compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Pouvoir d'achat
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour le pouvoir d'achat (nos 151, 166, 172).
Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 4.
Article 4
I. - Les deux premières phrases du deuxième alinéa du d de l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :
« L'augmentation du loyer qui en résulte ne peut excéder la variation d'un indice de référence des loyers publié par l'Institut national de la statistique et des études économiques chaque trimestre et qui correspond à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l'évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers. »
II. - Le présent article est applicable aux contrats en cours. La valeur moyenne sur quatre trimestres de l'indice de référence des loyers résultant de l'article 35 de la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale est remplacée par la valeur de l'indice de référence des loyers issu de la présente loi à la date de référence de ces contrats.
III. - L'indice défini au I fait l'objet d'une évaluation dans un délai de trois ans à compter de la publication de la présente loi. Cette évaluation porte notamment sur les effets de cet indice sur le marché du logement et la construction de nouveaux logements.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article du présent projet de loi vise à renforcer le pouvoir d'achat des familles, si l'on en croit l'exposé des motifs.
Faisons un bref rappel historique.
En mettant en place l'indice de référence des loyers, le précédent ministre du logement, Jean-Louis Borloo, avait voulu créer les conditions à la fois d'une meilleure revalorisation des aides personnelles au logement et d'une meilleure capacité de fixation des loyers.
Il s'agissait, en intégrant l'ensemble des coûts réels de la construction et du logement, de faire en sorte que le pouvoir d'achat des aides personnelles au logement soit préservé et que le taux d'effort des ménages soit lissé. C'est qu'il y avait en la matière beaucoup à rattraper !
Dans le même temps, l'indice de référence des loyers - c'était la face moins sympathique - mettait un terme à l'alignement des loyers sur l'indice des prix à la construction et de leur progression par référence à l'indice des prix à la consommation.
Même si la démarche était cohérente, le résultat en a été fort déplaisant pour les locataires, notamment dans le secteur locatif privé : une hausse des loyers supérieure à l'inflation, et donc une rentabilité accrue des investissements immobiliers.
La vérité est connue : compte tenu de la tension sur le secteur de la construction, l'indice de référence des loyers, l'IRL, augmente bien plus vite que l'indice des prix à la consommation, en moyenne 2,78 % en glissement annuel contre 2 %.
Cet article traduit, chacun le sait, le souhait du Président de la République de soumettre l'évolution des loyers à un alignement sur l'indice des prix à la consommation.
Même s'il ne faut pas exagérer l'effet de cette mesure au regard des différences entre l'indice des prix et l'IRL, qui doit être de deux dixièmes de point avec un indice des prix à 2,6 %, il nous semble souhaitable que cet article soit assez nettement amélioré, d'autant que cette mesure permettrait de contenir la consommation des aides personnelles au logement attribuées aux locataires des logements conventionnés du secteur locatif privé.
Notons également que d'autres possibilités, notamment réglementaires, existent pour contrer le processus de hausse des loyers.
Je vous relirai pour mémoire, madame la ministre, l'article 18 de la loi Mermaz-Malandain sur les rapports locatifs :
« Dans la zone géographique où le niveau et l'évolution des loyers comparés à ceux constatés sur l'ensemble du territoire révèlent une situation anormale du marché locatif, un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de concertation, peut fixer le montant maximum d'évolution des loyers des logements vacants définis au b de l'article 17 et des contrats renouvelés définis au c du même article.
« Ce décret précise sa durée de validité qui ne peut excéder un an et peut prévoir des adaptations particulières, notamment en cas de travaux réalisés par les bailleurs ou de loyers manifestement sous-évalués. »
Cela veut dire, madame la ministre, qu'il vous est loisible de décider soit du blocage des loyers, soit de la limitation de leur augmentation, en dessous de l'IRL comme de l'indice des prix, et ce, dans les zones de forte tension de l'immobilier.
C'est donc dans cet objectif que nous vous proposerons d'améliorer sensiblement le contenu de l'article 4 en procédant par voie d'amendements afin de faciliter une maîtrise plus grande de la charge que les familles doivent aujourd'hui supporter pour leur logement.
