M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Plus le débat se développe, plus la question devient complexe et plus je suis confortée dans l’idée qu’il ne faut surtout pas voter la création de la réserve civile pénitentiaire. Je vous le dis nettement, nous sommes contre la réserve civile pour les raisons exposées précédemment par ma collègue Éliane Assassi.

Je fais d’ailleurs observer que, actuellement, la situation est telle que nous devrions nous soucier moins du sort des retraités que de celui des nombreux jeunes qui veulent travailler…

Entre l’idée de faire garder l’entrée des tribunaux par des personnes dites à la retraite et le flou de notre débat sur les tâches que l’on veut confier à la réserve civile, il y a un monde ! On s’interroge : port d’arme ou non ? Quelles missions ? Jusqu’où ? C’est incroyable ! Nous sommes en pleine confusion !

Puisque vous ne savez pas exactement quelles missions pourraient être confiées aux réservistes – surveiller un écran, poser un bracelet, aller chercher quelqu’un qui a ôté son bracelet, etc. –, incertitude à laquelle s’ajoute la question du port d’arme, je vous invite instamment, mes chers collègues, à ne pas accepter la création de la réserve civile pénitentiaire.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 82 rectifié et 222.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 281.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 289.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Article 6
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Article additionnel après l'article 7

Article 7

Les agents mentionnés à l'article 6 peuvent demander à rejoindre la réserve civile pénitentiaire dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service.

Les volontaires doivent remplir des conditions d'aptitude. Ceux dont la candidature a été acceptée souscrivent un engagement contractuel d'une durée minimum d'un an renouvelable. Ils apportent leur soutien aux services relevant du ministère de la justice, dans la limite de cent cinquante jours par an.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 84 rectifié est présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 223 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

Ces amendements n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Article 7
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Article 8

Article additionnel après l'article 7

M. le président. L'amendement n° 57 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :

Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les agents mentionnés à l'article 6 participent, à leur demande ou à celle de l'administration, aux actions de formation ou de perfectionnement assurées par l'École nationale de l'administration pénitentiaire, les services déconcentrés ou tout autre organisme public ou privé de formation.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Sur le principe, je suis opposée à la réserve civile, mais, puisque celle-ci est destinée à voir le jour, je vous propose, par le présent amendement, de renforcer le cadre d’intervention des réservistes, en précisant que ces agents pourront participer, « à leur demande ou à celle de l’administration, aux actions de formation ou de perfectionnement » adaptées à l’évolution de leur mission.

Je rappelle en effet que ces agents seront exclusivement des « volontaires retraités, issus des corps de l’administration pénitentiaire ». Ces volontaires pourront « demander à rejoindre la réserve civile pénitentiaire dans la limite de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service. »

Nous savons qu’en cinq années la prison bouge – du moins j’espère qu’elle sera amenée à le faire grâce à la présente loi ! – et que les réservistes devront prendre connaissance des changements intervenus. Cela doit se faire dans le cadre de formations adaptées, que ce soit dans des organismes privés ou – ce qui serait encore mieux – auprès de l’École nationale d’administration pénitentiaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La rédaction proposée dans cet amendement constitue très largement un décalque du second aliéna de l’article 4 quinquies, qui vise les fonctionnaires en activité.

Aux termes de l’article 7, les réservistes « souscrivent un engagement contractuel d’une durée minimum d’un an renouvelable. Ils apportent leur soutien aux services relevant du ministère de la justice, dans la limite de cent cinquante jours par an. » Une formation peut donc se révéler utile.

La commission émet par conséquent un avis favorable sur l’amendement n° 57 rectifié.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Favorable !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57 rectifié.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC-SPG ne vote pas pour cet amendement !

M. Richard Yung. Nous non plus !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les socialistes sont contre la réserve, donc ils ne peuvent voter pour la formation des réservistes. C’est logique !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 7.

Article additionnel après l'article 7
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Article 9

Article 8

Le réserviste qui effectue les missions prévues à l'article 6 au titre de la réserve civile pendant son temps de travail doit obtenir, lorsque leur durée dépasse dix jours ouvrés par année civile, l'accord de son employeur, sous réserve de dispositions plus favorables résultant du contrat de travail, de conventions ou accords collectifs de travail, de conventions conclues entre l'employeur et le garde des sceaux, ministre de la justice.

