M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous prenons ce risque !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'article 10.
M. Guy Fischer. Vous aurez sans doute mesuré, par le nombre d'amendements que nous avons déposés, même s'ils n'ont rencontré aucun écho, à quel point nous sommes déterminés à faire supprimer cet article.
La CSG à 7,5 % que vous voulez instaurer - il a pourtant été question d'injustice sociale ce soir - va surtout toucher, on le sait, les salariés modestes, ceux qui ont passé leur vie à travailler et sont usés par les conditions de travail qui leur ont été faites.
Les conditions de travail méritent à l'évidence d'être améliorées, comme l'ont montré plusieurs colloques sur ce sujet, notamment celui qu'a récemment organisé à Bordeaux la Caisse des dépôts et consignations autour des plus grands spécialistes européens de la question. S'ajoute aujourd'hui le problème du stress au travail, qui doit désormais véritablement être pris en compte.
Vous comprendrez donc que cet article, qui vise à instaurer un prélèvement social sur les préretraites et les indemnités de mise à la retraite, ne recueille absolument pas notre assentiment. Cet article, qui a pour objet de limiter le recours aux préretraites d'entreprises et aux mises à la retraite d'office, fera l'objet de discussions, notamment au cours du premier semestre 2008.
Comme vous vous y attendez, mes chers collègues, nous demandons que le Sénat, sur un article dont nous avons demandé la suppression de plusieurs dispositions, se prononce par scrutin public.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 21 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 195 |
Contre | 126 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Article 10 bis
Les deux dernières phrases de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile sont supprimées.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 144 est présenté par MM. Domeizel, Godefroy et Cazeau, Mme Demontès, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, San Vicente-Baudrin, Printz, Schillinger, Alquier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 287 est présenté par MM. Billout et Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 462 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Claude Domeizel, pour présenter l'amendement n° 144.
M. Claude Domeizel. L'article 10 bis, introduit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale à la suite de l'adoption d'un amendement par l'Assemblée nationale, supprime les deux dernières phrases de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, afin que les personnels navigants de cabine partent à la retraite à l'âge de soixante ans, et non plus à l'âge de cinquante-cinq ans.
Nous souhaitons la suppression de cet article, et ce pour deux raisons.
D'une part, selon nous, l'adoption d'une telle disposition n'a fait l'objet d'aucune négociation avec les partenaires concernés.
D'autre part, je ne vois pas pourquoi il faudrait dorénavant une disposition de nature législative pour fixer l'âge de départ en retraite de ces personnels, alors que, jusqu'ici, on renvoyait à un décret, comme l'atteste la rédaction actuelle de l'article L. 421-9, qui prévoit que le personnel navigant de l'aéronautique, c'est-à-dire le personnel de cabine, « ne peut exercer aucune activité en qualité de personnel de cabine dans le transport aérien public au-delà d'un âge fixé par décret. ».
En outre, si j'ai bien compris, la suppression des deux dernières phrases de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile entraînera la disparition de certains dispositifs spécifiques, notamment la possibilité pour certains agents de partir en retraite à l'âge de cinquante ans s'ils ont effectué vingt-cinq années de service, et cela suscite le mécontentement des personnels concernés.
L'article 10 bis soulève tout de même un problème important. Quelle sera la situation des personnels de cabine lorsqu'ils auront atteint l'âge de cinquante-cinq ans ?
En l'état actuel du droit, les agents de plus de cinquante-cinq ans ne peuvent effectivement pas exercer d'activité en qualité de personnels de cabine dans le transport aérien public, mais ils peuvent toujours, sous réserve des possibilités offertes par leur entreprise, bénéficier d'un reclassement dans un emploi au sol.
Or, depuis quelque temps, les compagnies aériennes ne peuvent plus offrir de tels emplois à ces personnels. Dès lors, ceux-ci sont mis d'office à la retraite à l'âge de cinquante-cinq ans, mais, dans les faits, ils ne partent pas en retraite, car ils doivent attendre d'avoir atteint l'âge de soixante ans.
Par conséquent - vous rectifierez si je me trompe, monsieur le ministre -, les personnels concernés sont dans une situation délicate pendant une période de cinq ans, entre l'âge de cinquante-cinq ans et l'âge de soixante ans. En effet, soit ils sont employés par leur entreprise en qualité de personnels au sol, mais cela semble difficile dans les faits, soit ils se retrouvent au chômage, même s'ils perçoivent la retraite complémentaire. Vous le voyez, la situation est compliquée.
