquoi pas aux 2 500 communes nouvelles ?

Quant aux communes, 34 000 verraient leur maire ne s’occuper plus que de l’état civil, de la police et des cas sociaux.

Nous ne sommes pas opposés à toute évolution.

M. Jean-Claude Peyronnet. La création de grandes métropoles serait une bonne idée si l’on donnait à celles-ci les moyens d’un véritable développement économique. Mais en quoi l’attribution de la gestion des routes départementales sur leur territoire et celle de la sécurité civile va-t-elle renforcer leur puissance dans la compétition européenne ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah ça, c’est la politique ... !

M. Jean-Claude Peyronnet. Nous nous demandons aussi qui, dans cet empire romain reconstitué, va s’occuper de la péréquation et de la solidarité entre les territoires.

En apparence, cette question intéresse peu nos concitoyens, légitimement préoccupés par la cherté de la vie et le chômage. Mais, attention – ma sollicitude va jusqu’à alerter le Gouvernement ! – nos concitoyens ont toujours manifesté un fort attachement identitaire à la commune, au département et même, on l’a constaté récemment, à la région !

Ma question se décompose en trois points.

Quelle est la position du Gouvernement ? Entre nous, vous pouvez nous le dire, madame la ministre. Est-il favorable à ce que les 34 000 maires soient cantonnés à la gestion des cimetières ?

Pensez-vous que cette construction soit simplificatrice, en particulier par le partage des mêmes compétences entre agglomérations et conseils généraux ?

Enfin, à l’heure où le chômage explose, où le pouvoir d’achat s’effondre, où l’État fait appel aux collectivités pour l’aider dans son plan de relance, le Gouvernement considère-t-il que cette réforme des institutions territoriales constitue une priorité ? Ne s’interroge-t-il pas sur l’instabilité qui va en résulter pour les collectivités et qui pourrait gêner celles-ci dans leur soutien au plan de relance du Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, si le Président de la République a demandé au comité, présidé par M. Édouard Balladur, d’étudier la structure institutionnelle de notre pays, c’est en raison d’un certain nombre de problèmes qui nécessitent, nous le voyons bien comme citoyens et comme élus, d’être clarifiés, afin d’accroître l’efficacité des collectivités.

Je vous rappelle que le comité présidé par M. Balladur est composé de personnalités, de droite comme de gauche, et aussi de personnalités techniques. Avouez que les personnalités de droite comme de gauche ont, en dehors même de leur engagement, une connaissance et une expérience de la gestion des collectivités territoriales ! Alors, prétendre que leurs propositions ne tiendraient nullement compte de la réalité et auraient, au contraire, pour objectif de compliquer l’organisation territoriale et d’empêcher son efficacité, c’est d’abord leur faire injure. Mais réglez vos problèmes entre vous...

C’est ensuite sous-entendre qu’il y aurait des arrière-pensées électoralistes méprisables. Je crois d’ailleurs que vous l’aviez vous-mêmes écrit !

M. René-Pierre Signé. Évidemment !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ma réponse sera simple : M. André Vallini a rappelé ce matin dans un grand quotidien que Pierre Mauroy et lui avaient approuvé 80 % des propositions du comité Balladur. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

Bien sûr, nous aurons l’occasion de débattre d’un certain nombre de ces propositions lors de la conférence nationale des exécutifs réunie par le Premier ministre.

M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas une réponse !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Notre objectif est réellement de chercher à améliorer l’efficacité des collectivités et nous examinerons les problèmes de la fiscalité en même temps.

Monsieur le sénateur, soyez persuadé que, pour notre part, nous n’avons aucune arrière-pensée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Notre seule pensée est d’améliorer, pour le bien de nos concitoyens, le fonctionnement de l’ensemble de nos collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

4

Désignation des membres de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer

M. le président. Mes chers collègues, avant de suspendre la séance, nous allons procéder à la désignation des membres de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer.

La conférence des présidents a décidé que les présidents de groupe et le délégué des non-inscrits siègeraient ès qualités au sein de cette mission.

Les trente-six candidatures remises par les groupes ont été affichées.

Je n’ai pas reçu d’opposition.

En conséquence, sont désignés comme membres de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, outre les présidents de groupe et le délégué des non-inscrits : Mme Michèle André, MM. Jean-Etienne Antoinette, David Assouline, Gilbert Barbier, Michel Bécot, Gérard César, Christian Cointat, Denis Detcheverry, Éric Doligé, Mme Catherine Dumas, MM. Gaston Flosse, Bernard Frimat, Christian Gaudin, Jacques Gillot, Adrien Giraud, Charles Guené, Mme Gélita Hoarau, MM. Serge Larcher, Claude Lise, Roland du Luart, Mme Lucienne Malovry, MM. Philippe Marini, Daniel Marsin, Marc Massion, Jean-François Mayet, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Albéric de Montgolfier, Georges Patient, Mmes Anne-Marie Payet, Catherine Procaccia, MM. Daniel Raoul, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mme Odette Terrade, MM. Richard Tuheiava et Jean-Paul Virapoullé.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Bernard Frimat.)

PRÉSIDENCE DE M. Bernard Frimat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Article 19 bis (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 19 bis

Loi pénitentiaire

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire (projet n° 495, 2007-2008, texte de la commission n° 202, rapports nos 143, 201 et 222).

Nous poursuivons l’examen de l’article 19 bis.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article additionnel avant l'article 20

Article 19 bis (suite)

L'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels.

Même en l'absence de faute, l'État est tenu de réparer le dommage résultant du décès provoqué, au sein d'un établissement pénitentiaire, par l'agression d'une personne détenue.

Lorsqu'une personne détenue s'est donné la mort, l'administration pénitentiaire informe immédiatement sa famille ou ses proches des circonstances dans lesquelles est intervenu le décès et facilite, à leur demande, les démarches qu'ils peuvent être conduits à engager.

M. le président. Au sein de cet article, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 39 rectifié.

L'amendement n° 39 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsqu'une personne détenue subit une atteinte à son intégrité physique, une enquête indépendante, effective et approfondie est diligentée afin d'établir les circonstances de cette atteinte et l'identification du ou des responsables.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet de transposer dans notre droit interne la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière d’atteintes à l’intégrité physique.

La Cour européenne a développé, dans le cadre de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’obligation pour les États de mener une enquête effective, indépendante et diligente en cas d’atteinte à l’intégrité physique d’une personne entre les mains de l’État.

Cette obligation positive vise à casser le corporatisme et la loi du silence, qui sévit souvent en prison et qui empêche les détenus comme les agents de parler librement des faits dont ils peuvent avoir connaissance. Il s’agit de garantir qu’une enquête indépendante sera menée.

Une enquête conduite par l’administration pénitentiaire sur l’un de ses agents peut-elle être considérée comme indépendante ? J’en doute…

C’est pourquoi nous vous proposons, au travers de cet amendement, d’inscrire dans la loi l’exigence d’une enquête indépendante et effective en cas d’atteinte à l’intégrité d’un détenu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Lorsqu’un détenu subit une atteinte à son intégrité physique, une information peut être ouverte sous la responsabilité du procureur de la République. C’est même systématiquement le cas si l’atteinte est grave. Les garanties visées par cet amendement sont donc satisfaites.

En conséquence, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Au-delà de l’enquête administrative que peut diligenter l’inspection des services pénitentiaires, une enquête judiciaire est systématiquement ouverte dès lors qu’une atteinte à l’intégrité physique d’un détenu est signalée. Il peut s’agir d’une enquête dirigée par le parquet ou d’une enquête avec ouverture d’information. Dans tous les cas, elle est totalement indépendante.

Les garanties que vous souhaitez figurent donc d’ores et déjà dans le code de procédure pénale, madame la sénatrice.

C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 212 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Alfonsi et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente un rapport biannuel sur les violences commises en prison et sur l'indemnisation des personnes détenues victimes d'une agression commise dans l'enceinte de l'établissement pénitentiaire, que ce soit dans les lieux collectifs ou individuels.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Il s’agit, en quelque sorte, d’un amendement de protestation.

Nous savons tous que rien n’est simple en prison et que les relations humaines sont forcément plus difficiles dans cet univers contraint. Nous savons aussi qu’il est impératif de respecter la dignité des détenus et, naturellement, leur intégrité physique.

Nous sommes nombreux à avoir été choqués par l’application de l’article 40 de la Constitution, application du reste à géométrie variable, à un amendement que nous avions présenté sur l’article 19 bis. Cet amendement rejoignait d’ailleurs celui qui avait été déposé par notre collègue Alain Anziani : il s’agissait de faire en sorte que ledit article traite également de la réparation du dommage résultant du décès provoqué par l’agression d’une personne détenue.

Incontestablement, cet article 19 bis représente un progrès considérable, que l’on doit à la commission et à son rapporteur. Le décès est évidemment ce qu’il y a de plus grave, mais il nous semble anormal et inéquitable de refuser d’étendre la réparation aux cas d’atteintes corporelles graves ayant entraîné une incapacité permanente partielle, lesquelles s’inscrivent parfaitement dans la logique juridique de cet article 19 bis. Certaines incapacités peuvent en effet empêcher un détenu d’exercer une activité professionnelle à sa sortie de prison.

Par ailleurs, les conséquences financières d’une telle extension de l’indemnisation ne doivent pas être surestimées, ces blessures restant occasionnelles.

Si nous saluons, bien évidemment, le progrès découlant de la mise en jeu de la responsabilité de l’État même en l’absence de faute, le recours à l’article 40 pour empêcher la réparation des atteintes corporelles graves nous semble inacceptable.

Les cas de suicides ont été exclus du champ de cet article eu égard aux conséquences financières d’une telle inclusion, mais les blessures graves doivent être prises en compte. C’est dans ce cadre que nous avons déposé cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je partage très largement le fond de votre intervention, monsieur Mézard.

Plusieurs personnes auditionnées par la commission ont sollicité l’extension de la responsabilité sans faute aux suicides et agressions graves suivies de séquelles importantes. La Constitution ne permet toutefois pas au législateur d’aller aussi loin dans sa capacité d’initiative.

Cet amendement a le mérite d’attirer l’attention sur les violences en milieu pénitentiaire. Mais exiger un rapport biannuel semble excessif à la commission, surtout à l’heure de la simplification administrative.

En conséquence, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je m’associe pleinement aux observations de M. le rapporteur. L’administration pénitentiaire publie déjà un rapport annuel qui inclut toutes les questions abordées par cet amendement.

Par ailleurs, les violences commises en prison peuvent donner lieu à des poursuites judiciaires débouchant sur des condamnations et des indemnisations.

J’ai donné des instructions claires aux procureurs pour que les agressions sur le personnel pénitentiaire ne soient jamais classées. Je souhaite des poursuites systématiques en cas d’agression par un détenu du personnel pénitentiaire, mais aussi en cas de violences entre détenus.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 212 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19 bis.

(L'article 19 bis est adopté.)

Section 5

De la santé

Article 19 bis
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 20

Article additionnel avant l'article 20

M. le président. L'amendement n° 193 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire et les personnels soignants garantissent le droit au secret médical des détenus ainsi que le secret de la consultation, dans le respect des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 6141-5 du code de la santé publique.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Pour garantir la qualité des soins, le secret médical doit être impérativement respecté. Cela commence, naturellement, par le respect du secret du contenu de la consultation médicale.

Les surveillants ne devraient être présents durant les consultations que dans les cas, extrêmement rares, où la sécurité l’exige, et seulement à la demande du médecin. Il n’est pas acceptable qu’ils assistent à ces consultations de leur propre chef, ce qui est malheureusement trop souvent le cas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission avait donné un avis défavorable à la première version de cet amendement, qui ne prenait pas en compte les dispositions introduites par la loi relative à la rétention de sûreté.

M. About a pris en compte cette observation afin de viser explicitement l’article L. 6141-5 du code de la santé publique, modifié par cette loi, qui prévoit, je vous le rappelle, que dès lors qu’il existe un risque sérieux pour la sécurité des personnes au sein des établissements pénitentiaires, les personnels soignants ayant connaissance de ce risque sont tenus de le signaler dans les plus brefs délais au directeur de l’établissement en leur transmettant, dans le respect des dispositions relatives au secret médical, des informations utiles à la mise en œuvre des mesures de protection.

Le problème du secret médical est complexe. Tout dépend ce que l’on entend par secret médical. J’ai constaté, lors de mes visites d’établissements pénitentiaires, que le personnel médical et le personnel pénitentiaire entretenaient souvent des relations de confiance, mais que, parfois, cette relation de confiance n’existait pas et que les choses se passaient alors très mal.

Ainsi, lors de l’une de mes visites, un représentant du corps médical n’a pas hésité à déclarer devant moi, au cours d’une table ronde, qu’il convenait de considérer tous les détenus comme des malades mentaux. Les personnels du service pénitentiaire d’insertion et de probation se sont alors retournés vers moi pour me demander ce qu’ils pouvaient faire dans ces conditions, eux qui étaient censés préparer la réinsertion et le retour des détenus sur le marché du travail.

Il m’est arrivé de penser, par exemple lors de drames comme celui de Rouen, que le secret médical avait tué.

De tels cas de figure semblent désormais couverts par la loi relative à la rétention de sûreté.

À titre personnel, puisque la commission n’a pas examiné cette version de l’amendement, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat, même si, j’en conviens, ce n’est pas très courageux. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. M. le rapporteur a souligné avec raison les difficultés qu’a soulevées le secret médical pendant de nombreuses années. Parce qu’il était trop bien gardé, des drames sont survenus.

L’administration pénitentiaire n’a pas accès au dossier pénal des détenus ; elle n’a connaissance que de la condamnation et ignore tout des aspects médicaux. C’est d’ailleurs ce qui a conduit au drame survenu à la prison de Rouen, où un détenu s’est livré à des actes de cannibalisme sur son codétenu. Ce n’est qu’ultérieurement que l’on s’est rendu compte que cette personne présentait ce type de troubles psychiatriques.

Aussi, pour éviter que de tels faits ne se reproduisent, nous avons, par la loi du 25 février 2008, voulu aller plus loin dans le partage d’informations en autorisant l’administration pénitentiaire à prendre connaissance d’éléments non pas de nature médicale, mais relevant de la sécurité. Ces éléments sont transmis par le personnel médical au personnel pénitentiaire afin de protéger non seulement le détenu et les codétenus, mais également le personnel pénitentiaire.

Le secret médical des consultations auprès des infirmiers, des psychologues ou des médecins est donc totalement préservé, avec pour seule limite la sécurité.

La récente prise en otage par un détenu d’un psychologue à la prison de Fleury-Mérogis a eu lieu à l’occasion d’une consultation. Le praticien s’est vu menacer d’un morceau de miroir placé sous sa gorge.

La notion de préservation du secret médical doit être envisagée avec pragmatisme, parce qu’il ne faut pas mettre en péril la vie aussi bien du personnel pénitentiaire que du personnel médical.

Cet amendement est totalement satisfait par les dispositions en vigueur aujourd’hui. Encore une fois, l’actualité et les événements récents nous démontrent la limite du secret médical, à savoir des consultations médicales totalement préservées et à l’écart du personnel pénitentiaire, dont la mission est d’assurer la sécurité du personnel médical ou des autres intervenants au sein des établissements pénitentiaires.

Pour l’ensemble de ces motifs, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.

M. Claude Jeannerot. Nous soutiendrons l’amendement présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

L’Académie nationale de médecine a récemment dénoncé la transgression trop fréquente du secret médical en milieu pénitentiaire. La santé des détenus est placée sous l’égide de la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, qui confère au secteur hospitalier la responsabilité de la prise en charge médicale. Il convient donc que les règles qui régissent la santé s’appliquent aussi dans le secteur carcéral.

Mme le garde des sceaux a souligné la nécessité de prendre toutes les précautions utiles afin d’assurer la sécurité des personnels pénitentiaires. Néanmoins, cet objectif nous paraît conciliable avec le strict respect du secret médical.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Nous nous sommes sans doute mal compris ! Peut-être parce que je suis médecin, je fais une différence entre le secret médical et le secret professionnel.

Le secret médical impose de taire ce que l’on sait de l’état de santé d’un patient. La législation relative au droit des malades s’applique à tous : hormis les contraintes qui découlent du régime privatif de liberté auquel ils sont soumis, les détenus bénéficient des mêmes droits que le reste de la population. Par conséquent, ils ont aussi droit à la préservation de leur état de santé et à la non-communication des troubles dont ils sont atteints.

Le secret professionnel, quant à lui, peut être partagé dans l’intérêt commun. Pour reprendre l’exemple cité par Mme le garde des sceaux, il ne ferait pas obstacle à ce que soient délivrées des informations sur un détenu présentant des troubles tels qu’il nécessite un encellulement individuel. Si une telle règle avait été appliquée au moment de l’affaire de Rouen, nous n’aurions pas eu à connaître ce cas de cannibalisme. Encore faudrait-il faire confiance au médecin et, éventuellement, au psychiatre, qui sont a priori les mieux placés pour émettre des avis.

La nécessité de partager des informations peut entraîner la présence d’un tiers lors d’une consultation, à la demande soit du médecin lui-même, soit du directeur du centre de détention. Comme l’a dit tout à l’heure M. le rapporteur avec beaucoup de justesse, le secret professionnel tient avant tout à la qualité des hommes. Là où des gens de qualité savent se parler, les difficultés peuvent être facilement surmontées sans que soit trahi le secret médical, et ce dans l’intérêt de tous.

Pour toutes ces raisons, j’estime que cet amendement peut être adopté.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souscris aux propos que vient de tenir M. About. L’exemple du psychologue menacé par un détenu armé d’un miroir brisé, qu’a cité Mme le garde des sceaux, est typique de la distinction qui peut être faite entre secret médical et secret professionnel.

Les difficultés tiennent non pas au secret médical, mais au fonctionnement interne des établissements pénitentiaires : manque de personnel, nombre très important de détenus que doit voir chaque psychologue, chaque médecin, chaque psychiatre. Il s’agit de situations extrêmes !

Assurer la sécurité d’une consultation d’un patient n’est pas aisé. La meilleure preuve en est que, pour reprendre le cas de la prise d’otage survenue à Fleury-Mérogis, le détenu, au moment des faits, se trouvait avec un psychologue. Qui pouvait connaître exactement son état pathologique ? Quand bien même le secret médical le concernant eût été partagé, il serait bien hasardeux de prétendre que son acte aurait pu être prévu.

Distinguons bien les choses ! Le secret médical concerne tout le monde et il doit donc bénéficier aux détenus. Toutefois, il convient effectivement de définir les conditions particulières d’aller et venir à l’intérieur des prisons, les modalités des consultations médicales et psychologiques et de toutes les activités qui se déroulent au sein d’un établissement pénitentiaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 193 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 20.

Article additionnel avant l'article 20
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Articles additionnels après l’article 20

Article 20

La prise en charge de la santé des détenus est assurée par le service public hospitalier dans les conditions régies par le code de la santé publique.

Lorsqu'il est fait application, en cas de diagnostic ou de pronostic grave sur l'état de santé d'une personne détenue, des dispositions de l'article L. 1110-4 du même code, le médecin est habilité à délivrer à la famille, aux proches ou à la personne de confiance les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à la personne malade à l'exception de celles susceptibles de porter atteinte à la sécurité et au bon ordre des établissements pénitentiaires et des établissements de santé.

La qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dispensées à l'ensemble des personnes accueillies dans les établissements de santé publics ou privés.

L'état psychologique des personnes détenues est pris en compte lors de leur incarcération et pendant leur détention.

L'administration pénitentiaire favorise la coordination des différents intervenants agissant pour la prévention et l'éducation sanitaires.

Elle assure un hébergement, un accès à l'hygiène, une alimentation et une cohabitation propices à la prévention des affections physiologiques ou psychologiques.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.

Mme Raymonde Le Texier. Avec l’article 20, nous abordons l’une des problématiques cruciales de l’univers carcéral : je veux parler de la santé en prison.

Chacun se souvient des remarquables travaux effectués par le président Louis Mermaz en 2000. Six ans après les progrès enregistrés grâce à la mise en œuvre de la loi du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, chacun estimait alors indispensable de pérenniser cette dynamique d’amélioration de la prise en charge sanitaire des personnes incarcérées.

Près d’une décennie plus tard, dans un contexte où la surpopulation, dans certains lieux de détention, peut atteindre le chiffre sans précédent de 200 %, qu’en est-il ?

Nous le savons tous, la santé de la population carcérale est globalement moins bonne que celle du reste de la population. Ce déficit n’est pas automatiquement la résultante de l’incarcération, mais il s’inscrit plus généralement dans des parcours individuels fragiles, où les situations de précarité et d’exclusion se sont accumulées. Ainsi, le rapport établi en 2005 par le collège des soignants intervenant en prison dressait le constat suivant.

En prison, on compte 3,5 fois plus de cas de sida, 7 fois plus de cas d’hépatite C, de suicides et de cas de schizophrénie, 21 fois plus de cas de dépression, 20 fois plus de pathologies psychiatriques.

Plus synthétique, le professeur Didier Sicard, président du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, estimait, dès 2004, que la prison ressemblait à un véritable « laboratoire épidémiologique de maladies transmissibles et d’infections », et ce alors que nous ne connaissions pas encore l’actuelle et endémique surpopulation de nos prisons.

Ces chiffres sont dramatiques : ils sont le reflet d’un univers pénitentiaire qui concentre des difficultés énormes et d’un système qui hypothèque, faute de moyens idoines, la finalité même de la peine, à savoir la réinsertion. Car comment concevoir une telle mission si les détenus ne peuvent pas, dans les faits, bénéficier d’un accès aux soins de qualité ?

Voilà vingt-cinq ans, comme le disait notre collègue Robert Badinter, nous comprenions « qu’il ne pouvait exister une médecine pratiquée pour tous, puis une médecine carcérale et un traitement carcéral des maladies. Devant la maladie, tout être humain doit être également traité. »

En effet, au nom de quoi la pertinence de la logique qui a permis l’instauration de notre système de protection sociale s’arrêterait-elle aux portes du monde carcéral ? Pourtant, il s’agit non seulement de renouer dans le verbe avec une dynamique d’amélioration de l’efficience du système de soins pénitentiaires, mais également de l’inscrire dans les faits.

Relever le défi de cette amélioration est un impératif de tout premier ordre, d’autant que le bulletin de santé de la population carcérale s’est considérablement dégradé.

À ce titre, je voudrais appeler votre attention, mes chers collègues, sur l’urgence qui existe à prendre en considération le problème majeur qu’est la santé mentale de cette population.

Dès juin 2000, la commission d’enquête du Sénat sur les prisons observait que, en raison « d’une dérive psychiatrique et judiciaire, des milliers de détenus atteints de troubles psychiatriques errent ainsi sur le territoire national, ballotés entre les établissements pénitentiaires, leurs quartiers disciplinaires, les services médicopsychologiques régionaux, les unités pour malades difficiles, les unités fermées des hôpitaux pénitentiaires ».

Au-delà de ce constat, la froideur des chiffres renvoie à la nature même de cette problématique, qui mêle politique psychiatrique, pénitentiaire et judiciaire.

Selon une étude de 2004 du ministère de la justice portant sur 800 détenus, 80 % des hommes et 70 % des femmes présentent au moins un trouble psychiatrique, la majorité en cumulant plusieurs.

Face à cette réalité, les établissements ne disposant pas de services médicopsychologiques régionaux concernent 60 % de la population carcérale. Dans ce cas, des équipes réduites issues du secteur psychiatrique général du centre hospitalier le plus proche dispensent les soins les plus courants. Mais, selon les études menées sous la direction du professeur Rouillon, qui portent sur 1 000 détenus de 23 établissements différents, 56 % des détenus connaissent des troubles dépressifs, 24 % des troubles psychotiques et 2 % présentent une schizophrénie ou une psychose de type chronique ; ces chiffres recoupent ceux de l’étude du docteur de Beaurepaire, chef de service du SMPR de Fresnes en 2004.

Cette inquiétante actualité renvoie à la faillite de la psychiatrie de secteur public, à la suppression de 55 000 lits en vingt ans, aux restrictions budgétaires qui contraignent de plus en plus à limiter les hospitalisations à la seule période de crise aiguë.

Dans un tel contexte, comment s’étonner que la souffrance mentale s’oriente de plus en plus vers la rue, vers la prison ? Or il n’appartient pas à l’institution pénitentiaire de faire face à ce tsunami de pathologies, de suppléer aux manquements avérés d’une politique sanitaire aux conséquences désastreuses. À défaut, ce serait revenir au temps où les marginaux, les mauvais sujets, se trouvaient cadenassés pour protéger la société.

Dans cette perspective, certains n’hésitent pas à se demander si la prison n’est pas en train de devenir l’asile du XXIe siècle. Elle ne doit pas le devenir. Elle doit recouvrer sa mission première tout en permettant aux détenus dont l’état de santé n’est pas incompatible avec l’incarcération d’accéder, c’est fondamental, à des soins de qualité.

Tel est l’objet de l’article 20 et notre groupe fera des propositions afin d’en améliorer le contenu.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, sur l'article.

M. Claude Jeannerot. La santé doit être au cœur des enjeux de cette loi pénitentiaire et nous avons commencé de l’aborder en traitant du secret médical et du respect de la déontologie médicale.

L’article 20 vise à fixer les principes de la prise en charge des soins par le service public hospitalier.

À ce point de notre débat, il convient de se poser deux questions : quel diagnostic porter sur l’état de santé de la santé dans les prisons françaises ? Quels remèdes tenter ensemble d’y apporter, notamment par la loi ?

Les insuffisances de la situation actuelle dans ce domaine ne doivent pas nous faire oublier les progrès considérables qui ont été accomplis, notamment depuis l’adoption de la loi du 18 janvier 1994. Cette loi a procédé à une triple normalisation des soins en milieu carcéral.

Tout d’abord, les médecins chargés de la santé des détenus sont employés non plus par l’administration pénitentiaire, mais par l’hôpital public.

Ensuite, les soins ont vocation à être de même niveau – c’est l’ambition de la loi – que ceux qui sont dispensés à la population générale en termes tant de compétences que de moyens.

Enfin, les détenus sont considérés non plus comme des objets de soins, mais comme des citoyens jouissant d’un droit à la santé.

Concrètement, depuis 1994, chacun des 194 établissements pénitentiaires est doté d’une unité carcérale de soins ambulatoires, ou UCSA, destinée à dispenser les soins courants. La plupart de ces unités disposent également d’un psychiatre, à moins que l’établissement n’accueille l’un des vingt-six services médico-psychologiques régionaux, qui regroupent psychiatres, psychologues et infirmiers spécialisés.

À bien des égards, la loi du 18 janvier 1994 a posé les principes permettant de régler les problèmes liés à l’organisation des soins en prison. Cette loi pourrait donc être suffisante, à la condition d’être effectivement appliquée.

J’ai évoqué tout à l’heure l’appréciation de l’Académie nationale de médecine sur la violation du secret médical en milieu carcéral. Cette instance a dressé, voilà quelques semaines, un constat sévère. Elle insiste sur la nécessité d’appliquer la loi du 18 janvier 1994. Elle constate qu’aujourd’hui la prise en charge des détenus n’a toujours pas rejoint celle des autres citoyens. Et elle observe que le statut du détenu prime toujours sur celui du malade.

L’Académie nationale de médecine constate également que, malgré la loi de 1994, on observe encore des carences graves de l’hygiène individuelle et collective, l’absence de permanence médicale la nuit et le week-end, la difficulté d’accès aux diagnostics et aux soins spécialisés, un défaut de prévention et d’éducation à la santé, enfin, l’insuffisance de suivi à la sortie, qui est un facteur de récidive.

Le parcours de santé est marqué par des ruptures, qui sont préjudiciables.

Mme Le Texier a évoqué, je n’y reviens donc pas, les difficultés de prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux, qui représentent près de 30 % de la population carcérale.

Pour remédier à ces difficultés, nous devons accomplir des progrès considérables. L’article 20 remanié par la commission des lois comporte des avancées. Nous allons les examiner dans un instant, je ne m’y attarderai donc pas.

Nous considérons toutefois que l’on peut et que l’on doit aller plus loin.

Pour améliorer la prise en charge des détenus souffrant de maladies physiques ou mentales, ou de déficiences, les règles pénitentiaires européennes peuvent nous servir de guide. À ce titre, nous devons prendre en compte le fait que huit hommes et sept femmes détenus sur dix présentent une pathologie psychiatrique. Le groupe socialiste vous proposera d’adopter plusieurs amendements sur ce sujet.

Premièrement, les personnes souffrant de maladies et dont l’état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison doivent être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet. La prison a trop souvent pris le relais de l’hôpital défaillant !

Deuxièmement, les services médicaux de la prison doivent s’efforcer de dépister et de traiter les maladies physiques ou mentales, ainsi que les déficiences dont souffrent éventuellement les détenus et, à cette fin, chaque détenu doit bénéficier d’un droit d’accès effectif aux soins médicaux, chirurgicaux et psychiatriques. Autrement dit, il nous appartiendra, dans le cadre de la loi, de garantir les instruments d’accès à ce droit.

Enfin, troisièmement, chaque prison doit disposer de services avec au moins un médecin généraliste. Des dispositions doivent être prises pour s’assurer à tout moment qu’un médecin interviendra sans délai en cas d’urgence.

Tels sont les quelques éléments sur lesquels je souhaitais insister avant l’examen plus détaillé de l’article 20.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l’article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans la rédaction du Gouvernement, l’article 20 ne traitait que du droit du médecin à délivrer à la famille des informations sur la santé d’un patient détenu, sous réserve de la non-atteinte à la sécurité des établissements pénitentiaires.

Le texte initial de cet article était très vague sur la santé des détenus, se limitant à entériner des pratiques communément admises dans les lieux de détention, et il restait très largement insuffisant sur les obligations de l’administration pénitentiaire en matière de prévention et du maintien en bonne santé des détenus.

M. le rapporteur a considérablement fait évoluer le texte. Je le dis d’autant plus volontiers que la plupart des obligations imposées à l’administration pénitentiaire qui figurent dans le texte de la commission sont issues d’amendements déposés par mon groupe ; la commission les a adoptés, sur proposition de M. le rapporteur, ce dont je ne peux que me réjouir.

Aujourd’hui, de nouveaux droits et de nouvelles garanties étoffent les dispositions relatives à la santé.

L’article 20 pose des principes généraux : les personnes détenues doivent avoir le même accès aux soins que l’ensemble des citoyens, les établissements pénitentiaires doivent prendre en compte l’état psychologique des détenus – c’est un amendement de mon groupe auquel je suis très attachée –, favoriser la prévention et l’éducation sanitaires, assurer les conditions d’hébergement et d’hygiène propices à la prévention des affections physiologiques ou psychologiques.

Bref, l’article 20 grave dans la loi un certain nombre d’obligations de l’administration pénitentiaire.

Toutefois, nous pouvons aller plus loin, car la santé en prison est un problème majeur.

Tous ceux qui s’intéressent à l’univers carcéral savent que, dans les établissements pénitentiaires, les pathologies sont nombreuses. Par ailleurs, les maladies mentales sont fréquentes et ne peuvent, selon les conclusions de Mme de Beaurepaire, être traitées en prison.

Nous devons faire davantage, il faut en avoir conscience, et c’est l’objet des amendements que nous avons déposés. Il convient d’engager une réflexion sérieuse sur ce sujet et, dans la mesure du possible, de faire un pas non négligeable.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 20 modifié par l’amendement que nous avons déposé et qui a été adopté par la commission des lois porte sur la prise en charge de la santé des détenus.

Il traite, notamment, de la prise en compte par l’administration pénitentiaire de l’état psychologique des personnes détenues au moment de leur incarcération et pendant leur détention.

Ce point est fondamental ; je souhaite m’y arrêter un instant en évoquant le cas d’un jeune Polonais de 23 ans incarcéré à la maison d’arrêt de Nanterre. Ce jeune homme s’est suicidé le 26 mars 2008 en se pendant dans une cellule du quartier disciplinaire. Il souffrait de troubles psychiatriques importants. Saisie par notre collègue Louis Mermaz, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, a rendu un avis, le 9 février dernier, sur les circonstances de ce suicide. Si mon collègue me le permet, je souhaite en dire quelques mots. (M. Louis Mermaz fait un signe d’assentiment.)

