Sommaire
Présidence de M. Roland du Luart
Secrétaires :
MM. Alain Dufaut, François Fortassin.
2. Décisions du Conseil constitutionnel
3. Organismes extraparlementaires
4. Candidatures à des organismes extraparlementaires
5. Loi pénitentiaire. – Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)
Amendement n° 5 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. – Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 2 ter et 2 quater. – Adoption
Amendement n° 219 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Adoption de l'article.
M. Alain Anziani.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 3
Amendement n° 187 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Richard Yung, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
MM. Alain Anziani, le président.
Article additionnel avant article 4
Amendement n° 76 de M. Alain Anziani. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.
Amendements nos 6 rectifié et 7 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 77 de M. Alain Anziani. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.
Amendement n° 78 de M. Alain Anziani. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Patrice Gélard, le président de la commission, Alain Anziani, Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Hugues Portelli. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 220 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 9 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.
Amendements identiques nos 79 rectifié de M. Alain Anziani et 10 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – M. Alain Anziani, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 221 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 8 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements nos 288 du Gouvernement et 80 de M. Alain Anziani. – Mme le garde des sceaux, MM. Alain Anziani, le rapporteur, MM. Jean-Pierre Sueur, le président de la commission, Richard Yung, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Adoption de l’amendement no 288 rédigeant l'article, l’amendement no 80 devenant sans objet.
Articles 4 quinquies et 5. – Adoption
Amendements identiques nos 82 rectifié de M. Alain Anziani et 222 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements nos 83 rectifié de M. Alain Anziani, 281 du Gouvernement et 289 de la commission. – M. Richard Yung, Mmes Éliane Assassi, le garde des sceaux, MM. le rapporteur, Jean-Pierre Michel, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des amendements nos 82 rectifié, 222 et 83 rectifié ; adoption des amendements nos 281 et 289.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 84 rectifié de M. Alain Anziani et 223 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Devenus sans objet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 7
Amendement n° 57 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 85 rectifié de M. Alain Anziani et 224 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Devenus sans objet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 86 rectifié de M. Alain Anziani et 225 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Devenus sans objet.
Adoption de l'article.
Division additionnelle après l'article 9
Amendement n° 87 de M. Alain Anziani. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.
Articles additionnels après l'article 9
Amendements nos 88, 89 et 91 de M. Alain Anziani. – Rejet des trois amendements.
MM. Louis Mermaz, Alain Anziani, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendements nos 226 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et 94 rectifié de M. Richard Tuheiava. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Louis Mermaz, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président de la commission.
Suspension et reprise de la séance
MM. le rapporteur, Jean-Pierre Sueur, Robert Badinter, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Alain Anziani. – Rectification de l’article ; rejet de l’amendement no 226 ; adoption de l’amendement no 94 rectifié.
Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Louis Mermaz, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Claude Jeannerot, Nicolas About, Marc Laménie, le rapporteur.
Adoption de l’article rectifié et modifié.
MM. Josselin de Rohan, le président.
7. Loi pénitentiaire. – Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)
MM. Alain Anziani, Richard Yung, Bernard Frimat, Louis Mermaz, Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; le président, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Alima Boumediene-Thiery, Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
8. Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
Mme la présidente, M. Jean-Pierre Sueur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Richard Yung.
Suspension et reprise de la séance
M. Jean-Pierre Sueur, Mme la présidente.
10. Loi pénitentiaire. – Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)
MM. Louis Mermaz, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Hugues Portelli, Alain Anziani, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Amendement n° 211 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. – Adoption.
Amendement n° 11 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.
Amendement n° 95 de M. Richard Yung. – MM. Richard Yung, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Louis Mermaz. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
11. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire luxembourgeoise
12. Loi pénitentiaire. – Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d’urgence (texte de la commission)
Article additionnel avant l'article 11
Amendement n° 97 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Jacques Mézard. – Rejet.
M. Louis Mermaz.
Amendement n° 15 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements identiques nos 13 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 98 rectifié de M. Alain Anziani ; amendement n° 12 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Louis Mermaz. – Rejet des amendements nos 15 rectifié et 12 rectifié ; adoption des amendements nos 13 et 98 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 14 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery, 99 rectifié de M. Alain Anziani et 227 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Alain Anziani, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.
Suspension et reprise de la séance
Sous-amendement n° 300 de la commission à l’amendement no 99 rectifié. – M. le rapporteur, Mmes le garde des sceaux. – Rejet de l’amendement n° 14 rectifié ; adoption du sous-amendement n° 300 et de l’amendement n° 99 rectifié bis rédigeant l’article ; l’amendement n° 227 devenant sans objet.
Article additionnel après l'article 11 bis
Amendement n° 188 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Retrait.
Amendement n° 188 rectifié repris par M. Richard Yung. – M. Richard Yung. – Rejet.
M. le rapporteur.
Amendement n° 19 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 61 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 100 de M. Alain Anziani. – MM. Claude Jeannerot, le rapporteur, Mmes le garde des sceaux, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 189 de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Claude Jeannerot. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 101 rectifié de M. Richard Yung et 228 de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ; amendements identiques nos 17 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 102 rectifié de M. Alain Anziani ; amendements nos 103 de M. Alain Anziani, 16 rectifié et 18 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – M. Richard Yung, Mmes Josiane Mathon-Poinat, Alima Boumediene-Thiery, MM. Alain Anziani, Richard Yung, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet des sept amendements.
Adoption de l'article.
M. Richard Yung.
Amendement n° 62 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption.
Amendement n° 104 de M. Alain Anziani. – MM. Richard Yung, le rapporteur, le garde des sceaux. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 12 bis
Amendements identiques nos 56 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery et 105 rectifié de M. Alain Anziani. – Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Adoption des deux amendements insérant un article additionnel.
Amendement n° 20 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. – Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme le garde des sceaux, M. Éric Doligé. – Rejet.
Adoption de l'article.
Division additionnelle avant l'article 14
Amendement n° 108 de M. Alain Anziani. – MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.
Articles additionnels avant l'article 14
Amendement n° 109 de M. Alain Anziani. – MM. Alain Anziani, le rapporteur, Mme le garde des sceaux. – Rejet.
Amendement n° 190 rectifié bis de M. Nicolas About, rapporteur pour avis. – MM. le rapporteur pour avis, le rapporteur, Mme le garde des sceaux, MM. Alain Anziani, Claude Jeannerot, le président de la commission des lois, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Adoption de l’amendement insérant un article additionnel.
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Dépôt d'une question orale avec débat
15. Dépôt de propositions de loi
16. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
18. Dépôt d'un rapport d'information
19. Dépôt d'avis
20. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
Secrétaires :
M. Alain Dufaut,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Décisions du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 3 mars 2009, en application de l’article 61 de la Constitution, le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi organique relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France et de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
Acte est donné de cette communication.
3
Organismes extraparlementaires
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d’organismes extraparlementaires.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission des affaires sociales à proposer deux candidats pour siéger au sein du Haut conseil de la famille.
J’invite également la commission des lois à proposer un candidat pour siéger au sein du Conseil supérieur des archives.
La nomination au sein de ces deux organismes extraparlementaires aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
4
Candidatures à des organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation des sénateurs appelés à siéger, d’une part, au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et, d’autre part, au sein de l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose les candidatures de M. Alain Gournac et de Mme Anne-Marie Payet pour siéger respectivement en qualité de membre titulaire et de membre suppléant au sein du premier organisme extraparlementaire.
La commission des finances a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Nicole Bricq pour siéger au sein du second organisme.
Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Loi pénitentiaire
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire (projet n° 495, 2007-2008, texte de la commission n° 202, rapports nos 143, 201 et 222).
Dans la discussion des articles du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 2 bis.
Article 2 bis
Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté contrôle les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté confiées à l'administration pénitentiaire.
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer le mot :
contrôle
par les mots :
ou ses collaborateurs contrôlent
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, cet amendement a pour objet d’intégrer dans la loi pénitentiaire la référence aux collaborateurs du contrôleur général des lieux de privation des libertés qui sont amenés, en vertu de la loi du 30 octobre 2007, à seconder le contrôleur dans sa mission de contrôle des lieux de privation de liberté.
Cet amendement vise donc à intégrer une référence aux collaborateurs dans la mesure où ces derniers peuvent être amenés, dans l’exercice de leurs fonctions, à prendre connaissance des conditions de prise en charge des détenus au même titre que le contrôleur lui-même.
Les articles 4 et 5 de la loi du 30 octobre 2007 font déjà référence à ces collaborateurs. Je vous propose donc qu’il en soit de même dans cette loi pénitentiaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission avait tenu à ce que figure dans le texte de loi la référence au contrôleur général des lieux de privation de liberté, qui est par excellence l’organe de contrôle du service public pénitentiaire. Nous ne sommes donc pas loin d’être sur la même longueur d’onde sur ce point.
Mais la référence au contrôleur incluant nécessairement les contrôleurs qui l’assistent, la précision ne nous semble pas indispensable.
Nous avons prévu de faire référence aux délégués du Médiateur parce que ce sont eux qui jouent un rôle en prison. Si le Médiateur avait lui-même joué ce rôle, la référence au médiateur aurait suffi.
Dans le cas des collaborateurs du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la précision n’est pas nécessaire, nous semble-t-il, et la commission émet donc un avis défavorable bien qu’elle soit en phase intellectuellement avec Mme Boumediene-Thiery.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Pour les mêmes arguments qui viennent d’être avancés par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable, non pas sur le fond, mais parce qu’il est fait référence au contrôleur, ce qui inclut nécessairement ses collaborateurs. Cette précision est donc superfétatoire.
M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l’amendement n° 5 rectifié est-il maintenu ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. J’ai bien compris les arguments qui viennent d’être présentés, et s’il est certain, comme l’ont affirmé Mme le garde des sceaux et M. le rapporteur, que les collaborateurs du contrôleur général sont bien concernés,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C’est tout à fait le cas !
Mme Alima Boumediene-Thiery. …j’accepte de le retirer.
M. le président. L’amendement n° 5 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 2 bis.
Article 2 ter
Un conseil d'évaluation est institué auprès de chaque établissement pénitentiaire afin d'évaluer les conditions de fonctionnement de l'établissement et de proposer, le cas échéant, toutes mesures de nature à les améliorer.
La composition et le fonctionnement de ce conseil sont déterminés par décret. – (Adopté.)
Article 2 quater
Afin de permettre aux personnes détenues de bénéficier des dispositions de la loi n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la République, le Médiateur de la République désigne pour chaque établissement pénitentiaire un ou plusieurs délégués affectés à cette mission. – (Adopté.)
Article 2 quinquies
Un décret détermine les conditions dans lesquelles un observatoire, chargé de collecter et d'analyser les données statistiques relatives aux infractions, à l'exécution des décisions de justice en matière pénale et à la récidive, établit un rapport annuel et public comportant les taux de récidive par établissement pour peines afin de mesurer l'impact des conditions de détention sur la réinsertion.
M. le président. L'amendement n° 219, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous nous interrogeons sur les éventuelles implications de l’article 2 quinquies quant aux établissements pénitentiaires.
Cet article prévoit en effet qu’un observatoire sera chargé d’établir « un rapport annuel et public comportant les taux de récidive par établissement pour peines ».
Cette disposition ne risque-t-elle pas d’entraîner une sorte de compétition entre les établissements pour peines et d’influer sur les transferts de prisonniers ? Les établissements pourraient vouloir transférer ou accélérer le transfert de personnes condamnées et récidivistes ou considérées par l’administration pénitentiaire comme susceptibles de récidiver, dans le seul objectif de faire baisser ce taux. Le risque d’arbitraire dans les transferts n’est donc pas à exclure.
De plus, l’article 2 quinquies renvoie à une vision carcérale la lutte contre la récidive : or, celle-ci dépend avant tout des aménagements de peine et des moyens donnés à l’insertion et à la réinsertion du condamné – nous le disons d’ailleurs à chaque occasion – et à l’individualisation de son parcours de peine.
Dans le projet de loi, et singulièrement dans l’article 2 quinquies, le principe de la lutte contre la récidive est constamment mis en avant sans qu’il acquière jamais un contenu ou une définition.
Si les aménagements de peine étaient plus souvent prononcés – espérons qu’ils le seront après l’adoption de la loi – et si les services pénitentiaires d’insertion et de probation disposaient des moyens pour préparer le plus en amont possible un projet d’insertion et de réinsertion avec la personne condamnée, il ne serait peut-être pas nécessaire d’établir des statistiques établissement par établissement, s’agissant de la récidive.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article 2 quinquies.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Le Gouvernement entend instituer un observatoire national de l’exécution des décisions pénales et de la récidive. Cette nouvelle instance devrait permettre de centraliser l’ensemble des statistiques relatives à l’activité pénale, ce qui nous semble tout à fait intéressant.
Dans ce cadre, il a paru intéressant à la commission des lois de bénéficier d’études sur les taux de récidive par établissement pour peines – je dis bien « établissement pour peines », car cela n’aurait pas de sens pour les maisons d’arrêt –, et ce afin de mesurer l’impact des conditions de détention sur la réinsertion, ce qui permettra d’orienter utilement la politique pénitentiaire.
Je prendrai quelques exemples.
J’ai été très marqué, voilà déjà plusieurs années, par la visite de la prison de Casabianda, prison tout à fait particulière, sans miradors, sans murs, où sont incarcérés des délinquants sexuels, pour la plupart des délinquants sexuels intrafamiliaux : ces délinquants sont soumis à un régime de travail qu’ils ont choisi, régime d’ailleurs assez intense, et il semble que ce dernier donne des résultats tout à fait intéressants, notamment en termes de récidive.
J’ai également visité la prison de Mauzac sur la suggestion de mon collègue Robert Badinter, et j’ai été intéressé de la même manière par son fonctionnement. J’ai visité la prison de Caen, qui est également une prison pour délinquants sexuels, et j’ai intuitivement l’impression – mais je me trompe peut-être – que le taux de récidive doit être plus important à Caen qu’à Mauzac et plus important encore qu’à Casabianda.
Je souhaite que l’on puisse bénéficier de ce type de statistiques non pas pour établir un palmarès, comme on le faisait autrefois pour le meilleur député ou le meilleur sénateur, mais pour que l’on puisse « investir » sur des expériences de l’administration pénitentiaire, qui sont des expériences positives.
Madame le garde des sceaux, l’administration pénitentiaire réalise des expérimentations tout à fait intéressantes, mais elle a du mal ensuite à les généraliser.
Je ne demande pas que la totalité de la population pénitentiaire bénéficie d’un régime semblable à celui de Casabianda, car ce serait totalement déraisonnable ; mais il pourrait peut-être y avoir deux ou trois prisons sur ce modèle plutôt qu’une seule.
Le rapport de l’observatoire nous permettra de mieux réfléchir sur les conséquences des conditions de détention sur la récidive, et nous aurons à notre disposition un outil pour affiner notre législation.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Chaque fois que l’on prend des dispositions particulières, on nous demande si l’on a procédé à une évaluation ou à un bilan.
Cet observatoire national de l’exécution des décisions pénales et de la récidive nous permettra aussi de mesurer l’incidence des aménagements de peine. En effet, les statistiques ou les quelques indicateurs dont nous disposons à cet égard sont peu empiriques. Ils démontrent néanmoins que les aménagements de peine favorisent la réinsertion des personnes détenues et font chuter très fortement la récidive.
Nous pourrons donc nous rendre compte, par le biais de cet observatoire, de toute la valeur ajoutée et de tout l’apport des aménagements de peine.
Cet observatoire nous servira à mesurer l’impact des aménagements de peine et leur nature. Par exemple, la libération conditionnelle favorise-t-elle plus la lutte contre la récidive qu’une semi-liberté ou un placement extérieur ? Nous verrons en fonction des établissements quel est l’impact sur la récidive. Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis tout à fait défavorable.
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° 219 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je le maintiens, mais ne demande qu’à me tromper ; si la création de cet observatoire est renvoyée à un décret, nous verrons ce qu’il en sera.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la question posée par l’observation de la récidive est importante.
Nous n’avons pas déposé d’amendement allant dans le sens de celui de Mme Borvo Cohen-Seat parce qu’il nous paraît utile d’observer les conséquences des politiques menées en termes de récidive, puisque l’objectif est que le taux de récidive soit le plus faible possible.
Comme un décret déterminera les conditions dans lesquelles cet observatoire sera mis en place, je tiens à vous faire part, madame le garde des sceaux, d’un certain nombre de préoccupations, qui rejoignent d’ailleurs celles qui ont été exprimées par Mme Borvo Cohen-Seat.
Il est clair que nous ne souhaitons vraiment pas en arriver à lire dans les hebdomadaires favoris de chacune et chacun d’entre nous le palmarès des prisons – M. le rapporteur a d’ailleurs insisté sur ce point –, comme il en existe déjà dans plusieurs domaines.
Si je prends l’exemple du palmarès des meilleurs lycées, le lycée Louis-le-Grand n’a aucune peine à être en tête du classement, car il accueille les meilleurs élèves ! Mais tel ou tel lycée d’une banlieue qui se retrouvera en bas du palmarès aura peut-être autant de mérite, sinon plus, car l’enseignement qui y est délivré permet à un certain nombre de jeunes de progresser et de réussir.
De plus, concernant les prisons, les conditions de détention sont fort différentes entre, par exemple, les établissements pour peine et les maisons d’arrêt, et la nature même des personnes qui y sont accueillies, si je puis dire.
À nos yeux, il importe de lutter contre la récidive. Cet observatoire, nous y insistons, doit être un outil de nature à évaluer les politiques publiques menées au regard de l’objectif qui est le nôtre, à savoir la lutte contre la récidive ; il ne doit en aucun cas contribuer à une stigmatisation des prisons, car ce serait alors un échec. L’enjeu est différent d’un classement, qui pourrait être extrêmement démagogique et pernicieux pour les établissements.
Madame le garde des sceaux, vous le savez bien, la politique pénale se traduit malheureusement par un taux d’incarcération très élevé. Et, dans bien des cas, la prison est l’école de la récidive. S’il s’agit de lutter contre la récidive, nous sommes cent fois d’accord, tout comme nous sommes d’accord pour évaluer les dispositifs permettant d’agir efficacement en ce sens.
Nous tenions à préciser notre état d’esprit, s’agissant de cette question.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 quinquies.
(L'article 2 quinquies est adopté.)
Article 2 sexies
Les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales et les représentants des associations et autres personnes publiques ou privées peuvent participer aux instances chargées de l'évaluation du fonctionnement des établissements pénitentiaires ainsi que du suivi des politiques pénitentiaires sont fixées par décret. – (Adopté.)
Article 3
L'État peut, à titre expérimental pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier suivant la publication de la présente loi, confier par convention aux régions ou à la collectivité territoriale de Corse, sur leur demande, l'organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des personnes détenues dans un établissement pénitentiaire situé sur leur territoire.
Six mois avant le terme de la période prévue au premier alinéa, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de ce dispositif.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, sur l'article.
M. Alain Anziani. Cet article est intéressant pour de multiples raisons.
Tout d’abord, il consacre le rôle des régions dans l’organisation et le financement des actions de formation professionnelle continue des détenus dans un établissement pénitentiaire situé sur leur territoire.
À titre liminaire, je tiens à souligner combien il est paradoxal de remettre en cause le rôle des collectivités territoriales, alors que, dans le même temps, on constate très concrètement que celles-ci sont irremplaçables, puisqu’on leur demande parfois de suppléer l’État pour certains financements. Nous sommes d’accord pour que les régions assument cette nouvelle responsabilité, mais je voudrais simplement un peu plus de cohérence.
En réalité, les collectivités se sont déjà engagées dans cette action. En effet, avant même l’examen de ce projet de loi, des expériences ont eu lieu, et quatre régions, dont l’Aquitaine, région que je connais particulièrement bien, se sont portées candidates et ont signé des conventions.
Avant même toute négociation avec l’État, l’Aquitaine a accepté la mission de délivrer une formation qualifiante aux détenus et de conclure des contrats de professionnalisation avec des groupements d’employeurs, dont on peut mesurer toute l’importance. Le coût annuel de cette mission s’élève à 80 000 euros.
Il m’a semblé entendre récemment une réflexion qui a tinté désagréablement à mon oreille, réflexion selon laquelle cette formation professionnelle serait fondée sur n’importe quoi. Or tel n’est pas le cas, car le programme est arrêté par la Chancellerie. S’il y avait des incohérences, ce serait donc à elle qu’il reviendrait de les corriger. Mais de toute façon, il n’y en a pas. Bien souvent, il s’agit de programmes relatifs à la restauration ou au bâtiment.
Je vous poserai, madame le garde des sceaux, deux questions auxquelles j’espère obtenir une réponse.
La première concerne le financement de cette mission, qui est satisfaisante. Tous les financements ne sont pas aujourd'hui assurés. J’observe que de 40 % à 50 % du financement provient du Fonds social européen, le FSE. Mais les crédits ne sont pas transférés aux régions. Celles-ci vont-elles devoir payer sur leurs deniers ou l’État va-t-il mettre en place un dispositif permettant de transférer la totalité des crédits ?
Par ailleurs, se pose la question du calendrier : la loi devrait entrer en application au 1er janvier 2010, et nous sommes déjà au mois de mars.
Outre une négociation avec l’État, une délibération, puis la signature d’une convention, la mise en place d’une formation professionnelle nécessite des marchés, donc des appels d’offres. Or je ne suis pas sûr que les régions soient prêtes à remplir cette mission le 1er janvier prochain, tout simplement parce que certains délais sont incompressibles. Toutefois, cette question est accessoire par rapport à celle du financement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article additionnel après l'article 3
M. le président. L'amendement n° 187, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les procureurs de la République et les juges d'instruction effectuent au moins une fois par an une visite dans chacun des établissements pénitentiaires situés dans le ressort de leur juridiction.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, cet amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 3 prévoit de renforcer l'obligation pour les magistrats du parquet et les juges d'instruction d'effectuer une visite annuelle dans les prisons qui relèvent du ressort de leur juridiction.
L’article 727 du code de procédure pénale prévoit déjà une obligation générale pour les magistrats de visiter les établissements pénitentiaires. Toutefois, force est de constater que très peu d’entre eux ont l’occasion de se rendre sur le terrain, certains d’entre eux se contentant quelquefois d’aller dans le bureau du directeur…
Cette situation est regrettable, d’autant que la décision de mise en détention préventive ou de demande d’une peine d’emprisonnement relève des juges, ce qui implique une connaissance des conditions d’incarcération. On peut espérer qu’une confrontation directe et régulière avec la réalité des établissements carcéraux permettra une meilleure protection des droits des détenus et favorisera le recours aux peines alternatives à la prison.
Par ailleurs, les psychiatres notent que l’absence d’humanité dans les relations entre certains magistrats et les prévenus ou les détenus est l’un des facteurs de déclenchement d’un certain nombre de crises chez ces derniers. Tout ce qui peut contribuer à améliorer la connaissance des conditions de détention et à mieux comprendre ce qui se passe dans la tête des détenus favorisera certainement le travail des uns et des autres.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission des lois a beaucoup apprécié la possibilité offerte aux parlementaires de visiter les prisons, …
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. …et elle considère que le fait de renforcer les visites dans les prisons des magistrats, notamment des procureurs de la République, des présidents des chambres d’instruction et des procureurs généraux, ne peut avoir que des effets positifs.
Il ne s’agit pas de généraliser, car je connais des magistrats qui sont très présents en milieu pénitentiaire, …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait ! Mais d’autres ne veulent pas y aller !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … mais j’en connais effectivement d’autres qui – c’est un doux euphémisme ! – le sont beaucoup moins.
En conséquence, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. C’est un très bon amendement. Les magistrats qui se rendent déjà en prison…
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Ça ne les gênera pas !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. … continueront à le faire. Quant aux autres, ils seront obligés d’y aller au moins une fois par an.
En conséquence, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Nous sommes bien sûr favorables à cet amendement. D’ailleurs, comment pourrait-il en être autrement ?
Toutefois, je formulerai quelques remarques.
Comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur pour avis, ces visites doivent servir à quelque chose. Quantité de personnes visitent les prisons : c’est parfois quasiment la gare de l’Est à l’heure de pointe ! Mais il faut que ces visites soient suivies d’observations et de recommandations pour la vie des détenus, adressées à l’administration pénitentiaire et au garde des sceaux bien sûr qui en est responsable.
On ne peut bien évidemment pas inscrire dans un amendement que ces visites doivent être efficaces et utiles – ce serait d’ailleurs un vœu pieux –, mais il ne faut pas perdre de vue cet objectif.
Il y avait auparavant les comités de surveillance, qui ne servaient à rien. Ils se réunissaient parfois, ou pas du tout …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela va changer ! Il y a des propositions dans le projet de loi !
M. Richard Yung. Certes ! Nous en reparlerons lorsqu’elles viendront en discussion, et j’espère que le nouvel organisme créé servira à quelque chose !
Quoi qu’il en soit, je suis favorable à cet amendement, mais je souhaite que les visites soient efficaces et suivies d’effet.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, il importe tout d’abord de faire prendre conscience aux magistrats, y compris aux juges d’instruction, car c’est important pour le déroulement de l’instruction, des conditions de vie des détenus.
D’ailleurs, nous avions souhaité, madame le garde des sceaux, que les juges d’instruction puissent parfois se déplacer dans les prisons pour éviter en permanence les transferts des détenus …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certes, mais nous avions aussi prévu dans certains établissements pénitentiaires des salles permettant aux juges d’instruction …
M. Richard Yung. Il n’y en a plus !
M. Charles Gautier. Effectivement !
M. Richard Yung. Ils ont été liquidés !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Écoutez, mes chers collègues, n’anticipons pas sur d’autres réformes !
Monsieur Yung, le travail de longue haleine engagé avec l’instauration du contrôleur général des lieux privatifs de liberté me paraît très important.
Au fil des années, nous n’avons pas simplement souligné des dysfonctionnements ; des contrats ont été passés avec les établissements pénitentiaires afin d’améliorer progressivement la situation, nous inspirant un peu du modèle britannique. Cette démarche est essentielle. Ce qui a été important pour le contrôleur général l’est aussi aujourd'hui pour les magistrats.
Au cours de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France créée en 2000, nous avions auditionné bon nombre de magistrats, parmi lesquels certains ont déclaré ne rien avoir à faire en prison.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Charles Gautier. C’est grave !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. En effet, surtout lorsque l’on est chargé de l’instruction ! D’ailleurs, ledit magistrat, qui était quand même le doyen des juges d’instruction, s’est fait réprimander par le président du tribunal dont il dépendait – je tairai la ville – et par le procureur général, lesquels ont estimé que ces propos étaient parfaitement inadmissibles, les magistrats ayant le devoir d’aller sur place, ne serait-ce que pour des raisons pédagogiques.
Il importe que les magistrats aient le réflexe de s’interroger sur la mise en détention d’un prévenu. Il me semble donc essentiel d’obliger les procureurs de la République et les juges d’instruction à se rendre une fois par an dans des établissements pénitentiaires.
Il me semble également très important d’obliger notamment les procureurs de la République à remettre des rapports à la Chancellerie.
Vous le savez, mes chers collègues, la commission d’enquête a mis en lumière le fait que les magistrats, hormis quelques procureurs généraux qui respectaient les normes légales en la matière, n’adressaient plus de rapports à la Chancellerie. Or, subitement, à la suite de la commission d’enquête, les rapports ont à nouveau été envoyés, et les procureurs généraux ont signalé à la Chancellerie un certain nombre de problèmes dans les établissements pénitentiaires. Leur regard de magistrat ou de haut magistrat sur les prisons me semble très utile.
En conséquence, l’amendement n° 187 est bienvenu, ne serait-ce qu’à titre de rappel.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
CHAPITRE II
Dispositions relatives aux personnels pénitentiaires et à la réserve civile pénitentiaire
Section 1
Des conditions d'exercice des missions des personnels pénitentiaires
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, étant nouvellement élu, je ne connais pas encore bien les usages de la Haute Assemblée.
Toutefois, dans mon intervention sur l’article 3, j’ai posé deux questions à Mme le garde des sceaux. Même si je n’attends pas forcément une réponse immédiate, j’estime que toute question mérite réponse. Je souhaiterais donc que Mme le garde des sceaux me réponde au cours du débat.
Article additionnel avant article 4
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le recrutement, la formation et les conditions de travail du personnel pénitentiaire doivent lui permettre de fournir un haut niveau de prise en charge des détenus.
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. La règle pénitentiaire européenne n° 8 dispose que « le recrutement, la formation et les conditions de travail du personnel pénitentiaire doivent lui permettre de fournir un haut niveau de prise en charge des détenus ».
En effet, la qualité du personnel pénitentiaire influe sensiblement sur la reconnaissance et le respect de la dignité de la personne détenue. Le choix attentif de ce personnel au moment du recrutement et lors des affectations successives doit donc tenir compte de l’intégrité, des qualités humaines, des capacités professionnelles et des aptitudes des personnes à exercer ces tâches.
La formation professionnelle du personnel doit par conséquent être développée. Le personnel doit être en particulier sensibilisé aux règles pénitentiaires européennes et aux normes juridiques énoncées dans la Convention européenne des droits de l’homme.
L’amendement vise donc à introduire dans notre droit la règle pénitentiaire européenne n° 8.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous retrouvons ici un débat sur les règles pénitentiaires européennes, que nous avons déjà eu à diverses reprises, hier. Comme nous l’avons dit alors, ces règles n’ont pas vocation à figurer systématiquement dans le texte de loi, mais elles guident notre action.
Sur le fond, il n’y a rien à redire concernant cet amendement. Nous tentons dans le projet de loi de concrétiser les dispositions de cette règle pénitentiaire européenne. Par exemple, le « haut niveau de prise en charge des détenus » se concrétisera dans le code de déontologie, dans la prestation de serment, dans le contenu de ce dernier et dans la formation continue dispensée. C’est une manière pragmatique de mettre en œuvre cette règle européenne.
En conséquence, la commission souhaite le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La disposition figurant dans l’amendement n° 76 n’est pas normative. C’est pourquoi le Gouvernement y est défavorable.
Ces mesures sont déjà mises en œuvre au quotidien, dans les établissements pénitentiaires, dans le cadre des règles pénitentiaires européennes, les RPE.
Par ailleurs, monsieur Anziani, s’agissant de la formation professionnelle, l’État compensera sa part pour les détenus en formation professionnelle. Pour le reste, ce sera aux régions de solliciter directement les fonds complémentaires, notamment les fonds européens.
M. Alain Anziani. Les crédits du FSE sont gérés par l’État !
M. le président. Vous voilà éclairé, monsieur Anziani ?
M. Alain Anziani. Pas complètement....
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Notre amendement offre l’opportunité de réaffirmer fortement des principes en matière de recrutement, de formation et de conditions de travail...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ça ne sert à rien !
M. Claude Jeannerot. Même si cela semble évident, cette réaffirmation dans le socle de la loi est à nos yeux essentielle. C’est pourquoi nous maintenons notre amendement. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 76.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 4
L'administration pénitentiaire comprend des personnels de direction, des personnels de surveillance, des personnels d'insertion et de probation et des personnels administratifs et techniques.
Un code de déontologie du service public pénitentiaire, établi par décret en Conseil d'État, fixe les règles que doivent respecter ces agents ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l'article 2.
Ce même décret fixe les conditions dans lesquelles les agents de l'administration pénitentiaire prêtent serment ainsi que le contenu de ce serment.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Dans l'accomplissement de leurs missions, les agents de l'administration pénitentiaire ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l'article 2 sont intègres, impartiaux, disponibles et respectent les droits fondamentaux des personnes sous leur responsabilité.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement procède du même esprit que l’amendement n° 7 rectifié qui va suivre.
Il vise à inscrire dans la loi pénitentiaire plusieurs principes que devront respecter les agents de l’administration pénitentiaire dans l’exercice de leurs missions : intégrité, impartialité, disponibilité, respect des droits des détenus. Ce sont là des principes importants qu’il convient d’inscrire dans la loi, et pas seulement dans le code de déontologie, à l’article 4 de ce texte.
Je ne vois pas pourquoi nous inscrivons plusieurs principes concernant les missions d’un service public pénitentiaire alors même que nous omettons de préciser les corollaires immédiats.
Nous devons faire figurer non seulement les missions du service public et des agents, mais également les conditions dans lesquelles ces mêmes agents vont exécuter ces missions.
J’aurais d’ailleurs souhaité qu’un projet de décret puisse nous être présenté au sujet tant du contenu du code de déontologie pénitentiaire que de la manière dont seront déclinées les règles que devront respecter les agents.
Il me paraît en effet regrettable de renvoyer à un décret le soin de dicter les règles applicables à l’administration pénitentiaire : le but de la loi pénitentiaire est justement, à mon avis, de légaliser ces règles et ces principes !
À défaut, l’administration dictera à une autre administration le comportement à adopter, sans contrôle parlementaire ! Je préfère un contrôle parlementaire !
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les agents de l'administration pénitentiaire ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l'article 2 sont tenus à l'impartialité, sans aucune distinction tenant à l'origine, à l'orientation sexuelle, aux mœurs, à la situation familiale ou sociale, à l'état de santé, au handicap, aux opinions politiques, aux activités syndicales, à l'appartenance, réelle ou supposée, à une ethnie, une nation ou une religion.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent.
Il vise à inscrire dans la loi pénitentiaire une exigence fondamentale, celle du respect par les agents de l’administration pénitentiaire du principe d’égalité de traitement des détenus.
Même si les règles déontologiques auxquelles seront soumis les agents seront décrites dans le code de déontologie prévu par l’article 4 du présent projet de loi, il convient tout de même d’inscrire dans la loi les principes les plus importants.
Ainsi la commission des lois a-t-elle accepté de faire figurer dans son texte le respect de l’intégrité physique et l’encadrement du recours à la force.
Mais on ne retrouve aucune trace de l’interdiction de la discrimination au sein des établissements pénitentiaires, et je le regrette. Il s’agit en effet d’une pratique extrêmement répandue dans les prisons : en dehors de toute sanction, certains détenus font l’objet de discrimination. Je sais d’ailleurs de quoi je parle, de même que Mme la ministre, puisque nous en avons déjà discuté : il s’agit de discriminations qui ne sont pas justifiées sur le terrain de la sécurité ou de la santé du détenu. Elles sont simplement l’expression de comportements isolés de la part d’agents abusant de leur position.
Ces comportements doivent être sanctionnés lorsqu’ils ont pour objet de mettre de côté un détenu sans raison.
Je me permettrai d’évoquer devant vous le cas d’un détenu homosexuel m’ayant alertée sur son expérience : il a été mis au ban de l’établissement en raison de son orientation sexuelle. Compte tenu de cette dernière, il s’est vu priver de balades, de douches, sans parler des insultes et des pressions constantes qu’il a subies.
La notion de lutte contre les discriminations doit paraître clairement dans ce projet de loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il n’est pas facile de répondre à Mme Alima Boumediene-Thiery : non seulement elle pose les questions, mais elle réfute à l’avance les réponses que l’on est susceptible de lui opposer ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Concernant l’amendement n° 6 rectifié, le texte élaboré par la commission dispose déjà que le service public pénitentiaire et l’administration pénitentiaire doivent garantir à tout détenu le respect de ses droits : il s’agit aussi bien de l’article 1er que de l’article 10.
Les précisions selon lesquelles les personnels de l’administration pénitentiaire et les concessionnaires des établissements pénitentiaires à gestion mixte doivent être intègres, impartiaux et disponibles relèvent non pas du domaine de la loi mais, beaucoup plus naturellement, du code de déontologie du service public pénitentiaire.
La commission invite donc au retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Concernant l’amendement n° 7 rectifié, le texte élaboré par la commission dispose déjà que le service public pénitentiaire et l’administration pénitentiaire doivent garantir à tout détenu le respect de ses droits, comme je le disais à l’instant, ce qui implique l’absence totale de discrimination.
L’énumération proposée, d’une part, alourdit inutilement le texte du projet de loi, et d’autre part, prend le risque de toute énumération, c’est-à-dire celui de ne pas être exhaustive. Par exemple, si la question de la nationalité n’y figure pas, pourra-t-on alors opérer une discrimination en fonction de la nationalité ? Non, bien sûr !
Ce type de précision pose plus de questions qu’il ne résout de problèmes.
C’est la raison pour laquelle, comme sur l’amendement précédent, la commission invite au retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Concernant l’amendement n° 6 rectifié, le code de déontologie prévu par un décret en Conseil d’État s’inspirera du code de déontologie de la police nationale qui reprend tous les principes que vous avez indiqués.
Par ailleurs, la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires prévoit déjà ces obligations.
Par conséquent, cette loi étant déjà applicable aux fonctionnaires, et le code de déontologie ayant pour modèle celui de la police nationale, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 6 rectifié.
Je rejoins les arguments exposés par M. le rapporteur au sujet de l’amendement n° 7 rectifié.
En outre, il est toujours étonnant d’inscrire dans un code le respect de certains principes interdisant les infractions, en l’occurrence la discrimination ! On inscrirait ainsi dans le code de déontologie l’obligation de ne pas commettre beaucoup d’infractions...
Or, la discrimination, même si elle ne figurait pas dans le code de déontologie, constitue une infraction pénale ; nous pourrions poursuivre en conséquence.
