M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’avoue que ma compétence sur ce point n’est pas la plus sûre. S’il n’était pas si tard, j’aurais l’audace de demander au président de la commission des lois de bien vouloir envoyer son rapporteur pour avis du budget de l’administration pénitentiaire en Polynésie pour faire le point sur la situation (Sourires.) …
Pour en venir plus précisément à l’amendement, je dois dire qu’il est globalement satisfait par l’article 1er dans la rédaction adoptée par la commission, qui affirme, sur l’initiative de notre collègue Hugues Portelli, que le service public pénitentiaire « garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à sa personne ».
Il est également satisfait par l’article 4 bis, que l’on doit au groupe communiste et qui prévoit que, dans le cadre de leur mission de sécurité, les personnels de surveillance « veillent au respect de l’intégrité physique des personnes privées de liberté et participent à l’individualisation de leur peine ainsi qu’à leur réinsertion ».
Il est encore satisfait par l’article 19 bis disposant que « l’administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels ». Je vous rappelle que nous en avons tiré, comme conséquence concrète, la responsabilité sans faute dans certaines hypothèses.
Par conséquent, je ne peux pas rendre un avis favorable sur cet amendement, qui est satisfait, et je me contenterai, sans beaucoup d’illusion, d’en demander le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Richard Tuheiava, pour explication de vote.
M. Richard Tuheiava. Je pense effectivement que M. le rapporteur n’a pas suffisamment visité les établissements pénitentiaires situés en outre-mer, que ce soit en Guyane ou en Polynésie française.
En effet, les dispositions prévues à l’article 25, dans sa rédaction actuelle, ne permettent absolument pas de répondre à la situation de ces établissements. Nous sommes donc aujourd’hui confrontés à des différences et des décalages entre territoires, ce pourquoi je serai désormais beaucoup plus technique dans mon propos.
Si, dans la pratique, le territoire hexagonal dispose déjà d’établissements remplissant ce type de conditions et si – je rebondis sur un autre argument de M. le rapporteur – le texte de la convention internationale des droits de l’enfant s’applique directement dans l’ordre juridique national, il n’existe aucun argument légal ou financier qui s’oppose au vote de mon amendement. L’article 40 de la Constitution ne lui a pas non plus été opposé.
Actuellement, certains territoires de la République ne bénéficient réellement pas des mêmes facilités que les autres pour garantir la séparation entre détenus mineurs et majeurs au sein des établissements pénitentiaires.
Des exemples dans l’Hexagone pour lesquels ces garanties sont effectives ont été évoqués ; je les connais. Le texte de la convention internationale des droits de l’enfant, en lui-même, trouve à s’appliquer dans l’ordre juridique interne. Il ne reste qu’à l’acter dans notre loi et c’est l’objet de mon amendement !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mon cher collègue, il est vrai que le rapporteur n’a pas visité tous les établissements pénitentiaires des départements et collectivités d’outre-mer.
En revanche, quelque temps avant votre élection, deux de nos collègues ont effectué une mission sur les droits et libertés des communes de Polynésie française. À cette occasion, ils ont visité les établissements pénitentiaires, ce que nous avons également fait lors de la mission que j’ai menée à Mayotte.
En fait, dès que nous effectuons une mission dans un département d’outre-mer, nous en profitons pour visiter les établissements pénitentiaires. Nous nous rendons également dans les juridictions pour vérifier leur fonctionnement, avant d’établir notre rapport. La commission des lois est extrêmement vigilante sur ces points, il faut tout de même le rappeler !
Il est vrai que le principal établissement pénitentiaire de Polynésie française souffre de surpopulation et connaît des difficultés importantes. Nous le savons et nous le signalons d’ailleurs chaque année, au moment de l’examen du budget de l’outre-mer, dont notre collègue Christian Cointat est rapporteur pour avis au nom de la commission des lois, et dans le rapport pour avis de M. Jean-René Lecerf sur les crédits alloués à l'administration pénitentiaire.
Vous avez donc raison, cher collègue, et Mme le garde des sceaux ne doit pas oublier l’outre-mer.
Toutefois, parce que vous rencontrez des problèmes, vous nous demandez de répéter ce qui est déjà inscrit dans toutes les lois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous n’allons pas nous répéter indéfiniment !
J’insiste, monsieur Tuheiava, vous avez raison, mais ce n’est pas en écrivant, une fois de plus, ce qui est déjà dans toutes les lois que nous changerons quelque chose.
