M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l’article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans la rédaction du Gouvernement, l’article 20 ne traitait que du droit du médecin à délivrer à la famille des informations sur la santé d’un patient détenu, sous réserve de la non-atteinte à la sécurité des établissements pénitentiaires.

Le texte initial de cet article était très vague sur la santé des détenus, se limitant à entériner des pratiques communément admises dans les lieux de détention, et il restait très largement insuffisant sur les obligations de l’administration pénitentiaire en matière de prévention et du maintien en bonne santé des détenus.

M. le rapporteur a considérablement fait évoluer le texte. Je le dis d’autant plus volontiers que la plupart des obligations imposées à l’administration pénitentiaire qui figurent dans le texte de la commission sont issues d’amendements déposés par mon groupe ; la commission les a adoptés, sur proposition de M. le rapporteur, ce dont je ne peux que me réjouir.

Aujourd’hui, de nouveaux droits et de nouvelles garanties étoffent les dispositions relatives à la santé.

L’article 20 pose des principes généraux : les personnes détenues doivent avoir le même accès aux soins que l’ensemble des citoyens, les établissements pénitentiaires doivent prendre en compte l’état psychologique des détenus – c’est un amendement de mon groupe auquel je suis très attachée –, favoriser la prévention et l’éducation sanitaires, assurer les conditions d’hébergement et d’hygiène propices à la prévention des affections physiologiques ou psychologiques.

Bref, l’article 20 grave dans la loi un certain nombre d’obligations de l’administration pénitentiaire.

Toutefois, nous pouvons aller plus loin, car la santé en prison est un problème majeur.

Tous ceux qui s’intéressent à l’univers carcéral savent que, dans les établissements pénitentiaires, les pathologies sont nombreuses. Par ailleurs, les maladies mentales sont fréquentes et ne peuvent, selon les conclusions de Mme de Beaurepaire, être traitées en prison.

Nous devons faire davantage, il faut en avoir conscience, et c’est l’objet des amendements que nous avons déposés. Il convient d’engager une réflexion sérieuse sur ce sujet et, dans la mesure du possible, de faire un pas non négligeable.

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’article 20 modifié par l’amendement que nous avons déposé et qui a été adopté par la commission des lois porte sur la prise en charge de la santé des détenus.

Il traite, notamment, de la prise en compte par l’administration pénitentiaire de l’état psychologique des personnes détenues au moment de leur incarcération et pendant leur détention.

Ce point est fondamental ; je souhaite m’y arrêter un instant en évoquant le cas d’un jeune Polonais de 23 ans incarcéré à la maison d’arrêt de Nanterre. Ce jeune homme s’est suicidé le 26 mars 2008 en se pendant dans une cellule du quartier disciplinaire. Il souffrait de troubles psychiatriques importants. Saisie par notre collègue Louis Mermaz, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS, a rendu un avis, le 9 février dernier, sur les circonstances de ce suicide. Si mon collègue me le permet, je souhaite en dire quelques mots. (M. Louis Mermaz fait un signe d’assentiment.)

Ce jeune Polonais avait été écroué le 31 décembre 2007 après une condamnation pour vol avec violence. Le soir de son incarcération à Nanterre, il s’est ouvert les veines. Ce geste a nécessité son extraction médicale et une intervention chirurgicale. Il a réintégré sa cellule dès le lendemain.

Deux mois plus tard, le 2 mars, à la suite d’une agression sur un surveillant, ce détenu a été placé en quartier disciplinaire pour quarante-cinq jours. C’est dans cette cellule qu’il s’est pendu, dans la nuit du 26 au 27 mars. Trouvé vers quatre heures quinze par le rondier, il n’a pas pu être ranimé.

Quelles sont les observations de la CNDS sur les conditions d’incarcération et de détention de cet homme ?

Incarcéré un 31 décembre dans la soirée, il n’a pu voir un médecin que le 2 janvier et un psychiatre le 3, date à laquelle il a été placé sous surveillance spéciale.

