M. Robert del Picchia. Très bien !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
5
Conventions internationales
Adoption de deux projets de loi en procédure d'examen simplifié
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser l’approbation de conventions internationales.
Pour ces deux projets de loi, le Sénat a retenu la procédure simplifiée.
Je vais donc les mettre successivement aux voix.
accord avec l'australie concernant la coopération en matière de défense
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces (ensemble deux annexes), signé à Paris le 14 décembre 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’Australie concernant la coopération en matière de défense et le statut des forces (n° 422, 2007-2008, rapport n° 185 de M. André Dulait, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).
(Le projet de loi est adopté.)
accord avec la suisse relatif à la coopération transfrontalière
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière, signé à Paris le 9 octobre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la coopération transfrontalière en matière judiciaire, policière et douanière (n° 142, rapport n° 186 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées).
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à dix-huit heures, pour le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)
PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher
M. le président. La séance est reprise.
6
Dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes
M. le président. L’ordre du jour appelle le dépôt du rapport annuel de la Cour des comptes.
Huissiers, veuillez faire entrer M. le Premier président de la Cour des comptes.
(M. le Premier président de la Cour des comptes est introduit dans l’hémicycle selon le cérémonial d’usage.)
M. le président. Monsieur le Premier président, c’est aujourd’hui la cinquième fois que vous venez dans cet hémicycle pour la remise du rapport annuel de la Cour des comptes, mais c’est la première fois que j’ai le plaisir de vous accueillir. Vous m’avez vous-même reçu de manière fort courtoise, et même amicale, la semaine passée, à l’occasion de l’audience solennelle de rentrée de la Cour.
Monsieur le Premier président, je vous souhaite, au nom de tous mes collègues, une très cordiale bienvenue.
Loin d’être un exercice routinier, car imposé par l’article L. 136-1 du code des juridictions financières, le dépôt de ce rapport devant les sénateurs est véritablement un moment fort qui marque la collaboration entre la Cour et le Sénat, une collaboration que nous souhaitons voir renforcée, notamment avec la mise en œuvre de la révision constitutionnelle de juillet dernier. Cette réforme a en effet permis de conforter la Cour des comptes en inscrivant dans notre Constitution sa mission générale d’assistance au Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement et dans l’évaluation des politiques publiques.
Cette évolution des missions de la Cour s’inscrit dans la suite logique de la consécration de la fonction de contrôle et d’évaluation du Parlement.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, ne me démentiront pas : le Sénat pourra, demain plus encore qu’aujourd’hui, s’appuyer utilement sur vos travaux pour que nous exercions pleinement cette fonction fondamentale, deuxième pilier de l’activité parlementaire.
C’est donc avec un grand intérêt que nous allons maintenant, monsieur le Premier président, vous écouter nous présenter votre rapport avant de donner la parole aux présidents de la commission des finances et de la commission des affaires sociales.
Monsieur le Premier président, vous avez la parole.
M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président du Sénat, en application de l’article L.136-1 du code des juridictions financières, j’ai l’honneur de vous remettre le rapport public annuel de la Cour des comptes. (M. le Premier président de la Cour des comptes remet à M. le président du Sénat le rapport annuel de la Cour des comptes.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le Premier président.
M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président du Sénat, messieurs les présidents des commissions des finances et des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, la remise du rapport public annuel constitue notre rendez-vous le plus ancien avec le Sénat. Ce n’est plus le seul, loin de là ! En réalité, depuis la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, puis la réforme constitutionnelle de l’été dernier, qui a confirmé et encore élargi l’assistance que nous vous devons, il marque désormais, chaque année, le coup d’envoi d’une nouvelle phase de contributions de la Cour aux réflexions, aux débats et à l’action de la Haute Assemblée.
Ce rapport illustre donc, d’abord, notre volonté de répondre aux différentes attentes que vous pouvez placer en nous.
Il livre, d’emblée, une expertise sur les finances publiques, d’autant plus nécessaire en cette période de crise majeure. C’est l’objet du tout premier chapitre, et ce n’est pas par hasard. Nous y convenons qu’à situation économique exceptionnelle peut et doit répondre une politique budgétaire exceptionnelle, mais nous insistons aussi sur la permanente nécessité de réformes structurelles destinées à favoriser une gestion moderne et plus respectueuse encore des deniers publics.