Le Gouvernement émet donc également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Alima Boumediene-Thiery, les amendements nos 6 rectifié et 7 rectifié sont-ils maintenus ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, monsieur le président, je les maintiens.
Malheureusement, on connaît très bien la réalité. Vous me donnez l’exemple de la police, mais il y a eu aussi des bavures en matière de discrimination dans la police !
Je parle bien sûr de toutes les discriminations. Si la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, ou HALDE, a été créée, c’est bien parce que des discriminations sont actées !
Il importe donc d’inscrire de manière très claire la lutte contre toutes les discriminations dans cette fameuse loi, qui a d’ailleurs pour objectif de rappeler les principes fondamentaux.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l’amendement n° 6 rectifié.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je comprends très bien le souci de notre collègue, puisqu’il existe hélas ! des discriminations dans les lieux de détention : elles sont même fréquentes.
Néanmoins, il faudra veiller à ce que le code de déontologie ne soit pas trop détaillé sur certains points et pas assez sur d’autres, de manière à le rendre suffisamment clair.
Par ailleurs, le contrôleur général des lieux de détention devra exercer un contrôle le plus poussé possible non seulement de l’application des principes qui figureront dans le code de déontologie mais aussi de la vie réelle dans les lieux de détention.
Je vais m’abstenir. Mais avec cet amendement, la précision risque d’être très poussée sur certains points alors que bien d’autres dispositions devraient figurer dans les devoirs et les droits des personnels d’administration pénitentiaire.
M. le président. L'amendement n° 77, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ces règles précisent l'obligation pour les personnels de veiller au respect de la dignité de la personne détenue et de son intégrité physique.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Le 6 mars 2000, au terme de ses travaux, la commission animée par M. Canivet a considéré « qu’admettre que la peine d’emprisonnement qui a pour finalité la réintégration, dans la société, d’une personne condamnée induit une autre logique juridique, celle d’un détenu qui, à l’exception de la liberté d’aller et de venir, conserve tous les droits puisés dans sa qualité de citoyen, qu’il n’a pas perdue du fait de sa condamnation, mais aussi celle d’un lieu, la prison qui, faisant partie du territoire de la République, doit être régi selon le droit commun, y compris dans les adaptations qu’exige la privation de liberté ».
Cette philosophie est également développée dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme : « l’article 3 de la Convention impose à l’État de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate ».
Pour la commission Canivet, les carences qui affectent le service public pénitentiaire dans le contenu des normes comme dans leur application ne sauraient être justifiées par « l’argument de sécurité, constamment avancé pour faire obstacle à l’évolution des prisons ».
Le Conseil constitutionnel, quant à lui, considère – c’est une décision de 1994 – que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’avilissement et de dégradation est un principe « indérogeable », en ce sens qu’il n’a pas à être concilié avec d’autres principes.
Afin que ces principes soient respectés, nous ne trouvons pas admissible que seul le décret traite de la déontologie des personnels de l’administration pénitentiaire. La loi doit intervenir au moins pour fixer les principes fondamentaux, et nous souhaitons que figure parmi ces principes le respect de la dignité de la personne détenue et de son intégrité physique.
Cette rédaction reprend la règle pénitentiaire européenne n° 72-1.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a pour objet de prévoir que le code de déontologie du service public pénitentiaire devra préciser l’obligation, pour les personnels, de veiller au respect de la dignité de la personne détenue et de son intégrité physique.
Cet amendement est au moins en partie satisfait par le texte de la commission.
Sur l’initiative du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, l’article 4 bis fait bien obligation aux « personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire [de veiller] au respect de l’intégrité physique des personnes privées de liberté ».
L’article 19 bis dispose également que « l’administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels ».
Quant à l’article 1er, il précise, sur l’initiative de notre collègue Hugues Portelli, que l’administration pénitentiaire doit garantir « à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne », ce qui inclut le principe de dignité.
J’ajouterai un argument qui m’a souvent été répété par les personnels pénitentiaires, lors de mes visites : les personnels pénitentiaires ne sauraient être tenus pour responsables des conditions de détention, lesquelles résultent, pour partie, de l’état des établissements pénitentiaires et de la surpopulation carcérale. Comment peuvent-ils veiller à la dignité des détenus lorsque quatre personnes doivent cohabiter dans une cellule de neuf mètres carrés ?
C’est un argument qu’il ne faut pas oublier lorsque l’on fait porter sur les personnels pénitentiaires l’obligation de veiller au respect de la dignité des détenus.
Pour ces raisons, la commission des lois demande le retrait de l’amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La notion de respect de la dignité est totalement reprise à l’article 1er du projet de loi, qui prévoit que le service public pénitentiaire « garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne. », lesquels incluent la dignité, et à l’article 10, qui précise que « l’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits. ».
Enfin, il est imposé aux personnels de surveillance de l’administration pénitentiaire de veiller « au respect de l’intégrité physique des personnes privées de liberté » – c’est l’article 4 bis –, et à l’administration pénitentiaire d’assurer « à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique » – c’est l’article 19 bis.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui est d’ores et déjà satisfait.
M. le président. Monsieur Gautier, l’amendement n° 77 est-il maintenu ?
M. Charles Gautier. Nous ne faisons aucun procès d’intention.
Compte tenu des réponses apportées à la fois par M. le rapporteur et par Mme le garde des sceaux, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 77 est retiré.
L'amendement n° 78, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les devoirs du personnel excèdent ceux de simples gardiens et doivent tenir compte de la nécessité de faciliter la réinsertion des détenus dans la société à la fin de leur peine, par le biais d'un programme de prise en charge et d'assistance.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. La règle pénitentiaire européenne n° 72.3 dispose que « les devoirs du personnel excèdent ceux de simples gardiens et doivent tenir compte de la nécessité de faciliter la réinsertion des détenus dans la société à la fin de leur peine, par le biais d’un programme positif de prise en charge et d’assistance. »
Cette règle souligne l’aspect éthique de l’administration pénitentiaire. En l’absence d’une éthique forte, un groupe se voit octroyer un pouvoir substantiel sur un autre groupe, ce qui peut aisément conduire à une situation abusive. Le respect de l’éthique ne doit pas seulement caractériser le comportement des membres du personnel pénitentiaire à l’égard des détenus. Les responsables des établissements pénitentiaires doivent faire preuve d’un grand discernement et d’une forte détermination pour assumer la gestion des prisons dans le respect des plus hautes normes éthiques.
Travailler dans les établissements pénitentiaires exige donc une combinaison de talent personnel et de compétences professionnelles. Le personnel pénitentiaire doit faire appel à ses qualités humaines lorsqu’il traite avec les détenus, afin d’agir avec impartialité, humanité et justice.
Par conséquent, il nous paraît important que cette règle soit transposée dans notre législation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement est satisfait par le texte de la commission, d’une part avec l’article 4 bis dont j’ai donné lecture et que nous devons pour une grande part à l’initiative du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, et, d’autre part, avec l’article 4 ter, qui prévoit que les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation « mettent en œuvre les politiques d’insertion et de prévention de la récidive, assurent le suivi ou le contrôle des personnes placées sous main de justice et préparent la sortie des personnes détenues. ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En outre, la rédaction proposée pourrait s’avérer source d’insécurité juridique, puisqu’elle prévoit que « les devoirs du personnel excèdent ceux de simples gardiens ». Je m’interroge en effet sur le caractère normatif d’une telle disposition. Dans l’administration pénitentiaire, je connais les « personnels de surveillance », les « personnels d’insertion et de probation », mais je cherche vainement les « gardiens » !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait ! Ce terme remonte aux temps anciens.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Les dispositions du projet relatives aux missions du service public pénitentiaire et de ses personnels sont suffisamment précises sur ce point. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement préfère privilégier une définition concrète des missions du service public pénitentiaire plutôt que de reprendre ce type de dispositions.
Je rappelle également que l’administration pénitentiaire et ses surveillants n’aiment pas le terme « gardien ». Je rejoins totalement leur point de vue : mieux vaut les qualifier par leur statut et leur mission réelle, et non par des termes qui n’existent pas dans le statut actuel.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier, pour explication de vote.
M. Charles Gautier. Depuis hier après-midi, pour ceux qui ont suivi le débat dans son intégralité, l’immense majorité des réponses qui nous sont apportées reposent sur un seul argument : cela va tellement sans dire que mieux vaut ne pas le préciser. Je pense au contraire que si cela va sans dire, cela va encore mieux en le disant !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Charles Gautier. En conséquence, contrairement à l’amendement, précédent, je vous propose de maintenir celui-ci.
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Je voudrais d’abord rappeler à notre assemblée qu’un rapport extrêmement important vient d’être publié, celui du comité Veil. Sont rappelés dans ce rapport les droits et libertés garantis dans notre système juridique français dont le panel est tel qu’il n’y a plus rien à ajouter dans les déclarations et la jurisprudence existantes. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes parfaits !
M. Patrice Gélard. Or, avec la série d’amendements déposés hier et aujourd’hui, vous nous demandez de répéter systématiquement dans nos lois des dispositions qui s’imposent déjà à nous, qui ont valeur juridique et même, la plupart du temps, valeur constitutionnelle.
Je ne vois pas pourquoi nous perdrions du temps à alourdir les textes juridiques en rappelant l’éventail des dispositions fondamentales reconnues par le Conseil constitutionnel, la Cour européenne des Droits de l’homme, le Conseil d’État et la Cour de cassation. D’ailleurs, si nous le faisions pour cette loi pénitentiaire, il faudrait le faire pour toutes les autres lois.
M. René-Pierre Signé. Et alors ?
M. Patrice Gélard. Nous ne nous en sortirions plus ! Ce serait une erreur psychologique que de vouloir systématiquement répéter dans nos textes de loi ce qui a déjà valeur juridique, voire constitutionnelle.
M. René-Pierre Signé. Non !
M. Patrice Gélard. S’il est important de faire des piqûres de rappel dans le débat pour rappeler l’existence de telle ou telle disposition,...
M. René-Pierre Signé. Ah quand même, il se rachète !
M. Patrice Gélard. ... il n’est pas pour autant nécessaire de les ajouter au texte de loi.
De plus, comme je l’ai dit hier, les dispositions des règles pénitentiaires européennes résultent d’une mauvaise traduction de l’anglais. J’en veux pour preuve le terme de « gardien », qui ne correspond à aucune réalité juridique française.
M. Charles Gautier. C’est la faute à la Queen ! (Sourires.)
M. Patrice Gélard. Il faut se méfier comme de la peste des habitudes et du flou artistique des textes juridiques anglais qui, contrairement aux textes français, se caractérisent moins par la précision de l’expression. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous n’avez quand même pas osé déposer des amendements pour décliner tous les principes qui figurent dans les règles pénitentiaires européennes ! Cela nous ferait entrer dans moult détails.
Je comprends parfaitement que l’on s’assure que la loi correspond bien à ces règles. Mais je vous rappelle qu’il s’agit de recommandations du Conseil de l’Europe. De plus, ce Conseil regroupe des pays extrêmement divers qui ne connaissent pas forcément l’insertion et qui n’ont d’ailleurs pas tous l’équivalent d’un service pénitentiaire d’insertion et de probation, ou SPIP ! La France est en retard, elle est même condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour cela, mais il faut tenir compte de ce décalage !
Le rôle du Conseil de l’Europe est d’encourager tous ces pays à mettre en place une surveillance. Effectivement, les surveillants ont, j’en suis convaincu, un rôle à jouer en matière de réinsertion, et il existe des services spécialisés et des personnes extérieures qui, heureusement, contribuent également, dans les établissements pénitentiaires, à la réinsertion.
Les rappels, c’est très bien. Mais, honnêtement, vous étiez globalement d’accord avec le travail de la commission. Seulement, il fallait bien que vous déposiez des amendements ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Alors, vous vous êtes appuyés sur les règles pénitentiaires européennes, que vous déclinez au fur et à mesure. Mais, je vous l’ai déjà dit, ce n’est pas l’objet de la loi ! La loi doit être normative.
M. Jean-Pierre Sueur. Sinon, ce n’est pas une loi ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Sinon, je suis désolé, il s’agit de grands principes que nous avons approuvés.
Alors le dialogue peut continuer de cette façon...
M. Charles Gautier. Jusqu’à la fin de l’examen du texte !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ... pour décliner toutes les règles pénitentiaires européennes, afin que nous ayons le plaisir de les retrouver dans la loi pénitentiaire. Mais je vous rappelle que le nombre de ces règles pénitentiaires européennes est supérieur à cent !
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Nous nous attentions à une telle charge, et nous nous demandions même – je pense notamment au propos de M. Patrice Gélard – pourquoi elle n’était pas advenue plus tôt !
Cette charge-là a un sens qui consiste à dire que nous ne devons pas forcément tenir compte d’un certain nombre de grands principes. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous n’avons pas dit cela !
Plusieurs sénateurs socialistes. Mais si !
M. Josselin de Rohan. Nous disons justement le contraire !
M. Alain Anziani. Permettez-moi de rappeler que les règles pénitentiaires européennes, au nombre de 108, ont été adoptées par le Conseil de l’Europe, et donc bien évidemment par la France qui en est membre.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne va pas les mettre dans la loi !
M. Alain Anziani. Je rappelle également que, selon Nicolas Sarkozy, alors candidat à l’élection présidentielle, la loi pénitentiaire devait avoir pour objectif la conformité de notre droit avec les règles pénitentiaires européennes.
M. Charles Gautier. C’était avant !
M. Alain Anziani. Je rappelle enfin que la France a été condamnée à de multiples reprises par la Cour européenne des droits de l’homme ou d’autres organismes. Il est donc difficile de nous répondre que nous n’avons pas besoin de nous conformer à ces règles, car elles vont de soi ! Tel n’est pas le cas, puisque leur non-respect nous a valu condamnation.
M. Charles Gautier. On est au-dessus de ça…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous êtes de mauvaise foi !
M. Alain Anziani. Nous avons besoin de ces règles, y compris dans cette loi pénitentiaire, parce que ce sont ces règles qui vont la fonder. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Gautier. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je formulerai deux réflexions.
Tout d’abord, à l’instar de Pangloss, célèbre héros de Voltaire qui pensait que « tout est bien », M. Gélard estime que notre législation est déjà la meilleure possible. Si tel est le cas, nous n’avons pas besoin de siéger ! Tous les principes seraient écrits au mieux, déclinés de la meilleure façon possible et appliqués magnifiquement. Il n’est donc pas nécessaire de nous donner tout le mal que nous nous donnons pour légiférer.
Ensuite, je ne suis pas d’accord avec les remarques formulées pour la seconde fois par M. Gélard à propos de la langue anglaise. Notre collègue semble en effet présupposer – mais peut-être l’ai-je mal compris ? – que la langue française serait apte au droit, alors que la langue anglaise serait inapte à l’expression juridique.
Il existe une littérature abondante selon laquelle certaines langues seraient aptes à la pensée spéculative, alors que d’autres ne le seraient pas ! Il y aurait des langues adaptées à la philosophie ou au droit et d’autres qui ne le seraient pas !
Pour ma part, je pense au contraire que toute langue humaine est capable d’exprimer des spéculations, quelles qu’elles soient, notamment d’ordre juridique. Certes, chacune procède à sa manière, car il n’y a pas d’uniformité en la matière. Par respect pour les juristes non seulement britanniques mais aussi de toutes les nations du monde, je me permets donc de relativiser quelque peu – s’il veut bien l’admettre – les propos de M. Gélard.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour moi, ce sujet ne prête pas à rire, encore que l’on puisse rire de tout....
Si nous avons le souci de voir « transposées » dans la loi les règles pénitentiaires européennes, que la France a adoptées, c’est parce que nous constatons qu’elles ne sont pas appliquées.
Depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, reprise par le préambule de la Constitution, il est bon de s’interroger, à chaque fois que nous légiférons, sur l’application des droits qui y sont inscrits. Or, nombre d’entre eux, tels, notamment, le droit au logement, le droit au travail, ne sont pas appliqués.
En lisant les règles pénitentiaires européennes, que ce soit en langue anglaise ou non, nous devons nous interroger, en tant que législateur, sur le sens que nous leur donnons. S’agissant par exemple du respect de la dignité, je considère que le fait d’être obligé de déféquer devant quelqu’un porte atteinte à ce principe.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il en va de même pour les fouilles au corps.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourtant, c’est bien ce qui se passe ! Je considère que le texte que nous examinons ne permettra pas d’appliquer le principe du respect de la dignité humaine, qui figure pourtant parmi les règles pénitentiaires européennes.
Selon moi, il faut poursuivre la réflexion en ce sens. Il ne suffit pas de dire que tout est écrit, que tout est dit. Oui, c’est vrai, la France, en matière de droits, a déjà tout dit : mais voyez où nous en sommes par rapport à ce qui est écrit !
M. Charles Gautier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.
M. Hugues Portelli. Je souhaite revenir sur les propos de mon collègue Alain Anziani, avec lequel je suis d’accord sur le fond. Sur la forme, je rejoins M. le doyen Gélard.
Il existe une solution simple, dont je me fais simplement le porte-parole. Dans le cadre d’un amendement ou d’un sous-amendement, …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas d’amendements en séance !
M. Hugues Portelli. … nous pourrions tout simplement préciser que le code de déontologie du service public pénitentiaire fixe les règles que doivent respecter ses agents ainsi que les agents habilités en application du second alinéa de l’article 2, parmi lesquelles figurent les règles pénitentiaires européennes édictées par le Conseil de l’Europe. Cela permettrait d’intégrer globalement l’ensemble des règles pénitentiaires européennes à l’article 4 du projet de loi pénitentiaire, pour lequel elles sont particulièrement bienvenues.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il y a une limite à ce que l’on raconte ! Tout se passe comme si, à l’occasion d’un texte sur l’enfance, vous vouliez y intégrer toute la convention de New York !
M. Charles Gautier. Mais non !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est exactement ce que vous êtes en train de nous proposer !
Au demeurant, j’accepte tout à fait que vous déposiez des amendements visant à vérifier que les principes en question ont bien été intégrés dans le projet de loi. Nous vous apportons alors un certain nombre de réponses.
Ainsi, des amendements déposés par Mme Borvo Cohen-Seat, portant notamment sur le respect de la dignité de la personne, ont été intégrés aux travaux de la commission.
Il est tout à fait normal de vérifier que toutes les règles pénitentiaires européennes sont effectivement traduites dans ce nouveau projet de loi. Personne n’a dit que la situation était parfaite ! Au contraire, le Gouvernement, dans son projet de loi, puis la commission, au cours de ses travaux, ont veillé à ce que tous les principes des règles pénitentiaires européennes soient transcrits dans la loi.
Mais, mes chers collègues, si nous voulons que la législation soit claire, ne mélangeons pas, je vous en supplie, les déclarations de principe et les normes. Si nous procédons ainsi aujourd’hui, nous ferons de même demain ! Or nous avons eu trop de lois purement déclaratives !
M. Charles Gautier. Des lois dont vous êtes les auteurs !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour ma part, mon cher collègue, j’ai toujours lutté contre cette tendance, avec d’ailleurs beaucoup de mal, puisque vous défendiez les déclarations de principe !
M. Josselin de Rohan. C’est un travers socialiste !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certes, on peut continuer ainsi !
On peut bien sûr se demander si ces principes sont bien respectés dans la loi pénitentiaire, laquelle, ne l’oublions pas, représente une avancée par rapport à la situation actuelle.
Mais il ne me paraît pas judicieux de faire figurer dans la loi toutes les règles pénitentiaires européennes. Au demeurant, ceux qui sont chargés du contrôle de la mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes pourront vérifier si nous les appliquons bien.
J’ajoute qu’il y a, certes, les règles juridiques que nous fixons, mais il y a également – et c’est plus important encore –les moyens que nous engagerons pour faire respecter ces règles.
Ce matin, certains disaient : c’est tellement bien de faire des lois inapplicables ! Or on en a trop fait, dans ce domaine comme dans d’autres.
Pour ma part, je souhaite vraiment – et je crois que ce souhait est partagé par tous – que nous adoptions une loi applicable. Ce qui importe, c’est que les règles pénitentiaires européennes, par le biais de notre législation, du code de déontologie et de tout ce qui sera décliné dans ce projet de loi, permettent effectivement un progrès, pour que nos prisons soient enfin dignes d’une démocratie telle que la France.
Autant il nous possible de polémiquer sur certains sujets, autant ce serait une erreur, sur le plan normatif, de mélanger les principes généraux et les normes effectives, qui doivent y être conformes. Je défends cette idée depuis très longtemps. Nous éviterions de faire des lois bavardes, et pourrions ainsi adopter des lois efficaces.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. À la suite des propos que vient de tenir M. le président de la commission des lois, je rappelle que la moitié des 108 règles pénitentiaires européennes ont été reprises dans ce texte. Un grand nombre de dispositions sont d’ores et déjà mises en œuvre.
Par ailleurs, j’ai demandé à la direction de l’administration pénitentiaire de labelliser les expérimentations relatives à la mise en œuvre des règles pénitentiaires européennes dans les établissements pénitentiaires. Sur 196 établissements, pas moins d’une vingtaine sont aujourd’hui labellisés AFNOR.
En outre, les règles pénitentiaires européennes ne concernent pas uniquement la France. Elles ont également vocation à s’appliquer dans des pays où les services d’insertion et de probation, par exemple, n’existent pas. La mission de réinsertion, notamment, qui figure parmi les missions dévolues au surveillant pénitentiaire en France, n’existe pas dans d’autres pays.
Certaines règles ne sont donc pas appliquées, voire pas applicables dans d’autres pays, alors que la France est déjà en conformité avec certaines règles pénitentiaires européennes.
Enfin, les amendements adoptés par la commission ont enrichi le texte de nouveaux principes issus des règles pénitentiaires européennes. Vous ne pouvez donc pas dire que rien n’a été repris, ou peu a été repris. Au contraire, beaucoup a été repris.
M. Charles Gautier. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. Je ne peux vous la donner, mon cher collègue, car vous êtes déjà intervenu.
M. Charles Gautier. Je me suis contenté de présenter l’amendement !
M. le président. Sans doute devrais-je tenir une comptabilité plus précise des intervenants…
M. Charles Gautier. Je vous y invite !
M. le président. Vous avez la parole, mon cher collègue.
M. Charles Gautier. Tout à l’heure, en présentant cet amendement, je faisais allusion à ceux qui ont suivi le débat depuis le début.
Si vous aviez accepté hier, au moment où nous débattions de l’article 1er, que nos propositions de rappel des grandes orientations, y compris des orientations européennes, soient intégrées au texte, nous ne serions pas intervenus lors de l’examen des articles suivants. Or tout nous a été refusé.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Arrêtez !
M. Charles Gautier. Pourtant, votre attitude ne correspondait pas au climat qui a régné durant la discussion générale. Aujourd’hui, nous en sommes là ! Article par article, nous procédons à un certain nombre de rappels.
Cet acharnement à refuser l’intégration des règles européennes me porte à penser que, dans notre hexagone, si l’on estime respectables ces grandes orientations, on les juge également inapplicables – le terme a été rappelé – et l’on estime en conséquence qu’il n’est pas nécessaire de les transcrire dans la loi.
Nous ne partageons pas cette conception des choses. Il y a un écart important entre ce que nous proposons et le texte de la commission. Certes, une proposition intermédiaire a été présentée par M. Portelli, à laquelle je me rallierais assez facilement si l’ensemble de notre assemblée était de cet avis.
M. le président. Monsieur Gautier, après vérification, il s’avère que vous étiez déjà intervenu, certes brièvement, pour explication de vote ! La prochaine fois, je vous aurai à l’œil ! (Sourires.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je préciserai en complément que la bible en la matière, à savoir le texte de la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe aux États membres sur les règles pénitentiaires européennes, « recommande aux gouvernements des États membres de suivre dans l’élaboration de leur législation ainsi que de leurs politiques et pratiques les règles pénitentiaires européennes ». Il n’est donc nulle part question d’une transposition des règles pénitentiaires européennes. Il s’agit de suivre l’esprit de ces règles, lesquelles constituent un cadre. S’il nous paraît utile de les transposer, ce qui se produira d’ailleurs bientôt, nous le ferons. Mais, le plus souvent, la commission n’est favorable ni à une transposition générale directe ni à une transposition générale indirecte comme le propose M. Portelli.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 4 bis
Les personnels de surveillance de l'administration pénitentiaire constituent, sous l'autorité des personnels de direction, l'une des forces dont dispose l'État pour assurer la sécurité intérieure.
Dans le cadre de leur mission de sécurité, ils veillent au respect de l'intégrité physique des personnes privées de liberté et participent à l'individualisation de leur peine ainsi qu'à leur réinsertion.
M. le président. L'amendement n° 220, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Au début du second alinéa de cet article, supprimer les mots :
Dans le cadre de leur mission de sécurité,
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 4 bis est issu d’un amendement du rapporteur tendant à préciser que les personnels pénitentiaires constituent l’une des forces dont dispose l’État pour assurer la sécurité intérieure et que, dans le cadre de cette mission de sécurité, ils participent à l’individualisation de la peine ainsi qu’à la réinsertion des personnes privées de liberté.
Cet article nous semble devoir être modifié sur deux points.
Tout d’abord, la réinsertion de la personne condamnée constitue l’objectif essentiel du service public pénitentiaire, auquel concourent évidemment les personnels. Il nous semble donc quelque peu incongru d’inclure cet objectif dans une mission de sécurité qui, ainsi mise en avant, serait beaucoup plus globale.
Ensuite, l’article 4 bis comporte une lacune : si les personnels de surveillance doivent effectivement participer à l’individualisation des peines et à la réinsertion, ils ont aussi pour mission de protéger l’intégrité physique des personnes détenues. Pour mener à bien cette tâche, l’administration pénitentiaire devra adopter une politique ambitieuse de recrutement de personnels car, aujourd’hui, si des violences physiques ont lieu entre détenus, ce n’est pas uniquement le fait de surveillants peu scrupuleux, c’est avant tout en raison d’une insuffisance des moyens en personnels. En ces temps de surpopulation carcérale, les agents se trouvent dans l’impossibilité matérielle de veiller au respect de l’intégrité physique des détenus. Cet article va, je l’espère, contraindre l’administration pénitentiaire et, au-delà, le Gouvernement à modifier sa politique carcérale.
La commission des lois n’a retenu que l’un des deux points que nous venons d’exposer.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est déjà pas mal !
Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est pourquoi nous présentons cet amendement, afin d’améliorer encore le texte retenu par la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Comme notre collègue vient de le rappeler, la commission des lois a, d’une part, reconnu que les personnels pénitentiaires constituaient la troisième force de l’État en matière de sécurité intérieure, aux côtés de la police et de la gendarmerie et, d’autre part, adopté un amendement du groupe CRC-SPG qui prévoit que les personnels de surveillance doivent veiller au respect de l’intégrité physique des personnes privées de liberté.
En revanche, la commission n’a pas souhaité supprimer la précision selon laquelle les personnels de surveillance participent, dans le cadre de leur mission de sécurité, à l’individualisation de la peine ainsi qu’à la réinsertion des personnes privées de liberté. Il convient en effet, à notre avis, de prévenir toute confusion entre les personnels de surveillance, d’une part, et les conseillers d’insertion et de probation, d’autre part. Si la participation à l’individualisation de la peine et à la réinsertion des détenus demeure la mission première des seconds, la sécurité demeure la mission principale des premiers.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Les surveillants pénitentiaires ont avant tout une mission de sécurité, puisqu’ils constituent la troisième force de sécurité de notre pays.
C’est dans le cadre de cette mission de sécurité qu’ils veillent à l’intégrité physique des personnes placées sous main de justice. Si cette référence était supprimée, on priverait ces personnels de l’essentiel de leur mission et il serait difficile de les distinguer des conseillers d’insertion et probation.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, après les mots :
l'intégrité physique
insérer les mots :
et de la dignité
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet d’inscrire le principe du respect de la dignité humaine dans le corps de la loi pénitentiaire.
Dois-je vous rappeler, mes chers collègues, que cette notion de dignité humaine est totalement absente du projet de loi ? En effet, après une brève apparition, elle a été supprimée dans le texte adopté par la commission des lois, au motif que le respect de la dignité humaine allait de soi !
Dans ce cas, mes chers collègues, comment expliquez-vous que la décision du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994 soit entièrement consacrée à cette notion et qu’un chapitre du code pénal soit exclusivement consacré aux atteintes à la dignité de la personne ?
Avec votre permission, je me risquerai à une interprétation de cette omission : j’ai bien peur qu’elle ne soit volontaire et qu’elle ne vise à éviter que les détenus puissent contester les conditions de détention et de prise en charge devant un juge ou même devant le Conseil constitutionnel, par la voie de la question préjudicielle de constitutionnalité.
Selon le Conseil constitutionnel, le principe du respect de la dignité humaine constitue un fil conducteur pour l’interdiction de toute forme de dégradation et d’asservissement. Or les conditions, parfois dégradantes et attentatoires à la dignité, dans lesquelles se trouvent placés les détenus en raison de la surpopulation carcérale pourraient, me semble-t-il, donner au Conseil constitutionnel la possibilité de faire condamner l’administration pénitentiaire par voie préjudicielle.
Le code pénal prévoit lui-même que le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine, constitue un délit.
Pourquoi le détenu ne pourrait-il pas invoquer une telle disposition ? Pourquoi lui ôter la possibilité de se prévaloir d’une atteinte à sa dignité ?
La Cour européenne a pourtant largement développé sa jurisprudence dans le domaine de l’atteinte à la dignité des détenus : elle n’hésite pas à juger contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme des conditions de détention objectivement inadaptées au bien-être des prisonniers, en prenant en compte, notamment, l’aménagement des cellules, l’aération, la luminosité, la température, la séparation des sanitaires ou l’absence de matériel de couchage.
Il s’agit non pas de science-fiction juridique mais d’une réalité, la France étant régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme sur ce fondement.
On comprend mieux la raison de l’absence de la notion de respect de la dignité des détenus dans le texte qui nous est présenté : cette absence permet d’assurer une immunité de principe à l’administration pénitentiaire contre toute incompatibilité de son action avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Mes chers collègues, ce n’est pas en supprimant la possibilité pour les détenus de se prévaloir de ce principe que nous rendrons nos prisons plus humaines. Ces dernières resteront une honte pour notre République tant que nous empêcherons le droit d’y entrer.
Je propose donc, de manière très solennelle, d’intégrer ce principe de dignité humaine dans le corps de la loi pénitentiaire et d’assurer aux personnes détenues une véritable protection contre les atteintes à leur dignité.
Si vous refusez de donner aux détenus le droit de protéger leur dignité, vous les privez de l’essence même des droits inhérents à la personne humaine. Vous niez leur droit à la dignité !
Ce droit ne se devine pas ; il ne va pas de soi. Au contraire, il se proclame. Nous avons à faire à des populations vulnérables, particulièrement fragiles. Le droit doit les protéger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Votre préoccupation, qui consiste à vouloir inscrire dans ce texte le respect de la dignité, est parfaitement fondée. Une telle opportunité se présentera sans doute à mesure que nous égrènerons les articles de ce projet de loi. En revanche, le moment me semble mal choisi.
Vous souhaitez préciser que, dans le cadre de leur mission de sécurité, les personnels de surveillance veillent au respect de la dignité des personnes privées de liberté.
Je reprends l’argumentation que j’opposais tout à l’heure à notre collègue Alain Anziani sur l’amendement n° 77. Le personnel de surveillance ne saurait être tenu pour responsable des conditions de détention qui, très largement, conditionnent le respect de la dignité et qui dépendent en grande partie de l’état des établissements pénitentiaires et de la surpopulation carcérale. Cette difficulté me semble insurmontable.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Pour cette raison, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cet amendement rejoint les amendements nos 73 et 77, qui visaient à intégrer la notion de dignité. Je rappelle que les articles 1er et 10 du projet de loi reprennent déjà ce principe, sous une autre forme.
Pour les mêmes raisons que précédemment, l’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’inscription de ce principe a déjà été refusée dans d’autres articles. C’est pourquoi nous la proposons à nouveau ici. Il nous semble pourtant nécessaire que cette notion de dignité humaine apparaisse quelque part dans ce texte. Sinon, arrêtons de dire que sa vocation est de protéger le droit des détenus !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous êtes contre la dignité !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Arrêtez !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 79 rectifié est présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 10 rectifié est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ils ne doivent utiliser la force, le cas échéant en faisant usage d'une arme à feu, qu'en cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés. Lorsqu'ils y recourent, ils ne peuvent le faire qu'en se limitant à ce qui est strictement nécessaire.
La parole est à M. Alain Anziani, pour défendre l’amendement n° 79 rectifié.
M. Alain Anziani. Je tiens très nettement à lever toute ambiguïté : cet amendement n’est pas défavorable aux personnels de l’administration pénitentiaire, qui méritent notre respect et nos encouragements. Nous proposons toutefois d’encadrer l’usage de la force en prison, une notion toujours difficile à appréhender, d’abord en définissant des cas d’usage de la force, y compris par arme à feu – légitime défense, tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés –, ensuite en posant le principe de proportionnalité, la force devant être utilisée pour ce qui est strictement nécessaire.
Je voudrais rappeler, sans déclencher de nouvelle furie, que cet amendement reprend les règles pénitentiaires européennes nos 64 et 65 ainsi qu’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.
Je propose que ces notions, qui, à la lumière de mes commentaires, me paraissent devoir s’imposer, soient inscrites dans cette grande loi pénitentiaire que nous appelons tous de nos vœux.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 10 rectifié.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement résulte de la fusion de deux amendements complémentaires déposés par mon collègue Alain Anziani et par moi-même. Il a pour objectif premier d’inscrire dans le projet de loi le principe de la limitation du recours à la force.
Il vise les différents cas où le recours à la force peut être justifié : légitime défense, tentative d’évasion ou résistance par la violence.
Il pose également un principe consubstantiel au recours à la force : celui de la nécessité. En effet, tout recours à la force doit être rendu nécessaire par le comportement du détenu, et ne saurait s’exercer en dehors de cette nécessité.
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est, dans ce domaine, très instructive : selon cette dernière, l’utilisation de la force à l’égard d’un détenu doit être prohibée si elle n’est pas rendue strictement nécessaire par le comportement de celui-ci.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’adopter le principe de la nécessité, s’agissant du recours à la force, en l’assortissant des cas de figure où celui-ci est rendu légitime.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ces deux amendements identiques ont pour objet de définir un cadre légal à l’usage de la force par les personnels de l’administration pénitentiaire.
J’ai indiqué dans mon rapport que je considérais, à l’instar de la Commission sur l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, présidée, en 2000, par Guy Canivet, qu’il revient à la loi de fixer le cadre dans lequel les personnels de l’administration pénitentiaire peuvent recourir à la force, le cas échéant en faisant usage d’armes à feu.
Alors que j’avais envisagé de déposer un amendement à cette fin, j’y ai finalement renoncé, car il m’a été indiqué qu’une réflexion était en cours, en lien avec le ministère de l’intérieur, les discussions portant notamment sur la possibilité d’un usage des armes à feu en dehors de l’enceinte des établissements pénitentiaires, notamment dans les UHSI et les UHSA.
Toutefois, l’article 2 bis du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale, adopté par le Sénat en décembre dernier, encadre l’usage des armes à feu par la gendarmerie. La commission ne voit donc plus de raison de différer encore l’adoption d’une mesure similaire pour les personnels de l’administration pénitentiaire et, par conséquent, elle a émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ces deux amendements visent à conférer une valeur législative aux dispositions, de nature réglementaire, qui figurent à l’article D. 283–5 du code de procédure pénale, dont ils reprennent l’exacte rédaction.
Madame la sénatrice, monsieur le rapporteur, je souscris à vos propos. Toutefois, il est vrai que le Gouvernement aurait souhaité inscrire ces dispositions relatives à l’usage des armes à feu par l’ensemble des forces de sécurité dans un texte unique, texte qui est actuellement en cours de préparation au niveau interministériel, à l’instar des dispositions qui ont été votées dans le cadre du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale.
Toujours est-il que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 79 rectifié et 10 rectifié.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 bis, modifié.
(L'article 4 bis est adopté.)
Article 4 ter
Les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation sont chargés de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées.
À cette fin, ils mettent en œuvre les politiques d'insertion et de prévention de la récidive, assurent le suivi ou le contrôle des personnes placées sous main de justice et préparent la sortie des personnes détenues.
M. le président. L'amendement n° 221, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
Les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation participent à l'individualisation des peines et des mesures pré-sententielles. Ils sont chargés de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Dans ses préconisations, le comité d’orientation restreint écrit ceci : « Il importe que les SPIP s’approprient pleinement, dans sa plénitude, la mission qui est la leur, se définissant comme “la mise en œuvre et le suivi des mesures d’individualisation et d’aménagement des peines privatives de liberté” ».
Par cet amendement, nous entendons conférer une portée plus importante à l’article 4 ter du texte de la commission des lois, en inscrivant clairement dans la loi les missions fondamentales des services pénitentiaires d’insertion et de probation.
Nous proposons donc de mentionner leur rôle nécessaire dans l’individualisation des peines et des mesures « pré-sententielles » et, ainsi, dans les aménagements de peine, rôle complémentaire à celui qui est le leur en matière d’exécution des peines.