M. le président. L'amendement n° 48 rectifié, présenté par M. Repentin, Mmes Le Texier, Schillinger et Bricq, MM. Domeizel, Collombat, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le c) de l'article 17 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Aucune révision ne peut intervenir entre le 1er janvier et le 31 décembre 2008. »
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. L'amendement n° 48 rectifié a pour objet de bloquer les loyers pendant un an.
Une telle disposition permettra aux ménages les plus modestes de souffler un peu, notamment ceux qui sont logés dans le secteur locatif privé, qui connaissent régulièrement des progressions annuelles de loyer de l'ordre de 3 % à 5 %, et qui ont eu à subir les hausses du prix du gaz, pour ne citer qu'une mesure récente les affectant directement et pénalisant finalement le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes.
Depuis 2000, les loyers ont progressé de 4,6% par an, soit largement plus que l'inflation. Une étude récente de l'association 60 millions de consommateurs a estimé qu'entre juin 2006 et juin 2007 les revenus des ménages ont progressé de 65 euros, mais que le poids de l'acquisition immobilière ou du loyer en aurait grignoté, à lui seul, 41 euros, réduisant ainsi l'augmentation réelle du pouvoir d'achat à 24 euros.
Il résulte de cette étude que le logement est le poste de dépenses dont les hausses de prix, à l'achat comme à la location, sont celles qui « amputent le plus largement le pouvoir d'achat cette année. En juin 2007, l'augmentation des loyers a enlevé en moyenne près de 6 euros aux ménages par rapport à juin 2006 ».
Les causes de la hausse des loyers sont multiples : les augmentations réglementaires en cours de bail, mais aussi les hausses à la relocation qui s'accélèrent et des pratiques de hausse effectuées hors de tout cadre légal : 26%, ce n'est pas rien !
Depuis 2005, la part des ressources des ménages affectée au logement et à son fonctionnement a atteint un niveau historique avec une moyenne de 24,7 %. Ce taux est fréquemment très supérieur à 30 % et peut même dépasser 50 % du revenu des ménages les plus modestes.
La proposition qui vous est faite est transitoire et non pas définitive. En plus de profiter aux locataires, certes de manière peu perceptible, elle permettra aux marchés locatifs de s'apaiser avec des bénéfices macro-économiques peu visibles et néanmoins importants : progression moins rapide des charges pesant sur les ménages au plus grand bénéfice de la consommation.
Madame la ministre, une disposition similaire a été prise en juillet 2007 par votre gouvernement en application de l'article 18 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, mais elle ne concerne que l'Île-de-France. Nous ne comprenons pas que vous soyez très attentive aux locataires d'Île-de-France et beaucoup moins à ceux des autres régions, qui pourtant subissent eux aussi l'augmentation des loyers.
M. Guy Fischer. Ce n'est pas juste !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, rapporteur. Cet amendement, qui a pour objet de bloquer les loyers, risquerait de contribuer à l'aggravation de la crise du logement. En outre, le blocage des loyers est inefficace, car le retard pris est toujours rattrapé au moment de la libération des loyers. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre du logement et de la ville. Monsieur le sénateur, j'ai bien entendu votre argumentation, mais vous me permettrez de ne pas la partager pour deux raisons.
La première vient d'être exposée par M. le rapporteur.
La seconde est que le blocage des loyers interviendrait au moment où nous vous proposons un premier train de mesures qui vont dans le sens de l'augmentation du pouvoir d'achat et qui sont plutôt favorables aux locataires, ce dont je me réjouis.
Nous devons aussi, compte tenu de la pénurie de logements, encourager les propriétaires à mettre leurs logements vacants sur le marché. Si nous donnons comme premier signal le blocage des loyers, ces logements ne seront pas mis sur le marché.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Pour ma part, je soutiendrai avec le groupe CRC la proposition qui a été formulée par M. Repentin pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, nous ne comprenons pas que des dispositions aient été prises pour encadrer la hausse des loyers en Île-de-France, alors que, dans d'autres grandes régions, je pense à la région Rhône-Alpes, les hausses de loyers dans le parc social - je vous en ai déjà parlé à plusieurs reprises, madame la ministre - pourront atteindre 5 % cette année.
L'Office public d'aménagement et de construction du département du Rhône, dont je suis administrateur, a décidé deux hausses de loyers, une de 1,5 % à 2 % au 1er janvier et une autre de 3 % au 1er juillet, alors que les locataires sont confrontés à de multiples problèmes et que la charge du logement pèse de plus en plus compte tenu de l'augmentation du prix de l'énergie, ce qui, malheureusement, aggrave la situation.