Il faut désormais mener les travaux nécessaires en Polynésie française afin, non seulement de réaliser un établissement pénitentiaire pour mineurs digne de ce nom, mais également de traiter d’autres problèmes. Pour avoir été plusieurs fois en Polynésie française, je connais effectivement l’établissement pénitentiaire de Faa’a-Nuutania et je l’ai progressivement vu se dégrader.
Par conséquent, ce n’est pas pour vous être désagréables, monsieur Tuheiava, mais nous ne pouvons qu’être défavorables à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous rencontrons effectivement un problème en Polynésie, puisque nous disposons de 150 places pour 390 détenus. La surpopulation est réelle !
S’agissant de l’ensemble de l’outre-mer, nous venons d’inaugurer à Saint-Denis de la Réunion un nouvel établissement pénitentiaire de 600 places.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Enfin !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il est vrai que nous avons attendu plus de dix ans…
Par ailleurs, on trouve trois mineurs sur les 390 détenus du centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania. Certes, l’isolement pose des difficultés, mais des travaux d’extension ont été engagés. Cent places supplémentaires seront ouvertes à la fin du mois de mai 2009 et nous sommes en négociation pour l’achat d’un terrain en vue de la construction d’un autre établissement pénitentiaire.
Nous disposerons donc d’une nouvelle capacité pénitentiaire dans les deux ou trois ans à venir et, dès la fin du mois de mai, de cent places de prison supplémentaires.
M. le président. Monsieur Tuheiava, l'amendement n° 140 rectifié est-il maintenu ?
M. Richard Tuheiava. Je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 25.
(L'article 25 est adopté.)
Article additionnel après l'article 25
M. le président. L'amendement n° 141 rectifié, présenté par MM. Tuheiava, Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le service public pénitentiaire garantit la prévention totale du risque de confusion entre l'incarcération de mineurs et celle de majeurs.
La parole est à M. Richard Tuheiava.
M. Richard Tuheiava. Dans la lignée de l’amendement n° 140 rectifié, que je viens de soutenir, le présent amendement tend à poser, parmi les principes directeurs du projet de loi pénitentiaire, le principe de l’effort de prévention à l’encontre des risques de harcèlement, voire de sévices corporels entre détenus.
En effet, nous venons de l’indiquer, dans certaines maisons d’arrêt et établissements pénitentiaires des régions et collectivités d’outre-mer, le sous-dimensionnement et la vétusté des bâtiments, auxquels s’ajoute un phénomène de surpopulation carcérale qui bat des records – nous avons récemment dû échanger sur ce sujet avec Mme le garde des sceaux – engendrent un risque souvent avéré de confusion entre la détention de personnes mineures et celle de personnes majeures.
Toujours en accord avec l’impératif de mise en conformité de notre législation pénitentiaire nationale avec le troisième paragraphe de l’article 37 de la convention internationale des droits de l’enfant, qui trouve à s’appliquer en France, je vous propose d’insérer cet article additionnel après l’article 25.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a bien entendu notre collègue et prend acte de la situation en Polynésie française. Mais, pour les raisons que j’ai exprimées précédemment, elle donne un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’objet de cet amendement a déjà été évoqué et notre avis reste défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 141 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 26
Les mineurs, lorsqu'ils ne sont pas soumis à l'obligation scolaire, sont tenus de suivre une activité à caractère éducatif. – (Adopté.)
Article additionnel après l'article 26
M. le président. L'amendement n° 237, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'administration pénitentiaire doit garantir l'accès des détenus mineurs aux services sociaux, psychologiques et éducatifs, culturels et sportifs ou à des activités similaires.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 25 rappelle que les mineurs détenus disposent de droits fondamentaux dont la reconnaissance par l’administration pénitentiaire doit être effective.
Bien entendu, il est tout à fait positif que ce principe soit inscrit dans le projet de loi pénitentiaire. Cependant, les rédacteurs de ce texte renvoient au Conseil d’État le soin d’en définir les modalités d’application. Cela ne correspond pas à la règle pénitentiaire européenne 35.1, qui énumère précisément un certain nombre de droits devant être garantis aux détenus mineurs.
Je ne reviendrai pas sur les exigences de l’article 37 de la convention internationale des droits de l’enfant, celui-ci ayant été rappelé par mon collègue Richard Tuheiava. Toutefois, le fait que rien ne soit indiqué dans le projet de loi pénitentiaire sur les droits liés à l’âge des jeunes incarcérés fait peser un flou sur la nature de ces droits et, par conséquent, un risque d’arbitraire.
Nous proposons donc d’énumérer un certain nombre de ces droits incontournables, notamment l’accès aux services sociaux, psychologiques, éducatifs, culturels, sportifs, afin de garantir leur meilleure application ; le non-respect de ces droits pourrait faire l’objet de recours.