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article. Il fixe notamment les conditions d'aptitude ainsi que le délai de préavis de la demande d'accord formulée auprès de l'employeur en application du présent article ainsi que le délai dans lequel celui-ci notifie à l'administration son refus éventuel.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 85 rectifié est présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 224 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

Du fait des votes intervenus précédemment, ils sont devenus sans objet.

Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8
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Division additionnelle après l'article 9

Article 9

Les périodes d'emploi des réservistes sont indemnisées dans des conditions fixées par décret.

Dans le cas où le réserviste exerce une activité salariée, son contrat de travail est suspendu pendant la période où il effectue des missions au titre de la réserve civile pénitentiaire. Toutefois, cette période est considérée comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d'ancienneté, d'avancement, de congés payés et de droits aux prestations sociales.

Aucun licenciement ou déclassement professionnel, aucune sanction disciplinaire ne peuvent être prononcés à l'encontre d'un réserviste en raison des absences résultant des présentes dispositions.

Pendant la période d'activité dans la réserve, l'intéressé bénéficie, pour lui-même et ses ayants droit, des prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès, dans les conditions prévues à l'article L. 161-8 du code de la sécurité sociale, du régime de sécurité sociale dont il relève en dehors de son service dans la réserve.

Un décret en Conseil d'État détermine en tant que de besoin les modalités d'application du présent article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 86 rectifié est présenté par MM. Anziani, Navarro et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 225 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

Du fait des votes intervenus précédemment, ils sont devenus sans objet.

Je mets aux voix l'article 9.

(L'article 9 est adopté.)

Article 9
Dossier législatif : projet de loi pénitentiaire
Articles additionnels après l'article 9

Division additionnelle après l'article 9

M. le président. L'amendement n° 87, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Chapitre ...

Des lieux de détention

La parole est à M. Claude Jeannerot.

M. Claude Jeannerot. Afin d’améliorer la lisibilité du projet de loi, nous proposons d’introduire une division additionnelle intitulée : « Des lieux de détention ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement, comme les quatre suivants, tend à fixer des garanties concernant les lieux de détention.

Les préoccupations exprimées étant déjà largement satisfaites par les dispositions proposées par la commission, cette dernière demande le retrait de l’amendement n° 87.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Même avis !

M. le président. Monsieur Jeannerot, l’amendement n° 87 est-il maintenu ?

M. Claude Jeannerot. Oui, monsieur le président, je le maintiens.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Division additionnelle après l'article 9
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Article 10 (début)

Articles additionnels après l'article 9

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des établissements pénitentiaires situés près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale.

L'amendement n° 89, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit, doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d'hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l'espace au sol, le volume d'air, l'éclairage, le chauffage et l'aération.

L'amendement n° 91, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tous les locaux d'une prison doivent être maintenus en état et propres à tout moment.

Les détenus doivent jouir d'un accès facile à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité.

Ces amendements ont été défendus.

Je les mets aux voix.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

CHAPITRE III

Dispositions relatives aux droits des détenus

Section 1

Dispositions générales

Articles additionnels après l'article 9
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Article 10 (interruption de la discussion)

Article 10

L'administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la récidive et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge et de la personnalité des détenus.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l'article.

M. Louis Mermaz. L’article 10 concerne les droits des détenus. Dans un instant, M. Anziani présentera, au nom de notre groupe, un amendement visant à ce que cet article mentionne également « l’état de santé » des détenus.

Les droits des détenus, est-il écrit dans l’article, ne peuvent faire l’objet « d’autres restrictions » que celles qui sont indiquées. Au seul énoncé de ces mots, nous dressons forcément l’oreille, nous y regardons à deux fois et nous commençons à nous inquiéter. SI certaines de ces restrictions sont de bon sens, d’autres sont vagues ; d’autres encore sont si générales que l’on se demande comment elles vont se traduire dans la réalité.

Ne sont considérées, dit le texte, que les restrictions résultant « des contraintes inhérentes à la détention » – voilà qui paraît de bon sens – « du maintien de la sécurité » –pourquoi pas ? – « et du bon ordre des établissements »  – soit.

Ces restrictions, cependant, en raison de leur caractère éminemment flou, ont toujours permis aux établissements pénitentiaires de jouir, au fond, d’une autonomie considérable, car on peut tirer de telles phrases toutes les conséquences que l’on souhaite.

En effet, même si le juge administratif a progressé, dans les années récentes, vers davantage de contrôle – les détenus saisissent de plus en plus le Conseil d’État –, celui-ci n’intervient jamais qu’après les faits, et parfois longtemps après. C’est la même chose qui se passe avec les expulsions d’étrangers : quand les instances délibèrent et décident d’un cas, cela fait bien longtemps que la personne concernée est repartie dans son pays !

Les décisions interviennent bien trop tard pour peser réellement sur la vie des détenus. Les pratiques carcérales ne changent donc pas forcément.

Le projet de loi ajoute aux restrictions précédentes « la prévention de la récidive » et « l’intérêt des victimes », ce qui est très flou. Qu’entend-on vraiment par là ? En quoi la restriction des libertés de la personne incarcérée peut-elle porter atteinte aux intérêts des victimes ? C’est à l’administration pénitentiaire de l’apprécier.

Il est indiqué enfin : « Ces restrictions tiennent compte de l’âge et de la personnalité des détenus. » Tout à l’heure, nous demanderons que l’on tienne compte aussi de leur état de santé, ce qui, assez souvent, n’est pas le cas, faute de moyens.

Mais ce qui nous inquiète surtout, c’est que le projet de loi ne fait pas de différence entre les droits absolus et ceux qui peuvent être soumis, dans leur exercice quotidien, à de telles restrictions. Or, celles qui sont proposées sont générales et potentiellement considérables.

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU relevait en juillet 2008 « les efforts notables entrepris par la France pour rénover les bâtiments pénitentiaires ». C’est donc qu’il y a tout de même quelques avancées dans ce domaine ! Les efforts en question, était-il précisé, visaient également à « augmenter le nombre de places pour les prévenus ». Or, malgré cela, le taux d’occupation des prisons est actuellement de 136 %.

Dans son rapport, le Comité soulignait encore le souci de « mettre au point des mesures de substitution à l’incarcération, comme le maintien en liberté sous surveillance ». Ce mouvement est toutefois beaucoup trop lent, même si les choses commencent à bouger.

Le Comité donnait donc « acte à la France des projets tendant à recueillir systématiquement des données sur les allégations de mauvais traitements par les représentants de forces de l’ordre ». Pour autant, il se déclarait inquiet de ce que ces projets ne permettaient pas toujours d’y voir très clair.

Nous rendons toujours hommage – et à juste titre – au travail de la police et des personnels pénitentiaires, mais il faut tout de même être objectif et reconnaître que certains agents sont moins bons que d’autres ! Parfois, des brutalités et des violences sont commises par les représentants des forces de l’ordre envers les détenus.

Dire cela n’est absolument pas mettre en question l’autorité et la bonne conduite d’une immense majorité de ces personnels. Le Comité faisait pourtant état de « préoccupations […] quant aux comportements non déontologiques de certains agents pénitentiaires, notamment le recours inapproprié à l’isolement cellulaire et les violences à l’intérieur de la prison ». D’où la nécessité de renforcer le contrôle des établissements pénitentiaires « de façon énergique ». C’est le travail du contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, qui apparaît comme un homme très soucieux de bien remplir la mission qui lui a été confiée.

Le Comité des droits de l’homme de l’ONU se déclarait également « préoccupé par les allégations indiquant que des étrangers dont des demandeurs d’asile, détenus dans des prisons » – où, à mon sens, ils n’ont rien à faire – « et des centres de rétention administrative sont l’objet de mauvais traitements de la part des agents des forces de l’ordre ».

Encore une fois, je rappelle que c’est le Comité, et non pas moi, qui relève ces allégations. Le rapport signale ensuite « que la France n’a pas ouvert d’enquête sur ces violations des droits de l’homme ni sanctionné comme il convient leurs auteurs. » Nous avons souvent eu, dans cette assemblée, l’occasion de nous préoccuper du sort des demandeurs d’asile et de regretter le tort que fait au renom de la France, au niveau international, la façon dont ils sont traités.

Le commissaire européen aux droits de l’homme souligne, dans son récent rapport du 20 novembre 2008, que la réforme proposée de la législation pénitentiaire ne doit pas occulter le respect des droits fondamentaux des personnes détenues. Or il constate lui aussi que « la diminution de la durée de placement en quartier disciplinaire » est une urgence, dont nous aurons à nous préoccuper.

Et, de ce point de vue, ni le Gouvernement, ni même la commission, à mon sens, ne vont assez loin dans le présent projet de loi. Le commissaire européen évoque aussi la nécessité d’un « encadrement de l’isolement » et celle de garantir « le doit effectif de vote ». En effet, ce dernier existe dans les textes, mais n’est pas toujours appliqué. Il est aussi fait mention du « maintien des liens familiaux », sur lequel nous reviendrons. Sur tous ces aspects, la France ne respecte pas nécessairement les recommandations qui lui ont été faites.

Le commissaire européen insiste également sur la nécessité de « garantir le principe de l’encellulement individuel, pour les prévenus », et j’ajouterai : « pour les autres aussi ». Nous avons déjà parlé de ce point et y reviendrons.

Il demande en outre de mettre fin aux conditions de détention que nous connaissons, à savoir « le surpeuplement, la promiscuité et la vétusté des installations et des conditions d’hygiène. » Tout cela a déjà été amplement décrit.

Pour terminer, je rappellerai que la Commission nationale consultative des droits de l’homme a elle aussi voulu se faire entendre sur le sujet. Elle s’est référée au rapport Canivet du 6 mars 2000, dont nous parlons sans cesse, pour considérer que, très souvent, dans les textes – aussi bien législatifs que réglementaires – une trop grande liberté d’appréciation est laissée à l’administration.

L’article 10 du projet de loi, par des recours abusifs à des formulations telles que les « contraintes inhérentes à la détention », le « maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements » ou encore la « prévention de la récidive et […] la protection de l’intérêt des victimes », n’encadre pas juridiquement la détention avec toute la précision et la prévisibilité qu’il faudrait.

Pour ces raisons, nous demandons non seulement qu’il soit tenu compte de l’âge du détenu, mais aussi que M. le rapporteur, dont la plume est d’une grande vélocité, veuille bien préciser, dans cet article, que les droits des détenus doivent être garantis sans aucune discrimination.

En effet, nous ne voulons pas que les restrictions prévues, qui doivent tenir compte de l’âge, de la personnalité ou encore, comme nous allons le proposer dans un instant, de l’état de santé des détenus, risquent de porter atteinte à l’universalité des droits des détenus.

Il nous paraît donc souhaitable – et nous demandons à M. le rapporteur de bien vouloir envisager une rectification de l’article dans ce sens – de préciser que « l’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect de ses droits sans discrimination d’aucune sorte ». Les améliorations et les traitements particuliers que nous souhaitons voir accorder aux personnes âgées, malades ou à celles se trouvant dans un état mental déficient ne doivent pas signifier que les autres détenus peuvent être maltraités ou abandonnés !

Nous proposons donc que soient encadrés les pouvoirs du service public pénitentiaire. Nous ne devons laisser aucune possibilité à l’administration pénitentiaire d’agir de manière discrétionnaire. Il en va de l’honneur de notre administration.

M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, sur l'article.

M. Alain Anziani. Je n’ajouterai pas grand-chose à ce que vient de dire excellemment notre collègue Louis Mermaz. Je dirai simplement qu’en lisant cet article j’avais l’impression, parfois, qu’il était beau comme une règle pénitentiaire européenne, à ceci près, toutefois, qu’il est moins précis. Je fais miennes à cet égard les remarques que vient de formuler notre collègue.

Cela dit, je souhaiterais, monsieur le président, vous interpeller sur un autre point. Tout à l’heure, vous avez estimé que les amendements nos 88, 89 et 91 avaient déjà été défendus et que leur rejet était évident dans la mesure où l’amendement précédent, qui visait à introduire une division additionnelle après l’article 9, n’avait pas été adopté.

Or ce n’est pas mon opinion et je tenais à vous le signaler, même s’il est trop tard. En effet, ces trois amendements n’avaient strictement rien à voir avec l’amendement n° 87 puisqu’ils avaient pour objet de clarifier les droits du détenu dans les domaines de l’hygiène ou encore du rapprochement avec la famille. Ils traitaient également d’autres droits ayant trait à la dignité du détenu. Ils n’étaient donc pas automatiquement liés à celui qui les précédait.

M. le président. Je regrette, mon cher collègue, mais aucun des cosignataires n’a élevé d’objection lorsque j’ai dit qu’ils avaient été défendus, dans la mesure où ils étaient la conséquence de l’amendement rejeté.

M. Alain Anziani. Nous assumons.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je suis d’accord avec ce que vient de dire M. Mermaz.

Si nous avons ce débat, c’est que la prison a été une zone de non-droit pendant très longtemps. Il faut reconnaître les droits du détenu et admettre que la prison n’est que la privation de liberté et rien d’autre.

C’est ce qu’avait déjà cru bon de dire le président Giscard d’Estaing pour inaugurer son septennat. (Murmures amusés sur plusieurs travées.) Ne pensez pas que j’aie été une « groupie » de Valéry Giscard d’Estaing. (Sourires.) Je veux simplement rappeler que cette déclaration remonte à 1974. Nous étions tous nés, mais c’était tout de même il y a longtemps. Pourtant, encore aujourd'hui, je ne suis pas sûre que cette assertion ait été assimilée.

M. Bernard Saugey. La gauche a été aux affaires entre-temps !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Certes, il y a eu des progrès, et l’Europe nous entraîne. Du point de vue juridictionnel, en 2008, le Conseil d’État a rendu plusieurs décisions qui ont marqué une avancée importante et qui viennent compléter une jurisprudence plus protectrice du droit des détenus. Un des commissaires du Gouvernement, dans un exercice de communication assez inhabituel pour le Conseil d’État, avait affirmé que le juge administratif prenait ses responsabilités de juge, qu’il y avait des zones de non-droit, car ce dernier ne jouait pas son rôle. Désormais, plus rien ne doit lui échapper en prison.

Trois décisions du 17 décembre 2008 sont essentielles à mon avis.

La première décision précise qu’une faute simple suffit à engager la responsabilité de l’État en cas de décès accidentel d’un détenu.

La deuxième décision énonce que, désormais, une mesure de placement à l’isolement à titre préventif pourra faire l’objet d’un recours.

La troisième décision énonce que l’administration pénitentiaire doit protéger la vie des détenus en prenant toutes les mesures appropriées.

Auparavant, le Conseil d’État avait reconnu, au travers de plusieurs décisions rendues entre octobre et décembre 2008, le contrôle croissant de l’administration par le juge administratif, qui concernait aussi bien les fouilles que la gestion des biens des détenus. Désormais, le contrôle du juge concernera la majorité des décisions prises par l’administration pénitentiaire.

Le 6 janvier dernier, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, a émis des recommandations après sa visite de la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône. Il a estimé que ses recommandations étaient susceptibles de s’appliquer à d’autres établissements déjà visités.

Son constat est clair. Les cours de promenades sont considérées comme des zones de non-droit, des lieux de tous les dangers, où le personnel ne s’introduit jamais. Le contrôleur général révèle que des blessures graves y sont fréquemment constatées et que bon nombre de détenus refusent d’aller en promenade par peur des agressions.

Le contrôleur général a également constaté que la possibilité de recours des détenus était insuffisamment développée et que leur prise en charge sociale était défaillante. Ce climat, où la tension est extrême, où les menaces de racket et la violence pèsent quotidiennement sur les détenus, est source de comportements dépressifs et suicidaires. Les détenus ne peuvent faire valoir leurs droits.

Certaines pratiques de l’administration pèsent lourdement sur l’état psychologique des détenus, comme la pose de caillebotis sur les fenêtres afin d’empêcher les jets de pierres, qui plongent les cellules dans une quasi-obscurité permanente. Le contrôleur général relevait, d’ailleurs, que cette pratique donne au détenu l’impression de ne plus être traité comme un être humain.

Le rôle du contrôleur général des lieux de privation de liberté est donc essentiel. Évidemment, nous sommes satisfaits qu’un tel poste ait été créé ; mais il convient aujourd'hui de mettre un terme définitif à des pratiques qui ôtent tous droits aux détenus, y compris les droits les plus fondamentaux.

La rédaction de l’article 10 ne convient pas. Elle est en contradiction avec ce que nous voulons puisque nous ne voulons plus de non-droit. Nous ne pouvons accepter une rédaction qui reconnaît des droits au détenu sauf quand l’administration s’y oppose ! Il faut que les circonstances dans lesquelles les droits d’un détenu ne sont pas garantis soient exceptionnelles et expressément définies.

C’est ce qui justifie notre amendement. Il s’agit d’une question absolument essentielle. On ne pourra nous persuader du fait que tout cela est superflu ; sinon, pourquoi les règles européennes insisteraient-elles sur les droits des détenus ?

Certes, la prison est un milieu particulier ; certes les détenus sont privés de liberté ; certes les risques sont réels ; mais la restriction des droits des personnes incarcérées doit être expressément motivée et très ponctuelle.