L’article 4 ter du texte de la commission des lois dispose que les SPIP ont pour mission de mettre en œuvre « les politiques d’insertion de prévention de la récidive ».
Précisément, pour que l’insertion et la prévention de la récidive réussissent, il importe en premier lieu de rechercher la sanction la plus adaptée possible, tant pour les personnes en détention provisoire que pour celles qui ont fait l’objet d’une condamnation. Autrement dit, la sanction doit être individualisée et non automatique, contrairement à ce que prévoient de plus en plus souvent hélas ! les textes votés par la majorité gouvernementale.
Les personnels des SPIP jouent un rôle actif dans l’aide à la décision des magistrats en leur apportant des éléments essentiels sur le détenu ou le prévenu. Ils font des enquêtes dites « rapides » avant comparution, dans le cadre des permanences d’orientation pénale. Ils peuvent être saisis de diverses mesures « pré-sententielles » sur le contrôle judiciaire, l’ajournement avec mise à l’épreuve, le suivi des détenus incarcérés.
Aujourd’hui, un conseiller des SPIP traite environ de 120 à 180 dossiers. Bien évidemment, confirmer aux SPIP leurs missions, c’est aussi décider de leur donner les moyens de les mettre en œuvre. Certes, il faut le reconnaître, un effort a été engagé depuis quelques années, mais celui-ci a besoin d’être intensifié. À cette fin, le budget de la justice doit être à la hauteur des exigences du moment et de celles qui découleront, s’il est adopté, du présent projet de loi, de manière à satisfaire réellement les droits effectifs des détenus.
Enfin, comme le fait la Commission nationale consultative des droits de l’homme, il est permis de s’inquiéter également de la délégation de tout ou partie des fonctions d’insertion et de probation à des personnes de droit privé, délégation qui ne pourrait conduire qu’à affaiblir la mobilisation des acteurs publics pour l’exécution des peines et la réinsertion des condamnés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
D’une part, elle considère qu’il est largement satisfait par son propre texte, qui lui paraît de surcroît plus concis. D’autre part, elle craint que les termes « mesures pré-sententielles », par exemple, qui ne figurent ni dans le code pénal ni dans le code de procédure pénale, n’introduisent une complexité supplémentaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’article 1er du projet de loi, en définissant précisément les missions du service public pénitentiaire, répond pleinement au but visé par les auteurs de cet amendement.
En outre, l’article 4 ter lui-même dispose que « les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation sont chargés de préparer et d’exécuter les décisions de l’autorité judiciaire relatives à l’insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice ». Cette formulation signifie bien que la peine est effectivement individualisée.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, après le mot :
œuvre
insérer les mots :
, par des programmes appropriés,
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement, qui concerne les missions des SPIP, participe du même esprit que les amendements nos 3 rectifié et 4 rectifié, que j’ai défendus hier.
La notion de programme a ici encore plus de raison d’être qu’elle n’en a s’agissant des missions de l’administration pénitentiaire.
Les SPIP se trouvant au premier plan de la réinsertion des détenus, il n’est pas inconcevable de prévoir qu’ils exercent leurs missions dans le cadre de programmes appropriés.
Cela peut paraître évident : la réinsertion du détenu passe nécessairement par des programmes. Aussi, cet amendement tend à conférer à ceux-ci une certaine cohérence en les coordonnant au niveau national, en concertation avec tous les acteurs de la réinsertion. Ces programmes-cadres peuvent constituer le socle d’action des SPIP et peuvent être réactualisés régulièrement en fonction de l’évolution de leurs missions.
Aussi, mes chers collègues, je vous propose d’inscrire dans le projet de loi que ces programmes constitueront le cadre d’action des SPIP dans l’exercice de leurs missions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’apporterai la même réponse que celle que j’ai déjà faite hier : cette précision paraît inutile à la commission. On peut d’ailleurs légitimement espérer que les services pénitentiaires d’insertion et de probation élaborent des programmes d’insertion et de réinsertion appropriés. En outre, il nous semble que la situation de chaque détenu mérite d’être prise en considération dans sa singularité.
Par conséquent, par souci de conserver à ces programmes toute leur souplesse, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le contenu des programmes appropriés mis en œuvre par les SPIP, c'est-à-dire les modalités d’intervention de ces services, ne ressortissent pas au domaine de la loi. Ainsi, l’établissement pénitentiaire de Melun, qui accueille majoritairement des délinquants sexuels, met en œuvre des programmes appropriés de lutte contre la récidive, en matière sexuelle.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’un n’empêche pas l’autre ! L’élaboration de programmes appropriés à la situation de chaque détenu n’empêche pas que d’autres programmes puissent être mis en place au niveau national, de manière cohérente et homogène. Si tel était le cas, un même programme pourrait être appliqué dans différents sites, permettant ainsi aux détenus transférés d’un établissement à un autre d’en conserver le bénéfice.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 ter.
(L'article 4 ter est adopté.)
Article 4 quater
Au début de l'article 3 de l'ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les droits d'expression et de manifestation sont reconnus aux personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire dans les conditions prévues aux titres Ier et II du statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales, sous réserve de l'alinéa suivant. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 288, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire exercent leurs droits d'expression et de manifestation dans les conditions prévues par leur statut.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La commission des lois a introduit un article 4 quater relatif aux droits d’expression et de manifestation des personnels de l’administration pénitentiaire. Cet article vise à reconnaître ces droits au personnel des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire, par référence au statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les personnels pénitentiaires, compte tenu des missions de sécurité qui leur sont confiées, sont soumis à un statut spécial, qui découle de l'ordonnance du 6 août 1958. Ce statut spécial, à l’instar de celui auquel sont soumis les policiers, déroge au statut général de la fonction publique.
Cet amendement vise à lever l’ambiguïté que constitue la référence à ce statut général, puisque ces droits ne peuvent s’exercer que dans la limite du statut spécial, qui n’a pas vocation à être modifié.
M. le président. L'amendement n° 80, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - À la fin de la seconde phrase du même article, les mots : « en dehors des garanties disciplinaires » sont remplacés par les mots : « dans le cadre des garanties disciplinaires fixées par le statut général de la fonction publique ».
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Pour notre part, nous soutenons la thèse contraire et souhaitons que prime le droit commun.
Nous ne contestons pas que le personnel de l’administration pénitentiaire soit soumis à un statut spécial. Néanmoins, nous nous demandons si les incidents qui pourraient survenir lors de l’exercice, par ce personnel, de ses droits à l’expression et à la manifestation de ses idées ne devraient pas relever d’une procédure disciplinaire proche de celle du droit commun. Aussi, notre amendement vise à garantir un certain nombre de droits au personnel de l’administration pénitentiaire en cas de procédure disciplinaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 288, l’article 1er de l’ordonnance du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire permet au Gouvernement de déroger, par décret, au statut général de la fonction publique.
L’introduction du droit commun dans les établissements pénitentiaires au profit tant des détenus que des personnels de l’administration pénitentiaire a constitué l’un des fils directeurs des travaux de la commission des lois, ainsi d’ailleurs que du Gouvernement si l’on évoque par exemple la formation et la compétence régionale.
L’article 4 quater du texte adopté par la commission présente un double intérêt, symbolique et juridique.
Sur le plan symbolique, il consacre dans la loi la soumission au droit commun des droits d’expression et de manifestation des personnels du service déconcentré de l’administration pénitentiaire, sous une double réserve : tout d’abord, le maintien de la prohibition de toute cessation concertée du service et de tout acte collectif d’indiscipline caractérisée ; ensuite, la possibilité de sanctionner ces faits en dehors des garanties disciplinaires lorsqu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public.
Je rappelle à cet égard, même si cela va de soi, que le statut général de la fonction publique s’applique aux personnels de l’administration pénitentiaire sans qu’il soit besoin de le préciser dans la mesure où il n’y est pas dérogé. Il en va de même de tous les fonctionnaires soumis à un statut spécial.
Le texte de la commission présentait néanmoins un intérêt juridique dans la mesure où il interdisait au pouvoir réglementaire d’apporter d’autres restrictions aux droits d’expression et de manifestation des personnels que celles qui sont prévues par l’ordonnance.
Il est vrai que l’amendement du Gouvernement fait perdre cet intérêt à l’article 4 quater, mais je ne pense pas que le Gouvernement ait l’intention de modifier quoi que ce soit sur ce point. Nous sommes en fait dans le domaine du symbole. En tout état de cause, il sera intéressant que les droits d’expression et de manifestation du personnel restent inscrits dans la loi.
La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 288 du Gouvernement.
J’en viens à l’amendement no 80, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste. L’article 3 de l’ordonnance de 1958 prohibe toute cessation concertée du service et tout acte collectif d’indiscipline caractérisée de la part des personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire. On ne peut effectivement pas imaginer une administration pénitentiaire à éclipse, car il faut s’occuper des personnes détenues.
L’article 3 de l’ordonnance prévoit que ces faits peuvent être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires lorsqu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public. Des règles similaires sont d’ailleurs prévues pour les personnels de la police nationale.
Les événements du passé montrent qu’il faut à tout prix prévenir le risque de voir les personnes détenues livrées à elles-mêmes au sein d’un établissement pénitentiaire.
Telle est la raison pour laquelle il ne paraît vraiment pas souhaitable d’aligner le statut des personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire sur le statut général de la fonction publique.
Il convient par ailleurs d’observer que les contraintes de ce statut spécial ont pour corollaire des avantages, notamment en termes de retraite et de traitement, qu’un alignement sur le statut général de la fonction publique supposerait de remettre en cause.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C’est la raison pour laquelle la commission est résolument défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 80 ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 288.
M. Jean-Pierre Sueur. La commission des lois a élaboré une rédaction qui protège véritablement les droits des personnels pénitentiaires sans créer aucune difficulté par rapport aux valeurs de responsabilités et de sécurité, auxquelles nous sommes tous très attachés.
Madame le garde des sceaux, dès lors qu’existe l’article 3 de l’ordonnance du 6 août 1958, qui limite très précisément les conditions de manifestation des personnels pénitentiaires, et qu’il n’est pas question de le supprimer, je me demande en quoi l’amendement no 288 du Gouvernement changerait les choses par rapport aux droits d’expression garantis par le statut général de la fonction publique.
Je considère que cet amendement ne modifie pas substantiellement la situation. Je ne vois donc que des avantages à conserver la rédaction de la commission des lois qui se réfère au statut de la fonction publique tout en prenant en compte les restrictions qui figurent dans l’ordonnance de 1958.
J’espère être clair : dès lors que l’article 3 de l’ordonnance est maintenu, je ne vois vraiment pas ce qui serait interdit par le statut spécifique à la fonction publique pénitentiaire et autorisé par le statut de la fonction publique.
Il me semble donc beaucoup plus cohérent de se référer au statut général de la fonction publique, comme le propose la commission des lois.
Nous voterons par conséquent contre l’amendement du Gouvernement afin de soutenir la rédaction de la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À la réflexion, cet article n’était peut-être pas indispensable. Sans doute avons-nous voulu trop bien faire !
Le statut des personnels de l’administration pénitentiaire, c’est bien évidemment le statut de la fonction publique assorti de dispositions particulières. Il est inutile de répéter dans chaque loi des dispositions qui figurent déjà dans d’autres lois.
M. René Garrec. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les éléments du statut général s’appliquent à tous les fonctionnaires, et s’y s’ajoutent les éléments du statut spécial, propre aux personnels pénitentiaires. Jamais il n’est venu à quiconque l’idée de faire la même chose pour les personnels de la police nationale ! Et soudain, on se pose des questions.
L’amendement n° 80 porte sur un autre aspect.
M. Alain Anziani. Il s’agit des garanties disciplinaires !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, c’est autre chose ! Mais l’amendement du Gouvernement, en se référant au statut des personnels de l’administration pénitentiaire, a l’avantage de la simplicité. Il n’y aurait plus lieu de s’interroger sur les éventuelles dérogations qu’il faudrait apporter au statut général de la fonction publique.
Cela vaut d’ailleurs pour tous les fonctionnaires. Le statut de la fonction publique territoriale comprend les éléments généraux qui s’appliquent à l’ensemble de la fonction publique et le statut spécial.
Il n’y a pas lieu d’énumérer les différents éléments du statut de la fonction publique. En revanche, les éléments du statut spécial sont forcément déclinés dans les textes concernés.
M. Jean-Pierre Sueur. Ils ne figurent pas dans le texte !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas l’objet du projet de loi. Pourquoi répéter les mêmes choses dans toutes les lois ?
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne fais que défendre la position de la commission, et vous me le reprochez !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez le droit de défendre cette position, mais j’ai aussi le droit de ne pas être totalement d’accord ou d’avoir réfléchi depuis !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes contre le texte élaboré par la commission : c’est un paradoxe !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Des paradoxes, je vous en trouverai sans doute beaucoup avant la fin de ce débat !
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai le droit de défendre la position de la commission !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certes, mais compte tenu du présent débat, qui est tout à fait secondaire, je considère qu’il aurait mieux valu supprimer l’article 4 quater. Cela nous aurait évité un débat qui ne me paraît pas essentiel.
Le fait de se référer au statut général des fonctionnaires aboutit immédiatement à ce que des collègues déposent un amendement visant à prévoir l’application aux personnels de l’administration pénitentiaire de l’ensemble du statut général de la fonction publique et se demandent quelles dispositions du statut spécial doivent être supprimées.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. M. Hyest a été très clair.
Permettez-moi de vous rappeler les termes du nouvel alinéa présenté par l’article 4 quater du texte de la commission : « Les droits d’expression et de manifestation sont reconnus aux personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire dans les conditions prévues aux titres Ier et II du statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales, sous réserve de l’alinéa suivant. »
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cette rédaction, quelque peu ambiguë, risque de provoquer des contentieux ou des recours.
C’est pourquoi l’amendement du Gouvernement précise que « les personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire exercent leurs droits d’expression et de manifestation dans les conditions prévues par leur statut. »
Cet amendement lève toute ambiguïté, donc tout risque de contentieux. Il ne s’agit pas de revenir sur la rédaction ou sur l’esprit de l’article qui a été adopté par la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. J’écoute toujours avec une grande attention les propos de M. Hyest. Depuis hier, il nous explique qu’il est inutile de répéter dans la loi les principes généraux, tout ce qui n’est pas normatif. Je le comprends fort bien.
Pourtant, c’est exactement ce que nous faisons lorsque nous précisons que les personnels de l’administration pénitentiaire sont soumis au statut général de la fonction publique de l’État. Peut-on imaginer que tel ne soit pas le cas, que le statut des fonctionnaires de l’État ne s’applique pas aux fonctionnaires de l’administration pénitentiaire ? Il est bien évident que la réponse est négative.
Cet amendement tombe donc dans la catégorie des amendements non normatifs que vous pourfendez à juste titre, monsieur le président de la commission.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je suis tellement d’accord avec M. Yung que je considère qu’il vaudrait mieux retirer l’article 4 quater !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous pouvez voter contre, mais pas le retirer !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il suffit de ne pas l’adopter !
Nous proposons que cet article ne figure pas dans la loi. À cette fin, nous demandons au Sénat de voter contre.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est votre position, mais pas celle de la commission des lois !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai quelques difficultés à m’y retrouver.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous n’êtes pas la seule !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’article 4 quater de la commission a un sens différent du texte qui nous est proposé par l’amendement no 288. Je tenais donc, moi aussi, à défendre le texte adopté par la commission.
M. le président de la commission des lois invite à l’instant le Sénat à voter contre l’article présenté par la commission.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est étrange !
M. Richard Yung. C’est curieux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il me semble néanmoins que ceux qui ont soutenu cette rédaction en commission pourront également la soutenir en séance publique.
M. le président. En conséquence, l’article 4 quater est ainsi rédigé, et l'amendement n° 80 n'a plus d'objet.
Article 4 quinquies
Les fonctionnaires de l'administration pénitentiaire sont tenus de suivre une formation initiale et continue adaptée à la nature et à l'évolution de leurs missions.
Ils participent, à leur demande ou à celle de l'administration, aux actions de formation ou de perfectionnement assurées par l'École nationale de l'administration pénitentiaire, les services déconcentrés ou tout autre organisme public ou privé de formation. – (Adopté.)
Article 5
I. - La protection de l'État dont bénéficient les agents publics de l'administration pénitentiaire en vertu de l'article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires couvre les préjudices qu'ils subissent à l'occasion ou du fait de leurs fonctions.
Elle est étendue à leurs enfants, leurs ascendants directs, leurs conjoints, leurs concubins ou aux personnes auxquelles ils sont liés par un pacte civil de solidarité lorsque, du fait des fonctions de ces agents, ils sont victimes de menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages.
II. - Au premier alinéa du I de l'article 112 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, les mots : « les agents des services de l'administration pénitentiaire, » sont supprimés. – (Adopté.)
Section 2
De la réserve civile pénitentiaire
Article 6
Il est créé une réserve civile pénitentiaire destinée à assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, de contrôle de l'exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice, ainsi que de coopération internationale.
La réserve est exclusivement constituée de volontaires retraités, issus des corps de l'administration pénitentiaire.
Un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour des motifs incompatibles avec l'exercice des missions prévues au premier alinéa ne peut se porter volontaire pour entrer dans la réserve civile.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 82 rectifié est présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 222 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 82 rectifié.
M. Richard Yung. Mes propos, qui viseront à exposer la position générale du groupe socialiste sur la proposition de création d’une réserve civile pénitentiaire, vaudront également pour les articles 7, 8 et 9.
L’idée est de créer une réserve civile pénitentiaire constituée de volontaires retraités, issus des corps de l’administration pénitentiaire.
Aux termes du texte, leur mission serait de nature sécuritaire, puisqu’elle consisterait à assurer la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, c’est-à-dire, si nous comprenons bien, à surveiller les palais de justice et à effectuer le contrôle de sécurité à l’entrée des tribunaux.
La réserve civile pénitentiaire n’assurerait pas la sécurité dans les établissements pénitentiaires, puisque cette mission ne relève pas de sa compétence. En revanche, elle participerait à des missions de coopération internationale, ce qui nous a étonnés, car c’est l’image de la France dans ce domaine qui est en jeu. Vous avouerez qu’il est assez curieux de faire appel, pour mettre notre savoir-faire à disposition de pays voisins, à des personnels retraités qui ne sont plus en activité depuis cinq ans au maximum, et qui, par conséquent, ne sont plus au fait des nouveautés et des dernières techniques employées ! Nous connaissons bien cela dans d’autres secteurs d’activité.
Nous nous posons donc des questions et émettons des doutes sur les missions qui seraient confiées à cette réserve civile pénitentiaire. En réalité, nous sommes même opposés à la création de cette réserve.
Nous considérons que la situation dans les établissements pénitentiaires, qui a été longuement décrite, est catastrophique. Il manque un certain nombre de personnels pour assurer l’encadrement nécessaire afin que nos établissements pénitentiaires soient convenables et ne soient plus montrés du doigt par les différentes administrations, par les corps de contrôle européens, peut-être même par les anglais…
Nous pensons que la création de cette réserve ne réglera pas du tout la question. La solution au vrai problème, celui dont on devrait s’occuper, nous la connaissons : c’est bien sûr le recrutement et la formation de nouveaux personnels pénitentiaires qui seront affectés à plein-temps dans la prison.
Nous estimons également – je l’ai déjà dit hier, et je n’y reviens donc pas – que la politique pénale en amont doit être révisée.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons que les articles prévoyant le principe d’une réserve pénitentiaire civile soient supprimés.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 222.
Mme Éliane Assassi. Il s’agit ici de créer une réserve civile pénitentiaire afin d’assurer des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements pénitentiaires.
À l’instar de ce qu’avait fait la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure en créant une réserve civile de la police nationale, l’actuel gouvernement souhaite créer une réserve civile pénitentiaire. Mais la création d’une telle réserve ne va pas de soi, et nous nous devons de nous interroger sur les fondements de cette décision.
En effet, il n’a échappé à personne que la création d’une réserve civile pénitentiaire tend principalement à pallier le manque d’effectifs des personnels pénitentiaires, en permettant à l’administration pénitentiaire de faire appel à des personnels retraités.
Deux questions se posent alors.
Si les effectifs sont insuffisants pour assurer la sécurité, ce qui est effectivement le cas puisque le nombre de détenus a augmenté plus rapidement que le nombre de surveillants, pourquoi l’État ne recrute-t-il pas plus de personnels ? Ou alors, ne faudrait-il pas vider les prisons en stoppant l’escalade sécuritaire ? (Protestations sur les travées de l’UMP.) Mes chers collègues, poussons le raisonnement à son terme ! Certaines questions appellent une réponse par l’absurde, et ce pourrait en être une !
Par ailleurs, la création d’une réserve civile pénitentiaire constituée de personnels à la retraite risque, à terme, de remettre en cause l’âge de départ à la retraite des personnels pénitentiaires. Aujourd’hui, l’âge minimal de départ à la retraite est de cinquante-cinq ans pour cette catégorie de personnel. Cet aménagement de la législation traduit la prise en compte de la pénibilité de leur travail.
Mais si, demain, ces personnels, même retraités, peuvent reprendre leur activité dans les établissements pénitentiaires afin d’assurer des missions de sécurité, pourquoi le Gouvernement ne proposerait-il pas, à terme, de relever l’âge de départ à la retraite ?
Cette disposition, qui crée, à n’en pas douter, une faille dans la reconnaissance de la pénibilité de la profession de surveillant pénitentiaire, ne vise qu’à pallier le manque de personnels pénitentiaires.
Étant opposés à ce choix, nous demandons la suppression de l’article 6, ainsi que des articles 7, 8 et 9, et nous considérons que les amendements nos 223, 224 et 225 sont défendus.
M. le président. L'amendement n° 83 rectifié, présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
de renforcement de la sécurité
par les mots :
d'insertion, de formation, d'encadrement des activités sportives, d'extractions
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 281, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, supprimer les mots :
, de contrôle de l'exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice,
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La commission des lois a ajouté une mission supplémentaire aux personnels de la réserve civile pénitentiaire, le contrôle de l’exécution de mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice.
La réserve civile pénitentiaire a fait l’objet d’une expérimentation portant sur la sécurité des tribunaux. J’ai souhaité que cette réserve civile figure dans un texte législatif, au même titre que la réserve de la police nationale.
Imposer une nouvelle mission à cette réserve civile reviendrait à en dénaturer l’objet initial. La surveillance des personnes placées sous bracelet électronique, qui sont écrouées, ne peut être confiée qu’à des personnels de surveillance en activité et non à des réservistes, pour les raisons que je viens de vous indiquer.
Tel est l’objet de l’amendement n° 281.
M. le président. L'amendement n° 289, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
Les réservistes sont soumis au code de déontologie du service public pénitentiaire.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’amendement n° 289 vise, pour répondre aux craintes exprimées par un certain nombre de personnes, à soumettre les membres de la réserve civile pénitentiaire au code de déontologie du service public pénitentiaire.
Je rappelle que cette réserve sera composée exclusivement de volontaires, qui feront l’objet d’une sélection stricte, puisqu’ils devront remplir des conditions d’aptitude précisées par décret en Conseil d’État. En tout état de cause, un agent ayant fait l’objet d’une sanction disciplinaire pour un motif incompatible avec l’exercice des missions de la réserve ne pourra être engagé.
Les amendements identiques nos 82 rectifié et 222 tendent à supprimer la réserve pénitentiaire.
La commission a non seulement approuvé la création d’une réserve civile pénitentiaire, mais elle a étendu le champ des missions de cette dernière : alors que le Gouvernement avait simplement prévu des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, ainsi que des missions de coopération internationale, la commission a ajouté le contrôle de l’exécution des mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice.
La réserve civile pénitentiaire reposera sur le volontariat. Il en existe une dans bien d’autres corps de l’administration, notamment la police nationale, où elle est obligatoire. Dès lors, rien ne paraît devoir s’opposer à sa création.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 82 rectifié et 222.
L’amendement n° 83 rectifié a pour objet, d’une part, d’exclure toute participation de la réserve civile pénitentiaire à des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, d’autre part, de lui confier des missions d’insertion, de formation, d’encadrement des activités sportives et d’extractions.
Sur le fond, il apparaît pour le moins singulier à la commission de vouloir exclure toute participation de la réserve civile pénitentiaire à des missions de renforcement de la sécurité dans les établissements et bâtiments relevant du ministère de la justice, notamment les tribunaux, et de lui confier des missions d’extractions des détenus, qui sont ô combien plus dangereuses et qui relèvent des compétences régaliennes de l’administration pénitentiaire. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 83 rectifié.
J’en arrive à l’amendement n° 281 du Gouvernement. Les mesures de surveillance électronique des personnes placées sous main de justice connaissent actuellement une forte croissance : le nombre des bracelets électroniques utilisés simultanément est désormais supérieur à 3 000 pour le placement sous surveillance électronique « fixe », le PSE, et d’une vingtaine pour le placement sous surveillance électronique mobile, le PSEM.
Le projet de loi pénitentiaire tend à favoriser largement le développement de ces mesures de surveillance électronique, notamment en créant l’assignation à résidence avec surveillance électronique, destinée à limiter le recours à la détention provisoire, et en posant le principe du placement sous surveillance électronique des personnes détenues condamnées à de courtes peines d’emprisonnement dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à quatre mois.
Le contrôle de l’exécution de ces mesures pourrait utilement être confié aux réservistes de l’administration pénitentiaire, car il ne les expose guère à des risques. Cela permettrait aux surveillants en activité de se consacrer à d’autres tâches, plus exposées.
Les personnes qui travailleront dans la réserve civile pénitentiaire sont encore jeunes. Mme Assassi pourrait en faire partie (Mme Éliane Assassi rit.), mais elle est l’une des rares ici, puisque l’âge de la retraite dans l’administration pénitentiaire est de cinquante-cinq ans, voire de cinquante ans, donc cinq ans plus tôt si les agents peuvent justifier de vingt-cinq années de service effectif. Il n’y a donc pas de réel problème d’incompatibilité physique, si je puis m’exprimer ainsi, pour exercer ce type de mission.
Les missions liées à la coopération internationale ne représenteront pas l’essentiel de la mission de la réserve pénitentiaire. Il ne reste donc que les fonctions de surveillance des bâtiments dépendants du ministère de la justice. C’est pourquoi il me paraissait réellement intéressant de prévoir que cette réserve civile pourrait se préoccuper en outre du contrôle du placement sous surveillance électronique.
J’entends les arguments avancés concernant la nature régalienne de ces fonctions. Mais où commence et où finit le caractère régalien ? Je serais tenté de dire, par exemple, que des fonctions d’extractions, visées par l’amendement n° 83 rectifié, me paraissent ô combien plus régaliennes que les missions de surveillance qui consistent à rester derrière un écran et à vérifier que la mise en place d’un dispositif d’alarme ne pose aucun problème.
On pourrait d’ailleurs très bien concevoir que cette réserve civile pénitentiaire soit cantonnée à ce rôle face à l’écran, et que les vérifications à domicile, missions plus régaliennes, soient effectuées par les personnels de l’administration, directement envoyés sur place.
« Les chants désespérés sont les chants les plus beaux… » Mes collègues de l’opposition ne sont pas favorables à la mise en place d’une réserve civile pénitentiaire, et le Gouvernement, quant à lui, souhaite limiter le champ d’action de cette réserve civile pénitentiaire à la portion congrue. Je pense pour ma part que, si l’on décide de créer cette réserve, il faut faire en sorte de lui donner des compétences plus nombreuses.
Je n’irai pas jusqu’à émettre un avis favorable sur l’amendement du Gouvernement. Ce serait me donner à moi-même un avis défavorable, que je ne pense pas mériter sur ce point. Je me contenterai donc de m’en remettre à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour compléter l’argumentation de la commission, j’ajouterai que l’opération de pose d’un bracelet électronique peut se révéler dangereuse pour celui qui l’effectue, par exemple dans un quartier difficile. Quant à la surveillance électronique, on ne peut pas diviser la mission de sécurité et dire que les réservistes pourraient s’occuper de la surveillance devant les écrans mais qu’ils ne pourraient être envoyés sur place en cas de problème. Cela rendrait l’organisation et la gestion encore plus complexes.
En outre, je rappelle que, dans la police nationale, les réservistes ont pour mission, par exemple, d’accompagner le Tour de France. Ils ne sont pas chargés de missions de sécurité ou de missions régaliennes. Par conséquent, si le texte de la commission était adopté, les réservistes de l’administration pénitentiaire seraient les premiers à accomplir une mission régalienne.
Si l’on dit que surveiller n’est pas très compliqué, on en vient à considérer que la sécurité et la surveillance des personnes écrouées ne relèvent plus d’une mission régalienne, même si ces personnes sont dangereuses.
Or les personnes placées sous bracelet électronique mobile – une petite vingtaine, comme vous l’évoquiez – sont généralement des délinquants très lourds : l’expérimentation effectuée grâce au Sénat s’adressait en effet en premier lieu aux pédophiles, délinquants au profil généralement extrêmement dangereux.
S’agissant des amendements identiques nos 82 rectifié et 222, le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable, puisque la création de la réserve civile pénitentiaire constitue un élément fondamental dans l’effort de sécurisation des établissements, bâtiments et services relevant du ministère de la justice, les juridictions pour l’essentiel.
Aujourd'hui, le bilan que l’on peut tirer de l’expérimentation sur une durée de près d’un an est extrêmement positif. Les réservistes ont donné entière satisfaction à plusieurs égards, notamment par leur connaissance du milieu judiciaire, leur savoir-faire dans la gestion des incidents et de la sécurité.
Depuis 2006, l’expérimentation dans trois cours d’appel puis la généralisation de la mesure ont abouti à l’emploi d’environ cent quarante agents de sûreté chaque année.
Monsieur le rapporteur, vous évoquiez tout à l'heure les missions de coopération internationale pouvant être confiées à des personnes ayant cessé leur activité. Il ne me paraît pas déshonorant d’envoyer à l’étranger des directeurs, jeunes retraités, possédant des connaissances étendues et une grande expérience afin de contribuer à la promotion de l’action de la France au-delà de nos frontières.
M. Richard Yung. Pendant un an, soit, mais pas plus !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’amendement n° 83 rectifié appelle les mêmes observations de ma part, puisqu’il vise à confier des missions d’insertion et de probation à la réserve civile.
M. Richard Yung. Comme dans le Tour de France !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Les missions d’insertion et de probation n’ont rien à voir avec l’accompagnement du Tour de France ! Elles sont extrêmement importantes non seulement pour la réinsertion des personnes détenues, mais également pour la sécurité de nos concitoyens. Par conséquent, laissons-les aux professionnels.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 83 rectifié.
En revanche, il est favorable à l’amendement n° 289.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 82 rectifié et 222.
M. Jean-Pierre Michel. Je soutiens les amendements nos 82 rectifié et 222, et notre groupe votera contre l’article 6.
Les débats qui viennent d’avoir lieu au travers de la présentation des amendements montrent la très grande incertitude relative à cette section du texte consacrée à la réserve civile pénitentiaire.
Qui sont les réservistes en question ? Quels seront leur statut et leurs moyens ?
Tout d’abord, puisque Mme le garde des sceaux nous dit qu’une expérimentation a déjà eu lieu, cela signifie que des retraités de l’administration pénitentiaire effectuent d’ores et déjà des tâches de surveillance. Comment ont-ils été recrutés ?
Sachant que l’expérimentation a été mise en place sans disposition législative à cet égard, pourquoi faut-il inscrire dans une loi le statut de cette réserve ?
Si c’est une nécessité, l’expérimentation en cours est totalement illégale et ne devrait pas avoir lieu. Sur quelles bases juridiques se fonde-t-elle ?
Il y a là une contradiction que je ne comprends pas, et je souhaite que Mme la ministre m’apporte quelques éclaircissements à ce sujet.
Ensuite, cette disposition constitue la sanction du manque de moyens de l’administration pénitentiaire. Lorsque les moyens sont insuffisants pour assurer toutes les missions nécessaires, il est fait appel aux retraités, que l’on appelle « la réserve ». Que feront-ils ? Pourront-ils exercer des missions de contrôle et de sécurité ? Non, nous dit-on.
En dépit du travail intense de la commission et surtout du rapporteur, l’article 6 est mal rédigé, car ce point n’a pas été approfondi.
En effet, les missions de contrôle et de sécurité sont des missions régaliennes, qui appellent des moyens, notamment la nécessité d’être éventuellement armé. Les réservistes auront-ils l’usage d’une arme pour exécuter, dans des conditions quelquefois très difficiles, ces missions de contrôle, de sécurité et de surveillance des personnes portant un bracelet électronique ? Auront-ils seulement le droit d’en porter une ? Vraisemblablement, non !
Le texte ne dit rien sur les moyens dont disposeront les réservistes.
Enfin, M. le rapporteur, n’ignorant pas que cet article est un embrouillamini très mauvais, nous objecte que les réservistes seront soumis au code de déontologie. La belle affaire ! Que cela signifie-t-il ?
Les réservistes seront-ils recrutés en application d’une loi et non pas d’une simple circulaire ? Mais il est vrai que pour Mme le garde des sceaux, « chef des procureurs », les circulaires ont presque force de loi ! J’y reviendrai ultérieurement dans le débat.
Les réservistes resteront-ils membres du corps des personnels de surveillance des établissements pénitentiaires ? Telle est la vraie question. Si la réponse est « oui », le code de déontologie s’appliquera naturellement. Dans le cas contraire, les réservistes ne pourront exercer aucune des missions de contrôle et de sécurité dévolues aux surveillants des établissements pénitentiaires. Il faudra leur en confier d’autres.
Tel est bien le sens de l’amendement n° 83 rectifié du groupe socialiste : si vous ne disposez pas des moyens suffisants, confiez aux réservistes des missions d’insertion – accompagnement, surveillance des activités sportives, culturelles et du travail en prison – qui n’exigent pas le port d’une arme, puisqu’il ne s’agit pas de missions de sécurité et de contrôle. Une telle disposition permettrait de pallier le manque criant de personnel à l’intérieur des prisons. Mais vous n’y êtes pas favorables.
Quant à confier aux réservistes des missions dans le cadre de la coopération internationale, pourquoi pas ? On peut les envoyer à l’étranger dispenser des cours pour présenter l’administration pénitentiaire française, qui, même si elle est « une honte pour la République », selon les termes du président Hyest, est tout de même meilleure que celle de certains pays.
Telles sont les raisons pour lesquelles il faut à tout prix voter l’amendement n° 82 rectifié et les suivants, qui visent à supprimer toute cette partie du texte consacrée à la réserve civile pénitentiaire.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons indiqué dans le rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France que les prisons françaises étaient une humiliation pour la République.
Mais je n’ai jamais, au grand jamais, mis en cause les personnels ; bien au contraire, j’en ai toujours fait l’éloge, parce qu’ils exercent un métier extrêmement difficile.
M. Jean-Pierre Michel. J’ai parlé un peu rapidement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Comme votre phrase était pour le moins ambiguë, mon cher collègue, je tenais à le rappeler de façon très claire.
M. Jean-Pierre Michel. Je vous en donne acte !
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. La création d’une réserve civile pénitentiaire me paraît une bonne idée. En tout cas, elle vaut la peine d’être expérimentée, car il est intelligent de ne pas se priver des compétences de personnes encore relativement jeunes, qui ont été sélectionnées sur des bases non contestables, puisqu’il s’agit de recourir non pas à des personnes n’ayant jamais exercé cette profession auparavant, mais à d’anciens agents ayant fait leur carrière dans l’administration pénitentiaire. C’est donc plutôt une bonne chose.
Le statut des réservistes est précisé dans le projet de loi. Quant à la question de savoir s’ils feront partie du corps des personnels de surveillance des établissements pénitentiaires, il faudra apporter une réponse à cet égard.
S’agissant du port d’armes, contrairement à notre collègue Jean-Pierre Michel, j’avais compris, pour ma part, qu’il ne posait pas de difficultés pour les réservistes.
En effet – et là, je m’oppose à l’un des arguments avancés par le Gouvernement pour justifier la réserve –, la mission qu’il est proposé de confier à la réserve est à mon avis régalienne. On ne peut affirmer que certains aspects de la mission sont régaliens, alors que d’autres aspects ne le seraient pas ! C’est tout ou rien ! Dans la mesure où les réservistes exerceront une mission qui leur sera confiée par l’État, par la puissance publique, leur statut est régalien.
Je souhaite également soulever un autre point important. S’agissant des bracelets électroniques mobiles, nous sommes encore dans une phase expérimentale de ce dispositif attendu par tout le monde depuis longtemps. Dans sa phase actuelle de montée en puissance, ce dispositif nécessite une vigilance particulière, car le moindre incident déclencherait des remous dans l’opinion.
Par conséquent, nous ne devons pas prendre le moindre risque concernant le suivi des bracelets électroniques fixes et a fortiori mobiles.
Dans la mesure où les réservistes exerceront leur profession à temps partiel – j’ai compris que ce serait un petit mi-temps –, il y a un risque de distension de leurs liens avec la hiérarchie et, peut-être, de relâchement disciplinaire, risque qui existe moins chez le personnel pénitentiaire travaillant à temps plein.
