Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. J’ai entendu, cet après-midi, un certain nombre de remarques pour le moins curieuses sur les initiatives parlementaires.

À ceux de mes collègues qui sous-entendent que le Parlement ne serait pas capable de faire des propositions sur des sujets divers et importants, je rappellerai tout de même que les prescriptions en matière civile ont été réformées sur la base d’une proposition de loi du Sénat. Que je sache, il s’agissait d’une tâche bien plus ardue que celle qui consiste à aménager l’exercice de certaines professions réglementées !

La présente proposition de loi a été déposée le 15 octobre dernier, le rapporteur désigné avant Noël et le texte inscrit à l’ordre du jour du mois de janvier. M. le rapporteur a ouvert toutes ses auditions aux membres de la commission qui souhaitaient dialoguer avec les professions concernées et qui étaient intéressés par le sujet.

Du reste, les amendements proposés sont non pas ceux du rapporteur, mais ceux de la commission, qui les a votés après un débat. On peut ne pas être d’accord avec ces propositions, mais on ne peut nous contester le droit d’amender une proposition de loi, sauf à dose homéopathique. Nous avons tout de même le droit de réformer !

Certes, la fusion des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle avait déjà été examinée par la commission des lois, laquelle en avait même voté le principe voilà quelques mois, avant de retirer sa proposition devant l’incompréhension de certains barreaux et de l’ensemble de la profession d’avocats.

M. Yves Pozzo di Borgo. Elle existe toujours !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Absolument, mon cher collègue !

De toute façon, on ne fait pas la loi pour un cabinet d’avocats, fût-il spécialisé ! (M. Yves Pozzo di Borgo acquiesce.) On fait la loi pour servir l’intérêt général, et M. le rapporteur a bien expliqué en quoi cette réforme répondait à cet objectif. Certes, on peut toujours discuter, mais je vous signale que nos collègues de l’Assemblée nationale partagent notre position et que la commission Darrois n’est pas vraiment hostile, elle non plus, à cette fusion des deux professions.

Madame la présidente, aujourd'hui, il s’agit de la journée mensuelle réservée aux groupes parlementaires. Le groupe CRC-SPG a demandé l’inscription d’une proposition de loi, et nous l’avons examinée jusqu’au bout. Le groupe UMP a demandé l’inscription d’une proposition de loi : elle doit être examinée jusqu’au bout !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La discussion d’un texte, qui plus est adopté par la commission, ne peut être ainsi interrompue. Si certaines propositions de la commission sont contestées, la grande majorité d’entre elles sont attendues par les professionnels.

Mme Catherine Troendle. Tout à fait !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La journée d’initiative parlementaire a-t-elle encore un sens si le débat peut être interrompu et reporté à un ou deux mois ?

Madame la présidente, je tenais tout de même à soulever ce problème, surtout compte tenu du travail énorme fourni par la commission des lois sur ce sujet. (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.)

Mme Catherine Troendle et M. Jackie Pierre. Absolument !

Mme la présidente. Monsieur le président de la commission, vous savez très bien que, ce soir, à vingt-deux heures, le Sénat doit discuter, sous la présidence de M. Gérard Larcher, d’une question orale sur les enseignements de la présidence française de l’Union européenne.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cette question orale a été inscrite à l’ordre du jour après notre proposition de loi ! Quand allons-nous achever l’examen de ce dernier texte ? Après le débat européen ?

Mme la présidente. Monsieur Hyest, la conférence des présidents qui se tiendra demain soir évoquera sans doute ce sujet et examinera, en fonction des disponibilités de Mme le garde des sceaux, les dates envisageables pour reprendre ce débat.

La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées
Discussion générale (suite)

6

Enseignements de la Présidence française de l'Union européenne

Discussion d'une question orale européenne avec débat

(Ordre du jour réservé)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale européenne avec débat n° 3 de M. Hubert Haenel à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes sur les enseignements de la présidence française de l’Union européenne.

Cette question est ainsi libellée :

« M. Hubert Haenel demande à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes de tirer les enseignements de l’exercice par la France de la présidence de l’Union européenne. Il lui demande, notamment, si les changements semestriels de présidence ne risquent pas de retarder les progrès des dossiers en cours et s’il considère que la gestion des crises par l’Union européenne au cours du dernier semestre a fait apparaître un nouvel équilibre entre les différentes institutions de l’Union. »

La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes, auteur de la question.

