M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cela va plus vite !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela va aussi vite !
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je n’ai pas visité les bonnes prisons !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Peut-être pas les bons SDIS, les bons SMUR, les bons SAMU ! (Sourires.)
Quant aux paradoxes de l'article 40, je n’y suis pour rien ! On en parle depuis le début de l’examen de cette loi et cela va finir par me donner des cheveux blancs ! (Nouveaux sourires.)
Je veux bien que l’on vote l’amendement que vous aviez proposé, monsieur About, mais cela signifie qu’un professionnel de santé devra être présent en permanence dans les établissements pénitentiaires… Très bien ! Je vous signale qu’il n’est pas interdit d’invoquer l’article 40 en séance
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Le Gouvernement peut le faire !
M. le président. Mes chers collègues, quelle que soit l’appréciation que l’on porte sur le discernement avec lequel l'article 40 de la Constitution est appliqué, je vous propose d’avoir cette discussion à un autre moment et de nous en tenir au sujet qui nous occupe.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. J’ai péché !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pécheur non repenti ! (Sourires.)
M. le président. Car si nous voulons débattre maintenant de l'article 40, il faut convoquer sans délai une conférence des présidents pour déterminer quand nous poursuivrons l’examen du projet de loi pénitentiaire.
À l’instar du président Roland du Luart, nous sommes tous d’accord pour reconnaître qu’il s’agit d’un problème sur lequel il faudra nous pencher.
Mais revenons-en à l'amendement n° 195.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je crains que l’avis de la commission ne nous facilite pas la tâche !
La commission des lois s’était demandé si la notion de « continuité des soins », qu’elle avait introduite à l'article 20 à la suite d’une suggestion du groupe CRC-SPG, et celle de « permanence des soins », proposée par la commission des affaires sociales, n’étaient pas redondantes. Elle avait considéré que, pour le corps médical, la notion de permanence était préférable à celle de continuité. Mais je pense que la commission n’avait pas bien vu la différence entre continuité et permanence.
Ici, les choses sont claires : la permanence des soins, c’est la garantie que ceux-ci sont assurés vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La commission des lois s’en est donc remise à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je compléterai les propos du président de la commission en soulignant que, même dans un département urbain comme le Nord, il existe nombre de maisons de retraite où la permanence des soins n’est pas assurée, au sens de l'amendement n° 195.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. En effet !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Introduire la notion de permanence suppose un retour à la situation qui prévalait avant 1994, c'est-à-dire à la médecine pénitentiaire.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Ah non !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il faudrait en permanence des médecins dans les établissements pénitentiaires.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Ce n’est pas ce que j’ai dit ! J’ai parlé d’un professionnel de santé ; il ne s’agit pas nécessairement d’un médecin !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La présence permanente d’un professionnel de santé entraînerait une augmentation budgétaire non négligeable.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Pas du tout ! C’est la répartition sur vingt-quatre heures des moyens qui sont déjà alloués !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Si tel est le cas, une telle disposition aura davantage sa place dans le projet de loi portant réforme de l’hôpital qui sera prochainement soumis à votre Haute Assemblée. L'Assemblée nationale débat précisément en ce moment de l’organisation de la permanence des soins pour l’ensemble de la population, et les détenus sont considérés comme faisant partie de cette dernière.
M. Jean-Pierre Sueur. On peut dire cela pour un certain nombre d’articles de ce texte !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. En 1994, il a été décidé de supprimer la médecine pénitentiaire. Puisque cet amendement vise non pas à revenir à la médecine pénitentiaire, mais à améliorer l’organisation des soins, il sera plus pertinent de le présenter lors de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L’amendement no 43 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les détenus sont affiliés obligatoirement aux assurances maladie et maternité du régime général à compter de la date de leur incarcération dans les conditions régies par le code de la sécurité sociale.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet de rendre obligatoire l’affiliation des détenus aux assurances maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale.
On peut m’objecter qu’une telle règle existe déjà dans notre droit. Il nous semble toutefois nécessaire de l’intégrer dans le projet de loi pénitentiaire.
En effet, il faut le rappeler, le bénéfice d’une couverture médicale est le premier pas vers la prise en charge sanitaire du détenu. L’administration pénitentiaire doit donc veiller à ce que les personnes incarcérées accèdent à une couverture médicale, voire, pour les plus démunies, à la couverture maladie universelle. L’affiliation à ces régimes doit être immédiate et systématique.