Un réel problème se pose à propos du droit des mineurs. Le projet de loi est de nature généraliste et ne s’applique que par défaut aux mineurs, comme vous l’avez rappelé, madame le garde des sceaux. Par ailleurs, les droits qu’il accorde aux détenus sont chaque fois assortis de restrictions, qui, en toute logique, s’appliqueront aussi aux mineurs. De surcroît, selon l’exposé des motifs, les mineurs voient garanti l’exercice de leurs droits fondamentaux dans les mêmes conditions que les majeurs, ce qui renforce notre interprétation.
La seule disposition spécifique figure dans l’article 53, qui limite le placement des mineurs de plus de seize ans en cellule disciplinaire à une durée maximale de sept jours.
En résumé, les mesures explicitement destinées aux mineurs sont abordées sous l’angle le plus répressif.
Pourtant, selon l’étude du projet de loi réalisée par le groupe de travail de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la spécificité de la vie carcérale relative à l’âge s’applique au quotidien et dans tous les domaines : hygiène, hébergement, santé physique et psychologique, droit au recours, maintien des liens familiaux.
Nous demandons simplement que ces précisions soient inscrites dans la loi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante exige déjà la présence d’éducateurs en détention. La refonte de cette ordonnance, dans le cadre d’un projet de loi en cours d’élaboration, sera l’occasion de réexaminer l’ensemble des règles applicables à l’incarcération des mineurs.
En pratique, les mineurs qui sont incarcérés dans des établissements pénitentiaires pour mineurs bénéficient d’une prise en charge intensive – tous ceux qui ont visité de tels établissements le savent –, qui correspond largement aux attentes des auteurs de l’amendement n° 237. Relevons la présence de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, aux côtés de l’administration pénitentiaire.
Certes, je reconnais que la qualité de cette prise en charge est moindre dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires, mais elle a progressé en raison de l’intervention des éducateurs de la PJJ.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Aux termes de l’article 25, l’administration pénitentiaire « garantit aux mineurs détenus le respect des droits fondamentaux reconnus à l’enfant. » Je rappelle que tous les droits fondamentaux sont reconnus par l’ordonnance de 1945.
D’ici à quelques jours sera présenté le nouveau projet de réforme de la justice des mineurs, et il ne remet pas du tout en cause les droits fondamentaux de ces derniers.
Les garanties souhaitées par les auteurs de l’amendement n° 237 sont assurées par la rédaction actuelle du projet de loi. Par conséquent, le Gouvernement vous demande, madame Mathon-Poinat, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Je le maintiens !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 237.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 27
Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'État.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l’article.
Mme Raymonde Le Texier. L’article 27 est supposé clore le chapitre III relatif aux droits des détenus. Pourtant, il lui manque quelque chose : un pan entier sur les droits spécifiques des femmes détenues et de leurs enfants en bas âge, excusez du peu !
Il est incompréhensible qu’un projet de loi ayant pour objet affiché de réaffirmer le respect des droits fondamentaux pour les personnes détenues, fasse l’impasse sur ces droits spécifiques. Cette lacune est d’autant plus incompréhensible que ces droits sont explicitement réaffirmés par les règles pénitentiaires européennes 34 et 36.
D’aucuns soutiendront sans doute que les droits des détenus affirmés dans ce texte s’appliquent évidemment indifféremment aux hommes et aux femmes, mais ces dernières ont des besoins spécifiques, qui doivent être transcrits dans la loi, qu’il s’agisse du suivi gynécologique, de l’accouchement, de la prise en charge des très jeunes enfants, du maintien de la relation mère-enfant, que l’enfant soit né en prison ou avant l’incarcération.
Madame le garde des sceaux, nous sommes plusieurs, sur toutes les travées de cet hémicycle, à considérer cette carence comme inacceptable. Aussi, je vous invite à bien prendre la mesure de ce manque, tant pour la vie de ces femmes et de leurs enfants que pour ce qu’il dit de nous et de notre société.
Les membres du groupe socialiste avaient déposé sept amendements tendant pour la plupart à transposer les règles européennes en droit français, mais cinq d’entre eux ont été rejetés, l’article 40 ayant été invoqué. C’est une nouvelle illustration de l’usage à la fois excessif et discrétionnaire de cet article.
Il est dommage que l’on ne puisse parler de l’impérieuse nécessité de mettre en place une procédure d’adaptation avec la famille d’accueil lorsque l’enfant doit quitter sa mère.
Il est aussi dommage que l’on ne puisse parler de l’obligation de rechercher pour cet enfant un placement le plus proche possible de la maison d’arrêt, afin de faciliter les contacts avec la mère.