À cet égard, l'article 10 bis a au moins le mérite de mettre de telles difficultés en évidence. Et si nous proposons sa suppression, c'est parce que nous estimons qu'il mérite de faire l'objet d'un nouvel examen après une véritable négociation. De surcroît, il est probablement possible de régler le problème en remplaçant simplement les mots : « cinquante-cinq ans » par les mots : « soixante ans », éventuellement par décret.
Quoi qu'il en soit, je souhaite obtenir de M. le ministre des réponses sur la situation des personnels concernés quand ils ont entre cinquante-cinq ans et soixante ans. Il s'agit là, me semble-t-il, d'un problème important.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 287.
M. Guy Fischer. Tout d'abord, je me réjouis que le Gouvernement ait également déposé un amendement tendant à la suppression de l'article 10 bis.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce n'est que reculer pour mieux sauter, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Nous souhaitons revenir sur une disposition particulièrement néfaste, qui figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale depuis l'adoption d'un amendement déposé par M. Jacques Myard à l'Assemblée nationale, le 25 octobre dernier.
L'article 10 bis supprime les deux dernières phrases de l'article L. 421-9 du code de l'aviation civile, qui reconnaît l'existence d'une clause « couperet » interdisant au personnel navigant commercial d'exercer une activité en cabine au-delà d'un certain âge fixé par décret. En l'état actuel de la réglementation, cet âge est fixé à cinquante-cinq ans.
Une telle disposition du code de l'aviation civile résulte notamment de la privatisation d'Air France, qui a sonné le glas du statut spécifique des salariés de l'ancienne entreprise publique. Cependant, grâce à un dispositif particulier financé exclusivement par la Caisse de retraite du personnel navigant, les salariés concernés peuvent aujourd'hui partir en retraite entre cinquante ans et cinquante-cinq ans.
Même si le gouvernement de l'époque nous jurait que l'âge de départ à la retraite serait garanti, l'abandon du statut d'entreprise publique nous était déjà apparu comme la porte ouverte à tous les reculs sociaux. Nous ne nous étions pas trompés !
Nous sommes conscients des problèmes posés par la rédaction actuelle de l'article L. 421-9, notamment s'agissant des agents qui subissent une période de chômage suite à un refus de reclassement au sol, mais nous estimons que l'article 10 bis règle la situation de la plus mauvaise des manières.
D'abord, sur la méthode, il nous paraît incompréhensible qu'une telle disposition, qui revient à allonger la durée d'exercice de ces personnels jusqu'à l'âge de soixante ans, puisse être adoptée dans le cadre pour le moins inapproprié de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'autant que cette décision n'a fait l'objet d'aucune concertation avec les organisations syndicales représentatives concernées.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous cherchez un alibi pour ne rien faire !
M. Guy Fischer. Nous y reviendrons, monsieur le rapporteur.
En outre, l'article 10 bis ne peut se lire qu'en concordance avec la tentative de réforme de la Caisse de retraite du personnel navigant et la volonté globale du Gouvernement de supprimer les régimes dits « spéciaux » ou « autonomes ».
En réalité, par le biais d'une telle réforme, le Gouvernement souhaite allonger la durée d'activité des personnels navigants.
D'une part, la période d'activité serait portée de vingt-cinq à trente annuités et autoriserait un départ à la retraite non plus à cinquante ans, mais à cinquante-cinq ans.
D'autre part, la majoration de pension de 25 %, à laquelle les salariés partis en retraite entre cinquante ans et soixante ans ont droit, devrait progressivement disparaître.
Ainsi, conjuguée avec l'entrée en vigueur de l'article 10 bis, la réforme de la Caisse de retraite du personnel navigant aboutira à une situation très simple : ceux-ci ne pourront plus partir à la retraite avant l'âge de soixante ans, faute de pouvoir bénéficier d'une retraite digne de ce nom.
Une telle disposition est en parfaite cohérence avec la lettre de cadrage de M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité, qui prônait la suppression des clauses « couperet » pour aboutir à un régime unique de retraite. Cela passe notamment par la négation des spécificités de certains métiers. Ainsi la pénibilité est-elle remise en cause dans de nombreuses branches d'activité. Nous sommes fermement opposés à cette vision dogmatique et simpliste.
L'allongement de la durée d'activité pose de sérieux problèmes de sécurité, et particulièrement pour le personnel navigant commercial.