Dans l’immédiat, nos craintes les plus vives portent moins sur le déficit, qu’un effort raisonnable pourrait ramener à de justes proportions, une fois la croissance revenue, que sur l’évolution, hélas, trop prévisible de la dette.
Sur la base des hypothèses les moins pessimistes, le supplément de dette à attendre en 2010 par rapport à 2007 pourrait atteindre 250 milliards d’euros. La dette coûtait cher, elle va coûter encore plus cher ! Il faut se donner impérativement les moyens de la stabiliser, puis de la réduire.
Le rapport donne quelques exemples de pistes à explorer, depuis la nécessaire refonte des bases cadastrales – trop longtemps différée ! – jusqu’à une meilleure maîtrise des opérations de cessions immobilières que l’État mène de façon parfois trop précipitée et, en tout cas, insuffisamment rigoureuse.
Au-delà de ces contrôles ciblés, nous avons surtout voulu dresser un bilan des premières initiatives de l’administration pour générer des économies et nous nous sommes ainsi intéressés à la campagne d’audits de modernisation, qui aura au moins eu le mérite de faire prendre la mesure de la difficulté des suites à réserver à l’exercice.
Or tenir le cap est d’autant plus indispensable que, même en n’abandonnant rien en chemin, le compte n’y sera probablement pas. On nous laisse entrevoir que 6 milliards d’euros d’économies pourraient être envisagées en 2012 à la suite de la revue générale des politiques publiques. Ce n’est pas encore, et même pas du tout, à la hauteur de l’enjeu, mesdames, messieurs les sénateurs.
Le secteur local n’est pas négligé avec, cette année, la publication de trois contrôles ciblés et de deux enquêtes transversales, la première sur la modernisation en cours du contrôle de gestion, la seconde sur les ravages des emprunts dits « structurés ». Puisqu’il paraît que le principe de la libre administration des collectivités territoriales ne permet pas d’interdire purement et simplement de tels emprunts, ce qui serait pourtant salutaire, il nous semble à tout le moins indispensable qu’avant de s’engager dans de telles opérations les exécutifs en mesurent les risques et en informent de manière détaillée leurs assemblées délibérantes respectives.
M. Roland du Luart. Encore faudrait-il qu’ils en soient eux-mêmes informés !
M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. Enfin, ce rapport public est le reflet de nos travaux sur les politiques publiques, avec cette année, notamment, une insertion sur les modes de régulation du secteur financier, dont nous soulignons qu’ils auraient été singulièrement plus efficaces si l’Autorité des marchés financiers, la Commission bancaire et l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles avaient travaillé de façon moins cloisonnée et avaient disposé de pouvoirs de sanction plus solides.
Mais nous évoquons également la gestion immobilière des universités – elle reste à inventer !-, l’étonnant financement par le budget de l’État, sous forme d’exonération de charges, du droit à l’image collective des sportifs professionnels - sur un budget normalement dédié au développement des pratiques sportives qui se trouve ainsi, selon nous, illégitimement amputé -,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Eh oui !
M. Michel Charasse. Ce sont les intermittents du sport !
M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. …le 1 % logement, pour lequel nous n’avons pas renoncé à demander une réduction drastique du nombre de collecteurs – vous avez pu vérifier tout récemment que nous commencions à être entendus… –, le droit individuel à formation et le congé individuel de formation, véritables bombes financières pour le budget de l’État s’agissant, au surplus, d’un dispositif qui ne bénéficie même pas à ceux qui en auraient le plus besoin, ou encore l’audiovisuel extérieur, sujet dont la réforme en cours ne remet certes pas en cause l’actualité, actualité qui demeurera aussi longtemps que la création de France 24 ne sera pas l’occasion d’une remise en cause, pourtant nécessaire, des dispositifs qui préexistaient.
Mais je ne saurais vous détailler les quelque 1 000 pages de ce rapport. Je souhaite simplement qu’un certain nombre des observations que j’ai évoquées – et des autres – pourront utilement nourrir vos travaux.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, cette année encore, nous avons souhaité que la question récurrente sur l’utilité de la Cour trouve une réponse dans le deuxième tome de ce rapport public,…
M. Michel Charasse. Pourquoi ? A-t-elle des doutes ?...
M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. … entièrement consacré aux suites réservées aux précédentes interventions de la Cour.
Le travail accompli par le Sénat, en particulier sur la base des rapports que nous lui remettons, tient évidemment une très grande place dans l’amélioration, que nous constatons, de ces résultats.