On nous dit, et je le comprends, qu'il y a des logements vacants et que la proposition formulée par M. Thierry Repentin va effrayer les propriétaires. Mais, madame la ministre, ce qui est plus inquiétant, c'est de voir que nombre des logements qui ont été construits et acquis grâce aux dispositifs fiscaux Borloo ou Robien ne trouvent pas de locataires, parce que, bien entendu, les loyers sont trop élevés par rapport aux ressources des ménages.
Ensuite, ce problème est d'autant plus aigu que le nombre de demandeurs de logements n'a jamais été aussi élevé depuis la Libération.
Dans le département du Rhône, notamment dans l'agglomération lyonnaise, on a enregistré 50 000 à 60 000 demandes de logements. Pour les locataires disposant des ressources les plus modestes, certes la hausse de l'APL de 2,76 % au 1er janvier est un premier pas, mais elle est pratiquement égale à l'inflation de l'année 2007.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons l'amendement n° 48 rectifié.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Christine Boutin, ministre. Je tiens à apporter une précision à MM. Repentin et Fischer.
La mesure qu'ils dénoncent est, en réalité, reconduite depuis la loi de 1989, qui instituait cette situation. Il n'y a rien de nouveau par rapport au texte que j'ai signé au mois de juillet dernier.
Pour ce qui concerne les organismes d'HLM, la hausse des loyers est décidée par les conseils d'administration. Or, vous le savez, et vous devez en tenir compte, le loyer maximum est défini par l'IRL, l'indice de référence des loyers.
L'équilibre est très fragile. Je regrette que nous n'ayons pas donné plus de signaux aux propriétaires, puisque nous visons exclusivement les locataires, mais nous verrons ce qu'il en sera à la fin de nos travaux.
Compte tenu de la pénurie du logement, je dois tenter de parvenir à un équilibre entre les deux, mais je n'ai pas de volonté particulière pour l'Île-de-France.
Le préfet Pierre Mutz, à qui j'ai demandé de mettre en place, pour l'Île-de-France, les états généraux du logement et une conférence régionale sur l'hébergement notamment des personnes sans abri, doit me remettre, le 30 janvier prochain, les conclusions intermédiaires des travaux des quatre groupes de travail des états généraux du logement. Sans doute des mesures spécifiques à l'Île-de-France seront-elles proposées, mais, aujourd'hui, je le répète, nous ne faisons qu'appliquer la loi de 1989.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Si cet amendement, comme l'a dit M. le rapporteur, devait aggraver la crise du logement, le Gouvernement n'aurait pas pris ce type de dispositif pour la région d'Île de France.
Nous ne demandons pas à étendre cette mesure de manière automatique à tout notre territoire, mais nous voulons donner la possibilité à Mme la ministre d'y recourir dans certaines zones géographiques si elle l'estime nécessaire. Quiconque, qu'il soit élu des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur, Rhône-Alpes ou encore Alsace, ne peut contester le fait que les loyers augmentent aussi dans les grandes villes.
Le dispositif qui est appliqué depuis la loi de 1989, madame la ministre, est discriminatoire en ce qu'il ne protège que les locataires de la région d'Île-de-France. Les autres se retrouvent face à la seule régulation du marché.
Par ailleurs, M. le rapporteur argue du fait que le blocage des loyers entraînera un rattrapage lors du renouvellement du bail ou de la relocation.
M. Nicolas About, rapporteur. Non ! A la libération des loyers !
M. Thierry Repentin. Cela provoquera un à-coup dans l'augmentation du montant du loyer.
Or, en donnant un outil supplémentaire aux pouvoirs publics, notre amendement vise tout simplement à ne pas permettre cette hausse des loyers ; nous espérons que la commission des affaires sociales y sera sensible.
M. le président. L'amendement n° 84, présenté par Mmes Terrade et David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article 235 ter ZA du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - À compter du 1er janvier 2008, les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation des hydrocarbures ou de distribuer les produits issus de cette transformation sont assujetties à une contribution égale à 45 % de l'impôt sur les sociétés calculées sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et IV de l'article 219. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Nous avons, à de multiples reprises, alerté le Gouvernement sur le poids écrasant de la facture énergétique pour les ménages et les entreprises.