Ce jeune Polonais avait été écroué le 31 décembre 2007 après une condamnation pour vol avec violence. Le soir de son incarcération à Nanterre, il s’est ouvert les veines. Ce geste a nécessité son extraction médicale et une intervention chirurgicale. Il a réintégré sa cellule dès le lendemain.

Deux mois plus tard, le 2 mars, à la suite d’une agression sur un surveillant, ce détenu a été placé en quartier disciplinaire pour quarante-cinq jours. C’est dans cette cellule qu’il s’est pendu, dans la nuit du 26 au 27 mars. Trouvé vers quatre heures quinze par le rondier, il n’a pas pu être ranimé.

Quelles sont les observations de la CNDS sur les conditions d’incarcération et de détention de cet homme ?

Incarcéré un 31 décembre dans la soirée, il n’a pu voir un médecin que le 2 janvier et un psychiatre le 3, date à laquelle il a été placé sous surveillance spéciale.

Comme le note la CNDS, de nombreuses études sur la prévention du suicide en prison décrivent le choc carcéral des premiers jours comme la période où les passages à l’acte sont les plus nombreux.

Dans son avis, la CNDS déplore qu’après une tentative de suicide ayant nécessité une intervention chirurgicale, et ce le soir même de son arrivée à la maison d’arrêt, cet homme ait été renvoyé en cellule dès le lendemain.

Depuis janvier 2007, il existe dans cet établissement pénitentiaire un questionnaire psychiatrique standardisé auquel tous les détenus arrivants sont soumis et qu’un psychologue ou un psychiatre doivent renseigner.

La précision de ce questionnaire nécessite, pour les détenus étrangers, la présence d’un interprète ou une bonne connaissance de leur langue. Le détenu en question n’a pas été soumis à ce questionnaire.

La CNDS s’interroge « sur la pertinence d’examens psychiatriques de détenus étrangers ne parlant pas le français effectués en l’absence d’un interprète ».

Par ailleurs, la CNDS « déplore que, même après sa tentative de suicide le jour de son arrivée en détention, ce détenu n’ait pas bénéficié du suivi nécessaire, en n’étant pas soumis au questionnaire psychiatrique » que je viens de mentionner.

Elle estime également, « anormal » que le médecin psychiatre n’ait appris que le 25 mars la présence de ce détenu au quartier disciplinaire, dans lequel il était placé depuis le 3 mars.

En effet, le psychiatre s’est rendu au quartier disciplinaire le 25 mars après avoir été alerté par les surveillants, inquiets de l’état du détenu. Il a vu ce dernier sans interprète, et le contact s’est révélé très « difficile », rapporte la CNDS. Il a alors décidé de le revoir deux jours plus tard avec un interprète pour évaluer s’il existait un trouble psychologique délirant pouvant expliquer ses actes hétéro-agressifs.

Interrogé par la CNDS, le médecin psychiatre a précisé que « dans ce cas, elle envisageait, le 27 mars, de demander une hospitalisation d’office ».

Concernant le placement en cellule disciplinaire, la CNDS « condamne le maintien en quartier disciplinaire d’un détenu suffisamment malade pour qu’une hospitalisation d’office ait été envisagée lors de sa dernière consultation, moins de deux jours avant son suicide ».

De nombreuses études ont montré que le risque suicidaire était accru en quartier disciplinaire : selon l’Étude sur les droits de l’homme en prison de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, rendue publique en mars 2004, « le risque suicidaire est sept fois plus important en quartier disciplinaire que dans le reste de la détention ».

Ce rapport indique aussi que la « "sursuicidité" au quartier disciplinaire implique que les autorités lui substituent d’autres formes de sanction ».

Sans compter que la maison d’arrêt de Nanterre subit, elle aussi, une surpopulation carcérale – 900 détenus pour 600 places – et ne dispose que de trois médecins psychiatres à mi-temps, dont l’un pour la toxicomanie.

Ainsi, la CNDS, à l’issue de l’examen des conditions du suicide de ce détenu, a considéré qu’il n’avait « pas bénéficié de la surveillance spéciale que son état psychique nécessitait ».

Cet exemple nous montre bien que la prévention du suicide en prison, sans les moyens adéquats, reste inopérante, surtout lorsqu’il s’agit de détenus étrangers, dont la prise en charge est beaucoup plus difficile.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 42 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Le service public hospitalier assure, dans les conditions régies par le code de la santé publique, les examens de diagnostic et les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier. Il concourt, dans les mêmes conditions, aux actions de prévention et d'éducation pour la santé organisées dans les établissements pénitentiaires.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à réécrire le premier alinéa de l'article 20 concernant les missions du service public hospitalier. Le champ de ces missions a largement été renforcé et nous en prenons acte.

Il s’agit ici de préciser que le service public hospitalier ne se contente pas de soigner : il doit assurer également les examens de diagnostic et les soins dispensés ; il concourt aux actions de prévention et d’éducation pour la santé organisées dans les établissements pénitentiaires.

M. le président. L'amendement n° 234, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Remplacer le premier alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

L'administration pénitentiaire doit protéger la santé de tous les détenus dont elle a la garde.

Elle s'assure que l'accès aux soins est conforme aux dispositions du code de la santé publique en tenant compte des conditions spécifiques inhérentes à la détention.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Le premier alinéa de cet article 20 nous paraît superflu ou trop vague pour répondre à la réelle urgence sanitaire dans les prisons. En effet, il dispose : « La prise en charge de la santé des détenus est assurée par le service public hospitalier ».

À quoi bon répéter ce qui figure déjà dans le code de la santé publique ? L’article R.1112-31 prévoit effectivement que « les détenus sont hospitalisés en régime commun ».

Loin de nous l’idée de réfuter le fait que les détenus aient besoin de soins appropriés. Au contraire, cela a été dit, la population carcérale est l’une des plus fragiles et elle requiert, pour de nombreuses raisons, des soins accrus en service hospitalier.

Toutefois, l’alinéa tel qu’il est formulé passe sous silence un problème majeur, à savoir l’effet dégradant que la prison exerce sur la santé des détenus. Car les conditions de vie en prison contribuent à l’apparition ou à l’aggravation de certains troubles, à des manifestations d’auto-agressivité et à l’augmentation de l’angoisse. Les détenus développent fréquemment des troubles digestifs, visuels ou auditifs, des douleurs musculaires. Les grèves de la faim, de la soif, les automutilations sont fréquentes et les tentatives de suicides sont six à sept fois plus fréquentes que dans la population générale.

Plus que de confirmer le droit d’accès des détenus au service public hospitalier, la nouvelle loi pénitentiaire devrait lutter contre la dégradation qu’exercent les conditions de détention sur les personnes incarcérées ; c’est ce que prévoit la règle pénitentiaire européenne n° 39, qui dispose : « Les autorités pénitentiaires doivent protéger la santé de tous les détenus dont elles ont la garde. » Nous vous proposons d’intégrer cette règle dans le premier alinéa du présent article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que les précisions figurant dans l’amendement n° 42 rectifié ne sont pas indispensables : elles sont incluses dans la mention, au premier alinéa de l’article 20, de la prise en charge de la santé des détenus par le service public hospitalier. La commission émet donc un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 234, je rappellerai que l’article 20, dans sa rédaction actuelle, reprend pour l’essentiel les propositions de Mme Borvo Cohen-Seat et des membres du groupe CRC-SPG, qui ont convaincu leurs collègues et sont donc totalement responsables des quatre derniers alinéas.

En revanche, la commission n’a pas souhaité retenir la formulation selon laquelle l’administration pénitentiaire devrait, quasiment seule, protéger la santé des détenus, dans la mesure où il s’agit, à tout le moins, d’une responsabilité partagée avec le service public hospitalier. Par conséquent, la commission a également émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je ferai quelques observations préalables sur la santé en prison.

La loi de 1994 a constitué un réel progrès en supprimant la médecine pénitentiaire et en considérant le détenu comme un patient classique.

En 2009, plus de 2 500 personnels de soins travailleront en prison : 306 médecins, 1 442 agents non médicaux, mais qui dépendent de la sphère sanitaire, 163 psychiatres et 700 personnels non médicaux relevant de la psychiatrie.

Les moyens mis à la disposition de l’administration pénitentiaire pour prendre en charge et soigner les personnes détenues connaissent donc une véritable progression.

Il faut bien reconnaître que nous venons de loin ! Pendant longtemps, la santé en prison n’a pas été à l’honneur de notre pays. Nous y consacrons des moyens importants et, progressivement, nous obtenons des résultats. Ce n’est pas parfait, mais nous poursuivrons notre action.

Comme je le rappelle toujours, la loi de 1998, qui pose le principe du soin en prison, a été votée sans moyens. Il ne s’agit pas de mettre en cause un gouvernement plutôt qu’un autre. Simplement, il est très difficile de faire entrer le soin en prison. Un certain nombre de personnels de santé considèrent, en effet, que le soin est moins opérant lorsqu’il concerne des détenus.

Je reconnais qu’il est plus problématique de soigner des personnes qui sont privées de liberté et qui se trouvent dans des locaux inadaptés. Toutefois, des moyens supplémentaires ont été consacrés à la santé en prison dans les budgets de 2008 et de 2009, et il en sera de même jusqu’en 2011 puisqu’il s’agit d’un programme triennal. Des efforts sont accomplis chaque année, et nous espérons pouvoir poursuivre dans cette voie.

Comme vient de le dire M. le rapporteur, l’amendement n° 42 rectifié n’est pas utile, car il reprend intégralement les dispositions de l’article L. 6112-1 du code de la santé publique en ce qui concerne les missions du service public hospitalier. Or le code de la santé publique s’applique aux établissements pénitentiaires.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 234.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 234.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 194, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa de cet article.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer le deuxième alinéa de l’article 20. En supprimant cet alinéa, on en revient à l’application de plein droit de l’article qui autorise le médecin, en cas de diagnostic mettant en cause le pronostic vital, à déroger au secret médical pour prévenir les proches.

Ce faisant, le droit commun des patients s’appliquerait aux détenus. En effet, il paraît très peu probable que la famille ou les proches tenteront de faire évader d’un hôpital une personne qui suit un traitement lourd et nécessaire à sa survie. Limiter leur information ne nous est donc pas apparu nécessaire.

M. le président. L'amendement n° 124, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le mot :

malade

supprimer la fin du deuxième alinéa de cet article.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement a le même objet que l’amendement n° 194. Une fois de plus, la convergence avec M. le rapporteur pour avis est au rendez-vous ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’amendement n° 194 tend à supprimer la dérogation à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, selon lequel, en cas de diagnostic ou de pronostic grave sur l’état de santé d’une personne détenue, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille ou les proches reçoivent des informations destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct au patient, sauf opposition de sa part.

La commission des lois avait modifié la rédaction du projet de loi en rappelant d’abord le principe posé par l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, avant d’en fixer les limites.

Si nous avons bien compris, la dérogation serait justifiée aux yeux du Gouvernement par le souci d’éviter la communication à la famille des dates d’hospitalisation ou de fin d’hospitalisation afin de ne pas faciliter les évasions à l’occasion des transferts du détenu.

La commission considère que ce risque est limité : par hypothèse, l’état de santé des détenus concernés est particulièrement dégradé. C’est pourquoi elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 194.

L’amendement n° 124 est un peu différent, puisqu’il vise à maintenir une procédure et à supprimer tout ce qui est relatif à la sécurité. Par conséquent, la commission émet une préférence pour l’amendement de M. About.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. S’agissant de l’amendement n° 194, les dispositions du code de la santé publique permettent déjà au médecin d’informer la famille d’un patient sur l’état de santé de celui-ci en cas de diagnostic ou de pronostic grave. Puisque les détenus relèvent du code de la santé publique, ils bénéficient des mêmes droits que les patients non détenus ; les informations sont donc transmises à la famille.

Mais il est impératif que certains éléments, comme les dates d’hospitalisation, les changements de service au sein d’un hôpital, le transfert d’un hôpital à un autre ou le retour à l’établissement pénitentiaire, ne soient pas communiqués à l’avance aux familles, afin d’éviter les évasions et de protéger le personnel de l’administration pénitentiaire ou les agents des forces de sécurité qui procèdent à ces transfèrements.

Permettez-moi de vous rappeler une actualité récente. Le 10 octobre 2008, une personne écrouée à la maison d’arrêt de Villepinte s’est évadée lors de son transfert à l’hôpital de rattachement. À chaque fois, les tentatives d’évasion ou les évasions qui ont eu lieu lors des transfèrements ou des hospitalisations se sont terminées par des drames. Lorsque la famille ou les proches sont informés, on met en péril non seulement le détenu et son entourage, mais également le personnel médical et pénitentiaire.

Nous sommes donc défavorables à cet amendement, mais pas au principe de l’information des familles. Je n’ai pas le souvenir qu’une famille se soit plainte de ne pas avoir été informée de l’état de santé d’un détenu. Simplement, il n’est pas souhaitable de donner des indications sur les dates ou les lieux de transfèrement, afin de garantir la sécurité des personnes.

Monsieur About, j’espère vous avoir convaincu de retirer votre amendement.

Le Gouvernement n’est pas non plus favorable à l’amendement n° 124, qui est légèrement différent, mais qui va encore plus loin.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote sur l'amendement n° 194.

M. Claude Jeannerot. Nous voterons l'amendement n° 194 et nous retirons, par conséquent, l'amendement n° 124.

M. le président. L'amendement n° 124 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je souhaite lever tout malentendu sur l’objet de cet amendement.

Il ne revient pas au médecin d’informer les familles sur les dates et les heures de transfèrement des détenus vers l’hôpital lorsque ces derniers doivent y subir une opération. En revanche, il lui incombe de les prévenir lorsque les détenus sont sur le point de passer de vie à trépas. Si le médecin a connaissance de l’état de santé des détenus, il n’est pas du tout au courant des décisions de transfèrement et ne sait pas dans quel hôpital ils seront conduits pour être éventuellement opérés.

L'article L.1110-4 du code de la santé publique concerne les cas de diagnostic ou de pronostic grave, par exemple lorsque la personne malade est en fin de vie. L’exemple de Mme le garde des sceaux d’un détenu ayant profité d’un transfèrement pour s’évader ne me semble donc pas pertinent. J’ai vu en prison des détenus de plus de quatre-vingts ans prostrés, en position fœtale depuis des mois. Je les imagine difficilement profiter d’un transfèrement à l’hôpital pour s’évader en courant.

Il faudrait s’entendre sur la signification de l’expression « en cas de diagnostic ou de pronostic grave ».

Après les avis divergents de la commission et du Gouvernement, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Je ne suis qu’un médecin : je sais repérer les cas graves et je veux ignorer les heures de transfèrement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 194.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 195, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Au début du troisième alinéa de cet article, après les mots :

La qualité

insérer les mots :

, la permanence

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Compte tenu de la situation des unités de consultations et de soins ambulatoires ainsi que des services médico-psychologiques régionaux, de la vie en prison et des problèmes de santé que l’on y relève – maladies qui n’affectent que la population carcérale, états psychiatriques lourds, détresses très importantes, risques de suicide aigus – la commission des affaires sociales a estimé nécessaire de garantir une permanence des soins dans les meilleures conditions.

Pour ce faire, elle a considéré qu’il suffisait simplement de compléter le troisième alinéa de l'article 20 tel qu’il avait été remarquablement rédigé par la commission des lois, en ajoutant les mots : « la permanence ». Le début de cet alinéa se lisait donc ainsi : « La qualité, la permanence et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues ».

De la sorte, nous pensions atteindre notre objectif. Cependant, il nous a été fait remarquer que l’alinéa se terminait de la façon suivante : « dans des conditions équivalentes à celles dispensées à l’ensemble des personnes accueillies dans les établissements de santé publics ou privés. ». Donc, cela revenait à créer une obligation d’installer dans les prisons un service de réanimation intensive, éventuellement un bloc opératoire, etc. Je me suis dit que c’était impossible, car, dès lors, l'article 40 de la Constitution serait immédiatement invoqué.

Mme Éliane Assassi. Bien sûr !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Mais j’ai pensé que ceux qui avaient émis ces critiques connaissaient bien le sujet et que j’étais peut-être allé un peu loin : la commission des affaires sociales, trompée par son rapporteur, avait adopté une mauvaise mesure.

J’ai alors estimé qu’il fallait être plus raisonnable, car c’est à l’hôpital que se trouvent les services de réanimation et qu’ont lieu les interventions. Puisque nous voulions que soit assurée la permanence des soins, il suffisait de prévoir au sein des établissements pénitentiaires la présence effective et permanente d’un professionnel de santé qui puisse à tout moment servir de relais entre le détenu qui tente de se suicider ou qui est gravement malade et le SAMU.

Or, curieusement, mes chers collègues, c’est sur cet amendement que l'article 40 de la Constitution a été invoqué ! Lorsque la commission propose simplement qu’un infirmier puisse veiller en permanence sur les détenus et servir de relais, on lui oppose l'article 40, mais lorsqu’elle demande l’installation d’un bloc opératoire, d’un service de réanimation, etc., on estime que l’article 40 n’est pas applicable. Avouez, mes chers collègues, que la situation est assez...

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. ...cocasse et irritante !

L'article 40 ne peut être invoqué ! Je vous rappelle que la santé en prison dépend totalement du système hospitalier : il existe pour chaque établissement pénitentiaire un centre hospitalier de rattachement, responsable jour et nuit, j’y insiste, de la santé des personnes détenues. Mais imaginez, mes chers collègues, le temps qu’il faut à un médecin du centre hospitalier de rattachement responsable de la santé des détenus pour se rendre dans un établissement pénitentiaire ou celui qui est nécessaire pour conduire un détenu de l’établissement pénitentiaire à l’hôpital de rattachement : c’est catastrophique ! Aucun médecin de ville ne veut plus intervenir en prison en raison des contraintes liées à la détention : c’est très long et peu rentable. Or une réponse trop tardive à une tentative de suicide, par exemple, peut avoir des conséquences dramatiques.

Si un professionnel de santé – pas nécessairement un médecin – se trouvait dans l’établissement pénitentiaire la nuit et le week-end, de nombreuses difficultés seraient réglées. Cela résoudrait d’abord le problème de l’accueil des détenus dans les centres pénitentiaires : s’ils arrivent un vendredi en fin d’après-midi, ils ne verront un médecin ou un professionnel de santé que le lundi suivant. Or, pour un primo-détenu, ce sont les quarante-huit premières heures qui sont les plus risquées : les plus grands drames surviennent au cours de cette période.

Lorsqu’ils sont libérés en fin d’après-midi, les détenus ne bénéficient d’aucun suivi médical : ils partent sans ordonnance, même s’ils doivent prendre des produits de substitution ou suivre des traitements.

La permanence des soins est un véritable problème de santé publique. Nous devons donc nous demander si nous remplissons vraiment notre mission en la matière.

Je regrette que l'article 40 ait été opposé à une disposition qui paraissait raisonnable parce qu’elle pouvait être appliquée avec les moyens existants.

Je maintiens donc l'amendement n° 195, en espérant que l'Assemblée nationale ou la commission mixte paritaire trouvent une meilleure formule.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il est difficile d’intervenir après le plaidoyer de M. About. Le problème est réel ! Nous sommes un certain nombre d’élus des zones rurales à savoir que la permanence des soins n’est pas assurée pour l’ensemble de la population.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je préfère être malade dans un canton plutôt que dans un centre de détention !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour avoir été responsable d’un service départemental d’incendie et de secours, un SDIS, pendant de nombreuses années, je peux témoigner que, lorsque survenait un problème et qu’aucun médecin ne se trouvait sur place, ce sont les pompiers qui emmenaient à l’hôpital le détenu comme, hélas ! le vieillard placé en maison de retraite.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cela va plus vite !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela va aussi vite !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je n’ai pas visité les bonnes prisons !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Peut-être pas les bons SDIS, les bons SMUR, les bons SAMU ! (Sourires.)

Quant aux paradoxes de l'article 40, je n’y suis pour rien ! On en parle depuis le début de l’examen de cette loi et cela va finir par me donner des cheveux blancs ! (Nouveaux sourires.)

Je veux bien que l’on vote l’amendement que vous aviez proposé, monsieur About, mais cela signifie qu’un professionnel de santé devra être présent en permanence dans les établissements pénitentiaires… Très bien ! Je vous signale qu’il n’est pas interdit d’invoquer l’article 40 en séance

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Le Gouvernement peut le faire !

M. le président. Mes chers collègues, quelle que soit l’appréciation que l’on porte sur le discernement avec lequel l'article 40 de la Constitution est appliqué, je vous propose d’avoir cette discussion à un autre moment et de nous en tenir au sujet qui nous occupe.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. J’ai péché !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pécheur non repenti ! (Sourires.)

M. le président. Car si nous voulons débattre maintenant de l'article 40, il faut convoquer sans délai une conférence des présidents pour déterminer quand nous poursuivrons l’examen du projet de loi pénitentiaire.

À l’instar du président Roland du Luart, nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’il s’agit d’un problème sur lequel il faudra nous pencher.

Mais revenons-en à l'amendement n° 195.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je crains que l’avis de la commission ne nous facilite pas la tâche !

La commission des lois s’était demandé si la notion de « continuité des soins », qu’elle avait introduite à l'article 20 à la suite d’une suggestion du groupe CRC-SPG, et celle de « permanence des soins », proposée par la commission des affaires sociales, n’étaient pas redondantes. Elle avait considéré que, pour le corps médical, la notion de permanence était préférable à celle de continuité. Mais je pense que la commission n’avait pas bien vu la différence entre continuité et permanence.

Ici, les choses sont claires : la permanence des soins, c’est la garantie que ceux-ci sont assurés vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La commission des lois s’en est donc remise à la sagesse de la Haute Assemblée.

Je compléterai les propos du président de la commission en soulignant que, même dans un département urbain comme le Nord, il existe nombre de maisons de retraite où la permanence des soins n’est pas assurée, au sens de l'amendement n° 195.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La continuité et la permanence sont deux notions distinctes.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. En effet !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Introduire la notion de permanence suppose un retour à la situation qui prévalait avant 1994, c'est-à-dire à la médecine pénitentiaire.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Ah non !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il faudrait en permanence des médecins dans les établissements pénitentiaires.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! J’ai parlé d’un professionnel de santé ; il ne s’agit pas nécessairement d’un médecin !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La présence permanente d’un professionnel de santé entraînerait une augmentation budgétaire non négligeable.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Pas du tout ! C’est la répartition sur vingt-quatre heures des moyens qui sont déjà alloués !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si tel est le cas, une telle disposition aura davantage sa place dans le projet de loi portant réforme de l’hôpital qui sera prochainement soumis à votre Haute Assemblée. L'Assemblée nationale débat précisément en ce moment de l’organisation de la permanence des soins pour l’ensemble de la population, et les détenus sont considérés comme faisant partie de cette dernière.

M. Jean-Pierre Sueur. On peut dire cela pour un certain nombre d’articles de ce texte !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En 1994, il a été décidé de supprimer la médecine pénitentiaire. Puisque cet amendement vise non pas à revenir à la médecine pénitentiaire, mais à améliorer l’organisation des soins, il sera plus pertinent de le présenter lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 195.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L’amendement no 43 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les détenus sont affiliés obligatoirement aux assurances maladie et maternité du régime général à compter de la date de leur incarcération dans les conditions régies par le code de la sécurité sociale.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet de rendre obligatoire l’affiliation des détenus aux assurances maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale.

On peut m’objecter qu’une telle règle existe déjà dans notre droit. Il nous semble toutefois nécessaire de l’intégrer dans le projet de loi pénitentiaire.

En effet, il faut le rappeler, le bénéfice d’une couverture médicale est le premier pas vers la prise en charge sanitaire du détenu. L’administration pénitentiaire doit donc veiller à ce que les personnes incarcérées accèdent à une couverture médicale, voire, pour les plus démunies, à la couverture maladie universelle. L’affiliation à ces régimes doit être immédiate et systématique.

Enfin, les soins doivent être intégralement pris en charge, forfaits hospitaliers compris.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’affiliation des détenus aux assurances maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale étant d’ores et déjà obligatoire, la commission estime que l’amendement est satisfait et en demande le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l’amendement no 43 rectifié est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 43 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 20, modifié.

(L’article 20 est adopté.)

Article 20
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 21

Articles additionnels après l’article 20

M. le président. L’amendement no 125, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes souffrant de maladies mentales et dont l’état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison devraient être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet.

Si ces personnes sont néanmoins exceptionnellement détenues dans une prison, leur situation et leurs besoins doivent être régis par des règles spéciales.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement a pour objet de mettre notre législation en conformité avec la règle pénitentiaire européenne 12.

Je soulignerai que de très nombreux rapports parlementaires ont dénoncé les situations de souffrance psychologique ou psychiatrique dans l’univers carcéral et que, dernièrement, le commissaire européen aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe recommandait aux autorités de notre pays d’augmenter les moyens qu’elles allouent à l’organisation des soins somatiques et psychiatriques en prison.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Notre collègue Claude Jeannerot vient d’aborder un problème fondamental. Pourtant, la commission lui demandera de retirer son amendement, car il lui paraît absolument impossible de régler le problème de la santé mentale dans les établissements psychiatriques… (Sourires.) – pardonnez-moi, vous avez bien sûr compris que je pensais aux établissements pénitentiaires – dans le cadre du projet de loi pénitentiaire.

Nous sommes tous parfaitement d’accord, mes chers collègues, pour convenir que la situation actuelle n’est plus tolérable. Aujourd’hui, des personnes sont incarcérées alors qu’elles auraient dû être déclarées irresponsables par le jury d’assises. Certains présidents de jury confient même ça et là, notamment à votre rapporteur, que, lorsqu’il n’existe pas d’autre moyen de protéger la société, ils conseillent à leurs jurés de déclarer la personne concernée responsable indépendamment de son état mental. Or, chers collègues, vous savez que l’altération de responsabilité devient un élément d’aggravation de la durée de la peine !

Je ne suis même pas certain que les projets relatifs aux unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA, qui sont extrêmement importants, constituent réellement la bonne réponse. Le constat que les détenus souffrant de maladie mentale sont si nombreux qu’il faut créer des hôpitaux psychiatriques prison n’est-il pas le signe que nous entretenons le cercle vicieux au lieu d’amorcer un cercle vertueux ? La meilleure solution ne serait-elle pas radicalement différente ? Ne faudrait-il pas faire en sorte que les malades mentaux les plus lourdement atteints n’intègrent pas le monde carcéral ?

J’ai visité, avec Mme Alima Boumediene-Thiery et M. Robert Badinter, des établissements en Belgique, aux Pays-Bas ou encore en Allemagne, qui accueillent des malades mentaux ayant commis des infractions extrêmement graves. On ne s’est pas interrogé sur le point de savoir si leur discernement était aboli ou simplement altéré : on a constaté leur maladie mentale grave et on les a placés dans des établissements purement médicaux, qui bénéficient d’une protection périphérique de l’administration pénitentiaire de ces pays.

Lorsqu’ils sont guéris, nous a-t-il été indiqué, ces malades sortent. Comme, pour la plupart, ils ne guérissent pas, ils ne sortent pas. Toutefois, ils ne viennent plus compliquer – j’allais dire « polluer » – la situation des prisons.

Les personnes malades mentales ne peuvent être correctement soignées en prison. Quand elles finissent par sortir, elles sont donc à tout le moins aussi dangereuses qu’à leur arrivée. En outre, durant leur incarcération, elles compliquent terriblement la vie de leurs codétenus – j’ose à peine en parler ! –, mais également du personnel pénitentiaire.

Compte tenu de l’importance du sujet, il est évident que nous n’échapperons pas à un débat parlementaire spécifique. Ce n’est donc pas par défaut d’intérêt que la commission demande le retrait de cet amendement : c’est parce qu’elle estime que sa discussion ne saurait en aucun cas suffire à permettre de régler le problème.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je suis parfaitement d’accord avec les arguments présentés par M. le rapporteur : effectivement, les hôpitaux auxquels il fait référence ne régleront pas le problème de la santé mentale en prison. Il faudra aussi s’atteler à la réforme de la législation sur la santé mentale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous avons essayé de le faire au cours des dernières années – nous avons même travaillé avec M. About sur ce sujet –, mais nous n’y sommes pas parvenus.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. C’est vrai !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Quant à la responsabilité pénale des personnes détenues, monsieur le rapporteur, elle est établie par une décision de justice ! Tant que la procédure pénale est ce qu’elle est, tant que l’expertise reste obligatoire, le juge d’instruction est lié : il ne peut renvoyer devant la cour d’assises une personne déclarée pénalement irresponsable, mais il est tenu de le faire si elle est reconnue responsable – et vous savez les problèmes que nous rencontrons avec les victimes s’il ne le fait pas ! C’est pourquoi nous avons, avec la loi du 25 février 2008, réformé la législation sur l’irresponsabilité pénale.

La question qui nous occupe ici relève donc non pas de la législation relative à la santé mentale, mais, plus haut en amont, de la procédure pénale.

Le placement en détention n’est pas lié à la folie des personnes concernées. Dès lors qu’elles ont été reconnues responsables de leurs actes, elles ont été jugées et condamnées au nom du peuple français à exécuter leur peine.

Il est possible que des troubles mentaux soient découverts pendant la détention. Dans ce cas, l’hospitalisation d’office, qui entraîne le transfert du détenu malade de la prison vers un établissement psychiatrique, est parfaitement envisageable. Cependant, comme vous l’indiquiez fort justement, si le malade guérit, il retourne purger sa peine, puisqu’il a été condamné ; s’il ne le faisait pas, cela signifierait que des décisions de justice ne sont pas exécutées et que notre justice est à plusieurs vitesses.

Pour résumer, les personnes condamnées en vertu d’une décision de justice exécutent leur peine. Si des troubles mentaux sont découverts au cours de leur détention, elles sont placées en hôpital psychiatrique. Si elles guérissent, elles reviennent en prison terminer leur peine ; si elles ne guérissent pas, elles ne sortent pas de l’hôpital. Il est vrai que l’on a rarement vu un condamné en fin de peine rester bien longtemps à l’hôpital psychiatrique… (M. le rapporteur pour avis acquiesce.)

Quoi qu’il en soit, il faut bien considérer les deux volets de cette question : la réforme de la législation relative à la santé mentale, d’une part, et la réforme de la procédure pénale et du code pénal, d’autre part.

Dans l’attente de ces réformes, nous avons adopté des mesures destinées à améliorer la prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles psychiques ou psychiatriques, notamment par la création des hôpitaux prison : 100 places seront ouvertes cette année et 710 places avant le début de l’année 2012.

Nous mettons donc en place les moyens nécessaires pour que ces personnes soient traitées et soignées ; car, vous avez raison, elles n’ont rien à faire dans un cadre classique de détention.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement no 125.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce sujet mérite un débat en lui-même, et nous avions indiqué d’emblée que nous ne pouvions pas le traiter ici.

Madame le garde des sceaux, j’en resterai aux constatations. Dans les années soixante, environ 17 % des criminels étaient considérés comme irresponsables. Ce taux n’a cessé de décroître pour atteindre aujourd’hui 2 %. Il doit bien y avoir une raison à cela !

J’ai participé à la réforme du code pénal. Je me souviendrai toute ma vie de la réforme de son article 64 et, surtout, des conseils que nous recevions déjà de la part des psychiatres.

Nous constatons le paradoxe suivant : le milieu psychiatrique fermé a considérablement décliné dans notre pays ; aucune autre solution ne s’offrant aux magistrats et aux jurés, plus les gens sont dangereux pour la société, plus la tendance est à les condamner.

Des progrès ont été réalisés, notamment à l’égard des victimes, puisqu’il est désormais possible d’imputer les faits sans engager la responsabilité, ces deux aspects étant clairement distingués. Cette évolution était assurément nécessaire.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’en demeure pas moins que nous devons remettre sur le métier la question de la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux.

Madame le garde des sceaux, vous annoncez la construction d’hôpitaux prison, mais vous savez bien que la plupart des pays européens ont opté pour une autre voie et n’ont pas abandonné le milieu fermé, qu’ils ont au contraire modernisé et placé sous le regard d’un contrôleur.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ils ne se sont donc pas orientés vers la condamnation systématique.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C’est la rétention de sûreté !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La rétention de sûreté relève de la défense sociale, c’est encore un autre sujet.