Dans le même esprit, nous savons gré aux rapporteurs du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale d’avoir bien voulu prendre en considération certaines de nos recommandations.
Le bilan est également encourageant s’agissant des réponses qui nous sont apportées directement à la suite de nos contrôles d’établissements publics ou de services. Les responsables réagissent souvent avec célérité aux remarques de la Cour.
Ainsi, le statut des conservateurs des hypothèques, que nous avions sévèrement critiqué l’an dernier, va être entièrement revu.
Le service de gestion des pensions des fonctionnaires a quant à lui déjà commencé à être réformé dans le sens de nos recommandations, ce qui avait été également souhaité par votre Haute Assemblée.
De la même façon, des établissements aussi divers que l’Institut national du cancer, Météo France, le musée Rodin, l’Institut national des appellations d’origine, la caisse des congés spectacles pour les intermittents ou la société d’encouragement aux métiers d’art, ont engagé des réformes qui vont dans le sens des recommandations de la Cour.
Le renforcement du rôle de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et la réforme de la tutelle des chambres de commerce et d’industrie reposent également en bonne partie sur nos préconisations.
Certaines structures comme l’Agence nationale pour l’indemnisation des Français d’outre-mer vont être supprimées conformément à nos vœux.
En matière de politique pour l’emploi et d’insertion, nous avons obtenu plusieurs avancées, avec notamment la suppression de certains allégements de charges ciblés dont nous mettions en cause l’efficacité.
En votant la loi généralisant le revenu de solidarité active, vous avez vous-mêmes décidé, mesdames, messieurs les sénateurs, de fusionner le contrat d’avenir et le contrat d’insertion du RMI en un seul contrat, un contrat unique d’insertion. Cela faisait partie de nos recommandations constantes.
Un indicateur, en cours d’élaboration, vous permettra bientôt d’apprécier l’efficacité des interventions de la Cour.
Je puis, sans l’attendre, vous indiquer qu’au total, en réponse à 475 recommandations clairement identifiées en 2006 et en 2007, 340 ont été acceptées dans leur principe et près de 300 réformes ont d’ores et déjà été lancées dans le sens indiqué par la Cour.
Comme vous le verrez, nous prenons soin de rendre compte aussi des hésitations et des retards. Nous nous en voudrions de ne pas relever que 16 de nos recommandations ont essuyé un refus explicite et que 118 sont restées sans réponse positive, ce qui ne nous conduira pas pour autant à rester inertes…
À cet égard, entre autres exemples, nous ne pouvons nous satisfaire des progrès par trop modestes enregistrés dans le domaine des péages autoroutiers.
J’en aurai terminé avec cette brève analyse du rapport public annuel en indiquant que certains chapitres du second tome ont exigé des investigations plus poussées.
Il en va ainsi des suites réservées à notre contrôle sur la politique en faveur des personnes âgées dépendantes. Nous savons que l’importance du sujet ne vous a pas échappé et je veux saluer à cet égard le travail conduit pas la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création du cinquième risque. Je souhaite que vos efforts, que nous nous efforçons d’appuyer, puissent conduire à une réforme ambitieuse de cette politique, qui souffre toujours des mêmes faiblesses, illustrées par une forte dispersion des responsabilités et des financements.
M. Michel Charasse. Il faut récupérer sur succession !
M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes. S’agissant des personnels des établissements publics de santé, auxquels la Cour avait consacré un rapport public thématique en 2006, si nos recommandations ont été en partie entendues, il reste de nombreux progrès à faire ; je ne doute pas que nos travaux successifs pourront vous servir lors du débat sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Sur l’intercommunalité, nous continuons à appeler de nos vœux une rationalisation du paysage.
Cette rationalisation nous semble passer par des fusions entre intercommunalités et par la suppression, chaque fois que c’est possible, des syndicats intercommunaux à vocation unique ou multiple, les SIVU et les SIVOM, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler il y a peu devant le comité présidé par M. Édouard Balladur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 47-2 de la Constitution dispose désormais – vous le rappeliez, monsieur le président – que nous vous assistons dans le contrôle de l’action du Gouvernement, dans celui de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mais aussi dans l’évaluation des politiques publiques, en d’autres termes de l’ensemble des politiques publiques.
Or, je dois vous le dire, nous ne sommes pas encore en situation de remplir cette mission...