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la séance d’aujourd’hui pourrait préfigurer la semaine mensuelle réservée au contrôle parlementaire.

M. le président. Absolument, mon cher collègue ! Et peut-être ces séances se dérouleront-elles en un lieu plus adapté !

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. La conférence des présidents devrait en effet décider, selon votre souhait, monsieur le président, que ces réunions auront lieu à un étage inférieur.

Je tiens également à souligner que c’est sans doute la première fois que le président du Sénat en personne préside une séance de nuit consacrée à la discussion d’une question orale européenne avec débat. Comme vous pouvez le constater, nous innovons !

Je ne vais pas m’attarder sur le bilan proprement dit de la présidence française. Vous nous avez adressé un document fort bien réalisé et très complet sur ce sujet, monsieur le secrétaire d’État. Tous les ministres nous ont d’ailleurs fait parvenir, ces derniers jours, le bilan de la présidence française dans leur secteur de responsabilité.

Chacun d’entre nous, et c’est légitime, peut avoir son jugement sur ce bilan. En cherchant bien, on peut toujours estimer que, sur tel ou tel point, on aurait pu obtenir un meilleur résultat.

Je voudrais cependant rappeler, une fois de plus, qu’il ne faut pas aborder les réalités européennes avec les habitudes de pensée de la vie politique nationale, avec des « lunettes françaises ». Une présidence européenne dure peu. Elle est le maillon d’une chaîne et le pays qui l’exerce ne préside, en fait, que deux institutions : le Conseil européen, qui comprend les chefs d’État et de gouvernement, ainsi que le président de la Commission, et le Conseil de l’Union, qui réunit les ministres compétents en fonction des sujets abordés.

Le rôle d’une présidence est de faire en sorte que ces deux institutions parviennent, en coopération avec les autres institutions de l’Union, à des résultats répondant aux grandes attentes des citoyens européens. Ce qui m’a beaucoup frappé, c’est le très large accord qui s’est manifesté pour estimer que la présidence française avait particulièrement bien rempli ce rôle.

Ce qui caractérise l’Europe, nous le savons tous, c’est sa très grande diversité sur de nombreux plans, et notamment sur le plan politique. Et pourtant, à chaque fois que j’ai rencontré, durant cette présidence, des collègues des autres parlements nationaux ou du Parlement européen, j’ai constaté le même soutien à la manière dont la France exerçait sa présidence. Cela fut le cas, notamment, lors de la Conférence des organes parlementaires spécialisés dans les affaires de l’Union, la COSAC, qui s’est déroulée au Sénat, au mois de novembre, en présence du Premier ministre, du président du Sénat et du président de l’Assemblée nationale : tous les représentants des parlements nationaux ont salué ce qu’avait accompli la présidence française pour débloquer, au cours de l’été et au début de l’automne, un certain nombre de situations.

Il y a donc des enseignements à tirer de cette présidence, qui vont bien au-delà des quelques mois qu’elle a duré. Qu’est-ce qui lui a donné une valeur particulière ?

Elle n’a pas été une présidence pour les thèses françaises, les intérêts français, cela va de soi : ce n’est pas le rôle d’une présidence européenne. Mais elle n’a pas non plus été une présidence de « bon élève ». Bien des habitudes ont été largement bousculées. Il y a eu des réunions de formats très différents, certaines très restreintes, d’autres très larges. L’activité a été importante en plein mois d’août. Lors de son audition, la semaine dernière, devant la commission des affaires européennes du Sénat, M. Pierre Sellal nous a déclaré qu’il semblait inimaginable de pouvoir réunir des fonctionnaires européens les 13 et 14 août et de mobiliser sa propre équipe, au sein de la représentation permanente, dès le retour de vacances de certains de ses membres. Et nous avons vu, sous l’effet d’une présidence volontariste, les institutions collaborer très étroitement entre elles au lieu de défendre, comme d’habitude, leurs « prés carrés » respectifs.

On dira qu’il faut faire la part des circonstances, que la présidence française a eu plusieurs crises à gérer, que les institutions et les États membres ont compris que faire cavalier seul serait mal perçu. C’est assurément vrai, mais cela ne suffit pas à expliquer la capacité d’entraînement particulière qui a caractérisé la présidence française.