Enfin, les soins doivent être intégralement pris en charge, forfaits hospitaliers compris.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’affiliation des détenus aux assurances maladie et maternité du régime général de la sécurité sociale étant d’ores et déjà obligatoire, la commission estime que l’amendement est satisfait et en demande le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l’amendement no 43 rectifié est-il maintenu ?
Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’article 20, modifié.
(L’article 20 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 20
M. le président. L’amendement no 125, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes souffrant de maladies mentales et dont l’état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison devraient être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet.
Si ces personnes sont néanmoins exceptionnellement détenues dans une prison, leur situation et leurs besoins doivent être régis par des règles spéciales.
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Cet amendement a pour objet de mettre notre législation en conformité avec la règle pénitentiaire européenne 12.
Je soulignerai que de très nombreux rapports parlementaires ont dénoncé les situations de souffrance psychologique ou psychiatrique dans l’univers carcéral et que, dernièrement, le commissaire européen aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe recommandait aux autorités de notre pays d’augmenter les moyens qu’elles allouent à l’organisation des soins somatiques et psychiatriques en prison.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Notre collègue Claude Jeannerot vient d’aborder un problème fondamental. Pourtant, la commission lui demandera de retirer son amendement, car il lui paraît absolument impossible de régler le problème de la santé mentale dans les établissements psychiatriques… (Sourires.) – pardonnez-moi, vous avez bien sûr compris que je pensais aux établissements pénitentiaires – dans le cadre du projet de loi pénitentiaire.
Nous sommes tous parfaitement d’accord, mes chers collègues, pour convenir que la situation actuelle n’est plus tolérable. Aujourd’hui, des personnes sont incarcérées alors qu’elles auraient dû être déclarées irresponsables par le jury d’assises. Certains présidents de jury confient même ça et là, notamment à votre rapporteur, que, lorsqu’il n’existe pas d’autre moyen de protéger la société, ils conseillent à leurs jurés de déclarer la personne concernée responsable indépendamment de son état mental. Or, chers collègues, vous savez que l’altération de responsabilité devient un élément d’aggravation de la durée de la peine !
Je ne suis même pas certain que les projets relatifs aux unités hospitalières spécialement aménagées, les UHSA, qui sont extrêmement importants, constituent réellement la bonne réponse. Le constat que les détenus souffrant de maladie mentale sont si nombreux qu’il faut créer des hôpitaux psychiatriques prison n’est-il pas le signe que nous entretenons le cercle vicieux au lieu d’amorcer un cercle vertueux ? La meilleure solution ne serait-elle pas radicalement différente ? Ne faudrait-il pas faire en sorte que les malades mentaux les plus lourdement atteints n’intègrent pas le monde carcéral ?
J’ai visité, avec Mme Alima Boumediene-Thiery et M. Robert Badinter, des établissements en Belgique, aux Pays-Bas ou encore en Allemagne, qui accueillent des malades mentaux ayant commis des infractions extrêmement graves. On ne s’est pas interrogé sur le point de savoir si leur discernement était aboli ou simplement altéré : on a constaté leur maladie mentale grave et on les a placés dans des établissements purement médicaux, qui bénéficient d’une protection périphérique de l’administration pénitentiaire de ces pays.
Lorsqu’ils sont guéris, nous a-t-il été indiqué, ces malades sortent. Comme, pour la plupart, ils ne guérissent pas, ils ne sortent pas. Toutefois, ils ne viennent plus compliquer – j’allais dire « polluer » – la situation des prisons.
Les personnes malades mentales ne peuvent être correctement soignées en prison. Quand elles finissent par sortir, elles sont donc à tout le moins aussi dangereuses qu’à leur arrivée. En outre, durant leur incarcération, elles compliquent terriblement la vie de leurs codétenus – j’ose à peine en parler ! –, mais également du personnel pénitentiaire.