Rares sont celles des politiques publiques, vous le savez bien, qui ne sont pas partagées entre le niveau national et les différents niveaux locaux. Le principe des blocs de compétences qui a pu prévaloir et justifier l’organisation actuelle des juridictions financières s’est atténué au fil du temps.
Nous avons pourtant probablement trop longtemps différé la réorganisation à prévoir en conséquence, et nous avons dû ainsi décliner un certain nombre de vos demandes, comme celles qui concernaient le travail, de M. Claude Belot, les fonds européens ou encore la continuité territoriale.
Vous-mêmes êtes privés d’un accès direct aux chambres régionales des comptes, que leur statut de juridictions autonomes priverait de toute façon de la possibilité de vous faire, dans les délais légaux, une réponse commune.
Par bien des aspects, la situation actuelle n’est pas loin d’être absurde : les rapporteurs de la Cour n’ont pas accès aux comptes des collectivités territoriales. Comment, dans ces conditions, contrôler globalement et utilement des politiques comme la formation professionnelle ou la politique de lutte contre l’exclusion, exemples parmi cent autres ?
À l’inverse, il arrive qu’une chambre régionale des comptes se situe à moins de cent mètres d’une préfecture de région. Elle n’y a pourtant aucun pouvoir d’investigation...
Résultat, les services déconcentrés de l’État échappent très largement à notre contrôle, alors même qu’une grande part du coût induit de la décentralisation est imputable aux choix qui ont prévalu les concernant.
Alors, nous avons bien imaginé et monté des « usines à gaz » pour faire travailler ensemble Cour et chambres régionales - comité de liaison, formations de délibéré communes, et j’en passe - mais toutes ces formules ingénieuses trouvent leurs limites dans le fait que nous demeurons des juridictions distinctes.
Chaque enquête commune est une véritable course à handicap qui peut conduire, vous le savez bien, un même élu à répondre à trois ou quatre reprises aux mêmes questions. Surtout, il faut bien compter, au final, deux à trois ans minimum pour aboutir à un résultat.
Tout cela fait de notre adaptation une ardente obligation.
Les avant-projets actuellement soumis à la concertation interministérielle ne suppriment évidemment pas le réseau constitué par les chambres régionales ; on y cherche seulement à supprimer les obstacles au travail commun, même si, parallèlement, le contrôle à l’échelon local peut et doit continuer à évoluer.
Les collectivités territoriales ont accompli en quelques années des progrès tout à fait significatifs en matière de gestion.
Par ailleurs, les sujets traités sont désormais éminemment complexes et les enjeux financiers sans commune mesure avec ce qu’ils étaient il y a vingt-cinq ans.
L’objectif que nous cherchons à prévaloir pour notre part est donc triple.
Il est de pouvoir vous apporter, dans des délais raisonnables et avec toute l’expertise nécessaire, la contribution à l’évaluation des politiques publiques que vous attendez de nous.
Il est aussi de garantir aux élus locaux une plus grande homogénéité dans les contrôles, en d’autres termes une plus grande équité de traitement. Je crois me souvenir que c’était l’une des attentes formulées à l’occasion du débat sur la loi de 2001.
Il est enfin d’apporter un service utile aux collectivités contrôlées. Je le répète régulièrement, nous ne sommes pas là à titre principal pour épingler, pour clouer au pilori ou pour stigmatiser. Nous avons, certes, à rappeler les règles et parfois à sanctionner les manquements les plus graves à notre appareil législatif et réglementaire, mais nous souhaitons d’abord apporter un concours utile à nos interlocuteurs.
Cette dimension de notre action, nous souhaitons la renforcer. Loin de nous le désir d’abandonner le contrôle organique, mais les contrôles seront programmés au terme d’une analyse de risques mieux étayée et ils seront plus ciblés.
Surtout, nous pourrions demain concevoir des campagnes de contrôles conduites sur le même thème, selon les mêmes méthodes, sur un vaste échantillon de collectivités, l’objectif étant non pas de dresser un tableau de chasse, mais de repérer les bonnes pratiques et d’en faire profiter le plus grand nombre, de repérer les risques et d’aider chacun à les prévenir.
Il y a là, je vous l’accorde, un véritable changement dans l’approche du contrôle. Il est à notre sens indispensable. Tous les jours, les collectivités territoriales doivent faire des choix, passer des marchés, négocier des financements face, souvent, à des entreprises privées puissantes qui, tout naturellement, cherchent à gagner des parts de marché et à en tirer le maximum de profit. Il faut bien reconnaître que les rapports de force tournent souvent en la faveur de ces dernières.