C’est la raison pour laquelle l’amendement n° 281 du Gouvernement me paraît judicieux. Si, plus tard, il faut attribuer aux réservistes des missions complémentaires, nous le ferons, mais, dans un premier temps, ne leur confions pas le suivi des personnes portant un bracelet électronique.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plus le débat se développe, plus la question devient complexe et plus je suis confortée dans l’idée qu’il ne faut surtout pas voter la création de la réserve civile pénitentiaire. Je vous le dis nettement, nous sommes contre la réserve civile pour les raisons exposées précédemment par ma collègue Éliane Assassi.
Je fais d’ailleurs observer que, actuellement, la situation est telle que nous devrions nous soucier moins du sort des retraités que de celui des nombreux jeunes qui veulent travailler…
Entre l’idée de faire garder l’entrée des tribunaux par des personnes dites à la retraite et le flou de notre débat sur les tâches que l’on veut confier à la réserve civile, il y a un monde ! On s’interroge : port d’arme ou non ? Quelles missions ? Jusqu’où ? C’est incroyable ! Nous sommes en pleine confusion !
Puisque vous ne savez pas exactement quelles missions pourraient être confiées aux réservistes – surveiller un écran, poser un bracelet, aller chercher quelqu’un qui a ôté son bracelet, etc. –, incertitude à laquelle s’ajoute la question du port d’arme, je vous invite instamment, mes chers collègues, à ne pas accepter la création de la réserve civile pénitentiaire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 82 rectifié et 222.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
Article 7
Les agents mentionnés à l'article 6 peuvent demander à rejoindre la réserve civile pénitentiaire dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service.
Les volontaires doivent remplir des conditions d'aptitude. Ceux dont la candidature a été acceptée souscrivent un engagement contractuel d'une durée minimum d'un an renouvelable. Ils apportent leur soutien aux services relevant du ministère de la justice, dans la limite de cent cinquante jours par an.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 84 rectifié est présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 223 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Ces amendements n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 57 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les agents mentionnés à l'article 6 participent, à leur demande ou à celle de l'administration, aux actions de formation ou de perfectionnement assurées par l'École nationale de l'administration pénitentiaire, les services déconcentrés ou tout autre organisme public ou privé de formation.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Sur le principe, je suis opposée à la réserve civile, mais, puisque celle-ci est destinée à voir le jour, je vous propose, par le présent amendement, de renforcer le cadre d’intervention des réservistes, en précisant que ces agents pourront participer, « à leur demande ou à celle de l’administration, aux actions de formation ou de perfectionnement » adaptées à l’évolution de leur mission.
Je rappelle en effet que ces agents seront exclusivement des « volontaires retraités, issus des corps de l’administration pénitentiaire ». Ces volontaires pourront « demander à rejoindre la réserve civile pénitentiaire dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service. »
Nous savons qu’en cinq années la prison bouge – du moins j’espère qu’elle sera amenée à le faire grâce à la présente loi ! – et que les réservistes devront prendre connaissance des changements intervenus. Cela doit se faire dans le cadre de formations adaptées, que ce soit dans des organismes privés ou – ce qui serait encore mieux – auprès de l’École nationale d’administration pénitentiaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La rédaction proposée dans cet amendement constitue très largement un décalque du second aliéna de l’article 4 quinquies, qui vise les fonctionnaires en activité.
Aux termes de l’article 7, les réservistes « souscrivent un engagement contractuel d’une durée minimum d’un an renouvelable. Ils apportent leur soutien aux services relevant du ministère de la justice, dans la limite de cent cinquante jours par an. » Une formation peut donc se révéler utile.
La commission émet par conséquent un avis favorable sur l’amendement n° 57 rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC-SPG ne vote pas pour cet amendement !
M. Richard Yung. Nous non plus !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les socialistes sont contre la réserve, donc ils ne peuvent voter pour la formation des réservistes. C’est logique !
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.
Article 8
Le réserviste qui effectue les missions prévues à l'article 6 au titre de la réserve civile pendant son temps de travail doit obtenir, lorsque leur durée dépasse dix jours ouvrés par année civile, l'accord de son employeur, sous réserve de dispositions plus favorables résultant du contrat de travail, de conventions ou accords collectifs de travail, de conventions conclues entre l'employeur et le garde des sceaux, ministre de la justice.
Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. Il fixe notamment les conditions d'aptitude ainsi que le délai de préavis de la demande d'accord formulée auprès de l'employeur en application du présent article ainsi que le délai dans lequel celui-ci notifie à l'administration son refus éventuel.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 85 rectifié est présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 224 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Du fait des votes intervenus précédemment, ils sont devenus sans objet.
Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
Les périodes d'emploi des réservistes sont indemnisées dans des conditions fixées par décret.
Dans le cas où le réserviste exerce une activité salariée, son contrat de travail est suspendu pendant la période où il effectue des missions au titre de la réserve civile pénitentiaire. Toutefois, cette période est considérée comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés payés et de droits aux prestations sociales.
Aucun licenciement ou déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés à l'encontre d'un réserviste en raison des absences résultant des présentes dispositions.
Pendant la période d'activité dans la réserve, l'intéressé bénéficie, pour lui-même et ses ayants droit, des prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès, dans les conditions prévues à l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, du régime de sécurité sociale dont il relève en dehors de son service dans la réserve.
Un décret en Conseil d'État détermine en tant que de besoin les modalités d'application du présent article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 86 rectifié est présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 225 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Du fait des votes intervenus précédemment, ils sont devenus sans objet.
Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Division additionnelle après l'article 9
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre ...
Des lieux de détention
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Afin d’améliorer la lisibilité du projet de loi, nous proposons d’introduire une division additionnelle intitulée : « Des lieux de détention ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement, comme les quatre suivants, tend à fixer des garanties concernant les lieux de détention.
Les préoccupations exprimées étant déjà largement satisfaites par les dispositions proposées par la commission, cette dernière demande le retrait de l’amendement n° 87.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Jeannerot, l’amendement n° 87 est-il maintenu ?
M. Claude Jeannerot. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 9
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des établissements pénitentiaires situés près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale.
L'amendement n° 89, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit, doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l'espace au sol, le volume d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération.
L'amendement n° 91, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tous les locaux d'une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment.
Les détenus doivent jouir d'un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité.
Ces amendements ont été défendus.
Je les mets aux voix.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
CHAPITRE III
Dispositions relatives aux droits des détenus
Section 1
Dispositions générales
Article 10
L'administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge et de la personnalité des détenus.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. L’article 10 concerne les droits des détenus. Dans un instant, M. Anziani présentera, au nom de notre groupe, un amendement visant à ce que cet article mentionne également « l’état de santé » des détenus.
Les droits des détenus, est-il écrit dans l’article, ne peuvent faire l’objet « d’autres restrictions » que celles qui sont indiquées. Au seul énoncé de ces mots, nous dressons forcément l’oreille, nous y regardons à deux fois et nous commençons à nous inquiéter. SI certaines de ces restrictions sont de bon sens, d’autres sont vagues ; d’autres encore sont si générales que l’on se demande comment elles vont se traduire dans la réalité.
Ne sont considérées, dit le texte, que les restrictions résultant « des contraintes inhérentes à la détention » – voilà qui paraît de bon sens – « du maintien de la sécurité » –pourquoi pas ? – « et du bon ordre des établissements » – soit.
Ces restrictions, cependant, en raison de leur caractère éminemment flou, ont toujours permis aux établissements pénitentiaires de jouir, au fond, d’une autonomie considérable, car on peut tirer de telles phrases toutes les conséquences que l’on souhaite.
En effet, même si le juge administratif a progressé, dans les années récentes, vers davantage de contrôle – les détenus saisissent de plus en plus le Conseil d’État –, celui-ci n’intervient jamais qu’après les faits, et parfois longtemps après. C’est la même chose qui se passe avec les expulsions d’étrangers : quand les instances délibèrent et décident d’un cas, cela fait bien longtemps que la personne concernée est repartie dans son pays !
Les décisions interviennent bien trop tard pour peser réellement sur la vie des détenus. Les pratiques carcérales ne changent donc pas forcément.
Le projet de loi ajoute aux restrictions précédentes « la prévention de la récidive » et « l’intérêt des victimes », ce qui est très flou. Qu’entend-on vraiment par là ? En quoi la restriction des libertés de la personne incarcérée peut-elle porter atteinte aux intérêts des victimes ? C’est à l’administration pénitentiaire de l’apprécier.
Il est indiqué enfin : « Ces restrictions tiennent compte de l’âge et de la personnalité des détenus. » Tout à l’heure, nous demanderons que l’on tienne compte aussi de leur état de santé, ce qui, assez souvent, n’est pas le cas, faute de moyens.
Mais ce qui nous inquiète surtout, c’est que le projet de loi ne fait pas de différence entre les droits absolus et ceux qui peuvent être soumis, dans leur exercice quotidien, à de telles restrictions. Or, celles qui sont proposées sont générales et potentiellement considérables.
Le Comité des droits de l’homme de l’ONU relevait en juillet 2008 « les efforts notables entrepris par la France pour rénover les bâtiments pénitentiaires ». C’est donc qu’il y a tout de même quelques avancées dans ce domaine ! Les efforts en question, était-il précisé, visaient également à « augmenter le nombre de places pour les prévenus ». Or, malgré cela, le taux d’occupation des prisons est actuellement de 136 %.
Dans son rapport, le Comité soulignait encore le souci de « mettre au point des mesures de substitution à l’incarcération, comme le maintien en liberté sous surveillance ». Ce mouvement est toutefois beaucoup trop lent, même si les choses commencent à bouger.
Le Comité donnait donc « acte à la France des projets tendant à recueillir systématiquement des données sur les allégations de mauvais traitements par les représentants de forces de l’ordre ». Pour autant, il se déclarait inquiet de ce que ces projets ne permettaient pas toujours d’y voir très clair.
Nous rendons toujours hommage – et à juste titre – au travail de la police et des personnels pénitentiaires, mais il faut tout de même être objectif et reconnaître que certains agents sont moins bons que d’autres ! Parfois, des brutalités et des violences sont commises par les représentants des forces de l’ordre envers les détenus.
Dire cela n’est absolument pas mettre en question l’autorité et la bonne conduite d’une immense majorité de ces personnels. Le Comité faisait pourtant état de « préoccupations […] quant aux comportements non déontologiques de certains agents pénitentiaires, notamment le recours inapproprié à l’isolement cellulaire et les violences à l’intérieur de la prison ». D’où la nécessité de renforcer le contrôle des établissements pénitentiaires « de façon énergique ». C’est le travail du contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, qui apparaît comme un homme très soucieux de bien remplir la mission qui lui a été confiée.
Le Comité des droits de l’homme de l’ONU se déclarait également « préoccupé par les allégations indiquant que des étrangers dont des demandeurs d’asile, détenus dans des prisons » – où, à mon sens, ils n’ont rien à faire – « et des centres de rétention administrative sont l’objet de mauvais traitements de la part des agents des forces de l’ordre ».
Encore une fois, je rappelle que c’est le Comité, et non pas moi, qui relève ces allégations. Le rapport signale ensuite « que la France n’a pas ouvert d’enquête sur ces violations des droits de l’homme ni sanctionné comme il convient leurs auteurs. » Nous avons souvent eu, dans cette assemblée, l’occasion de nous préoccuper du sort des demandeurs d’asile et de regretter le tort que fait au renom de la France, au niveau international, la façon dont ils sont traités.
Le commissaire européen aux droits de l’homme souligne, dans son récent rapport du 20 novembre 2008, que la réforme proposée de la législation pénitentiaire ne doit pas occulter le respect des droits fondamentaux des personnes détenues. Or il constate lui aussi que « la diminution de la durée de placement en quartier disciplinaire » est une urgence, dont nous aurons à nous préoccuper.
Et, de ce point de vue, ni le Gouvernement, ni même la commission, à mon sens, ne vont assez loin dans le présent projet de loi. Le commissaire européen évoque aussi la nécessité d’un « encadrement de l’isolement » et celle de garantir « le doit effectif de vote ». En effet, ce dernier existe dans les textes, mais n’est pas toujours appliqué. Il est aussi fait mention du « maintien des liens familiaux », sur lequel nous reviendrons. Sur tous ces aspects, la France ne respecte pas nécessairement les recommandations qui lui ont été faites.
Le commissaire européen insiste également sur la nécessité de « garantir le principe de l’encellulement individuel, pour les prévenus », et j’ajouterai : « pour les autres aussi ». Nous avons déjà parlé de ce point et y reviendrons.
Il demande en outre de mettre fin aux conditions de détention que nous connaissons, à savoir « le surpeuplement, la promiscuité et la vétusté des installations et des conditions d’hygiène. » Tout cela a déjà été amplement décrit.
Pour terminer, je rappellerai que la Commission nationale consultative des droits de l’homme a elle aussi voulu se faire entendre sur le sujet. Elle s’est référée au rapport Canivet du 6 mars 2000, dont nous parlons sans cesse, pour considérer que, très souvent, dans les textes – aussi bien législatifs que réglementaires – une trop grande liberté d’appréciation est laissée à l’administration.
L’article 10 du projet de loi, par des recours abusifs à des formulations telles que les « contraintes inhérentes à la détention », le « maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements » ou encore la « prévention de la récidive et […] la protection de l’intérêt des victimes », n’encadre pas juridiquement la détention avec toute la précision et la prévisibilité qu’il faudrait.
Pour ces raisons, nous demandons non seulement qu’il soit tenu compte de l’âge du détenu, mais aussi que M. le rapporteur, dont la plume est d’une grande vélocité, veuille bien préciser, dans cet article, que les droits des détenus doivent être garantis sans aucune discrimination.
En effet, nous ne voulons pas que les restrictions prévues, qui doivent tenir compte de l’âge, de la personnalité ou encore, comme nous allons le proposer dans un instant, de l’état de santé des détenus, risquent de porter atteinte à l’universalité des droits des détenus.
Il nous paraît donc souhaitable – et nous demandons à M. le rapporteur de bien vouloir envisager une rectification de l’article dans ce sens – de préciser que « l’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits sans discrimination d’aucune sorte ». Les améliorations et les traitements particuliers que nous souhaitons voir accorder aux personnes âgées, malades ou à celles se trouvant dans un état mental déficient ne doivent pas signifier que les autres détenus peuvent être maltraités ou abandonnés !
Nous proposons donc que soient encadrés les pouvoirs du service public pénitentiaire. Nous ne devons laisser aucune possibilité à l’administration pénitentiaire d’agir de manière discrétionnaire. Il en va de l’honneur de notre administration.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, sur l'article.
M. Alain Anziani. Je n’ajouterai pas grand-chose à ce que vient de dire excellemment notre collègue Louis Mermaz. Je dirai simplement qu’en lisant cet article j’avais l’impression, parfois, qu’il était beau comme une règle pénitentiaire européenne, à ceci près, toutefois, qu’il est moins précis. Je fais miennes à cet égard les remarques que vient de formuler notre collègue.
Cela dit, je souhaiterais, monsieur le président, vous interpeller sur un autre point. Tout à l’heure, vous avez estimé que les amendements nos 88, 89 et 91 avaient déjà été défendus et que leur rejet était évident dans la mesure où l’amendement précédent, qui visait à introduire une division additionnelle après l’article 9, n’avait pas été adopté.
Or ce n’est pas mon opinion et je tenais à vous le signaler, même s’il est trop tard. En effet, ces trois amendements n’avaient strictement rien à voir avec l’amendement n° 87 puisqu’ils avaient pour objet de clarifier les droits du détenu dans les domaines de l’hygiène ou encore du rapprochement avec la famille. Ils traitaient également d’autres droits ayant trait à la dignité du détenu. Ils n’étaient donc pas automatiquement liés à celui qui les précédait.
M. le président. Je regrette, mon cher collègue, mais aucun des cosignataires n’a élevé d’objection lorsque j’ai dit qu’ils avaient été défendus, dans la mesure où ils étaient la conséquence de l’amendement rejeté.
M. Alain Anziani. Nous assumons.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis d’accord avec ce que vient de dire M. Mermaz.
Si nous avons ce débat, c’est que la prison a été une zone de non-droit pendant très longtemps. Il faut reconnaître les droits du détenu et admettre que la prison n’est que la privation de liberté et rien d’autre.
C’est ce qu’avait déjà cru bon de dire le président Giscard d’Estaing pour inaugurer son septennat. (Murmures amusés sur plusieurs travées.) Ne pensez pas que j’aie été une « groupie » de Valéry Giscard d’Estaing. (Sourires.) Je veux simplement rappeler que cette déclaration remonte à 1974. Nous étions tous nés, mais c’était tout de même il y a longtemps. Pourtant, encore aujourd'hui, je ne suis pas sûre que cette assertion ait été assimilée.
M. Bernard Saugey. La gauche a été aux affaires entre-temps !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, il y a eu des progrès, et l’Europe nous entraîne. Du point de vue juridictionnel, en 2008, le Conseil d’État a rendu plusieurs décisions qui ont marqué une avancée importante et qui viennent compléter une jurisprudence plus protectrice du droit des détenus. Un des commissaires du Gouvernement, dans un exercice de communication assez inhabituel pour le Conseil d’État, avait affirmé que le juge administratif prenait ses responsabilités de juge, qu’il y avait des zones de non-droit, car ce dernier ne jouait pas son rôle. Désormais, plus rien ne doit lui échapper en prison.
Trois décisions du 17 décembre 2008 sont essentielles à mon avis.
La première décision précise qu’une faute simple suffit à engager la responsabilité de l’État en cas de décès accidentel d’un détenu.
La deuxième décision énonce que, désormais, une mesure de placement à l’isolement à titre préventif pourra faire l’objet d’un recours.
La troisième décision énonce que l’administration pénitentiaire doit protéger la vie des détenus en prenant toutes les mesures appropriées.
Auparavant, le Conseil d’État avait reconnu, au travers de plusieurs décisions rendues entre octobre et décembre 2008, le contrôle croissant de l’administration par le juge administratif, qui concernait aussi bien les fouilles que la gestion des biens des détenus. Désormais, le contrôle du juge concernera la majorité des décisions prises par l’administration pénitentiaire.
Le 6 janvier dernier, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a émis des recommandations après sa visite de la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône. Il a estimé que ses recommandations étaient susceptibles de s’appliquer à d’autres établissements déjà visités.
Son constat est clair. Les cours de promenades sont considérées comme des zones de non-droit, des lieux de tous les dangers, où le personnel ne s’introduit jamais. Le contrôleur général révèle que des blessures graves y sont fréquemment constatées et que bon nombre de détenus refusent d’aller en promenade par peur des agressions.
Le contrôleur général a également constaté que la possibilité de recours des détenus était insuffisamment développée et que leur prise en charge sociale était défaillante. Ce climat, où la tension est extrême, où les menaces de racket et la violence pèsent quotidiennement sur les détenus, est source de comportements dépressifs et suicidaires. Les détenus ne peuvent faire valoir leurs droits.
Certaines pratiques de l’administration pèsent lourdement sur l’état psychologique des détenus, comme la pose de caillebotis sur les fenêtres afin d’empêcher les jets de pierres, qui plongent les cellules dans une quasi-obscurité permanente. Le contrôleur général relevait, d’ailleurs, que cette pratique donne au détenu l’impression de ne plus être traité comme un être humain.
Le rôle du contrôleur général des lieux de privation de liberté est donc essentiel. Évidemment, nous sommes satisfaits qu’un tel poste ait été créé ; mais il convient aujourd'hui de mettre un terme définitif à des pratiques qui ôtent tous droits aux détenus, y compris les droits les plus fondamentaux.
La rédaction de l’article 10 ne convient pas. Elle est en contradiction avec ce que nous voulons puisque nous ne voulons plus de non-droit. Nous ne pouvons accepter une rédaction qui reconnaît des droits au détenu sauf quand l’administration s’y oppose ! Il faut que les circonstances dans lesquelles les droits d’un détenu ne sont pas garantis soient exceptionnelles et expressément définies.
C’est ce qui justifie notre amendement. Il s’agit d’une question absolument essentielle. On ne pourra nous persuader du fait que tout cela est superflu ; sinon, pourquoi les règles européennes insisteraient-elles sur les droits des détenus ?
Certes, la prison est un milieu particulier ; certes les détenus sont privés de liberté ; certes les risques sont réels ; mais la restriction des droits des personnes incarcérées doit être expressément motivée et très ponctuelle.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 226, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant du maintien de la sécurité, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l'objectif recherché.
Elle est tenue à l'impartialité, sans distinction aucune tenant à l'origine, à l'orientation sexuelle, aux mœurs, à la situation familiale ou sociale, à l'état de santé, au handicap, aux opinions politiques, aux activités syndicales, à l'appartenance ou à la non-appartenance vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai défendu cet amendement dans mon intervention sur l’article.
M. le président. L'amendement n° 94 rectifié, présenté par MM. Tuheiava, Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase de cet article, après le mot :
âge
insérer les mots :
, de l'état de santé
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement, auquel tient M. Richard Tuheiava, est de bon sens.
Il convient de tenir compte également de l’état de santé du détenu. Nous devrions tous approuver cet ajout.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La rédaction proposée par le premier alinéa de l’amendement n° 226 ne mentionne pas, contrairement à la version retenue par la commission des lois, la prévention de la récidive, la protection de l’intérêt des victimes et les éléments de différenciation des conditions de détention selon l’âge et la personnalité des détenus.
Le second alinéa de cet amendement, comme toute énumération, présente des lacunes. Il est plus sage de s’en tenir à la rédaction initialement proposée par la commission, étant entendu que le respect des droits des détenus affirmé par cet article implique que toute discrimination soit proscrite.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 94 rectifié. Il paraît en effet légitime de moduler les restrictions apportées à l’exercice des droits des détenus en fonction de leur état de santé.
Par ailleurs, je souhaite proposer un complément à la rédaction de l’article 10, puisque nous avons envisagé tout à l’heure la possibilité d’insérer la notion de dignité à ce niveau du texte. Je propose donc de rédiger ainsi la dernière phrase de l’article 10 : « Ces restrictions tiennent compte de l’âge, de l’état de santé et de la personnalité des personnes détenues, sans porter atteinte à leur dignité. »
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’article 10 du projet de loi vise à garantir la protection des droits des personnes détenues et à encadrer par une norme législative les restrictions apportées à l’exercice de ces droits.
L’article, en lui-même, pose un principe général concernant l’ensemble des droits des détenus. Nous n’avons pas souhaité le décliner davantage.
Imaginons qu’il y ait un droit nouveau. Faudra-t-il à chaque fois modifier la loi pour l’ajouter ? Il me semble préférable de poser un principe général.
L’article 10, d’ailleurs, inclut les hypothèses qui sont visées par l’amendement n °226.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
J’en viens à l’amendement n° 94 rectifié. Il est vrai que la prise en compte de l’état de santé d’un détenu peut paraître opportune à certains égards pour déterminer les restrictions éventuelles apportées à l’exercice des droits des personnes incarcérées.
En tout état de cause, je ne suis pas favorable à la nouvelle rédaction proposée par M. le rapporteur. En effet, le respect de la dignité est consubstantiel à tous les droits. Pourquoi le faire figurer en cet endroit du texte et pas ailleurs ? À mon sens, il vaut mieux en rester au principe général.
Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C’est le dernier endroit où l’on peut introduire la notion de dignité dans le texte.
Il est bien certain que, de toute manière, différentes restrictions s’appliqueront ; je pense aux fouilles, par exemple. Il faudra ainsi faire en sorte que les conditions dans lesquelles se dérouleront les fouilles soient compatibles avec le respect de la dignité des personnes.
M. Nicolas About. Ça va être dur en matière de fouilles !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je ne comprends pas que le Gouvernement ne soit pas d’accord avec la commission sur cette rédaction, qui est presque une lapalissade, à savoir que les différentes restrictions ne peuvent pas porter atteinte à la dignité des personnes détenues.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. Ne serait-il pas préférable, pour répondre aux préoccupations de la garde des sceaux et du rapporteur de rédiger ainsi le début de l’article 10 : « L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits et de sa dignité » ?
Mme Dati a raison de souligner que la dignité à respecter n’est pas seulement celle des personnes âgées ou malades ; c’est celle de tous.
La rédaction que je vous propose respecte l’universalité de ce principe, que l’on peut ensuite décliner avec l’âge ou l’état de santé.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’ai également envisagé la solution de M. Mermaz. Mais, si l’on rédige ainsi la première phrase de l’article, cela revient à dire que les restrictions pouvant être mises en place affecteront tant les droits que la dignité.
Je comprends que des restrictions concernent les droits, mais il ne peut être porté atteinte à la dignité.
C'est la raison pour laquelle j’ai écarté la rédaction que vous nous proposez, mon cher collègue, même si je vous sais gré de votre effort, qui me fait regretter que vous ne soyez pas membre de la commission des lois. (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz. Nous pourrions ajouter une phrase pour que la mention de la dignité n’ait pas l’air de porter uniquement sur les personnes âgées, malades ou qui souffrent de troubles de la personnalité. On pourrait ainsi ajouter que le respect de la dignité doit être assuré à tous les détenus.
Votre objection, monsieur le rapporteur, ainsi que celle de Mme la garde des sceaux, me semble valable mais, si nous procédons comme je le propose, il n’y aura plus de problème.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai l’impression que Mme la ministre ne s’est pas penchée sur mon amendement.
J’en conviens, l’énumération présente toujours des défauts, et je ne m’y arrête pas. En revanche, écrire « ces restrictions doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l’objectif recherché » me semble tout à fait pertinent.
Monsieur le rapporteur, en vue du contrôle qui pourra intervenir, il me semble important de préciser que de telles restrictions doivent être « exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l’objectif recherché ».
Je vous propose donc de prendre position sur ce membre de phrase.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous avons tous exprimé la volonté d’introduire dans le texte de l’article 10 la notion de dignité de la personne, c’est pourquoi il me semblerait opportun de suspendre brièvement la séance pour établir une rédaction qui recueille l’accord général.
L’objectif de la rectification serait d’introduire la notion de dignité humaine dans le texte de l’article, en la distinguant nettement de la référence aux droits, car ces derniers peuvent subir des restrictions pour des raisons diverses, contrairement à la dignité de la personne.
C’est pourquoi, je demande une suspension de séance de quelques minutes, monsieur le président.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures dix.)
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Après concertation, la commission propose d’ajouter au début de l’article 10 un nouvel alinéa ainsi libellé : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité. »
Le texte de l’article 10, sans modification, constituerait le deuxième alinéa de l’article.
M. le président. Pour la clarté des débats, je donne lecture de l’article 10 ainsi rectifié :
La personne détenue a droit au respect de sa dignité.
L'administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge et de la personnalité des détenus.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 226.
M. Jean-Pierre Sueur. Je me réjouis de cette suspension de séance qui nous a permis d’avancer. Je souhaite toutefois faire remarquer, en me fondant sur l’argumentation développée tout à l’heure par Louis Mermaz, que l’amendement n° 226 comprend un certain nombre d’expressions très importantes qui ne figurent pas dans l’article 10 tel qu’il est rédigé.
Même si nous pouvons nous réjouir de la rectification du texte de l’article 10, je ferai remarquer, en premier lieu, que la rédaction proposée par l’amendement n° 226 mentionne explicitement le maintien de la sécurité, mais aussi la prévention de la récidive et la protection de l’intérêt des victimes.
J’ajouterai, en second lieu, que l’amendement précise que les restrictions susceptibles d’être apportées aux droits des personnes détenues doivent être « exceptionnelles, justifiées et proportionnées ». L’idée de proportionnalité est très importante : elle a le mérite d’être très claire et il serait bon qu’elle figure dans la loi.
En troisième lieu, cet amendement évoque l’impartialité de l’administration et le refus de toute distinction tenant à l’origine, à l’orientation sexuelle, aux mœurs, à la situation familiale ou sociale, à l’état de santé, au handicap, aux diverses opinions, etc. Ce point est également important.
Autrement dit, puisque nous répétons depuis le début de cette discussion que la mention des droits de la personne est primordiale et que tout être humain détenu doit être avant tout considéré comme être humain, la rédaction proposée par l’amendement n° 226 me semble tout à fait en harmonie avec l’affirmation de ces principes tout en définissant d’une manière également claire les restrictions nécessaires.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Même si, à ce stade de la discussion, seuls la commission et le Gouvernement ont le droit de déposer des amendements, je me permets d’insister sur la rédaction proposée pour l’article 10, car c’est un point essentiel.
L’article 10 tel qu’il a été rectifié précise : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité. L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits… »
Je rappelle à Mme la garde des sceaux et à notre rapporteur la formule qui figure à l’article 1er de la Déclaration universelle des droits de l’homme, texte sacré s’il en est : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. » C’est René Cassin qui a fait ajouter les mots « en dignité », qui ne figuraient pas dans la version initiale de l’article.
C'est la raison pour laquelle il est selon moi infiniment préférable que l’on reprenne le texte de la Déclaration universelle et que l’on précise à l’article 10 : « L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de sa dignité et de ses droits », la suite de l’article restant inchangée. Dans la Déclaration universelle est en effet solennellement consacrée la dignité de la personne humaine, qui précède la mention des droits.
Cette formulation me paraît donc plus légitime que celle que vous avez retenue, qui ne fait qu’énoncer un principe général – « la personne détenue a droit au respect de sa dignité » – puisque la dignité est notre attribut à tous. C’est l’administration qui doit garantir la dignité et les droits.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Permettez-moi de vous dire à quel point le rôle du rapporteur peut parfois être ingrat, quand, ayant été convaincu par les arguments des uns et des autres, il ne peut toutefois se résoudre à les suivre.
Je répondrai tout d’abord à l’argumentation exposée par Jean-Pierre Sueur à propos de l’amendement n° 226.
La précision selon laquelle les « restrictions doivent être exceptionnelles… »
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La restriction à la liberté d’aller et venir ne peut pas être exceptionnelle !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. … ou en tout cas « justifiées et proportionnées à l’objectif recherché » nous paraît effectivement tout à fait intéressante. C’est un objectif que la commission s’est efforcée de décliner, article par article.
Ainsi, sur les fouilles, qui font l’objet de l’article 24, nous avons précisé : « Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes. » La justification apparaît bien comme un critère.
Lorsque, au troisième alinéa de ce même article, nous indiquons que « les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé », c’est bien le critère de proportionnalité qui est respecté.
La philosophie qui sous-tend l’amendement de nos collègues du groupe CRC ne nous est pas étrangère, mais nous tentons de la déterminer concrètement.
Monsieur Badinter, permettez-moi de dire que nous nous approchons pas à pas – la procédure législative n’est pas terminée – de la meilleure façon de présenter les choses. Je pense, comme l’a à juste raison souligné Mme Alima Boumediene-Thiery, qu’il aurait été dommage de ne pas insérer la notion de dignité dans une loi pénitentiaire. (Mme Alima Boumediene-Thiery et M. Robert Badinter opinent.) C’est certainement la dernière opportunité que nous avons de le faire d’une manière convenable et cohérente.
À ce stade, nous en restons effectivement à la rédaction que nous avons retenue pour l’article 10 : « La personne détenue a droit au respect de sa dignité », avant d’enchaîner sur la suite de l’article.
La formulation que vous proposez est certainement plus séduisante et mieux pensée. Mais, selon moi, elle présente malgré tout deux inconvénients auxquels, pour l’instant, je ne vois pas comment remédier.
Premier inconvénient : après avoir énoncé le principe selon lequel « l’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de sa dignité et de ses droits », il est fait ensuite référence aux restrictions. Je crains que l’on ne puisse entendre par là qu’il peut y avoir des restrictions à la dignité comme aux droits, alors que seuls les droits peuvent faire l’objet d’une restriction.
Le second inconvénient de votre formulation, monsieur Badinter, est qu’elle met en jeu le respect que nous devons à l’administration pénitentiaire.
Je reprendrai un argument que j’ai déjà présenté à diverses reprises. Si nous imposons à l’administration pénitentiaire de garantir à tout détenu le respect de sa dignité, que répondrai-je aux personnels que je rencontre lors de mes visites dans les prisons quand ils me diront que, s’il y a quatre personnes dans une cellule, des matelas par terre et que la dignité n’est pas assurée, ce n’est pas leur faute ?
C’est pourquoi, pour le moment, je préfère m’en tenir à la rédaction que nous avons retenue il y a quelques instants pour cet article.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous précisons dans notre amendement que les « restrictions doivent être exceptionnelles, justifiées et proportionnées à l’objectif recherché », et, apparemment, vous souscrivez à ce principe.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certaines restrictions ne sont pas exceptionnelles !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Pour autant, vous ne souhaitez pas l’inscrire dans l’article 10 au motif que ce principe est décliné ensuite dans plusieurs des articles suivants. Or l’article 10 est l’article introductif sur le droit des détenus et il est important de lui donner une forme plus générale.
Nous avons ensuite tenu à mentionner l’impartialité de l’administration pénitentiaire. Au demeurant, pour éviter l’énumération nous pourrions nous en tenir à la rédaction suivante : « Elle est tenue à l’impartialité, sans distinction et sans discrimination. »
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Sur cet amendement très important, j’ai entendu ce que nous a dit M. le rapporteur ainsi que les différents intervenants. Je ferai quelques observations qui sont dans le droit-fil de celles qui ont été développées par Robert Badinter.
D’abord – et je vous le dis sans passion –, ne donnons pas l’impression de jouer à cache-cache avec la dignité. Ne faisons pas l’erreur, dès l’instant où le mot « dignité » apparaît dans ce texte, de céder aux trente-six objections qui s’élèvent pour ne pas le retenir. Ce serait une erreur grave que nous pourrions commettre là.
Par ailleurs, je ne comprends pas la logique qui consiste à affirmer que tout le monde a droit à la dignité. Il est inutile de le préciser, c’est une évidence. Tout homme, même s’il est détenu, a droit à la dignité. Mais alors, justement, qu’est-ce qui fait la différence ? L’important est que cette dignité soit garantie. Si vous dites simplement qu’une personne détenue a droit à la dignité, vous n’ajoutez rien. En précisant que l’administration pénitentiaire doit garantir ce droit à la dignité, c’est tout différent.
En fin de compte, M. le rapporteur a fait un aveu considérable. Il nous a dit avec beaucoup de sincérité qu’il ne fallait pas inscrire ce principe dans la loi car il ne pourrait pas être respecté, que l’administration pénitentiaire ne pourrait pas assurer ce respect de la dignité au sein des prisons. Je crois qu’il ne faut pas poser la question de cette façon. Il y a des droits et ils s’imposent à tous, y compris à l’administration pénitentiaire.
Admettre une telle logique – si un principe ne peut pas être respecté, nous ne devons pas le retenir – ne serait pas sans conséquences. Monsieur le rapporteur, avez-vous bien mesuré les incidences de cette logique sur la suite du texte ?
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote sur l’article 10, rectifié.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je me bats depuis le début de cette discussion pour que la dignité figure dans ce texte. Comme l’a d’ailleurs très justement rappelé M. Badinter, la dignité et les droits sont rappelés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le minimum que l’on puisse attendre d’une loi pénitentiaire où il est question des droits des détenus, c’est que la notion de dignité y apparaisse.
En revanche, déclarer que la personne détenue a droit au respect de sa dignité - cela va de soi ainsi que je viens de le dire – sans exiger que le respect de cette dignité soit de la responsabilité de quiconque me semble être une grave erreur. Si cette responsabilité n’est pas celle de l’administration pénitentiaire, qui justement peut faire respecter la dignité, la déclaration restera vide de sens.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. Nous constatons que le rapporteur et la garde des sceaux ont fait un effort, puisque nous avons presque obtenu satisfaction sur la dignité, ce qui n’est pas rien.
En revanche, aucune des objections que j’ai formulées sur le flou qui caractérise la phrase « l’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que… » n’a été retenue, et la longue énumération qui suit permettra toujours au service public pénitentiaire de choisir ses priorités et de faire ce qu’il veut dans la gestion quotidienne.
Pour ces raisons, il me semble logique de ne pas voter l’article 10.
M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.
M. Robert Badinter. Tout être humain, par définition, a droit au respect de sa dignité. C’est un principe universel qui figure dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.
En énonçant que « la personne détenue a droit au respect de sa dignité », on rappelle une évidence : tout détenu est un être humain. Si nous voulons faire œuvre constructive, il faut aller au-delà de ce simple rappel, en apportant la précision que j’ai proposée tout à l’heure : « L’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de sa dignité et de ses droits. »
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On ne va pas recommencer indéfiniment le débat !
M. Robert Badinter. Si M. le rapporteur et la majorité continuent de camper sur leur position, nous ne voterons pas contre l’article, puisque le mot « dignité » y figure, mais nous nous abstiendrons.
Je le répète, si on veut faire œuvre constructive, il faut que la dignité et les droits soient liés et que les deux termes figurent dans la première phrase.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il est dommage que nous n’ayons pu arriver à un accord pour garantir le respect de la dignité, alors que cela paraît vraiment être le minimum.
Par ailleurs, je regrette vraiment que notre amendement n’ait pas été adopté, car y figurait notamment un aspect de cette garantie, à savoir la nécessité de justifier précisément les restrictions apportées aux droits fondamentaux.