Nous ne pouvons pas traiter au détour d’un amendement cette question de la santé mentale en prison, qui est bien trop vaste. Le nombre de malades mentaux en prison est d’ailleurs tel qu’on ne sait plus très bien s’il faut parler de « détenus fous » ou de « fous détenus » !

Nous aurons donc à reprendre ce dossier au moment de la réforme de l’hospitalisation psychiatrique.

M. le président. Monsieur Jeannerot, l’amendement no 125 est-il maintenu ?

M. Claude Jeannerot. Le rapporteur a fait tout à l’heure un lapsus révélateur en disant « établissements psychiatriques » au lieu d’« établissements pénitentiaires ».

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Claude Jeannerot. C’est bien ce qui a été dit ! Et cela démontre précisément que la prison a pris le relais effectif de l’hôpital psychiatrique !

Nous maintenons cet amendement. Certes, nous n’avons pas la naïveté de croire qu’il est de nature à régler le problème, mais nous voulons ainsi, monsieur le rapporteur, prendre date pour un débat sur la santé mentale dans les prisons, et nous regrettons que le projet de loi pénitentiaire, qui est destiné à devenir un texte fondateur, laisse intacte une question pourtant centrale.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souhaite appuyer les propos qui viennent d’être tenus.

M. le président de la commission des lois, Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur font tous le même constat :…

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … de plus en plus de détenus souffrent de troubles mentaux. Et l’on renvoie le problème à l’examen d’un texte portant sur la santé !

Le débat a déjà été abordé au cours de la discussion du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Le sujet était légèrement différent, mais il est lié à celui qui nous occupe aujourd’hui.

On constate que les prisons remplacent les lits en hôpital psychiatrique fermé et, dans le même temps, on fait le lien – en tout cas, Mme la garde des sceaux l’a fait – avec la procédure pénale. Effectivement, tout cela est très lié puisque, au-delà de la question de la fermeture des lits en hôpital psychiatrique, est également évoquée la distinction précise, dans la législation pénale, entre ce qui relève de la psychiatrie et ce qui relève de la responsabilité.

Nous ne pouvons pas nous cacher derrière notre petit doigt et rester dans les faux-semblants ! C’est la raison pour laquelle, pour notre part, nous avons refusé l’aggravation pénale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Faux-semblants, certes, mais vraies réalités !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Gouvernement, au travers de sa politique pénale, veut démontrer à la population et aux victimes qu’il fait preuve d’une grande sévérité à l’égard des délinquants. Simultanément, ceux-ci sont confondus, dans une sorte de non-dit, avec les malades mentaux, si bien que plus personne n’y comprend rien.

Tout le monde s’accorde sur la nécessité de mettre en détention les auteurs de crimes abominables. Cependant, qui est satisfait de cette solution ? La population se sentira peut-être mieux protégée, mais le législateur n’en est pas quitte pour autant. Car cela ne résout en rien les problèmes inextricables auxquels est confrontée l’administration pénitentiaire et, surtout, cela n’apporte aucune réponse quant à la façon de traiter en prison les personnes malades mentales profondes.

C’est aberrant ! Les psychiatres, qui n’en peuvent mais, en sont réduits à demander que certaines personnes aillent en prison parce que le secteur psychiatrique fermé manque de lits. Quel est le sens d’un enfermement décidé pour de telles raisons ? On sait très bien que ce n’est pas en prison que ces individus pourront être soignés !

On a inventé la rétention de sûreté. Or, celle-ci revient à reconnaître que certains délinquants, une fois leur peine effectuée, sont toujours dangereux – en d’autres termes, démonstration a été faite que la prison ne peut pas les traiter – et qu’il convient de trouver une autre solution. Puisqu’il est exclu de les remettre en liberté, ils seront placés dans des hôpitaux psychiatriques fermés, des lieux de relégation, où ils recevront un traitement adéquat. C’est une absurdité totale !

Le problème auquel nous sommes confrontés ne peut pas être réglé par le seul biais d’une loi sur la santé. Pour que la situation soit plus claire, plus logique, plus sereine, il faut passer par le code de procédure pénale, suivant l’exemple, que M. le rapporteur a indiqué, d’autres pays européens.

En tous les cas, il convient que les personnes qui, souffrant de lourds troubles psychiatriques, ont de ce fait commis des actes graves ne soient pas mises en prison.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 125.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 126 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les services médicaux de la prison ont vocation à dépister et à traiter les maladies physiques ou mentales ainsi que les déficiences associées.

Il doit pouvoir être garanti à chaque détenu l’accès aux soins médicaux, chirurgicaux et psychiatriques requis.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement vise à mettre l’administration sous contrainte pour qu’elle garantisse constamment à la population carcérale l’accès aux soins, conformément aux exigences de la règle pénitentiaire européenne 40, 4 et 5.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que l’amendement no 126 rectifié est satisfait par les dispositions introduites à l’article 20, sur l’initiative de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, qui permettent de garantir la qualité et la continuité des soins aux personnes détenues.

Par conséquent, elle vous demande, monsieur Jeannerot, de bien vouloir le retirer, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cet amendement est effectivement satisfait par l’article 20.

M. le président. Monsieur Jeannerot, l’amendement no 126 rectifié est-il maintenu ?

M. Claude Jeannerot. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 126 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement no 127, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque prison dispose des services d’au moins un médecin généraliste.

Des dispositions doivent être prises pour s’assurer à tout moment qu’un médecin diplômé interviendra sans délai en cas d’urgence.

Les prisons ne disposant pas d’un médecin exerçant à plein temps doivent être régulièrement visitées par un médecin exerçant à temps partiel.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Mes chers collègues, précédemment, nous avons commencé d’évoquer la question de la présence médicale dans les établissements pénitentiaires.

Je voudrais attirer votre attention sur les deux derniers alinéas de l’amendement no 127. Ils laissent supposer que, au-delà du recours au médecin généraliste, il est nécessaire de prévoir également l’intervention de spécialistes en psychiatrie, qui doivent eux aussi être susceptibles de visiter les établissements qui en sont privés.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est recréer la médecine pénitentiaire !

M. Claude Jeannerot. Cet amendement reprend la règle pénitentiaire européenne 41. Au regard de l’état sanitaire de la population carcérale, cela me paraît on ne peut plus indispensable !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission souhaite le retrait de cet amendement, dont les dispositions ne relèvent pas du domaine de la loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis, monsieur le président.

M. le président. Monsieur Jeannerot, l’amendement no 127 est-il maintenu ?

M. Claude Jeannerot. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 127.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement no 197 rectifié bis, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un acte dénué de lien avec les soins ou expertises médicales ne peut être demandé aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales propose de prévoir l’interdiction de demander aux médecins et aux personnels soignants chargés de la santé des détenus d’accomplir un acte sans lien avec les soins. Cela lui paraît être une condition indispensable pour que ces professionnels conservent toute leur crédibilité aux yeux des détenus et que des liens de confiance puissent s’établir.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est très embarrassée, mais je suis certain que M. le rapporteur pour avis saura nous sortir de ce mauvais pas ! (Sourires.)

La version initiale de l’amendement que nous examinons posait l’interdiction de demander des actes non médicaux aux médecins chargés des personnes détenues. Elle paraissait de portée trop générale à a commission des lois, dans la mesure où elle aurait interdit de solliciter ces personnels pour des expertises.

La rédaction de l’amendement no 197 rectifié bis tient compte des observations formulées par la commission.

Par ailleurs, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement no 206, également déposé par la commission des affaires sociales mais portant sur l’article 24, qui prévoit que le médecin requis pour les investigations corporelles internes appartient à l’hôpital de rattachement mais ne participe pas aux soins en milieu carcéral.

Bien que n’étant pas avare d’avis favorables, la commission des lois aimerait savoir sur lequel de ses deux amendements M. le rapporteur pour avis souhaite obtenir un avis favorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je préférerais que la commission émette un avis favorable sur l’amendement no 197 rectifié bis, afin que celui-ci soit adopté. De ce fait, l’amendement no 206 n’aurait plus de raison d’être puisqu’il serait d’ores et déjà nécessaire de faire appel à un médecin ne s’occupant pas quotidiennement des personnes détenues pour pratiquer tout acte autre que médical.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le rapporteur pour avis, entendons-nous bien sur la signification de l’expression : « un acte dénué de lien avec les soins ou expertises médicales ». En effet, il ne faudrait pas que cette disposition empêche à l’avenir les médecins de participer à des réunions portant, par exemple, sur la prévention du suicide…

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Pas du tout !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … ou d’échanger avec les personnels de l’administration pénitentiaire des informations professionnelles et non pas médicales !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Monsieur le rapporteur, la commission des affaires sociales estime bien évidemment que les exemples que vous venez de citer entrent tout à fait dans la catégorie des actes liés à la mission de soins des personnels visés et sont dans l’intérêt de la santé des détenus dont ils ont la charge.

Pourquoi viser « un acte dénué de lien avec les soins ou expertises médicales » ? Imaginons que le directeur d’une prison appelle le médecin de l’unité de consultations et de soins ambulatoires afin qu’il effectue la fouille corporelle d’un détenu, ce qui comporte l’examen des cavités corporelles. S’il se livre à une telle opération de sécurité, quelle crédibilité aura ce médecin, lui qui soigne cette personne au quotidien ? Il n’en aura plus !

Une fouille corporelle ne constitue en aucun cas un acte de soin et ne peut donc pas être demandée au médecin traitant du détenu.

En revanche, l’amendement no 197 rectifié bis n’interdit pas, bien sûr, les réflexions, les entretiens, les concertations entre professionnels visant à assurer la meilleure santé possible de l’ensemble des détenus.

M. le président. Monsieur le rapporteur, quel est désormais l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’éprouve quelque difficulté à parler au nom de la commission des lois puisque cette dernière, pour l’instant, n’a émis d’avis favorable que sur l’amendement no 206 et n’a pas pu examiner l’amendement no 197 rectifié bis, qui tient compte de ses préconisations.

Même si nous anticipons un peu sur le déroulement de nos travaux, j’aimerais éclairer nos collègues sur l’amendement no 206, déposé à l’article 24, qui est relatif au problème des fouilles.

Le texte de l’article 24 adopté par la commission des lois prévoit que « les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé », et que, le cas échéant, elles ne peuvent être réalisées « que par un médecin requis à cet effet ».

L’amendement no 206 tend à disposer que le médecin appartient à l’hôpital de rattachement – j’imagine qu’il s’agit d’éviter des difficultés que je ne préciserai pas, M. le président nous l’ayant interdit… (Rires.) – et ne participe pas aux soins en milieu carcéral, le but étant d’éviter toute confusion entre le médecin qui, sur réquisition, exerce un rôle de sécurité et le médecin traitant, qui ne peut qu’avoir un rôle de soins.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cela étant dit, la commission souhaite connaître l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Sur le fond, le Gouvernement n’est pas opposé à l’amendement no 197 rectifié bis. Il souhaite cependant attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les conséquences de son éventuelle adoption.

Nous avons connu les plus grandes difficultés pour faire travailler ensemble milieu médical et milieu pénitentiaire, notamment pour assurer la sécurité des personnes détenues. Je prendrai un exemple. La responsabilité de l’affectation d’un détenu dans une cellule incombe au chef d’établissement, qui, pour pouvoir prendre sa décision, doit disposer d’une information dénuée de lien avec l’acte de soins. Pourtant, il est impératif que les médecins donnent leur avis si l’on veut pouvoir éviter qu’un drame ne frappe un détenu ou un membre du personnel pénitentiaire !

Je comprends bien l’esprit de l’amendement no 197 rectifié bis. Néanmoins, s’il est adopté dans sa rédaction actuelle, demain, les médecins ne seront plus obligés de participer aux commissions pluridisciplinaires que nous avons eu la plus grande difficulté à mettre en place dans les établissements pénitentiaires et qui contribuent à la réinsertion des personnes détenues en donnant un avis au magistrat, notamment au juge de l’application des peines, lorsqu’un aménagement de peine est envisagé ou en éclairant les conseillers d’insertion et de probation ainsi que les associations.

Je crains, eu égard à la rédaction actuelle de l’amendement no 197 rectifié bis, que les médecins ne participent plus à rien au motif que leur consultation ne correspond pas à un acte médical ou à un soin. Or ces commissions pluridisciplinaires, mises en place au terme de longues années, ont permis des améliorations majeures des droits des personnes détenues.

Pour ce qui concerne l’amendement no 206, le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat. Il considère cependant que l’adoption de l’amendement no 197 rectifié bis marquerait une régression pour les détenus et pour leur réinsertion.

Je le répète, ne serait-ce que pour apprécier le comportement des détenus, le juge de l’application des peines ou la commission d’application des peines ont besoin d’informations, transmises notamment par les médecins, qui ne sont d’ailleurs pas forcément des renseignements de nature médicale.

Après une consultation, les médecins doivent pouvoir attirer l’attention de l’administration pénitentiaire et lui demander de ne pas confier telle ou telle activité à un détenu ou de ne pas autoriser un placement extérieur, ou même une permission de sortie. Or, si cet amendement est adopté dans sa rédaction actuelle, plus aucun médecin ne s’associera au travail du juge ni ne donnera d’information !

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous mets en garde : l’adoption de cet amendement serait une véritable régression pour les personnes détenues. J’émets donc un avis résolument défavorable.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Monsieur le président, je suis certes un ancien élève des jésuites,…

M. le président. Personne n’est parfait ! (Sourires.)

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. … mais, tout de même, j’ai l’impression de percevoir la différence qui existe entre l’accomplissement d’un acte et la participation éventuelle à des actions de concertation, comme des réunions.

Quand on me dit : « Veuillez fouiller à corps cette personne et examiner ses cavités corporelles », je sais ce que cela signifie. Et quand on me dit : « Acceptez-vous de participer à une réunion de travail pour étudier l’insertion de ce détenu, ou pour savoir dans quelles conditions on peut éventuellement le mettre dans la même cellule qu’un autre prisonnier ? », je n’ai pas du tout le sentiment que l’on exige de moi un acte !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Bien sûr que si !

Si vraiment n’était en cause que l’intérêt du patient, nous pourrions nous contenter de l’amendement no 206 ; malheureusement, ce n’est pas possible. En effet, la disposition que j’avais initialement envisagée n’aurait pas survécu à l’article 40 de la Constitution parce qu’elle imposait de faire appel à un médecin extérieur. Pour contourner l’obstacle, et puisque l’hôpital de rattachement est responsable de la santé des détenus, j’ai proposé de faire appel à l’un des médecins de cet établissement : dans la mesure où c’est précisément le rôle de ces praticiens, une telle mesure ne coûterait rien. C’est pourquoi est précisé dans le texte de l’amendement no 206 qu’il s’agit d’un « médecin ne participant pas aux soins ».

Toutefois, j’ai le sentiment que, contrairement à ce que certains voudraient faire croire, tout le monde ici comprend ce que je veux dire, à savoir qu’il doit être interdit de demander aux médecins de pratiquer des fouilles à corps. Mais peut-être pouvons-nous garder cette idée en tête et y revenir plus tard… Ainsi, l’affaire sera réglée et personne ne pourra prétendre n’avoir pas compris ! Les médecins pourront participer à toutes les actions, à toutes les réunions, mais ne pourront pas réaliser les actes visés ; et vous constaterez, madame le garde des sceaux, que ceux qui, aujourd’hui, ne perçoivent pas la signification de cette notion d’acte comprendront soudain ce que c’est que procéder à une fouille à corps !

M. Robert Badinter. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je tiens à préciser les risques que fait courir cette disposition.

Quand un médecin affirme que l’état d’un détenu n’est pas compatible avec son placement en quartier disciplinaire, est-ce un acte ou une action ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Vous savez très bien que les médecins s’y refusent !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ce n’est pas vrai !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Ils se prononcent sur le maintien en quartier disciplinaire, mais ils se refusent à être à l’origine de la punition !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. À Melun, par exemple, quand la commission pluridisciplinaire procède à une évaluation de dangerosité, les médecins participent aux réunions et signent les documents. Est-ce un acte ou une action ?

Si cet amendement était adopté dans sa rédaction actuelle, il marquerait une véritable régression pour les détenus, je le crains. À chacun de prendre ses responsabilités !

D’ailleurs, vous le savez bien, monsieur About, nous éprouvons déjà les plus grandes difficultés à faire participer les médecins à la prévention du suicide, à l’amélioration de la sécurité des détenus ! Or, souvent, ceux-ci leur livrent des informations qui, n’étant pas de nature médicale, peuvent être portées à la connaissance des autres acteurs présents dans l’établissement pénitentiaire.

L’article 24 du projet de loi porte sur la fouille à corps ; l’amendement no 197 rectifié bis y trouverait bien davantage sa place. Mais dans tous les cas, je le répète, si cet article additionnel était inséré dans le projet de loi, ce serait une régression pour les détenus, parce que les médecins signent certains documents, parce qu’ils sont impliqués dans les commissions d’application des peines, et parce que le juge de l’application des peines peut leur demander certaines informations avant de prendre une décision.

Quant à la différence entre « acte » et « action », je doute fort qu’elle soit pertinente aux yeux de tous ceux qui travaillent dans les établissements pénitentiaires ! Certains ne se poseront pas la question et considéreront que, en l’absence de lien avec les soins, ils ne devront réaliser aucun acte, ne signer aucun document et ne donner aucune information. Ainsi, je le répète, les drames que nous avons connus par le passé se reproduiront !

M. le président. Mes chers collègues, je salue l’intérêt d’un débat dont je comprends toute l’importance, mais il me semble qu’il faut maintenant envisager de le trancher.

Soit nous réalisons un travail de commission, auquel cas je suspendrai la séance et demanderai à la commission de proposer un autre texte, soit nous en restons à cette rédaction, et je vous demanderai de vous prononcer.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Nous sommes au cœur du volet « santé » de ce projet de loi pénitentiaire, me semble-t-il. Il s’agit pour moi de l’élément le plus important du texte. C’est pourquoi je me permets de prendre un peu de temps.

Pour éviter toute confusion, je souhaite rectifier mon amendement et préciser que l’on ne peut demander d’acte « dénué de lien avec les soins, la préservation de la santé du détenu ou les expertises médicales ». Ainsi seront couvertes toutes les situations possibles.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement no 197 rectifié ter, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, qui est ainsi libellé :

Après l’article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un acte dénué de lien avec les soins, la préservation de la santé du détenu ou les expertises médicales ne peut être demandé aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral.

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Je tiens à rassurer M. About : nous sommes tout de même un certain nombre à avoir compris de quoi il parlait ! Je crois qu’il a raison d’insister sur l’importance de cet amendement.

Un débat s’est engagé, de multiples arguments, parfois techniques, ont été échangés. Sans vouloir me situer en retrait par rapport à l’amendement de M. le rapporteur pour avis, je formulerai une suggestion : ne pourrions-nous pas – mais peut-être n’est-ce pas conforme à la procédure parlementaire ! – examiner dès maintenant l’amendement no 128 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l’article 21 ? En effet, il est étrangement lié à l’amendement dont nous discutons et nous permettrait peut-être de régler certaines des questions que soulève celui-ci.

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. En réalité, nous avons bien compris l’objectif de M. About : au-delà de la question du statut du médecin, il vise le problème que nous aborderons tout à l’heure lors de l’examen de l’article 24. Or si nous parvenons, comme je le souhaite, à proscrire dans tous les cas les investigations corporelles internes, la difficulté sera réglée !

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.

M. Claude Jeannerot. En complément des propos de mon collègue Alain Anziani, j’indiquerai que deux arguments au moins militent en faveur de l’amendement de M. About, et peut-être plus encore de notre propre amendement no 128 rectifié.

Tout d’abord, comme Mme le garde des sceaux le rappelait tout à l’heure à juste raison, c’est la loi du 18 janvier 1994 qui organise l’accès aux soins des détenus et dispose que le secteur public hospitalier assure la prise en charge médicale de ces derniers.

Ensuite – cet argument est décisif et suffirait à justifier la proposition de M. About –, l’article 105 du code de déontologie médicale dispose :

« Nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant d’un même malade.

« Un médecin ne doit pas accepter une mission d’expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d’un de ses patients, d’un de ses proches, d’un de ses amis ou d’un groupement qui fait habituellement appel à ses services. »

Autrement dit, une étanchéité absolue est nécessaire entre les fonctions de médecin traitant – c’est de cela qu’il s’agit en l’espèce – et les fonctions d’expertise qui peuvent être mobilisées par l’administration pénitentiaire.

Pour ma part, mes chers collègues je vous invite à vous rallier à l’amendement no 128 rectifié.

M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Mme Virginie Klès. Je crois que nous nous sommes quelque peu perdus dans la définition des « actes » et des « actions ». Ce qui compte, c’est l’objectif visé par ces actes, actions, participations à des commissions pluridisciplinaires et autres interventions.

S’il s’agit d’évaluer l’état de santé d’un détenu, de savoir s’il est capable ou non de supporter un placement en quartier disciplinaire, s’il se trouve dans un état « propice » au suicide…, nous sommes bien dans le cadre des soins, de la prévention, de la santé. La question n’est donc pas de savoir si la disposition qui nous est proposée relève des « actes » ou des « actions », mais si l’acte ou l’action participe ou non de la santé et du soin.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mes chers collègues, j’ai l’impression que nous sommes tous d’accord pour estimer qu’il est hors de question de demander au médecin traitant d’assurer des fonctions de sécurité, notamment de pratiquer des fouilles corporelles, car nous comprenons parfaitement qu’un tel acte est de nature à rompre l’indispensable lien de confiance que le praticien entretient avec son malade.

Je constate que Mme le garde des sceaux craint, et je comprends son point de vue, que la disposition dont nous débattons n’emporte des conséquences graves sur le fonctionnement quotidien de la prison.

Par exemple, si nous adoptons l’amendement no 197 rectifié ter, le médecin ne pourra-t-il pas se défausser, en quelque sorte, quand on lui demandera s’il est particulièrement dangereux de mettre tel détenu en encellulement collectif ? Je garde en mémoire le drame de Rouen, notamment.

À l’inverse, le médecin sera-t-il encore obligé, en pratique, de donner son avis quand on lui demandera s’il ne convient pas de placer en encellulement collectif un détenu qui présenterait des tendances suicidaires ?

Or, comme Hugues Portelli, je relève que dans quelque temps nous examinerons un autre amendement de M. About qui tendrait à satisfaire notre souhait unanime, pour lequel le Gouvernement semble s’apprêter à s’en remettre à la sagesse du Sénat, et que nous serions tous prêts à voter.

N’avons-nous pas là l’occasion de sortir de cette difficulté, soit en demandant à M. le rapporteur pour avis de bien vouloir retirer son amendement, soit en ne lui accordant pas notre vote – non pas pour le censurer, mais pour mieux lui donner satisfaction dans quelques instants ?

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement no 197 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. J’ai un problème : le texte de l’amendement no 206, que vient d’évoquer M. le rapporteur, n’est pas du tout satisfaisant.

En effet, pour contourner l’article 40 de la Constitution, j’ai été obligé d’écrire une stupidité et d’expliquer que cette disposition ne coûterait rien puisque nous demanderions l’intervention non pas d’un médecin extérieur, mais du praticien de l’hôpital de rattachement.

Or, avant que cet établissement n’envoie un médecin, de l’eau risque de couler sous les ponts ! Mes chers collègues, soyons sérieux, car on n’écrit pas de bêtises dans la loi.

Soit, pour contourner l’article 40 de la Constitution, le Gouvernement dépose un amendement reprenant les dispositions de l’amendement no 206 sans la mention de l’hôpital de rattachement, et dans ce cas je m’y rallierai et retirerai l’amendement no 197 rectifié ter ; soit nous adoptons l’amendement no 206 en sachant qu’il est dépourvu de portée pratique, mais en espérant qu’il évitera au moins aux médecins des unités de consultations et de soins ambulatoires et des services médico-psychiatriques régionaux, les UCSA et les SMPR, ainsi qu’aux personnels infirmiers – l’amendement socialiste ne les vise pas –, de se voir demander des actes qui, à mon avis, ne sont pas de leur ressort.

L’amendement no 197 rectifié ter est donc maintenu.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je vais tenter, dans une ultime tentative, de vous convaincre, mesdames, messieurs les sénateurs.

De gros efforts sont réalisés pour prévenir le suicide des personnes détenues, pour éviter la violence non seulement entre elles, mais aussi envers les personnels pénitentiaires, et pour favoriser leur réinsertion. Ces efforts n’auront de chances d’être couronnés de succès que si le maximum d’informations est recueilli.

Dans les établissements pénitentiaires, certains médecins ont pour habitude de refuser de communiquer des informations, ou bien de ne les distiller qu’au compte-gouttes…

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Oui !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … au prétexte que, la demande n’étant pas d’ordre médical, ils ne sont pas tenus d’y satisfaire.

Or, il est indispensable de recueillir le maximum d’informations pour lutter contre la récidive, pour favoriser la réinsertion ou encore pour procéder au classement des détenus, préalable à l’exercice d’une activité. Pour agir au mieux de leurs intérêts, il est nécessaire de connaître leur personnalité. Les médecins peuvent apporter un précieux éclairage.

Je comprends ce que les auteurs de cet amendement entendent par « acte dénué de lien avec les soins », je comprends la distinction entre acte et action ; mais, dans un établissement pénitentiaire, tout le monde est amené à travailler de concert en faveur de la réinsertion des personnes détenues. Ne restreignons pas nos possibilités en la matière !

Je crains que l’actuelle rédaction n’entraîne un nouveau cloisonnement entre le personnel médical et l’administration pénitentiaire, alors que le simple bon sens veut qu’ils travaillent main dans la main.

Ne leur imposons donc pas des textes qui vont les amener à s’interroger et à hésiter à prendre leurs responsabilités quand il s’agira de savoir si telle ou telle personne relève du quartier disciplinaire, doit être placée à l’isolement ou pas, peut pratiquer une activité… ! Le médecin risque de prendre prétexte du fait que cette demande n’a pas de lien avec le soin qu’il prodigue au détenu pour ne pas répondre. Et, s’il y a un suicide, ce sera encore l’administration pénitentiaire qui en portera la responsabilité.

Les nombreuses et lourdes responsabilités que les personnels pénitentiaires ont déjà à assumer – le classement des détenus, leur affectation dans les cellules, notamment – requièrent qu’ils disposent d’un maximum d’informations.

J’insiste : je souhaiterais que cet amendement ne soit pas adopté.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Après avoir écouté avec attention mes collègues, M. le rapporteur et Mme la garde des sceaux, j’ai le sentiment que nous sommes tous d’accord entre sénateurs, mais je ne suis pas sûr que nous soyons d’accord avec Mme la garde des sceaux.

Toutefois, puisqu’il m’apparaît que nous nous entendons sur un même objectif, à savoir préciser dans un amendement ultérieur qu’aucun personnel soignant ne peut être contraint à effectuer d’investigations corporelles internes, je retire cet amendement (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), en insistant, mes chers collègues, sur le fait que nous devrons être tous solidaires, le moment venu, pour avancer à nouveau les mêmes arguments.

Je ne voudrais pas être tenu pour responsable d’une rupture des relations entre les professionnels du milieu médical et ceux du milieu carcéral, rupture dont certains, ici, ont fait planer la menace. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Excusez-moi, mais je sais ce qu’il en est de ces relations : elles sont bonnes quand les gens sont intelligents et mauvaises quand ils ne sont, à mon avis, pas à la hauteur. Elles tiennent non pas aux textes de loi, mais aux individus.

Nous « resservirons » – pardonnez-moi, madame la garde des sceaux ! – tout ce que vous venez de nous exposer lorsque nous en arriverons à l’examen de l’article concernant les fouilles à corps.

M. le président. L’amendement no 197 rectifié ter est retiré.

M. Alain Anziani. Je le reprends, monsieur le président.

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement no 197 rectifié quater.

Je le mets aux voix.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 20.

Articles additionnels après l’article 20
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Article additionnel après l’article 21

Article 21

Doivent être titulaires d’un permis de visite les autorisant à s’entretenir avec les détenus, hors de la présence du personnel pénitentiaire :

1° Les personnes bénévoles intervenant auprès des personnes malades en fin de vie, visées à l’article L. 1110-11 du code de la santé publique ;

2° Les personnes majeures accompagnant les personnes malades mineures, visées à l’article L. 1111-5 du même code ;

3° Les personnes de confiance accompagnant et assistant les personnes malades, visées à l’article L. 1111-6 du même code ;

4° Les personnes présentes lors de la consultation des informations du dossier médical des personnes malades, visées à l’article L. 1111-7 du même code ;

5° Les personnes, visées au troisième alinéa de l’article L. 2212-7 du même code, accompagnant les détenues mineures à l’occasion d’une interruption volontaire de grossesse.  – (Adopté.)

Article 21
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Article 22

Article additionnel après l’article 21

M. le président. L’amendement no 128 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un médecin traitant est désigné pour chaque détenu.

Le médecin traitant ne peut être appelé à pratiquer des examens ordonnés par l’autorité judiciaire ou l’administration pénitentiaire sur le détenu dont il assure le suivi.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Je retire cet amendement, que l’adoption de l’amendement no 197 rectifié quater a rendu inutile.

M. le président. L’amendement no 128 rectifié est retiré.

Article additionnel après l’article 21
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Articles additionnels après l’article 22

Article 22

Lorsqu’il est fait application des dispositions de l’article L. 1111-6-1 du code de la santé publique relatives à l’aide d’une personne malade, empêchée d’accomplir elle-même des gestes liés à des soins médicaux, la désignation de l’aidant est subordonnée à une autorisation de l’administration pénitentiaire.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement no 129, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

La désignation de l’aidant est de droit, sauf décision contraire du chef d’établissement, spécialement motivée.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. L’article 22 nous amène à réfléchir sur l’application en milieu pénitentiaire de l’article L. 1111-6-1 du code de la santé publique, qui indique : « Une personne durablement empêchée, du fait de limitations fonctionnelles des membres supérieurs en lien avec un handicap physique, d’accomplir elle-même des gestes liés à des soins prescrits par un médecin, peut désigner, pour favoriser son autonomie, un aidant naturel ou de son choix pour les réaliser. »

Nous saluons cette disposition, qui va dans le sens du respect de la dignité due aux détenus et, en cela, constitue une réponse, notamment, aux principes fondamentaux exposés dans les règles pénitentiaires européennes.

Restent un certain nombre de questions : dans les faits, auprès de qui le malade détenu devra-t-il faire valoir sa demande ? Le gardien, les gardiens gradés, le directeur de l’établissement ? Rien n’est spécifié. Des précisions devraient être apportées.

Enfin, selon quelles modalités et dans quel cadre l’enseignement prévu sera-t-il dispensé ? Qu’en sera-t-il si, comme tel est le cas dans nombre d’établissements, le médecin est seul et que l’enseignement requiert un laps de temps important ? La question vaut également pour les soins infirmiers.

M. le président. L’amendement no 196, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Le détenu faisant fonction d’aidant peut être rémunéré par l’administration pénitentiaire.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Aujourd’hui, un détenu handicapé qui demande à un autre détenu de l’aider se voit souvent « rançonné » : il ne sera porté dans son fauteuil qu’en échange, par exemple, d’un paquet de cigarettes… Une telle pratique n’est pas bonne.

Celui qui assure la fonction d’aidant doit être rémunéré, au titre des services généraux, de la même façon que l’est, par exemple, celui qui distribue les repas. C’est une mission des plus nobles : il faut la reconnaître.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il semble logique à la commission de prévoir, conformément à la rédaction initiale du projet de loi, que l’intervention d’une personne extérieure en prison, fût-elle un aidant, soit soumise à autorisation préalable. Il est par ailleurs difficile, en pratique, d’imaginer que le chef d’établissement s’oppose au choix de la personne. La commission demande donc le retrait de l’amendement no 129.

Quant à l’amendement no 196, il vise à préciser que « le détenu faisant fonction d’aidant peut être rémunéré par l’administration pénitentiaire ». C’est déjà le cas aujourd’hui : lors de visites d’établissements pénitentiaires, notamment d’établissements accueillant des handicapés, j’ai souvent constaté que des aidants étaient rémunérés par l’administration pénitentiaire. Ils ne le sont peut-être pas de manière systématique,…

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Voilà !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … mais il est inutile d’ajouter cette phrase dans la loi puisque la possibilité qu’elle ouvre existe d’ores et déjà. En conséquence, la commission souhaite également le retrait de l’amendement no 196.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis que la commission, pour les mêmes raisons.