Les juridictions financières ont donc un rôle majeur à jouer pour mettre les collectivités territoriales en situation de défendre les intérêts des citoyens de leur ressort.
Nous aurons également à traduire pour les collectivités territoriales le principe posé par la Constitution, à la demande instante du Sénat, sur la sincérité des comptes publics. Nous sommes évidemment disposés en la matière à répondre utilement aux besoins qui seront exprimés par nos interlocuteurs.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, notre ambition n’est autre que de vous fournir l’expertise que vous êtes en droit d’attendre de nous et de fournir un service utile à nos interlocuteurs. J’espère que mon propos, appuyé par ce rapport public annuel, qui est, cette année encore, d’une grande richesse, vous en aura convaincus. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur le Premier président, le Sénat vous donne acte du dépôt du rapport de la Cour des comptes.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le Premier président, mes chers collègues, la remise du rapport public annuel, rendez-vous traditionnel entre la Cour des comptes et le Sénat, s’inscrit en ce début d’année dans un contexte bien particulier. Vous l’avez rappelé, monsieur le Premier président.
Nous sommes, en effet, à la veille de l’entrée en vigueur de dispositions essentielles de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, concernant notamment la fonction de contrôle confiée au Parlement et l’assistance que la Cour des comptes peut être amenée à nous apporter en ce sens.
La réforme constitutionnelle a consacré explicitement les fonctions de la Cour des comptes dans le contrôle et la certification des comptes de l’État.
La commission des finances du Sénat a elle-même participé à cette reconnaissance, en étant à l’initiative de l’introduction de la notion de sincérité des comptes dans un nouvel article 47-2 de la Constitution.
Le second alinéa de cet article proclame ainsi : « Les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière. »
Quant au premier alinéa du même article, il reprend les trois piliers sur lesquels s’appuie la mission de la Cour des comptes : contrôler, certifier, évaluer.
Je place volontairement à part la fonction de juger, qui me semble d’une nature différente des autres. Sur ce point, monsieur le Premier président, vous connaissez mon sentiment sur l’ambiguïté qui existe à confier aux mêmes personnes, qui ont statut de magistrat, des fonctions d’évaluation, de certification et de juge. Il pourrait y avoir un soupçon de conflit entre ces différentes fonctions ; je ne parle pas de conflit d’intérêt, cela va de soi. Comment concilier en effet les fonctions de juge et celles d’auditeur certificateur ?
Je fais confiance à la Cour des comptes pour mettre en place les murailles nécessaires et les bonnes pratiques. Nous l’y aiderons dans le cadre de notre propre activité de contrôle.
Si la dernière réforme constitutionnelle a consacré les missions de la Cour des comptes, elle se présente aussi, pour le Parlement, comme un défi à relever pour la mise en œuvre effective de sa mission de contrôle de l’exécutif.
L’article 48 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la révision constitutionnelle, entre en vigueur le 1er mars 2009, soit dans moins d’un mois. Cet article dispose qu’une « semaine de séance sur quatre est réservée par priorité et dans l’ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l’action du Gouvernement et à l’évaluation des politiques publiques ».
Nous avions bien sûr déjà mis en œuvre les moyens d’exercice de la fonction de contrôle du Parlement : les travaux d’investigation et de suivi menés par les commissions permanentes du Sénat et ceux des missions d’information en portent témoignage.
Pour ce qui concerne la commission des finances, j’avais eu l’honneur de présenter, l’année dernière, un bilan de ses travaux de contrôle, qui mettait en évidence leur retentissement et leurs suites concrètes en matière de réforme des pratiques administratives.
Il est certain que la révision constitutionnelle donnera, sur ce point, un nouvel élan à notre mission de contrôle. C’est une chance qu’il faut saisir et un défi qu’il faut relever.
De ce point de vue, la qualité des liens que nous avons tissés ces dernières années avec la Cour des comptes constitue bien un élément très positif. Les travaux de la Cour des comptes qui nous sont transmis, et dont nous apprécions la qualité et la diversité, représentent en effet une base sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour nourrir notre réflexion et alimenter nos débats.
Au premier rang de ces travaux figurent les enquêtes qui vous sont demandées par les commissions des finances du Parlement, aux termes du 2°de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances.