En ce qui concerne plus particulièrement le pétrole, les profits des compagnies pétrolières ne font que renforcer le sentiment d'injustice légitime de nos concitoyens.
Rappelons quelques chiffres.
Alors que l'augmentation du prix du baril de pétrole frôle les 100 dollars, que les bénéfices record des entreprises du CAC 40 se sont élevés à 97 milliards d'euros en 2006, les particuliers et les professionnels voient leur facture énergétique exploser.
Depuis trois ans, les prix du carburant ont entraîné une croissance des dépenses annuelles des ménages de près de 7 milliards d'euros. La hausse vertigineuse du prix des carburants, mais également d'autres produits énergétiques, comme le gaz, dont le prix est abusivement aligné sur celui du pétrole, constitue un handicap majeur pour certains secteurs économiques déjà en difficulté comme la pêche, l'agriculture et les transports. Les compagnies pétrolières ont très largement profité de cette situation.
Alors que leurs coûts de production stagnent, les prix de vente ne cessent d'augmenter. Ainsi, nous vous le rappelions lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, Total a augmenté de 9 %, en un an, le prix moyen de vente des liquides. Le résultat net du groupe s'élevait, à la fin du mois de septembre 2007, à 9,58 milliards d'euros. Or une large part de ces bénéfices est payée par les ménages des grands pays consommateurs tels que la France. Cette situation, qui affecte considérablement le pouvoir d'achat des Français, appelle à un rééquilibrage.
Par cet amendement, nous proposons donc de majorer l'impôt sur les sociétés pétrolières, afin de les faire pleinement participer au redressement des comptes publics. Cette demande est d'autant plus légitime qu'une grande partie des bénéfices des compagnies pétrolières est thésaurisée et ne profite donc ni aux salariés ni aux consommateurs.
Le Gouvernement avait déjà émis un avis défavorable lorsque nous avions présenté il y a quelques semaines cet amendement dans un autre texte, et nous avait demandé d'attendre le collectif budgétaire où serait proposée une mesure censée répondre à l'objectif que nous visions, évitant ainsi d'augmenter le taux d'imposition de ces entreprises. Ce dernier objectif a été atteint. Si la mesure proposée par M. Frédéric Lefebvre est sympathique, elle reste cependant anecdotique, puisqu'elle représente environ 15 millions d'euros.
Dans un texte pour le pouvoir d'achat, il serait anormal que les pouvoirs publics ne trouvent pas de solutions efficaces pour répondre aux difficultés que rencontrent nos concitoyens pour se déplacer ou se chauffer. C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. Il s'agit d'une mesure fiscale sur laquelle la commission des affaires sociales n'a pas d'avis. Si elle considère que ce n'est pas une mauvaise idée,...
Mme Odette Terrade. Je l'espère bien !
M. Nicolas About, rapporteur. ... elle ne voit pas très bien ce que cette disposition viendrait faire dans ce texte.
Mme Odette Terrade. Mais si ! C'est un texte pour le pouvoir d'achat !
M. Nicolas About, rapporteur. C'est sûr ! Mais, c'est de la fiscalité !
Mme Odette Terrade. La facture du chauffage, cela compte !
M. Nicolas About, rapporteur. Je vous propose, ma chère collègue, d'en rediscuter lors de l'examen du projet de loi de finances.
Mme Odette Terrade. La dernière fois, on m'a renvoyé au projet de loi pour le pouvoir d'achat !
M. Guy Fischer. Cela s'appelle : « botter en touche » !
M. Nicolas About, rapporteur. On n'a pas pu vous tenir un tel propos ! Il s'agit d'une question relevant de la loi de finances.
La commission des affaires sociales s'en remet à l'avis de la commission des finances et, pour l'instant, émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des finances ?
M. Serge Dassault, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il n'y a pas photo ! (Rires sur diverses travées.) Il n'est pas question d'augmenter les contributions. Ce n'est pas parce qu'une société pétrolière enregistre des bénéfices ...
Mme Odette Terrade. Il faut la taxer !
M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. ... qu'il faut l'assujettir à des impôts stupides !