Compte tenu de l’importance du sujet, il est évident que nous n’échapperons pas à un débat parlementaire spécifique. Ce n’est donc pas par défaut d’intérêt que la commission demande le retrait de cet amendement : c’est parce qu’elle estime que sa discussion ne saurait en aucun cas suffire à permettre de régler le problème.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je suis parfaitement d’accord avec les arguments présentés par M. le rapporteur : effectivement, les hôpitaux auxquels il fait référence ne régleront pas le problème de la santé mentale en prison. Il faudra aussi s’atteler à la réforme de la législation sur la santé mentale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Nous avons essayé de le faire au cours des dernières années – nous avons même travaillé avec M. About sur ce sujet –, mais nous n’y sommes pas parvenus.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. C’est vrai !
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Quant à la responsabilité pénale des personnes détenues, monsieur le rapporteur, elle est établie par une décision de justice ! Tant que la procédure pénale est ce qu’elle est, tant que l’expertise reste obligatoire, le juge d’instruction est lié : il ne peut renvoyer devant la cour d’assises une personne déclarée pénalement irresponsable, mais il est tenu de le faire si elle est reconnue responsable – et vous savez les problèmes que nous rencontrons avec les victimes s’il ne le fait pas ! C’est pourquoi nous avons, avec la loi du 25 février 2008, réformé la législation sur l’irresponsabilité pénale.
La question qui nous occupe ici relève donc non pas de la législation relative à la santé mentale, mais, plus haut en amont, de la procédure pénale.
Le placement en détention n’est pas lié à la folie des personnes concernées. Dès lors qu’elles ont été reconnues responsables de leurs actes, elles ont été jugées et condamnées au nom du peuple français à exécuter leur peine.
Il est possible que des troubles mentaux soient découverts pendant la détention. Dans ce cas, l’hospitalisation d’office, qui entraîne le transfert du détenu malade de la prison vers un établissement psychiatrique, est parfaitement envisageable. Cependant, comme vous l’indiquiez fort justement, si le malade guérit, il retourne purger sa peine, puisqu’il a été condamné ; s’il ne le faisait pas, cela signifierait que des décisions de justice ne sont pas exécutées et que notre justice est à plusieurs vitesses.
Pour résumer, les personnes condamnées en vertu d’une décision de justice exécutent leur peine. Si des troubles mentaux sont découverts au cours de leur détention, elles sont placées en hôpital psychiatrique. Si elles guérissent, elles reviennent en prison terminer leur peine ; si elles ne guérissent pas, elles ne sortent pas de l’hôpital. Il est vrai que l’on a rarement vu un condamné en fin de peine rester bien longtemps à l’hôpital psychiatrique… (M. le rapporteur pour avis acquiesce.)
Quoi qu’il en soit, il faut bien considérer les deux volets de cette question : la réforme de la législation relative à la santé mentale, d’une part, et la réforme de la procédure pénale et du code pénal, d’autre part.
Dans l’attente de ces réformes, nous avons adopté des mesures destinées à améliorer la prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles psychiques ou psychiatriques, notamment par la création des hôpitaux prison : 100 places seront ouvertes cette année et 710 places avant le début de l’année 2012.
Nous mettons donc en place les moyens nécessaires pour que ces personnes soient traitées et soignées ; car, vous avez raison, elles n’ont rien à faire dans un cadre classique de détention.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’amendement no 125.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce sujet mérite un débat en lui-même, et nous avions indiqué d’emblée que nous ne pouvions pas le traiter ici.
Madame le garde des sceaux, j’en resterai aux constatations. Dans les années soixante, environ 17 % des criminels étaient considérés comme irresponsables. Ce taux n’a cessé de décroître pour atteindre aujourd’hui 2 %. Il doit bien y avoir une raison à cela !
J’ai participé à la réforme du code pénal. Je me souviendrai toute ma vie de la réforme de son article 64 et, surtout, des conseils que nous recevions déjà de la part des psychiatres.
Nous constatons le paradoxe suivant : le milieu psychiatrique fermé a considérablement décliné dans notre pays ; aucune autre solution ne s’offrant aux magistrats et aux jurés, plus les gens sont dangereux pour la société, plus la tendance est à les condamner.
Des progrès ont été réalisés, notamment à l’égard des victimes, puisqu’il est désormais possible d’imputer les faits sans engager la responsabilité, ces deux aspects étant clairement distingués. Cette évolution était assurément nécessaire.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il n’en demeure pas moins que nous devons remettre sur le métier la question de la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux.