M. le président. Monsieur Jeannerot, l’amendement no 129 est-il maintenu ?

M. Claude Jeannerot. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement no 196 est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je le maintiens, monsieur le président. En effet, il arrive que les directeurs d’établissement pénitentiaire eux-mêmes n’imaginent pas qu’il soit possible de rémunérer les détenus faisant fonction d’aidants.

Dans certains établissements, les unités de consultations et de soins sont à l’étage : comment une personne en chaise roulante pourrait-elle emprunter seule des escaliers ? Elle ne peut pas faire autrement que de solliciter l’aide d’autres détenus. C’est une contrainte incontournable.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote sur l’amendement no 129.

M. Pierre Fauchon. Est-il nécessaire d’employer le terme « aidant » ? Est-il celui qui est consacré en ce domaine ? Les mots « assistant », ou « aide », tout simplement, ne seraient-ils pas préférables ? L’un comme l’autre me sembleraient plus conformes aux usages de la langue française !

S’il est effectivement équivalent au terme « aidant », j’estime que nous devrions choisir « aide », qui serait plus convenable.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. « Aidant » est le terme consacré.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C’est celui qui est utilisé dans le code de la santé publique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas beau, mais c’est ainsi !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 129.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l’article 22 est ainsi rédigé et l’amendement no 196 n’a plus d’objet.

Article 22
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Rappel au règlement

Articles additionnels après l’article 22

M. le président. L’amendement no 130, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les traitements médicaux prescrits avant l’incarcération par un médecin généraliste ou un spécialiste sont poursuivis en détention.

Leur interruption peut engager la responsabilité de l’administration pénitentiaire.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Dans cet amendement est affirmé le principe de la poursuite des soins prescrits avant l’incarcération. Il y est également prévu que leur interruption engage la responsabilité de l’administration pénitentiaire.

Dans l’avis qu’elle a rendu sur ce projet de loi, la Commission nationale consultative des droits de l’homme recommande que le principe de continuité des soins soit appliqué de manière stricte, ce qui induit que les traitements médicaux commencés à l’extérieur puissent être poursuivis.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission n’est pas favorable à cet amendement, et ce pour deux raisons.

D’une part, elle estime que la référence à la continuité des soins, qui a été introduite à l’article 20 du projet de loi, satisfait pour partie cet amendement.

D’autre part, et surtout, elle s’interroge sur les conditions dans lesquelles la responsabilité de l’administration pénitentiaire pourrait être engagée en cas d’interruption des traitements médicaux prescrits avant l’incarcération. En effet, si la personne concernée entre en prison un vendredi soir, l’administration pénitentiaire verra sa responsabilité systématiquement engagée alors qu’elle n’y est strictement pour rien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J’approuve sans réserve les arguments de M. le rapporteur. J’aimerais que, de temps en temps, l’on n’oublie pas l’importance et la lourdeur des responsabilités que l’administration pénitentiaire assume déjà.

Le Gouvernement est tout à fait défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement soulève un grave problème.

En effet, si une personne accueillie un vendredi soir, pour reprendre l’exemple qui vient d’être évoqué, n’apporte pas ses médicaments, elle verra son traitement interrompu, aucune permanence de soins n’étant assurée durant le week-end.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Ce n’est que le lundi matin qu’un médecin de l’UCSA pourra décider si le traitement doit être ou non poursuivi. Manifestement, entre le vendredi soir et le lundi matin, la responsabilité de l’administration pénitentiaire pourrait être engagée. Il faut donc régler cette question.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 130.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de cinq minutes.

Mme Éliane Assassi. J’en étais sûre !

M. Louis Mermaz. C’est pour battre le rappel !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Sinon, je demanderai un scrutin public sur chaque amendement !

M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le président de la commission des lois.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour un rappel au règlement.

Articles additionnels après l’article 22
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Articles additionnels après l'article 22

M. Louis Mermaz. Monsieur le président, comme, me semble-t-il, l’ensemble de mes collègues, je souhaiterais que vous puissiez nous éclairer sur la suite de nos travaux. Nombre d’articles restent encore en discussion. Or, selon des bruits qui courent, nous siégerions jusqu’à l’aube, ce qui serait une méthode folle !

M. le président. Je peux d’ores et déjà indiquer que je suspendrai la séance à dix-neuf heures quinze, Mme le garde des sceaux devant se rendre à une réunion organisée au Conseil constitutionnel.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La conférence des présidents avait prévu une séance éventuelle demain, vendredi. Compte tenu du nombre d’amendements restant en discussion, qui sont loin d’être des amendements de détail, il me paraît totalement irréaliste d’espérer achever nos travaux aujourd’hui dans des délais raisonnables, c’est-à-dire avant une heure et demie du matin, sauf à bâcler notre travail.

Monsieur le président, il serait sans doute sage de lever la séance à minuit et demi et de siéger demain à partir de neuf heures trente, conformément au calendrier adopté par la conférence des présidents.

M. le président. Ainsi se trouvera supprimé un adverbe, ce qui ne peut que combler la commission des lois ! (Sourires.)

Rappel au règlement
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Rappel au règlement

Articles additionnels après l’article 22 (suite)

M. le président. L’amendement no 131, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aucune exception ne peut être opposée au secret médical des détenus par le service public pénitentiaire.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Par cet amendement, nous entendons rouvrir le débat sur le secret médical, qui n’a été que trop partiellement traité tout à l’heure, et en réaffirmer le caractère absolu.

Rappelons, une fois encore, le principe éthique du secret médical : il existe dans l’intérêt premier du patient et vise à protéger celui-ci des effets d’une divulgation d’informations intimes qu’il a livrées au personnel médical. En cela, le secret est une nécessité technique de l’exercice de soins, dont il conditionne bien souvent la qualité.

Plus prosaïquement, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, l’Académie de médecine a souligné que le secret médical, dans les prisons, n’était pas toujours respecté ni bien perçu par tout le monde. De son existence dépend aussi l’applicabilité de certains dispositifs : je pense tout particulièrement à la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, dans laquelle est prévue la possibilité d’accorder des remises de peine à ceux qui, présentant une pathologie, généralement d’addiction, acceptent de suivre un traitement. Dans ce cas, le médecin sera automatiquement interrogé par l’administration pénitentiaire, alors qu’il s’agit bien d’informations couvertes par le secret médical.

De telles situations demandent donc une clarification des rôles et des missions de l’ensemble des acteurs.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission ne peut qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement no 131. D’une part, il n’est pas tenu compte des limites introduites par la loi sur la rétention de sûreté. D’autre part, l’amendement est totalement contraire à l’amendement no 193 rectifié de la commission des affaires sociales que nous avons adopté tout à l’heure.

Voter l’amendement no 131 reviendrait, si je puis dire, à prétendre d’un même fauteuil d’abord qu’il est rouge, puis qu’il est vert !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’adoption de cet amendement reviendrait à créer un secret médical spécifique aux détenus, qui sont pourtant considérés comme faisant partie intégrante de la population. Je le répète, il n’y a plus de médecine « pénitentiaire ». Aucune dérogation n’est donc envisageable, a fortiori pour le secret médical.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Absolument !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le droit commun en vigueur en matière de secret médical s’applique également aux détenus : il ne faut donc pas créer d’exception.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cet amendement est incompatible avec l’amendement précédemment adopté !

M. le président. La remarque de M. le rapporteur paraît pour le moins fondée ! Dans ces conditions, monsieur Jeannerot, l’amendement no 131 est-il maintenu ?

M. Claude Jeannerot. Il s’agissait, dans notre esprit, d’appliquer le droit commun en matière de respect du secret médical, afin d’éviter la confusion des rôles. J’admets cependant que cet amendement est quelque peu redondant, puisqu’un amendement fort ressemblant a été adopté. Je le retire donc.

M. le président. L’amendement no 131 est retiré.

L’amendement no 132, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque des soins sont dispensés à des personnes détenues pendant les extractions médicales, ils le sont dans le respect de la dignité humaine.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement a pour objet de mettre un terme à certaines pratiques que l’on a pu observer et à poser le principe selon lequel, lorsque des soins sont dispensés à des personnes détenues pendant les extractions médicales, ils le sont dans le respect absolu de la dignité humaine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ce droit était d’ores et déjà prévu dans le troisième alinéa de l’article 20 du projet de loi, lequel garantit le respect du droit de la personne détenue à « la qualité et la continuité des soins », y compris pendant une extraction médicale. Désormais, il est également garanti par l’article 10, dont la nouvelle rédaction prend en compte le respect de la dignité humaine.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il est défavorable, cet amendement étant satisfait par la nouvelle rédaction de l’article 10.

M. le président. Monsieur Jeannerot, l’amendement no 132 est-il maintenu ?

M. Claude Jeannerot. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L’amendement no 132 est retiré.

L’amendement no 133, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque les personnes détenues ont subi des violences physiques, mentales ou sexuelles, l’administration pénitentiaire doit favoriser leur accès aux services spécialisés.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement a pour objet d’introduire dans notre droit la règle pénitentiaire européenne 34.2.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le droit en vigueur prévoit d’ores et déjà une obligation incontournable en la matière. En outre, cette disposition fait partie de l’obligation générale rappelée une fois encore par la commission des lois à l’article 19 bis du projet de loi.

Cet amendement est donc presque en retrait par rapport aux obligations qui existent actuellement dans de telles hypothèses.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je préfère obliger plutôt que favoriser ou faciliter. L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Monsieur Jeannerot, l’amendement no 133 est-il maintenu ?

M. Claude Jeannerot. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 133.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin no 124 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l’adoption 137
Contre 186

Le Sénat n’a pas adopté.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour un rappel au règlement.

Articles additionnels après l'article 22
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Articles additionnels après l'article 22

M. Hugues Portelli. Monsieur le président, je souhaite que dans la future version du règlement du Sénat figurent intégralement les conditions dans lesquelles il est procédé au scrutin public au sein de cette assemblée. Je suis en effet curieux de connaître l’avis du Conseil constitutionnel sur de telles pratiques ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il les connaît !

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Portelli. Il figurera dans le compte rendu de nos débats et pourra faire l’objet d’une lecture attentive !

Rappel au règlement
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Article 23 (supprimé)

Articles additionnels après l’article 22 (suite)

M. le président. L’amendement no 198 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une visite médicale obligatoire est organisée avant que le détenu ne soit libéré.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il est souhaitable qu’un examen médical soit rendu obligatoire lors de la sortie de prison. Cet amendement tend donc à prévoir une visite médicale obligatoire avant que le détenu ne soit libéré, afin de permettre la poursuite des traitements et, éventuellement, d’établir un lien qui favorisera la réinsertion et le suivi du détenu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission avait émis un avis défavorable sur l’amendement no 198 non rectifié, qui tendait à subordonner, après la libération, le maintien des droits à la sécurité sociale à une visite médicale dont nous avions compris qu’elle devait avoir lieu après la sortie de prison.

D’une part, nous ne voyions pas comment il était possible d’obliger les détenus libérés à passer une visite médicale après leur sortie de prison. D’autre part, nous nous inquiétions de la perte éventuelle de leurs droits à la protection sociale par les détenus libérés, ces droits étant subordonnés à l’acceptation de cette visite.

L’amendement a été rectifié. La commission n’a pas examiné la rectification, mais il va de soi que celle-ci va dans un sens particulièrement favorable à la continuité des soins. Il arrive actuellement que celle-ci s’interrompe dans des conditions dramatiques et ubuesques, et M. About en donne quelques exemples dans son rapport. Ainsi, des prothèses dentaires qui ont été commandées et livrées ne sont pas posées parce que les détenus concernés sont libérés un vendredi soir… Plus grave encore, il arrive qu’un traitement qui doit être poursuivi ne puisse pas l’être.

À titre personnel, je suis tout fait favorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il est favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 198 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22.

L’amendement no 199, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes détenues peuvent, après avis médical et sur autorisation du directeur régional des services pénitentiaires, faire appel à un autre praticien que ceux appartenant aux unités de soins en milieu carcéral et à leurs hôpitaux de rattachement.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il arrive, bien que rarement, qu’un détenu soit déjà suivi par un spécialiste avant son incarcération ou que son état nécessite une consultation impossible à réaliser dans les hôpitaux de rattachement des unités carcérales. Afin de garantir, selon les cas, la continuité des soins antérieurs à l’incarcération ou l’accès au meilleur traitement possible, une dérogation au système de consultation mis en place par la loi de 1994 paraît souhaitable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a estimé que cette disposition ne relevait pas du domaine de la loi et en a souhaité le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il ne nous paraît pas utile de consacrer dans la loi cette disposition, qui figure déjà aux articles D. 365 et D. 391 du code de procédure pénale.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement no 199 est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Mme la garde des sceaux nous indique que cette disposition figure dans la partie réglementaire du code de procédure pénale. Certes ! Mais ces textes disposent qu’une telle dérogation nécessite l’autorisation expresse du ministre de la justice, ce qui est très lourd.

Je ne veux toutefois pas en faire une affaire. Je retire donc cet amendement, mais vous aurez, madame la garde des sceaux, à vous prononcer sur toutes les demandes de ce genre !

M. le président. L’amendement no 199 est retiré.

M. Alain Anziani. Je le reprends, monsieur le président !

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement no 199 rectifié.

Je le mets aux voix.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l’amendement.)

M. le président. L’amendement no 200, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque détenu dispose d’un dossier médical électronique unique.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il est bien compliqué d’avoir une approche globale de la santé physique et mentale ! Il ne faut pas que des querelles opposent la médecine somatique et la psychiatrie, les UCSA et les SMPR. Le malade doit être placé au cœur du dispositif. Il est donc nécessaire que tous les médecins aient accès à l’ensemble des informations le concernant.

Telle est la raison pour laquelle je propose un dossier médical électronique unique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Dans un élan d’humilité louable, la commission des lois reconnaît sa compétence très partielle sur ce point et sollicite l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour être tout à fait franche, je reconnais que les services du ministère de la santé ne sont absolument pas prêts pour le dossier unique électronique. Par conséquent, il est peut-être prématuré de l’imposer pour les détenus alors qu’il n’est pas mis en place pour l’ensemble de la population.

Par ailleurs, je rappelle que les détenus malades sont d’abord des patients avant d’être des détenus. Si on leur impose le dossier médical électronique unique, on les différencie du reste de la population.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On fera comme pour la population générale : le principe existera, mais on ne l’appliquera pas !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En effet, pour l’instant, nous n’en avons pas les moyens.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Nous comprenons qu’il soit très compliqué de l’imposer pour la population générale, mais, dans le cas qui nous occupe, il s’agit d’un lieu de détention !

Savez-vous que, lorsque la prison abrite à la fois une unité de consultation et de soins ambulatoires et un service médico-psychologique régional – c’est le meilleur des cas, puisqu’il n’existe qu’un SMPR par région – il n’y a aucun lien entre les deux, pas de câble informatique, pas d’ADSL, et que le dossier établi par le psychiatre n’est pas communiqué au médecin de l’UCSA et inversement ? Et pourtant, on soigne ! C’est tout à fait extraordinaire ! Il me semble que nous pourrions nous battre pour que, si les deux praticiens ne veulent pas avoir le même support papier, il y ait au moins une liaison informatique entre les deux services.

Les directeurs de prison vous rétorqueront que c’est l’affaire de l’hôpital.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Pour peu qu’il y ait deux établissements de rattachement, il faudra donc, en plus, que leurs directeurs se mettent d’accord. Et si on leur fait observer qu’il suffit de tirer une ligne, ils veulent bien que ce soit fait, mais refusent de payer les travaux.

Il ne s’agit pas ici du dossier médical de tous les Français ! Nous sommes dans un lieu clos où exercent des personnels soignants, parfois au sein d’un seul et même service. Le psychiatre ou le psychologue qui viennent travailler dans l’unité de consultation et de soins ambulatoires pourraient au moins se servir du même dossier médical que le médecin qui, parfois, partage son bureau avec eux ! Or tel n’est pas le cas.

Un dossier médical unique est nécessaire parce que, il semble qu’on ait tendance à l’oublier, les détenus ne vivent pas tout à fait dans les mêmes conditions que la population générale.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 200.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22.

L’amendement no 201, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les hôpitaux en charge des unités de soins en milieu carcéral passent, pour les matériels mis à disposition de ces unités, un contrat d’entretien spécifique.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. On constate que de trop nombreux matériels de soins implantés dans les UCSA et les SMPR ne fonctionnent pas. C’est un peu dommage, car il s’agit quelquefois de très beau matériel, par exemple de fauteuils de dentiste…

Cet amendement tend à ce que les hôpitaux qui ont la charge des unités de soins concernées soient systématiquement tenus de passer un contrat d’entretien spécifique pour ces matériels fort onéreux. Il ne saurait tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution, puisqu’il conduira à réaliser de très importantes économies : que l’on rapporte le prix du contrat d’entretien d’un fauteuil de dentisterie à celui des extractions nécessaires pour que les prisonniers puissent recevoir les soins à l’extérieur de l’établissement ! Je rappelle que chacune coûte entre 450 euros et 1 500 euros.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission des lois partage l’objectif de M. About, et j’ai moi-même eu l’occasion de constater que certains matériels ne sont pas correctement entretenus. Cependant, si nous acceptons d’inscrire dans la loi le principe d’un contrat d’entretien spécifique, autant considérer tout de suite que la distinction entre les articles 34 et 37 de la Constitution n’existe plus !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. C’est un amendement d’appel !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. M. le président de la commission des affaires sociales a raison de souligner que, sans maintenance, même un matériel très performant se dégrade très vite et cesse de fonctionner.

Pour autant, mes chers collègues, c’est une grande loi pénitentiaire que nous sommes en train d’élaborer ! Or, avec l’amendement no 201, non seulement nous sommes en dessous du niveau des exigences de l’article 34 de la Constitution, mais nous descendons peut-être même en dessous de celui de l’article 37 !

Qui plus est, nous pouvons toujours écrire qu’il convient d’entretenir le matériel : tant que les moyens correspondants ne seront pas prévus – l’article 40 de la Constitution a-t-il été invoqué ? –, cela ne changera strictement rien.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cela coûtera moins cher !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Uniquement si l’entretien est assuré !

Certes, monsieur About, il convient de signaler qu’un certain nombre d’équipements ne sont pas entretenus et que c’est tout à fait dommageable. Toutefois, pourriez-vous, après avoir signalé fortement la nécessité de prévoir des crédits à cet effet, retirer votre amendement ?

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement no 201 est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. J’essayais d’être agréable à Mme la garde des sceaux en permettant à l’administration pénitentiaire de réaliser des économies, puisque l’entretien des matériels éviterait des extractions dont elle doit assumer la charge…

J’ai bien conscience, monsieur le président de la commission des lois, que cette disposition ne relève en rien de la loi !

Il n’en reste pas moins qu’il faut absolument demander aux actuelles agences régionales de l’hospitalisation, qui sont les futures agences régionales de santé, de veiller à inscrire ces contrats d’entretien dans le budget des UCSA. La situation actuelle est une véritable honte, et certains hauts responsables ne font visiblement pas leur travail ! Ils devraient vérifier que les crédits affectés aux UCSA parviennent bien à ces derniers et ne sont pas, comme c’est parfois le cas, détournés au profit de l’hôpital de rattachement.

Cela étant, je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement no  201 est retiré.

M. Alain Anziani. Je le reprends ! (Protestations sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement no 201 rectifié.

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. Je souhaite rendre hommage à M. About, qui a visiblement beaucoup travaillé ses dossiers et a pu s’appuyer sur l’ensemble de la commission des affaires sociales. Les amendements qu’il nous propose ont été mûrement réfléchis, qui plus est par un homme de l’art fort avisé, et méritent un peu plus de respect et de considération. C’est la raison pour laquelle nous les reprenons.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Monsieur Anziani, j’ai comme vous beaucoup de respect et d’amitié pour M. About, mais j’ai plus de respect encore pour les principes fondamentaux de l’action législative.

On peut reprocher à l’ensemble du texte de présenter, techniquement, un certain caractère réglementaire, mais cette critique tombe dès lors que ce sont les droits de l’homme qui sont en cause.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

M. Pierre Fauchon. Et c’est parce que ce sont eux qui sont en cause dans beaucoup d’articles que nous avons raison de traiter cela dans une loi qui deviendra une grande loi.

Mais encore faut-il s’arrêter à ce qui touche les droits de l’homme ! Ces histoires de fauteuils et d’économies ne les concernent vraiment en rien, et je trouve que nous abaissons le niveau de nos réflexions. Je vois bien que c’est un peu par malice que vous reprenez ces amendements, mes chers collègues, mais ne pouvez-vous pas y renoncer ? (M. Louis Mermaz s’exclame.)

Ce serait mieux, et on en resterait au niveau de la défense des droits de l’homme, qui, seule, justifie la compétence de notre assemblée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 201 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement no 202, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 juillet 2009, le Gouvernement présente au Parlement un plan d’équipement des unités de consultation et de soins ambulatoires et des services médico-psychologiques régionaux en moyens de télémédecine pour les années 2009 à 2014.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à prévoir l’élaboration par le Gouvernement d’un plan d’équipement des UCSA et des SMPR en moyens de télémédecine pour la période 2009-2014.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission aurait pu, comme tout à l’heure, reconnaître le caractère limité de sa compétence sur les équipements de télémédecine, mais elle a estimé que cet amendement, s’il nous fait remonter du niveau de la circulaire à celui du décret, ne nous amène toujours pas à celui de la loi. Elle en demande donc le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement no 202 est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je le retire pour la beauté du texte, monsieur le président, mais cette demande restera inscrite comme une nécessité.

M. le président. L’amendement no 202 est retiré.

M. Alain Anziani. Je le reprends !

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement no 202 rectifié.

Je le mets aux voix.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement no 203, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l’article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après avis médical, les détenus ayant effectué un séjour continu de plus de douze mois dans un service médico-psychologique régional sont placés dans des établissements spécialisés hors du milieu carcéral pour la durée restante de leur peine, dans des conditions définies par décret.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Nous remontons encore d’un cran ! (Sourires.)

Un séjour d’une durée anormalement longue au sein d’un SMPR révèle une telle inadaptation au milieu carcéral qu’elle remet en cause, à mon avis, la validité de la décision d’incarcération.

Il est donc proposé qu’un détenu ayant passé plus de douze mois consécutifs dans un service médico-psychologique régional soit réorienté vers un établissement de soins spécialisés, dans des conditions définies par décret.

On ne peut concentrer les moyens limités des SMPR sur un seul individu pendant plusieurs années.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Avec cet amendement, nous abordons les problèmes extrêmement complexes, déjà évoqués tout à l’heure, de la maladie mentale en prison, notamment la maladie mentale lourde.

L’amendement fait référence au placement des détenus ayant passé plus de douze mois dans un service médico-psychiatrique régional, ce qui est contraire au principe selon lequel ces unités n’assurent que des soins ambulatoires. Cependant, il n’est pas satisfaisant de faire référence dans la loi à une situation anormale, au risque de donner à celle-ci une forme de consécration.

Par ailleurs, l’amendement reste trop imprécis sur la nature de l’établissement destiné à accueillir les intéressés – et pour cause, puisqu’il n’en existe pas !

Il faut rappeler qu’ouvriront dès cette année les premières unités hospitalières spécialement aménagées, ou UHSA, destinées à recevoir les personnes atteintes de troubles mentaux, consentantes ou non. Cependant, ces unités, en principe, n’ont pas vocation à recevoir ces personnes pour de longs séjours. La commission des lois, dans son rapport présenté par MM. Philippe Goujon et Charles Gautier, avait préconisé la mise en place d’UHSA de long séjour, qui répondraient pour partie aux préoccupations de M. About.

Il faut d’abord s’interroger, comme je l’ai souligné lors de l’examen de l’amendement no 125, sur la présence en prison de personnes atteintes de troubles mentaux graves et sur les conditions dans lesquelles elles ont été reconnues pénalement responsables. Une fois de plus, j’attends une réforme d’envergure, qui me paraît tout à fait indispensable, concernant non pas uniquement la justice, mais aussi la santé et l’intérieur.

Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de l’amendement no 203.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J’indique, pour compléter les propos de M. le rapporteur, que nous avons effectivement lancé un programme de 700 places en hôpital prison dans 17 unités hospitalières spécialement aménagées. Les deux premières unités ouvriront leurs portes en 2009 et au début de l’année 2010, les autres en 2011 et en 2012.

Je vous suggère, monsieur le rapporteur pour avis, que nous attendions une évaluation du taux d’occupation et de la durée des séjours dans ces établissements. Si nous considérons que certains séjours sont anormalement longs, nous prendrons d’autres dispositions.

L’amendement no 203 prévoit de placer les personnes concernées « hors du milieu carcéral pour la durée restante de leur peine ». Cette précision me gêne, car se pose alors le problème du statut du détenu. Tel qu’elle est rédigée, elle signifie que, après avoir passé douze mois – une durée considérée comme anormale – dans un service médico-psychologique régional, les détenus sont placés dans un autre établissement pour terminer leur peine. Mais où ? Ils ont tout de même été condamnés ! De plus, toute suspension de peine relève de l’autorité judiciaire.

Tout en reconnaissant le bien-fondé de cet amendement, car il est vrai que les acteurs de santé publique doivent être plus impliqués dans la prise en charge des détenus souffrant de troubles mentaux, le Gouvernement a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement no 203 est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Si ces détenus ont déjà passé douze mois dans un SMPR, c’est peut-être qu’il y a eu erreur dans la décision d’incarcération !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cette décision revient au magistrat !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Et encore, douze mois, c’est une durée assez raisonnable ! J’ai rencontré à la prison des Baumettes un détenu qui était incarcéré depuis huit ans dans la même cellule du SMPR ! Mais que fait cet homme depuis huit ans dans un tel service ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il revient au magistrat de suspendre la peine !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Certes ! C’est bien pour cette raison que, à mon avis, les magistrats doivent impérativement recommencer à visiter les prisons ! Tel a d’ailleurs été le sens du premier amendement que j’ai défendu ici devant vous, mes chers collègues.

Comment un magistrat a-t-il pu laisser ce brave homme pendant huit ans dans une cellule du SMPR ?

Mme Catherine Procaccia. Ce « brave homme » ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. C’est le médecin qui parle, ma chère collègue ! En disant « brave homme », c’est au malade que je pense ! Car, si quelqu’un est incarcéré huit ans dans un tel service, c’est qu’il y a manifestement un problème.

Monsieur le président, je retire mon amendement, mais je pense que nous devrions agir autrement, car nous ne rendons pas service à toutes ces personnes. Ces situations résultent, selon moi, d’une mauvaise condamnation, d’une mauvaise décision judiciaire. Elles ne sont pas dignes de notre société !

M. le président. L’amendement no 203 est retiré.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roger Romani.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi pénitentiaire.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 23.

Section 6

Des biens

M. le président. La division et son intitulé ont été supprimés par la commission.

Articles additionnels après l'article 22
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article additionnel avant l’article 24

Article 23

M. le président. L’article 23 a été supprimé par la commission.

L’amendement no 59 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

I. - Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le droit de propriété des détenus doit être respecté.

Les biens dont les détenus sont porteurs à leur entrée dans un établissement pénitentiaire sont conservés et mis à leur disposition par l’administration pénitentiaire dans les conditions définies à l’article 18 bis.

À leur sortie de prison, les détenus se voient remettre leurs réalisations, quel qu’en soit le support.

II. - En conséquence, rétablir une division et son intitulé ainsi rédigés :

Section 6

Des biens

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L’objet de cet amendement est de rétablir une section consacrée au droit de propriété des détenus.

M. le rapporteur a jugé utile, à bon droit, de supprimer la mention aux biens abandonnés par les détenus. En revanche, la loi pénitentiaire doit prévoir des dispositions concernant le respect du droit de propriété des détenus.

Le principe que nous vous proposons d’inscrire est très simple : les détenus jouissent d’un droit de propriété sur leurs biens qui doit être pleinement respecté. Cela implique que soit accordée aux détenus la possibilité de faire conserver leurs biens et, le cas échéant – je pense au cas des ordinateurs –, de les utiliser au cours de leur détention.

Je me souviens d’un détenu qui m’a interpellée un jour à ce sujet : il a fallu plus d’un an pour que son ordinateur lui soit restitué, et, lorsque cela s’est enfin produit, le détenu a constaté qu’il était… vide ! Peut-être importerait-il d’ailleurs de spécifier qu’il ne suffit pas de rendre son bien au détenu : encore faut-il qu’il lui soit restitué en l’état. Les logiciels installés sur un ordinateur, pour reprendre cet exemple, sont eux aussi la propriété du détenu, et, privé de tout logiciel, un ordinateur n’est plus d’aucune utilité !

Le principe en question implique également que les détenus se voient remettre à leur sortie leurs réalisations, quel qu’en soit le support. En effet, celles-ci leur appartiennent en propre.

Dans ce domaine, permettez-moi de prendre encore un exemple : si des détenus produisent des œuvres de l’esprit, l’administration pénitentiaire doit en assurer le respect et garantir à leur auteur la possibilité de les récupérer à sa sortie.

Il ne s’agit pas d’une hypothèse farfelue ! Une initiative intéressante, pilotée par la direction interrégionale des services pénitentiaires de Toulouse et la direction régionale d’art contemporain, a permis à plusieurs détenus d’exposer des œuvres au musée des Abattoirs, le musée d’art contemporain de Toulouse.

Il n’est donc pas absurde de vouloir préciser que les détenus bénéficient du droit de propriété et peuvent, dans le respect des exigences de la sécurité et du bon ordre de l’établissement, détenir leurs biens et en jouir tout au long de leur détention.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement no 59 rectifié.

En effet, si la commission estime que les mesures relatives aux biens, qui sont légion actuellement dans les textes réglementaires, mériteraient peut-être, pour certaines, d’être promues au niveau législatif, une telle décision supposerait que l’on procède à un toilettage beaucoup plus complet des dispositions concernées. Le présent projet de loi pénitentiaire n’est pas réellement le lieu adapté pour le faire.

De plus, les dispositions proposées dans l’amendement sont de l’ordre du détail. Nous pensons donc qu’il faut laisser l’ensemble au niveau réglementaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. J’ajouterai aux propos de M. le rapporteur qu’il n’entre pas dans les attributions des greffes pénitentiaires, qui gèrent la situation pénale des détenus, d’assurer la conservation et la mise à disposition des biens de ces personnes.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement no 59 rectifié.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l’amendement no 59 rectifié est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 59 rectifié.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission des lois. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi donc, monsieur Hyest ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Parce que j’en ai le droit ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. Le principe de propriété est inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Justement, inutile de le répéter ici ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin no 125 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l’adoption 138
Contre 183

Le Sénat n’a pas adopté.

En conséquence, l’article demeure supprimé, de même que la division et son intitulé.

Section 7

De la surveillance

Article 23 (supprimé)
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 24

Article additionnel avant l’article 24

M. le président. L’amendement no 204, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Avant l’article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 juillet 2009, le Gouvernement présente au Parlement un plan d’équipement des prisons en moyens de détection électronique, pour les années 2009 à 2014, permettant d’éviter les fouilles à corps.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales souhaite que, à terme, il ne soit plus procédé à des fouilles à corps.

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Même si la commission des lois partage totalement la préoccupation de M. About, elle est bien obligée de constater que le présent amendement ne relève pas du domaine de la loi.

Cela dit, plus l’encadrement des fouilles à corps sera strict, plus il est vraisemblable que le Gouvernement sera contraint de hâter la mise en place d’un plan d’équipement des prisons en moyens de détection électronique. Voilà qui peut aussi nous donner quelques idées !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes motifs, le Gouvernement est défavorable à l’amendement no 204.

M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l’amendement no 204 est-il maintenu ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je le retire, monsieur le président, mais à regret !

M. le président. L'amendement no 204 est retiré.

M. Jean-Pierre Sueur. Je le reprends, monsieur le président !

M. le président. Il s’agit donc de l’amendement no 204 rectifié.

La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.