Mme Odette Terrade. Mais si !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Elle pourrait apporter une contribution utile !
M. Serge Dassault, rapporteur pour avis. Il y a de moins en moins de pétrole et les recherches coûtent de plus en plus cher !
En revanche, si on imposait une participation aux trois tiers, le salarié pourrait peut-être bénéficier d'une part des bénéfices plus importante qu'elle ne l'est aujourd'hui, dans la limite des plafonds existants.
Mais, franchement, avec cet amendement, vous poussez le bouchon un peu loin, ma chère collègue. (Sourires.) La commission des finances est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Odette Terrade. Il pèse sur les charges des locataires !
Mme Christine Boutin, ministre. L'objectif que vous visez mérite toute notre attention. Du reste, dans leur réponse, les deux rapporteurs ont montré qu'ils y étaient sensibles.
Le Gouvernement partage cette idée. D'ailleurs, à l'Assemblée nationale, lors de l'examen du collectif budgétaire, a été adopté un amendement déposé par Frédéric Lefebvre visant à instaurer une taxe exceptionnelle à la charge des entreprises pétrolières assise sur le montant de la provision pour la hausse des prix inscrite à leur bilan. Ainsi sera limité l'avantage résultant de cette provision, compte tenu de l'évolution des prix du pétrole, sans toutefois surtaxer.
C'est pour cette raison que le Gouvernement a accepté la proposition de ce député et l'a complétée en créant un fonds social pour le chauffage des ménages financé par les entreprises pétrolières, celles-ci pouvant s'acquitter de cette taxe par un versement à ce fonds.
Les sommes ainsi récoltées permettront de soutenir le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes, les plus touchés par la hausse du prix du fioul.
Au bénéfice de ces observations, qui s'inscrivent dans le droit-fil de ce que vous souhaitez, je vous demande, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Je veux simplement faire remarquer à Mme Terrade que le baril de pétrole ne coûte pas 100 dollars. Il était hier à 87 dollars et a atteint ce matin 87,2 dollars.
Mme Odette Terrade. Je vois que vous suivez les cours de la Bourse !
M. Nicolas About, rapporteur. C'est un sujet important !
M. le président. L'amendement n° 85, présenté par MM. Billout et Foucaud, Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article L. 462-3 du code de commerce, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L.... - Le Conseil de la concurrence est obligatoirement consulté par les collectivités de plus de 10 000 habitants sur tout renouvellement de contrat de délégation de service public et la passation des appels d'offres définis par décret relatifs à la distribution et l'assainissement de l'eau. Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. En matière de libre concurrence, nous avons déjà eu l'occasion de dénoncer, lors de l'examen du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, un déficit dans le secteur de la fourniture d'eau et des services d'assainissement. Le Gouvernement nous avait alors répondu ne pas voir le rapport entre le prix de l'eau et le texte en discussion.
Aujourd'hui, vous en conviendrez, madame la ministre, le rapport est étroit. En tout cas, il l'est pour tous nos concitoyens qui voient leurs charges augmenter, sans que leurs rémunérations suivent.
Puisque le moment est venu aujourd'hui, le texte dont nous débattons s'intitulant « pour le pouvoir d'achat », je me permettrai de vous rappeler les arguments que nous avons développés à de multiples reprises concernant ce secteur d'activité.
Depuis plusieurs années, les associations de consommateurs dénoncent les véritables rentes de situation que se sont constituées les quelques groupes intervenant dans ce secteur, aux dépens des collectivités territoriales et des usagers. Nul ne l'ignore, deux groupes dominent, de manière écrasante, le marché de l'eau puisque, dans la France d'aujourd'hui, la distribution d'eau est un marché beaucoup plus qu'un service public.
Il s'agit, d'abord, de Veolia, ancienne Générale des Eaux, vénérable entreprise existant depuis cent cinquante ans, dont les profits réalisés sur l'eau et l'assainissement irriguent généreusement les nouveaux champs d'activité où elle a pu fructifier depuis quelques décennies.
Il s'agit, ensuite, du groupe Suez, ancienne Lyonnaise des Eaux, ...
M. Guy Fischer. Mafieux !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. ... qui dispose, elle aussi, de positions particulièrement importantes sur les marchés de l'eau et de l'assainissement et qui vient de recevoir, avec la privatisation de Gaz de France, un soutien de poids dans le développement de ses stratégies futures.
M. Guy Fischer. Scandaleux !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. De manière plus marginale subsiste également la Saur, filiale de Bouygues, dont on sent confusément, depuis quelque temps, qu'elle souhaite se recentrer sur son coeur de métier, à savoir le bâtiment pour ce qui est de la trésorerie, et l'audiovisuel pour ce qui concerne les profits.
Enfin, comme certains dans cette enceinte le savent, quelques collectivités territoriales continuent tout de même d'opter pour une gestion de leur service des eaux et de leur service d'assainissement par régie directe, en lieu et place de toute autre solution.
Sans surprise, le prix moyen des prestations servies aux usagers se révèle plus faible dans ces régies locales que dans l'ensemble des concessions et affermages constitués au profit - c'est vraiment le mot qui convient ! - des opérateurs privés du secteur.
Ces dernières années, les marchés de l'eau ont fait l'objet de nombreux contentieux juridiques, portant essentiellement sur la qualité des prestations assurées par les concessionnaires de service public, et ayant conduit, en maintes occasions, à la condamnation des pratiques des opérateurs.
C'est ainsi que les usagers du service public de l'eau de la commune de Castres, dans le Tarn, ont obtenu la condamnation de la collectivité concédante et de la compagnie fermière pour facturation de sommes indûment récupérées auprès des usagers.
C'est pour les mêmes motifs que les Stéphanois ont pu obtenir une minoration sensible des tarifs de l'eau dans leur ville. C'est sans doute aussi pour ces raisons que la Ville de Paris a décidé, en 2005, la reprise du service public de l'eau et qu'elle met aujourd'hui en débat, dans une procédure de démocratie participative, la mise en place d'un nouveau plan de service public en régie directe se fixant, entre autres objectifs, la maîtrise du prix de l'eau pour un service de l'eau de qualité et la garantie de l'accès à l'eau pour le plus grand nombre ; la qualité de service aux usagers, comme la qualité sanitaire, le comptage, la facturation ; la sauvegarde du service et de son patrimoine, tels les captages, usines, réseaux, eau non potable, eau de secours, interconnexions ; une organisation transparente assurant un contrôle public total.
Compte tenu des sommes en jeu, il nous semble nécessaire que toute concession de service public venant à terme soit soumise, dans les communes les plus importantes, à l'avis éclairé du Conseil de la concurrence sur la qualité des prestations servies.
Loin de restreindre la portée du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, notre amendement donne des armes aux communes pour exercer cette liberté en toute connaissance de cause.
C'est aussi pour prévenir l'important contentieux juridique survenu ces dernières années sur ces problèmes qu'il nous semble décisif d'inscrire dans la loi la disposition que nous vous proposons.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, rapporteur. Le dispositif qui nous est présenté est manifestement lourd.
De plus, il infantilise les collectivités locales (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) qui, je le rappelle, s'administrent librement.
Enfin, ces dernières ont déjà toutes possibilités de recueillir des informations en cas de besoin et d'être conseillées utilement.
Par conséquent, respectueux que nous sommes des collectivités locales, nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Christine Boutin, ministre. J'ai bien entendu votre explication, madame Gonthier-Maurin. Toutefois, les dispositions proposées dans cet amendement n'apparaissent pas pertinentes et alourdissent considérablement le processus.
En effet, il résulte d'une jurisprudence clairement établie que la loi Sapin de 1993, en encadrant strictement la procédure de passation des délégations de service public, a d'ores et déjà imposé le respect des principes de transparence et de mise en concurrence.
De plus, il convient de souligner que, depuis la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, les communes de plus de 10 000 habitants ont l'obligation de soumettre pour avis tout projet de délégation de service public à la commission consultative des services publics locaux, à laquelle sont notamment associés des représentants d'associations locales.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 86, présenté par Mmes Terrade et David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - La commission des affaires économiques du Sénat réalise avant le 31 janvier 2008 un rapport examinant le respect par les sociétés délégataires du service public de l'eau de leurs obligations, notamment en matière de rémunération du service. À cette fin, seront notamment étudiés la réalité des montants des profits réalisés par ces entreprises, en charge d'un service public ; les bilans comptables de ces entreprises, notamment au regard des critiques formulées dans les lettres d'observation et rapports de la Cour des comptes ; l'effectivité du contrôle par les autorités délégantes du respect par les sociétés délégataires de leurs obligations légales et contractuelles ; la capacité réelle des élus, au vu de la grande technicité de cette question, de garder la maîtrise de la politique de l'eau conduite sur leur territoire de compétence ; les moyens nécessaires pour redonner aux élus la maîtrise de la distribution et de la répartition des usages de l'eau sur ce territoire.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Mon intervention s'inscrit dans la continuité de l'intervention de ma collègue Brigitte Gonthier-Maurin sur les problèmes de l'eau.
Il existe dans notre pays, et c'est plutôt regrettable, une certaine tension sur les questions de coût des services publics de l'eau et de l'assainissement. Cette tension est largement entretenue par les pratiques assez peu transparentes des compagnies fermières, elles-mêmes groupes intégrés, susceptibles de mettre en oeuvre le service et d'effectuer également les travaux d'entretien et d'investissement, attendu que ces groupes ont, au sein de leur portefeuille d'actions, les titres représentatifs de moult sociétés du bâtiment et des travaux publics.
Cette tension est développée aussi par la colère grandissante, et parfaitement légitime dans bien des cas, des usagers et des associations de défense des consommateurs.
L'une d'entre elles, UFC-Que Choisir, publie d'ailleurs régulièrement sur les prix de l'eau une étude fondée sur un certain nombre de paramètres objectifs, mais bien entendu largement contestés par les opérateurs eux-mêmes.
Par ailleurs, la Cour des comptes a eu, à de multiples reprises, tant rue Cambon que dans les chambres régionales, l'occasion de produire des rapports sur les nombreux travers constatés dans la gestion du service public local de l'eau et de l'assainissement. Sont en effet accessibles sur le site de la Cour près de 1 500 rapports divers qui sont centrés sur cette question !
Mais, de manière plus générique, des rapports de portée nationale ont été rédigés par les magistrats de la Cour, notamment le rapport public de décembre 2003 intitulé La gestion des services publics d'eau et d'assainissement. Y sont rapportées de nombreuses observations précises et des recommandations tout aussi précises qu'il conviendrait d'ailleurs, à notre sens, de traduire aujourd'hui.
Parmi les titres de chapitres de ce rapport, notons, au fil des pages : « La formation du prix et la structure des coûts du service restent mal connues et imparfaites » ; « La maîtrise des services d'eau et d'assainissement à améliorer » ou encore « Le contrôle de la performance à renforcer ».
Dans les recommandations de la Cour figuraient notamment des idées. Par exemple, sur la négociation des contrats, la Cour indique : « Certaines collectivités ont pu, dès lors qu'elles en avaient la volonté et la possibilité, conclure avantageusement l'accord de délégation. »
À l'appui de cette affirmation, la Cour cite un certain nombre de cas dans lesquels est intervenue une baisse sensible des tarifs à la suite d'une remise en concurrence du contrat.
Notons encore, toujours au fil des pages : « Quelques facteurs déterminants pour la qualité de l'eau distribuée », « La protection des captages pour préserver la qualité des eaux brutes ».
La Cour relève qu'« un nombre important de communes n'a toujours pas institué de périmètres réglementaires de protection autour des points de prélèvement ».
« Ce constat devrait conduire à s'interroger sur les raisons de cette situation dénoncée depuis longtemps - trop grande complexité des procédures, lenteurs des services instructeurs. Il doit être noté que les périmètres sont institués par arrêté préfectoral et non pas par les communes. »
Et la Cour des comptes de s'appuyer sur les travaux de la Fédération nationale des collectivités concédantes quant aux objectifs de qualité de service ainsi définis.
« Qualité de l'eau distribuée ; continuité de la fourniture de l'eau ; qualité du réseau ; taux de renouvellement du réseau ; durée d'extinction de la dette ; qualité du service aux usagers ; prix du service pour une consommation annuelle de 120 m3 ».
C'est pour y voir clair et permettre une plus grande transparence du service public de l'eau que nous vous présentons cet amendement. Nous vous invitons à l'adopter pour que le Sénat fasse la lumière sur ces pratiques et que nous puissions redonner aux collectivités publiques la maîtrise publique de l'eau.