Je sais que la commission ne veut pas en entendre parler, mais je crois que ce point est essentiel : si on veut faire respecter un droit, il faut que les restrictions soient motivées pour qu’un juge, ou le contrôleur général des prisons, puisse savoir si elles étaient effectivement justifiées.
Notre groupe s’abstiendra donc sur cet article.
M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le président, je souhaiterais apporter un ultime argument. Nous discutons là d’une question primordiale : confier à l’administration pénitentiaire une mission aussi fondamentale, qui touche aux principes fondamentaux, la grandit et la magnifie.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Claude Jeannerot. Nous offrons à l’administration pénitentiaire une occasion de se valoriser considérablement. J’insiste donc pour que qu’on ne se contente pas de rappeler un principe de manière éthérée, mais que l’administration pénitentiaire soit chargée d’en assurer l’application.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Nous tournons autour du pot, mais j’ai le sentiment que nous sommes tous à peu près d’accord. Nous sommes gênés, car nous n’avons pas trouvé la formulation qui conviendrait à tous.
D’une part, toute personne, et donc tout détenu, a droit au respect de sa dignité. D’autre part, l’administration pénitentiaire qui devrait garantir le respect de ces droits n’a pas les moyens de le faire. Comment concilier ces deux points de vue ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ah non, on ne va pas refaire le texte !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Monsieur le président de la commission des lois, vous pourrez penser ce que vous voulez, mais laissez-moi parler !
La seule obligation que l’on puisse imposer à l’administration pénitentiaire, c’est de prévoir qu’elle doit contribuer par tous ses moyens au respect de la dignité des détenus. Elle devra alors apporter la preuve qu’elle a mis en œuvre tous les moyens dont elle dispose, mais on ne pourra pas lui demander d’aller au-delà.
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je suis bien entendu favorable à l’inscription dans le texte des notions de dignité humaine et de garantie des droits. Je voudrais simplement rappeler qu’aux droits sont toujours associés des devoirs.
On a évoqué la garantie des droits des détenus. Le président Hyest et M. le rapporteur l’ont rappelé avec beaucoup de force et de conviction, il ne faudrait pas pour autant oublier tous les personnels qui œuvrent au quotidien pour les détenus.
Je reconnais que cet article 10 est très complexe et que la tâche n’est pas simple.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En énonçant que toute « personne détenue a droit au respect de sa dignité », nous engageons une responsabilité collective. Il ne s’agit pas de nous décharger de notre responsabilité sur l’administration pénitentiaire : elle a certes un rôle à jouer, mais elle n’est pas la seule.
Mes chers collègues, cette responsabilité collective est d’abord la nôtre. J’ai constaté que ce sont toujours les mêmes collègues qui visitent les établissements pénitentiaires. Si nous étions plus nombreux à nous y rendre, chacun s’en porterait mieux !
Par ailleurs, dans cette même expression « toute personne détenue a droit au respect de sa dignité », il y a le mot « droit ». Lorsque, ensuite, est mentionnée la garantie des droits, cela comprend dans une certaine mesure la garantie de la dignité. Et cette garantie, nous devons vraiment en assumer collectivement la responsabilité. Loin d’être anodine, cette phrase engage, selon moi, le Parlement, et donc nous tous.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, rectifié et modifié.
(L'article 10, rectifié, est adopté.)
6
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan, pour un rappel au règlement.
M. Josselin de Rohan. Notre collègue Jean-Louis Carrère a effectué hier un rappel au règlement pour s’étonner, au nom du groupe socialiste, que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat ait entendu deux collaborateurs du Président de la République sans qu’un compte rendu ait été dressé de cette réunion.
Je tiens à préciser que j’ai sollicité ces personnes de ma propre initiative. Je m’élève donc contre les propos de M. Carrère consistant à dire que des pressions seraient ainsi exercées sur les parlementaires avant le débat sur l’OTAN. J’ai jugé utile que ces deux personnes, qui ont également été des collaborateurs du précédent Président de la République, puissent éclairer la commission sur les conditions dans lesquelles se présentait la « réintégration » de la France dans l’OTAN.
Cette réunion s’est tenue dans des conditions particulières uniquement par respect de la séparation des pouvoirs. Une commission parlementaire n’est pas habilitée à entendre dans les conditions du droit commun des collaborateurs du Président de la République. Je regrette que nos collègues socialistes aient refusé d’assister à cette réunion, mais je ne peux laisser dire qu’elle a répondu à une sollicitation de l’Élysée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
7
Loi pénitentiaire
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi pénitentiaire.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 10 bis.
Article 10 bis
Lors de son admission dans un établissement pénitentiaire, le détenu est informé des dispositions relatives à son régime de détention, à ses droits et obligations et aux recours et requêtes qu'il peut former. Les règles applicables à l'établissement sont également portées à sa connaissance.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, sur l'article.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, mon intervention portera sur cinq mots qui ne figurent pas dans cet article ou qui, plus exactement, n’y figurent plus.
L’article 10 bis précise qu’un détenu doit être informé des dispositions relatives à son régime de détention, à ses droits et obligations. À l’origine, le texte proposé par la commission précisait que ces informations étaient données au détenu « dans une langue qu’il peut comprendre », ce qui paraît aller de soi. Tout d’un coup, frappée par l’article 40 de la Constitution, cette expression est tombée.
Nous nous retrouvons dans une situation complètement absurde : on déclare qu’il faut informer un détenu de ses droits, et puis on décide qu’après tout on peut très bien le faire en anglais pour un détenu qui serait italien ou russe…
Nous devrions faire preuve de plus de sagesse et mettre en cohérence notre ambition et les moyens qui y sont consacrés. Pour cela, nous devrions, à tout le moins, accepter l’amendement qui sera défendu tout à l’heure par notre collègue Jacques Mézard visant à remettre un document écrit au détenu pour que ce dernier dispose d’une information complète.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. L’article 10 bis concerne l’information des détenus sur leurs droits et devoirs. Il est le fruit d’une proposition de la commission des lois. Nous nous en réjouissons, car cette disposition était absente du projet de loi du Gouvernement. Comme vient de l’indiquer notre collègue Alain Anziani, nous aurions souhaité qu’elle soit complétée par une précision sur la langue utilisée pour fournir l’information au détenu.
Lors de la réunion du 4 février dernier, M. le rapporteur a supprimé la précision selon laquelle l’information du détenu doit être effectuée « dans une langue qu’il comprend ». Il a estimé que cette disposition tombait sous le coup de l’article 40.
Je suis de ceux qui pensent qu’invoquer un tel motif pour refuser d’appliquer le droit à l’information aux détenus étrangers est tout à fait dommageable.
Notre initiative s’inspirait de différents travaux, notamment ceux de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui insiste sur le fait que les détenus étrangers doivent recevoir une information de leurs droits dans une langue qu’ils comprennent. À vrai dire, on a quelque peu l’impression d’enfoncer des portes ouvertes : leur fournir une information dans une langue qu’ils ne peuvent pas comprendre revient à ne pas leur donner d’information !
Le Comité d’orientation restreint de la loi pénitentiaire avait recommandé de généraliser la délivrance d’un livret d’accueil dans une langue que les détenus étrangers peuvent comprendre.
Je rappelle aussi que l’avant-projet de loi prévoyait la transmission aux étrangers des documents – règlement intérieur, informations sur l’accès à leurs droits – dans une langue qu’ils comprennent.
Il n’est pas acceptable de refuser aux détenus étrangers l’accès à une information compréhensible. C’est par ailleurs non conforme à la règle pénitentiaire européenne 30.1, qui prévoit que « lors de son admission et ensuite aussi souvent que nécessaire, chaque détenu doit être informé par écrit et oralement – dans une langue qu’il comprend – de la réglementation relative à la discipline, ainsi que de ses droits et obligations en prison ».
Imaginez quelle peut être la détresse de ces personnes dans l’univers difficile de la prison ! Même si elles le méritent – nous ne jugeons pas de cela –, l’emprisonnement leur est d’autant plus pénible si elles ne comprennent pas le règlement ou les instructions des gardiens ; cela devient kafkaïen !
Or, vous le savez, les détenus étrangers sont les plus affectés par la détention : ils sont très souvent exclus des différentes activités, de l’accès à la formation professionnelle, au travail, à la santé. Comment dialoguer avec un médecin qu’on ne comprend pas ?
Il y a vraiment là une lacune. La rédaction initiale du rapporteur était bonne ; nous devons donc rétablir dans cet article la mention sur les langues, sinon nous risquons de vider de son contenu une disposition pourtant positive.
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'article.
M. Bernard Frimat. Le problème qui nous occupe est simple, et je pense même que nous pourrions tous tomber d’accord.
Le traiter par l’absurde en considérant qu’un individu peut être informé de ses droits dans une langue qu’il ne comprend pas est grotesque. Je sais que M. le rapporteur, dont tout le monde salue le travail, partage ce point de vue et accepterait volontiers d’ajouter les cinq mots auxquels on oppose l’article 40. Nous ne sommes donc pas en désaccord sur le fond.
Reste que nous n’avons plus le droit de proposer un sous-amendement – c’est l’une des grandes novations de la réforme constitutionnelle – et que nous sommes donc obligés de nous tourner vers M. Lecerf – en l’occurrence, c’est un plaisir – pour lui demander de rétablir le texte de la commission dans sa version d’origine. À ce stade, il y a quelqu’un dans cet hémicycle qui détient le pouvoir magique d’empêcher l’application de l’article 40. Cependant, Mme la garde des sceaux doit être convaincue que le fait de s’adresser à une personne dans une langue qu’elle comprend plutôt que dans une langue qu’elle ne comprend pas est une question de dignité.
À propos de dignité, avec l’excellent débat qui a eu lieu tout à l’heure, nous avons collectivement fait la preuve que le travail parlementaire peut faire avancer les choses. Cela montre que, sur un texte de cette nature, la navette serait bien utile. Or il n’est jamais trop tard pour que le Gouvernement se rende, sinon à Canossa où il fait mauvais temps (Sourires), mais à nos arguments afin de renoncer à la procédure d’urgence. En tout cas, c’est certainement un point dont nous reparlerons.
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. En complément de l’argumentation de M. Frimat, je veux ajouter à destination de la commission et du Gouvernement que, même dans les centres de rétention administrative, qui ne sont pourtant pas des modèles du genre – j’en sais quelque chose en tant qu’auteur de deux rapports au nom de la commission des lois de l’Assemblée nationale –, les personnes retenues peuvent être informées de leurs droits en cinq langues, y compris en chinois. Et ces informations sont affichées !
Il serait donc incompréhensible de ne pas pouvoir agir de même dans les prisons. C’est pourquoi j’insiste vraiment auprès de Mme la garde des sceaux et de M. le rapporteur pour que les détenus étrangers reçoivent les informations « dans une langue qu’ils comprennent ». Cette disposition devrait faire l’unanimité au Sénat !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Les voies de l’irrecevabilité financière, comme celles du Seigneur, sont parfois impénétrables…
Cela étant, mes visites dans les établissements pénitentiaires m’ont quelque peu rassuré. Ainsi, mardi dernier, à la maison d’arrêt de Loos-lez-Lille, en compagnie d’ailleurs du président Larcher, la directrice nous a montré les documents d’information distribués aux détenus. Ils sont traduits dans l’ensemble des langues parlées par les détenus de cet établissement. C’est elle-même qui s’est chargée de la traduction en allemand, l’aumônier et des visiteurs de prison ont assuré la traduction dans d’autres langues. Bref, aucune ne manquait.
Dans ce domaine, je suis donc tenté de faire confiance à l’administration pénitentiaire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Louis Mermaz. Écrivons-le !
M. le président. En tant que président de séance, je ne peux pas m’immiscer dans le débat. Je me permets donc simplement d’observer, en ma qualité de plus ancien membre de la commission des finances, que l’on peut parfois s’interroger sur l’usage qui est fait de l’article 40.
Les arguments que je viens d’entendre me paraissent plein de bon sens. C’est pourquoi je suggère que nous profitions de la conférence des présidents, qui doit se réunir tout à l’heure, pour demander au président de la commission des finances s’il n’y aurait pas eu une erreur d’appréciation.
Je tiens à préciser que, si le Gouvernement a la faculté de lever le gage sur un amendement, en l’occurrence, il s’agit de l’irrecevabilité financière prononcée, au titre de l’article 40, en amont.
Monsieur le président de la commission des lois, peut-être pourriez-vous vous rapprocher de M. le président de la commission des finances pour lui demander de réexaminer la question.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Effectivement, monsieur le président, nous sommes parfois un peu surpris de l’application de l’article 40. Mais, dès lors qu’il s’applique, nous sommes privés de tout moyen.
J’ai essayé une fois, en vain, de faire revenir la commission des finances sur sa décision concernant l’application outre-mer de dispositions pénales plus favorables. C’est le Gouvernement qui a dû reprendre l’amendement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la garde des sceaux, vous pouvez, vous aussi, reprendre l’amendement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il paraît que réaliser des traductions représente une dépense. Mais il est évident que l’administration serait condamnée si le détenu ne comprenait absolument pas les informations qui lui étaient délivrées en langue française concernant ses droits et obligations et les recours qu’il peut former.
Cela étant, je comprends les craintes qui peuvent exister. On peut en effet redouter qu’un détenu ne fasse mine de ne rien comprendre en prétendant ne parler que la langue ourdoue, alors que l’on sait très bien qu’il comprend l’anglais pour avoir traversé un certain nombre de pays avant d’arriver en France.
Quoi qu’il en soit, je pense que cette question pourra évoluer au cours de la navette. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Richard Yung. Il n’y en aura pas !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais si ! L’urgence a été déclarée, certes, mais je vous signale qu’il y aura une commission mixte paritaire. Ce texte sera en outre examiné par l’Assemblée nationale, qui est parfaitement informée de nos travaux. Je pense que l’on pourra ainsi régler ce problème, qui est préoccupant.
Il n’est en effet pas admissible que les gens ne soient pas informés de leurs droits, mais, dans le même temps, il faut vérifier, non pas ce que cela coûte, car c’est dérisoire, mais que toutes les garanties sont prises pour qu’il n’y ait pas d’abus.
Monsieur le président, malgré votre appel au titre de plus ancien membre de la commission des finances, je ne me permettrai pas de dire que la commission des finances n’a pas une parfaite compréhension de l’article 40.
M. le président. Je pense que l’erreur est humaine. Il y a là manifestement quelque chose d’incompréhensible. Je le dirai tout à l’heure, au nom du Sénat, au président Arthuis.
Ne pas adopter cette mesure dénaturerait le texte, alors même que tout le monde s’accorde sur ce point fondamental.
La conférence des présidents devant se réunir à dix-neuf heures, je vais devoir suspendre la séance dans quelques instants.
M. Louis Mermaz. Très bien, monsieur le président, nous souhaitions justement une suspension de séance !
M. le président. Plusieurs d’entre nous doivent y siéger. Nous aborderons donc ce sujet.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’aimerais que Mme la garde des sceaux s’exprime. En effet, nous avons commencé à discuter de l’applicabilité de l’article 40.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais si !
Maintenant, nous en sommes à nous demander si nous ne favoriserions pas la possibilité de « trichoter ».
Discutons-nous du fait que toute personne a le droit d’être informée dans la langue qu’elle comprend ou de la crainte qu’une telle mesure lui permette de profiter de la situation ? Tout cela est très confus.
Madame la garde des sceaux, pouvez-vous nous dire si vous êtes d’accord avec cette disposition, auquel cas l’article 40 ne pourra plus être invoqué.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je sais que Mme la garde des sceaux a la possibilité d’éviter l’application de l’article 40, ce qui me semble un point important.
Je rappelle qu’il y a 20 % d’étrangers dans les prisons en France, soit un détenu sur cinq. J’aimerais donc savoir si les dispositifs existants leur permettent d’être informés de leurs droits. Si de telles modalités n’existent pas, je demande à Mme la garde des sceaux de bien vouloir faire en sorte que l’article 40 ne s’applique pas.
M. le président. En l’état actuel des choses, Mme la garde des sceaux ne peut pas empêcher que l’article 40 s’applique.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle peut reprendre l’amendement !
M. le président. Quoi qu’il en soit, il ne faut pas que l’article 40 soit utilisé abusivement.
Je comprends très bien que M. le président de la commission des lois ne puisse pas lui-même l’évoquer. S’il me le permet, je soulèverai moi-même ce point tout à l’heure en conférence des présidents.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je ne suis pas favorable au fait de faire figurer la mention « dans la langue qu’il comprend » dans le projet de loi. Pourquoi ?
Aujourd’hui, lorsqu’il s’agit de faire respecter les droits fondamentaux des détenus étrangers, l’administration pénitentiaire fait appel à un interprète qu’elle paie. C’est le cas, par exemple, lors des comparutions devant une instance disciplinaire. En outre, les documents d’information générale leur sont déjà distribués dans plusieurs langues.
M. Richard Yung. Dans ce cas-là, pourquoi ne pas l’inscrire dans la loi ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si la mention « dans la langue qu’il comprend » figure dans le projet de loi, on va s’amuser… Pour dire « bonjour » à un détenu, il faudra un interprète. Pour le conduire ou non à une activité, il faudra un interprète …
Soyons pragmatiques ! Ce n’est pas violer un droit que d’être pragmatique.
Quand il s’agit du respect des droits fondamentaux des détenus, je le répète, par exemple pour les instances disciplinaires, il y a des interprètes, qui passent beaucoup de temps avec eux. Des codétenus sont également mis à contribution pour traduire et expliquer certaines choses.
Certains détenus, vous le savez bien, notamment des étrangers condamnés pour trafics de produits stupéfiants, font un usage abusif de la procédure. Je crains donc que cet ajout ne complique la tâche de l’administration pénitentiaire.
Tel qu’il est rédigé, le texte prévoit le recours à un interprète et, à ce titre, le respect des droits des détenus est garanti. Quant aux guides, ils sont distribués en plusieurs langues. En outre, sur les 18 % de détenus de nationalité étrangère, 60 % sont francophones.
Telles sont les raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable au rétablissement de cette mention.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez raison, madame le garde des sceaux, s’agissant d’un grand nombre de démarches. Mais, en l’occurrence, il s’agit simplement de faire connaître au détenu, lors de son admission, les dispositions relatives à son régime de détention, à ses droits et obligations et aux recours et requêtes qu’il peut former. Les règles applicables à l’établissement – en d’autres termes le règlement intérieur – sont également portées à sa connaissance.
Il s’agit de simples informations qu’il conviendrait de traduire dans les langues les plus répandues dans les prisons françaises. C’est possible puisque de telles traductions existent déjà dans cinq langues.
Je comprends très bien que l’on ait le souci d’éviter les risques de contentieux. Mais les informations que nous évoquons sont délivrées une fois pour toutes au détenu. Elles ne changent pas tous les jours ; il doit donc être possible de les rendre accessibles sans mobiliser de gros moyens.
Ce système existe même dans les centres de rétention, où la situation est pourtant très difficile et la population bien moins stable.
Comme d’habitude, monsieur le président, j’ai défendu fermement le point de vue de la commission des finances, même si je ne suis pas tout à fait convaincu. (Sourires.)
M. Louis Mermaz. Et non sans humanisme.
M. le président. Je pense que les présidents de la commission des finances et de la commission des lois mettront à profit la suspension de séance pour rapprocher leurs points de vue.
8
Nomination de membres d'organismes extraparlementaires
M. le président. Je rappelle au Sénat que les commissions des affaires sociales et des finances ont proposé respectivement deux et une candidature pour des organismes extraparlementaires.
La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.
En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :
- M. Alain Gournac et Mme Anne-Marie Payet respectivement membre titulaire et membre suppléant du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;
- Mme Nicole Bricq membre de l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Catherine Tasca.)
PRÉSIDENCE DE Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
9
Conférence des présidents
Mme la présidente. La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
Semaines réservées par priorité au Gouvernement
Jeudi 5 mars 2009
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi pénitentiaire (texte de la commission, n° 202, 2008-2009) ;
à 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
3°) Désignation de 36 membres de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer, les présidents de groupes politiques et le délégué de la Réunion des Sénateurs non-inscrits siégeant ès qualités au sein de cette mission ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
4°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Éventuellement, vendredi 6 mars 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi pénitentiaire.
Lundi 9 mars 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (n° 501, 2007-2008).
Mardi 10 mars 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30 jusqu’à 10 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer (texte de la commission, n° 233, 2008-2009) ;
(La conférence des présidents a fixé à trois heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 9 mars 2009) ;
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré ;
La commission des finances se réunira le jeudi 5 mars 2009 à 16 heures).
Mercredi 11 mars 2009
À 15 heures et le soir :
1°) Désignation des 36 membres de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes ;
(Les candidatures devront être déposées au service de la séance avant le mardi 10 mars 2009 à 17 heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Suite du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.
Jeudi 12 mars 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.
Éventuellement, vendredi 13 mars 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.
Semaine sénatoriale de contrôlede l’action du Gouvernementet d’évaluation des politiques publiques
Mardi 17 mars 2009
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 288 de Mme Nathalie Goulet transmise à Mme la ministre de la culture et de la communication ;
(Financement de l’archéologie préventive) ;
- n° 383 de M. Yves Daudigny à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité ;
(Personnels des maisons départementales des personnes handicapées) ;
- n° 404 de M. Roland Courteau à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
(Rapport d’application de la loi sur la violence au sein des couples) ;
- n° 411 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Développement du parc des éoliennes) ;
- n° 427 de Mme Catherine Tasca à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;
(Intentions du Gouvernement concernant la prison de Versailles) ;
- n° 433 de M. Alain Fauconnier à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;
(Situation de l’enseignement agricole public dans le département de l’Aveyron) ;
- n° 437 de M. Jean Boyer à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
(Situation des caisses d’allocations familiales) ;
- n° 438 de M. Jean-Jacques Lozach à M. le secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire ;
(Avenir des zones de revitalisation rurale) ;
- n° 447 de Mme Odette Terrade à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
(Inégalité de traitement entre les fonctionnaires du cadre B des impôts promus dans le cadre A avant le 1er janvier 2007) ;
- n° 448 de M. Claude Domeizel à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
(Fonctionnement d’une agence postale communale) ;
- n° 449 de M. Martial Bourquin à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
(Projet de fusion des CPAM et CAF du Doubs) ;
- n° 450 de M. Bernard Vera à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Situation de l’hôpital de Juvisy dans l’Essonne) ;
- n° 451 de Mme Marie-France Beaufils à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Situation du centre hospitalier régional et universitaire de Tours) ;
- n° 452 de M. Alain Fouché à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;
(Directive européenne concernant l’activité vétérinaire dans les parcs zoologiques) ;
- n° 453 de Mme Mireille Schurch à M. le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance ;
(Mesures du plan de relance favorisant la formation des salariés au sein de l’entreprise) ;
- n° 454 de M. Michel Doublet à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;
(Financement du plan d’urgence pour l’agriculture) ;
- n° 456 de M. Gérard Bailly à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation ;
(Fonds de péréquation pour le haut débit) ;
- n° 457 de M. Jean-Claude Carle à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
(Délais de paiement des OPCA aux organismes de formation) ;
À 15 heures :
2°) Débat sur l’avenir de la presse (aides financières à la presse, métier de journaliste et distribution) ;
(La conférence des présidents :
- a décidé d’attribuer un temps de parole de 15 minutes à la commission des affaires culturelles ;
- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe (les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 16 mars 2009)) ;
À 17 heures 30 :
3°) Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, préalable au Conseil européen des 19 et 20 mars ;
(À la suite du président de la commission des affaires étrangères (10 minutes) et de la commission des affaires européennes (10 minutes), interviendront les porte-parole des groupes (10 minutes pour chaque groupe et 5 minutes pour les sénateurs non-inscrits) ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 16 mars 2009).
Mercredi 18 mars 2009
À 15 heures :
- Débat sur l’organisation et l’évolution des collectivités territoriales ;
(La conférence des présidents :
- a décidé d’attribuer un temps de parole de 40 minutes à la mission temporaire sur l’organisation et l’évaluation des collectivités territoriales ;
- a fixé à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 17 mars 2009 ;
Pendant une heure, les sénateurs pourront intervenir (deux minutes trente maximum) dans le cadre d’un débat interactif comprenant la possibilité d’une réponse de la mission ou du Gouvernement).
Jeudi 19 mars 2009
À 9 heures 30 :
1°) Question orale avec débat n° 26 de M. David Assouline à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche sur l’application de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ;
(La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 18 mars 2009) ;
à 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
3°) Question orale avec débat n° 24 de Mme Michèle André à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, sur la politique de lutte contre les violences faites aux femmes ;
(La conférence des présidents a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront dans le débat les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 18 mars 2009).
Semaine d’initiative sénatoriale
Mardi 24 mars 2009
À 15 heures :
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures (texte de la commission, n° 210, 2008-2009) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 23 mars 2009 ;
- au jeudi 12 mars 2009, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements au texte de la commission.
La commission des lois se réunira le mercredi 18 mars 2009, matin pour examiner les amendements à son texte).
Mercredi 25 mars 2009
À 15 heures :
1°) Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, de simplification et de clarification du droit et d’allégement des procédures ;
2°) Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de résolution européenne, présentée au nom de la commission des affaires européennes en application de l’article 73 bis du règlement par M. Hubert Haenel, sur le respect de la diversité linguistique dans le fonctionnement des institutions européennes (n° 204, 2008-2009) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mardi 24 mars 2009 ;
- au mardi 24 mars 2009, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements).
Jeudi 26 mars 2009
Journée mensuelle réservée aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires :
À 9 heures :
1°) et 2°) La conférence des présidents délibérera lors de sa prochaine réunion sur l’inscription des deux sujets réservés au groupe socialiste et au groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
À 15 heures et, éventuellement, le soir :
3°) Question orale du groupe socialiste sur les problèmes rencontrés par les services publics ruraux ;
(La conférence des présidents fixera lors de sa prochaine réunion les modalités d’organisation de ce débat) ;
4°) Proposition de loi visant à exclure les communes de moins de 2 000 habitants du dispositif de service d’accueil des élèves d’écoles maternelles et élémentaires, présentée par M. Yvon Collin et plusieurs de ses collègues (n° 219, 2008-2009) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 25 mars 2009 ;
- au mardi 24 mars 2009, à 16 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements).
Semaines réservées par priorité au Gouvernement
Mardi 31 mars 2009
À 10 heures :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 379 de M. Christian Cambon à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;
(Réforme du code du commerce en matière de rentes viagères) ;
- n° 400 de Mme Anne-Marie Escoffier à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
(Situation des buralistes) ;
- n° 439 de M. René-Pierre Signé à M. le secrétaire d’État chargé de l’industrie et de la consommation ;
(Avenir de La Poste) ;
- n° 442 de Mme Bernadette Bourzai transmise à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi ;
(Avenir de l’association pour la formation professionnelle des adultes) ;
- n° 445 de Mme Bernadette Dupont à M. le ministre de l’éducation nationale ;
(Auxiliaires de vie scolaire en contrat d’accompagnement dans l’emploi) ;
- n° 455 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
(Moyens alloués à l’université de Nanterre) ;
- n° 459 de M. Bernard Fournier à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Répartition des coûts de renforcement du réseau de distribution d’électricité publique) ;
- n° 460 de M. Alain Fouché à Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique ;
(Couverture hertzienne pour la télévision numérique terrestre (TNT)) ;
- n° 461 de M. Hervé Maurey à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
(Fonctionnement du service ferroviaire en Normandie) ;
- n° 462 de M. Jean Bizet à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Relations entre collectivités territoriales et associations de protection de l’environnement) ;
- n° 463 de M. Claude Bérit-Débat à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(L’accès aux soins menacé en Dordogne) ;
- n° 464 de M. Jean-Luc Fichet à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;
(Avenir de l’élevage des chevaux de trait) ;
- n° 465 de Mme Raymonde Le Texier à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;
(Programme de logements destinés aux surveillants de la maison d’arrêt d’Osny (Val d’Oise)) ;
- n° 466 de M. Jean-Claude Frécon à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Syndicat mixte privé de subvention pour travaux consécutifs à une catastrophe naturelle) ;
- n° 467 de M. Gérard Miquel à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
(Cotisations retraite des fonctionnaires détachés de l’État) ;
- n° 468 de M. Simon Sutour à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
(Abandon du projet de création d’une 2 x 2 voies dans le Gard rhodanien) ;
- n° 469 de M. René Teulade à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
(Réforme des tribunaux des affaires de sécurité sociale) ;
- n° 470 de M. Michel Boutant à Mme la ministre de la santé et des sports ;
(Situation financière de l’hôpital de Cognac) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 15 heures et le soir :
2°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances rectificative pour 2009 (A.N., n° 1494) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le lundi 30 mars 2009 ;
- au lundi 30 mars 2009, à 11 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements au texte le mardi 31 mars 2009, à 9 heures et à la suspension du soir).
Mercredi 1er avril 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 15 heures et le soir :
- Suite du projet de loi de finances rectificative pour 2009.
Jeudi 2 avril 2009
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers (n° 14, 2008-2009) ;
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ;
Les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant 17 heures, le mercredi 1er avril 2009 ;
- au jeudi 26 mars 2009, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements ;
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements à son texte le mercredi 1er avril 2009, au matin).
à 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée au service de la séance avant 11 heures) ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
En outre, la conférence des présidents a procédé à la répartition des quatre sujets par séance des journées mensuelles du 7 mai et du 21 juin, réservées aux groupes d’opposition et aux groupes minoritaires.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, je saisis l’occasion de la lecture des conclusions de la conférence des présidents pour vous demander si cette dernière a été saisie de la question de la déclaration d’urgence sur le projet de loi pénitentiaire, que nous examinons actuellement.
En effet, vous savez que M. le président de l’Assemblée nationale a souhaité que cette urgence soit abolie et que M. Jean-Pierre Bel, au nom du groupe socialiste, a formulé avec beaucoup d’instance une demande identique.
Nous sommes très nombreux à considérer que, pour la première mise en œuvre des nouvelles dispositions, il serait vraiment souhaitable que nous puissions prendre le temps nécessaire, le temps fixé par la Constitution, pour débattre au fond, au cours des différentes lectures et navettes prévues, du projet de loi pénitentiaire.
Je vous remercie, madame la présidente, des réponses que vous pourrez m’apporter.
Mme la présidente. Monsieur Sueur, la conférence des présidents a bien été saisie de cette question.
À la suite des interventions de M. Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, et de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe CRC-SPG, M. le président du Sénat a adressé un courrier à M. François Fillon, Premier ministre, qui lui a répondu par une lettre datée de ce jour.
M. le Premier ministre a confirmé la décision du Gouvernement de déclarer l’urgence sur le projet de loi pénitentiaire en se fondant sur une interprétation des règles de procédure parlementaire différente de celle qui a été exprimée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et par M. Jean-Pierre Bel. Il considère que l’urgence ayant été déclarée sur le présent projet de loi avant le 1er mars, date d’entrée en vigueur des nouvelles dispositions constitutionnelles, la règle antérieure s’applique.
Au demeurant, la réponse négative à la demande de revenir sur l’urgence me semble pouvoir évoluer – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat pourra le confirmer – en fonction de l’état du texte après son passage dans chacune des deux assemblées.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Si M. le Premier ministre maintient sa position, nous en prenons acte, mais j’ai cru comprendre, à la lecture du nouveau texte constitutionnel, que les deux conférences des présidents, dès lors qu’elles avaient la même position, pouvaient lever la procédure d’urgence ou d’accélération. Ai-je mal compris, madame la présidente ?
Mme la présidente. Je répète que, selon M. le Premier ministre, le texte sur lequel s’applique la déclaration d’urgence est celui qui a été déposé avant la mise en application de la révision constitutionnelle.
Par ailleurs, nous avons été informés du fait que la conférence des présidents de l’Assemblée nationale n’avait pas pris position. Une demande a simplement été présentée par le président de l’Assemblée nationale, demande à laquelle le Gouvernement a répondu négativement comme à la demande du président du Sénat.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien entendu, les explications du Gouvernement ne nous ont pas convaincus. Il est assez surprenant que deux règles constitutionnelles cohabitent pour l’examen d’un même texte, et ce d’autant plus que le mot « urgence » n’existe plus dans la Constitution révisée en juillet.
Nous avons protesté et M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui siégeait à la conférence des présidents, nous a dit que l’on pourrait revoir les choses ultérieurement, en précisant que le texte ne serait peut-être pas soumis à l’Assemblée nationale avant le mois de mai, ce qui est évidemment en totale contradiction avec l’urgence.
J’ai du mal à croire que l’on pourrait appliquer dans les établissements pénitentiaires, dès le 1er juillet, les fruits du travail du Parlement…
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. J’éprouve un sentiment de malaise.
Nous avons exprimé notre interrogation sur l’application de la procédure d’urgence au texte dont nous débattons aujourd’hui, mais, compte tenu des éléments que vous venez de nous donner de la part de M. le Premier ministre, nous sommes maintenant perplexes devant la porte qui reste ouverte.
Cela signifie-t-il que, si le texte convient au Gouvernement, nous aurons droit à une navette, c’est-à-dire à la levée de l’urgence ? Dans ce cas, il s’agira d’une récompense. Au contraire, serons-nous punis si le texte n’est pas conforme aux souhaits du Gouvernement, auquel cas l’urgence s’appliquera ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pas du tout !
M. Richard Yung. Je me perds en conjectures.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas clair !
Mme la présidente. Seul le Gouvernement peut répondre à cette question.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, je demande une suspension de séance de dix minutes pour que nous puissions examiner la situation extrêmement complexe dans laquelle nous nous trouvons.
Mme la présidente. Je veux bien accéder à votre demande, mais pour cinq minutes.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinquante-cinq.)
M. Jean-Pierre Sueur. Mes chers collègues, je voudrais dire avec gravité, au nom du groupe socialiste, qui vient de se réunir, qu’il est tout à fait indigne du Parlement de se trouver dans cette situation de totale confusion tant sur le fond que sur la procédure.
Sur ce sujet grave, essentiel pour notre société, sur lequel des rapports parlementaires importants ont été écrits, qui a donné lieu à un travail intense, en particulier de la part de M. le rapporteur, nous assistons à une véritable palinodie.
Nous attendons ce projet de loi depuis des années. Il a été longuement préparé, chacun peut en convenir. Et voilà qu’on nous dit tout d’un coup qu’il doit être examiné en urgence alors que les navettes parlementaires sont parfaitement justifiées, tout le monde le sait !
S’il y a urgence, comment expliquer – Mme Borvo Cohen-Seat vient de poser la question – que M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement nous annonce qu’il ne sera peut-être soumis à l’Assemblée nationale qu’au mois de mai ? Est-ce une urgence de convenance ? Dans ce cas, qu’on nous le dise ! Moi, je dis les choses clairement, madame la garde des sceaux : pourquoi le Gouvernement a-t-il cette attitude ?
Nous avons du mal à comprendre. Le sujet est urgent, certes, parce que les prisons vont mal, mais tout le monde sait bien, y compris dans le monde pénitentiaire, qu’il est parfaitement possible que nous consacrions quelques semaines ou quelques mois de plus pour que la procédure parlementaire aille à son terme. Nous sommes contre les urgences de convenance, je le dis avec force au nom du groupe socialiste.
Pour ce qui est de la procédure, on le sait, la déclaration d’urgence n’existe plus : elle a été remplacée par la « procédure accélérée » ; ainsi en a décidé la nouvelle Constitution. C’est donc bien dans ce cadre que nous nous trouvons. Or la nouvelle Constitution offre au Parlement la possibilité de refuser l’application de cette procédure s’il la juge abusive.
Précisément, en l’espèce, M. le président de l’Assemblée nationale s’est dit opposé à l’application de cette procédure d’urgence devenue procédure accélérée. La conférence des présidents de l’Assemblée nationale, s’il la réunit, le suivra.
Nous réitérons donc la demande de notre groupe, déjà formulée par Jean-Pierre Bel : la conférence des présidents du Sénat doit se réunir pour refuser, elle aussi, l’application de la procédure accélérée sur ce texte.
Ce sera un symbole fort : les deux assemblées du Parlement de la République s’opposant ensemble à une procédure accélérée pour permettre à ce débat serein, même s’il est animé, et positif, car nous avons abordé des questions de fond, d’aller normalement jusqu’à son terme.
Nous protestons contre l’état de confusion dans lequel nous nous trouvons, tant sur le fond que sur la procédure.
10
Loi pénitentiaire
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence (Texte de la commission)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi pénitentiaire, déclaré d’urgence.
Dans la discussion des articles, nous avons entamé l’examen de l’article 10 bis.
Article 10 bis (suite)
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz, pour un rappel au règlement.
M. Louis Mermaz. Avant la suspension du dîner, nous avions débattu, sur l’initiative du groupe socialiste, de la possibilité de disposer d’interprètes de manière que, lors de leur arrivée dans un établissement pénitentiaire, les détenus étrangers puissent être informés dans une langue qu’ils comprennent et pour qu’ils puissent également se faire entendre des autorités s’ils ne parlent pas le français.
M. du Luart, qui présidait alors la séance, a lui-même bien voulu reconnaître l’importance de ce sujet. Le président Hyest et le rapporteur s’en sont également préoccupés, si bien qu’on a fait venir le président de la commission des finances, car on nous oppose, une fois de plus, l’article 40.