M. Louis Mermaz. Nous admirons le docteur About (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) et sommes toujours submergés par l’émotion lorsque nous lisons ses propositions. Mais au moment de passer à l’acte, patatras ! Il n’y a plus personne. C’est désespérant…

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Nul ne peut m’imposer d’acte !

M. Louis Mermaz. L’amendement no 204 était excellent, mon cher collègue, et c’est pourquoi nous le reprenons ; et s’il devait rencontrer le succès, il restera pour nous l’amendement « About » ! (Sourires.)

Comment en finir avec ces fouilles à corps, qui sont une humiliation pour la République – c’est le cas de le dire ! –, …

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Ce n’est pas par un plan que l’on y parviendra !

M. Louis Mermaz. … sinon en obligeant le Gouvernement à réaliser les investissements nécessaires ? Il dépense suffisamment d’argent chaque jour pour ceci ou pour cela, il peut en consacrer un peu à la préservation de la dignité des prisonniers !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. L’amendement arrive à point nommé…

M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances. Je demande la parole. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Richard Yung. … puisque nous allons aborder l’examen de l’article 24, qui traite précisément de cette difficile et délicate question des fouilles.

Nous avons repris l’amendement, parce que nous considérons que cette disposition offre effectivement une solution pour l’avenir. (M. Philippe Dallier se lève.)

Les fouilles sont nécessaires pour la sécurité…

M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances. Monsieur le président ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, pas l’article 40 !

Mme Éliane Assassi. Cet amendement n’a pas été rejeté par la commission des finances !

M. Richard Yung. Je constate une certaine entropie…

M. le président. Monsieur Dallier, je sais bien que vous représentez la commission des finances, mais vous permettrez que M. Richard Yung achève son propos !

M. Richard Yung. Laissez-moi terminer mon intervention, mon cher collègue, avant que l’amendement ne soit, une fois de plus, « liquidé » par l’article 40 !

Il n’y a vraiment plus de débat possible, et je me demande pourquoi nous passons encore nos soirées ici !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. De grâce, achevez !

M. Richard Yung. Nous développerons nos arguments au moment de l’examen de l’article 24. J’indiquerai simplement ici qu’il s’agit à nos yeux d’une solution d’avenir qui permettra de rendre leur dignité aux détenus. Elle contribuera également à résoudre les difficultés rencontrées par le personnel pénitentiaire, qui ne procède pas de gaîté de cœur à ces fouilles et sera soulagé de disposer de moyens électroniques pour assurer la sécurité intérieure des prisons.

M. le président. Monsieur Dallier, avant de répondre à votre sollicitation, je vais, par courtoisie, donner la parole à ceux de nos collègues qui ont déjà demandé à expliquer leur vote.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement est très important, mais je me demande si nous ne sommes pas en train de jouer à un jeu de dupes.

En effet, nous travaillons sur cette loi, et à juste titre, avec beaucoup d’ardeur. Mais sans moyens, sans échéancier, sans programme, tous nos efforts risquent d’être vains. Voilà pourquoi je parle de jeu de dupes !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. C’est bien au Sénat qu’a eu lieu la journée du même nom !

M. Jean-Pierre Sueur. Tout à l’heure, j’ai posé une question sur les unités de vie familiale. Il est tout de même important de savoir quand, à quel rythme et selon quel calendrier elles seront mises en place dans l’ensemble des établissements !

Ce soir, nous soulevons le problème de la détection électronique. La question n’est pas vaine, et il est important que nous sachions à quoi nous en tenir ! À quoi servirait de voter les meilleures dispositions si leur application est impossible ?

Madame la garde des sceaux, permettez-moi de vous dire ce que j’ai depuis plusieurs années sur le cœur. Vous et votre ministère n’êtes d’ailleurs pas seuls en cause !

La maison d’arrêt d’Orléans, dont j’ai déjà prix l’exemple hier, est l’une des plus surpeuplées de France, avec un taux de surpopulation de 230 %. Voilà une dizaine d’années, le site d’Ingré avait été retenu pour construire un nouvel établissement, site qui, un beau jour, a été abandonné en raison de la découverte, sur le terrain, de la seule canalisation de France, voire du monde, qu’il est impossible de déplacer, ce qui m’a beaucoup étonné !

Une grande concertation a été mise en œuvre. Les préfets successifs, notamment l’avant-dernier, se sont beaucoup dépensés, les élus ont également apporté leur concours et, finalement, un terrain a été trouvé sur la commune de Saran. À la suite de tous les engagements pris tant par vous-même, madame la garde des sceaux, que par votre administration, nous avions compris que, compte tenu de la surpopulation de l’actuelle maison d’arrêt, il était urgent de construire une nouvelle prison et que celle-ci ouvrirait en 2012. Telle était la position de votre ministère au mois de novembre dernier.

Mais, en décembre 2008, nous avons appris par une déclaration de M. le directeur de l’administration pénitentiaire que l’ouverture était reportée et n’aurait lieu qu’après 2012. Les élus, dont j’étais, ont protesté. Lorsque M. Sarkozy s’est rendu sur place (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) pour souhaiter la bonne année aux policiers, aux gendarmes et aux personnels de l’administration pénitentiaire – madame la garde des sceaux, vous étiez présente, vous vous en souvenez certainement ! –, ce grave problème lui a été exposé. L’ouverture aura lieu en 2013, a-t-il indiqué ; puis, emporté par son éloquence, il l’a avancée en 2012, ce qui, a-t-il ajouté très gentiment, n’était pas plus mal pour lui. Après tout, si cela permet que la nouvelle maison d’arrêt ouvre en 2012…

En résumé : au mois de novembre, l’ouverture était prévue pour 2012 ; au mois de décembre, elle est reportée ; au mois de janvier, de la bouche de M. Sarkozy, elle est de nouveau prévue pour 2013, voire 2012 ; et voilà qu’au mois de février, dans une déclaration de Mme Rachida Dati elle-même, elle est repoussée à 2014 ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez, deux ans dans la vue !

M. Jean-Pierre Sueur. Les gens en ont assez ! Nous voudrions savoir une bonne fois ce qu’il en sera !

Madame la garde des sceaux, si vous pouvez confirmer que l’engagement pris voilà cinq ans par votre prédécesseur sera bien respecté et que la nouvelle maison d’arrêt ouvrira en 2012, tous les élus du département en seront très heureux !

J’ai pris cet exemple, avec votre permission, monsieur le président, car il montre parfaitement combien la crédibilité d’une loi est tributaire des moyens accordés et de la programmation prévue. Qu’adviendra-t-il de l’amendement de M. About, qui vise à remplacer des fouilles dégradantes, humiliantes, par des systèmes de détection électronique, si nous n’obtenons aucune réponse à nos questions ?

M. Richard Yung. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage tout à fait le point de vue de M. Sueur et, depuis trois jours qu’a commencé l’examen du projet de loi, nous avons déjà eu des échanges de ce type.

Mes chers collègues, si nous devions attendre que tous les moyens soient réunis pour prendre des décisions qui nous engagent, nous les parlementaires que nous sommes, nous courrions encore ce qui est important ! Les moyens, nous devons nous les donner dès que notre objectif est fixé.

Le nôtre est en l’occurrence d’en finir avec une pratique vraiment humiliante, dégradante – inutile d’insister ou de vous faire un dessin ! Franchement, ces fouilles ne font pas honneur au xxie siècle, pourtant le siècle de la technique et des technologies les plus sophistiquées. Pensez au nombre de plus en plus important de personnes qui vont être sous bracelet électronique !

Des prouesses technologiques formidables, qui vont permettre de régler tous les problèmes et de ne plus se soucier de rien hormis de la surveillance des personnes qui se promènent à travers la France ? Personnellement, je suis très sceptique… Mais si les moyens de détection électronique permettent de remplacer la fouille à corps, pratique que nous sommes d’accord pour dénoncer, il faut une nouvelle fois dire oui à la technique et se dépêcher de prévoir les sommes nécessaires pour mettre en place de tels systèmes partout ! Si nous commençons à tergiverser sous prétexte que ce sera compliqué, la pratique des fouilles à corps perdurera et, dans quelques années, nous continuerons d’être montrés du doigt !

Je ne sais pas si la commission des finances opposera l’article 40. Ce qui est certain, c’est que, si tel n’est pas le cas, l’amendement doit être discuté ce soir !

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances. Disons que nous discutons de cet amendement au bénéfice du doute… Mais tout de même ! Il vise à demander au Gouvernement de présenter au Parlement un plan d’équipement des prisons en moyens de détection électronique pour les années 2009 à 2014, donc d’engager des dépenses. Le doute est pour le moins fondé…

Puisque bénéfice du doute il y a, au moins, votons !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement no 204 rectifié.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Article additionnel avant l’article 24
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article additionnel après l'article 24

Article 24

Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l’ordre dans l’établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des détenus.

Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les moyens de détection électronique sont insuffisants.

Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin requis à cet effet.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l’article.

M. Louis Mermaz. Monsieur le président, j’étais tenté de faire un rappel au règlement. En effet, si l’on oppose l’article 40 à chacune de nos suggestions, il ne reste plus qu’à fermer les portes du Parlement ! Pourquoi ne pas aussi invoquer cet article chaque fois que quelqu’un respire, pour rejet de gaz carbonique, pollution, nécessité de dépolluer, etc. ? (Protestations sur les travées de l’UMP.)

Soyons un peu sérieux, nous ne sommes pas aux Bouffes parisiens !

M. Richard Yung. Pas encore !

M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances. Qui visez-vous par ces propos ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 40 !

M. le président. Je vous en prie, monsieur Dallier. M. Mermaz s’exprime. Si vous souhaitez intervenir, je vous donnerai la parole ensuite.

M. Louis Mermaz. Mes chers collègues – et je vise également M. Dallier –, aux termes de l’article 24, « les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l’ordre dans l’établissement ».

C’est ce que l’on appelle la suspicion ! C’est une notion totalement subjective que la dangerosité de tel ou tel individu – comme celle des sorcières de Salem ! Aucune science ne saurait l’admettre !

Je poursuis la lecture de l’article : « Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des détenus. » Le mot « personnalité » est d’une pudeur extraordinaire ! Je vous laisse deviner…

« Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les moyens de détection électronique sont insuffisants. » Voilà un langage que je qualifie d’hypocrite. Qui va en décider ? Quand on voudra procéder à des fouilles intégrales, on trouvera toujours des raisons de déclarer insuffisants les moyens de détection ou les fouilles par palpation !

« Les investigations corporelles internes sont proscrites, » – tout de même ! – « sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin requis à cet effet. »

Notre travail est simplifié, puisque la disposition de notre collègue M. About, devenue l’amendement no 197 rectifié quater de M. Alain Anziani, a été votée – ô miracle ! – avant que la majorité ne se ressaisisse pour demander un scrutin public. Sans le léger « retard à l’allumage » du président de la commission des lois pour mobiliser ses troupes (Rires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.), cette disposition aurait été rejetée. Nous ne lui en voudrons pas ! (M. le président de la commission des lois proteste.)

Je vous sais susceptible, monsieur Hyest, mais il n’y a vraiment pas là de quoi vous fâcher !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Votre ironie est stupide !

M. Louis Mermaz. Vous pourrez demander la parole à la fin du débat pour fait personnel. Mais je ne pense pas que votre honneur soit en cause. Par conséquent, je poursuis et je vous remercie de votre attention, cher collègue.

Les membres du groupe socialiste et les sénateurs de divers groupes vont présenter un certain nombre d’amendements tendant, précisément, à réduire le plus possible la dangerosité de cet article 24 – car elle est réelle !

Par l’amendement n° 134, nous demanderons que la fouille des cellules soit effectuée en présence des personnes visées. D’aucuns nous rétorqueront sans doute que la fouille sera impossible s’il y a une émeute et que le détenu se trouve sur le toit de l’établissement. Mais ne généralisons pas à partir de faits divers qui restent exceptionnels, sinon, nous ne pourrons plus adopter aucune loi !

Les fouilles des cellules doivent donc se faire en présence des intéressés, chaque fois qu’ils sont disponibles – ce sera le cas 99,9 fois sur 100 –, surtout lorsqu’il s’agit de fouiller les effets personnels, l’intimité de la personne devant alors être respectée.

L’amendement n° 135 concerne les fouilles intégrales. Comme l’a dit Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, on ne va pas vous faire un dessin, tout le monde sait ce que cela signifie ! Nous pensons que ces fouilles doivent être spécialement motivées. Nous souhaitons que, le plus vite possible, il y soit procédé de manière électronique. En effet, on a renoncé depuis longtemps à déshabiller les gens avant qu’ils ne prennent l’avion ! Nous pouvons donc procéder de la même manière en l’occurrence.

Nous nous fondons sur les stipulations, les décisions et les critiques émanant des institutions européennes, lesquelles, je le répète, sont à l’origine du débat qui a lieu aujourd’hui. En effet, si l’Europe ne nous avait pas demandé de prendre rapidement un certain nombre de dispositions, nous n’aurions pas ce débat et nous attendrions toujours une loi pénitentiaire !

Dans son rapport de décembre 2007 qu’il a rendu à la suite de la visite des prisons françaises – cela ne pouvait pas lui être refusé ! –, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a relevé un certain nombre de points. Par exemple, à la maison d’arrêt de Fresnes, un détenu placé à l’isolement par décision de l’administration pénitentiaire a déclaré avoir été soumis à une fouille à corps 14 fois en un mois ! Le Comité a considéré qu’il s’agissait là d’un traitement dégradant, s’apparentant à une torture. De nombreuses plaintes ont été déposées par des détenus pour des faits semblables.

Pour ce qui concerne la fouille des locaux, nous constatons que la commission, malgré sa grande, laisse, avec sa rédaction, une énorme latitude à l’administration pénitentiaire, par délégation du ministère de la justice et de l’ensemble du Gouvernement, d’ailleurs. Or, dans le même temps, les surveillants de prison que nous rencontrons regrettent de n’être que des « porteurs de clés » ! Ils voudraient pouvoir exercer un métier beaucoup plus valorisant pour eux et pour ceux dont ils ont la responsabilité. Alors, ne confondons pas les choses et rendons à chacun ses responsabilités dans la situation actuelle.

Il est donc nécessaire que les fouilles s’effectuent conformément aux règles pénitentiaires européennes.

Les fouilles corporelles devraient désormais être pratiquement proscrites. Il serait tout à fait regrettable que le Gouvernement, malgré des circonlocutions pudiques et une débauche de bons sentiments, continue de faire en sorte que les choses ne changent pas. Votre manière de réfuter les amendements déposés par l’opposition crée, madame le garde des sceaux, un climat tel qu’il faudra beaucoup de valeur, de mérite et de noblesse à l’administration pénitentiaire pour continuer à agir dans le respect des droits de l’homme, comme c’est le cas 99 fois sur 100.

M. Philippe Dallier. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Je souhaite simplement rappeler à notre collègue Louis Mermaz, qui fut il n’y a pas si longtemps président de l’Assemblée nationale, …

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’était il y a longtemps !

M. Philippe Dallier. … que, lorsqu’un parlementaire invoque l’article 40 de la Constitution, cela ne mérite pas d’être qualifié de « bouffonnerie ». Selon moi, de tels propos ne sont absolument pas dignes dans cet hémicycle.

Mme Éliane Assassi. Vous n’étiez pas là, monsieur Dallier, mais nous « mangeons » de l’article 40 depuis le début de l’examen de ce texte !

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, sur l’article.

M. Alain Anziani. Mes chers collègues, depuis trois jours, nous avons souvent parlé de dignité et d’intimité. Cet article est pour nous un grand rendez-vous, une épreuve de vérité : allons-nous passer des bonnes intentions aux actes ?

Nous devrions être nombreux, me semble-t-il, à nous retrouver sur certains points.

La fouille a deux réalités, et il faut distinguer la théorie, qui n’est pas forcément fausse, de la pratique.

Selon la théorie, la fouille est un outil visant à assurer la sécurité publique, ce qui est en partie vrai. Cependant, nous le voyons bien, cette théorie est défaillante, puisque, malgré les fouilles, on trouve à peu près de tout en prison, et surtout le pire.

Dans la pratique de la fouille, que je vous conjure de ne pas contester, il y a, au fond, la volonté de soumettre le détenu, de le « casser » – j’emploie ce terme sciemment parce qu’il revient souvent au cours des différents témoignages –, pour qu’il devienne plus obéissant. Après une fouille, tous vous le diront, on ne se sent pas fier, et on reste donc tranquille, du moins dans un premier temps, car ensuite on sent monter la violence en soi.

C’est sans doute cela, la pratique de la fouille : un corps fouillé et, en fait, une âme humiliée. À travers ce corps mis à nu, fouillé à l’intérieur même, c’est évidemment l’âme du détenu que l’on essaie d’atteindre, et sa psychologie. (Mmes Marie-Thérèse Hermange et Catherine Troendle s’esclaffent.) Vous avez tort, mesdames ! Si vous deviez subir une fouille, peut-être ne ririez-vous pas si fort !

La combinaison de ces deux aspects de la fouille, d’une part, l’outil de sécurité, que je ne conteste pas, d’autre part, l’outil de soumission, aboutit, dans la réalité quotidienne, à des fouilles trop fréquentes, voire permanentes. Mais d’autres collègues développeront ce point tout à l’heure.

C’est d’autant moins acceptable que nous ne sommes plus au temps d’Edmond Dantès. Aujourd’hui, dans notre société moderne, comment ne pas être choqué de voir que ce qui est bon pour chacun de nous dans un aéroport ne l’est pas pour un détenu dans une prison ?

Monsieur le rapporteur, votre idée d’installer des portiques va dans le bon sens. Une telle surveillance, qui a effectivement fait ses preuves, mériterait d’être généralisée.

Je voudrais d’ailleurs remercier mon collègue Philippe Dallier, qui a fort heureusement renoncé tout à l’heure à invoquer l’article 40 de la Constitution. Imaginez-vous seulement ce que cela signifiait ? Opposer l’article 40 sur une telle question, c’était nous dire que la dignité a un prix trop élevé et que, pour cette raison-là, nous ne pouvons la garantir.

Il faut faire un choix, madame le garde des sceaux : si vous voulez une grande loi pénitentiaire, vous ne pouvez pas commencer par nous expliquer que la pierre sur laquelle repose tout l’édifice est d’un coût inabordable. Or cette pierre, c’est la dignité !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.

M. Richard Yung. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, avec cet article, nous en arrivons effectivement à l’un des points essentiels du débat.

Nous l’avons souvent souligné, le respect de la dignité de la personne humaine est l’une de nos principales préoccupations. Or, avec la question des fouilles, nous sommes au cœur du sujet.

Question ô combien difficile que de préserver, comme c’est notre devoir, la dignité de la personne humaine sans méconnaître les nécessaires impératifs de sécurité.

En l’état actuel du droit, qui est uniquement de nature réglementaire – c’est un écueil permanent –, l’administration pénitentiaire bénéficie d’une très grande marge de manœuvre. Les fouilles sont souvent pratiquées sans discernement, au nom des seuls impératifs de sécurité. Les règles d’application font défaut ; j’y reviendrai.

Dans leur excellent rapport, MM. Hyest et Cabanel comparaient les fouilles à un « automatisme pénitentiaire ». Cela prouve bien que, en la matière, les habitudes et, plus rarement, les mauvaises intentions l’emportent sur tout le reste.

Les détenus sont en effet fouillés à tout bout de champ : lorsqu’ils font leur entrée dans l’établissement pénitentiaire et chaque fois qu’ils en sont « extraits », selon la terminologie assez curieuse qui est utilisée, ou qu’ils y sont reconduits ; avant et après les parloirs ; avant et après les visites. En d’autres termes, tout contact avec le monde extérieur donne lieu à une fouille.

Des fouilles intégrales avec mise à nu sont en particulier pratiquées après la visite des avocats. Cela en dit long sur la considération que l’on a pour eux…

Mon collègue Louis Mermaz l’a rappelé, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a ainsi notamment rencontré un détenu alléguant avoir été fouillé à corps à quatorze reprises en un mois.

En 2006, la Commission nationale de déontologie de la sécurité a évoqué le cas d’un « détenu particulièrement signalé », ou DPS, fouillé à corps par des agents d’une équipe régionale d’intervention et de sécurité, alors que ceux-ci sont seulement habilités à pratiquer des fouilles de cellules.

Depuis 2002, les campagnes de fouille générale dans les établissements pénitentiaires sont, semble-t-il, plus fréquentes chaque année, ce qui a évidemment pour conséquence d’attiser les tensions au sein même des prisons.

Les fouilles sont vécues comme une humiliation, voire comme un viol, au sens propre du terme. Elles répondent parfois à des petites haines entre détenus et surveillants. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Delarue, les qualifie de « petits coups bas ».

Il faut le souligner, les fouilles sont également pénibles pour les personnels de l’administration pénitentiaire, surtout lorsqu’ils sont amenés à pratiquer eux-mêmes des fouilles corporelles internes, dont, je le rappelle, aucun texte ne fixe le régime.

Les fouilles sont donc dégradantes tant pour ceux qui les subissent que pour ceux qui les pratiquent. Elles ne correspondent pas, à l’évidence, à l’idée que les personnels de l'administration pénitentiaire se faisaient de leurs fonctions en entrant dans la carrière.

Des atteintes aussi manifestes à la dignité humaine et à l’intégrité physique des personnes détenues sont d’autant plus critiquables que les bénéfices des fouilles en termes de sécurité sont limités. La réalité des trafics de stupéfiants, de téléphones portables et d’armes au sein des prisons en est la preuve.

Notre pays est régulièrement pointé du doigt pour les traitements dégradants infligés aux personnes incarcérées. Sans procéder à une énumération complète, je mentionnerai notamment les critiques que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants formule dans son rapport de décembre 2007.

De son côté, la Cour européenne des droits de l’homme, dans sa décision du 12 juin 2007, a jugé que les fouilles intégrales avec obligation de se pencher et de tousser après chaque parloir ne s’appuient sur « aucun impératif convaincant de sécurité ».

Même le juge administratif s’est saisi du sujet. Récemment, le 14 novembre dernier, le Conseil d’État a jugé une affaire dans laquelle le requérant avait fait l’objet d’une décision le soumettant à un régime de fouilles corporelles intégrales, opérées plusieurs fois par jour lors d’extractions pour différentes comparutions, notamment devant le juge judiciaire. Dans son arrêt, le Conseil d'État a fixé les conditions dans lesquelles les détenus peuvent être soumis à des fouilles corporelles intégrales. Selon l’expression qu’il a employée, elles doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées.

Des progrès ont donc été enregistrés dans ce domaine, puisqu’un certain nombre de règles ont été fixées. Mais, je le répète, l’arrêt du Conseil d'État date de novembre dernier, soit d’à peine quelques mois, et il y a encore du travail à faire !

Ces décisions prouvent à quel point le régime des fouilles est insuffisamment encadré.

Les fouilles intégrales avec mise à nu et les fouilles corporelles internes constituant en elles-mêmes une atteinte grave à la dignité humaine, je pense qu’il conviendrait de les réserver à quelques catégories très particulières de détenus, notamment aux DPS.

De notre point de vue, et nous retrouvons ici l’amendement de M. About, l’idéal serait d’installer dans les établissements pénitentiaires des portiques dits à « ondes millimétriques ». Ces « scanners corporels » permettent en effet d’obtenir une image sur un écran de contrôle et évitent au personnel pénitentiaire d’avoir à pratiquer ces fouilles.

Voilà ce que nous voulions dire, de manière générale, sur l’article 24. Cette prise de parole éclairera également les trois amendements que nous avons déposés et que nous défendrons dans la suite de la discussion.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l’article.

Mme Raymonde Le Texier. Cet article relatif aux fouilles corporelles pose le problème de l’équilibre entre le respect de la dignité humaine et les impératifs de sécurité.

Nous ne nous attarderons pas sur la question des fouilles intracorporelles. La pratique est inacceptable et porte un nom on ne peut plus clair : le viol. Cette pratique ne saurait donc être.

La question des fouilles à corps reste néanmoins posée. Supposées non intrusives, elles n’en réduisent pas moins celui qui en est victime à se dénuder entièrement, obligé de prendre des positions dégradantes afin que rien n’échappe au toucher ou au regard de celui qui effectue la fouille.

De plus, systématiquement réalisées au moment des parloirs, elles sont d’autant plus humiliantes et difficiles à vivre qu’elles succèdent aux rares moments un peu chaleureux que connaît le prisonnier durant sa détention.

Alors que ce temps de répit peut lui permettre de garder espoir, de sentir l’affection et le soutien de ses proches et de se projeter dans un avenir meilleur, ce lien avec l’extérieur, porteur d’une possible réinsertion, est entaché par la pratique des fouilles. La redescente est brutale quand succèdent aux retrouvailles avec les siens la honte de la mise à nu et la dégradation de l’estime de soi qui en résulte.

Or ce traitement avilissant, outre qu’il n’est pas toujours efficace – on l’a vu encore récemment avec les évadés de Moulins –, n’est surtout pas nécessaire. Pour faire face aux impératifs de sécurité et empêcher l’entrée d’objets et de substances illicites au sein de la prison, il est possible d’user de moyens respectant l’intégrité du corps humain et évitant l’humiliation psychologique. Je pense bien sûr aux détecteurs de métaux et aux rayons X, mais aussi à un instrument déjà évoqué à plusieurs reprises, notamment par le président Nicolas About : un scanner qui utilise des ondes magnétiques à basse énergie pour traverser les vêtements et reconstituer une image électronique du corps afin que cessent définitivement les fouilles à corps.

« Le degré de civilisation d’un pays se mesure à la façon dont il traite ses prisonniers ». Bien sûr, nous souscrivons tous ici à cette phrase de Camus. Avec cet article, nous avons l’occasion de la faire vivre dans les faits. Ne nous privons pas d’être à la hauteur des valeurs humanistes que nous portons.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous devons, tous, être particulièrement attentifs aux amendements permettant de supprimer ces actes dégradants pour ceux qui les subissent comme pour ceux qui les pratiquent.

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, sur l’article.

M. Hugues Portelli. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’excellent rapport de M. Lecerf, notamment le commentaire qu’il fait de l’article 24.

Premièrement, il reconnaît clairement que la pratique des fouilles corporelles est dégradante et humiliante pour le détenu. Deuxièmement, il rappelle que la France a été récemment condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, au motif que ce type de pratiques constitue une violation de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme, lequel prohibe, notamment, les traitements dégradants.

La lecture attentive du commentaire de notre rapporteur, auquel je souscris intégralement, me conduisait fort logiquement à penser que les fouilles corporelles, notamment internes, seraient interdites. Malheureusement, dans la rédaction de l’article qu’elle a adoptée, la commission ne les supprime pas complètement : elles sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé.

Je vous ferai tout d’abord remarquer, mes chers collègues, que la pratique des fouilles n’a pas empêché des détenus de s’évader avec des explosifs voilà quelques jours. Si l’on avait pratiqué des fouilles corporelles, je ne sais pas où l’on aurait pu trouver lesdits explosifs… On sait qu’à plusieurs reprises des évasions se sont produites indépendamment de la possibilité d’opérer des fouilles pour vérifier si les détenus étaient en possession d’instruments ou d’engins leur permettant de s’évader.

Mais qu’entendez-vous, monsieur le rapporteur, par « impératif spécialement motivé » ? Et, surtout, qui va motiver ? Le doute est énorme quand on lit cette disposition. La moindre des choses serait de confier la tâche de l’évaluation de l’impératif non pas à l’administration pénitentiaire mais à un magistrat qui, seul, pourrait autoriser le recours à ce genre de fouilles.

À titre personnel, j’estime que nous devrions respecter non seulement la convention européenne des droits l’homme, mais aussi l’article 1er du présent projet de loi, que nous avons adopté dès le tout début de notre débat en proclamant que nous devions respecter la dignité de tous les détenus. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l’article.

M. Jean-Pierre Sueur. À ce stade de nos débats, je tiens à souligner que, grâce aux amendements de M. le rapporteur, le texte issu des travaux de la commission marque de vraies avancées par rapport au projet de loi du Gouvernement et par rapport à la situation actuelle.

Il me semblait juste de commencer par rappeler cette réalité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Quand même !

M. Jean-Pierre Sueur. Le problème des fouilles est éminemment complexe.

Nous savons tous ce que sont les « mules ». Je garde en mémoire qu’une jeune fille est morte, dans notre pays, pour avoir ingéré un certain nombre de substances. Si c’est malheureusement banal, cela n’en est pas moins horrible.

C’est pourquoi nous avons accordé, mes chers collègues, une grande importance à l’amendement de M. About. La solution qu’il propose est bonne. Il existe aujourd’hui des moyens techniques qui permettent de préserver la dignité de la personne. Leur développement nécessite un effort financier que la République française peut supporter, si toutefois elle en a la volonté.

J’espère que les amendements de mes amis recevront un accueil favorable ; ils permettraient en effet de prolonger le mouvement qu’a largement amorcé M. Lecerf.

Je ne saurais conclure sans tenir la promesse que j’ai faite, la semaine dernière, à des surveillants de la prison de mon département, avec lesquels je me suis longuement entretenu. Ils m’ont demandé de dire ici, au Sénat, qu’ils sont obligés de pratiquer des dizaines et même des centaines de fouilles et que ces actes ne sont pas humiliants et dégradants pour les seuls détenus ; ils sont aussi très difficiles à vivre pour les personnels de l’administration pénitentiaire.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, sur l’article.

M. Robert Badinter. Avant de commencer la discussion des amendements déposés sur cet article, nous devons rappeler certains principes et les considérer à la lumière de ce qui est advenu de la civilisation européenne dans des temps sinon récents du moins pas assez lointains pour être oubliés.

Être mis à nu devant un autre, c’est la première étape de la dégradation du sujet. Les régimes totalitaires le savent bien, et de multiples témoignages nous sont parvenus de périodes tragiques et de lieux concentrationnaires. D’abord, mise à nu ; ensuite, on voit…

La fouille corporelle interne doit être absolument épargnée aux détenus. Comme d’aucuns l’ont rappelé justement, toute pénétration corporelle interne, hors le consentement de la personne, constitue un viol. Nous disposons maintenant de certaines techniques, citées par M. About, qui permettent d’éviter ces fouilles internes. Utiliser l’électronique est à notre portée. Nous devons faire preuve de la plus grande fermeté en la matière.

La fouille par palpation ? Rien de plus normal : elle est désormais pratiquée partout, en particulier dans les aéroports.

La fouille intégrale ? Il n’y a aucune raison de la pratiquer.

La fouille corporelle interne ? Jamais !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je ferai quelques remarques d’ordre général avant de proposer, au nom de la commission des lois, un amendement supplémentaire.

Je remercie M. Sueur d’avoir fait référence aux travaux de la commission des lois. Les amendements ont été adoptés à l’unanimité. Nous avons tous, les uns et les autres, tenté d’améliorer le texte initial et de concilier les impératifs de sécurité et de dignité.

Les conditions posées sont loin d’être dérisoires. Dire que les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes, c’est une façon de remettre en cause toute une série de pratiques qui ont cours aujourd’hui.

Lorsqu’un détenu passe du contrôle de l’administration pénitentiaire à celui de la gendarmerie ou de la police, ou inversement, des fouilles sont nécessaires. Y a-t-il pour autant présomption d’infraction ?

La commission des lois a tenté en outre d’introduire une gradation dans les fouilles. Elle a ainsi prévu que les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les contrôles par les moyens de détection électronique sont insuffisants. Ce faisant, nous préparons l’avenir, les cas de fouille intégrale devant se réduire avec le progrès technique.

Elle a également posé le problème des fouilles corporelles internes, qui ne devraient pas être pratiquées, mais dont on sait qu’elles le sont de temps à autre, y compris par le personnel pénitentiaire. Nous avons prévu de les limiter aux cas où les deux premières catégories de fouilles, fouilles par palpation et fouilles intégrales, sont insuffisantes.

Nous avons prévu de proscrire les investigations corporelles internes, sauf impératif spécialement motivé. Dans ce cas, nous avons ajouté, sur la proposition de M. About, qu’elles ne pourront être réalisées que par un médecin requis à cet effet qui sera totalement étranger au médecin de la détention.