Il est enfin dommage que l’on ne puisse parler de la nécessité de mettre tout en œuvre pour maintenir des liens entre la mère et l’enfant.
Le recours à l’article 40 pour « évacuer », si je puis dire, ces questions est d’autant plus regrettable que seuls quelques cas par an sont concernés. Le coût financier ne saurait donc être élevé, contrairement aux répercussions humaines de cette situation. De surcroît, notons que les femmes ne représentent que 3,8 % de la population carcérale.
La mesure de ces carences étant prise, mes chers collègues, je ne doute pas que nous voterons tous les amendements gouvernementaux que Mme le garde des sceaux ne manquera pas de nous proposer pour, faute de mieux, au moins nous aligner sur le droit européen.
M. le président. Je mets aux voix l'article 27.
(L'article 27 est adopté.)
Division et article additionnels après l'article 27
M. le président. L'amendement n° 142, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 27, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :
Section...
Des personnes détenues femmes et des enfants en bas âge
L'amendement n° 143, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'administration pénitentiaire doit respecter les besoins des femmes aux niveaux physique, professionnel, social et psychologique pour tous les aspects de la détention.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Comme je viens de le rappeler, les femmes ne représentent que 3,8 % de la population carcérale. Le fait qu’elles soient peu nombreuses au regard de l’ensemble de la population carcérale ne doit pas, pour autant, nous amener à banaliser ou à nier leurs problèmes spécifiques.
Notons, en effet, que les femmes incarcérées sont majoritairement des mères de famille ; 76 % d’entre elles ont au moins un enfant.
L’amendement n° 142 a pour objet d’insérer, après l’article 27, une division additionnelle consacrée aux femmes et aux enfants en bas âge, comme le préconisent les règles pénitentiaires européennes.
J’en viens à l’amendement n° 143.
La règle pénitentiaire européenne 34 – nouvelle disposition – vise à tenir compte du fait que les détenues femmes, minoritaires au sein du système pénitentiaire, peuvent facilement être l’objet de discriminations.
Elle tend à aller au-delà de la proscription de la discrimination négative et à sensibiliser les autorités à la nécessité de prendre des mesures positives à cet égard. Ainsi, les femmes sont parfois logées dans de petits quartiers qui proposent moins de travail ou du travail moins intéressant. Il convient donc de favoriser les initiatives permettant de mettre fin à cet état de fait.
Par ailleurs, il importe de reconnaître que les besoins particuliers des femmes couvrent des aspects très divers, qui ne doivent pas être considérés comme essentiellement d’ordre médical. C’est la raison pour laquelle les dispositions relatives à l’accouchement et aux facilités qui doivent être accordées aux parents en prison ont été retirées des règles pénitentiaires européennes relatives aux soins et placées dans une règle spécifique, la règle 34.
Lorsqu’une femme est transférée dans un établissement non pénitentiaire, elle doit être traitée avec dignité. Par exemple, il est inacceptable qu’une femme accouche menottée ou attachée à un meuble, comme cela fut pourtant le cas fréquemment.
Les membres du groupe socialiste avaient déposé des amendements tendant à faire figurer dans notre droit positif toutes les règles pénitentiaires européennes concernant les femmes et les enfants en bas âge nés en prison et amenés à y séjourner. À l’exception du présent amendement, les autres ont été déclarés irrecevables par la commission des finances.
Il est réellement regrettable que nous n’ayons pas pu aborder ces règles lors de l’examen de ce projet de loi et qu’il ne nous ait pas été permis de les introduire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Selon les statistiques relatives à la détention, au 1er novembre 2008, on comptait 61 491 hommes incarcérés, et 2 386 femmes, soit 3,7 %. Or les établissements réservés à ces dernières étant nettement moins nombreux que ceux qui accueillent des hommes, les femmes peuvent connaître un plus grand éloignement par rapport à leur lieu d’habitation ou à celui de leur proche famille. C’est dommageable.
Par ailleurs, il va de soi que les droits fondamentaux des femmes détenues et de leurs enfants en bas âge sont couverts par la référence générale aux droits des détenus des articles 1er et 10 du projet de loi.
Il faut souligner que l’administration pénitentiaire assure des conditions de détention convenables aux femmes détenues. Je le reconnais volontiers, alors que je n’ai pas toujours été tendre sur la situation des prisons en France. Lorsque certains collègues présents ce soir dans cet hémicycle et moi-même avons quitté l’établissement de Rennes, nous avons estimé que, si tous les établissements pénitentiaires étaient du même niveau après la mise en œuvre de la présente réforme, cette dernière serait vraiment réussie.