Comme le note la CNDS, de nombreuses études sur la prévention du suicide en prison décrivent le choc carcéral des premiers jours comme la période où les passages à l’acte sont les plus nombreux.

Dans son avis, la CNDS déplore qu’après une tentative de suicide ayant nécessité une intervention chirurgicale, et ce le soir même de son arrivée à la maison d’arrêt, cet homme ait été renvoyé en cellule dès le lendemain.

Depuis janvier 2007, il existe dans cet établissement pénitentiaire un questionnaire psychiatrique standardisé auquel tous les détenus arrivants sont soumis et qu’un psychologue ou un psychiatre doivent renseigner.

La précision de ce questionnaire nécessite, pour les détenus étrangers, la présence d’un interprète ou une bonne connaissance de leur langue. Le détenu en question n’a pas été soumis à ce questionnaire.

La CNDS s’interroge « sur la pertinence d’examens psychiatriques de détenus étrangers ne parlant pas le français effectués en l’absence d’un interprète ».

Par ailleurs, la CNDS « déplore que, même après sa tentative de suicide le jour de son arrivée en détention, ce détenu n’ait pas bénéficié du suivi nécessaire, en n’étant pas soumis au questionnaire psychiatrique » que je viens de mentionner.

Elle estime également, « anormal » que le médecin psychiatre n’ait appris que le 25 mars la présence de ce détenu au quartier disciplinaire, dans lequel il était placé depuis le 3 mars.

En effet, le psychiatre s’est rendu au quartier disciplinaire le 25 mars après avoir été alerté par les surveillants, inquiets de l’état du détenu. Il a vu ce dernier sans interprète, et le contact s’est révélé très « difficile », rapporte la CNDS. Il a alors décidé de le revoir deux jours plus tard avec un interprète pour évaluer s’il existait un trouble psychologique délirant pouvant expliquer ses actes hétéro-agressifs.

Interrogé par la CNDS, le médecin psychiatre a précisé que « dans ce cas, elle envisageait, le 27 mars, de demander une hospitalisation d’office ».

Concernant le placement en cellule disciplinaire, la CNDS « condamne le maintien en quartier disciplinaire d’un détenu suffisamment malade pour qu’une hospitalisation d’office ait été envisagée lors de sa dernière consultation, moins de deux jours avant son suicide ».

De nombreuses études ont montré que le risque suicidaire était accru en quartier disciplinaire : selon l’Étude sur les droits de l’homme en prison de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, rendue publique en mars 2004, « le risque suicidaire est sept fois plus important en quartier disciplinaire que dans le reste de la détention ».

Ce rapport indique aussi que la « "sursuicidité" au quartier disciplinaire implique que les autorités lui substituent d’autres formes de sanction ».

Sans compter que la maison d’arrêt de Nanterre subit, elle aussi, une surpopulation carcérale – 900 détenus pour 600 places – et ne dispose que de trois médecins psychiatres à mi-temps, dont l’un pour la toxicomanie.

Ainsi, la CNDS, à l’issue de l’examen des conditions du suicide de ce détenu, a considéré qu’il n’avait « pas bénéficié de la surveillance spéciale que son état psychique nécessitait ».

Cet exemple nous montre bien que la prévention du suicide en prison, sans les moyens adéquats, reste inopérante, surtout lorsqu’il s’agit de détenus étrangers, dont la prise en charge est beaucoup plus difficile.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 42 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Le service public hospitalier assure, dans les conditions régies par le code de la santé publique, les examens de diagnostic et les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier. Il concourt, dans les mêmes conditions, aux actions de prévention et d'éducation pour la santé organisées dans les établissements pénitentiaires.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à réécrire le premier alinéa de l'article 20 concernant les missions du service public hospitalier. Le champ de ces missions a largement été renforcé et nous en prenons acte.