En effet, après trente à trente-cinq années d'activité, les personnels gardent-ils les mêmes réflexes ? Comment croire que ces agents pourront toujours physiquement procéder à l'évacuation d'un avion en quelques minutes, comme ils l'ont fait récemment ?
La pénibilité de ce métier est également caractérisée : le travail s'effectue dans un milieu artificiel, dans un espace pressurisé où l'organisme est soumis à des variations importantes de pression et à une exposition à des vibrations ainsi que des radiations qui ont des répercussions manifestes sur la santé. En outre, ces personnels sont soumis à des rythmes de travail irréguliers ayant des incidences notables sur leur santé et leur vie familiale.
Pour toutes ces raisons, nous préconisons un accès au régime général à cinquante-cinq ans, qui se justifie par la reconnaissance de la pénibilité du travail et des impératifs particuliers de sécurité. En outre, de notre point de vue, il faut également maintenir la majoration de pension entre cinquante ans et soixante ans, car elle permet de garantir le niveau des pensions actuelles.
Plus globalement, un tel mouvement de réformes s'inscrit dans le contexte d'une libéralisation accrue du ciel.
L'aviation civile a beaucoup évolué. La création de compagnies low cost et la suppression des compagnies publiques conduisent à une précarisation globale de la situation des salariés de l'aérien, qui ont bien souvent du mal à justifier de carrières linéaires leur permettant un départ à la retraite avec une pension pleine et entière. C'est à ce mal-là qu'il faut tenter de remédier en créant une sécurité d'emploi et de formation tout au long de la vie.
Mais, comme vous l'avez compris, les négociations avec les organisations représentatives n'ont pas eu lieu.
Dès lors, si nous souhaitons la suppression de l'article 10 bis, c'est afin de permettre une véritable concertation et, surtout, de ne pas soulever un nouveau problème, d'autant qu'une négociation sur la Caisse nationale du personnel navigant est actuellement en cours.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 462.
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement a également déposé un amendement visant à supprimer l'article 10 bis, qui a été inséré dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale à la suite de l'adoption d'un amendement par l'Assemblée nationale.
Les clauses « couperet » ne rencontrent guère d'écho favorable auprès du Gouvernement.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. C'est valable dans les deux sens !
M. Éric Woerth, ministre. D'ailleurs, compte tenu des positions que nous avons toujours défendues, le contraire serait plutôt paradoxal.
De surcroît, le dispositif que l'Assemblée nationale a adopté n'a fait l'objet d'aucune concertation préalable avec les personnels de l'entreprise.
Or, à notre sens, une telle décision aurait dû résulter d'une véritable négociation, comme il se doit dans le monde moderne. En l'occurrence, le dialogue social s'impose d'autant plus que le personnel est relativement partagé sur le sujet.
Même si l'objectif de l'article 10 bis peut être louable, les conditions sociales nécessaires à la mise en place d'une telle mesure, qui a d'ailleurs été adoptée de manière assez sèche, ne me semblent pas réunies.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose d'adopter l'amendement n° 462, qui s'inscrit - une fois n'est pas coutume (Sourires) - dans la même perspective que la proposition de M. Fischer.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, j'entends bien que l'on ne peut rien décider sans concertation préalable. Il y a beaucoup de syndicalistes au sein du personnel navigant, et l'on ne va pas énerver des personnels qui, énervés, l'ont été, le sont sans doute déjà un peu et pourraient l'être beaucoup plus encore...
Toutefois, à titre personnel, je ne voterai pas ces amendements identiques de suppression parce qu'ils sont en totale contradiction avec les mesures de taxation des préretraites qui sont prises par ailleurs dans ce PLFSS pour 2008.
Je l'ai dit et je le répète, certains articles de ce projet de loi manquent de cohérence entre eux.
D'ailleurs, on peut complètement inverser le raisonnement de M. Fischer, qui s'est exprimé longuement sur ce sujet avec une sincérité dont je ne doute pas.
Mes chers collègues, les ruptures de carrière sont aussi valables dans un sens que dans l'autre. On le voit bien aujourd'hui avec l'allongement de la durée de la vie. Plusieurs syndicats de pilotes demandent à pouvoir continuer à piloter jusqu'à soixante ans, comme dans d'autres pays d'Europe, notamment en Europe du Nord.