Pour avoir visité les établissements de Rennes, de Fleury-Mérogis, de Lille-Sequedin, où les jeunes mères sont accueillies, où des espaces nurseries sont prévus ainsi que l’intervention d’assistantes maternelles, je considère que des efforts considérables ont été réalisés.
Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est vrai !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’ai rencontré une mère prévenue pour infanticide qui, ayant eu un enfant en détention, s’en occupait. Je m’étais un peu inquiété, mais j’ai appris que cette détenue était toujours en présence d’une éducatrice qui, le soir, emmenait l’enfant à son propre domicile.
Lorsqu’un enfant vivant une telle situation atteint l’âge de dix-huit mois, la pratique consiste à lui trouver un placement à proximité immédiate, pour qu’il puisse rendre visite à sa mère le plus souvent possible.
Je reconnais que certains problèmes sont liés à la vie des couples, mais l’administration ne peut pas suivre les évolutions en la matière au jour le jour. Ainsi, lorsqu’un père, qui a la charge des enfants, est muté de Marseille à Lille, par exemple, pendant une période intermédiaire, la situation est un peu plus difficile.
Quoi qu’il en soit, les conditions de détention des femmes et de leurs enfants en bas âge n’ont rien d’humiliant pour la République.
Pour toutes ces raisons, la commission vous demande, madame Le Texier, de bien vouloir retirer les amendements nos 142 et 143, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Les détenues femmes ne sont pas nombreuses au sein des établissements pénitentiaires. Les conditions de leur prise en charge sont bien meilleures qu’auparavant, notamment pour ce qui est des soins médicaux et du suivi gynécologique.
Madame le sénateur, on n’accouche pas en prison. Tous les accouchements ont lieu en dehors des établissements pénitentiaires. La règle pénitentiaire européenne 34 le prévoit, ce qui suppose que tel n’est pas forcément le cas dans tous les pays.
Actuellement, environ une vingtaine d’enfants de moins de dix-huit mois sont incarcérés avec leur mère. Ils sont tous suivis par des juges des enfants et par les services de la protection maternelle et infantile.
Certes, l’arrivée de l’enfant à l’âge de dix-huit mois marque une véritable rupture entre la mère et l’enfant, mais il n’est pas possible de garder ces enfants en détention au-delà de cet âge.
Par ailleurs, il faut savoir que toutes les surveillantes qui s’occupent d’eux le font sur la base du volontariat, et, une fois encore, je rends hommage au personnel pénitentiaire.
Quand ils atteignent l’âge de dix-huit mois, ces enfants sont suivis par le juge des enfants, mais le code civil oblige à privilégier les liens familiaux quand il s'agit de les placer. Si le père ou les membres de la famille ne vivent pas à proximité de l’établissement pénitentiaire, l’exercice du droit de visite peut donc se révéler problématique.
Toutefois, dans ce cas, un parent ou un proche, ce que l’on appelle un « tiers digne de confiance », ou même simplement un éducateur, peut toujours amener l’enfant rendre visite à sa mère en prison.
Pour l’essentiel, tous ces enfants sont suivis par des juges des enfants. Nous n’avons donc pas à rougir de la prise en charge et du suivi des enfants nés pendant la détention, même s’il est vrai qu’à dix-huit mois ils quittent la prison et sont séparés de leurs mères.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Madame Le Texier, les amendements sont-ils maintenus ?
Mme Raymonde Le Texier. Je tiens à préciser que je n’ai pas critiqué la façon dont les femmes et les jeunes enfants sont pris en charge par l’administration pénitentiaire.
Nous nous réjouissons tous que la situation soit aujourd'hui, dans la plupart des cas, satisfaisante. Ce n’est cependant pas une raison pour ne pas transcrire dans la loi les dispositions reconnaissant la spécificité de l’incarcération des femmes !
Les femmes détenues étant peu nombreuses, il est inutile de mettre en avant l’article 40 de la Constitution pour faire de petites économies ! Puisque M. le rapporteur et Mme le garde des sceaux nous affirment que les choses se passent bien, ce qui, effectivement, est vrai dans la plupart des cas, les dispositions que nous proposons ne coûteront rien de plus.
Nous estimons simplement qu’il existe en la matière une spécificité qu’il serait dommage de ne pas reconnaître dans un tel projet de loi.
Je maintiens donc ces amendements, monsieur le président.
M. le président. Si vous en êtes d’accord, madame le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous allons réserver le vote sur l’amendement n° 142 jusqu’après la mise aux voix de l’amendement n° 143. (Assentiment.)
Je mets aux voix l'amendement n° 143.
(L'amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 142 n'a plus d'objet.