Il s’agit ici de préciser que le service public hospitalier ne se contente pas de soigner : il doit assurer également les examens de diagnostic et les soins dispensés ; il concourt aux actions de prévention et d’éducation pour la santé organisées dans les établissements pénitentiaires.

M. le président. L'amendement n° 234, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Remplacer le premier alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

L'administration pénitentiaire doit protéger la santé de tous les détenus dont elle a la garde.

Elle s'assure que l'accès aux soins est conforme aux dispositions du code de la santé publique en tenant compte des conditions spécifiques inhérentes à la détention.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Le premier alinéa de cet article 20 nous paraît superflu ou trop vague pour répondre à la réelle urgence sanitaire dans les prisons. En effet, il dispose : « La prise en charge de la santé des détenus est assurée par le service public hospitalier ».

À quoi bon répéter ce qui figure déjà dans le code de la santé publique ? L’article R.1112-31 prévoit effectivement que « les détenus sont hospitalisés en régime commun ».

Loin de nous l’idée de réfuter le fait que les détenus aient besoin de soins appropriés. Au contraire, cela a été dit, la population carcérale est l’une des plus fragiles et elle requiert, pour de nombreuses raisons, des soins accrus en service hospitalier.

Toutefois, l’alinéa tel qu’il est formulé passe sous silence un problème majeur, à savoir l’effet dégradant que la prison exerce sur la santé des détenus. Car les conditions de vie en prison contribuent à l’apparition ou à l’aggravation de certains troubles, à des manifestations d’auto-agressivité et à l’augmentation de l’angoisse. Les détenus développent fréquemment des troubles digestifs, visuels ou auditifs, des douleurs musculaires. Les grèves de la faim, de la soif, les automutilations sont fréquentes et les tentatives de suicides sont six à sept fois plus fréquentes que dans la population générale.

Plus que de confirmer le droit d’accès des détenus au service public hospitalier, la nouvelle loi pénitentiaire devrait lutter contre la dégradation qu’exercent les conditions de détention sur les personnes incarcérées ; c’est ce que prévoit la règle pénitentiaire européenne n° 39, qui dispose : « Les autorités pénitentiaires doivent protéger la santé de tous les détenus dont elles ont la garde. » Nous vous proposons d’intégrer cette règle dans le premier alinéa du présent article.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que les précisions figurant dans l’amendement n° 42 rectifié ne sont pas indispensables : elles sont incluses dans la mention, au premier alinéa de l’article 20, de la prise en charge de la santé des détenus par le service public hospitalier. La commission émet donc un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 234, je rappellerai que l’article 20, dans sa rédaction actuelle, reprend pour l’essentiel les propositions de Mme Borvo Cohen-Seat et des membres du groupe CRC-SPG, qui ont convaincu leurs collègues et sont donc totalement responsables des quatre derniers alinéas.

En revanche, la commission n’a pas souhaité retenir la formulation selon laquelle l’administration pénitentiaire devrait, quasiment seule, protéger la santé des détenus, dans la mesure où il s’agit, à tout le moins, d’une responsabilité partagée avec le service public hospitalier. Par conséquent, la commission a également émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je ferai quelques observations préalables sur la santé en prison.

La loi de 1994 a constitué un réel progrès en supprimant la médecine pénitentiaire et en considérant le détenu comme un patient classique.

En 2009, plus de 2 500 personnels de soins travailleront en prison : 306 médecins, 1 442 agents non médicaux, mais qui dépendent de la sphère sanitaire, 163 psychiatres et 700 personnels non médicaux relevant de la psychiatrie.

Les moyens mis à la disposition de l’administration pénitentiaire pour prendre en charge et soigner les personnes détenues connaissent donc une véritable progression.

Il faut bien reconnaître que nous venons de loin ! Pendant longtemps, la santé en prison n’a pas été à l’honneur de notre pays. Nous y consacrons des moyens importants et, progressivement, nous obtenons des résultats. Ce n’est pas parfait, mais nous poursuivrons notre action.