Madame le garde des sceaux, vous annoncez la construction d’hôpitaux prison, mais vous savez bien que la plupart des pays européens ont opté pour une autre voie et n’ont pas abandonné le milieu fermé, qu’ils ont au contraire modernisé et placé sous le regard d’un contrôleur.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ils ne se sont donc pas orientés vers la condamnation systématique.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La rétention de sûreté relève de la défense sociale, c’est encore un autre sujet.
Nous ne pouvons pas traiter au détour d’un amendement cette question de la santé mentale en prison, qui est bien trop vaste. Le nombre de malades mentaux en prison est d’ailleurs tel qu’on ne sait plus très bien s’il faut parler de « détenus fous » ou de « fous détenus » !
Nous aurons donc à reprendre ce dossier au moment de la réforme de l’hospitalisation psychiatrique.
M. le président. Monsieur Jeannerot, l’amendement no 125 est-il maintenu ?
M. Claude Jeannerot. Le rapporteur a fait tout à l’heure un lapsus révélateur en disant « établissements psychiatriques » au lieu d’« établissements pénitentiaires ».
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Claude Jeannerot. C’est bien ce qui a été dit ! Et cela démontre précisément que la prison a pris le relais effectif de l’hôpital psychiatrique !
Nous maintenons cet amendement. Certes, nous n’avons pas la naïveté de croire qu’il est de nature à régler le problème, mais nous voulons ainsi, monsieur le rapporteur, prendre date pour un débat sur la santé mentale dans les prisons, et nous regrettons que le projet de loi pénitentiaire, qui est destiné à devenir un texte fondateur, laisse intacte une question pourtant centrale.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souhaite appuyer les propos qui viennent d’être tenus.
M. le président de la commission des lois, Mme la garde des sceaux et M. le rapporteur font tous le même constat :…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … de plus en plus de détenus souffrent de troubles mentaux. Et l’on renvoie le problème à l’examen d’un texte portant sur la santé !
Le débat a déjà été abordé au cours de la discussion du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Le sujet était légèrement différent, mais il est lié à celui qui nous occupe aujourd’hui.
On constate que les prisons remplacent les lits en hôpital psychiatrique fermé et, dans le même temps, on fait le lien – en tout cas, Mme la garde des sceaux l’a fait – avec la procédure pénale. Effectivement, tout cela est très lié puisque, au-delà de la question de la fermeture des lits en hôpital psychiatrique, est également évoquée la distinction précise, dans la législation pénale, entre ce qui relève de la psychiatrie et ce qui relève de la responsabilité.
Nous ne pouvons pas nous cacher derrière notre petit doigt et rester dans les faux-semblants ! C’est la raison pour laquelle, pour notre part, nous avons refusé l’aggravation pénale.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Faux-semblants, certes, mais vraies réalités !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le Gouvernement, au travers de sa politique pénale, veut démontrer à la population et aux victimes qu’il fait preuve d’une grande sévérité à l’égard des délinquants. Simultanément, ceux-ci sont confondus, dans une sorte de non-dit, avec les malades mentaux, si bien que plus personne n’y comprend rien.
Tout le monde s’accorde sur la nécessité de mettre en détention les auteurs de crimes abominables. Cependant, qui est satisfait de cette solution ? La population se sentira peut-être mieux protégée, mais le législateur n’en est pas quitte pour autant. Car cela ne résout en rien les problèmes inextricables auxquels est confrontée l’administration pénitentiaire et, surtout, cela n’apporte aucune réponse quant à la façon de traiter en prison les personnes malades mentales profondes.
C’est aberrant ! Les psychiatres, qui n’en peuvent mais, en sont réduits à demander que certaines personnes aillent en prison parce que le secteur psychiatrique fermé manque de lits. Quel est le sens d’un enfermement décidé pour de telles raisons ? On sait très bien que ce n’est pas en prison que ces individus pourront être soignés !
On a inventé la rétention de sûreté. Or, celle-ci revient à reconnaître que certains délinquants, une fois leur peine effectuée, sont toujours dangereux – en d’autres termes, démonstration a été faite que la prison ne peut pas les traiter – et qu’il convient de trouver une autre solution. Puisqu’il est exclu de les remettre en liberté, ils seront placés dans des hôpitaux psychiatriques fermés, des lieux de relégation, où ils recevront un traitement adéquat. C’est une absurdité totale !