Non, vraiment, tout cela est baroque et explique pourquoi notre pays semble un peu étrange aux yeux des autres.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Voilà un combat commun mené par M. Guy Fischer et, au nom du Gouvernement, par M. Éric Woerth, visant à supprimer un article introduit par l'Assemblée nationale.
Mes chers collègues, nous nous retrouvons dans une situation un peu paradoxale, car l'amendement de M. Jacques Myard a été adopté à l'Assemblée nationale essentiellement avec le soutien du groupe socialiste et du groupe communiste et quelques membres du groupe UMP. Ici, la situation est complètement inversée, et c'est plutôt le groupe communiste qui vient au secours du Gouvernement, car je n'ai pas entendu le groupe socialiste s'exprimer sur le sujet...
M. Claude Domeizel. Si !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Pardonnez-moi, monsieur Domeizel, mais vous avez été le premier à vous exprimer et les interventions qui ont suivi ont été tellement longues que j'avais fini par oublier la vôtre. (Sourires.)
Je me souviens, en effet, de la présentation de votre amendement en commission. Vous considériez même que tout cela pouvait se régler par voie réglementaire et qu'une loi n'était pas nécessaire, ce sur quoi vous n'avez pas complètement tort.
M. Claude Domeizel. Ah !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais, pour ce qui concerne la disparition des mises à la retraite d'office, il faudra de toute façon une disposition législative, si telle est l'intention du Gouvernement dans le cadre de la réforme des régimes de retraite, qu'il s'agisse du régime de base ou des régimes spéciaux.
J'entends bien l'argumentation développée par le Gouvernement, qui souhaite qu'une concertation soit menée en amont avant de prendre des mesures de cette nature. Sous cette réserve, monsieur le ministre, si j'ai bien compris, vous n'avez pas d'opposition de principe à faire disparaître, dans le cadre de la réforme des régimes spéciaux, une disposition qui permet aux entreprises de mettre à la retraite d'office des personnels, et dans le cas présent, des hôtesses de l'air et des agents navigants.
Il faut bien avoir à l'esprit que, du fait de cette clause « couperet », des personnels auxquels il ne manque que quelques trimestres pour faire valoir leur droit à la retraite à taux plein sont mis à la retraite d'office, et ainsi privés du bénéfice d'une pension à taux plein. Cette mise à la retraite d'office n'est donc certainement pas une avancée sociale, monsieur Fischer, et il ne serait pas illégitime de la soumettre à son tour à la logique du couperet...
Nous devrions, à mon sens, dès que possible, mettre en oeuvre un dispositif permettant de prolonger la période d'activité. J'ai cru comprendre que c'était le fil conducteur de la réforme que souhaitent le Président de la République et le Gouvernement, plus particulièrement Xavier Bertrand, dans le cadre des négociations qu'il mène avec les partenaires sociaux. Il a même fait valoir que la prolongation de la durée d'activité était un élément incontournable de la réforme et que, sur ce point, le Gouvernement n'avait pas l'intention de céder, mais préférait plutôt agir sur d'autres éléments pour rechercher un consensus et essayer de trouver un équilibre.
Donc, après avoir écouté M. le ministre, et au nom de la commission, je m'en remets à la grande sagesse du Sénat.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Leclerc, pour explication de vote.
M. Dominique Leclerc. Je sais bien qu'en politique on n'est pas à une contradiction près, mais, lorsque nous avons été saisis du PLFSS, l'amendement de notre collègue député Jacques Myard semblait aller dans le bon sens.
Nous sommes censés livrer combat contre les dispositifs de préretraite, mais, en 2003, et l'an dernier encore, nous avons tous ravalé notre discours politique, car tous ces amendements sur les préretraites, portés on sait comment, ont abouti au fait qu'il y a aujourd'hui 122 conventions collectives représentant 40 % à 50 % des salariés concernés. En somme, nous n'avons pas cessé de nous renier !
On ne cesse de dénoncer l'âge couperet de mise à la retraite, le faible taux d'emploi des seniors, l'attitude du patronat qui préfère faire jouer la solidarité nationale au travers des préretraites, parce que cela le sert dans la gestion de la pyramide des âges. Vous me direz qu'Air France est une toute petite entreprise et qu'il lui est bien difficile de retrouver des postes de travail qui correspondent aux aptitudes des personnels navigants d'un certain âge !