Comme je le rappelle toujours, la loi de 1998, qui pose le principe du soin en prison, a été votée sans moyens. Il ne s’agit pas de mettre en cause un gouvernement plutôt qu’un autre. Simplement, il est très difficile de faire entrer le soin en prison. Un certain nombre de personnels de santé considèrent, en effet, que le soin est moins opérant lorsqu’il concerne des détenus.

Je reconnais qu’il est plus problématique de soigner des personnes qui sont privées de liberté et qui se trouvent dans des locaux inadaptés. Toutefois, des moyens supplémentaires ont été consacrés à la santé en prison dans les budgets de 2008 et de 2009, et il en sera de même jusqu’en 2011 puisqu’il s’agit d’un programme triennal. Des efforts sont accomplis chaque année, et nous espérons pouvoir poursuivre dans cette voie.

Comme vient de le dire M. le rapporteur, l’amendement n° 42 rectifié n’est pas utile, car il reprend intégralement les dispositions de l’article L. 6112-1 du code de la santé publique en ce qui concerne les missions du service public hospitalier. Or le code de la santé publique s’applique aux établissements pénitentiaires.

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 234.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 234.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 194, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa de cet article.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer le deuxième alinéa de l’article 20. En supprimant cet alinéa, on en revient à l’application de plein droit de l’article qui autorise le médecin, en cas de diagnostic mettant en cause le pronostic vital, à déroger au secret médical pour prévenir les proches.

Ce faisant, le droit commun des patients s’appliquerait aux détenus. En effet, il paraît très peu probable que la famille ou les proches tenteront de faire évader d’un hôpital une personne qui suit un traitement lourd et nécessaire à sa survie. Limiter leur information ne nous est donc pas apparu nécessaire.

M. le président. L'amendement n° 124, présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le mot :

malade

supprimer la fin du deuxième alinéa de cet article.

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Cet amendement a le même objet que l’amendement n° 194. Une fois de plus, la convergence avec M. le rapporteur pour avis est au rendez-vous ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L’amendement n° 194 tend à supprimer la dérogation à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, selon lequel, en cas de diagnostic ou de pronostic grave sur l’état de santé d’une personne détenue, le secret médical ne s’oppose pas à ce que la famille ou les proches reçoivent des informations destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct au patient, sauf opposition de sa part.

La commission des lois avait modifié la rédaction du projet de loi en rappelant d’abord le principe posé par l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, avant d’en fixer les limites.

Si nous avons bien compris, la dérogation serait justifiée aux yeux du Gouvernement par le souci d’éviter la communication à la famille des dates d’hospitalisation ou de fin d’hospitalisation afin de ne pas faciliter les évasions à l’occasion des transferts du détenu.

La commission considère que ce risque est limité : par hypothèse, l’état de santé des détenus concernés est particulièrement dégradé. C’est pourquoi elle a émis un avis favorable sur l’amendement n° 194.

L’amendement n° 124 est un peu différent, puisqu’il vise à maintenir une procédure et à supprimer tout ce qui est relatif à la sécurité. Par conséquent, la commission émet une préférence pour l’amendement de M. About.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. S’agissant de l’amendement n° 194, les dispositions du code de la santé publique permettent déjà au médecin d’informer la famille d’un patient sur l’état de santé de celui-ci en cas de diagnostic ou de pronostic grave. Puisque les détenus relèvent du code de la santé publique, ils bénéficient des mêmes droits que les patients non détenus ; les informations sont donc transmises à la famille.

Mais il est impératif que certains éléments, comme les dates d’hospitalisation, les changements de service au sein d’un hôpital, le transfert d’un hôpital à un autre ou le retour à l’établissement pénitentiaire, ne soient pas communiqués à l’avance aux familles, afin d’éviter les évasions et de protéger le personnel de l’administration pénitentiaire ou les agents des forces de sécurité qui procèdent à ces transfèrements.