Ce qui explique cette capacité d’entraînement, c’est, me semble-t-il, le fait que la présidence française est allée plus loin que d’habitude dans le sens d’une affirmation de l’Europe. Ce fut vrai lors de la crise géorgienne, ce fut vrai lors de la crise financière, ce fut vrai aussi lors de la négociation du paquet « énergie-climat », animée par l’ambition que l’Europe reste en tête dans ce domaine.

Chacun a pu constater que rien, à part ses propres inhibitions, n’empêchait l’Europe, quand elle le voulait, de s’affirmer davantage de manière autonome. C’est naturellement une leçon essentielle à tirer de la présidence française. Car nous sommes entrés dans un monde dont l’une des caractéristiques est le recul relatif de la puissance américaine, qui reste considérable, mais n’est plus « l’hyper-puissance » évoquée par Hubert Védrine dans les années quatre-vingt-dix. Bon gré mal gré, l’Europe ne pourra plus, qu’elle le veuille ou non, se contenter de vivre à l’ombre des États-Unis. Elle est désormais condamnée à assumer davantage de responsabilités. Nous avons vu durant la présidence française que, dans certains domaines au moins, L’Europe était parfaitement capable de le faire.

Or cette affirmation de l’Europe est inséparable d’une place accrue du politique dans son fonctionnement ; cela ne peut que vous faire plaisir, monsieur le président, car c’est votre leitmotiv pour le Sénat ! Le Président Nicolas Sarkozy avait déclaré vouloir mettre plus de politique dans la vie de l’Union, et c’est bien ce qu’il a fait : le Conseil européen, qui avait tendance à devenir le déversoir des questions non résolues par le Conseil, a rempli effectivement le rôle que lui confient les traités et qui est de donner à l’Union des « impulsions politiques ».

Nous avons ainsi souligné lors de votre audition, monsieur le secrétaire d’État, ce fait presque miraculeux : au lieu des vingt ou trente pages habituelles, les conclusions du Conseil européen tenaient en cinq pages. Enfin, nous pouvions lire ses décisions !

Chacun a pu constater que lorsque les institutions les plus « politiques », le Conseil européen et le Parlement, occupent le devant de la scène, le fossé souvent souligné entre les opinions publiques et l’Europe a tendance à se résorber. Lorsque les responsables de l’Union se sont engagés résolument dans l’action contre la crise financière, lorsqu’ils ont agi en faveur d’un cessez-le-feu en Géorgie, personne n’a jugé que l’Europe était lointaine, coupée des préoccupations des citoyens, ou bien qu’elle en faisait trop.

À cet égard, une autre leçon de la présidence française est bien le faible intérêt – tant mieux ! – de certaines controverses institutionnelles qui ont tant agité l’Union au cours des dix ou quinze dernières années. La présidence française s’est située en dehors des controverses pour viser avant tout des résultats. Et une vérité fort simple est apparue : l’Europe est efficace lorsque ses institutions coopèrent pleinement entre elles et que l’Union et les États membres travaillent dans le même sens. Pour obtenir ce résultat, il faut une présidence active, volontaire, sachant écouter, mais aussi provoquer la décision, c’est-à-dire une présidence capable d’entraîner.

Allons-nous – et c’est tout le sens de ma question ! – être capables de préserver cette nouvelle manière de fonctionner de l’Union ?

Bien entendu, si, comme je l’espère, ainsi qu’un certain nombre de mes collègues, le traité de Lisbonne entre en vigueur avant un an, le Conseil européen sera doté d’un « président stable », élu par celui-ci pour deux ans et demi renouvelables.

M. Jacques Blanc. C’est sûr !

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Il est clair, désormais, que ce choix sera capital.

Car s’il y a un enseignement à tirer de la présidence française, c’est bien celui-là : l’Europe a besoin d’une vraie présidence. Est-ce que cette exigence s’imposera ? Je l’espère, mais nous n’avons pas de certitude : il sera facile, comme c’est la tendance habituelle des chefs d’État et de gouvernement, de choisir un « monsieur bons offices », habile et prudent, auquel tous pourront se comparer sans que leur vanité en souffre.

La tentation sera d’autant plus grande qu’en raison du report de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne il y a toutes les chances que les différentes nominations qui auront lieu dans la deuxième moitié de 2009 – président du Conseil européen, président de la Commission, Haut représentant de l’Union – prennent malheureusement la forme d’un marchandage global.