Nous aimerions savoir ce qu’il en est résulté et quelle procédure le président Hyest et le rapporteur souhaitent utiliser.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L’article 40 a effectivement été opposé à une proposition de modification de la commission. Cela étant, monsieur Mermaz, il n’a jamais été question d’interprètes : il s’agissait de la traduction de documents fournis aux détenus, ce qui n’est pas la même chose.
M. Louis Mermaz. En effet ! Une traduction gratuite !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La commission des finances a confirmé que l’article 40 s’appliquait. Nous essaierons de trouver une solution d’ici à la fin des débats, car cette question est en effet importante. Mais, pour l’instant, nous ne pouvons que voter l’article tel qu’il est.
M. Louis Mermaz. Demandez donc au doyen Gélard de traduire ces documents en anglais ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous n’allons pas reprendre le débat sur la valeur relative des langues en matière juridique !
M. Louis Mermaz. Pour en revenir à un sujet plus sérieux, j’attends une réponse.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je vous l’ai donnée !
M. Louis Mermaz. Je veux dire, une réponse positive ! (Exclamations sur le banc des commissions.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Je prolongerai l’intervention, justifiée, de mon collègue Mermaz.
L’utilisation de l’article 40 me semble excessive, en particulier sur le texte que nous examinons aujourd’hui. Mais, indépendamment de cela, si nous voulons avoir une chance de voir le Conseil constitutionnel s’interroger sur les conditions d’utilisation de l’article 40 à l’occasion de l’examen d’un texte, il faut que, en séance, ces conditions soient contestées par les uns ou par les autres.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mon cher collègue, je vous rappelle que c’est le Conseil constitutionnel lui-même qui nous a contraints à appliquer l’article 40 comme nous le faisons aujourd'hui, alors que nous procédions auparavant tout à fait différemment.
Ne revenez pas sur un débat qui a été assez douloureux pour le Sénat !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Je reprends ce que je disais juste avant la suspension de séance : tout cela est absurde !
Tout à l’heure, j’avais cru percevoir une certaine effervescence sur les travées, d’où le bon sens semblait pouvoir surgir. Je pensais que la raison était près de l’emporter : on n’allait pas transmettre une information à quelqu’un qui n’est pas en mesure de la comprendre !
Madame le garde des sceaux, vous qui en avez le pouvoir, acceptez-vous enfin que votre article soit un article utile, c’est-à-dire un article prévoyant la transmission d’une information compréhensible par le détenu ? Si ce n’est pas le cas, à quoi sert cet article ? À rien !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas vrai !
M. Alain Anziani. Ne votons pas des articles qui ne servent à rien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout le monde a l’air d’accord sur le fond.
Mais, madame la ministre, vous n’avez pas répondu à la question concernant l’information des détenus lors de leur admission dans un établissement pénitentiaire. Il ne peut pas y avoir un interprète derrière chaque détenu, avez-vous dit. Nous le comprenons très bien. Mais vous n’avez pas répondu sur le problème de fond que soulève cet article.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’imposer un principe qui ne serait pas réaliste, mais le Gouvernement peut résoudre simplement le problème en se déclarant favorable à la transmission des informations dans une langue que le détenu peut comprendre.
Sinon, il faut réserver cet article jusqu’à ce que la commission des finances réexamine la question. Malheureusement, il n’y a pas parmi nous de représentant de la commission des finances. En effet, la procédure que le Conseil constitutionnel nous impose, à savoir le fait de statuer en amont sur l’applicabilité de l’article 40, ne peut pas être arbitraire ! Il doit y avoir un recours possible contre la décision de la commission des finances.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas arbitraire ! Il en a toujours été ainsi !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Je me joins à la demande de Mme Borvo Cohen-Seat : je souhaite que Mme le garde des sceaux réserve cet article pour apporter une réponse positive.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un texte a été proposé par la commission – après qu’elle eut été amenée à modifier sa proposition initiale, compte tenu des problèmes qui se posaient – et il a reçu l’assentiment du Gouvernement. Nous avons entendu de très nombreuses interventions et je pense qu’il est maintenant temps de passer à l’examen des amendements, puis de voter sur l’article.
Nous ne pouvons pas reprendre éternellement le même débat ! Si l’article 40 doit s’appliquer, il s’applique, point à la ligne ! Nous n’avons jamais discuté cette décision. Lorsque la commission des finances déclare que l’article 40 s’applique, si vous trouvez cela absurde, adressez-vous à elle !
Cela étant, peut-être devra-t-on mener une réflexion globale, comme nous l’avons demandé, sur la mise en œuvre de l’article 40.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Nous l’avons déjà eue !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Dans le cadre de la révision du règlement, une telle réflexion est encore nécessaire.
En tout cas, pour l’heure, madame la présidente, je pense que nous avons épuisé le sujet et qu’il nous faut poursuivre l’examen de cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 211 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Alfonsi et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase de cet article, après les mots :
le détenu est informé
insérer les mots :
oralement et par la remise d'un document écrit
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Nous nous attendions à ce débat sur l’article 10 bis. Cet amendement vise d’ailleurs à essayer de contourner, partiellement et de manière un peu radicale, l’application de l’article 40, qui nous avait profondément choqués. Il nous a en effet été indiqué que c’était en vertu de l’article 40 qu’il fallait renoncer à la nécessité d’informer le détenu « dans la langue qu’il comprend ».
Mme le garde des sceaux nous a expliqué pourquoi l’article 40 était applicable. On peut comprendre ce point de vue, mais ne point le partager, et c’est notre cas. En effet, nous ne pouvons appréhender ce que le M. Badinter a qualifié de « grande loi » par le petit bout de la lorgnette !
Dans une loi pénitentiaire, l’information du détenu est évidemment un élément très important. Madame le garde des sceaux nous l’a indiqué, dans les maisons d’arrêt, lors de l’arrivée d’un détenu, cette information se réalise souvent de manière pragmatique, grâce à des traductions données par les codétenus ; mais celles-ci ne sont pas toujours très exactes, c’est le moins que l’on puisse dire.
Il est donc nécessaire d’essayer au moins de préciser cet article 10 bis. C’est pourquoi nous proposons d’insérer les mots « oralement et par la remise d’un document écrit ». Ainsi, le Gouvernement pourra garantir la traduction du document écrit et de toutes les informations visées dans cet article : régime de détention du détenu, ses droits et obligations, recours et requêtes qu’il peut former, règles applicables à l’établissement.
En contournant au moins partiellement l’obstacle qui a été dressé, cet amendement est aussi une forme de protestation contre l’application de l’article 40 sur un tel sujet.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Dans le contexte créé par les difficultés sur lesquelles nous avons passé quelque temps, la précision semble utile.
En conséquence, la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement émet le même avis. D’ailleurs, 100 000 livrets d’accueil seront édités à cette fin. Cet amendement sera donc ainsi satisfait.
Mme la présidente. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 11 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase de cet article par les mots :
et lui sont rendues accessibles pendant la durée de sa détention.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Les parlementaires n’ont toujours pas prévu comment on allait informer le détenu de ses droits. Cela est regrettable. Heureusement, le Sénat a la possibilité d’adopter cet amendement ! (Sourires.)
Le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté sur cette question, le 21 juin 1984, une recommandation aux termes de laquelle « les détenus étrangers devraient être informés à bref délai après leur admission dans un établissement pénitentiaire, dans une langue qu’ils comprennent, des principaux aspects du régime de l’établissement ».
Cet amendement prévoit que les règles applicables dans l’établissement sont portées à la connaissance du détenu non seulement au moment de son incarcération, mais également tout au long de sa détention.
En effet, le jour de son incarcération, le détenu vit nécessairement un moment difficile, son esprit est évidemment perturbé et il n’est pas forcément en mesure de bien saisir toutes les informations qu’on lui donne. C’est pourquoi il me semble important qu’il puisse en prendre également connaissance plus tard.
En vertu de la règle pénitentiaire européenne 30.1, « lors de son admission et ensuite aussi souvent que nécessaire, chaque détenu doit être informé par écrit et oralement – dans une langue qu’il comprend – de la réglementation relative à la discipline, ainsi que de ses droits et obligations en prison ».
Je le rappelle, 20 % des détenus sont étrangers ; ils ne maîtrisent donc pas la langue française et ne savent parfois même pas lire. J’espère que les livrets qu’a évoqués tout à l'heure Mme le garde des sceaux seront rédigés en différentes langues ; le détenu aura ainsi une chance de comprendre l’une d’entre elles.
Par ailleurs, je souhaite interroger Mme le garde des sceaux sur les modalités de communication existantes, non seulement en termes de langue, mais aussi au regard des possibilités de médiation vis-à-vis des personnels de l’administration pénitentiaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C’est bien tout au long de la détention que la commission entendait l’exercice du droit à l’information, mais il est peut-être opportun de le préciser expressément.
En conséquence, la commission a émis un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est tout à fait favorable à cet amendement.
Concernant les modalités ou les moyens d’information, les détenus disposent dès leur arrivée de documents, avec notamment ce que l’on appelle le « kit de l’arrivant », qui contient un grand nombre d’informations. Ils peuvent en outre s’adresser aux associations, aux conseillers d’insertion et de probation, aux enseignants, qui sont éventuellement en mesure de les aider à connaître leurs droits, ou encore aux délégués du Médiateur de la République, qui ont beaucoup œuvré en faveur de l’amélioration des droits des détenus. Les voies d’information sont donc nombreuses et diverses, mais le présent amendement contribuera à améliorer encore cette information.
Mme la présidente. L'amendement n° 95, présenté par MM. Yung, Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Lors de leur admission, les détenus ressortissants d'un pays étranger sont informés sans délai de leur droit de prendre contact avec leurs représentants diplomatiques ou consulaires. Ils sont informés de la possibilité de solliciter leur transfert vers un autre pays en vue de l'exécution de leur peine.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. C’est avec le cœur rempli d’espoir que je défends cet amendement puisque deux amendements déposés par des membres de l’opposition viennent d’être acceptés et adoptés.
Après avoir évoqué le délicat sujet de la langue, nous abordons ici certains droits particuliers des ressortissants étrangers incarcérés.
Comme cela a été souligné, 20 % des détenus sont d’origine étrangère. Il nous semble donc utile de rappeler, suivant les règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus, d’une part, et la convention de Vienne sur les relations consulaires, d’autre part, que les détenus étrangers peuvent avoir besoin d’une aide particulière lorsqu’ils sont incarcérés dans notre pays.
Nous considérons qu’ils doivent être informés de leur droit de prendre contact avec leurs représentants diplomatiques ou consulaires. Certes, cela semble sans doute évident à beaucoup d’entre vous, mais un certain nombre d’entre eux ne sont pas familiers des arcanes du droit international et ne le savent peut-être pas.
Dans le même esprit, il serait souhaitable de porter à leur connaissance le fait qu’ils sont susceptibles de bénéficier d’un transfert vers un autre pays en vertu de la convention sur le transfert des personnes condamnées ou en application d’accords bilatéraux. Il importe de les informer de cette possibilité, même si elle n’est pas systématique. Si elle existe, ils n’y auront peut-être pas recours, mais ils doivent être mis en mesure de l’étudier.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je tiens tout d’abord à indiquer à mon collègue qu’il est relativement logique que la commission des lois émette peu d’avis favorables en séance publique puisqu’elle a intégré dans le texte qu’elle propose à la discussion les amendements qu’elle avait accueillis favorablement lors de l’examen préalable.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Chacun d’entre nous va devoir s’habituer à ce nouvel état de fait.
S’agissant maintenant des dispositions prévues dans l’amendement n° 95, elles me semblent être englobées dans le droit plus général à l’information des détenus visé par l’article 10 bis.
Par ailleurs, je doute de la possibilité prévue de manière générale de solliciter le transfert vers un autre pays en vue de l’exécution de la peine dans la mesure où celle-ci, qui dépend des conventions internationales signées par notre pays, n’est pas envisageable pour toutes les nationalités.
C'est la raison pour laquelle la commission vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cet amendement vise à transposer la convention de Vienne et celle de Strasbourg.
Toutefois, ces textes sont déjà d’application directe. Mentionner cette possibilité reviendrait à alourdir le texte et n’apporterait rien de plus.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. Nous nageons en plein surréalisme, madame la présidente !
L’article 10 bis est une absurdité si le ressortissant étranger n’a pas la possibilité de bénéficier d’un interprète, mais l’article 40 de la Constitution nous a été opposé… D’ailleurs, en tant que président de la commission des finances, notre collègue Jean Arthuis doit suivre nos débats avec beaucoup d’intérêt.
On demande à un étranger incarcéré non seulement d’être polyglotte, mais encore d’avoir une connaissance complète de l’ensemble des conventions internationales ! À l’évidence, il doit pouvoir se renseigner pour savoir s’il a la faculté de solliciter son transfert dans un autre pays pour y purger sa peine. Il revient à l’administration de lui dire si la France a signé ou non une convention avec le pays vers lequel il souhaiterait être extradé. En ce moment même, on connaît la situation dramatique de cette jeune Française qui a subi une condamnation inique au Mexique.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je souhaite répondre à Mme le garde des sceaux.
L’amendement n° 95 vise tout simplement à porter à la connaissance des détenus le fait qu’ils ont la possibilité de solliciter leur transfert vers un autre pays. Nous avons retenu une formulation prudente puisque nous n’indiquons pas qu’il y a obligatoirement transfert. Dans certains cas, en fonction des conventions bilatérales ou multilatérales, le transfert s’appliquera, dans d’autres, il ne sera pas possible.
Néanmoins, il est important qu’une personne étrangère incarcérée en France, qui a parfois une peine assez longue à purger, ait connaissance de cette possibilité. Il ne me semble pas exorbitant de faire cette demande, d’autant que cela existe déjà en partie aujourd'hui. Il en est de même pour l’aide consulaire qui peut lui être apportée.
11
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire luxembourgeoise
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous avons l’honneur d’accueillir ce soir une délégation de la commission des finances du parlement luxembourgeois, conduite par son président, M. Laurent Mosar. (Mme la garde des sceaux, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
C’est toujours un plaisir pour nous de recevoir nos collègues des parlements européens.
Nos collègues luxembourgeois auront, demain matin, une séance de travail conjointe avec les commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Je ne doute pas que ce séminaire de réflexion permettra de progresser sur les nombreux sujets d’intérêt commun qui touchent nos deux économies.
Une telle initiative doit être saluée en ces temps de crise, où la coordination des politiques menées par nos pays s’impose, plus encore qu’à l’accoutumée, comme une ardente nécessité.
Je me réjouis donc de votre venue à Paris, et je vous souhaite, chers collègues, au nom du Sénat tout entier, un utile et agréable séjour à Paris. (Applaudissements.)
12
Loi pénitentiaire
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d’urgence (Texte de la commission)
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi pénitentiaire.
Article additionnel avant l'article 11
Mme la présidente. L'amendement n° 97, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout détenu a le droit de solliciter des conseils juridiques et les autorités pénitentiaires doivent raisonnablement l'aider à avoir accès à de tels conseils.
Les consultations et autres communications – y compris la correspondance -– sur des points de droit entre un détenu et son avocat doivent être confidentielles.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement, qui rejoint les préoccupations exprimées voilà quelques instants, vise à permettre aux détenus d’accéder à des conseils juridiques de toute nature.
En effet, le détenu est bien souvent une personne « paumée » – le terme me paraît approprié –, se trouvant dans une situation de misère, y compris parfois intellectuelle, mais surtout d’exclusion telle qu’elle ne peut guère avoir accès aux informations susceptibles de lui être utiles. Or les multiples difficultés que chacun d’entre nous peut rencontrer dans la vie quotidienne sont aggravées par la détention, qu’il s’agisse de la gestion de problèmes familiaux, de la nécessité de rédiger un testament ou de faire un acte de droit civil. Tout cela suppose des conseils, a fortiori quand on est dans la situation que je viens de décrire.
Nous proposons donc que tout détenu ait le droit de solliciter des conseils juridiques et que l’administration pénitentiaire lui facilite l’accès à ce droit.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable, et ce pour deux raisons.
D’une part, ces dispositions ne relèvent en aucune manière du domaine de la loi.
D’autre part, le développement des points d’accès au droit dans les prisons et la présence des délégués du Médiateur de la République ont très largement répondu à votre préoccupation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’article 10 du projet de loi « garantit à tout détenu le respect de ses droits ».
Par ailleurs, la confidentialité des communications entre un détenu et son avocat figure parmi les droits de la défense. C’est un droit élémentaire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La confidentialité est, pour toute personne, un droit fondamental, à caractère constitutionnel, dont la réaffirmation par une norme législative se révèle inutile.
En conséquence, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Même si la précision concernant la confidentialité nous paraît inutile dans la mesure où celle-ci va de soi, nous soutenons cet amendement, car le texte présente une insuffisance – je l’ai déjà indiqué à M. le rapporteur – en ce qui concerne l’appui juridique dont doit pouvoir bénéficier le condamné.
Le plus souvent, le condamné n’a plus de contact avec le conseil qui l’a défendu puisque, très logiquement, la mission du conseil s’arrête après la condamnation définitive. Certes, l’avocat a le droit de conserver des liens avec le condamné, mais, dans la pratique, je me suis, pour ma part, souvent fait le reproche d’avoir, par la force des choses et eu égard à diverses difficultés, laissé un détenu seul après sa condamnation.
J’ajoute que la plupart des condamnés bénéficient de l’aide juridictionnelle ; leur avocat est donc souvent commis d’office et ne peut ensuite rester en contact direct avec le condamné, d’autant que celui-ci est le plus souvent transféré, parfois très loin.
En dépit des dispositions rappelées par M. le rapporteur et Mme le garde des sceaux et de la présence de délégués du Médiateur de la République, il subsiste un vide en la matière.
Il serait particulièrement utile que les barreaux puissent organiser des permanences auprès des maisons d’arrêt et des maisons centrales, car l’absence des avocats pose un réel problème.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 97.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 11
Les condamnés communiquent librement avec leurs avocats dans les mêmes conditions que les prévenus pour l'exercice de leur défense.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.
M. Louis Mermaz. Il est prévu, à l’article 11, que les condamnés peuvent communiquer librement avec leurs avocats dans les mêmes conditions que les prévenus pour l’exercice de leur défense.
Je ne me lasserai jamais de le répéter – tous les enseignants savent que la répétition a des vertus pédagogiques –, force est de se demander comment cela se passera avec un étranger qui ne pratique pas le français !
Le dernier alinéa de l’article 716 du code de procédure pénale dispose bien que « toutes communications et toutes facilités compatibles avec les exigences de la discipline et de la sécurité de la prison sont accordées aux personnes mises en examen, prévenus et accusés pour l’exercice de leur défense ».
La liberté de communication avec l’avocat pour l’exercice de la seule défense constituerait une régression puisqu’elle limiterait ce droit au seul exercice d’une action en justice.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non !
M. Louis Mermaz. Puisqu’on explique depuis le début de ce débat qu’un détenu demeure un homme, un citoyen – quand il est français – qui dispose de ses droits, hormis bien sûr le fait d’être retenu, nous vous demanderons, avec un amendement que soutiendra notre collègue Alain Anziani, de supprimer, à la fin de cet article, les mots « pour l’exercice de leur défense », qui sont limitatifs.
Le conseil d’un avocat doit pouvoir être fourni au détenu pour toute autre affaire le concernant : une instance de divorce, un problème de caractère civil, etc. L’amendement qui vous sera présenté visera donc à permettre aux détenus de retrouver, comme le veut la loi, la totalité de leurs droits, afin de pouvoir ester en justice chaque fois que cela sera nécessaire.
Tout détenu a le droit, pensons-nous, de solliciter des conseils juridiques, et les autorités pénitentiaires doivent raisonnablement l’aider à avoir accès à de tels conseils, et cela, évidemment, dans une langue qu’il comprend !
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les personnes détenues communiquent librement avec leurs avocats.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet de simplifier la rédaction de l’article 11, qui est relatif au droit du détenu de communiquer librement avec son avocat.
Je ne comprends pas pourquoi la rédaction de cet article est si biscornue. Pourquoi faire référence aux condamnés et aux prévenus pour dire qu’ils bénéficient des mêmes droits ? Autant dire directement que les détenus, sans faire de distinction entre prévenus et condamnés, bénéficient du droit de communiquer librement avec leurs avocats ; ce serait plus simple !
Quant à la mention de l’exercice de leur défense, il me semble qu’elle est également superflue. Pour quelle raison un détenu communiquerait-il avec son avocat si ce n’est pour l’exercice de sa défense ? Il convient donc de supprimer cette référence qui me semble restrictive.
Je propose donc de prévoir simplement que les détenus communiquent librement avec leurs avocats.
Mme la présidente. Les amendements nos 13 et 98 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 98 rectifié est présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
À la fin de cet article, supprimer les mots :
pour l'exercice de leur défense
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 13.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a été partiellement défendu, mais je souhaite tout de même préciser les raisons pour lesquelles nous souhaitons la suppression de la référence à l’exercice de la défense du détenu.
Il nous semble que cette précision est non seulement inutile, mais également dangereuse. Malgré les garanties qui ont été apportées par le rapporteur, je reste convaincue que cette restriction du champ de communication du détenu avec son avocat n’est pas justifiée et qu’elle masque quelque chose.
Soit l’on considère que toute communication du détenu avec son avocat a un rapport avec l’exercice de la défense et, dans ce cas, l’avocat n’interviendra que lorsqu’une procédure contentieuse est engagée. Soit l’on considère que le principe de libre communication du détenu avec l’avocat est pleinement respecté et, dans ce cas, la mention « pour l’exercice de leur défense » est de trop.
En effet, en dehors de tout contentieux, qu’il soit disciplinaire ou même pénal, l’avocat peut apporter au détenu des conseils juridiques sur sa situation carcérale, mais aussi, comme l’a dit notre collègue Louis Mermaz, sur ses biens, sur sa famille ou toute autre question relevant de la gestion de ses droits personnels ou patrimoniaux. II n’y a pas, à proprement parler, de « défense » sur ces questions. Cela signifie-t-il que le détenu ne pourra pas communiquer avec son avocat à leur sujet ?
Cet article est flou et ne garantit pas la libre communication du détenu avec son avocat puisqu’il induit une restriction qui n’est pas justifiée au regard du droit européen. En effet, selon la Cour européenne des droits de l’homme, « il y va clairement de l’intérêt public qu’une personne désireuse de consulter un homme de loi puisse le faire dans les conditions propices à une pleine et libre discussion ».
L’article 11 qui nous est proposé ne permettant pas une telle discussion, nous vous proposons de supprimer la référence à l’exercice de la défense.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 98 rectifié.
M. Alain Anziani. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?
La formulation simple, qui se comprend facilement et qui ne donne pas lieu à interprétation, est la suivante : les condamnés communiquent librement avec leurs avocats dans les mêmes conditions que les prévenus.
Pourquoi ajouter « pour l’exercice de leur défense » ? Ces mots sont forcément destinés à modifier la première partie de la phrase.
Je ne suspecte pas les auteurs du texte de mauvaise intention, mais mieux vaut être clair. Cet ajout étant inutile, autant supprimer ces mots pour permettre au détenu de communiquer avec son avocat sur tout type de questions.
Mme la présidente. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Lorsqu'ils ne bénéficient pas d'un avocat attitré, les détenus bénéficient de l'aide à l'accès au droit prévu par les dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet d’inscrire dans la loi pénitentiaire la possibilité pour le détenu de bénéficier de l’aide à l’accès au droit prévue par la loi du 10 juillet 1991. Vous me répondrez que cela existe déjà pour les détenus. Mais nous ne perdrons rien à le prévoir de manière expresse dans la loi pénitentiaire.
Cela permettra d’ailleurs de nous conformer à la règle pénitentiaire européenne 23.3, selon laquelle, « lorsque la législation prévoit un système d’aide judiciaire gratuite, cette possibilité doit être portée à l’attention de tous les détenus par les autorités pénitentiaires ». C’est la raison pour laquelle je vous propose, avec cet amendement, de faire figurer cette possibilité dans la loi pénitentiaire.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission souhaite le retrait des amendements nos 15 rectifié, 13 et 98 rectifié ; à défaut, elle émettra avis défavorable.
En effet, le problème ici évoqué est essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, théorique. Les auteurs de ces amendements invoquent le fait que la liberté de communication avec l’avocat ne concerne pas seulement l’exercice de la défense.
En premier lieu, il faut remarquer que les échanges avec l’avocat sont toujours couverts par le secret et que nul ne peut en contrôler le contenu. Il est donc parfaitement possible que le détenu communique avec son avocat sur un problème de divorce, de pacs, de bien lui appartenant, ou que sais-je encore ! Cette communication sera de toute façon totalement confidentielle.
En second lieu, sur le plan des principes, il faut bien se remémorer que les garanties apportées par la loi à la liberté d’échange entre les personnes détenues et leurs avocats dérogent aux règles qui s’appliquent habituellement en milieu carcéral. Mais ces garanties ont leur première justification dans les exigences de la défense de la personne condamnée. Il me paraît donc naturel que cette précision demeure dans la loi, même si cela ne change strictement rien par rapport aux préoccupations qui ont été exprimées.
Quant à l’amendement n° 12 rectifié, nous pensons qu’il est satisfait puisque l’aide juridictionnelle est déjà prévue dans notre droit. C’est un droit ! Par conséquent, il ne nous paraît pas utile de le préciser à nouveau. C’est pourquoi la commission demande également le retrait de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 15 rectifié. L’article 11 reprend, pour les condamnés, le principe de libre communication avec leurs avocats prévu, pour les prévenus, par l’article 716 du code de procédure pénale. Il est donc inutile de viser ici les personnes détenues de manière à inclure les prévenus.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 13 et 98 rectifié. Certes, on pourrait penser que les mots « pour l’exercice de leur défense » sont limitatifs, mais l’exercice de la défense recouvre également l’assistance et le conseil.
Enfin, il est défavorable à l’amendement n° 12 rectifié, qui est inutile, car l’accès au droit est déjà prévu par la loi de 1991.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’explication de Mme la garde des sceaux me gêne.
Madame la ministre, ne nous dites pas que l’exercice de la défense englobe également le conseil en matière de divorce, de pension alimentaire, etc. Ce n’est pas possible !
Autant faire simple, comme l’a dit notre collègue Alain Anziani, et dire seulement que les condamnés communiquent librement avec leurs avocats. Cela permet d’englober tous les aspects de l’échange entre le condamné et son avocat.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Mermaz, pour explication de vote.
M. Louis Mermaz. À moins de supposer que tout directeur d’établissement public est au moins agrégé de droit, mais s’ils ont indiscutablement tous de bonnes connaissances juridiques, le fait de préciser que l’avocat est là pour l’exercice de la défense des personnes détenues entretient une confusion.
En effet, les condamnés et ceux qui sont en détention provisoire – n’oublions pas l’importance de ces détenus ! – peuvent parfaitement prendre l’initiative d’une action en justice. À ce moment-là, leurs avocats ne sont pas défendeurs, puisque ce sont eux, au contraire, qui introduisent l’action.
Par conséquent, la rédaction est ambiguë. Ce n’est plus du droit, c’est du Molière !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 98 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Article 11 bis
Les personnes détenues ont droit à la liberté de conscience et peuvent exercer leur culte, selon les conditions adaptées à l'organisation des lieux, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 14 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le droit à la liberté de conscience et de culte des détenus doit être respecté.
Chaque détenu peut accomplir au sein de l'établissement pénitentiaire les actes propres à son culte dans des conditions conformes aux exigences de la sécurité et du bon ordre de l'établissement.
L'administration pénitentiaire agrée le personnel d'aumônerie pour assurer des services ou des activités cultuelles.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à réécrire l’article 11 bis afin d’y ajouter quelques éléments.
La conformité des conditions d’exercice du culte avec les exigences de sécurité et de bon ordre de l’établissement est maintenue. En revanche, l’amendement fait référence à l’agrément du personnel d’aumônerie.
Les règles de l’assistance spirituelle apportée aux détenus sont prévues dans les articles D. 432 à D. 439 du code de procédure pénale. L’article D. 433 dispose que le service religieux est assuré, pour les différents cultes, par des aumôniers désignés par le ministre de la justice, sur proposition du directeur régional, qui consulte à cet effet l’autorité religieuse compétente, et après avis du préfet.
Il existe donc un cadre précis qui permet aux aumôniers des différents cultes d’accomplir leur ministère en prison.
Cependant, il convient de préciser que la procédure d’agrément est fondamentale : elle permet à l’autorité compétente de s’assurer de la représentativité d’un culte, voire du caractère cultuel de certains courants de pensée.
Ainsi, la possibilité accordée aux Témoins de Jéhovah d’entrer dans les prisons a donné lieu à une jurisprudence très importante du Conseil d’État, dans la perspective d’une ouverture du champ des cultes au-delà des grandes religions.
En raison de ces spécificités, il semble nécessaire de préciser que le service du culte s’exerce sous le contrôle de l’administration pénitentiaire, par le biais d’une procédure d’agrément, reprise dans le cadre des décrets d’application.
Mme la présidente. L'amendement n° 99, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les personnes détenues ont droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ils peuvent exercer leur culte selon les conditions adaptées à l'organisation des lieux.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Cet amendement, qui vise à réécrire l’article 11 bis, présente deux différences avec le texte de la commission.
La première, fondamentale, vise à réparer ce qui est, selon moi, un oubli des auteurs de l’article 11 bis. Il s’agit de reconnaître la liberté d’opinion. On voit mal pour quelles raisons ce texte priverait le détenu de la liberté d’opinion. Qu’on affirme la liberté de conscience et de religion du détenu, c’est bien. Mais pourquoi ne pas mentionner aussi la liberté d’opinion ? Je rappelle que celle-ci est inscrite dans le préambule de la Constitution de 1946 et qu’elle fait partie des principes fondamentaux reconnus, notamment, par le Conseil constitutionnel en 1977.
Dès lors, c’est bien la moindre des choses que d’ajouter ici la mention de la liberté d’opinion.
Par ailleurs, cet amendement vise à supprimer la référence aux limites imposées par la sécurité et le bon ordre de l’établissement, qui n’apporte pas grand-chose et risque au contraire de restreindre la liberté de religion des détenus.
Je précise, madame la présidente, que je rectifie cet amendement en remplaçant les mots « de pensée » par les mots « d’opinion » et en corrigeant l’erreur grammaticale qui consistait, au début de la deuxième phrase à employer le pronom « Ils » au lieu de « Elles ».
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un amendement n° 99 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les personnes détenues ont droit à la liberté d'opinion, de conscience et de religion. Elles peuvent exercer leur culte selon les conditions adaptées à l'organisation des lieux.
L'amendement n° 227, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
À la fin de cet article, supprimer les mots :
, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 11 bis reconnaît aux détenus le droit à la liberté de conscience et à l’exercice de leur culte, ce qui constitue, c’est vrai, une avancée. Celle-ci est cependant immédiatement suivie d’une restriction liée à la sécurité et au bon ordre de l’établissement.
Cet article est donc caractéristique d’une méthode : d’un côté, l’affirmation d’une liberté ; de l’autre, le rappel des impératifs de sécurité, qui en atténue bien évidemment la portée.
Telle est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer les restrictions prévues par les derniers mots de cet article.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C’est la commission qui a décidé d’intégrer dans le projet de loi cet article consacrant les libertés de conscience et de culte.
La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 14 rectifié dans la mesure où celui-ci supprime la mention, qui nous paraît utile, des contraintes liées à l’organisation des lieux. En effet, dans la plupart des établissements pénitentiaires, un même lieu est utilisé pour toutes les religions. Cela m’apparaît d’ailleurs comme une illustration – voire un exemple à suivre – de l’esprit de compréhension et de tolérance qui doit selon moi régner entre les différentes religions. Tout se passe très bien, et les aumôniers, qu’ils soient catholiques, protestants, musulmans ou juifs, s’entendent parfaitement.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 99 rectifié en ce qu’il vise notamment à supprimer la référence aux notions de sécurité et de bon ordre de l’établissement. Or, ne nous le cachons pas, il s’agit ici d’un domaine, celui de la religion, où des actions de prosélytisme radical peuvent être menées et doivent légitimement être combattues. Il nous semble donc que la référence à la sécurité et au bon ordre est tout à fait indispensable.
Pour cette même raison, la commission a également émis un avis défavorable sur l’amendement n° 227.
Cela étant, l’amendement n° 99 rectifié tend également à faire mention, dans l’article 11 bis, de la liberté d’opinion, et je dois dire que, personnellement, je n’y suis pas hostile, même si, concrètement, cela ne change pas grand-chose à la vie des établissements.
C’est pourquoi je propose de sous-amender l’amendement n° 99 rectifié bis – pardonnez-moi, madame la présidente, cet exercice d’« artisanat législatif » ! (Sourires.) – de manière à y réintroduire les limites prévues initialement par la commission concernant la sécurité et le bon ordre des établissements.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 300, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, et ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase du second alinéa de l'amendement n° 99 rectifié par les mots :
, sans autres limites que celles imposées par la sécurité et le bon ordre de l'établissement
Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements et le sous-amendement en discussion ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En vérité, monsieur le rapporteur, le Gouvernement était défavorable à l’amendement n° 99 rectifié. Évidemment, le dépôt de votre sous-amendement est susceptible de faire évoluer notre position.
Je demande une courte suspension de séance pour me permettre de faire le point, madame la présidente.
Mme la présidente. Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-trois heures.)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 99 rectifié, sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 300. Bien entendu, il est, par conséquent, défavorable aux deux autres amendements.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 99 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 11 bis est ainsi rédigé, et l'amendement n° 227 n'a plus d'objet.
Article additionnel après l'article 11 bis
Mme la présidente. L'amendement n° 188, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 11 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sous réserve des interdictions édictées par l'administration pénitentiaire liées à la sécurité et à la santé, les détenus peuvent recevoir ou acheter en cantine les produits alimentaires de leur choix.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à mettre un terme à la diversité des pratiques en matière de cantine des détenus et de réception de colis alimentaires.
Des restrictions, comme, par exemple, l’interdiction du café, dont on ne comprend pas la raison, s’appliquent dans certains établissements. Un directeur m’a dit qu’il y avait des textes prévoyant telle ou telle interdiction, qu’il ne pouvait pas m’indiquer précisément quels étaient ces textes, mais que c’était interdit !
Je considère que ces restrictions, qui ne se justifient par aucun impératif de santé ou de sécurité, ont plutôt un caractère vexatoire et qu’il faut donc y mettre fin. C’est le sens de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’ai parfois eu le même sentiment que le président Nicolas About lors de mes visites dans les établissements pénitentiaires. Les réglementations varient en effet beaucoup d’un établissement à un autre : un produit sera autorisé à la cantine dans tel établissement et interdit dans tel autre.
Malgré tout son intérêt, cet amendement ne nous paraît pas pouvoir être retenu pour la simple raison qu’il ne relève pas du domaine de la loi.
Cela étant, nous examinerons plus tard une disposition incorporée au texte par la commission et prévoyant la mise en place de règlements-types par catégorie d’établissements pénitentiaires – maisons d’arrêt, maisons centrales, centres de détention. Nous souhaitons que ces règlements-types, en harmonisant la réglementation sur l’ensemble du territoire de la République, permettent d’éviter ces incohérences comme celle qui aboutit à l’interdiction du café certains établissements, que le président Nicolas About cite dans son rapport et qu’aucune raison médicale ne justifie.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je suis sensible aux difficultés que vous avez pu rencontrer lors de vos visites et j’ai demandé à la direction de l’administration pénitentiaire de me tenir informée de ces problèmes pratiques.
Il arrive ainsi que certains détenus achètent des produits et ne puissent pas les emporter avec eux lorsqu’ils changent d’établissement.
Nous essayons de régler ce type de problèmes mais, comme l’a indiqué M. le rapporteur, ils relèvent du règlement et non de la loi.
Nous sommes donc défavorables à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cette référence au domaine réglementaire m’inquiète quelque peu, car des pans entiers de ce projet de loi pourraient disparaître si le Gouvernement invoquait le caractère réglementaire de certaines mesures. J’espère qu’il s’abstiendra de le faire pour sauver le texte que nous examinons ! (Sourires.)
Cela étant, les dispositions de l’article 49 A du projet de loi et les engagements pris par Mme la ministre me satisfont. En conséquence, je retire cet amendement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. L'amendement n° 188 est retiré.
M. Richard Yung. Je le reprends, madame la présidente.
Mme la présidente. Il s’agit donc de l’amendement n° 188 rectifié.
Je le mets aux voix.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Un sénateur socialiste. Les buveurs de thé ont tranché !
M. Louis Mermaz. Courage, fuyons !
Section 1 bis
De l'obligation d'activité
Article 11 ter
Toute personne condamnée est tenue d'exercer au moins l'une des activités qui lui est proposée par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation dès lors qu'elle a pour finalité la réinsertion de l'intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités et à sa personnalité.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je n’abuserai pas de mon temps de parole pour présenter l’ensemble des modifications apportées par la commission, mais il me semble que l’obligation d’activité mérite quelques mots, ne serait-ce que pour informer ceux de nos collègues qui appartiennent à d’autres commissions que la commission des lois ou la commission des affaires sociales, et qui n’ont pas nécessairement suivi nos travaux avec la même attention.