Si les Français savaient, cher collègue Domeizel... Si les Français savaient qu'à cinquante-cinq ans, on dit aux agents d'Air France qu'on ne peut plus les faire voler, que l'entreprise Air France - encore une fois, une toute petite entreprise de quelques dizaines de personnes à peine -, ne peut pas leur trouver un autre emploi, qu'ils doivent rentrer chez eux, mais qu'en attendant l'âge de la retraite de base ils peuvent bénéficier d'une retraite complémentaire et de l'accès à l'ANPE !
Nous sommes en totale contradiction avec tout ce qui est dit depuis 2003 sur le financement de la branche vieillesse.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Dominique Leclerc. C'est de la pure schizophrénie et, pour ma part, je ne peux pas participer à un exercice aussi ubuesque.
Mais le dernier argument est, à mon sens, le plus beau : il n'y aurait pas eu de discussions au sein de l'entreprise avec les personnels concernés.
L'an dernier, nous avons été interpellés sans ménagement par les audioprothésistes - ils avaient raison -, qui découvraient tout d'un coup dans le PLFSS une mesure qui allait totalement bouleverser leur profession. Et je ne parle pas d'une mesure de déréglementation qui devait affecter une autre profession et qui figurait dans le PLFSS initial. Dans l'un et l'autre cas, on avait, bien entendu, oublié d'en parler aux professionnels concernés. On le voit, cette façon de procéder est courante.
Aujourd'hui, on en tire prétexte pour faire obstacle au maintien, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'une disposition qui est dans la logique suivie par le Gouvernement. Ce sera sans moi ! Je ne peux pas voter ces amendements de suppression, car je tente, moi, de rester fidèle à la ligne politique de la majorité dans le domaine de l'emploi et des retraites, sans égard pour toutes les faiblesses que l'on a pu avoir ces derniers temps ! (M. le rapporteur pour avis applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Leclerc, je vous ai bien entendu et je ne vous demande pas d'abandonner vos convictions en votant l'amendement du Gouvernement, bien évidemment, et d'ailleurs, ces convictions, je les partage, sinon je ne serais pas là aujourd'hui, et j'imagine qu'elles sont également partagées au moins sur la partie de l'hémicycle où vous siégez.
La question telle qu'elle se pose est un peu différente. Ce n'est pas vraiment une clause « couperet », c'est une clause d'interdiction d'exercer en cabine. Il s'agit d'un problème de fonctionnement qui se pose à Air France.
Le principe de base de la politique du Gouvernement est de faire en sorte que les gens qui ont envie de travailler plus longtemps puissent le faire. Mais cet amendement est venu brutalement à l'Assemblée nationale sans la moindre concertation au sein de l'entreprise. Nous sommes là pour légiférer, certes, mais pas sans prendre en compte le dialogue social à l'intérieur des entreprises, c'est la moindre des choses. !
Par conséquent, il faut laisser le temps au dialogue social de s'instaurer et à la direction générale de l'entreprise de cheminer dans le sens que nous souhaitons, sinon nous risquons d'aboutir à une situation de blocage, tout simplement pour avoir voulu aller trop vite.
J'ajoute qu'en cette affaire le pragmatisme doit l'emporter et qu'il ne faut pas être trop dogmatique, sachant que l'objectif est bien de permettre aux personnes de travailler plus longtemps.
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Monsieur Leclerc, ma position sur cet article n'a rien de paradoxal. Je conviens qu'il peut paraître surprenant qu'une personne mise à la retraite à cinquante-cinq ans soit au chômage si elle ne retrouve pas de travail et perçoive donc des indemnités à ce titre. Au passage, cette situation est fort désagréable à supporter psychologiquement.
En l'espèce, je pense qu'il faut en revenir au maître mot du débat, à savoir la pénibilité. D'après ce que je sais de ce métier, nous sommes vraiment là dans un cas particulier de pénibilité au travail.
Par ailleurs, cher collègue, il peut arriver que nous ayons, avec le Gouvernement, des positions identiques, même si ce ne sont pas toujours pour les mêmes raisons. (Sourires.)
Si nous proposons la suppression de cet article, c'est d'abord et avant tout parce qu'il n'y a pas eu de négociations préalables. Ensuite, point n'est besoin d'une loi, il suffit de modifier le décret. Nous serions bien inspirés à l'avenir de prendre pour habitude de ne pas modifier par la loi des dispositions qui relèvent du décret.