Or, monsieur le secrétaire d’État, nous savons bien comment se passent ces marchandages. Il faut un équilibre entre institutions, entre grands courants politiques, entre « petits » et « grands » États, entre anciens et nouveaux membres. Est-ce qu’il en sortira une présidence dotée d’une véritable capacité d’entraînement ? La priorité de la France sera-t-elle de faire en sorte que l’on ne revienne pas en arrière ? Même si notre pays n’assure plus la présidence de l’Union européenne, il doit faire en sorte que les acquis des six derniers mois de l’année 2008 soient conservés.

Pour ma part, ces incertitudes me font regretter que n’ait pas été retenue la suggestion du président Giscard d’Estaing, durant la Convention, qui souhaitait – mais l’idée n’était pas mûre – que le président du Conseil européen soit élu par un congrès des peuples réunissant des parlementaires européens et nationaux, ce qui aurait donné au président l’autorité nécessaire pour exercer pleinement sa fonction.

M. Jacques Blanc. C’est une grande idée !

M. Hubert Haenel, président de la commission des affaires européennes. Il n’aurait pas été un simple choix, en catimini et à huis clos, des chefs d’État et de Gouvernement.

La présidence française a montré que l’Europe pouvait s’affirmer davantage et fonctionner de manière plus active, plus pragmatique, plus différenciée. Notre collègue Pierre Fauchon travaille d’ailleurs, au sein de la commission des affaires européennes, sur la manière dont les coopérations renforcées entre certains pays membres pourraient être mieux utilisées pour faire progresser la construction européenne.

On voit donc bien le sens de ma question : après avoir expérimenté une nouvelle manière de faire fonctionner l’Union, monsieur le secrétaire d’État, allons-nous revenir maintenant plus ou moins clairement aux anciennes habitudes ? Ou bien allons-nous tout faire pour que cette expérience ne soit pas sans lendemain ? J’espère que c’est cette seconde solution qui sera choisie ; en ce début d’année, c’est le vœu que je forme pour l’Europe. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. le président. La parole est à M. André Dulait.

M. André Dulait, en remplacement de M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la présidence française de l’Union européenne a été unanimement saluée comme une grande réussite.

Une réussite pour notre pays, d’abord. Pendant les six mois de sa présidence, la France a su faire avancer les priorités qu’elle s’était fixées. Je pense, en particulier, au lancement de l’Union pour la Méditerranée, à l’adoption du pacte européen sur l’immigration et l’asile, au bilan de santé de la politique agricole commune, ou encore à la relance de l’Europe de la défense.

Une réussite pour l’Europe, ensuite. Grâce aux efforts de la présidence française, l’Union européenne s’est davantage affirmée au cours de ces six derniers mois sur la scène internationale.

Ainsi, lors de la guerre russo-géorgienne d’août dernier, l’Union européenne a été pour la première fois en mesure de mettre un terme à un conflit armé, d’obtenir un cessez-le-feu, d’envoyer une mission d’observation et de négocier un accord en six points, qui a été accepté par les deux parties.

Face à un partenaire aussi difficile que la Russie, l’Union européenne a montré qu’elle pouvait jouer un rôle majeur sur la scène internationale, dès lors qu’elle parlait d’une seule voix et qu’elle avait su trouver en son sein un accord permettant cette unité d’action.

De même, avec l’adoption du paquet « énergie-climat », l’Union européenne a confirmé son rôle moteur dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique au niveau international.

Mais c’est surtout dans sa gestion des crises que la présidence française aura démontré sa capacité à rebondir.

Outre le conflit géorgien, la crise économique et financière internationale aura fortement marqué cette présidence. Face à une crise d’ampleur mondiale, qui touche désormais l’économie réelle, l’Europe, première puissance économique et commerciale, ne pouvait pas rester inactive. Là encore, la présidence française a joué un rôle majeur pour promouvoir une approche coordonnée, obtenir des autorités américaines la réunion du G20 à Washington et poser les bases d’une régulation du système financier international.

Enfin, rappelons que la présidence française avait débuté quelques jours seulement après le « non » irlandais au traité de Lisbonne. Face à la menace d’une nouvelle paralysie institutionnelle, elle a su réagir.

La feuille de route, qui a été adoptée lors du Conseil européen des 11 et 12 décembre dernier, devrait permettre une entrée en vigueur du traité de Lisbonne avant la fin de l’année 2009. L’actuelle présidence tchèque aura, à cet égard, une grande responsabilité, et l’on peut espérer, monsieur le secrétaire d’État, que le courant eurosceptique, représenté en République tchèque au plus haut niveau de l’État, ne mettra pas trop d’obstacles à sa ratification.