Mes chers collègues, à la suite de l’intervention de notre collègue Hugues Portelli, je vous propose d’introduire une précaution supplémentaire en prévoyant que ce médecin sera requis à cet effet par l’autorité judiciaire.

Par conséquent, je vous proposerai de modifier en ce sens l’article 24 du projet de loi en complétant la dernière phrase de son dernier alinéa par les mots « par l’autorité judiciaire ».

Dès lors, il appartiendra non plus à l’autorité pénitentiaire, amenée à réquisitionner un médecin, à apprécier si l’impératif spécialement motivé est fondé ou non, mais à l’autorité judiciaire et, vraisemblablement, en cas d’urgence, au parquet.

Mes chers collègues, ne nous déchirons pas sur cette question. Nos objectifs respectifs sont très proches. Ainsi que l’atteste l’intervention de notre collègue Richard Yung, nous considérons tous que, bien que la préservation de la dignité humaine soit essentielle, nous ne pouvons pas pour autant négliger les impératifs de sécurité. Certes, des hommes et des femmes souffrent de ces fouilles, aussi bien les personnes détenues, qui les subissent, que les surveillants, qui les pratiquent, mais n’oublions pas que le personnel pénitentiaire dans son ensemble prend de grands risques pour assurer la protection de la société.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. J’indique à M. le rapporteur qu’il s’agira de l’amendement n° 303.

La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je reviendrai sur quelques éléments d’actualité, évoqués par M. Portelli.

Très récemment, deux détenus se sont évadés d’un établissement pénitentiaire en utilisant des explosifs et une arme que des visiteurs leur avaient apportés au parloir et qui n’avaient pas été détectés par les installations électroniques.

De manière générale, je le rappelle, les visiteurs ne sont pas fouillés ; ils ne peuvent l’être qu’à titre exceptionnel, sur décision du chef d’établissement.

Au cours de cette évasion, les deux hommes ont pris en otage plusieurs personnes et mis en danger la vie des personnels, des détenus, mais également des visiteurs. Grâce à l’intervention d’autres détenus, nous avons peut-être évité le pire. En effet, certains d’entre eux ont demandé aux preneurs d’otage de ne pas commettre l’irréparable.

Cet exemple démontre, s’il en était besoin, combien il est indispensable pour l’administration pénitentiaire de pouvoir procéder à des fouilles minutieuses, afin d’assurer la sécurité des personnels, mais également des établissements.

Lorsque l’administration pénitentiaire détient des détenus dangereux, il est de son devoir de prendre toutes les mesures nécessaires et, notamment, de procéder à des fouilles intégrales pour préserver l’ordre et la sécurité des établissements, qui sont au cœur de ses missions.

Monsieur Mermaz, je ne peux pas accepter les accusations que vous avez portées à l’encontre du Gouvernement.

Lorsque vos amis étaient au pouvoir, vous-même étant alors président de l’Assemblée nationale, vous aviez tout le loisir de faire adopter une loi pénitentiaire de manière à améliorer les conditions de détention et les conditions sanitaires en prison. La loi de 1998 a été adoptée, mais sans les moyens correspondants.

Vous auriez pu aussi décider la construction de nouveaux établissements, permettant des conditions d’incarcération plus dignes, mais vous ne l’avez pas fait. Pis, entre 1997 et 2002, vous avez fermé 4 % des places de prison, sans en ouvrir de nouvelles dans le même temps, et ce alors que plus des deux tiers des établissements pénitentiaires sont extrêmement vétustes !

Comme cela était attendu depuis un certain nombre d’années, vous auriez pu également instituer un contrôleur général des prisons. Pour notre part, nous sommes allés plus loin en décidant l’institution d’un contrôleur général chargé de l’ensemble des lieux de privation de liberté.

Lorsque vous étiez au pouvoir, un surveillant a été assassiné par un détenu lors d’une fouille. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) À aucun moment le gouvernement de l’époque n’a adopté de mesures adaptées pour réformer ces fouilles et les rendre plus dignes. Pourtant, c’est ce que vous souhaitez maintenant.

Je n’accepte pas plus que l’on accuse l’administration pénitentiaire de procéder à des fouilles dans le but de « casser du détenu », pour reprendre l’expression qui a été utilisée tout à l’heure. En 2008, sur 550 fouilles, 50 d’entre elles ont donné lieu à l’agression d’un surveillant, soit 10 %. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Je veux bien que l’on respecte la dignité des détenus, mais je veux aussi que l’on respecte celle des personnels pénitentiaires !

Mme Raymonde Le Texier. Nous l’avons dit !

M. Jean-Pierre Sueur. Oui, nous l’avons dit !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ne nous trompons pas d’objectif et faisons preuve de responsabilité. Reconnaissons la difficulté des missions des personnels pénitentiaires.

Pour la clarté des débats, je rappellerai quelques éléments relatifs aux fouilles.

Par une confusion très fréquente, certains prétendent que l’administration pénitentiaire pratiquerait des fouilles à corps, sous-entendu des investigations corporelles. C’est totalement faux ! Les fouilles intégrales que pratique l’administration pénitentiaire ne sont pas des fouilles corporelles ; elle n’a jamais été habilitée à pratiquer ce genre d’investigations.

En réalité, les fouilles sont de plusieurs types.

La palpation de sécurité s’apparente à celle qui est pratiquée dans tous les aéroports.

La fouille des cellules, quant à elle, est effectuée hors la présence des détenus.

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, permettez-moi de rappeler un fait qui n’est pas si lointain, alors que vous étiez encore au pouvoir. En août 1992, à la maison d’arrêt de Rouen, lors du contrôle du barreaudage de la fenêtre d’une cellule, un détenu a subtilisé la barre métallique que le surveillant utilisait et lui a porté de violents coups à la tête, ce qui a provoqué le décès du surveillant.

La fouille intégrale, qui ne doit pas être confondue avec la fouille à corps, consiste à faire se déshabiller complètement le détenu. Cependant, elle n’entraîne aucun contact physique.

Les investigations corporelles internes consistent en l’examen des cavités buccale, anale et vaginale, et sont destinées, par exemple, à la recherche de produits stupéfiants ou de produits explosifs. Elles sont pratiquées de manière tout à fait exceptionnelle, lorsque l’on soupçonne le détenu d’avoir ingéré à des fins de trafic des produits stupéfiants ou d’autres types d’objets.

Ces investigations ne sont jamais pratiquées par les personnels pénitentiaires ; elles le sont par des médecins.

Le cadre juridique est clair : les fouilles par palpation et les fouilles intégrales sont décidées par l’administration pénitentiaire par mesure de sécurité. Les investigations corporelles internes sont pratiquées par des médecins. En pratique, l’administration pénitentiaire saisit les services de police et de gendarmerie ou le parquet, qui requiert un médecin.

Il n’a jamais été envisagé dans le présent texte de permettre à l’administration pénitentiaire de pratiquer elle-même ce genre de fouilles.

Ce projet de loi représente une réelle avancée. Nous prenons nos responsabilités, non seulement pour améliorer les conditions de détention des personnes privées de liberté et leur donner encore plus de droits, mais aussi, ne les oublions pas, pour améliorer les conditions de travail de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire, qui remplissent une mission difficile avec beaucoup de dévouement, d’engagement et de professionnalisme.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le président, je demande le vote par priorité de l’amendement n° 303.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de priorité formulée par la commission ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. La priorité, de droit, est ordonnée.

Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 235, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l'ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités. Elles s'effectuent si besoin par des moyens de détection électronique.

La fouille des détenus est effectuée dans le respect de la dignité de la personne et de son intégrité physique et psychique. La fouille intégrale des détenus et les investigations corporelles internes sont interdites.

Les fouilles des cellules sont effectuées sur décision motivée du chef d'établissement et en présence du détenu.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Comme cela a été fort bien dit, les fouilles, en particulier les fouilles intégrales et les investigations corporelles internes, constituent l’une des atteintes les plus graves au respect de l’intégrité physique et de l’intimité. Humiliantes et dégradantes, elles portent atteinte à la dignité des personnes concernées.

Par un arrêt rendu le 12 juin 2007, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la France. Plus récemment, le Conseil d’État, par un arrêt rendu le 14 novembre 2008, a encadré la fréquence et la modalité des fouilles à corps des prisonniers.

Aujourd’hui, le code de procédure pénale, dans sa partie réglementaire, prévoit que la fouille des détenus a lieu à l’entrée et à la sortie de l’établissement, en cas de transfèrement ou d’hospitalisation, avant et après un entretien au parloir, ou de façon inopinée, et qu’elle peut être « intégrale ». Elle l’est notamment avant et après chaque parloir.

Or ce projet de loi ne remet pas du tout en cause le régime actuel des fouilles ; tout juste les encadre-t-il en prévoyant, par exemple, que les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les moyens de détection électroniques sont insuffisants. Cela ne protège pas le détenu du risque d’arbitraire, puisque c’est l’administration pénitentiaire qui seule jugera qu’une fouille intégrale se révèle finalement nécessaire.

En 2000, le rapport d’enquête sénatorial sur les prisons, rappelant que les fouilles étaient un « automatisme pénitentiaire », les évoquait en ces termes : « L’efficacité de ces fouilles reste pourtant limitée, comme le démontre la réalité des trafics de stupéfiants en prison : le détenu apprend vite les “ruses” pour échapper à la fouille. »

Pourquoi conserver des pratiques dégradantes et humiliantes qui, de surcroît, ne démontrent même pas leur efficacité ?

La Commission nationale consultative des droits de l’homme, dans son avis sur le projet de loi, a opté pour une position radicale. En effet, elle « préconise l’interdiction de la fouille intégrale de la personne détenue et réaffirme la nécessité d’atteindre le même niveau de sécurité en recourant à des moyens de détection modernes garantissant le respect de la dignité de la personne et de son intégrité physique et psychique ».

Par ailleurs, l’article 24 du projet de loi reste totalement muet sur les fouilles des cellules,…

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Pas du tout !

Mme Éliane Assassi. … alors que celles-ci sont attentatoires au respect de la vie privée.

Là encore, la CNCDH préconise qu’un régime plus strict que celui qui existe actuellement leur soit appliqué, et demande qu’une telle fouille n’intervienne que sur décision motivée du chef d’établissement et en présence du détenu.

Cet amendement s’inspire de ces deux recommandations de la CNCDH : il vise à interdire formellement les fouilles intégrales, mais aussi les investigations corporelles internes, considérées par beaucoup d’associations comme contraires au respect de la dignité et de l’intégrité physique et psychique de la personne.

Enfin, il vise à encadrer les fouilles des cellules, afin de combler le silence du projet de loi sur ce point.

M. le président. L'amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

I. - Avant le premier alinéa de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

L'inspection des cellules a lieu dans le respect des biens et de la vie privée des détenus. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées aux nécessités de maintien de l'ordre et de la sécurité dans l'établissement.

II. - Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

fouilles

insérer le mot :

corporelles

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet d’insérer dans cet article relatif aux fouilles un alinéa concernant les cellules.

La précision nous paraît importante, car, même si la cellule n’est pas considérée comme un domicile au sens de la loi, la nature et la fréquence de ces fouilles doivent être encadrées.

Voici ce qui est écrit à la page 122 du rapport de la commission, au sujet de l’article 24 : « Le présent article fixe les critères justifiant les fouilles susceptibles de concerner les cellules et surtout les détenus eux-mêmes ».

À moins que nous n’ayons mal compris la rédaction de cet article 24, les fouilles de cellules ont disparu. En effet, il y est question essentiellement de la fouille des détenus. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’insérer à cet article un alinéa relatif à la fouille des cellules, dont la nature et la fréquence doivent être adaptées aux nécessités du maintien de l’ordre et de la sécurité dans l’établissement. Elles devront respecter bien entendu les biens des détenus et leur correspondance.

M. le président. L'amendement n° 134, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

fouilles

insérer les mots :

des cellules

II. - Après le premier alinéa du même article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Tous les détenus doivent assister à la fouille de leurs effets personnels, à moins que les techniques de fouille ou le danger potentiel pour le personnel ne l'interdise.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Mon amendement complète celui qui vient d’être exposé. Il y a en effet une ambiguïté sur le premier paragraphe : s’agit-il de la fouille des détenus ou de la fouille des cellules ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Des cellules !

M. Alain Anziani. S’il s’agit des cellules, comme nous le pensons, nous vous demandons de le préciser.

Par ailleurs, beaucoup de détenus qui voient leur cellule fouillée se plaignent de la disparition de telle photo ou de tel document qui leur appartenaient. (Mme le garde des sceaux s’exclame.) J’entends bien les protestations de Mme le garde des sceaux, pourtant telle est bien la réalité dans les prisons.

Pour éviter ces polémiques, qui ne sont pas favorables au calme à l’intérieur de la prison, nous proposons que ces fouilles des cellules aient lieu en présence du détenu.

M. le président. L'amendement n° 135, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elles doivent être spécialement motivées.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Dans le texte de la commission, les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les moyens de détection électronique sont insuffisants. Nous proposons un ajout.

Dans l’esprit de l’article, comme dans l’esprit du rapporteur – que d’ailleurs nous partageons – on nous propose une réponse en deux temps. Autrement dit, oui à l’interdiction des fouilles intégrales, mais fouilles intégrales tout de même s’il n’y a pas d’autres solutions, notamment électroniques.

Or, dans un cas de « oui, mais », il faut être très vigilant sur le « mais » et la condition qui le suit. Pour que cette condition puisse faire l’objet d’un contrôle de l’autorité judiciaire, elle doit être motivée. Nous souhaitons qu’elle soit « spécialement motivée ».

M. le président. L'amendement n° 303, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Compléter la dernière phrase du dernier alinéa de cet article, par les mots :

par l'autorité judiciaire

Cet amendement a été défendu.

L'amendement n° 44, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les fouilles sont effectuées dans le respect de la dignité de la personne.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est en quelque sorte la troisième édition sur la notion de dignité !

L’objet de cet amendement est en effet de préciser que les fouilles sont effectuées dans le respect de la dignité. Tout le monde parle de la dignité depuis tout à l’heure, or ce mot n’est pratiquement pas dans le texte. Il n’apparaît qu’une seule fois, et ce grâce à la discussion d’hier.

Je suis d’ailleurs surprise de ne pas retrouver dans le texte de la commission cette notion de dignité qui existait pourtant dans le projet de loi initial. Rien ne justifie cette disparition : le principe du respect de la dignité de la personne humaine doit être le socle même de toutes les fouilles, qu’elles soient intégrales ou non.

J’ai le souvenir d’un détenu qui, il n’y a pas très longtemps de cela, a été obligé de se mettre tout nu pour accéder au parloir. Comme l’agent de l’administration pénitentiaire qui était présent a oublié de fermer la porte, ce détenu s’est retrouvé dans le plus simple appareil devant des familles entières venues au parloir !

Il s’agit d’un exemple concret d’une atteinte intolérable à la dignité d’un détenu, mais je pourrais en citer beaucoup d’autres.

Les fouilles intégrales sont par nature dégradantes, mais il est possible d’éviter qu’elles soient également attentatoires à la dignité du détenu : tout dépend des conditions dans lesquelles elles sont organisées.

Dans son arrêt du 12 juin 2007 condamnant la France pour des fouilles subies par un détenu à Fresnes, la Cour européenne des droits de l’homme ne s’oppose pas au principe de la fouille ; elle précise seulement que la fouille doit être entourée de précautions.

C’est l’idée de notre amendement : prévoir que les fouilles s’exercent dans le respect de la dignité de la personne humaine.

M. le président. L'amendement n° 136 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les fouilles sont pratiquées dans le respect de la personne.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Cet amendement de repli vise à compléter l’article 24 par une phrase assez claire. Cette précision est la moindre des choses !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mes chers collègues, la commission propose déjà un encadrement des fouilles très strict. Interdire totalement les fouilles intégrales comme le prévoit l’amendement n° 235 – il n’est pas question ici des fouilles corporelles internes -, c’est pousser trop loin le curseur de la dignité au détriment de la sécurité.

Il est préférable, dans un premier temps, d’encadrer les fouilles intégrales de la manière la plus stricte qui soit.

Nous sommes donc défavorables à l’amendement n° 235.

Il y a une incompréhension entre nous au sujet de l’amendement n° 45 rectifié. Cela va de soi, le premier alinéa de l’article 24, où nous encadrons de manière générale les fouilles - la présomption d’infraction, les risques que fait courir l’attitude de tel ou tel détenu -, couvre l’ensemble des fouilles, y compris celles des cellules. Seuls les alinéas suivants ne concernent que les fouilles des détenus.

Mme Boumediene-Thiery a donc la réponse à la question qu’elle se posait.

En conséquence, je demande le retrait de cet amendement.

L’amendement n° 134 concerne un problème proche de celui du contrôle du courrier. Nous nous demandions si le contrôle du courrier devait être réalisé en présence des détenus. De la même manière, ces derniers doivent-ils être présents lors des fouilles des cellules ?

Nous l’avons indiqué plus tôt, cette présence pourrait susciter des vexations susceptibles d’aviver les tensions entre le personnel et les détenus, ce qui irait à rebours de l’objectif. En outre, cela peut poser des problèmes pratiques très simples : si le détenu travaille, s’il est au parloir, comment faudra-t-il procéder ?

Cette disposition poserait davantage de problèmes qu’elle n’en résoudrait. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.

Concernant l’amendement n° 135, la commission des lois a voulu un dispositif déjà très encadré. Nous souhaitons donc en rester à l’équilibre proposé. Nous demandons le retrait de l’amendement.

Au sujet de l’amendement n° 44, la rédaction du premier alinéa de l’article 24 met en avant les principes de proportionnalité et de nécessité des fouilles, ce qui implique nécessairement le respect de la dignité de la personne.

Nous demandons le retrait de cet amendement ; à défaut, la commission sera défavorable.

La commission demande également le retrait de l’amendement n° 136 rectifié et sera défavorable si cet amendement est maintenu. En effet, la notion de respect de la personne est incluse au premier alinéa de l’article qui, comme je le disais, met en avant le principe de proportionnalité et de nécessité des fouilles.

Sur le fond, nous sommes parfaitement d’accord, mais cet objectif est déjà pleinement satisfait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous sommes favorables à l’amendement n° 303.

Concernant l’amendement n° 235, l’utilisation de moyens de détection électroniques, qui sont au nombre des modalités de mise en œuvre des fouilles, ne relève pas du domaine législatif.

Par ailleurs, le principe du respect de la dignité de la personne résulte des dispositions de l’article 10 du texte.

En outre, l’amendement tel qu’il a été rédigé prévoit une interdiction des fouilles intégrales ainsi qu’une décision spécialement motivée pour les fouilles des cellules. Or ces fouilles ont lieu pour la sécurité de l’établissement et ne sont pas une sanction. Imposer la motivation des fouilles à l’administration pénitentiaire alourdirait la gestion et l’organisation de l’établissement.

Nous sommes donc défavorables à l’amendement n° 235.

L’amendement n° 45 rectifié a pour objet le respect des biens et de la vie privée des détenus. Or, comme l’a dit le rapporteur, le premier alinéa de l’article 24 ne prévoit pas de distinction entre les fouilles corporelles et les fouilles de cellules ; il a vocation à s’appliquer à l’ensemble des cas.

En conséquence, l’amendement est satisfait. S’il est maintenu, nous y serons défavorables.

L’amendement n° 134 prévoit que les détenus assistent à la fouille de leur cellule et de leurs effets personnels. J’ai entendu les arguments du rapporteur, mais j’irai encore plus loin : je défends la dignité et la sécurité de l’administration pénitentiaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Des faits divers tragiques sont survenus à une période où l’on aurait pu prendre des mesures ; pourtant, rien n’a été fait.

Nous prenons quant à nous les mesures pour avancer et permettre la réalisation des fouilles dans un cadre légal moderne. Mais je tiens aussi à la sécurité et à la dignité des personnels pénitentiaires, en conséquence, pour des raisons de sécurité, je ne souhaite pas que le détenu soit présent dans la cellule au moment de la fouille.

En conséquence, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.

Sur l’amendement n° 135 qui précise que les fouilles intégrales « doivent être spécialement motivées », je ferai les mêmes observations que pour l’amendement du groupe CRC.

L’avis du Gouvernement est défavorable.

Concernant l’amendement n° 44, les dispositions relevant du respect de la dignité sont déjà dans l’article 10 et s’imposent pour l’ensemble du texte.

Nous sommes donc défavorables à cet amendement.

L’amendement n° 136 rectifié ayant pratiquement le même objet que le précédent, nous y sommes défavorables, et pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l'amendement n° 303.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Selon l’amendement de M. Lecerf, le médecin sera requis par l’autorité judiciaire. Or j’aurais aimé que « l’impératif spécialement motivé » soit lui aussi motivé par l’autorité judiciaire. En effet, la motivation doit pouvoir venir d’une autorité indépendante et l’autorité judiciaire semble la plus appropriée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Mon intervention va exactement dans le même sens que celle de Mme Boumediene-Thiery.

Nous comprenons très bien le souci de M. Lecerf quand il souhaite qu’il s’agisse d’une décision de l’autorité judiciaire. Nous considérons cela, monsieur Lecerf, comme un progrès.

Mais il existe un problème de coordination entre les phrases. L’alinéa est ainsi rédigé : « Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin requis à cet effet. »

Vous proposez d’ajouter : « par l’autorité judiciaire ». Cet ajout ne porte donc que sur la seconde phrase.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Bien sûr !

M. Jean-Pierre Sueur. Il n’est pas dit explicitement que, s’agissant d’un acte particulièrement grave – nous en avons parlé – l’investigation elle-même doit être décidée par l’autorité judiciaire.

C’est pourquoi je vous propose la rédaction suivante pour cet alinéa : « Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf décision de l’autorité judiciaire pour raisons impératives spécialement motivées. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin requis à cet effet par celle-ci. » (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve.)

Cette rédaction a le mérite d’être claire et elle montre que c’est l’autorité judiciaire qui, dans ce cas spécifique et particulièrement grave, pour des raisons impérieuses spécialement motivées, décide.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souscris aux observations des orateurs qui m’ont précédée. Si M. le rapporteur rejoint la conception exprimée par M. Sueur, nous soutiendrons cet amendement qui, en tout état de cause, constitue un progrès. En revanche, s’il ne s’agit que de faire requérir le médecin par l’autorité judiciaire, cela n’apporte pas grand-chose.

Nous considérons qu’il est important de poser des principes. Certes, il est toujours possible d’y déroger, et on le fait d’ailleurs souvent, mais on doit alors présenter une raison motivée. Je sais que vous contestez cette appréciation, madame le garde des sceaux, mais je considère pour ma part qu’il s’agit d’une question essentielle.

L’association des chrétiens pour l’abolition de la torture, l’ACAT, fait, chacun le sait, un travail remarquable pour dénoncer la torture. J’ai lu ses rapports.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez d’excellentes lectures !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr, comme nous tous, monsieur Hyest !

L’ACAT nous amène à réfléchir, à engager une démarche que nous n’aurions peut-être pas initiée seuls et qui nous conduit à considérer certains actes dégradants comme des actes de torture, la notion de « torture » ayant évolué au cours des siècles.

La sécurité est bien évidemment essentielle pour le bon fonctionnement d’un établissement pénitentiaire. Nous le savons et le sujet n’est pas là.La difficulté tient au rapport entre la nécessité d’assurer la sécurité des établissements, d’une part, et le respect de la dignité des détenus, d’autre part.

Les différentes mesures qui ont été prises pour renforcer la sécurité n’empêchent pas les évasions, les actes graves entre détenus. On doit donc s’interroger sur le rapport qu’il y a entre les moyens, très lourds, que l’on consacre à la sécurité et les conséquences qui en découlent en termes d’humiliation des personnes.

L’ACAT s’inquiète, dans son rapport, de la manière dont sont traités les « détenus particulièrement signalés », accusés d’actes de terrorisme, par exemple.

Cela m’amène à évoquer le cas de Julien Coupat, dont l’affaire prend à mon sens un tour tout à fait regrettable.

Julien Coupat a été placé en détention provisoire sous l’accusation de terrorisme, bien qu’aucune preuve n’ait été apportée à son encontre. C’est un détenu particulièrement signalé.

Selon les témoignages de sa famille – on peut toujours prétendre que les proches ne sont pas objectifs, mais il faut parfois savoir les écouter – Julien Coupat serait fouillé à corps à plusieurs reprises à chacune des visites de son avocate ou de ses déplacements au tribunal et contraint de se dénuder devant des policiers hilares. De telles situations ne nous honorent pas !

Je considère donc qu’il est essentiel de poser des principes, auxquels il est bien entendu possible de déroger en cas d’absolue nécessité, par décision spécialement motivée.

Pour toutes ces raisons, je suis favorable aux amendements de Mme Boumediene-Thiery en ce qui concerne tant les fouilles intégrales que les fouilles internes corporelles.

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, pour explication de vote.

M. Pierre Fauchon. Mes chers collègues, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler ce matin, j’ai personnellement l’expérience d’événements qui touchent étroitement le sujet dont nous parlons. C’est peut-être l’une des raisons qui m’ont incité à rester en retrait. Il me semble néanmoins utile, à cet instant, d’apporter le témoignage de quelqu’un qui a personnellement connu l’angoisse de la détention, avec les menaces qui lui étaient liées, pendant les événements d’Afrique du Nord. Je n’ai pas besoin d’en dire davantage.

En août 1955, j’ai pris, non sans difficulté, non sans courir beaucoup de risques, des décisions qui ont permis d’éviter à plus de cent détenus les horreurs de la détention, entre les mains des militaires français de l’époque, qui n’étaient pas toujours des gens très délicats, c’est le moins que l’on puisse dire.

Je crois donc pouvoir apporter ici, en toute modestie, mais aussi en toute assurance, un certain témoignage. Il y a sans doute les exigences de la dignité, mais il y a aussi, qu’on le veuille ou non, c’est un fait, l’exigence de la sécurité. Nous en sommes aussi responsables, il ne faut pas l’oublier.

Les détenus, faut-il le rappeler, ne sont pas tous des anges. Leur imagination dépasse quelquefois l’imaginable. (Mme Éliane Assassi lève les bras.) Vous levez les bras au ciel, mais il s’agit malheureusement de vérités incontournables. Nous en mesurons tous les jours les résultats et les conséquences.

Je ne sais pas si certains êtres sont méchants. Je ne me permets pas de le dire, je suis trop avocat pour cela. Mais, ce que je sais, et que je dis, est que certains êtres sont dangereux. On ne peut pas l’ignorer.

M. Badinter évoquait tout à l’heure les horreurs de la fouille. Si j’étais aussi bon avocat que vous, mon cher collègue – ce n’est pas le cas, je le reconnais bien volontiers –, je pourrais évoquer les horreurs des conséquences de la criminalité et de la délinquance, et vous décrire la souffrance, l’humiliation, les douleurs de toutes les victimes. On pourrait aussi faire ce tableau et vous en seriez tout aussi épouvanté. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Alain Anziani. Nous l’avons dit !

M. Robert Badinter. Cela n’autorise pas d’autres horreurs !

M. Pierre Fauchon. Non, vous ne l’avez pas dit ! Vous l’avez minimisé. C’est trop commode de passer outre, car ces deux aspects des choses sont bien réels et toute la difficulté est d’assumer nos responsabilités en évitant les abus. Ce n’est pas facile !

Il y a ceux qui, comme M. Portelli, considèrent que ces mesures ne sont pas toujours efficaces. Certes ! Mais le code pénal dans son entier n’est pas toujours efficace. Il n’empêche pas la délinquance. Allez-vous pour autant l’abroger ? Est-ce que nous allons renoncer à toutes les dispositions qu’il prévoit sous prétexte qu’elles ne sont pas toujours efficaces ?

Mme Borvo Cohen-Seat regrettait elle aussi que ces mesures ne soient pas toujours efficaces. Il est en effet très difficile d’en mesurer l’efficacité, mais nous prenons des mesures parce qu’il est de notre devoir de les prendre. Même si elles ne sont pas toujours efficaces, elles sont malgré tout assez efficaces, et c’est toujours cela de sauvegardé.

Notre devoir est de faire le possible et non pas l’impossible.

Pour toutes ces raisons, considérant qu’il parvient à un équilibre assez sage, je voterai avec confiance l’amendement no 303.

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Monsieur Fauchon, nous faisons une loi sur les victimes tous les trois mois et une loi sur les prisons tous les cinquante ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Aujourd’hui, nous légiférons sur les prisons, donc sur les détenus, qui sont des personnes, je vous le rappelle.

M. Pierre Fauchon. Je vous ai déjà dit que j’ai fait plus que quiconque ici pour les détenus !

M. Hugues Portelli. Je ne le nie pas et je ne vous critique pas, mon cher collègue. Mais nous avons le droit de légiférer sur tous les sujets, et, puisque nous légiférons sur les prisons, nous avons le droit d’accorder au sort des détenus tout l’intérêt qu’il mérite. C’était un simple rappel sur notre façon de légiférer sur les prisons au cours des siècles.

Je partage le point de vue de M. Jean-Pierre Sueur, pour une raison très simple.

Imaginez un week-end ordinaire. Le malheureux substitut de service voit défiler de très nombreux dossiers au bout milieu desquels se trouve une demande d’autorisation de requérir un médecin afin de faire procéder à une fouille. Il traitera cette demande avec sérieux, certes, mais peut-être pas toujours avec le temps nécessaire pour réfléchir.

En revanche, si on lui demande de motiver sa décision, ce n’est plus la même chose. Il devra se donner le temps de la réflexion. D’un point de vue technique, motiver une autorisation de faire procéder à une fouille et saisir un médecin pour effectuer une fouille, c’est très différent. C’est pourquoi je préfère la rédaction proposée par M. Jean-Pierre Sueur.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, puis nous procéderons au vote.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mes chers collègues, nous avançons et le problème, essentiel, est extrêmement complexe.

Je ne partage pas l’appréciation de MM. Sueur et Portelli. Il me semble que chacun a, à sa place, son rôle à jouer pour assurer la sécurité dans les établissements pénitentiaires et garantir le respect de la dignité des personnes.

L’investigation corporelle interne est exceptionnelle. Celui qui la demande connaît la situation de la prison. Si l’autorité pénitentiaire l’estime nécessaire, elle formule une demande motivée de fouille corporelle interne qui est, en effet, la plus vexatoire.

Cette demande est adressée à l’autorité judiciaire, seule compétente pour réquisitionner éventuellement un médecin. Il est bien évident que l’autorité judiciaire ne le réquisitionnera que si elle a été convaincue par la motivation spéciale invoquée par l’autorité pénitentiaire.

Si l’autorité judiciaire estime que la raison invoquée n’est pas suffisante, elle n’ordonnera pas la réquisition et la fouille n’aura pas lieu.

Cette organisation correspond à une logique qui ne me paraît pas déraisonnable.

M. Robert Badinter. Je demande la parole, pour explication de vote.

M. le président. J’avais indiqué que nous passerions au vote après l’intervention de M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur. M.  Badinter n’a pas expliqué son vote. Il peut donc le faire, c’est le règlement.

M. le président. Certes, mais il eût été préférable que M. Badinter expliquât son vote plus tôt, cela aurait permis à M. le rapporteur d’apporter à chacun les précisions qu’il estime nécessaires.

La parole est donc à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Je serai d’une grande concision, monsieur le président.

Monsieur le rapporteur, nous sommes très proches d’une solution sur le problème, gravissime, des fouilles corporelles internes.

Il est plus clair, y compris pour les personnels et pour les autorités pénitentiaires, d’avoir l’autorisation de l’autorité judiciaire lorsqu’ils se trouvent en présence de situations – et on conçoit lesquelles – qui font naître un soupçon : une arme cachée, par exemple.

Nous sommes au temps du téléphone portable, des e-mails. Nous vivons dans l’instantanéité. L’autorité pénitentiaire avise le parquet. L’autorité judiciaire donne une réponse immédiate : procéder ou ne pas procéder à la fouille. La première signale ; la seconde décide. Au final, la gardienne des droits fondamentaux, donc de la dignité de la personne, c’est bien l’autorité judiciaire.

Vous l’avez d’ailleurs démontré en affirmant que, si l’autorité judiciaire n’est pas convaincue que les circonstances le justifient, elle ne donnera pas l’autorisation de recourir à un médecin.