Permettez-moi de vous rappeler une actualité récente. Le 10 octobre 2008, une personne écrouée à la maison d’arrêt de Villepinte s’est évadée lors de son transfert à l’hôpital de rattachement. À chaque fois, les tentatives d’évasion ou les évasions qui ont eu lieu lors des transfèrements ou des hospitalisations se sont terminées par des drames. Lorsque la famille ou les proches sont informés, on met en péril non seulement le détenu et son entourage, mais également le personnel médical et pénitentiaire.

Nous sommes donc défavorables à cet amendement, mais pas au principe de l’information des familles. Je n’ai pas le souvenir qu’une famille se soit plainte de ne pas avoir été informée de l’état de santé d’un détenu. Simplement, il n’est pas souhaitable de donner des indications sur les dates ou les lieux de transfèrement, afin de garantir la sécurité des personnes.

Monsieur About, j’espère vous avoir convaincu de retirer votre amendement.

Le Gouvernement n’est pas non plus favorable à l’amendement n° 124, qui est légèrement différent, mais qui va encore plus loin.

M. le président. La parole est à M. Claude Jeannerot, pour explication de vote sur l'amendement n° 194.

M. Claude Jeannerot. Nous voterons l'amendement n° 194 et nous retirons, par conséquent, l'amendement n° 124.

M. le président. L'amendement n° 124 est retiré.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je souhaite lever tout malentendu sur l’objet de cet amendement.

Il ne revient pas au médecin d’informer les familles sur les dates et les heures de transfèrement des détenus vers l’hôpital lorsque ces derniers doivent y subir une opération. En revanche, il lui incombe de les prévenir lorsque les détenus sont sur le point de passer de vie à trépas. Si le médecin a connaissance de l’état de santé des détenus, il n’est pas du tout au courant des décisions de transfèrement et ne sait pas dans quel hôpital ils seront conduits pour être éventuellement opérés.

L'article L.1110-4 du code de la santé publique concerne les cas de diagnostic ou de pronostic grave, par exemple lorsque la personne malade est en fin de vie. L’exemple de Mme le garde des sceaux d’un détenu ayant profité d’un transfèrement pour s’évader ne me semble donc pas pertinent. J’ai vu en prison des détenus de plus de quatre-vingts ans prostrés, en position fœtale depuis des mois. Je les imagine difficilement profiter d’un transfèrement à l’hôpital pour s’évader en courant.

Il faudrait s’entendre sur la signification de l’expression « en cas de diagnostic ou de pronostic grave ».

Après les avis divergents de la commission et du Gouvernement, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Je ne suis qu’un médecin : je sais repérer les cas graves et je veux ignorer les heures de transfèrement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 194.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 195, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Au début du troisième alinéa de cet article, après les mots :

La qualité

insérer les mots :

, la permanence

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Compte tenu de la situation des unités de consultations et de soins ambulatoires ainsi que des services médico-psychologiques régionaux, de la vie en prison et des problèmes de santé que l’on y relève – maladies qui n’affectent que la population carcérale, états psychiatriques lourds, détresses très importantes, risques de suicide aigus – la commission des affaires sociales a estimé nécessaire de garantir une permanence des soins dans les meilleures conditions.

Pour ce faire, elle a considéré qu’il suffisait simplement de compléter le troisième alinéa de l'article 20 tel qu’il avait été remarquablement rédigé par la commission des lois, en ajoutant les mots : « la permanence ». Le début de cet alinéa se lisait donc ainsi : « La qualité, la permanence et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues ».

De la sorte, nous pensions atteindre notre objectif. Cependant, il nous a été fait remarquer que l’alinéa se terminait de la façon suivante : « dans des conditions équivalentes à celles dispensées à l’ensemble des personnes accueillies dans les établissements de santé publics ou privés. ». Donc, cela revenait à créer une obligation d’installer dans les prisons un service de réanimation intensive, éventuellement un bloc opératoire, etc. Je me suis dit que c’était impossible, car, dès lors, l'article 40 de la Constitution serait immédiatement invoqué.