À l’aune de ce bilan très positif, quels enseignements peut-on tirer de la présidence française ? Pour ma part, j’en retiens trois.

Premier enseignement, si l’Europe a pu s’affirmer sur la scène internationale, c’est d’abord grâce à l’action déterminante du Président de la République, porté par la conviction qu’il nous faut agir. Car le temps ne joue pas en notre faveur, ainsi qu’il l’exprimait vendredi dernier, lors de ses vœux au corps diplomatique. C’est grâce à son volontarisme que l’Union européenne a réussi à mettre un terme à la phase aiguë du conflit russo-géorgien, qu’elle s’est engagée résolument contre la crise financière ou qu’elle est parvenue à un accord historique sur le paquet « énergie-climat ».

L’Europe a donc besoin avant tout d’un véritable leadership. Le Conseil européen est, par définition, l’organe d’impulsion de l’Union européenne. Mais, comme on le sait, il souffre actuellement du système de la présidence tournante tous les six mois.

Avec le traité de Lisbonne, l’Union européenne disposera d’un président stable du Conseil européen, élu pour deux ans et demi renouvelable une fois. Ce sera un facteur de progrès considérable pour la visibilité et l’efficacité de l’action de l’Union européenne, pour peu que ce président ne se contente pas de jouer le rôle d’un honnête courtier. Plus que d’un « président chairman », l’Europe a besoin d’un président fort, qui soit capable de donner des impulsions politiques et de jouer tout son rôle en matière internationale, aux côtés du Haut représentant et du président de la Commission européenne. C’est de cette manière que l’Europe pourra s’affirmer davantage sur la scène internationale et aussi vis-à-vis des citoyens. Le choix de la personnalité pour occuper cette fonction sera donc déterminant.

Deuxième enseignement, une coopération entre les différentes institutions européennes et entre celles-ci et les États membres est indispensable.

Qu’il s’agisse de l’Union pour la Méditerranée, du paquet « énergie-climat », ou encore du traité de Lisbonne, la présidence française a su écouter, dialoguer et proposer des compromis de nature à lever les réticences de certains de nos partenaires européens.

Si la France a été unanimement saluée en Europe pour sa présidence, c’est parce qu’elle a su jouer collectif et représenter véritablement les intérêts de l’Union européenne dans son ensemble.

Ainsi, il était légitime de prendre en compte les préoccupations des pays d’Europe centrale et orientale à l’égard du paquet « énergie-climat ». Personne ne pourrait reprocher à la Pologne d’être dépendante du charbon. Je me réjouis à cet égard que le renforcement des relations avec ces pays depuis plusieurs mois ait porté ses fruits.

Je me félicite aussi du dialogue permanent entretenu par la présidence avec la Commission européenne et le Parlement européen. Là aussi, il faut reconnaître que notre pays avait, par le passé, quelque peu négligé l’importance de ces deux institutions.

L’hommage appuyé rendu par le Parlement européen au Président de la République lors de son discours de clôture a montré qu’à l’occasion de sa présidence la France était parvenue à nouer des relations de confiance avec ces deux institutions.

Il faut espérer que, lors du prochain renouvellement du Parlement européen et de la Commission européenne, l’influence de notre pays en sortira encore renforcée.

Troisième enseignement, enfin, une démarche pragmatique est souvent plus efficace que des belles déclarations. J’en veux pour preuve les progrès enregistrés en matière de politique européenne de sécurité et de défense, dont la France avait fait l’une de ses priorités.

Je rappelle tout d’abord que, du point de vue de l’implication de l’Union européenne dans la gestion des conflits, les mois écoulés ont été particulièrement actifs. L’EUFOR s’est pleinement déployée au Tchad et l’installation de la mission EULEX au Kosovo a démarré avec succès. Une mission civile d’observation a été envoyée en Géorgie. Enfin, la première opération maritime de l’Union européenne a été décidée, pour lutter contre la piraterie au large de la Somalie.

Dans le même temps, la présidence française s’est attachée, avec succès, à réunir nos partenaires sur un certain nombre d’orientations à court et à moyen termes de nature à renforcer la politique européenne de sécurité et de défense.