Le problème auquel nous sommes confrontés ne peut pas être réglé par le seul biais d’une loi sur la santé. Pour que la situation soit plus claire, plus logique, plus sereine, il faut passer par le code de procédure pénale, suivant l’exemple, que M. le rapporteur a indiqué, d’autres pays européens.
En tous les cas, il convient que les personnes qui, souffrant de lourds troubles psychiatriques, ont de ce fait commis des actes graves ne soient pas mises en prison.
M. le président. L’amendement n° 126 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les services médicaux de la prison ont vocation à dépister et à traiter les maladies physiques ou mentales ainsi que les déficiences associées.
Il doit pouvoir être garanti à chaque détenu l’accès aux soins médicaux, chirurgicaux et psychiatriques requis.
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Cet amendement vise à mettre l’administration sous contrainte pour qu’elle garantisse constamment à la population carcérale l’accès aux soins, conformément aux exigences de la règle pénitentiaire européenne 40, 4 et 5.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que l’amendement no 126 rectifié est satisfait par les dispositions introduites à l’article 20, sur l’initiative de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, qui permettent de garantir la qualité et la continuité des soins aux personnes détenues.
Par conséquent, elle vous demande, monsieur Jeannerot, de bien vouloir le retirer, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Jeannerot, l’amendement no 126 rectifié est-il maintenu ?
M. Claude Jeannerot. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement no 127, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Chaque prison dispose des services d’au moins un médecin généraliste.
Des dispositions doivent être prises pour s’assurer à tout moment qu’un médecin diplômé interviendra sans délai en cas d’urgence.
Les prisons ne disposant pas d’un médecin exerçant à plein temps doivent être régulièrement visitées par un médecin exerçant à temps partiel.
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Mes chers collègues, précédemment, nous avons commencé d’évoquer la question de la présence médicale dans les établissements pénitentiaires.
Je voudrais attirer votre attention sur les deux derniers alinéas de l’amendement no 127. Ils laissent supposer que, au-delà du recours au médecin généraliste, il est nécessaire de prévoir également l’intervention de spécialistes en psychiatrie, qui doivent eux aussi être susceptibles de visiter les établissements qui en sont privés.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est recréer la médecine pénitentiaire !
M. Claude Jeannerot. Cet amendement reprend la règle pénitentiaire européenne 41. Au regard de l’état sanitaire de la population carcérale, cela me paraît on ne peut plus indispensable !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission souhaite le retrait de cet amendement, dont les dispositions ne relèvent pas du domaine de la loi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Jeannerot, l’amendement no 127 est-il maintenu ?
M. Claude Jeannerot. Oui, monsieur le président.
M. le président. L’amendement no 197 rectifié bis, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l’article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un acte dénué de lien avec les soins ou expertises médicales ne peut être demandé aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Nicolas About, rapporteur pour avis. La commission des affaires sociales propose de prévoir l’interdiction de demander aux médecins et aux personnels soignants chargés de la santé des détenus d’accomplir un acte sans lien avec les soins. Cela lui paraît être une condition indispensable pour que ces professionnels conservent toute leur crédibilité aux yeux des détenus et que des liens de confiance puissent s’établir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est très embarrassée, mais je suis certain que M. le rapporteur pour avis saura nous sortir de ce mauvais pas ! (Sourires.)
La version initiale de l’amendement que nous examinons posait l’interdiction de demander des actes non médicaux aux médecins chargés des personnes détenues. Elle paraissait de portée trop générale à a commission des lois, dans la mesure où elle aurait interdit de solliciter ces personnels pour des expertises.
La rédaction de l’amendement no 197 rectifié bis tient compte des observations formulées par la commission.
Par ailleurs, la commission a émis un avis favorable sur l’amendement no 206, également déposé par la commission des affaires sociales mais portant sur l’article 24, qui prévoit que le médecin requis pour les investigations corporelles internes appartient à l’hôpital de rattachement mais ne participe pas aux soins en milieu carcéral.
Bien que n’étant pas avare d’avis favorables, la commission des lois aimerait savoir sur lequel de ses deux amendements M. le rapporteur pour avis souhaite obtenir un avis favorable.