Mme Éliane Assassi. Bien sûr !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Mais j’ai pensé que ceux qui avaient émis ces critiques connaissaient bien le sujet et que j’étais peut-être allé un peu loin : la commission des affaires sociales, trompée par son rapporteur, avait adopté une mauvaise mesure.

J’ai alors estimé qu’il fallait être plus raisonnable, car c’est à l’hôpital que se trouvent les services de réanimation et qu’ont lieu les interventions. Puisque nous voulions que soit assurée la permanence des soins, il suffisait de prévoir au sein des établissements pénitentiaires la présence effective et permanente d’un professionnel de santé qui puisse à tout moment servir de relais entre le détenu qui tente de se suicider ou qui est gravement malade et le SAMU.

Or, curieusement, mes chers collègues, c’est sur cet amendement que l'article 40 de la Constitution a été invoqué ! Lorsque la commission propose simplement qu’un infirmier puisse veiller en permanence sur les détenus et servir de relais, on lui oppose l'article 40, mais lorsqu’elle demande l’installation d’un bloc opératoire, d’un service de réanimation, etc., on estime que l’article 40 n’est pas applicable. Avouez, mes chers collègues, que la situation est assez...

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. ...cocasse et irritante !

L'article 40 ne peut être invoqué ! Je vous rappelle que la santé en prison dépend totalement du système hospitalier : il existe pour chaque établissement pénitentiaire un centre hospitalier de rattachement, responsable jour et nuit, j’y insiste, de la santé des personnes détenues. Mais imaginez, mes chers collègues, le temps qu’il faut à un médecin du centre hospitalier de rattachement responsable de la santé des détenus pour se rendre dans un établissement pénitentiaire ou celui qui est nécessaire pour conduire un détenu de l’établissement pénitentiaire à l’hôpital de rattachement : c’est catastrophique ! Aucun médecin de ville ne veut plus intervenir en prison en raison des contraintes liées à la détention : c’est très long et peu rentable. Or une réponse trop tardive à une tentative de suicide, par exemple, peut avoir des conséquences dramatiques.

Si un professionnel de santé – pas nécessairement un médecin – se trouvait dans l’établissement pénitentiaire la nuit et le week-end, de nombreuses difficultés seraient réglées. Cela résoudrait d’abord le problème de l’accueil des détenus dans les centres pénitentiaires : s’ils arrivent un vendredi en fin d’après-midi, ils ne verront un médecin ou un professionnel de santé que le lundi suivant. Or, pour un primo-détenu, ce sont les quarante-huit premières heures qui sont les plus risquées : les plus grands drames surviennent au cours de cette période.

Lorsqu’ils sont libérés en fin d’après-midi, les détenus ne bénéficient d’aucun suivi médical : ils partent sans ordonnance, même s’ils doivent prendre des produits de substitution ou suivre des traitements.

La permanence des soins est un véritable problème de santé publique. Nous devons donc nous demander si nous remplissons vraiment notre mission en la matière.

Je regrette que l'article 40 ait été opposé à une disposition qui paraissait raisonnable parce qu’elle pouvait être appliquée avec les moyens existants.

Je maintiens donc l'amendement n° 195, en espérant que l'Assemblée nationale ou la commission mixte paritaire trouvent une meilleure formule.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il est difficile d’intervenir après le plaidoyer de M. About. Le problème est réel ! Nous sommes un certain nombre d’élus des zones rurales à savoir que la permanence des soins n’est pas assurée pour l’ensemble de la population.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis. Je préfère être malade dans un canton plutôt que dans un centre de détention !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Pour avoir été responsable d’un service départemental d’incendie et de secours, un SDIS, pendant de nombreuses années, je peux témoigner que, lorsque survenait un problème et qu’aucun médecin ne se trouvait sur place, ce sont les pompiers qui emmenaient à l’hôpital le détenu comme, hélas ! le vieillard placé en maison de retraite.