L’article 11 ter du projet de loi tend à instituer une obligation d’activité pour la personne condamnée.
La réinsertion des détenus passe par l’exercice, pendant la détention, d’une activité destinée à favoriser la socialisation de la personne, qu’il s’agisse d’emploi, de formation professionnelle, de cours, d’alphabétisation, d’activité socio-culturelle ou sportive ou de participation à un groupe de parole dans le cadre de la prévention de la récidive.
Or, comme j’ai pu le constater à l’occasion de nombreuses visites dans les établissements pénitentiaires, une majorité de détenus suit très peu d’activités, voire aucune. Ainsi, le temps de la peine risque de rester un temps mort. Sans doute, dans les maisons d’arrêt surpeuplées, cette inactivité des détenus est-elle plus souvent subie que choisie. Cependant, cette oisiveté se rencontre aussi, bien que dans une moindre mesure, dans les établissements pour peine, qui ne sont pourtant pas soumis aux mêmes contraintes de démographie carcérale.
Depuis la suppression par la loi du 22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire de l’obligation, au reste peu appliquée, de travailler, aucune disposition ne contraint le détenu à exercer une activité, quelle qu’elle soit. Lorsque vous visitez les prisons, il est relativement choquant de trouver, quelle que soit l’heure de la journée, les personnes allongées en train de regarder la télévision. Je précise au passage que, parfois, un seul détenu regarde pendant que trois « subissent »…
Sous couvert du principe libéral mis en place par la loi de 1987, comme le soulignait le rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, « la tentation peut ainsi être grande pour les surveillants, les directeurs d’établissement, les travailleurs sociaux ou les médecins d’attendre la “demande”, laissant ainsi de côté les détenus les plus fragiles ou les plus dangereux ».
À cet égard, j’observe que la situation française se singularise par rapport à celle qui est observée dans d’autres démocraties. J’ai pu constater, lors de visites d’établissements pénitentiaires au Royaume-Uni et au Canada, notamment, que la journée du détenu y était beaucoup plus occupée qu’en France. Plusieurs pays, comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas, imposent d’ailleurs aux personnes condamnées à une peine privative de liberté de travailler, même s’ils ne sont pas toujours en mesure d’offrir les emplois nécessaires.
J’ajoute que, contrairement à ce que d’aucuns avaient supposé, cette disposition n’est nullement contraire aux conventions européennes, notamment à la Convention européenne des droits de l’homme.
Ce n’est pas une obligation de travail que la commission propose ; c’est une obligation d’activité. Dès lors que l’établissement pénitentiaire est en mesure de proposer plusieurs formes d’activités au détenu, il paraît très contestable de laisser à celui-ci la faculté de n’en exercer aucune. Il ne s’agit pas de rétablir l’obligation de travail et, en tout état de cause, l’obligation d’activité ne saurait être imposée qu’à quatre conditions.
Premièrement, elle ne s’appliquerait que si l’établissement est en mesure de proposer plusieurs activités.
Deuxièmement, l’activité ou les activités obligatoires devraient avoir pour finalité la réinsertion du détenu et être déterminées par le chef d’établissement et le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation.
Troisièmement, elle ne vaudrait que pour les personnes condamnées et non pour les prévenus dont le statut en détention relève par priorité de l’autorité judiciaire.
Enfin, quatrièmement, cette obligation serait adaptée à l’âge, aux capacités et à la personnalité de chacun.
De manière complémentaire, la commission propose, d’une part, que les détenus puissent être consultés sur les activités qui leur seraient proposées, d’autre part, que les plus démunis puissent bénéficier, en contrepartie de cette activité, d’une aide versée partiellement ou intégralement en numéraire. Cela permettrait à un jeune de suivre une formation professionnelle et d’obtenir une aide financière pour pouvoir cantiner, ce qui le dispenserait de devoir s’adonner éventuellement à un travail non qualifiant.
Mme la présidente. L'amendement n° 19 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer les mots :
au moins l'une des activités qui lui est proposée par le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation
par les mots :
soit une activité professionnelle, soit une formation professionnelle ou générale
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L'objet de cet amendement est de préciser les types d'activités susceptibles d’être proposés par le chef d’établissement ou le directeur du SPIP, service pénitentiaire d’insertion et de probation. L’idée est avant tout de mentionner explicitement les types d’activités disponibles pour le détenu et que l’administration pénitentiaire se doit de proposer.
Le travail et la formation doivent, en l’occurrence, figurer parmi les principales activités disponibles dans l’établissement, de manière à impulser une politique active dans le domaine de la réinsertion du détenu.
Maintenir cet article en l’état reviendrait finalement à laisser au chef d’établissement ou au SPIP le choix discrétionnaire de diriger les détenus vers un seul type d’activité, comme par exemple le sport, sans considération aucune des nécessités de formation des détenus à un travail.
Cet article porte d’ailleurs en lui les germes d’un traitement différencié entre détenus : certains seront dirigés vers des activités ne comportant aucune valeur pédagogique, tandis que d’autres pourront se former, voire travailler et gagner de l’argent.
Nous proposons donc de préciser que les activités obligatoires constituent essentiellement des activités ayant une valeur pédagogique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous comprenons votre intention, madame Boumediene-Thiery. Il va de soi qu’elle devra être satisfaite le plus fréquemment possible. La commission estime néanmoins que l’obligation d’activité doit rester souple. Il s’agira sans doute principalement d’une activité professionnelle ou d’une formation mais, dans certains cas, une activité sociale, culturelle, voire sportive pourra se révéler préférable.
Lorsqu’on visite les prisons, on se rend compte du vieillissement de la population carcérale. Imaginons par exemple un détenu âgé et indigent : à quoi bon lui donner une activité professionnelle ou une formation professionnelle alors qu’il pourrait exercer des responsabilités associatives, culturelles ou sociales ?
Mieux vaut conserver une certaine souplesse dans le choix de l’activité ou des activités proposées. L’avis de la commission est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La rédaction de cet amendement est extrêmement restrictive quant aux activités qu’il est prévu, dans cet article, de rendre obligatoires.
Je signale que, pour certains détenus, une activité peut constituer une thérapie, s’intégrant dans un programme de prévention de la récidive, prenant la forme d’une thérapie de groupe ou consistant en des activités artistiques. En ne visant que les activités professionnelles et les formations professionnelles ou générales, votre amendement, madame la sénatrice, exclut ces catégories d’activités.
Aussi le Gouvernement émet-il un avis défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 61 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le chef d'établissement et le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation favorisent l'égal accès de toutes les personnes condamnées aux activités mentionnées à l'alinéa précédent.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la ministre, les activités ne s’opposent pas les unes aux autres : il est parfaitement possible de suivre une thérapie de groupe ou de pratiquer un sport tout en bénéficiant d’une formation professionnelle, laquelle est indispensable dans une optique de réinsertion.
L’objet du présent amendement est de préciser que le chef d’établissement et le directeur du SPIP favorisent – c’est-à-dire garantissent, dans la mesure du possible – l’égal accès de tous les détenus à une activité professionnelle ou à une formation.
Nous savons que l’accès à une activité professionnelle répond avant tout à des critères de compétence. Mais, à compétence égale, qu’est-ce qui justifie que tel détenu puisse travailler tandis que tel autre ne le peut pas ?
Nous avons pu observer que le travail était un instrument privilégié de pression sur les détenus ; quelquefois, le refus de laisser un détenu exercer une activité professionnelle est même une sanction déguisée, qui ne peut faire l’objet d’aucune contestation. À plusieurs reprises, nous avons été saisis par des détenus de cette question.
En réalité, l’égal accès des détenus à une activité professionnelle est un principe important, car ceux qui travaillent vont pouvoir cantiner, tenter de vivre un peu mieux leur détention, tandis que d’autres ne pourront pas accéder à ces améliorations de leurs conditions de vie quotidienne en raison du refus qui leur aura été opposé.
Le travail est devenu un outil de gestion de la détention par l’administration pénitentiaire. Il faut donc mettre un terme à certaines pratiques discriminantes, notamment aux refus qui ne sont pas justifiés par des raisons objectives.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable parce qu’elle estime que l’égal accès de toutes les personnes condamnées aux activités va de soi et que cette disposition devrait être considérée comme étant satisfaite d’office.
Ma chère collègue, imaginez que l’on mette à la forme négative l’alinéa que vise à insérer votre amendement. Il serait ainsi rédigé : « Le chef d’établissement et le directeur du SPIP ne favorisent pas l’inégal accès de toutes les personnes condamnées aux activités mentionnées. » Ce serait presque insultant pour eux !
En outre, en prévoyant l’obligation d’activité, nous mettons en quelque sorte une épée dans les reins : elle implique une multiplication et une diversification des offres d’emploi et de formation professionnelle. Bien évidemment, plus celles-ci seront nombreuses, plus facilement il pourra être fait droit à cette exigence d’un égal accès des détenus à des activités. D’ailleurs, de nombreuses dispositions du projet de loi, issues pour certaines d’entre elles de la commission des lois, visent à favoriser le travail en prison.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le classement d’une personne détenue est établi en fonction non seulement de sa personnalité et de son profil, mais aussi de l’offre de travail existante. À cet égard, il est toujours possible qu’il faille attendre un certain temps avant de lui proposer une activité.
Quelles sont les raisons qui peuvent justifier qu’un détenu soit déclassé ? Le déclassement peut être lié à son inaptitude à l’activité exercée ou à la disparition de l’offre. Dans ces deux cas, la décision de déclassement est motivée. Le déclassement peut aussi intervenir à titre de sanction. Là encore, la décision est motivée et elle peut faire l’objet d’un recours.
Peut-on réellement favoriser l’égal accès aux activités de toutes les personnes condamnées dans la mesure où certaines d’entre elles sont fragiles, souffrent d’inaptitudes ou d’addictions ? Il arrive que l’administration pénitentiaire refuse de classer certains détenus voulant travailler mais souffrant, par exemple, d’une addiction parce qu’elle estime qu’il est préférable pour eux de se soigner préalablement à l’exercice d’une activité. Il faut conserver cette souplesse.
Mme la présidente. L'amendement n° 100, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le travail en prison doit être considéré comme un élément positif du régime carcéral et en aucun cas être imposé comme une punition. Les autorités pénitentiaires doivent s'efforcer de procurer un travail suffisant et utile.
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Cet article 11 ter représente incontestablement un progrès. Nous souhaitons néanmoins en renforcer la portée en précisant que l’activité en prison, pour obligatoire qu’elle soit, doit non pas être imposée comme une punition, mais être considérée comme un élément positif du régime carcéral.
Nous nous référons à la règle pénitentiaire européenne qui souligne que l’activité accomplie par un détenu doit précisément s’insérer dans une vision positive de sa réinsertion. C’est pourquoi nous proposons de lutter contre les risques évidents d’abus dans ce domaine.
Le travail ou l’activité doivent remplir une fonction générale de développement pour les détenus. En conséquence, nous devons plutôt faire en sorte que les autorités pénitentiaires s’efforcent de procurer à tous une activité suffisante et utile.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Sur le fond, comment pourrait-on être en désaccord avec ce que propose notre collègue ? Seulement, cette précision, même si elle est issue d’une règle pénitentiaire européenne, apparaît réellement beaucoup plus déclaratoire que normative.
Quant au « travail suffisant et utile », ces mots ont fait surgir dans mon esprit l’image des Dalton cassant des cailloux dans leur pénitencier ! (Sourires.) Ce n’est évidemment pas à cela que nous pensons !
La commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le travail en prison est considéré comme positif puisqu’on en tient compte dans l’aménagement ou la réduction des peines et dans la perspective de la réinsertion. À aucun moment l’activité en prison n’a été considérée comme une punition. D’ailleurs, un détenu sanctionné est, au contraire, déclassé.
Les activités sont proposées en fonction de l’offre qui est faite aux établissements pénitentiaires. Souvent, des détenus classés sont en attente d’une activité, parfois très longtemps, l’offre s’étant raréfiée dans certains établissements. En outre, compte tenu de la vétusté de certains d’entre eux, les activités qui pourraient y être proposées ne sont pas adaptées. En revanche, tous les nouveaux établissements pénitentiaires sont dotés d’ateliers permettant l’exercice d’activités.
Si le Gouvernement est défavorable à cet amendement, c’est donc non pour des raisons de fond, mais parce qu’il est à tous égards satisfait. Le travail est utile, car il est considéré comme un gage de réinsertion. Simplement, il dépend avant tout de l’offre d’activité qui est faite à l’établissement pénitentiaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut veiller à ne pas assimiler progressivement activité et travail, comme si ces deux notions étaient identiques. Autrefois, le travail obligatoire, c’est ce qu’on appelait les travaux forcés ; voilà bien longtemps qu’ils ont été supprimés !
Une activité est nécessaire à condition qu’elle contribue à la reconstruction du détenu, voire à sa construction. En revanche, une activité rémunérée ne peut être proposée que si l’offre en est faite. Et cette question ne dépend pas seulement de l’administration pénitentiaire. En outre, l’activité doit être en adéquation avec les capacités du détenu auquel elle est proposée et faire l’objet d’une rémunération suffisante, de manière qu’elle ne constitue pas une façon d’utiliser le travail carcéral à un très bas coût.
Je suis favorable au travail et aux activités rémunérés, mais uniquement dans ce cadre. Or j’ai l’impression que, petit à petit, l’idée s’impose selon laquelle le travail devrait être obligatoire. Attention, ce peut être un peu dangereux !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Force est de reconnaître que M. le rapporteur a su soulever avec lucidité cette question difficile de l’activité en prison, qui est au cœur du projet de loi.
Comme l’a rappelé à l’instant Mme Borvo Cohen-Seat, les travaux forcés ont été supprimés ; par conséquent, le travail obligatoire ne saurait revenir sous la forme qu’il revêtait jadis.
Par ailleurs, lorsqu’on s’entretient avec les personnels pénitentiaires, comme j’ai eu l’occasion de le faire la semaine dernière, on entend toujours la même remarque : le travail pour les détenus, c’est très bien, mais il n’y a pas de travail !
Du reste, en cette période de forte augmentation du chômage, beaucoup de nos concitoyens estiment que le travail disponible ne doit certainement pas aller en priorité à des personnes qui sont en prison. S’ils y sont, pensent-ils, ce n’est pas sans raison ! Cette réaction-là existe, nous le savons bien.
Il est donc très important de trouver le bon équilibre. Le travail ne doit pas être une punition, mais il nous appartient de convaincre nos concitoyens que la réinsertion des personnes détenues passe nécessairement par le travail. Ce n’est pas facile à expliquer, car cela ne va pas de soi.
En tout cas, l’exercice d’une activité par une personne détenue doit impérativement avoir pour objectif sa réinsertion. Or celle-ci, qui mobilise tout l’être humain, est très difficile lorsqu’une cellule accueille, dans des conditions lamentables, trois ou quatre détenus. C’est d’ailleurs ce que nous confirment les personnels pénitentiaires, qui, tous, dénoncent la surpopulation carcérale.
Par conséquent, si l’on veut vraiment que chaque détenu puisse bénéficier d’une formation utile, exercer une activité utile, un travail rémunéré – car il doit l’être –, lui permettant de se réinsérer professionnellement, alors, il faut des moyens et de la volonté. Il nous faut surtout, madame le garde des sceaux, rompre avec une politique pénale qui tend à priver l’administration pénitentiaire des moyens nécessaires à la mise en œuvre des excellentes intentions affichées dans ce projet de loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 189, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Lorsque la personne condamnée ne maîtrise pas les enseignements fondamentaux, l'activité consiste obligatoirement dans l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul. Lorsqu'elle ne maîtrise pas la langue française, l'activité consiste obligatoirement dans l'apprentissage de celle-ci. L'organisation des apprentissages est aménagée lorsqu'elle exerce une activité de travail.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales, qui se réjouit de la proposition figurant à l’article 11 ter, dû à l'initiative de la commission des lois, propose d’utiliser cette obligation d'activité comme un instrument de lutte contre l’illettrisme.
Dans son bilan pour l’année 2006, la Commission nationale de suivi de l’enseignement en milieu pénitentiaire évaluait à 12,3 % la proportion de détenus illettrés, auxquels il faut ajouter les 12,9 % connaissant de sérieuses difficultés de lecture.
Or toute personne qui sort de prison rencontre déjà de grandes difficultés de réinsertion. Si elle ne sait ni lire, ni écrire ni compter, sa réinsertion devient presque impossible.
La commission des affaires sociales souhaite donc que, pour les personnes illettrées ou qui ne parlent pas le français, l’obligation d’activité prenne la forme, au moins pour partie, d’un apprentissage des savoirs fondamentaux et de la langue française.
Afin de ne pas pénaliser les personnes illettrées qui choisissent la voie de la réinsertion par l’emploi, l’amendement prévoit en outre que l’organisation de cet apprentissage sera aménagée de façon que ces personnes puissent conserver leur travail.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C’est effectivement l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul que l’on doit favoriser pour les personnes qui en ont un urgent besoin.
La commission considère néanmoins qu’inscrire cette obligation dans le projet de loi rigidifie le dispositif, le prive de souplesse.
Dans certains cas, certes peu fréquents, je l’admets, l’obligation de l’apprentissage de la lecture, du français, peut ne pas correspondre au souhait de la personne détenue. Je pense notamment à une personne étrangère qui doit être expulsée du territoire français et renvoyée dans son pays d’origine à l’issue de son incarcération. Si elle a l’occasion d’avoir un travail rémunéré, pourquoi la forcer à suivre un apprentissage de la langue française plutôt que de la laisser faire ce travail ? De telles situations sont sans doute marginales, mais il s’agit tout de même de cas bien réels.
Certes, M. About a prévu que l’organisation des apprentissages serait aménagée de façon à permettre à une personne détenue à la fois de suivre une formation et de travailler. Toutefois, pour avoir étudié le fonctionnement de nombreux établissements pénitentiaires, je sais qu’entre le vœu et la réalité il y a un pas important qui ne peut pas toujours être franchi.
Pour toutes ces raisons, la commission souhaite le retrait de l’amendement no 189.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cet amendement décrit le contenu des formations proposées. Or, comme M. le rapporteur vient de le rappeler, certaines personnes détenues préfèrent travailler plutôt que suivre un apprentissage des savoirs fondamentaux et de la langue française.
Oserai-je ajouter, monsieur About, que la nature des programmes relève non pas de la loi, mais du règlement…
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je constate que vous osez, mais avec le sourire, madame le garde des sceaux ! (Sourires.)
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement pour ces deux raisons : d’une part, on ne peut pas contraindre une personne qui souhaite travailler à acquérir les savoirs fondamentaux et, d’autre part, la définition des contenus des formations est de nature réglementaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. Monsieur le rapporteur pour avis, puis-je vous suggérer une rédaction susceptible de recueillir l’assentiment de tous ?
L’apprentissage de la lecture doit bien entendu être librement choisi et consenti. L’article 11 ter gagnerait donc à être enrichi. Nous pourrions par exemple préciser, dans un nouvel alinéa, que l’activité peut être un travail, une formation professionnelle, un apprentissage éducatif. Cet article deviendrait ainsi très explicite et inclurait en outre la proposition qui a été présentée tout à l’heure par l’un de nos collègues.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. « Le régime d’exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer la personne détenue à sa réinsertion afin de lui permettre de mener une vie responsable et exempte d’infractions. »
Ce texte est celui de l’article 1erA, que le Sénat a voté après une longue discussion.
On ne prépare pas une personne détenue à se réinsérer, à vivre une vie responsable et exempte d’infractions si l’on n’est pas capable de lui permettre de comprendre un texte simple.
Tout à l’heure, la compréhension de leurs droits par les détenus a fait l’objet d’un long débat. Que demandons-nous ici ? Que tous les détenus soient capables de lire une affiche placardée dans le couloir de la prison, ou même de comprendre les cent mille documents qui vont être distribués par Mme le garde des sceaux ! (Sourires.)
Pour préparer la réinsertion d’une personne détenue, lui donner la possibilité d’apprendre à lire et à comprendre un peu le français est vraiment le minimum minimorum.
Je conçois que l’on ne puisse pas imposer à un détenu qui souhaite jouer au basket de travailler à la chaîne, de mettre des parfums en flacon. Mais le minimum pour le protéger, pour lui permettre de faire valoir ses droits, est de lui permettre de lire et de mieux comprendre les informations qui lui sont transmises en langue française.
Mes chers collègues, chacun votera comme il l’entend. Je m’en remets à la sagesse du Sénat, mais vous comprendrez que je ne sois pas habilité à retirer cet amendement.
Mme Éliane Assassi. Vous l’avez fait tout à l’heure !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il s’agissait d’un amendement qui était satisfait. La commission des affaires sociales m’autorise à me comporter de manière intelligente en séance publique !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur Jeannerot, on ne peut énumérer toutes les activités accessibles dans le texte de la loi.
Dans mon intervention sur l’article, j’ai dressé un certain inventaire, par hypothèse non exhaustif, des différents types d’activités : le travail, la formation professionnelle, les cours, l’alphabétisation, mais aussi les activités socioculturelles et sportives, la participation à un groupe de parole dans le cadre de la prévention de la récidive. Sur mes notes, j’avais ajouté « etc. » Mais vous conviendrez avec moi qu’il est difficile d’écrire « etc. » dans le projet de loi.
Ne pouvant être exhaustif, je préfère ne pas énumérer ces activités. Mais l’intérêt de nos débats réside aussi dans l’éclairage qu’ils peuvent apporter pour l’interprétation qui sera faite de la loi que nous allons voter.
Monsieur About, il me semble difficile de contraindre une personne détenue à suivre une activité donnée. Je ne peux donc que maintenir ma demande de retrait de l’amendement no 189.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 ter, modifié.
(L'article 11 ter est adopté.)
Article 11 quater
Sous réserve du maintien de l'ordre et de la sécurité de l'établissement, les détenus peuvent être consultés par l'administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées.
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 101 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Sous réserve du maintien de l'ordre et de la sécurité de l'établissement, les détenus sont autorisés à s'exprimer collectivement sur les conditions de détention et à communiquer avec l'administration pénitentiaire.
Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous nous réjouissons de l’avancée que constitue l’article 11 quater.
Nous considérons néanmoins qu’il est possible d’aller plus loin dans la logique proposée par M. le rapporteur, qui écrit dans son rapport qu’il ne faut pas « laisser les détenus dans une situation de passivité mais, au contraire, les responsabiliser dans le cadre d’un dialogue avec l’administration pénitentiaire ».
Il nous apparaît nécessaire d’offrir un cadre à la consultation qui est prévue. À défaut, on pourrait se demander quelles seront les modalités de cette consultation : les détenus seront-ils consultés séparément, par cellule, par couloir ?
Les règles européennes, je le rappelle, même si elles n’ont pas toujours l’heur de plaire, précisent que les administrations peuvent permettre aux détenus d’élire des représentants et de constituer des commissions capables d’exprimer les sentiments et les intérêts de leurs codétenus.
Plusieurs pays européens n’ont d’ailleurs pas attendu l’adoption de ces règles pour octroyer aux personnes détenues un droit d’expression collective et autoriser la création de groupes ou de comités consultatifs. C’est notamment le cas en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Belgique, au Danemark, en Espagne, en Finlande, aux Pays-Bas et en Suède. La liste est, vous pouvez le constater, assez étoffée.
La question de l’expression collective des détenus reste, dans notre pays, un sujet difficile, délicat, parfois même tabou, et l’on peut le comprendre. Elle suscite différentes craintes, en particulier que ce droit d’expression ne soit instrumentalisé, détourné par un groupe donné à l’intérieur de la prison, et ce risque est réel. On redoute également que cette expression collective ne suscite des revendications qui iraient trop loin.
Néanmoins, les expériences étrangères ont démontré que ces comités ou ces groupes, selon la terminologie que l’on choisira, sont en fait très utiles. Contrairement à ce que l’on serait tenté croire, ils concourent au maintien de l’ordre et empêchent le développement de conduites que l’on pourrait qualifier de défiantes.
Une étude conduite en Grande-Bretagne montre que 75 % des directeurs d’établissement pénitentiaire consultent leur comité de détenus avant d’effectuer des changements dans les régimes de détention. Les réunions avec les représentants des détenus sont décrites comme ayant fourni un cadre sécurisant, dans lequel les questions controversées ont pu être discutées et contestées.
Ainsi, ce mode d’expression collective a, en réalité, un effet régulateur, « désamorçeur » de crise. Il devrait aider considérablement les chefs d’établissement et les différents responsables dans leur difficile travail.
C’est ce qui nous a amenés à déposer le présent amendement, qui encadre soigneusement les sujets susceptibles d’être abordés dans ce dialogue entre les détenus et l’administration pénitentiaire, dialogue qui constitue un progrès de la démocratie à l’intérieur de la prison. Puisqu’il faut préparer les détenus à la sortie, ne pas les couper de la réalité du monde extérieur, nous avons là une occasion de faire entrer un peu plus de démocratie dans la prison.
Enfin, nous proposons que les modalités d’application de cette disposition soient fixées par décret, ce qui garantit qu’elles seront avalisées par Mme le garde des sceaux et son administration.
Mme la présidente. L'amendement n° 228, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Au début de cet article, supprimer les mots :
Sous réserve du maintien de l'ordre et de la sécurité de l'établissement,
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article 11 quater procède d’une bonne intention. Cependant, sa rédaction actuelle est insatisfaisante et, dans la logique que nous défendons depuis l’examen de l’article 10, nous proposons la suppression de la restriction portée à ce droit de consultation.
En l’espèce, l’exception est posée avant même que le principe soit énoncé, ce qui tempère ce dernier et en fait plus un symbole qu’un véritable droit reconnu aux détenus.
C’est pourquoi, en cohérence avec nos propositions sur les articles 10 et 11 bis, nous demandons la suppression de cette restriction.
Mme la présidente. Les amendements nos 17 et 102 rectifié sont identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 102 rectifié est présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans cet article, remplacer les mots :
peuvent être
par le mot :
sont
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 17.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Le droit des détenus à être consultés sur la nature des activités proposées ne doit pas être facultatif. Il faut que cette consultation soit obligatoire et qu’elle ne soit pas laissée à la discrétion du chef d’établissement. Or la rédaction de l’article 11 quater laisse penser que ces consultations peuvent être organisées selon le bon-vouloir de l’administration pénitentiaire et des chefs d’établissement.
Cette possibilité risque de se transformer rapidement en un vœu pieux si l’administration pénitentiaire dispose dans ce domaine d’une marge d’appréciation. Je propose donc de rendre ces consultations obligatoires.
Si le droit des détenus de s’exprimer est lié au pouvoir discrétionnaire de l’administration, ce droit ne sera jamais effectif ! Nous devons permettre aux détenus de s’exprimer librement sur les activités, et au besoin de formuler des souhaits ou des recommandations.
Dans le même esprit, il faut espérer que ces consultations seront suivies d’effet et ne finiront pas, comme beaucoup d’autres doléances, dans un tiroir.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 102 rectifié.
M. Alain Anziani. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. L'amendement n° 103, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans cet article, après le mot :
activités
insérer les mots :
et les conditions de détention
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement se justifie par son texte même.
Mme la présidente. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ils peuvent, dans les mêmes conditions, être consultés par l'administration pénitentiaire sur leurs conditions générales de détention.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je salue l’inscription, dans le projet de loi, d’une consultation des détenus sur les activités qui leur sont proposées. Pour autant, je regrette que cette inscription soit limitée aux seules activités. Il me semble en effet nécessaire d’élargir cette procédure de consultation à toute question touchant les conditions générales de détention.
Cet élargissement serait d’ailleurs conforme à une règle européenne selon laquelle « sous réserve des impératifs de bon ordre, de sûreté et de sécurité, les détenus doivent être autorisés à discuter de questions relatives à leurs conditions générales de détention et doivent être encouragés à communiquer avec les autorités pénitentiaires à ce sujet ».
Je me permets d’ailleurs de rappeler que la consultation des détenus sur les conditions générales de détention était prévue à l’article 23 de l’avant-projet de loi pénitentiaire. En vertu de cet article, les détenus pouvaient être « régulièrement consultés sur leurs conditions de détention, selon des modalités définies par le règlement intérieur de l’établissement ».
Je propose de rétablir cette possibilité dans sa version élargie, afin d’inclure les considérations autres que celles qui ont trait aux activités, et donc de revenir à la première version de l’avant-projet de loi pénitentiaire.
Mme la présidente. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Un procès-verbal de ces consultations est mis à disposition du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet de donner, dans une certaine mesure, un sens aux consultations qui seront menées au sein des établissements pénitentiaires.
Il ne sert à rien de donner aux détenus la possibilité de s’exprimer si ces consultations finissent dans un tiroir, comme je l’ai dit. Dans la mesure du possible, les doléances des détenus doivent être suivies d’effet.
Lorsque ces doléances comportent des plaintes concernant le traitement dont fait l’objet l’un des détenus, les consultations ont également une valeur pour l’amélioration de la prise en charge des détenus.
Je propose donc de mettre à disposition du contrôleur général des lieux de privation de liberté le résultat de ces consultations, sous la forme d’un procès-verbal.
Ces consultations pourront, le cas échéant, inspirer au contrôleur général des remarques, voire des recommandations. Elles pourront par ailleurs permettre un ajustement des activités en fonction des remarques et sollicitations des détenus.
Ainsi pourront être exploitées d’une manière constructive toutes les remarques que les détenus seront amenés à formuler.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Par la rédaction proposée à l’article 11 quater, la commission s’est efforcée de trouver un équilibre entre l’absence totale, à ce jour, de dispositions législatives sur l’expression des détenus et un droit d’expression collective autonome.
Il paraît préférable, dans un premier temps, d’en rester au principe d’une consultation des détenus sur les activités qui leur sont proposées, ce qui n’interdit pas, si certains établissements et directeurs d’établissement le souhaitent, d’expérimenter d’autres modalités d’échange avec les détenus.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 101 rectifié.
L’amendement n° 228 tend à supprimer les restrictions tenant à l’ordre et à la sécurité. Proposé avec beaucoup de cohérence par nos collègues du groupe CRC-SPG, la commission lui oppose, avec autant de cohérence, un avis défavorable.
Les amendements identiques nos 17 et 102 rectifié appellent les mêmes observations que l’amendement n° 101 rectifié, et la commission émet un avis défavorable.
Nous estimons que la réforme pénitentiaire ne portera ses fruits que si elle suscite l’adhésion de l’administration pénitentiaire et de ses personnels. C’est pourquoi, en particulier dans le domaine de l’expression des détenus, il nous paraît préférable de privilégier, en tout cas dans un premier temps, une démarche incitative plutôt qu’une démarche impérative.
La commission émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 103. L’article 11 quater, relatif à la consultation des détenus, s’articule avec l’article 11 ter, qui concerne l’obligation d’activité : il en est l’une des contreparties. Sa rédaction nous paraît donc cohérente, dans le cadre de la section 1 bis « De l’obligation d’activité ». Cependant, comme je l’ai dit, aucune disposition n’interdit à l’administration pénitentiaire de consulter des détenus sur leurs conditions de détention, et il existe d’ailleurs des exemples en ce sens.
Sur l’amendement n° 16, la commission formule les mêmes observations que sur l’amendement n° 101 rectifié, et émet, de la même manière, un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 18 rectifié tend à prévoir qu’un procès-verbal des consultations est mis à disposition du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Il nous semble, d’une part, que cette disposition n’est pas de nature législative et, d’autre part, que le contrôleur général a la possibilité de réclamer l’intégralité des documents qu’il souhaite. Je serais tenté de préconiser un peu de souplesse : laissons le contrôleur général agir et n’imposons pas ce transfert systématique. Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’amendement n° 101 rectifié tend à prévoir la possibilité, pour les détenus, de s’exprimer de façon collective.
La possibilité de consulter les détenus sur les activités qui leur sont proposées constitue déjà une avancée très importante. Je crois qu’il ne faut pas tout permettre tout de suite. Au demeurant, certains établissements pratiquent déjà une consultation collective des détenus.
En outre, il existe une difficulté pratique concernant l’organisation d’une expression collective, celle qui tient à la désignation des représentants des détenus. Quelles pourraient être les modalités d’une telle désignation ? Acceptons d’abord une consultation sur les activités et, à la suite de cette expérience, il sera possible de réaliser de nouvelles avancées.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 101 rectifié.
L’amendement n° 228 est, comme le dirait M. le rapporteur, cohérent avec la position du groupe CRC-SPG. Comme le Gouvernement est attaché à la sécurité et au bon ordre des établissements, il émet un avis défavorable sur cet amendement.
Les amendements identiques nos 17 et 102 rectifié visent à rendre obligatoires les consultations des détenus sur les activités qui leur sont proposées. Gardons, là aussi, la souplesse d’une consultation facultative, qui demeure une avancée majeure en faveur des détenus. Sinon, des problèmes d’organisation et de fonctionnement pourraient se poser dans certains établissements. C’est pourquoi le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
S’agissant de l’amendement n° 103, qui tend à étendre la consultation des personnes détenues aux conditions de détention, le Gouvernement émet un avis défavorable.
L’amendement n° 16 rectifié vise également à permettre aux détenus de donner leur avis sur les conditions générales de détention. Inscrire cette obligation dans la loi pourrait porter atteinte à l’organisation des établissements, d’autant que, je le répète, certains d’entre eux prévoient déjà une telle consultation. Laissons les expérimentations suivre leur cours. Je le rappelle, les règles pénitentiaires européennes ont d’abord été testées.
Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 16 rectifié.
Enfin, l’amendement n° 18 rectifié vise à prévoir que le contrôleur général pourra disposer d’un procès-verbal des consultations. Or il peut déjà obtenir tous les documents qu’il souhaite dans le cadre de sa mission. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l’amendement n° 101 rectifié.
M. Richard Yung. Madame le garde des sceaux, je ne comprends pas votre argumentation.
Nous sommes pleinement conscients des difficultés que vous avez exposées. C’est précisément pour cela que la rédaction de notre amendement est extrêmement prudente et que nous renvoyons à un décret la fixation des modalités d’application de la mesure que nous proposons. Vous pourrez donc y inscrire toutes les précautions que vous voudrez. Dès lors, je ne vois pas pourquoi notre proposition vous inspire une telle méfiance.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 102 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11 quater.
(L'article 11 quater est adopté.)
Section 2
Des droits civiques et sociaux
Article 12
Les personnes détenues qui ne disposent pas d'un domicile personnel peuvent élire domicile auprès de l'établissement pénitentiaire pour l'exercice de leurs droits civiques.
Avant chaque scrutin, le chef d'établissement organise avec l'autorité compétente une procédure destinée à faciliter l'exercice du vote par procuration.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. L’article 12 vise à permettre aux détenus d’élire domicile auprès de l’établissement pénitentiaire afin de leur faciliter l’exercice des droits civiques, dont le droit de vote. Il prévoit, en outre, que le chef d’établissement devra faciliter l’exercice du vote par procuration.
C’est évidemment une avancée importante.
Nous l’avons dit et répété depuis le début de ce débat, les détenus restent des citoyens à part entière.
Depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal, une condamnation pénale n’implique plus systématiquement la déchéance des droits électoraux, contrairement à la règle qui s’appliquait auparavant. Désormais, seul le juge est habilité à prononcer une telle privation.
Cependant, force est de constater que, dans la réalité des faits, le respect du droit de vote des détenus n’ayant pas perdu leur capacité électorale est difficilement garanti, ce qui explique en particulier les taux élevés d’abstention au sein de la population carcérale.
L’article 11 du code électoral prévoit, certes, que les personnes détenues peuvent demander leur inscription sur les listes de la commune d’implantation de l’établissement pénitentiaire, mais à la condition, parfois difficile à remplir, que le détenu y réside depuis au moins six mois.
L’article 12 du projet de loi va aussi dans le sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui tend de plus en plus à reconnaître le droit des détenus à participer aux élections.
Nous nous en réjouissons et nous soutenons donc cet article.
Nous avons cependant souhaité le compléter en proposant de prévoir que, pour la mise en œuvre effective de ce droit fondamental, ses conditions d’exercice seront fixées par des dispositions réglementaires.
Mme la présidente. L'amendement n° 62 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, remplacer le mot :
faciliter
par le mot :
assurer
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. En vertu de l’article 40 de la Constitution, il n’a pas été possible pour les parlementaires de demander la mise en place de bureaux de vote dans les établissements pénitentiaires.
À défaut d’une telle mesure, propre à garantir le droit de vote des détenus, nous proposons de modifier l’article 12 du projet de loi en prévoyant que l’administration pénitentiaire doit « assurer », et non pas seulement « faciliter », l’exercice du vote par procuration du détenu.
Cette modification rédactionnelle constituerait une avancée importante puisqu’il s’agit de créer une obligation renforcée de moyens pour garantir que les détenus pourront exercer leur droit de vote, et donc leur citoyenneté, comme n’importe quel autre citoyen.
Pour témoigner de l’importance de transformer une faculté en véritable obligation positive, je rappelle que l’article 3 du protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, tel qu’amendé par le protocole n° 11, est l’un des seuls articles de cette convention à prévoir, de manière expresse, une obligation positive pour les États, celle d’organiser des élections libres à des intervalles raisonnables.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n’a rien à voir !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cette obligation positive, qui ne découle pas d’une construction prétorienne, doit trouver son application en prison.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La précision apportée par cet amendement nous paraît renforcer la rédaction proposée par la commission.