Quatre des enquêtes demandées en 2008 ont donné lieu à des auditions « pour suite à donner », ouvertes à nos collègues et à la presse, ainsi qu’à la publication de rapports d’information.
Ces enquêtes ont porté sur la gestion et la comptabilisation des créances d’aide publique au développement par la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur, la COFACE, les refus d’apurement communautaire dans le domaine agricole, les questions budgétaires liées à l’école maternelle et, enfin, les caisses autonomes de règlement pécuniaire des avocats, les CARPA.
Très prochainement, le 18 février 2009, nous organiserons la même procédure de publicité pour la dernière enquête reçue au titre de 2008 et qui est relative aux engagements du Centre national d’études spatiales, le CNES, dans les programmes de l’Agence spatiale européenne.
Pour l’année 2009, la commission des finances a saisi la Cour des comptes de cinq enquêtes issues des demandes des rapporteurs spéciaux compétents, portant sur les sujets suivants : les crédits de la présidence française de l’Union européenne ; la gestion du projet informatique COPERNIC du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; la gestion des centres de rétention administrative ; l’articulation des dispositifs de la politique de la ville et de l’éducation nationale dans les quartiers sensibles ; l’Office national des forêts.
Le second axe de notre collaboration repose sur la faculté, offerte par le 1°de l’article 58 de la LOLF, de demander l’assistance d’un magistrat de la Cour des comptes. En 2008, la commission des finances a saisi cette faculté sur deux sujets : le fonctionnement des administrations chargées de la gestion de l’immigration économique, sujet qui a fait l’objet d’un rapport d’information de la commission des finances, et les ressources financières des chambres de métiers et de l’artisanat, dont les conclusions devraient être connues au cours de cette année.
Les référés et les rapports particuliers transmis par la Cour des comptes au Sénat sont également une source d’inspiration fructueuse.
La commission des finances sera certainement amenée à puiser dans ces documents des thèmes de contrôle qu’elle proposera au titre des nouvelles procédures issues de la réforme constitutionnelle.
Les relations établies entre la Cour des comptes et la Haute Assemblée ne se limitent pas à ces transmissions et à leur suivi. Elles prennent aussi la forme de rencontres moins formelles, mais de plus en plus fréquentes, entre les rapporteurs spéciaux et les présidents de chambre ou, sous leur autorité, les présidents de section. Ces rencontres s’inscrivent parfois dans le cadre des enquêtes demandées et permettent aux rapporteurs spéciaux de préciser leurs attentes par rapport à un simple intitulé d’enquête, qui, souvent, ne peut refléter la complexité des problématiques.
Ces rencontres ont aussi pour finalité de permettre une information régulière sur les travaux menés par la Cour des comptes dans le domaine de compétence des rapporteurs spéciaux. Elles sont devenues une habitude à l’occasion de l’examen des projets de loi de règlement.
Tous ces rendez-vous, qui sont de plus en plus nombreux, témoignent de la très grande attention portée par la Cour des comptes à l’étendue et à la qualité de l’information des parlementaires et de sa volonté de « jouer le jeu » de la collaboration affirmée par la Constitution.
Monsieur le Premier président, la réussite de la mise en place de la réforme constitutionnelle sera pour une part non négligeable déterminée par la collaboration harmonieuse de nos institutions.
C’est dans cette perspective que nous prendrons connaissance, avec beaucoup d’attention, des observations du rapport annuel de la Cour des comptes.
Vous nous avez déjà révélé quelques thèmes qui ont fait l’objet de vos travaux et qui sont consignés dans ce rapport : la revue générale des politiques publiques ; la charge de la dette, son évolution, la difficulté à la contenir ; le droit à l’image collective des sportifs professionnels. Sur tous ces sujets, la convergence est profonde entre les travaux de la commission des finances et vos observations.
Vous avez évoqué le rôle des chambres régionales des comptes et souligné l’importance de la certification des comptes.
Le débat sur la certification des comptes des collectivités territoriales doit avoir lieu, de profonds changements en résulteront : les chambres régionales des comptes ne pourront plus intervenir tous les trois ou quatre ans : si elle est établie, la certification des comptes devra être annuelle et les travaux des chambres régionales des comptes devront être permanents.
Je souhaite, monsieur le Premier président, que nous puissions engager des discussions, afin que les chambres régionales des comptes participent à la certification de la sincérité, de la régularité, de la fidélité des comptes des collectivités territoriales. Vaste programme ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)