En conséquence, nous voterons notre amendement de suppression, et celui du Gouvernement, puisqu'il est identique au nôtre ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Chers collègues, si j'ai déposé cet amendement de suppression, sur lequel je demande au Sénat de se prononcer par scrutin public, c'est, en mon âme et conscience, parce que je tire les enseignements du passé : sur un problème aussi important, il doit y avoir négociation. Or celle-ci n'a pas eu lieu. À cet égard, je rejoins la position de M. le ministre et m'en réjouis.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 144, 287 et 462.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 22 :
Nombre de votants | 320 |
Nombre de suffrages exprimés | 320 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 310 |
Contre | 10 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 10 bis est supprimé.
Article 11
I. - L'article L. 136-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Dans le a et la première phrase du cinquième alinéa du II, les mots : « aux dispositions des III, IV et V » sont remplacés par les mots : « au III » ;
2° Le III est ainsi rédigé :
« III. - L'assiette forfaitaire provisoire prévue au a du II est égale à six cents fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l'année au titre de laquelle la contribution est due. » ;
3° Les IV et V sont abrogés ;
4° Le quatrième alinéa du VII est ainsi rédigé :
« Pour les personnes redevables de la cotisation de solidarité définie à l'article L. 731-23 du code rural, lorsque les revenus professionnels ne sont pas connus, la contribution est calculée sur une assiette forfaitaire provisoire égale à cent fois le montant du salaire minimum de croissance en vigueur au 1er janvier de l'année au titre de laquelle la contribution est due. » ;
5° Le sixième alinéa du VII est supprimé.
II. - Le II de l'article L. 136-5 du même code est ainsi rédigé :
« II. - La contribution due sur les revenus des personnes assujetties au régime de la sécurité sociale des salariés des professions agricoles est directement recouvrée et contrôlée par les caisses de mutualité sociale agricole, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations dues au régime de la sécurité sociale des salariés des professions agricoles.
« La contribution due sur les revenus des personnes assujetties au régime de la sécurité sociale des non-salariés des professions agricoles ainsi que la contribution due sur les revenus des personnes redevables de la cotisation de solidarité visée à l'article L. 731-23 du code rural sont directement recouvrées et contrôlées par les caisses de mutualité sociale agricole, selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations d'assurance maladie, maternité et invalidité dues au régime de la sécurité sociale des non-salariés des professions agricoles. »
III. - L'article L. 741-27 du code rural est ainsi modifié :
1° Les I, II, III et IV deviennent respectivement les II, III, IV et V et il est rétabli un I ainsi rédigé :
« I. - Les dispositions du II de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale sont applicables aux cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales dues pour l'emploi d'accueillants familiaux mentionnés à l'article L. 441-1 du code de l'action sociale et des familles par les groupements professionnels agricoles mentionnés au 6° de l'article L. 722-20 du présent code qui ont passé un contrat conforme aux articles L. 442-1 et L. 444-3 du code de l'action sociale et des familles. » ;
2° Dans le III, la référence : « I » est remplacée par la référence : « II ».
Mme la présidente. L'amendement n° 247, présenté par MM. César et Mortemousque, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - À l'article L. 751-17 du code rural, après la référence : « L. 241-13 » sont insérés le mot et la référence : « et L. 241-18 ».
Les dispositions du présent paragraphe s'appliquent à compter du 1er octobre 2007.
... - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du paragraphe ci-dessus est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Dans la loi d'orientation agricole de novembre 2005, j'avais défendu, en tant que rapporteur, non seulement les agriculteurs, mais également les salariés agricoles.
Dans un même esprit, l'amendement que je vous propose d'adopter aujourd'hui, mes chers collègues, est un amendement de cohérence avec la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi « TEPA ». Il vise à compléter les renvois, dans le code rural, à la branche accidents du travail pour ce qui concerne la déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires réalisées par les salariés agricoles.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Au mois de juillet dernier, j'ai été rapporteur pour avis, aux côtés de Philippe Marini, du projet de loi TEPA. Or j'ai gardé le souvenir que Mme Lagarde nous avait précisé que le dispositif s'appliquait également aux agriculteurs et aux salariés agricoles.
C'est pourquoi je sollicite l'avis du Gouvernement pour savoir si la précision que nous propose notre collègue Gérard César est vraiment utile et nécessaire.
M. Gérard César. Elle est indispensable !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si le Gouvernement y est favorable, nous le suivrons !
Mme la présidente. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 247 rectifié.
Je mets aux voix l'amendement n° 247 rectifié.
(L'amendement est adopté.)