Notre collègue a souligné à juste titre qu’il s’agissait d’une obligation de moyens renforcée, afin d’éviter que la substitution du terme « assurer » à celui de « faciliter » ne soit comprise comme le passage d’un vote facultatif à un vote obligatoire, ce dont il n’est évidemment pas question.
Sous le bénéfice de cette observation et dans la mesure où l’amendement vient renforcer la rédaction de la commission, cette dernière émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je rappelle que des efforts importants ont été engagés par l’administration pénitentiaire pour une information systématique des détenus citoyens sur toutes les échéances électorales. Il en est résulté un doublement de la participation par rapport à celle qui était observée précédemment.
Sur l’amendement n° 62 rectifié, à condition que le verbe « assurer » n’impose pas une obligation à l’administration pénitentiaire, le Gouvernement émet un avis favorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 104, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les conditions d'exercice du droit de vote des personnes détenues sont déterminées par décret.
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Comme je l’ai indiqué précédemment, nous souhaitons compléter l’article 12 par un alinéa précisant simplement que les conditions d’exercice du droit de vote sont déterminées par décret.
Nous avions d’abord envisagé de déposer un amendement plus précis, prévoyant que des bureaux de vote seraient installés dans les établissements pénitentiaires. Nous y avons cependant renoncé compte tenu des nombreuses difficultés auxquelles se heurterait la mise en œuvre d’une telle disposition, en particulier dans les établissements de petite ou moyenne taille, comptant 200 à 300 détenus. En France, un bureau de vote rassemble généralement 1 000 à 1 200 électeurs inscrits, et peu d’établissements pénitentiaires comptent autant de détenus.
Aussi, afin de ne pas trop entrer dans des détails et pour éviter de subir les foudres du président de la commission des lois, qui nous aurait sûrement objecté qu’une telle disposition relevait du règlement, nous avons préféré proposer de renvoyer les conditions d’exercice du droit de vote au décret.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Nous sollicitons de notre collègue Richard Yung le retrait de cet amendement dans la mesure où il est plus que satisfait par l’article 27 de ce projet de loi, qui prévoit que les modalités d’application du chapitre III, où se trouve l’article 12, sont fixées par décret en Conseil d’État.
M. Richard Yung. Je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 104 est retiré.
Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article 12 bis
Les personnes détenues qui ne disposent pas d'un domicile de secours au moment de leur incarcération ou qui ne peuvent en justifier pour prétendre au bénéfice des droits mentionnés à l'article L. 121-1 du code de l'action sociale et des familles peuvent élire domicile auprès de l'établissement pénitentiaire. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 12 bis
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 56 rectifié est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
L'amendement n° 105 rectifié est présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 12 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes détenues peuvent élire domicile auprès de l'établissement pénitentiaire afin de faciliter leurs démarches administratives.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 56 rectifié.
Mme Alima Boumediene-Thiery. À la demande de M. le rapporteur, mon collègue Alain Anziani et moi-même avons en quelque sorte fusionné nos deux amendements, lesquels tendent à ce que les nombreux détenus qui ne bénéficient pas de domiciliation puissent élire domicile au sein de l’établissement pénitentiaire, de manière à faciliter leurs démarches administratives. On peut penser, par exemple, à l’établissement d’un titre d’identité ou à d’autres documents administratifs.
La disposition que nous proposons d’inscrire est, par ailleurs, le corollaire logique du droit des détenus de correspondre avec le monde extérieur, que ce soit avec la famille, l’avocat ou l’ensemble des administrations.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles Gautier, pour présenter l’amendement n° 105 rectifié.
M. Charles Gautier. Aux arguments qu’a avancés notre collègue Alima Boumediene-Thiery j’ajouterai que cette mesure permettra notamment aux détenus ressortissants d’un pays étranger d’élire domicile dans l’établissement pénitentiaire pour obtenir ou faire renouveler un titre de séjour.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il est exact que le projet de loi n’envisage la domiciliation que pour faciliter l’exercice des droits civiques ou l’accès à certaines prestations d’aide sociale. Il paraît opportun de la prévoir de manière plus générale pour favoriser les démarches administratives, par exemple, pour l’établissement de la carte d’identité ou du permis de séjour, puisque le droit à domiciliation concerne aussi les détenus étrangers.
L’avis de la commission est donc favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 rectifié et 105 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12 bis.
Article 13
Les détenus dont les ressources sont inférieures à un montant fixé par voie réglementaire reçoivent de l'État une aide en nature destinée à améliorer leurs conditions matérielles d'existence. Cette aide peut aussi être versée en numéraire dans les conditions prévues par décret.
Mme la présidente. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase de cet article :
Cette aide peut également être versée sous la forme d'un revenu minimum de préparation à l'insertion dans les conditions prévues par décret.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement tend à inscrire dans la loi pénitentiaire la possibilité pour le détenu de bénéficier, s’il le souhaite et s’il n’opte pas pour une aide en nature, d’un revenu minimum d’aide à la préparation à l’insertion.
Mes chers collègues, je ne vous décrirai pas les dispositifs existants, mais permettez-moi de vous rappeler que, à l’heure actuelle, au-delà de soixante jours de détention, le détenu perd le bénéfice de son droit au RMI, même s’il est en semi-liberté ou en placement à l’extérieur. S’il a la chance d’être marié ou de vivre en concubinage, le conjoint ou le concubin peut bénéficier de la qualité d’ayant droit et donc percevoir le RMI à la place du détenu. Mais, au-delà de quatre mois de détention, le détenu est rayé du dispositif du RMI et perd alors tous ses droits. Il ne pourra en bénéficier que le premier jour qui suivra le mois de sa libération.
Le RMI étant l’outil d’insertion par excellence, son versement doit pouvoir être pérennisé, sous une autre forme, dans la prison : la réinsertion ne commence pas à la porte de la prison, mais bien dans la prison.
La continuité de ce versement pourrait en outre assurer au détenu des conditions de détention décentes.
Il existe une allocation d’insertion en faveur des détenus libérés après au moins deux mois de détention, mais les conditions d’éligibilité sont très strictes : elle est conditionnée par des critères de ressources, son montant est très faible et sont exclues de son bénéfice les personnes condamnées à certains délits ou crimes.
Aucun dispositif n’est prévu pour les situations intermédiaires.
Pourtant, c’est au cours de la détention que le détenu prépare sa réinsertion, et c’est donc dans le cadre de cette détention qu’il doit pouvoir bénéficier d’un revenu de préparation à sa réinsertion.
L’idée n’est pas nouvelle, et d’ailleurs M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse, nous a rappelé, lors de son audition devant la commission des lois sur le projet de loi pénitentiaire, la pertinence d’un tel dispositif et l’intérêt qu’il y aurait à en faciliter la mise en œuvre.
II nous a également rappelé que l’extension aux détenus du revenu de solidarité active, le RSA, aurait eu un coût minime puisqu’elle n’aurait concerné que les détenus les plus démunis, c’est-à-dire 35 % de la population pénale.
À l’arrivée, rien de tout cela n’est apparu dans le projet de loi pénitentiaire.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de poser le principe de la création d’un revenu d’aide à la réinsertion et de laisser le soin à un décret de fixer les conditions de sa mise en œuvre et de son articulation avec d’autres droits sociaux.
Ce revenu minimum pour les détenus est nécessaire si l’on souhaite éviter toute rupture brusque de ces droits.
Je vous rappelle que certains détenus ne peuvent pas cantiner, ne disposent d’aucune ressource, ne peuvent pas travailler. Il existe donc plusieurs types de détenus : les pauvres et les autres. Nous devons aujourd’hui prendre en compte l’extrême indigence de certains d’entre eux et leur garantir, au-delà des aides en nature, la possibilité d’une aide en numéraire calquée sur le RMI.
Je me réjouis que cet amendement n’ait pas été censuré par la commission des finances. (M. le président de la commission des lois s’exclame.) C’est une preuve supplémentaire du caractère indolore de la mesure que je vous propose.
Par ailleurs, dans la mesure où M. Hirsch n’y semble pas défavorable, nous nous honorerions d’une telle avancée dans le champ de l’aide à l’insertion du détenu.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je dirai tout d’abord que Mme Alima Boumediene-Thiery a bien de la chance : j’ai déjà été fusillé au titre de l’article 40 de la Constitution pour moins que ça ! (Sourires.)
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je l’admets !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. En tout état de cause, la rédaction proposée par la commission à l’article 13, prévoyant la possibilité pour les détenus de recevoir de l’État une aide en nature qui peut aussi être versée en numéraire dans les conditions prévues par décret, nous paraît constituer une formulation réaliste et acceptable par chacun.
Elle permet de consacrer dans la loi les pratiques observées dans certains établissements pénitentiaires où l’aide aux démunis est versée en numéraire. C’est un premier jalon dans la mise en œuvre d’une allocation minimale carcérale, dispositif sur lequel il convient de poursuivre encore la réflexion, en concertation avec les départements.
Il est vrai que nous étions nombreux à avoir rêvé d’une possibilité pour les départements de s’investir dans ce qui serait une allocation minimale de réinsertion en milieu carcéral. (MM. Éric Doligé et. Charles Revet s’exclament.) Cela aurait permis aux départements de s’impliquer dans le monde de la prison, par le biais, peut-être, des assistantes sociales de secteur et d’assurer une liaison entre l’intérieur et l’extérieur de la prison. Mais nous n’en sommes pas encore là !
À ce stade, la commission a donc émis un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Pour compléter ce que vient de dire M. le rapporteur, je soulignerai que nous avons tenu à commencer par l’obligation d’activité. En ce qui me concerne, je ne suis pas vraiment favorable à ce que l’on donne une allocation à des détenus.
Les détenus indigents bénéficieront d’une aide en nature ou en numéraire, et il s’agit là d’une disposition à laquelle nous tenons absolument. Pour autant, il convient de privilégier l’activité par rapport à l’octroi d’une allocation. La première étape est donc l’obligation d’activité. Nous verrons ensuite si la création d’une allocation se révèle nécessaire.
Le fait de privilégier l’obligation d’activité est au cœur de la logique de ce projet de loi pénitentiaire : nous manifestons ainsi notre volonté de lutter contre l’oisiveté afin de favoriser la réinsertion des détenus et, par là même, de prévenir la récidive.
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la ministre, reprenant les propos que vous avez vous-même tenus tout à l’heure, je dirai que tout le monde n’a pas la possibilité de travailler ! Certaines personnes, même si elles souhaitent avoir une activité, ne sont pas aptes au travail. Elles ont donc besoin de l’aide que nous proposons d’instaurer.
Par ailleurs, je répète que cela constituerait pour eux une préparation à la sortie de prison, c'est-à-dire un premier pas vers l’insertion. La sortie, en effet, ne se prépare pas le jour de la libération, mais bien en amont, pendant la détention.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je dois tout de même réagir à ce que j’ai entendu. En effet, au détour d’une phrase, M. le rapporteur a lâché benoîtement que, si le dispositif proposé était un jour mis en place, on pourrait en faire porter la charge aux départements.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce sont des mots à ne pas prononcer ! (Sourires.)
M. Éric Doligé. Monsieur le rapporteur, je vous invite à vous ôter de telles idées de l’esprit ! Il faut éviter, chaque fois qu’est évoquée la possibilité d’apporter aux gens une aide supplémentaire, de décider d’un seul coup d’en confier la responsabilité aux collectivités locales.
Les élus locaux que nous sommes sont prêts à discuter de bien des choses, mais il est impensable que des propositions telles que celle-ci germent dans certains esprits sans que nous ayons eu notre mot à dire !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cette charge serait affectée par convention, avec un remboursement programmé !
M. Éric Doligé. Je mets donc vos propos, monsieur le rapporteur, sur le compte d’un égarement dû à l’heure tardive !
Quoi qu'il en soit, je souhaite vivement qu’on renonce à cet état d’esprit qui tend à se reporter sur les budgets des collectivités locales dès qu’il est question de charges nouvelles.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le président de conseil général, permettez qu’un conseiller général de base vous donne son avis sur la question que vous venez d’évoquer.
Rassurez-vous : il n’y a pas de ma part l’ombre d’un début d’égarement ! Je me permets de vous rappeler que, lorsque nous avions travaillé avec M. Martin Hirsch sur l’hypothèse d’une allocation minimale, le montant évoqué pour celle-ci était de 50 euros.
Je vous rappelle également que les propositions du rapport Hyest de 2000 prévoyaient, à l’époque, l’instauration d’une allocation de l’ordre de 400 francs, soit une somme du même ordre.
Pour ma part, je suis tout à fait favorable à ce que la compensation soit effectuée par l’État.
Je vous signale d’ailleurs que le coût d’une telle mesure était évalué par M. Hirsch à moins de 8 millions d’euros, ce qui est relativement modique par rapport au RSA ! Il devrait donc être possible de négocier sur une telle somme.
Encore une fois, je n’ai rien contre une compensation par l’État, bien au contraire ! Je suis tout aussi intéressé que vous à la bonne santé des finances départementales, qui ont été largement sollicitées ces derniers temps.
J’insiste sur le fait qu’un dispositif prévoyant une continuité entre l’aide accordée à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire et celle qui est allouée, après la sortie, par l’intermédiaire des services sociaux, me semble être tout à fait, presque par essence, de la compétence des départements. En effet, à mon sens, un des grands drames du monde carcéral réside dans le fait que des personnes venant d’être libérées peuvent se retrouver pendant quelque temps dans une situation – notamment financière – extrêmement difficile, avant d’être prises en main par les services sociaux des conseils généraux. Tout le monde gagnerait à ce que les anciens détenus soient aidés immédiatement.
À cette précision près, je ne retire rien, mon cher collègue, des propos que j’ai tenus précédemment !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13.
(L'article 13 est adopté.)
Division additionnelle avant l'article 14
Mme la présidente. L'amendement n° 108, présenté par MM. Anziani et Jeannerot, Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 14, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Section...
Du travail en détention
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Ma défense de l’amendement n° 108 vaudra également pour l’amendement n° 113, qui vise à insérer une autre division additionnelle, relative, elle, à l’enseignement et à la formation.
Il s’agit de souligner notre détermination à replacer au centre du débat la question du travail et de la formation des détenus.
Conformément aux règles pénitentiaires européennes, ainsi qu’au simple bon sens, il importe en effet d’attribuer la première place à l’enseignement et à la formation lors du séjour en prison de la personne détenue.
Or le texte qui nous est proposé ne mentionne que le travail et l’insertion ; il ne revient pas sur la question fondamentale de l’enseignement et de la formation. Il s’agit pourtant de la condition première de l’insertion. Elle doit donc, dans l’ordre des facteurs, intervenir avant toute action en faveur de l’insertion puisqu’elle est la condition de la réussite de cette dernière.
À travers cet enjeu, c’est toute la finalité de la privation de liberté qui est en cause. Celle-ci constitue-t-elle une sanction, et uniquement cela, ou bien veut-on que le temps passé en détention soit utilisé pour préparer la réinsertion du détenu ?
Cette réinsertion comporte de multiples aspects. Elle doit être professionnelle, bien entendu, afin de limiter les risques de récidive. Mais il importe aussi qu’elle soit sociale – et même sociétale –, afin que l’ancien détenu puisse trouver une nouvelle place, grâce aux changements qu’il aura su opérer en lui-même et dont il pourra faire bénéficier autrui.
Dans nos sociétés, comme dans beaucoup d’autres, le travail possède un sens. Il constitue le principal facteur de socialisation des personnes et des groupes sociaux. Nous voyons d’ailleurs les dégâts considérables du chômage sur la cohésion sociale, c’est-à-dire non seulement ses aspects inégalitaires, mais aussi, tout simplement, ses conséquences sur ce qui permet le fonctionnement acceptable d’une société pour les personnes qui en sont membres.
Pour que le détenu, à sa libération, puisse bénéficier d’un travail, il est indispensable qu’il dispose des savoirs de base, que trop souvent il ignore ou qu’il maîtrise mal, et d’une formation qui lui permette de s’orienter vers un métier.
Le fondement de toute réinsertion réussie réside, d’une part, dans la modification de l’état d’esprit du détenu et de l’image qu’il projettera par son comportement, d’autre part, dans la transformation de l’opinion que l’on se forme sur lui.
Sur le plan pratique, comme sur celui des mentalités, l’élément fondamental est donc clairement l’éducation, complétée par une formation professionnelle. C’est le passage obligé pour que la personne sortant de prison soit à même de mieux comprendre la société et d’y jouer un rôle dans le futur.
Cela implique que le droit à l’enseignement et à la formation des personnes détenues soit reconnu dans la loi et décliné ensuite en propositions concrètes favorisant la mise en œuvre des différentes étapes d’une formation.
Nous souhaitons donc qu’un tel objectif soit souligné par l’insertion d’une nouvelle division dans le texte du projet de loi tel qu’il résulte des travaux de la commission.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement, qui tend à créer une division additionnelle, ainsi que les suivants visent à apporter plusieurs précisions concernant le travail pénitentiaire, qui, certes, sont toutes intéressantes, mais relèvent du règlement.
Comme vous le voyez, nous ne réservons pas seulement ce reproche aux amendements de M. About ! (Sourires.)
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 108.
M. Jean-Pierre Sueur. L’amendement n° 108 n’a rien à voir avec le domaine réglementaire !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 108.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 14
Mme la présidente. L'amendement n° 109, présenté par MM. Anziani et Jeannerot, Mmes Demontès, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, M. Le Menn et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le travail des détenus doit être rémunéré de façon équitable.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Je commencerai par souligner que M. le rapporteur vient de nous donner l’impression de s’être trompé d’amendement !
En effet, l’amendement précédent visait à améliorer la structure du texte. Il ne s’agissait donc pas du tout d’un amendement de fond.
L’amendement n° 109 vise à tirer les conséquences de l’amendement n° 108. Vous allez peut-être, d’ailleurs, m’opposer de nouveau le même argument que précédemment.
Le travail des détenus doit être rémunéré de façon équitable. Il s’agit d’une évidence. Pourtant, en prison, ce n’en est pas une. Nous souhaitons donc faire rentrer cette évidence dans le monde de la prison, conformément aux règles pénitentiaires européennes.
Nous savons bien que vous risquez de nous objecter une nouvelle fois que les dispositions que nous vous soumettons ne sont pas suffisamment normatives pour figurer dans la loi. Pour ma part, je pense qu’elles permettent de fixer un horizon, ce qui est essentiel. En effet, nous savons tous qu’en prison le travail n’est pas rémunéré à sa véritable valeur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je répondrai d’abord à M. Anziani qu’il n’y avait pas la moindre confusion dans mon esprit. En effet, l’amendement n° 108 visait à créer une division additionnelle destinée à accueillir les dispositions prévues par les amendements nos 109 et 110, auxquels se raccroche également l’amendement n° 190 rectifié bis du président About. Cette division additionnelle concernait donc trois amendements comportant des dispositions dont nous estimons qu’elles relèvent toutes du domaine du règlement. Par hypothèse, l’amendement visant à créer cette division additionnelle en relevait donc lui aussi !
Après cette petite satisfaction accordée à mon amour-propre, j’en viens plus spécifiquement l’amendement n° 109. (Sourires.)
Le contenu de cet amendement figure déjà intégralement dans l’article D. 102 du code de procédure pénale, qui prévoit que les rémunérations doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures.
Nous estimons donc qu’une telle disposition n’a pas sa place dans la loi et émettons par conséquent un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 190 rectifié bis, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 717-3 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2 du code du travail. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à indexer la rémunération des détenus employés en prison sur le SMIC.
Je rappelle que, hormis celles qui bénéficient d’un régime de semi-liberté ou de placement à l’extérieur et qui, pour la plupart, sont soumises au droit commun du travail, les personnes en détention peuvent avoir accès à trois types de postes : ceux qui sont proposés par les activités de service général, ceux qui sont créés par les ateliers du service de l’emploi pénitentiaire et proposés par la régie industrielle des établissements pénitentiaires et ceux qui sont offerts par les ateliers de production gérés par des entreprises privées concessionnaires de l’administration pénitentiaire.
La rémunération du travail des détenus s’appuie sur un principe général posé par l’article D. 102 du code de procédure pénale, qui stipule que « les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures afin notamment de préparer les détenus aux conditions de travail libre ».
L’article D. 103 fixe, quant à lui, les conditions de rémunération des détenus qui travaillent sous le régime de la concession : « Les conditions de rémunération et d’emploi des détenus qui travaillent sous le régime de la concession ou pour le compte d’associations sont fixées par convention, en référence aux conditions d’emploi à l’extérieur, en tenant compte des spécificités de la production en milieu carcéral. » Les rémunérations ne peuvent être inférieures au seuil minimum de rémunération, le SMR, qui est corrélé à l’évolution du SMIC.
L’article D. 105 fixe les conditions de rémunération des détenus affectés au service général : « si la continuité des tâches qui leur sont confiées le justifie, ils sont rémunérés suivant un tarif préétabli par l’administration centrale et dans les conditions prévues pour les travaux en régie. »
Là, il y a lieu, certainement, d’avoir des informations complémentaires.
En réalité, les rémunérations sont deux à quatre fois inférieures à celles des travailleurs de droit commun : en 2007, selon l’administration pénitentiaire elle-même – vous trouverez toutes les informations dans la brochure « chiffres-clés », qui est publique –, le revenu moyen mensuel est de 202 euros pour les activités de service général, de 508 euros pour les ateliers de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires et de 359 euros pour les ateliers de production gérés par les concessionnaires.
L’indexation déjà existante pour le travail en concession présente un double intérêt. D’abord, elle offre un avantage financier. Ensuite et surtout, elle prépare la réinsertion des détenus en introduisant un peu le droit commun du travail dans l’établissement pénitentiaire, ce qui contribue à donner au détenu le sentiment qu’il est, de ce point de vue, un travailleur comme un autre.
La commission des affaires sociales vous propose l’indexation sur le SMIC de la rémunération de tous les emplois occupés par les détenus, et pas seulement de ceux qui sont offerts par les concessions.
Bien sûr, et c’est pourquoi cet amendement a été rectifié, les taux d’indexation peuvent varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées. Il s’agit d’une indexation souple puisque l’amendement prévoit trois taux.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission n’a pas émis un avis favorable bien que les propos de M. About sur la situation qu’il présente soient très largement convaincants.
Nous estimons que la compétence est d’ordre réglementaire. Cependant, nous souhaitons interroger le Gouvernement sur le point de savoir s’il ne pourrait pas y avoir, éventuellement par le biais des règlements types, une indexation systématique sur le salaire minimum de référence, de façon à limiter les écarts qui sont difficilement justifiables entre les rémunérations des uns et des autres.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour répondre notamment à la question que vous venez de poser, monsieur le rapporteur, je souhaite préciser que chaque détenu perçoit une rémunération pour le travail qu’il effectue.
Un dispositif existe déjà – vous y avez fait référence tout à l’heure – pour les détenus qui travaillent en atelier de concession pour le compte d’un employeur. Ce dispositif répond parfaitement aux attentes de l’amendement puisqu’il fixe un taux horaire et prévoit déjà l’indexation. L’article D.102 du code de procédure pénale précise déjà que « l’organisation, les méthodes et les rémunérations du travail doivent se rapprocher autant que possible de celles des activités professionnelles extérieures ».
Pour le travail en atelier de production en régie, un seuil minimum de rémunération, dont le montant est défini par l’administration pénitentiaire chaque année par voie d’instruction, est déjà en place. Ce taux horaire minimum de rémunération est indexé en référence à l’évolution du SMIC. Pour ce type de travail, l’amendement est également d’ores et déjà satisfait.
Dans les deux cas, l’indexation existe.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. De fait, mais pas dans la loi ! Dans quel article de loi est-ce écrit ?
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Dans lequel ?
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Pour les concessions oui, mais pour la régie ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le service général est à part : la rémunération est définie sur la base d’un tarif jour parce que les détenus ne travaillent que quelques heures, notamment pour la distribution des repas ou le nettoyage des locaux. Le montant est défini annuellement par voie d’instruction. Sur ce point, je suis d’accord avec vous : il n’y a pas de règlement adapté. La rémunération de ces détenus est assurée par le budget de l’administration pénitentiaire, qui tient compte de la spécificité des emplois.
Toutefois, ce tarif journalier tient compte, en pratique, c’est vrai, de l’évolution du SMIC : il est revu chaque année. La fixation par décret d’un taux horaire n’est donc pas adaptée pour ce type d’activité.
C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Nous soutenons totalement l’amendement de M. About pour une raison simple : la difficulté d’un détenu est, justement, qu’il ne connaît pas les règles. Un détenu ne vit pas dans un monde de règles : il les ignore et c’est en général pour ça qu’il est en prison.
Il faut donc lui apprendre que les règles sont, pour lui, non seulement une obligation mais aussi un droit. La meilleure façon de l’en persuader est de lui montrer que sur la question du salaire, à laquelle tout un chacun est sensible, il a droit à une rémunération dont le montant est fixé d’une façon claire et légale.
Cette introduction du droit commun pour un revenu des personnes détenues est indispensable.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote.
M. Claude Jeannerot. La proposition de M. About marque, à notre sens, une évolution notable et très favorable pour la situation des détenus.
On pourrait objecter que fixer le taux de rémunération au niveau du SMIC horaire risquerait d’introduire une clause défavorable par rapport à l’offre de travail dans les maisons d’arrêt.
Au contraire, aujourd'hui, nous nous trouvons face à une concurrence de mauvais aloi. Le fait de se rapprocher du droit commun constituerait non seulement un acquis pour les détenus, mais également une clarification par rapport aux règles de concurrence entre les entreprises elles-mêmes.
Il faut soutenir cet amendement, qui a le grand mérite d’inscrire les détenus dans le droit commun, ce qui, après tout, est un objectif que nous visons sur beaucoup d’autres plans.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les propos des uns et des autres me paraissent aller au-delà de l’amendement n° 190 rectifié bis.
M. About propose que toutes les rémunérations connaissent une indexation par décret, avec trois taux.
L’amendement de M. About ne vise pas à accorder le SMIC au service général en prison.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Tout à fait, ce n’est pas ce que j’ai proposé !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si cet amendement visait à introduire une telle disposition, l’article 40 aurait été appliqué !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il n’est pas toujours invoqué !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Madame la sénatrice, il y a des favorisés, vous devez en faire partie, comme M. About ! Ce n’est pas du tout le cas de la commission des lois ! (Sourires.)
Il y a le travail pénitentiaire traditionnel. Le projet de loi permettra aux entreprises d’insertion d’intervenir.
Il faut le préciser, autrement, nous risquerions de faire croire des choses qui auraient un effet négatif. N’oublions pas que l’objectif est de permettre au maximum de détenus de travailler en prison.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Comme l’a très bien dit le président Hyest, il n’est pas question de donner le SMIC à tout le monde. Il y a trois taux de rémunération – 10 à 15 % du salaire minimum de croissance, 25 %… –, qui varient en fonction du SMIC.
Pour tout ce qui concerne les concessions, c’est prévu dans les textes. Pour ce qui a trait aux régies, ce n’est pas le cas, mais l’indexation est de fait. Dès lors, autant l’inscrire, les choses seront claires. Puisque l’indexation est déjà de fait, autant qu’elle devienne de droit.
Enfin, pour le service général, il s’agit d’un forfait jour calculé annuellement, ce qui doit être bien compliqué à verser. Quoi qu’il en soit, le forfait jour, si je ne me trompe pas, est fonction de la taille du centre et du travail effectué par la personne. Un détenu qui porte les repas ou le courrier dans un centre de 200 pensionnaires travaille moins que celui qui assure le même service dans un centre plus important. Il gagnera donc beaucoup moins. Je ne vois aucune difficulté à ramener cela à un taux horaire.
Pourquoi ne pas adopter cet amendement, en laissant le soin à l’Assemblée nationale, puis la commission mixte paritaire, d’affiner la mesure ?
Plusieurs sénateurs socialistes. Et en deuxième lecture ! (Sourires.)
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Il n’y a pas d’urgence ! (Sourires.) Ne soyons pas trop pressés, donnons du temps au temps, et adoptons cet amendement ce soir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je soutiens bien sûr cet amendement car celui que nous avons déposé à l’article 14 tend à ancrer encore davantage dans la normalité les rapports des détenus avec le travail.
Il est très important d’inscrire ce principe pour les raisons que j’ai déjà évoquées tout à l’heure.
On veut tenter de donner un sens à l’activité en prison, on souhaite mettre l’accent sur le fait que le travail est une façon de se réinscrire dans une reconstruction sociale ; mais il ne faut pas être naïf, pour l’instant, le travail n’est pas une denrée abondante en prison !
Si cette volonté d’offrir plus de travail à des personnes détenues rencontre de la part de certains employeurs privés intervenant dans les prisons la volonté de faire travailler les gens pour rien, ou pour pratiquement rien, plutôt que d’employer des personnes à l’extérieur, la situation va être extrêmement difficile à justifier.
Si l’on veut favoriser l’activité professionnelle des personnes en détention, il faut inscrire leur travail dans la normalité, tout en tenant compte des spécificités propres au travail en prison et de la qualification des détenus. Il faut éviter de créer un effet d’aubaine pour des entreprises privées, qui entrent actuellement dans les prisons à toute vitesse, ce que personnellement je déplore.
Il est donc vraiment important de poser un tel principe, même si la question du taux reste ouverte.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Je souhaite simplement préciser à M. le président de la commission des lois qu’il n’y a pas de malentendu entre nous et que je partage pleinement ses propos.
Je m’en tiens strictement au texte de l’amendement de M. About : « La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance ».
Cette disposition est importante pour deux raisons. Premièrement, une telle mesure introduit des règles d’équité et de transparence sur l’ensemble du territoire. Deuxièmement, elle permet de mettre fin, je le répète, à des règles de concurrence qui desservent l’intérêt des établissements pénitentiaires et des détenus.
Je n’ai pas voulu dire autre chose. Pardonnez-moi si mon expression n’a peut-être pas été suffisamment claire.
Mme la présidente. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même si l’indexation devait être prévue dans un texte, cette obligation serait de niveau réglementaire. Je prends l’engagement de demander à la direction de l’administration pénitentiaire d’étudier la façon de rédiger au mieux la disposition. Je m’engage à ce qu’un décret soit pris en ce sens. (Très bien ! sur les travées socialistes.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 14.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
13
Dépôt d'une question orale avec débat
Mme la présidente. J’informe le Sénat que M. le président du Sénat a été saisi de la question orale avec débat suivante :
N° 27 - Le 12 mars 2009 - M. Thierry Foucaud interroge Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la situation du secteur de l’automobile en France. Entre 1997 et 2007, les deux plus grands constructeurs automobiles nationaux ont réalisé et distribué à leurs actionnaires des dizaines de milliards d’euros de bénéfices. Aujourd’hui, tous les indicateurs économiques sont négatifs et des milliers d’emplois sont détruits. Renault a annoncé 4 000 suppressions de postes pour l’année 2009 et PSA 11 000 pour l’ensemble des usines européennes du groupe. Les mesures prises en matière de chômage technique, de plans de départs dits volontaires et de gains de productivité apparaissent en contradiction avec le développement de ce secteur-clé en termes d’emploi et d’industrialisation des territoires.
Des aides publiques d’un montant de 7,8 milliards d’euros ont déjà été distribuées ces dernières semaines aux constructeurs automobiles français et plus largement à l’ensemble du secteur, sous forme de prêts et par l’intermédiaire du Fonds stratégique d’investissement.
Il lui demande qu’un véritable plan d’aide au secteur soit enfin mis sur pieds.
Il lui demande l’arrêt des plans de licenciement et le gel des dividendes versés aux actionnaires. Il importe en effet de prendre les dispositions nécessaires pour que l’argent public ne soit pas reversé aux actionnaires sous forme de dividendes ou de rachats d’actions et que les entreprises recevant ces aides ne puissent pas licencier, ni poursuivre les délocalisations.
Il l’interroge sur le nécessaire maintien de l’intégralité du salaire aux salariés mis en chômage technique, en mettant à contribution les actionnaires.
Il lui demande que l’utilisation de l’argent public dans l’investissement soit clairement établie, par exemple pour développer des technologies nouvelles.
Il interroge par ailleurs le Gouvernement sur les moyens mis en œuvre pour promouvoir auprès des constructeurs le lancement de modèles adaptés au public le plus large et permettant ainsi une véritable relance du secteur automobile pour la consommation populaire.
Enfin, l’interroge sur l’opportunité d’une entrée de l’État dans le capital de l’industrie automobile, notamment du groupe Renault pour assurer l’avenir du secteur.
(Déposée le 4 mars 2009 – annoncée en séance publique le 4 mars 2009)
Conformément aux articles 79, 80 du règlement, cette question orale avec débat a été communiquée au Gouvernement et la fixation de la date de la discussion aura lieu ultérieurement.
14
Dépôt de projets de loi
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur les gains en capital.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 247, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 248, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
15
Dépôt de propositions de loi
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. François Autain, Mmes Annie David, Gélita Hoarau, M. Guy Fischer, Mmes Isabelle Pasquet, Éliane Assassi, Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Jean-Claude Danglot, Mmes Michelle Demessine, Évelyne Didier, M. Thierry Foucaud, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jean-Luc Mélenchon, Jack Ralite, Ivan Renar, Mmes Mireille Schurch, Odette Terrade, MM. Bernard Vera et Jean-François Voguet une proposition de loi visant à affecter les dividendes des entreprises à la garantie de l’intégralité des salaires des salariés subissant des périodes de chômage partiel.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 249, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu de MM. Guy Fischer, François Autain, Mmes Annie David, Isabelle Pasquet, Gélita Hoarau, Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi, Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Jean-Claude Danglot, Mmes Michelle Demessine, Évelyne Didier, M. Thierry Foucaud, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Jean-Luc Mélenchon, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mmes Mireille Schurch, Odette Terrade, MM. Bernard Vera, et Jean-François Voguet une proposition de loi visant à abroger les franchises médicales.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 250, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu de Mme Isabelle Pasquet, MM. François Autain, Guy Fischer, Mmes Annie David, Gélita Hoarau, Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi, Marie-France Beaufils, MM. Michel Billout, Jean-Claude Danglot, Mmes Michelle Demessine, Évelyne Didier, M. Thierry Foucaud, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Robert Hue, Gérard Le Cam, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Jean-Luc Mélenchon, Jack Ralite, Ivan Renar, Mmes Mireille Schurch, Odette Terrade, MM. Bernard Vera et Jean-François Voguet une proposition de loi visant à étendre le bénéfice du droit à pension de réversion aux couples liés par un pacte civil de solidarité et aux concubins notoires.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 251, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
16
Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet de décision de la Commission du […] modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique, l’annexe de la directive 2002/95/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exemptions relatives aux utilisations du plomb, du cadmium et du mercure.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4314 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet de décision de la Commission du […] modifiant, aux fins de son adaptation au progrès technique, l’annexe de la directive 2002/95/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’exemption relative à une utilisation du plomb en tant qu’impureté dans les rotateurs de Faraday utilisant des grenats de terre rare fer (RIG), employés pour les systèmes de communication par fibre optique.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4315 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Nomination du président du Conseil consultatif européen pour la gouvernance statistique.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4316 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, par la Communauté européenne, du protocole sur la loi applicable aux obligations alimentaires.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4317 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
- Projet d’action commune du Conseil modifiant l’action commune 2008/736/PESC concernant la mission d’observation de l’Union européenne en Géorgie, EUMM Georgia.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-4318 et distribué.
17
Dépôt de rapports
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Bernard Piras un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale de police criminelle-Interpol (OPCI-Interpol) relatif au siège de l’organisation sur le territoire français (n° 193, 2008-2009).
Le rapport sera imprimé sous le n°241 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Jacques Berthou un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Guinée sur la promotion et la protection réciproques des investissements (n° 191, 2008-2009).
Le rapport sera imprimé sous le n° 242 et distribué.
18
Dépôt d'un rapport d'information
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Robert Badinter un rapport d’information fait au nom de la commission des affaires européennes sur l’Union européenne et les droits de l’Homme.
Le rapport d’information sera imprimé sous le n° 246 et distribué.
19
Dépôt d'avis
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-Paul Virapoullé un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer (Urgence déclarée) (texte de la commission : n° 233, 2008 2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 240 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Daniel Marsin un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer (Urgence déclarée) (texte de la commission : n° 233, 2008 2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 243 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de Mme Anne-Marie Payet un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer (Urgence déclarée) (texte de la commission : n° 233, 2008 2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 244 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Bernard Angels un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures (texte de la commission : n° 210, 2008 2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 245 et distribué.
20
Ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 5 mars 2009 :
À neuf heures quarante-cinq :
1. Suite du projet de loi pénitentiaire (n° 495, 2007-2008).
Rapport de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 143, 2008-2009).
Rapport supplémentaire de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 201, 2008-2009).
Texte de la commission (n° 202, 2008-2009).
Avis de, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 222, 2008-2009).
À quinze heures et le soir :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
Délai limite d’inscription des auteurs de questions : Jeudi 5 mars 2009, à onze heures.
3. Désignation des membres de la mission commune d’information sur la situation des départements d’outre-mer.
4. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 5 mars 2009, à zéro heure quarante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD