M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Pour cette raison, l’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Cet amendement rejoint les amendements nos 73 et 77, qui visaient à intégrer la notion de dignité. Je rappelle que les articles 1er et 10 du projet de loi reprennent déjà ce principe, sous une autre forme.
Pour les mêmes raisons que précédemment, l’avis du Gouvernement est donc défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’inscription de ce principe a déjà été refusée dans d’autres articles. C’est pourquoi nous la proposons à nouveau ici. Il nous semble pourtant nécessaire que cette notion de dignité humaine apparaisse quelque part dans ce texte. Sinon, arrêtons de dire que sa vocation est de protéger le droit des détenus !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous êtes contre la dignité !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Arrêtez !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 79 rectifié est présenté par M. Anziani et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 10 rectifié est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ils ne doivent utiliser la force, le cas échéant en faisant usage d'une arme à feu, qu'en cas de légitime défense, de tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés. Lorsqu'ils y recourent, ils ne peuvent le faire qu'en se limitant à ce qui est strictement nécessaire.
La parole est à M. Alain Anziani, pour défendre l’amendement n° 79 rectifié.
M. Alain Anziani. Je tiens très nettement à lever toute ambiguïté : cet amendement n’est pas défavorable aux personnels de l’administration pénitentiaire, qui méritent notre respect et nos encouragements. Nous proposons toutefois d’encadrer l’usage de la force en prison, une notion toujours difficile à appréhender, d’abord en définissant des cas d’usage de la force, y compris par arme à feu – légitime défense, tentative d'évasion ou de résistance par la violence ou par inertie physique aux ordres donnés –, ensuite en posant le principe de proportionnalité, la force devant être utilisée pour ce qui est strictement nécessaire.
Je voudrais rappeler, sans déclencher de nouvelle furie, que cet amendement reprend les règles pénitentiaires européennes nos 64 et 65 ainsi qu’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme.
Je propose que ces notions, qui, à la lumière de mes commentaires, me paraissent devoir s’imposer, soient inscrites dans cette grande loi pénitentiaire que nous appelons tous de nos vœux.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 10 rectifié.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement résulte de la fusion de deux amendements complémentaires déposés par mon collègue Alain Anziani et par moi-même. Il a pour objectif premier d’inscrire dans le projet de loi le principe de la limitation du recours à la force.
Il vise les différents cas où le recours à la force peut être justifié : légitime défense, tentative d’évasion ou résistance par la violence.
Il pose également un principe consubstantiel au recours à la force : celui de la nécessité. En effet, tout recours à la force doit être rendu nécessaire par le comportement du détenu, et ne saurait s’exercer en dehors de cette nécessité.
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est, dans ce domaine, très instructive : selon cette dernière, l’utilisation de la force à l’égard d’un détenu doit être prohibée si elle n’est pas rendue strictement nécessaire par le comportement de celui-ci.
C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’adopter le principe de la nécessité, s’agissant du recours à la force, en l’assortissant des cas de figure où celui-ci est rendu légitime.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Ces deux amendements identiques ont pour objet de définir un cadre légal à l’usage de la force par les personnels de l’administration pénitentiaire.
J’ai indiqué dans mon rapport que je considérais, à l’instar de la Commission sur l’amélioration du contrôle extérieur des établissements pénitentiaires, présidée, en 2000, par Guy Canivet, qu’il revient à la loi de fixer le cadre dans lequel les personnels de l’administration pénitentiaire peuvent recourir à la force, le cas échéant en faisant usage d’armes à feu.
Alors que j’avais envisagé de déposer un amendement à cette fin, j’y ai finalement renoncé, car il m’a été indiqué qu’une réflexion était en cours, en lien avec le ministère de l’intérieur, les discussions portant notamment sur la possibilité d’un usage des armes à feu en dehors de l’enceinte des établissements pénitentiaires, notamment dans les UHSI et les UHSA.
Toutefois, l’article 2 bis du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale, adopté par le Sénat en décembre dernier, encadre l’usage des armes à feu par la gendarmerie. La commission ne voit donc plus de raison de différer encore l’adoption d’une mesure similaire pour les personnels de l’administration pénitentiaire et, par conséquent, elle a émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Ces deux amendements visent à conférer une valeur législative aux dispositions, de nature réglementaire, qui figurent à l’article D. 283–5 du code de procédure pénale, dont ils reprennent l’exacte rédaction.
Madame la sénatrice, monsieur le rapporteur, je souscris à vos propos. Toutefois, il est vrai que le Gouvernement aurait souhaité inscrire ces dispositions relatives à l’usage des armes à feu par l’ensemble des forces de sécurité dans un texte unique, texte qui est actuellement en cours de préparation au niveau interministériel, à l’instar des dispositions qui ont été votées dans le cadre du projet de loi relatif à la gendarmerie nationale.
Toujours est-il que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 79 rectifié et 10 rectifié.
(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 bis, modifié.
(L'article 4 bis est adopté.)
Article 4 ter
Les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation sont chargés de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées.
À cette fin, ils mettent en œuvre les politiques d'insertion et de prévention de la récidive, assurent le suivi ou le contrôle des personnes placées sous main de justice et préparent la sortie des personnes détenues.
M. le président. L'amendement n° 221, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
Les personnels des services pénitentiaires d'insertion et de probation participent à l'individualisation des peines et des mesures pré-sententielles. Ils sont chargés de préparer et d'exécuter les décisions de l'autorité judiciaire relatives à l'insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice, prévenues ou condamnées.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Dans ses préconisations, le comité d’orientation restreint écrit ceci : « Il importe que les SPIP s’approprient pleinement, dans sa plénitude, la mission qui est la leur, se définissant comme “la mise en œuvre et le suivi des mesures d’individualisation et d’aménagement des peines privatives de liberté” ».
Par cet amendement, nous entendons conférer une portée plus importante à l’article 4 ter du texte de la commission des lois, en inscrivant clairement dans la loi les missions fondamentales des services pénitentiaires d’insertion et de probation.
Nous proposons donc de mentionner leur rôle nécessaire dans l’individualisation des peines et des mesures « pré-sententielles » et, ainsi, dans les aménagements de peine, rôle complémentaire à celui qui est le leur en matière d’exécution des peines.
L’article 4 ter du texte de la commission des lois dispose que les SPIP ont pour mission de mettre en œuvre « les politiques d’insertion de prévention de la récidive ».
Précisément, pour que l’insertion et la prévention de la récidive réussissent, il importe en premier lieu de rechercher la sanction la plus adaptée possible, tant pour les personnes en détention provisoire que pour celles qui ont fait l’objet d’une condamnation. Autrement dit, la sanction doit être individualisée et non automatique, contrairement à ce que prévoient de plus en plus souvent hélas ! les textes votés par la majorité gouvernementale.
Les personnels des SPIP jouent un rôle actif dans l’aide à la décision des magistrats en leur apportant des éléments essentiels sur le détenu ou le prévenu. Ils font des enquêtes dites « rapides » avant comparution, dans le cadre des permanences d’orientation pénale. Ils peuvent être saisis de diverses mesures « pré-sententielles » sur le contrôle judiciaire, l’ajournement avec mise à l’épreuve, le suivi des détenus incarcérés.
Aujourd’hui, un conseiller des SPIP traite environ de 120 à 180 dossiers. Bien évidemment, confirmer aux SPIP leurs missions, c’est aussi décider de leur donner les moyens de les mettre en œuvre. Certes, il faut le reconnaître, un effort a été engagé depuis quelques années, mais celui-ci a besoin d’être intensifié. À cette fin, le budget de la justice doit être à la hauteur des exigences du moment et de celles qui découleront, s’il est adopté, du présent projet de loi, de manière à satisfaire réellement les droits effectifs des détenus.
Enfin, comme le fait la Commission nationale consultative des droits de l’homme, il est permis de s’inquiéter également de la délégation de tout ou partie des fonctions d’insertion et de probation à des personnes de droit privé, délégation qui ne pourrait conduire qu’à affaiblir la mobilisation des acteurs publics pour l’exécution des peines et la réinsertion des condamnés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
D’une part, elle considère qu’il est largement satisfait par son propre texte, qui lui paraît de surcroît plus concis. D’autre part, elle craint que les termes « mesures pré-sententielles », par exemple, qui ne figurent ni dans le code pénal ni dans le code de procédure pénale, n’introduisent une complexité supplémentaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. L’article 1er du projet de loi, en définissant précisément les missions du service public pénitentiaire, répond pleinement au but visé par les auteurs de cet amendement.
En outre, l’article 4 ter lui-même dispose que « les personnels des services pénitentiaires d’insertion et de probation sont chargés de préparer et d’exécuter les décisions de l’autorité judiciaire relatives à l’insertion et à la probation des personnes placées sous main de justice ». Cette formulation signifie bien que la peine est effectivement individualisée.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet, MM. Desessard, Muller et Anziani, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, après le mot :
œuvre
insérer les mots :
, par des programmes appropriés,
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement, qui concerne les missions des SPIP, participe du même esprit que les amendements nos 3 rectifié et 4 rectifié, que j’ai défendus hier.
La notion de programme a ici encore plus de raison d’être qu’elle n’en a s’agissant des missions de l’administration pénitentiaire.
Les SPIP se trouvant au premier plan de la réinsertion des détenus, il n’est pas inconcevable de prévoir qu’ils exercent leurs missions dans le cadre de programmes appropriés.
Cela peut paraître évident : la réinsertion du détenu passe nécessairement par des programmes. Aussi, cet amendement tend à conférer à ceux-ci une certaine cohérence en les coordonnant au niveau national, en concertation avec tous les acteurs de la réinsertion. Ces programmes-cadres peuvent constituer le socle d’action des SPIP et peuvent être réactualisés régulièrement en fonction de l’évolution de leurs missions.
Aussi, mes chers collègues, je vous propose d’inscrire dans le projet de loi que ces programmes constitueront le cadre d’action des SPIP dans l’exercice de leurs missions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J’apporterai la même réponse que celle que j’ai déjà faite hier : cette précision paraît inutile à la commission. On peut d’ailleurs légitimement espérer que les services pénitentiaires d’insertion et de probation élaborent des programmes d’insertion et de réinsertion appropriés. En outre, il nous semble que la situation de chaque détenu mérite d’être prise en considération dans sa singularité.
Par conséquent, par souci de conserver à ces programmes toute leur souplesse, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le contenu des programmes appropriés mis en œuvre par les SPIP, c'est-à-dire les modalités d’intervention de ces services, ne ressortissent pas au domaine de la loi. Ainsi, l’établissement pénitentiaire de Melun, qui accueille majoritairement des délinquants sexuels, met en œuvre des programmes appropriés de lutte contre la récidive, en matière sexuelle.
Le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. L’un n’empêche pas l’autre ! L’élaboration de programmes appropriés à la situation de chaque détenu n’empêche pas que d’autres programmes puissent être mis en place au niveau national, de manière cohérente et homogène. Si tel était le cas, un même programme pourrait être appliqué dans différents sites, permettant ainsi aux détenus transférés d’un établissement à un autre d’en conserver le bénéfice.
M. le président. Je mets aux voix l'article 4 ter.
(L'article 4 ter est adopté.)
Article 4 quater
Au début de l'article 3 de l'ordonnance n° 58-696 du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les droits d'expression et de manifestation sont reconnus aux personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire dans les conditions prévues aux titres Ier et II du statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités territoriales, sous réserve de l'alinéa suivant. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 288, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire exercent leurs droits d'expression et de manifestation dans les conditions prévues par leur statut.
La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. La commission des lois a introduit un article 4 quater relatif aux droits d’expression et de manifestation des personnels de l’administration pénitentiaire. Cet article vise à reconnaître ces droits au personnel des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire, par référence au statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, les personnels pénitentiaires, compte tenu des missions de sécurité qui leur sont confiées, sont soumis à un statut spécial, qui découle de l'ordonnance du 6 août 1958. Ce statut spécial, à l’instar de celui auquel sont soumis les policiers, déroge au statut général de la fonction publique.
Cet amendement vise à lever l’ambiguïté que constitue la référence à ce statut général, puisque ces droits ne peuvent s’exercer que dans la limite du statut spécial, qui n’a pas vocation à être modifié.
M. le président. L'amendement n° 80, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - À la fin de la seconde phrase du même article, les mots : « en dehors des garanties disciplinaires » sont remplacés par les mots : « dans le cadre des garanties disciplinaires fixées par le statut général de la fonction publique ».
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Pour notre part, nous soutenons la thèse contraire et souhaitons que prime le droit commun.
Nous ne contestons pas que le personnel de l’administration pénitentiaire soit soumis à un statut spécial. Néanmoins, nous nous demandons si les incidents qui pourraient survenir lors de l’exercice, par ce personnel, de ses droits à l’expression et à la manifestation de ses idées ne devraient pas relever d’une procédure disciplinaire proche de celle du droit commun. Aussi, notre amendement vise à garantir un certain nombre de droits au personnel de l’administration pénitentiaire en cas de procédure disciplinaire.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 288, l’article 1er de l’ordonnance du 6 août 1958 relative au statut spécial des fonctionnaires des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire permet au Gouvernement de déroger, par décret, au statut général de la fonction publique.
L’introduction du droit commun dans les établissements pénitentiaires au profit tant des détenus que des personnels de l’administration pénitentiaire a constitué l’un des fils directeurs des travaux de la commission des lois, ainsi d’ailleurs que du Gouvernement si l’on évoque par exemple la formation et la compétence régionale.
L’article 4 quater du texte adopté par la commission présente un double intérêt, symbolique et juridique.
Sur le plan symbolique, il consacre dans la loi la soumission au droit commun des droits d’expression et de manifestation des personnels du service déconcentré de l’administration pénitentiaire, sous une double réserve : tout d’abord, le maintien de la prohibition de toute cessation concertée du service et de tout acte collectif d’indiscipline caractérisée ; ensuite, la possibilité de sanctionner ces faits en dehors des garanties disciplinaires lorsqu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public.
Je rappelle à cet égard, même si cela va de soi, que le statut général de la fonction publique s’applique aux personnels de l’administration pénitentiaire sans qu’il soit besoin de le préciser dans la mesure où il n’y est pas dérogé. Il en va de même de tous les fonctionnaires soumis à un statut spécial.
Le texte de la commission présentait néanmoins un intérêt juridique dans la mesure où il interdisait au pouvoir réglementaire d’apporter d’autres restrictions aux droits d’expression et de manifestation des personnels que celles qui sont prévues par l’ordonnance.
Il est vrai que l’amendement du Gouvernement fait perdre cet intérêt à l’article 4 quater, mais je ne pense pas que le Gouvernement ait l’intention de modifier quoi que ce soit sur ce point. Nous sommes en fait dans le domaine du symbole. En tout état de cause, il sera intéressant que les droits d’expression et de manifestation du personnel restent inscrits dans la loi.
La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 288 du Gouvernement.
J’en viens à l’amendement no 80, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste. L’article 3 de l’ordonnance de 1958 prohibe toute cessation concertée du service et tout acte collectif d’indiscipline caractérisée de la part des personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire. On ne peut effectivement pas imaginer une administration pénitentiaire à éclipse, car il faut s’occuper des personnes détenues.
L’article 3 de l’ordonnance prévoit que ces faits peuvent être sanctionnés en dehors des garanties disciplinaires lorsqu’ils sont susceptibles de porter atteinte à l’ordre public. Des règles similaires sont d’ailleurs prévues pour les personnels de la police nationale.
Les événements du passé montrent qu’il faut à tout prix prévenir le risque de voir les personnes détenues livrées à elles-mêmes au sein d’un établissement pénitentiaire.
Telle est la raison pour laquelle il ne paraît vraiment pas souhaitable d’aligner le statut des personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire sur le statut général de la fonction publique.
Il convient par ailleurs d’observer que les contraintes de ce statut spécial ont pour corollaire des avantages, notamment en termes de retraite et de traitement, qu’un alignement sur le statut général de la fonction publique supposerait de remettre en cause.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur. C’est la raison pour laquelle la commission est résolument défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 80 ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l’amendement n° 288.
M. Jean-Pierre Sueur. La commission des lois a élaboré une rédaction qui protège véritablement les droits des personnels pénitentiaires sans créer aucune difficulté par rapport aux valeurs de responsabilités et de sécurité, auxquelles nous sommes tous très attachés.
Madame le garde des sceaux, dès lors qu’existe l’article 3 de l’ordonnance du 6 août 1958, qui limite très précisément les conditions de manifestation des personnels pénitentiaires, et qu’il n’est pas question de le supprimer, je me demande en quoi l’amendement no 288 du Gouvernement changerait les choses par rapport aux droits d’expression garantis par le statut général de la fonction publique.
Je considère que cet amendement ne modifie pas substantiellement la situation. Je ne vois donc que des avantages à conserver la rédaction de la commission des lois qui se réfère au statut de la fonction publique tout en prenant en compte les restrictions qui figurent dans l’ordonnance de 1958.
J’espère être clair : dès lors que l’article 3 de l’ordonnance est maintenu, je ne vois vraiment pas ce qui serait interdit par le statut spécifique à la fonction publique pénitentiaire et autorisé par le statut de la fonction publique.
Il me semble donc beaucoup plus cohérent de se référer au statut général de la fonction publique, comme le propose la commission des lois.
Nous voterons par conséquent contre l’amendement du Gouvernement afin de soutenir la rédaction de la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À la réflexion, cet article n’était peut-être pas indispensable. Sans doute avons-nous voulu trop bien faire !
Le statut des personnels de l’administration pénitentiaire, c’est bien évidemment le statut de la fonction publique assorti de dispositions particulières. Il est inutile de répéter dans chaque loi des dispositions qui figurent déjà dans d’autres lois.
M. René Garrec. Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les éléments du statut général s’appliquent à tous les fonctionnaires, et s’y s’ajoutent les éléments du statut spécial, propre aux personnels pénitentiaires. Jamais il n’est venu à quiconque l’idée de faire la même chose pour les personnels de la police nationale ! Et soudain, on se pose des questions.
L’amendement n° 80 porte sur un autre aspect.
M. Alain Anziani. Il s’agit des garanties disciplinaires !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui, c’est autre chose ! Mais l’amendement du Gouvernement, en se référant au statut des personnels de l’administration pénitentiaire, a l’avantage de la simplicité. Il n’y aurait plus lieu de s’interroger sur les éventuelles dérogations qu’il faudrait apporter au statut général de la fonction publique.
Cela vaut d’ailleurs pour tous les fonctionnaires. Le statut de la fonction publique territoriale comprend les éléments généraux qui s’appliquent à l’ensemble de la fonction publique et le statut spécial.
Il n’y a pas lieu d’énumérer les différents éléments du statut de la fonction publique. En revanche, les éléments du statut spécial sont forcément déclinés dans les textes concernés.
M. Jean-Pierre Sueur. Ils ne figurent pas dans le texte !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas l’objet du projet de loi. Pourquoi répéter les mêmes choses dans toutes les lois ?
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne fais que défendre la position de la commission, et vous me le reprochez !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous avez le droit de défendre cette position, mais j’ai aussi le droit de ne pas être totalement d’accord ou d’avoir réfléchi depuis !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes contre le texte élaboré par la commission : c’est un paradoxe !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Des paradoxes, je vous en trouverai sans doute beaucoup avant la fin de ce débat !
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai le droit de défendre la position de la commission !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Certes, mais compte tenu du présent débat, qui est tout à fait secondaire, je considère qu’il aurait mieux valu supprimer l’article 4 quater. Cela nous aurait évité un débat qui ne me paraît pas essentiel.
Le fait de se référer au statut général des fonctionnaires aboutit immédiatement à ce que des collègues déposent un amendement visant à prévoir l’application aux personnels de l’administration pénitentiaire de l’ensemble du statut général de la fonction publique et se demandent quelles dispositions du statut spécial doivent être supprimées.
M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux. M. Hyest a été très clair.
Permettez-moi de vous rappeler les termes du nouvel alinéa présenté par l’article 4 quater du texte de la commission : « Les droits d’expression et de manifestation sont reconnus aux personnels des services déconcentrés de l’administration pénitentiaire dans les conditions prévues aux titres Ier et II du statut général des fonctionnaires de l’État et des collectivités territoriales, sous réserve de l’alinéa suivant. »