Il s’agit vraiment d’une question de rédaction.

Comme l’a évoqué M. Sueur, les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf décision spécialement motivée de l’autorité judiciaire. Mais un simple e-mail suffit ; tout se fait en un instant.

La suite telle que vous l’avez écrite est parfaite : « Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin requis à cet effet. » Ce n’est même plus la peine de faire apparaître l’autorité judiciaire. C’est la décision qui doit venir de l’autorité judiciaire, non le choix du médecin. C’est aussi simple que cela, ce n’est rien de plus.

Au fond, nous sommes d’accord : c’est à l’autorité judiciaire de prendre cette responsabilité, pas au personnel pénitentiaire. Et de quelle manière ? De la façon la plus simple que les techniques actuelles permettent. C’est tout, monsieur le rapporteur. Si vous reprenez cette rédaction, je crois que tout le monde votera l’amendement, et puis ce sera fini !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mes chers collègues, nous sommes effectivement sur le point de trouver un accord. Je souhaiterais cependant que, pour le moment, nous en restions à la proposition qui a été faite.

Pour cela, je vous donnerai un dernier argument, tiré de la comparaison – même si comparaison n’est pas raison – avec le même type de fouilles, effectuées cette fois lors d’une garde à vue ou lors d’un contrôle des services des douanes. Dans l’hypothèse de la garde à vue, la réquisition est faite par un officier de police judiciaire. Pour les fouilles effectuées par les douaniers, elle est faite par les autorités des douanes.

En l’espèce, l’hypothèse que nous avons adoptée est la plus protectrice, puisque la réquisition ne pourra être décidée que par l’autorité judiciaire. Nous avons déjà fait un grand pas.

Il faut aussi prévoir la possibilité, pour les uns et les autres, de pouvoir se rallier à une solution. Nous avons beaucoup avancé dans votre direction, monsieur Badinter. Nous souhaiterions que vous fassiez un petit pas vers nous.

M. le président. Je mets aux voix, par priorité, l'amendement n° 303.

(L'amendement est adopté à l’unanimité des présents.)

M. Jean-Pierre Sueur. C’est un progrès !

M. le président. En conséquence, l’amendement n° 235 n’a plus d’objet.

Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 45 rectifié est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, monsieur le président, je le maintiens, car je considère que les fouilles des cellules, et pas seulement les fouilles corporelles, doivent figurer dans le texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 134.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 135.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 136 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 24, modifié.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste s’abstient !

Mme Éliane Assassi. Le groupe CRC-SPG s’abstient également !

(L'article 24 est adopté.)

Article 24
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Article additionnel avant l'article 25

Article additionnel après l'article 24

M. le président. L'amendement n° 137, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lors des fouilles, le personnel applique une procédure dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'État.

La parole est à M. Alain Anziani.

M. Alain Anziani. Il est souvent reproché aux règles pénitentiaires européennes d’être purement déclaratoires et pas suffisamment normatives.

En l’espèce, nous disposons justement d’une règle pénitentiaire européenne, la règle 54-1, qui est normative et précise que, lors des fouilles, le personnel applique une procédure dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d’État.

Cette règle pénitentiaire européenne doit, à nos yeux, être transcrite dans notre droit : en effet, la fixation par décret en Conseil d’État des modalités d’application de la procédure, c'est-à-dire en quelque sorte la méthode, protégera à la fois le personnel surveillant et les détenus. Cela nous semble une très bonne chose.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est tellement d’accord avec M. Anziani qu’elle considère que l’amendement est totalement satisfait ! (Sourires.) En effet, l’article 27 du projet de loi prévoit que les modalités d’application du présent chapitre, donc celles de l’article 24 relatives aux fouilles, sont fixées par un décret en Conseil d’État.

M. Alain Anziani. Puis-je vous interrompre, monsieur le rapporteur ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je vous en prie, mon cher collègue.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, avec l’autorisation de M. le rapporteur.

M. Alain Anziani. Dans sa fougue, M. le rapporteur est passé un peu à côté de l’objet de mon amendement, qui vise en premier lieu, non pas un décret en Conseil d’État, mais une procédure appliquée par le personnel. Or cette disposition ne figure pas dans le texte initial.

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La procédure est définie pour l’essentiel à l’article 24, et tout ce qui n’a pas été prévu par cet article ne peut, en vertu de l’article 27, qu’être fixé par la procédure assez solennelle du décret en Conseil d’État.

Encore une fois, mon cher collègue, nous sommes tellement d’accord qu’il n’y a plus l’épaisseur d’une feuille de papier à cigarette entre nous ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, nous estimons que l’amendement est satisfait par l’article 27 du projet de loi.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Anziani, l'amendement n° 137 est-il maintenu ?

M. Alain Anziani. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 137 est retiré.

Section 8

Des détenus mineurs

Article additionnel après l'article 24
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Article 25

Article additionnel avant l'article 25

M. le président. L'amendement n° 236, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'emprisonnement de mineurs doit constituer une mesure de dernier recours. Le régime de détention doit, en toutes circonstances, être adapté aux spécificités des détenus mineurs.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Ce projet de loi fait peu de cas des mineurs incarcérés. Seulement deux articles y font référence et pourtant, cette année, selon la Défenseure des enfants, soixante-douze d’entre eux ont tenté de se suicider, soit quarante fois plus que parmi les jeunes en liberté et, en 2008, trois d’entre eux ont trouvé la mort.

La construction de sept établissements pénitentiaires pour mineurs, ou EPM, ne règle rien. À Meyzieu, pourtant présenté comme un modèle, un jeune s’est pendu il y a un an. Il avait seize ans et avait été incarcéré deux mois auparavant.

Madame le garde des sceaux, pour les jeunes, encore plus que pour les majeurs, la prison est dure, d’autant plus qu’ils sont fragiles et vulnérables.

C’est pourquoi il nous paraît essentiel de consacrer dans la loi le principe selon lequel la détention d’un mineur ne peut être qu’une mesure de dernier recours. Elle doit donc demeurer exceptionnelle dans son prononcé et minimale dans la durée.

C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 37, b), de la convention internationale des droits de l’enfant : « L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit être en conformité avec la loi, n’être qu’une mesure de dernier ressort et être d’une durée aussi brève que possible. »

Hélas, la création de ces EPM est emblématique de la politique gouvernementale en matière de justice des mineurs : depuis 2002, toutes les réformes de l’ordonnance de 1945 donnent la prééminence à l’enfermement, bientôt peut-être dès douze ans en cas de crime ! Je n’ose même pas y penser…

Ainsi, les moyens supplémentaires affectés ces dernières années à la protection judiciaire de la jeunesse vont en quasi-totalité à l’enfermement, au détriment des suivis éducatifs en milieu ouvert et des structures d’hébergement classiques, déjà insuffisants, et sans considération pour les effectifs en juges et en greffiers qui seraient nécessaires pour que les juridictions des mineurs fonctionnent dans des délais normaux.

Construire des EPM, c’est nécessairement enfermer un nombre toujours plus grand de jeunes. C’est banaliser la prison pour les mineurs, quand tous les professionnels s’accordent à dire que les solutions résident dans la prise en charge individualisée, l’accompagnement adapté dans le temps, en accord avec la famille et en tenant compte du milieu social.

La seule construction des sept EPM coûte environ 90 millions d’euros et leur fonctionnement mobilise, pour soixante jeunes, une quarantaine de personnels de la PJJ !

Dans le même temps, en deux ans, entre 2006 et 2007, une dizaine de foyers éducatifs ont été fermés.

La création d’un seul EPM équivaut à six foyers éducatifs de dix places, huit services d’insertion professionnelle, soit la prise en charge de 250 mineurs, dix services de milieu ouvert, soit le suivi de 1 500 jeunes.

Or, quand nous écrivons la loi, n’oublions pas que l’enfance et l’adolescence sont des périodes structurantes de la vie, des périodes de très grande vulnérabilité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission sollicite le retrait de cet amendement, pour la seule raison qu’il est largement, pour ne pas dire intégralement satisfait.

D’une part, le texte proposé par l’article 32 du projet de loi pour l’article 132-24 du code pénal dispose, dans la rédaction retenue par la commission, qu’« une peine d’emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu’en dernier recours… » Ces dispositions s’appliquent tant aux majeurs qu’aux mineurs.

Les articles 53 et 53 bis du texte élaboré par la commission relatifs aux sanctions disciplinaires et au placement administratif à l’isolement comportent des dispositions spécifiques propres aux mineurs.

Par ailleurs, l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante prévoit déjà que la détention provisoire – article 11 – ou l’emprisonnement – article 20-2 – d’un mineur doit intervenir soit dans un quartier spécial d’un établissement pénitentiaire, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineur, de manière à garantir un isolement complet d’avec les détenus majeurs ainsi que la présence en détention d’éducateurs.

J’ajoute que la refonte de cette ordonnance, dans le cadre d’un projet de loi en cours d’élaboration, sera l’occasion de réexaminer l’ensemble des règles applicables à l’incarcération des mineurs, à l’exception, bien évidemment, des règles qui ont été constitutionnalisées, c’est-à-dire la juridiction spécialisée, la primauté de l’éducatif et l’atténuation de responsabilité.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je fais miens tous les arguments invoqués par M. le rapporteur.

L’article 32 du projet de loi prévoit qu’en matière correctionnelle une peine d’emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu’en dernier recours.

Ce texte ne distingue pas entre les détenus majeurs et mineurs, de sorte que la précision sur l’emprisonnement comme solution de dernier recours s’applique aussi aux mineurs. D’ailleurs, le code de procédure pénale évoque aussi bien les majeurs que les mineurs.

En outre, l’article 20-2 de l’ordonnance du 2 février 1945 dispose que l’emprisonnement des mineurs a lieu, soit dans un quartier spécial d’un établissement pénitentiaire, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs.

Cet amendement est totalement satisfait.

Effectivement, un EPM équivaut à plusieurs foyers éducatifs, mais il ne serait pas adapté de placer dans un même foyer éducatif des mineurs délinquants, notamment des mineurs criminels, et des mineurs victimes, qui sont souvent hébergés dans ces foyers, sous peine de voir la situation se dégrader plus encore.

Il est donc important de prévoir des établissements dédiés, adaptés à la délinquance des mineurs.

À ce propos, les EPM que vous critiquez ont pourtant été salués par le commissaire européen aux droits de l’homme.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il a même suggéré aux autres pays européens de nous imiter ; cela mérite d’être souligné !

Je reçois d’ailleurs assez souvent des personnalités de pays européens voisins, qui souhaitent s’inspirer du modèle des établissements pénitentiaires pour mineurs.

À ce jour, le succès est au rendez-vous, en raison de la prise en charge pluridisciplinaire effectuée dans l’intérêt du mineur et destinée à lutter contre la délinquance.

Pour toutes ces raisons, nous sommes défavorables à cet amendement.

M. le président. Madame Mathon-Poinat, l'amendement n° 236 est-il maintenu ?

Mme Josiane Mathon-Poinat. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 25
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Article additionnel après l'article 25

Article 25

L'administration pénitentiaire garantit aux mineurs détenus le respect des droits fondamentaux reconnus à l'enfant.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.

M. Louis Mermaz. L'article 25 est des plus brefs, qu’il s’agisse de la rédaction du Gouvernement ou de celle de la commission des lois. Il n’a pas nécessité beaucoup d’encre : l'article 40 est passé par là, probablement !

M. Philippe Dallier. Note collègue est traumatisé !

M. Louis Mermaz. Les articles 26 et 27 ne sont guère plus détaillés. La question des détenus mineurs aurait toutefois mérité davantage.

Nous sommes tous solidaires et je souhaite prendre la défense de mon collègue Robert Badinter, dont tout le monde se souvient qu’il a été ministre de l’agriculture. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme  le garde des sceaux n’était pas encore entrée en politique et sans doute n’est-elle pas au courant de cet épisode de notre histoire, pourtant récente ! (Sourires.)

Je me rappelle avoir un jour déclaré à Élisabeth Guigou que le garde des sceaux qui mérite d’être félicité est celui qui quitte ses fonctions avec moins de personnes détenues qu’à son arrivée.

Hélas ! ce n’est pas votre cas, madame le garde des sceaux !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Avant, les criminels étaient dehors !

M. Louis Mermaz. Vous pouvez en effet vous prévaloir d’une surpopulation carcérale dont sont victimes à la fois les détenus et le personnel pénitentiaire. Il faut le rappeler, pour replacer les choses dans leur juste ordre.

Pour remédier à l’indigence de l'article 25, le Sénat, je l’espère, prendra en considération deux amendements déposés par mon groupe.

L'amendement n° 140 rectifié vise à compléter l'article 25 par un alinéa ainsi rédigé : « Dans chaque établissement pénitentiaire, il sera mis en place un dispositif pénitentiaire propre à garantir l’intégrité physique des détenus mineurs. » En effet, ce problème très important n’est pas traité dans le projet de loi pénitentiaire.

L'amendement n° 141 rectifié tend, lui, à insérer un article additionnel après l'article 25 ainsi rédigé : « Le service public pénitentiaire garantit la prévention totale du risque de confusion entre l’incarcération de mineurs et celle de majeurs. »

En effet, dans un certain nombre d’établissements pénitentiaires, notamment outre-mer, il existe une détention conjointe des majeurs et des mineurs, ce qui entraîne de très importantes difficultés.

Par conséquent, sur ce sujet, il est plus que jamais nécessaire de se référer aux règles pénitentiaires européennes.

Les mineurs de dix-huit ans devraient être détenus non dans des prisons pour adultes, mais dans des établissements spécialement conçus à cet effet.

Si des mineurs sont néanmoins exceptionnellement détenus dans des prisons pour adultes, leur situation et leurs besoins doivent être fixés par des règles spéciales. Sur cette question, les recommandations et les mises en demeure des institutions européennes sont très claires.

Se pose également le problème des enfants en bas âge, lorsque l’un des deux parents est incarcéré.

Les parents d’enfants en bas âge ne devraient pas être incarcérés, mais ce n’est pas toujours possible. Lorsqu’ils le sont, il faut prévoir des dispositions qui tiennent pleinement compte de l’intérêt de l’enfant.

Il faut tout faire pour que l’autorité parentale de la mère, si elle ne lui a pas été retirée par la justice, soit véritablement reconnue et exercée. Il en est de même pour celle du père.

Il convient également de souligner que, lorsqu’ils sont incarcérés, les enfants en bas âge ne doivent pas être considérés comme des détenus : ils conservent tous les droits des enfants en bas âge en milieu libre, comme le précise la convention de New York, ou convention internationale des droits de l’enfant.

La règle européenne ne définit aucune limite supérieure en ce qui concerne l’âge à partir duquel un enfant en bas âge doit être séparé de son parent détenu. Il faut agir ici avec le plus d’humanité possible.

Il est nécessaire de tenir compte des prescriptions et des conseils formulés par la Commission nationale consultative des droits de l'homme, notamment en transposant le plus rapidement possible au niveau législatif de nombreuses dispositions qui, jusque-là, n’ont jamais été réglées ou adoptées que par voie réglementaire.

Le projet de loi devrait prévoir des mesures qui ont été demandées plusieurs fois par le Conseil d’État.

Enfin, il serait regrettable que l’affirmation positive des droits fondamentaux des détenus mineurs ne soit pas suivie de leur énumération précise ou d’un renvoi explicite aux sources internes et internationales les consacrant.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il fallait déposer des amendements en ce sens !

M. Louis Mermaz. Or la singularité de la prise en charge des détenus mineurs est uniquement mise en évidence dans l’article 53 du présent texte, qui est relatif au régime disciplinaire des personnes détenues placées en détention provisoire ou exécutant une peine privative de liberté et qui évoque le cas des détenus mineurs de plus seize ans. Une telle situation reflète d’ailleurs bien l’esprit trop souvent répressif du projet de loi.

C’est pourquoi les amendements qui seront défendus dans un instant sont nécessaires, si nous voulons rendre plus humaines les dispositions prévues par ce texte.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je n’ai certainement pas oublié que Robert Badinter avait été garde des sceaux. En revanche, monsieur le sénateur, vous avez raison d’indiquer que je suis depuis beaucoup moins longtemps que vous en politique. Il n’en reste pas moins que je suis depuis beaucoup plus longtemps que vous sur le terrain ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il serait bon que les arguments que vous avancez soient de temps en temps pris à la source et un peu plus connectés aux réalités !

Peut-être les prisons comptent-elles plus de détenus aujourd'hui, mais la délinquance a fortement diminué. Entre 1997 et 2002 – une référence ! –, celle-ci avait augmenté de plus de 20 %...

M. Louis Mermaz. Nous ne sommes plus en campagne électorale !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. ... et les atteintes aux personnes, de 50 % !

Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je ne fais que rappeler les résultats de la politique mise en œuvre par vos gouvernements !

Vous n’avez rien fait ni sur la condition pénitentiaire ni sur la délinquance, laquelle, à cette époque, avait littéralement explosé. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

Il n’est qu’à voir les chiffres ! Je les tiens d’ailleurs à votre disposition. Le nombre de mineurs détenus était beaucoup plus important sous votre gouvernement qu’aujourd'hui. Entre 2000 et 2008, il a fortement diminué. Les mineurs détenus étaient plus de 800 à l’époque ; ils sont moins de 700 aujourd'hui, et ce malgré une politique pénale qui se caractérise par sa fermeté et que nous assumons : nous sanctionnons les criminels et les délinquants, et les condamnations sont exécutées.

Mme Raymonde Le Texier. Ce n’était pas le cas avec la gauche, peut-être ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Parallèlement, nous prenons beaucoup mieux en charge les mineurs, notamment avec la création des centres éducatifs fermés. À l’époque, vous avez voté contre ; aujourd'hui, vous reconnaissez leur pertinence, comme celle des établissements pour mineurs, qui évitent la récidive.

La sécurité des Français est ma première préoccupation.

Dans le même temps, j’entends favoriser la réinsertion des personnes délinquantes, notamment des mineurs, car personne ne peut se satisfaire de voir ces derniers s’ancrer dans la délinquance. C’est le seul objectif politique de la majorité.

Pour ma part, je refuse les polémiques stériles ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.

M. Richard Yung. Je ne nourrirai pas la polémique, madame le garde des sceaux.

Il nous semble nécessaire de compléter l’article 25, qui se caractérise par sa très grande concision, par une disposition concernant les détenus mineurs étrangers, sujet que nous avons eu l’occasion d’évoquer hier.

Les problèmes des détenus mineurs étrangers sont spécifiques. Étant à la fois mineurs et étrangers, ils sont doublement victimes des conditions difficiles de l’incarcération et les vivent encore plus durement que les autres mineurs ou les autres détenus.

Les détenus mineurs étrangers sont séparés de leurs parents à la suite de différents événements. Quelquefois même, ils ont été instrumentalisés dans la poursuite de différentes actions que le code civil ou le code pénal punissent.

La législation française prévoit, pour de tels mineurs, un régime spécifique. Il faut notamment que la régularisation administrative de leur situation se fasse le plus rapidement possible et qu’ils aient accès à des informations précises ; je n’ose ajouter « dans une langue qu’ils comprennent », pour ne pas relancer un débat qui nous a occupés longtemps. En particulier, il est indispensable que leur soit alloué un titre de séjour dans les plus brefs délais.

Malheureusement, tous les amendements que nous avons déposés en ce sens, qui semblaient utiles et de bon sens, ont été rejetés au titre de l'article 40 de la Constitution. Je le rappelle, car cela ne doit pas être oublié.

Je conclus en précisant que nous voterons les amendements présentés par notre collègue Richard Tuheiava.

M. le président. L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Tuheiava, Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Dans chaque établissement pénitentiaire, il sera mis en place un dispositif pénitentiaire propre à garantir l'intégrité physique des détenus mineurs.

La parole est à M. Richard Tuheiava.

M. Richard Tuheiava. L’amendement n° 140 rectifié a pour objet d’attirer l’attention de la Haute Assemblée sur la question de l’incarcération des mineurs. Il s’agit de mettre en place un dispositif pénitentiaire propre à garantir l’intégrité physique - et morale, cela va sans dire - des détenus mineurs.

À la lecture de ce projet de loi ou du texte issu des travaux de la commission, on peut déplorer que seuls trois articles soient consacrés à la question de la détention des mineurs.

Je ne peux me satisfaire des arguments qui ont été opposés par le rapporteur à l'amendement n° 236, selon lesquels l’ordonnance du 2 février 1945 contient des dispositions de nature à satisfaire cet amendement ou qu’un projet de loi en cours d’élaboration permettra de couvrir ces points, à l’exception de ceux qui sont déjà constitutionnellement prévus.

Nous examinons un projet de loi pénitentiaire et nous en sommes parvenus à la section réservée à la détention des mineurs. S’il est bien un endroit dans le texte où il convient de mentionner la question du droit des détenus mineurs de manière un peu plus précise, c’est bien l’article 25 !

Je tiens ici à rappeler les dispositions de l’article 37 paragraphe c) de la convention internationale des droits de l’enfant :

« Les États parties veillent à ce que :

« c) Tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d’une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. En particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l’on estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant... »

Cette convention a été ratifiée par la France en 1990 et trouve donc à s’appliquer dans l’ordre juridique national.

En 2005, la Cour de cassation s’est ralliée à la jurisprudence du Conseil d’État, qui reconnaissait la possibilité pour les tribunaux judiciaires français de se référer, dans leurs décisions, directement aux dispositions de la convention internationale des droits de l’enfant.

Dans la pratique, la confusion entre détention - ou incarcération - de détenus mineurs et majeurs est de nature à porter directement atteinte aux dispositions que je viens de rappeler.

Pour la Polynésie française en particulier, dont je me fais ici le porte-parole, cette situation a déjà été pointée dans un rapport alternatif rédigé conjointement par la Ligue polynésienne des droits de l’homme et par la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme le 3 juin 2004, rapport qui a été officiellement déposé sur le bureau du Comité des droits de l’enfant de l’ONU, à Genève.

J’ai personnellement défendu ce rapport alternatif à Genève et cette situation a été à juste titre retenue par le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, qui a émis des recommandations claires et précises à l’égard de la France.

Bien qu’elle soit régularisée dans la pratique, cette atteinte aux dispositions de la convention internationale des droits de l’enfant n’a toujours pas trouvé de solution législative.

Il s’agit donc de poser clairement dans la loi ce principe de séparation entre les quartiers réservés aux mineurs et ceux qui accueillent les majeurs. Ce projet de loi pénitentiaire, qui est présenté comme le texte permettant, à bien des égards, de mettre la France en conformité avec ses engagements internationaux, vis-à-vis de l’Europe comme des Nations unies, est le cadre adéquat.

Je souhaite donc que le consensus le plus large se dégage sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Certains points me semblent parfois difficilement compréhensibles

Je rappelle aux uns et aux autres que la convention internationale des droits de l’enfant de New York est directement applicable, même sans transposition dans la législation nationale, et, par conséquent, elle a toute vocation à s’appliquer.

Par ailleurs, monsieur Tuheiava, je comprends mal que vous vous insurgiez, avec la plus grande courtoisie d’ailleurs, contre la non-séparation des détenus majeurs et mineurs.

Quelle est réellement la situation actuelle ? Depuis la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, sept établissements pénitentiaires pour mineurs, dotés d’une capacité d’accueil de 420 places, ont été créés. Dans ce cas, on peut parler de séparation intégrale, puisque ces établissements n’accueillent que des mineurs, et je les ai pour ainsi dire tous visités.

En outre, un programme de rénovation de l’ensemble des quartiers pour mineurs qui se trouvent dans les centres de détention a été engagé en 2003. Il a déjà permis la création de 330 places répondant aux normes européennes et la remise à niveau de 326 places.

Nous disposons donc d’une capacité de l’ordre d’un millier de places, qui, au plan des normes européennes et des impératifs de séparation des détenus, ne peut pas susciter de critiques.

Au 1er novembre 2008, 673 mineurs étaient incarcérés. Je précise d’ailleurs que ce nombre s’élevait à 713 au 1er novembre 2007. Par conséquent, si on évalue les gardes des sceaux à la diminution de l’effectif de mineurs incarcérés, votre situation s’améliore, madame le garde des sceaux. (Sourires.) Je vais vous passer un peu de mon auréole, dont je sens d’ailleurs qu’elle n’est plus aussi confortablement installée sur ma tête qu’elle ne l’était hier ou avant-hier…

Nous ne cherchons pas à obtenir des médailles, mais je pense tout de même que, en matière de séparation entre détenus majeurs et mineurs, nous avons fait énormément.

Cela étant, la situation des établissements pénitentiaires pour mineurs pose effectivement des problèmes.

Je peux dire que, au cours des visites que j’ai effectuées, certains de ces établissements m’ont donné l’impression d’être nettement plus efficaces que d’autres. C’est le site de Quiévrechain, situé dans mon département, le Nord, qui m’a semblé être le plus opérationnel, mais c’est un pur hasard.

En ce qui concerne les établissements pénitentiaires pour mineurs, je m’inquiète surtout de l’importance du coût de la journée de détention. Il évoluera sans doute, mais il s’élevait tout de même, l’an dernier, à 1 400 euros. (Exclamations sur les travées de lUMP.) C’est ingérable ! C’est insupportable !

Certes, le programme n’en est qu’à ses débuts et, pour le moment, les établissements pénitentiaires pour mineurs sont loin d’être totalement remplis. Reste qu’il faudra faire baisser, rapidement et largement, le coût de la journée de détention et obtenir des résultats spectaculaires, faute de quoi nous ne pourrons pas poursuivre cette démarche.

Je rappelle, avec émotion, que cette remarque m’avait été adressée par notre regretté collègue Michel Dreyfus-Schmidt, lorsque nous visitions ensemble l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Meyzieu.

Vraiment, mes chers collègues, je pense que, sur ce point, le Gouvernement a correctement fait son travail !

Il existe peut-être des problèmes spécifiques, par exemple en Polynésie française.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’avoue que ma compétence sur ce point n’est pas la plus sûre. S’il n’était pas si tard, j’aurais l’audace de demander au président de la commission des lois de bien vouloir envoyer son rapporteur pour avis du budget de l’administration pénitentiaire en Polynésie pour faire le point sur la situation (Sourires.) …

Pour en venir plus précisément à l’amendement, je dois dire qu’il est globalement satisfait par l’article 1er dans la rédaction adoptée par la commission, qui affirme, sur l’initiative de notre collègue Hugues Portelli, que le service public pénitentiaire « garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à sa personne ».

Il est également satisfait par l’article 4 bis, que l’on doit au groupe communiste et qui prévoit que, dans le cadre de leur mission de sécurité, les personnels de surveillance « veillent au respect de l’intégrité physique des personnes privées de liberté et participent à l’individualisation de leur peine ainsi qu’à leur réinsertion ».

Il est encore satisfait par l’article 19 bis disposant que « l’administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels ». Je vous rappelle que nous en avons tiré, comme conséquence concrète, la responsabilité sans faute dans certaines hypothèses.

Par conséquent, je ne peux pas rendre un avis favorable sur cet amendement, qui est satisfait, et je me contenterai, sans beaucoup d’illusion, d’en demander le retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, notre avis est défavorable.

M. le président. La parole est à M. Richard Tuheiava, pour explication de vote.

M. Richard Tuheiava. Je pense effectivement que M. le rapporteur n’a pas suffisamment visité les établissements pénitentiaires situés en outre-mer, que ce soit en Guyane ou en Polynésie française.

En effet, les dispositions prévues à l’article 25, dans sa rédaction actuelle, ne permettent absolument pas de répondre à la situation de ces établissements. Nous sommes donc aujourd’hui confrontés à des différences et des décalages entre territoires, ce pourquoi je serai désormais beaucoup plus technique dans mon propos.

Si, dans la pratique, le territoire hexagonal dispose déjà d’établissements remplissant ce type de conditions et si – je rebondis sur un autre argument de M. le rapporteur – le texte de la convention internationale des droits de l’enfant s’applique directement dans l’ordre juridique national, il n’existe aucun argument légal ou financier qui s’oppose au vote de mon amendement. L’article 40 de la Constitution ne lui a pas non plus été opposé.

Actuellement, certains territoires de la République ne bénéficient réellement pas des mêmes facilités que les autres pour garantir la séparation entre détenus mineurs et majeurs au sein des établissements pénitentiaires.

Des exemples dans l’Hexagone pour lesquels ces garanties sont effectives ont été évoqués ; je les connais. Le texte de la convention internationale des droits de l’enfant, en lui-même, trouve à s’appliquer dans l’ordre juridique interne. Il ne reste qu’à l’acter dans notre loi et c’est l’objet de mon amendement !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mon cher collègue, il est vrai que le rapporteur n’a pas visité tous les établissements pénitentiaires des départements et collectivités d’outre-mer.

En revanche, quelque temps avant votre élection, deux de nos collègues ont effectué une mission sur les droits et libertés des communes de Polynésie française. À cette occasion, ils ont visité les établissements pénitentiaires, ce que nous avons également fait lors de la mission que j’ai menée à Mayotte.

En fait, dès que nous effectuons une mission dans un département d’outre-mer, nous en profitons pour visiter les établissements pénitentiaires. Nous nous rendons également dans les juridictions pour vérifier leur fonctionnement, avant d’établir notre rapport. La commission des lois est extrêmement vigilante sur ces points, il faut tout de même le rappeler !

Il est vrai que le principal établissement pénitentiaire de Polynésie française souffre de surpopulation et connaît des difficultés importantes. Nous le savons et nous le signalons d’ailleurs chaque année, au moment de l’examen du budget de l’outre-mer, dont notre collègue Christian Cointat est rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, et dans le rapport pour avis de M. Jean-René Lecerf sur les crédits alloués à l'administration pénitentiaire.

Vous avez donc raison, cher collègue, et Mme le garde des sceaux ne doit pas oublier l’outre-mer.

Toutefois, parce que vous rencontrez des problèmes, vous nous demandez de répéter ce qui est déjà inscrit dans toutes les lois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous n’allons pas nous répéter indéfiniment !

J’insiste, monsieur Tuheiava, vous avez raison, mais ce n’est pas en écrivant, une fois de plus, ce qui est déjà dans toutes les lois que nous changerons quelque chose.

Il faut désormais mener les travaux nécessaires en Polynésie française afin, non seulement de réaliser un établissement pénitentiaire pour mineurs digne de ce nom, mais également de traiter d’autres problèmes. Pour avoir été plusieurs fois en Polynésie française, je connais effectivement l’établissement pénitentiaire de Faa’a-Nuutania et je l’ai progressivement vu se dégrader.

Par conséquent, ce n’est pas pour vous être désagréables, monsieur Tuheiava, mais nous ne pouvons qu’être défavorables à cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous rencontrons effectivement un problème en Polynésie, puisque nous disposons de 150 places pour 390 détenus. La surpopulation est réelle !

S’agissant de l’ensemble de l’outre-mer, nous venons d’inaugurer à Saint-Denis de la Réunion un nouvel établissement pénitentiaire de 600 places.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Enfin !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il est vrai que nous avons attendu plus de dix ans…

Par ailleurs, on trouve trois mineurs sur les 390 détenus du centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania. Certes, l’isolement pose des difficultés, mais des travaux d’extension ont été engagés. Cent places supplémentaires seront ouvertes à la fin du mois de mai 2009 et nous sommes en négociation pour l’achat d’un terrain en vue de la construction d’un autre établissement pénitentiaire.

Nous disposerons donc d’une nouvelle capacité pénitentiaire dans les deux ou trois ans à venir et, dès la fin du mois de mai, de cent places de prison supplémentaires.

M. le président. Monsieur Tuheiava, l'amendement n° 140 rectifié est-il maintenu ?

M. Richard Tuheiava. Je le maintiens, monsieur le président.

M. le président. Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 25.

(L'article 25 est adopté.)

Article 25
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Article 26

Article additionnel après l'article 25

M. le président. L'amendement n° 141 rectifié, présenté par MM. Tuheiava, Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le service public pénitentiaire garantit la prévention totale du risque de confusion entre l'incarcération de mineurs et celle de majeurs.

La parole est à M. Richard Tuheiava.

M. Richard Tuheiava. Dans la lignée de l’amendement n° 140 rectifié, que je viens de soutenir, le présent amendement tend à poser, parmi les principes directeurs du projet de loi pénitentiaire, le principe de l’effort de prévention à l’encontre des risques de harcèlement, voire de sévices corporels entre détenus.