L’ambition européenne constitue, le Livre blanc l’a fortement souligné, une dimension essentielle de notre politique de défense. Mais, sauf à demeurer dans un registre purement incantatoire, elle doit s’appuyer sur une analyse objective et réaliste des conceptions et du niveau d’ambition de nos partenaires européens.

C’est, à mon sens, à juste titre qu’a été privilégiée une approche concrète et pragmatique, qui n’a certes pas donné lieu à des annonces spectaculaires, mais qui consolidera et développera les acquis de la politique européenne de sécurité et de défense, la PESD.

La méthode des « petits pas », chère à Jean Monnet, reste bien au cœur de la construction européenne.

Au-delà de la nécessaire mise à jour de la stratégie européenne de sécurité, il me paraît très utile que l’Union européenne définisse de manière beaucoup plus précise la nature et l’ampleur des opérations civiles et militaires qu’elle entend pouvoir mener dans les années à venir.

À cet égard, les objectifs qui ont été approuvés dans le cadre de la déclaration sur les capacités constituent pour la PESD un véritable contrat opérationnel. Ils sont de nature à mobiliser les pays européens autour d’efforts bien identifiés pouvant améliorer concrètement nos capacités d’action.

Ce nouveau niveau d’ambition est en effet une déclinaison vivante et intelligente des objectifs fixés lors du Conseil européen d’Helsinki, il y a dix ans, d’après lesquels l’Union européenne devrait être en mesure de déployer au moins 60 000 hommes en 60 jours sur un théâtre d’opération. Chacun avait alors à l’esprit le schéma d’une opération lourde du type Kosovo. Aujourd’hui, comme le montrent les opérations menées actuellement, il s’agit davantage pour l’Union européenne d’être en mesure de déployer rapidement des dispositifs militaires ou civils sur plusieurs théâtres d’opérations, en s’adaptant à chaque type de situation.

On peut également se féliciter de l’accord intervenu en novembre dernier entre les ministres de la défense autour de projets concrets sur les hélicoptères, le transport aérien, les capacités aéronavales, ou encore le lancement en commun d’une nouvelle génération de satellites d’observation.

En revanche, il faut regretter que le blocage persiste sur le développement de capacités autonomes de planification et de conduite d’opérations. Un centre d’opération de taille raisonnable, sensiblement plus étoffé qu’aujourd’hui, représenterait un vrai progrès pour nos opérations européennes. L’administration américaine elle-même en a reconnu l’intérêt, faisant d’ailleurs tomber l’argument peu convaincant du risque de concurrence avec le SHAPE.

Je me félicite néanmoins qu’un accord soit intervenu sur la création d’une structure unique de planification stratégique civilo-militaire pour les opérations et missions de la PESD, ce qui permettra d’améliorer les synergies et de gagner en efficacité. On le souligne souvent, la possibilité de réunir dans une même main les moyens militaires et civils de gestion de crise constitue l’une des originalités de l’Union européenne. Il s’agit là d’une dimension que nous avons tout intérêt à développer et à perfectionner, car la complexité des crises actuelles exige la mise en œuvre d’une large gamme d’instruments.

J’espère donc, monsieur le secrétaire d’État, que nous continuerons à faire avancer ce dossier, comme d’ailleurs celui des relations Union européenne-OTAN, tant avec la nouvelle administration américaine qu’avec nos partenaires britanniques.

Pour conclure, je voudrais dire un mot des relations franco-allemandes.

Si la présidence française a été une réussite, c’est aussi la preuve que le moteur franco-allemand continue de fonctionner. Mais comme le soulignait récemment le Président Valéry Giscard d’Estaing, il semble que, même si les relations franco-allemandes ont toujours connu certaines tensions, les deux pays se soient quelque peu éloignés ces dernières années.

Je sais, monsieur le secrétaire d’État, que vous connaissez très bien ce pays. Je sais aussi que, dès votre prise de fonction, vous vous êtes rendu en Allemagne afin d’avoir des entretiens avec les plus hautes personnalités. Peut-être pourrez-vous nous dire les principaux enseignements que vous retirez de ce déplacement concernant l’état des relations entre nos deux pays.

Comme nous le savons tous ici, la relation franco-allemande, même si elle ne doit pas être exclusive, reste le principal moteur de la construction européenne. Il est donc indispensable de dissiper les malentendus et de renforcer nos relations, car c’est la seule manière de faire progresser l’Europe politique. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)