En effet, nous venons de l’indiquer, dans certaines maisons d’arrêt et établissements pénitentiaires des régions et collectivités d’outre-mer, le sous-dimensionnement et la vétusté des bâtiments, auxquels s’ajoute un phénomène de surpopulation carcérale qui bat des records – nous avons récemment dû échanger sur ce sujet avec Mme le garde des sceaux – engendrent un risque souvent avéré de confusion entre la détention de personnes mineures et celle de personnes majeures.

Toujours en accord avec l’impératif de mise en conformité de notre législation pénitentiaire nationale avec le troisième paragraphe de l’article 37 de la convention internationale des droits de l’enfant, qui trouve à s’appliquer en France, je vous propose d’insérer cet article additionnel après l’article 25.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a bien entendu notre collègue et prend acte de la situation en Polynésie française. Mais, pour les raisons que j’ai exprimées précédemment, elle donne un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’objet de cet amendement a déjà été évoqué et notre avis reste défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 25
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Article additionnel après l'article 26

Article 26

Les mineurs, lorsqu'ils ne sont pas soumis à l'obligation scolaire, sont tenus de suivre une activité à caractère éducatif. – (Adopté.)

Article 26
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Article 27

Article additionnel après l'article 26

M. le président. L'amendement n° 237, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire doit garantir l'accès des détenus mineurs aux services sociaux, psychologiques et éducatifs, culturels et sportifs ou à des activités similaires.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 25 rappelle que les mineurs détenus disposent de droits fondamentaux dont la reconnaissance par l’administration pénitentiaire doit être effective.

Bien entendu, il est tout à fait positif que ce principe soit inscrit dans le projet de loi pénitentiaire. Cependant, les rédacteurs de ce texte renvoient au Conseil d’État le soin d’en définir les modalités d’application. Cela ne correspond pas à la règle pénitentiaire européenne 35.1, qui énumère précisément un certain nombre de droits devant être garantis aux détenus mineurs.

Je ne reviendrai pas sur les exigences de l’article 37 de la convention internationale des droits de l’enfant, celui-ci ayant été rappelé par mon collègue Richard Tuheiava. Toutefois, le fait que rien ne soit indiqué dans le projet de loi pénitentiaire sur les droits liés à l’âge des jeunes incarcérés fait peser un flou sur la nature de ces droits et, par conséquent, un risque d’arbitraire.

Nous proposons donc d’énumérer un certain nombre de ces droits incontournables, notamment l’accès aux services sociaux, psychologiques, éducatifs, culturels, sportifs, afin de garantir leur meilleure application ; le non-respect de ces droits pourrait faire l’objet de recours.

Un réel problème se pose à propos du droit des mineurs. Le projet de loi est de nature généraliste et ne s’applique que par défaut aux mineurs, comme vous l’avez rappelé, madame le garde des sceaux. Par ailleurs, les droits qu’il accorde aux détenus sont chaque fois assortis de restrictions, qui, en toute logique, s’appliqueront aussi aux mineurs. De surcroît, selon l’exposé des motifs, les mineurs voient garanti l’exercice de leurs droits fondamentaux dans les mêmes conditions que les majeurs, ce qui renforce notre interprétation.

La seule disposition spécifique figure dans l’article 53, qui limite le placement des mineurs de plus de seize ans en cellule disciplinaire à une durée maximale de sept jours.

En résumé, les mesures explicitement destinées aux mineurs sont abordées sous l’angle le plus répressif.

Pourtant, selon l’étude du projet de loi réalisée par le groupe de travail de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la spécificité de la vie carcérale relative à l’âge s’applique au quotidien et dans tous les domaines : hygiène, hébergement, santé physique et psychologique, droit au recours, maintien des liens familiaux.

Nous demandons simplement que ces précisions soient inscrites dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante exige déjà la présence d’éducateurs en détention. La refonte de cette ordonnance, dans le cadre d’un projet de loi en cours d’élaboration, sera l’occasion de réexaminer l’ensemble des règles applicables à l’incarcération des mineurs.

En pratique, les mineurs qui sont incarcérés dans des établissements pénitentiaires pour mineurs bénéficient d’une prise en charge intensive – tous ceux qui ont visité de tels établissements le savent –, qui correspond largement aux attentes des auteurs de l’amendement n° 237. Relevons la présence de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, aux côtés de l’administration pénitentiaire.

Certes, je reconnais que la qualité de cette prise en charge est moindre dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires, mais elle a progressé en raison de l’intervention des éducateurs de la PJJ.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Aux termes de l’article 25, l’administration pénitentiaire « garantit aux mineurs détenus le respect des droits fondamentaux reconnus à l’enfant. » Je rappelle que tous les droits fondamentaux sont reconnus par l’ordonnance de 1945.

D’ici à quelques jours sera présenté le nouveau projet de réforme de la justice des mineurs, et il ne remet pas du tout en cause les droits fondamentaux de ces derniers.

Les garanties souhaitées par les auteurs de l’amendement n° 237 sont assurées par la rédaction actuelle du projet de loi. Par conséquent, le Gouvernement vous demande, madame Mathon-Poinat, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je le maintiens !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 237.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 26
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Division et article additionnels après l'article 27

Article 27

Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'État.

M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l’article.

Mme Raymonde Le Texier. L’article 27 est supposé clore le chapitre III relatif aux droits des détenus. Pourtant, il lui manque quelque chose : un pan entier sur les droits spécifiques des femmes détenues et de leurs enfants en bas âge, excusez du peu !

Il est incompréhensible qu’un projet de loi ayant pour objet affiché de réaffirmer le respect des droits fondamentaux pour les personnes détenues, fasse l’impasse sur ces droits spécifiques. Cette lacune est d’autant plus incompréhensible que ces droits sont explicitement réaffirmés par les règles pénitentiaires européennes 34 et 36.

D’aucuns soutiendront sans doute que les droits des détenus affirmés dans ce texte s’appliquent évidemment indifféremment aux hommes et aux femmes, mais ces dernières ont des besoins spécifiques, qui doivent être transcrits dans la loi, qu’il s’agisse du suivi gynécologique, de l’accouchement, de la prise en charge des très jeunes enfants, du maintien de la relation mère-enfant, que l’enfant soit né en prison ou avant l’incarcération.

Madame le garde des sceaux, nous sommes plusieurs, sur toutes les travées de cet hémicycle, à considérer cette carence comme inacceptable. Aussi, je vous invite à bien prendre la mesure de ce manque, tant pour la vie de ces femmes et de leurs enfants que pour ce qu’il dit de nous et de notre société.

Les membres du groupe socialiste avaient déposé sept amendements tendant pour la plupart à transposer les règles européennes en droit français, mais cinq d’entre eux ont été rejetés, l’article 40 ayant été invoqué. C’est une nouvelle illustration de l’usage à la fois excessif et discrétionnaire de cet article.

Il est dommage que l’on ne puisse parler de l’impérieuse nécessité de mettre en place une procédure d’adaptation avec la famille d’accueil lorsque l’enfant doit quitter sa mère.

Il est aussi dommage que l’on ne puisse parler de l’obligation de rechercher pour cet enfant un placement le plus proche possible de la maison d’arrêt, afin de faciliter les contacts avec la mère.

Il est enfin dommage que l’on ne puisse parler de la nécessité de mettre tout en œuvre pour maintenir des liens entre la mère et l’enfant.

Le recours à l’article 40 pour « évacuer », si je puis dire, ces questions est d’autant plus regrettable que seuls quelques cas par an sont concernés. Le coût financier ne saurait donc être élevé, contrairement aux répercussions humaines de cette situation. De surcroît, notons que les femmes ne représentent que 3,8 % de la population carcérale.

La mesure de ces carences étant prise, mes chers collègues, je ne doute pas que nous voterons tous les amendements gouvernementaux que Mme le garde des sceaux ne manquera pas de nous proposer pour, faute de mieux, au moins nous aligner sur le droit européen.

M. le président. Je mets aux voix l'article 27.

(L'article 27 est adopté.)

Article 27
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Division et articles additionnels après l'article 27

Division et article additionnels après l'article 27

M. le président. L'amendement n° 142, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 27, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section...

Des personnes détenues femmes et des enfants en bas âge

L'amendement n° 143, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire doit respecter les besoins des femmes aux niveaux physique, professionnel, social et psychologique pour tous les aspects de la détention.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Comme je viens de le rappeler, les femmes ne représentent que 3,8 % de la population carcérale. Le fait qu’elles soient peu nombreuses au regard de l’ensemble de la population carcérale ne doit pas, pour autant, nous amener à banaliser ou à nier leurs problèmes spécifiques.

Notons, en effet, que les femmes incarcérées sont majoritairement des mères de famille ; 76 % d’entre elles ont au moins un enfant.

L’amendement n° 142 a pour objet d’insérer, après l’article 27, une division additionnelle consacrée aux femmes et aux enfants en bas âge, comme le préconisent les règles pénitentiaires européennes.

J’en viens à l’amendement n° 143.

La règle pénitentiaire européenne 34 – nouvelle disposition – vise à tenir compte du fait que les détenues femmes, minoritaires au sein du système pénitentiaire, peuvent facilement être l’objet de discriminations.

Elle tend à aller au-delà de la proscription de la discrimination négative et à sensibiliser les autorités à la nécessité de prendre des mesures positives à cet égard. Ainsi, les femmes sont parfois logées dans de petits quartiers qui proposent moins de travail ou du travail moins intéressant. Il convient donc de favoriser les initiatives permettant de mettre fin à cet état de fait.

Par ailleurs, il importe de reconnaître que les besoins particuliers des femmes couvrent des aspects très divers, qui ne doivent pas être considérés comme essentiellement d’ordre médical. C’est la raison pour laquelle les dispositions relatives à l’accouchement et aux facilités qui doivent être accordées aux parents en prison ont été retirées des règles pénitentiaires européennes relatives aux soins et placées dans une règle spécifique, la règle 34.

Lorsqu’une femme est transférée dans un établissement non pénitentiaire, elle doit être traitée avec dignité. Par exemple, il est inacceptable qu’une femme accouche menottée ou attachée à un meuble, comme cela fut pourtant le cas fréquemment.

Les membres du groupe socialiste avaient déposé des amendements tendant à faire figurer dans notre droit positif toutes les règles pénitentiaires européennes concernant les femmes et les enfants en bas âge nés en prison et amenés à y séjourner. À l’exception du présent amendement, les autres ont été déclarés irrecevables par la commission des finances.

Il est réellement regrettable que nous n’ayons pas pu aborder ces règles lors de l’examen de ce projet de loi et qu’il ne nous ait pas été permis de les introduire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Selon les statistiques relatives à la détention, au 1er novembre 2008, on comptait 61 491 hommes incarcérés, et 2 386 femmes, soit 3,7 %. Or les établissements réservés à ces dernières étant nettement moins nombreux que ceux qui accueillent des hommes, les femmes peuvent connaître un plus grand éloignement par rapport à leur lieu d’habitation ou à celui de leur proche famille. C’est dommageable.

Par ailleurs, il va de soi que les droits fondamentaux des femmes détenues et de leurs enfants en bas âge sont couverts par la référence générale aux droits des détenus des articles 1er et 10 du projet de loi.

Il faut souligner que l’administration pénitentiaire assure des conditions de détention convenables aux femmes détenues. Je le reconnais volontiers, alors que je n’ai pas toujours été tendre sur la situation des prisons en France. Lorsque certains collègues présents ce soir dans cet hémicycle et moi-même avons quitté l’établissement de Rennes, nous avons estimé que, si tous les établissements pénitentiaires étaient du même niveau après la mise en œuvre de la présente réforme, cette dernière serait vraiment réussie.

Pour avoir visité les établissements de Rennes, de Fleury-Mérogis, de Lille-Sequedin, où les jeunes mères sont accueillies, où des espaces nurseries sont prévus ainsi que l’intervention d’assistantes maternelles, je considère que des efforts considérables ont été réalisés.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’ai rencontré une mère prévenue pour infanticide qui, ayant eu un enfant en détention, s’en occupait. Je m’étais un peu inquiété, mais j’ai appris que cette détenue était toujours en présence d’une éducatrice qui, le soir, emmenait l’enfant à son propre domicile.

Lorsqu’un enfant vivant une telle situation atteint l’âge de dix-huit mois, la pratique consiste à lui trouver un placement à proximité immédiate, pour qu’il puisse rendre visite à sa mère le plus souvent possible.

Je reconnais que certains problèmes sont liés à la vie des couples, mais l’administration ne peut pas suivre les évolutions en la matière au jour le jour. Ainsi, lorsqu’un père, qui a la charge des enfants, est muté de Marseille à Lille, par exemple, pendant une période intermédiaire, la situation est un peu plus difficile.

Quoi qu’il en soit, les conditions de détention des femmes et de leurs enfants en bas âge n’ont rien d’humiliant pour la République.

Pour toutes ces raisons, la commission vous demande, madame Le Texier, de bien vouloir retirer les amendements nos 142 et 143, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Les détenues femmes ne sont pas nombreuses au sein des établissements pénitentiaires. Les conditions de leur prise en charge sont bien meilleures qu’auparavant, notamment pour ce qui est des soins médicaux et du suivi gynécologique.

Madame le sénateur, on n’accouche pas en prison. Tous les accouchements ont lieu en dehors des établissements pénitentiaires. La règle pénitentiaire européenne 34 le prévoit, ce qui suppose que tel n’est pas forcément le cas dans tous les pays.

Actuellement, environ une vingtaine d’enfants de moins de dix-huit mois sont incarcérés avec leur mère. Ils sont tous suivis par des juges des enfants et par les services de la protection maternelle et infantile.

Certes, l’arrivée de l’enfant à l’âge de dix-huit mois marque une véritable rupture entre la mère et l’enfant, mais il n’est pas possible de garder ces enfants en détention au-delà de cet âge.

Par ailleurs, il faut savoir que toutes les surveillantes qui s’occupent d’eux le font sur la base du volontariat, et, une fois encore, je rends hommage au personnel pénitentiaire.

Quand ils atteignent l’âge de dix-huit mois, ces enfants sont suivis par le juge des enfants, mais le code civil oblige à privilégier les liens familiaux quand il s'agit de les placer. Si le père ou les membres de la famille ne vivent pas à proximité de l’établissement pénitentiaire, l’exercice du droit de visite peut donc se révéler problématique.

Toutefois, dans ce cas, un parent ou un proche, ce que l’on appelle un « tiers digne de confiance », ou même simplement un éducateur, peut toujours amener l’enfant rendre visite à sa mère en prison.

Pour l’essentiel, tous ces enfants sont suivis par des juges des enfants. Nous n’avons donc pas à rougir de la prise en charge et du suivi des enfants nés pendant la détention, même s’il est vrai qu’à dix-huit mois ils quittent la prison et sont séparés de leurs mères.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Madame Le Texier, les amendements sont-ils maintenus ?

Mme Raymonde Le Texier. Je tiens à préciser que je n’ai pas critiqué la façon dont les femmes et les jeunes enfants sont pris en charge par l’administration pénitentiaire.

Nous nous réjouissons tous que la situation soit aujourd'hui, dans la plupart des cas, satisfaisante. Ce n’est cependant pas une raison pour ne pas transcrire dans la loi les dispositions reconnaissant la spécificité de l’incarcération des femmes !

Les femmes détenues étant peu nombreuses, il est inutile de mettre en avant l’article 40 de la Constitution pour faire de petites économies ! Puisque M. le rapporteur et Mme le garde des sceaux nous affirment que les choses se passent bien, ce qui, effectivement, est vrai dans la plupart des cas, les dispositions que nous proposons ne coûteront rien de plus.

Nous estimons simplement qu’il existe en la matière une spécificité qu’il serait dommage de ne pas reconnaître dans un tel projet de loi.

Je maintiens donc ces amendements, monsieur le président.

M. le président. Si vous en êtes d’accord, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous allons réserver le vote sur l’amendement n° 142 jusqu’après la mise aux voix de l’amendement n° 143. (Assentiment.)

Je mets aux voix l'amendement n° 143.

(L'amendement n’est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 142 n'a plus d'objet.

Division et article additionnels après l'article 27
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Article 28 (supprimé)

Division et articles additionnels après l'article 27

M. le président. L'amendement n° 238, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 27, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section...

Des détenus étrangers

Madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous propose de réserver cet amendement jusqu’après le vote des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 27. (Assentiment.)

L'amendement n° 239, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire doit prendre toute disposition pour permettre aux détenus étrangers un accès effectif à leurs droits, aux soins, au travail et aux activités dispensées dans les établissements pénitentiaires.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Je voudrais évoquer une autre spécificité qui n’apparaît pas dans le texte, celle des étrangers incarcérés.

En effet, plus que les autres détenus, les étrangers rencontrent des difficultés à accéder à la plupart des services, compte tenu de la barrière de la langue.

Certes, ils peuvent toujours formuler leurs besoins par l’intermédiaire des surveillants ou des autres personnes incarcérées, mais cette situation remet singulièrement en cause leur droit à un minimum de discrétion, voire de confidentialité, en ce qui concerne leur propre vie. L’atteinte au secret médical, par exemple, va bien au-delà d’une simple question de discrétion !

L’éloignement de la famille pose également de réelles difficultés pour les étrangers, alors que le maintien des liens familiaux – on l’a souligné à plusieurs reprises au cours de nos débats –, contribue fortement, pour tous les détenus, à la future réinsertion.

En somme, dans les prisons françaises, l’accès aux soins, au travail, aux activités culturelles, sportives et aux loisirs reste très restreint, voire impossible, pour les étrangers, en raison, je le répète, de la barrière de la langue.

Pour tenter de remédier à cette ségrégation, certains établissements diffusent un livret d’accueil en plusieurs langues. Toutefois, cette pratique n’a jamais été généralisée, bien que, dans son étude de 2004, la Commission nationale consultative des droits de l’homme ait déjà préconisé cette généralisation. Il serait bienvenu de prendre exemple sur ces méthodes et d’assurer une diffusion de ces documents dans l’ensemble des lieux de détention de France.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous suggérons d’adopter cet amendement, aux termes duquel l’administration pénitentiaire devrait permettre un accès effectif à ces droits pour les étrangers incarcérés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement et les quatre qui suivent tendent à décliner spécifiquement pour les étrangers certains des droits reconnus aux détenus. Or il va de soi que les droits prévus par le projet de loi pénitentiaire s’appliquent aussi aux étrangers incarcérés. Il n’apparaît donc pas nécessaire de viser ces derniers en particulier.

J'ajoute que, pour la commission, cette disposition ne semble même pas opportune : si nous nous engageons dans cette voie, nous finirons par créer des régimes différenciés pour les étrangers, pour les femmes, et pourquoi pas, demain, pour les pratiquants de telle ou telle religion !

La commission émet donc un avis tout à fait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je reprends totalement à mon compte les arguments de M. le rapporteur.

Je crains toujours, lorsqu’on institue des catégories particulières – les femmes tout à l'heure, les étrangers maintenant – et qu’on les dote de droits spécifiques, qu’elles ne finissent pas être moins bien traitées que les autres…

Je préfère que tout le monde soit traité de la même manière. C'est pourquoi je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 239.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 240, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus étrangers doivent pouvoir procéder à une demande de titre de séjour ou obtenir le renouvellement de titre de séjour, ou procéder à une demande d'asile politique durant leur incarcération.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Si vous le voulez bien, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 241 et 242.

M. le président. Je suis en effet saisi de deux autres amendements présentés par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

L'amendement n° 241 est ainsi libellé :

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions de l'article 12 bis de la présente loi sont applicables aux détenus étrangers.

L'amendement n° 242 est ainsi libellé :

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus étrangers mineurs doivent faire l'objet d'un signalement et bénéficier d'un suivi spécifique afin de préparer leur sortie.

Veuillez poursuivre, ma chère collègue.

Mme Éliane Assassi. À l’instar des femmes, les étrangers constituent réellement une catégorie spécifique, me semble-t-il, car ils sont frappés – passez-moi l’expression, mes chers collègues – par une « double peine ».

Par exemple, ils ne peuvent obtenir ou renouveler un titre de séjour, ni procéder à une demande d’asile politique. Ainsi, à leur sortie de prison, ils se trouvent bien souvent en situation d’irrégularité et peuvent, de fait, être expulsés à tout moment.

De plus, comme ils ne peuvent renouveler leur titre de séjour, ils perdent leurs droits aux prestations sociales, ce qui emporte de graves conséquences sur leur propre situation et celle de leurs familles.

Il s'agit donc, j’ose l’affirmer, d’une « double peine masquée », qui est inadmissible, me semble-t-il, car elle repose sur le postulat raciste selon lequel les étrangers seraient par nature susceptibles de commettre des délits !

La surreprésentation des étrangers en prison donne lieu à des considérations sur la supposée « surdélinquance » de cette catégorie de la population. Elle devrait plutôt attirer l’attention sur les mesures qu’il est nécessaire de mettre en œuvre pour rendre les conditions de détention des étrangers égales à celles qui sont vécues par les personnes françaises !

En ce qui concerne à présent l’amendement n° 241, je rappelle que l’article 12 du projet de loi ouvre pour les détenus la possibilité d’élire domicile auprès de l’établissement pénitentiaire – nous en avons longuement débattu – pour pouvoir exercer leurs droits civiques et prétendre aux droits sociaux.

S’il est appréciable que ce droit fondamental soit – enfin ! – reconnu par la loi, nous regrettons que cette disposition ne s’étende pas aux détenus étrangers, en ce qui concerne leurs démarches administratives, par exemple le dépôt d’une demande d’asile politique et l’obtention ou le renouvellement d’un titre de séjour.

Comme nous l’avons souligné, l’absence de mesures spécifiques pour les détenus étrangers plonge ceux-ci dans un véritable isolement. Leur permettre d’élire domicile auprès des établissements pénitentiaires dans lesquels ils sont incarcérés résorberait en partie cette ségrégation.

J’en viens à l’amendement n° 242.

Mes chers collègues, cette disposition vise plus particulièrement à vous interpeller sur le cas des mineurs étrangers incarcérés, pour lesquels, là encore, rien n’est prévu par le projet de loi.

Vous le savez, ces mineurs doivent faire l’objet d’un signalement spécifique et demander l’obtention d’un titre de séjour de plein droit avant leur majorité ; ces démarches leur permettent d’éviter toute situation d’illégalité et d’être suivis dans le cadre de la formation, de la recherche de travail, de la préparation à la sortie ou de tout projet socio-éducatif.

Or la méconnaissance en matière de droit au séjour ou le défaut de demande de titre de séjour à la majorité complique par la suite la situation administrative des détenus étrangers. À dix-huit ans, ceux-ci entrent, en effet, dans le régime général, et sont dépourvus de toute protection particulière.

C’est pourquoi nous considérons qu’il est nécessaire de sensibiliser les personnels pénitentiaires à la spécificité de la situation des mineurs étrangers, qui devraient faire l’objet d’un signalement et d’un suivi particulier concernant, notamment, leur droit au séjour une fois qu’ils ont atteint l’âge de la majorité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 240, 241 et 242 ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’ai déjà donné l’avis de la commission sur ces amendements.

J’ajouterai simplement que certains des problèmes évoqués par Mme Assassi sont réels, mais qu’ils sont très largement réglés ou le seront bientôt.

Ainsi, en ce qui concerne la demande ou le renouvellement du titre de séjour, je rappellerai que nous avons voté un amendement visant à faciliter les démarches administratives grâce à la domiciliation des détenus dans les établissements pénitentiaires.

En effet, ces « démarches administratives » couvrent aussi bien le renouvellement de carte d’identité par les Français que la demande de titre de séjour par les étrangers. Nous avons voulu précisément qu’ils soient traités sur un pied d’égalité.

Vous réclamiez que les détenus puissent élire domicile dans les établissements pénitentiaires. C’est fait ! Le problème est entièrement réglé.

En ce qui concerne les mineurs étrangers détenus, là encore, nous ne pensons pas qu’il y ait lieu de prévoir de dispositions spécifiques. L’ordonnance de 1945 exige la présence d’éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse dans les prisons, et j’ai constaté que cette prescription était respectée. Cet amendement est donc très largement satisfait.

Les problèmes qui existaient sont réglés ou en passe de l’être. Je salue d'ailleurs l’action du Médiateur, qui a beaucoup contribué à les résoudre, notamment en ce qui concerne les titres de séjour.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il sera désormais possible, durant l’incarcération, de renouveler un titre de séjour ou de formuler une demande d’asile politique, puisque les détenus pourront élire domicile dans les établissements pénitentiaires.

Par ailleurs, vous avez raison de le souligner, madame Assassi, les détenus doivent se déplacer pour obtenir la délivrance d’un titre de séjour. Toutefois, des conventions ont été signées avec presque toutes les préfectures afin de faciliter cette démarche, et elles concernent également les personnes en détention.

Donc, toutes ces formalités seront facilitées par la possibilité ouverte aux détenus d’élire domicile dans les établissements pénitentiaires. L’amendement n° 240 est en conséquence satisfait, madame Assassi.

En ce qui concerne l’amendement n° 241, je rappelle que les détenus étrangers, comme tous les autres, pourront élire domicile auprès des établissements pénitentiaires afin d’exercer leurs droits civiques et sociaux.

D'ailleurs, les détenus qui sont ressortissants de l’Union européenne mais qui ne disposent pas de la nationalité française pourront également s’inscrire sur les listes électorales. Le présent projet de loi, notamment ses articles 12 et 12 bis, permet donc d’authentiques avancées en matière d’exercice des droits civiques et sociaux.

En ce qui concerne les mineurs étrangers, qui doivent faire l’objet d’un signalement pour bénéficier d’un suivi spécifique, je rappelle que des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse travaillent à l’intérieur des établissements, mais les mineurs sont suivis par des juges des enfants.

Le problème du suivi des mineurs étrangers se pose plutôt à la sortie, lorsqu’ils se retrouvent en quelque sorte dans la nature. Et même quand ils sont placés dans des établissements ou des foyers, ils n’y restent pas longtemps et fuguent fréquemment...

Nous ne pouvons faire plus en matière d’encadrement, de prise en charge, de suivi des mineurs.

J’indique au passage que la nouvelle édition du guide Droits et devoirs de la personne détenue, que nous évoquions hier, est parue en janvier 2009. Ce document avait été supprimé en 2000 et c’était donc l’Observatoire international des prisons qui, depuis, distribuait un guide aux personnes détenues.

C’était donc l’Observatoire international des prisons qui, depuis, distribuait un guide aux personnes détenues.

C’est désormais l’administration pénitentiaire qui s’en chargera. Ce guide (Mme le garde des sceaux montre un exemplaire du guide.), édité en français et en anglais, sera fourni à l’ensemble des personnes détenues.

Le guide du détenu arrivant, quant à lui, sera édité à 100 000 exemplaires, traduit en quatre langues, et diffusé auprès de tous les détenus venant d’être incarcérés.

Le Gouvernement a mis en œuvre de gros moyens en faveur du droit à l’information des personnes détenues. L’État s’était déchargé de cette responsabilité en 2000 – l’Observatoire international des prisons avait donc pris le relais –, alors que, selon moi, cette dernière lui incombe bel et bien.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l’amendement n° 240.

M. Richard Yung. Nous avions déposé un amendement similaire à l’amendement n° 242, mais il a été rejeté – ce sont les mystères de l’application de l’article 40 de la Constitution ! –,…

M. Richard Yung. … alors que celui du groupe CRC-SPG a échappé à ce couperet. Je m’en réjouis : félicitations, mes chers collègues !

Madame le garde des sceaux, ces amendements n’ont pas pour objet, selon moi, de créer un droit plus favorable pour les détenus étrangers, comme vous l’avez prétendu tout à l’heure. (Mme le garde des sceaux proteste.)

Vous avez stigmatisé le fait qu’étaient définis des droits spécifiques pour les femmes, les enfants, les détenus. En l’occurrence – cela a été souligné –, les détenus étrangers sont dans des situations souvent plus difficiles et plus douloureuses que les détenus français. Ces différents amendements n’ont pas d’autre objet que de prendre cette réalité discriminatoire en compte et d’essayer d’y remédier.

M. Pierre Fauchon et M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nul n’ignore que les étrangers incarcérés sont confrontés à des problèmes spécifiques, d’autant que nombre d’entre eux sont emprisonnés pour cause de séjour illégal sur notre territoire.

Vous seriez plus crédible, dans votre refus de consacrer une division spécifique à la situation des étrangers, si vous aviez accepté, comme nous vous l’avions proposé, que soit précisé à l’article 10 que les étrangers incarcérés ne peuvent pâtir d’aucune discrimination. Vous l’avez refusé, au prétexte que l’administration pénitentiaire ne fait jamais aucune discrimination d’aucune sorte.

Comment attirer l’attention sur le fait que l’on peut être discriminé parce que l’on est étranger ? Comment inciter les pouvoirs publics à réagir et à mettre fin à cette situation ?

Proposer d’insérer ce paragraphe spécifique, dont je sais bien que vous ne voudrez pas l’accepter, est une façon de mettre l’accent sur des pratiques bien réelles, en cours dans les établissements pénitentiaires.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 240.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 241.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 242.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 238 n’a plus d’objet.

CHAPITRE IV

Dispositions diverses

Division et articles additionnels après l'article 27
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Article 29

Article 28

............................................ Supprimé ...........................................

Article 28 (supprimé)
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Article 30

Article 29

L'Agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice prend le nom d'« Agence publique pour l'immobilier de la justice ».

À compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, sa dénomination peut être modifiée par décret. – (Adopté.)

Article 29
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Article additionnel après l'article 30 (début)

Article 30

L'article 1er de la loi n° 87-432 du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire est abrogé. – (Adopté.)

Article 30
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Article additionnel après l'article 30 (interruption de la discussion)

Article additionnel après l'article 30

M. le président. L'amendement n° 243, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Après l'article 30, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 6141-5 du code de la santé publique sont supprimés.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a trait au secret médical. Monsieur le rapporteur, l’amendement adopté précédemment, visant à reconnaître le secret médical, vaut-il pour ce chapitre ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il va de soi que l’amendement que nous avons adopté tout à l’heure vaut globalement pour l’intégralité du texte. Cet amendement garantissait néanmoins le secret médical « dans le respect des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article L. 6141-5 du code de la santé publique », qui résultent de la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Il devrait ainsi permettre d’éviter une interprétation excessivement stricte et rigide du secret médical, du type de celle qui a conduit au drame de Rouen, notamment.

Mais les dispositions de cet amendement, je le répète, valent bien évidemment globalement.

Dans ces conditions, l’avis de la commission ne peut être que défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 243.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article additionnel après l'article 30 (début)
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Discussion générale

6

Dépôt d'une proposition de loi

M. le président. J’ai reçu de MM. Daniel Raoul, Jean-Pierre Bel, Edmond Hervé, Marc Daunis, Robert Navarro, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Michel Teston, Yannick Bodin, Mme Samia Ghali, MM. Serge Lagauche, Thierry Repentin, Jean-Pierre Sueur, Charles Gautier, François Rebsamen, Mmes Bariza Khiari, Christiane Demontès, Odette Herviaux, Jacqueline Chevé, MM. Pierre-Yves Collombat, Yves Daudigny, François Marc, Didier Guillaume, Martial Bourquin, Mmes Nicole Bricq, Maryvonne Blondin, Gisèle Printz, MM. Jean-Luc Fichet, Yannick Botrel, Jean-Marc Todeschini, Mme Annie Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés une proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 252, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

Dépôt d'une proposition de résolution

M. le président. J’ai reçu de M. Simon Sutour une proposition de résolution, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 bis du règlement, sur la proposition de décision-cadre relative à l’utilisation de données des dossiers passagers (Passenger Name Record – PNR) à des fins répressives (n° E-3697).

La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 253, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 6 mars 2009, à neuf heures quarante-cinq, à quinze heures et, éventuellement, le soir :

- Suite du projet de loi pénitentiaire (n° 495, 2007-2008).

Rapport de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 143, 2008-2009).

Rapport supplémentaire de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 201, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 202, 2008-2009).

Avis de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 222, 2008 2009).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le vendredi 6 mars 2009, à zéro heure trente-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD