Mme Nicole Bricq. Ah !
M. Michel Mercier, rapporteur. Voilà pour le premier point, mon cher collègue : il y avait non pas divergence, mais au contraire convergence.
En second lieu, je vous accorde que le département de la Creuse connaît un vrai problème et qu'il faudrait peut-être traiter son cas à part.
M. Bernard Frimat. Très bien ! Vous progressez !
M. Michel Mercier, rapporteur. Cependant, toute mesure d'ordre général doit préalablement faire l'objet de simulations. Or, la proposition de loi de notre collègue n'en comporte aucune.
Monsieur Moreigne, consultez le tableau qui se trouve à la page 24 du rapport. Vous constaterez que la Creuse ne compte pas parmi les départements qui seraient bénéficiaires du dispositif visé dans le texte qui nous est proposé, et ce pour deux raisons très simples : d'une part, elle bénéficie déjà d'un certain nombre de mesures péréquatrices et, d'autre part, son potentiel fiscal élargi au sens de la proposition de M. Marc se situerait à 550 euros par habitant, soit 50 à 60 euros au-dessus du seuil lui ouvrant droit aux aides.
Vraiment, j'aurais de la peine à voter l'amendement de M. Marc, car, s'il était adopté, la Creuse qui, comme vous nous l'avez très bien expliqué, a besoin de beaucoup ne percevrait rien !
M. Michel Moreigne. Merci !
M. Michel Mercier, rapporteur. Elle ne percevrait rien parce que nous ne disposons malheureusement d'aucun moyen statistique, d'aucune étude, d'aucune simulation, autant d'éléments indispensables pour la rédaction d'une telle proposition de loi. Même la Direction générale des collectivités locales n'a pu nous être d'une aide quelconque.
Nous touchons là à un problème fondamental de nos institutions auquel M. Balladur proposera peut-être, comme je l'espère, de porter remède.
L'ambition de M. Marc est une ambition ancienne, partagée par tous. Un certain nombre de ceux qui sont présents dans cet hémicycle se souviennent d'avoir voté, dans le cadre de l'examen de la loi Pasqua et sur proposition de ce dernier, une disposition identique à celle qui nous est proposée aujourd'hui par notre collègue. Bien qu'adoptée à l'unanimité, elle ne fut jamais mise en oeuvre.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement de M. Marc. Je reconnais tout à fait que l'article 1er, dans la rédaction proposée par la commission, est d'une portée bien plus modeste : s'il tend à limiter l'augmentation du complément de garantie de la DGF des communes, il présente cependant l'avantage de renforcer la péréquation à leur profit, pour un coût d'environ 10 millions d'euros par an.
Une fois que le groupe de travail sur l'impact du recensement, constitué au sein du comité des finances locales, aura rendu ses conclusions, ainsi que l'a rappelé M. Lambert, il sera peut-être possible d'aller plus loin. Mais à ce jour, ainsi que l'atteste l'exemple de la Creuse, nous ne pouvons légiférer à l'aveuglette. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. Bernard Frimat. Votre intervention était ... creuse ! (Rires.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur Marc, vous proposez, par votre amendement, de rétablir l'article 1er dans sa rédaction initiale.
J'ai eu l'occasion, tout à l'heure, d'exprimer le point de vue du Gouvernement sur la rédaction proposée par votre commission. Il vaut aussi pour votre amendement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous exprimé la volonté de voir améliorer le mécanisme de la péréquation. Monsieur Marc, je ne peux vous laisser dire que le Gouvernement ne partage pas cet objectif. Je rappelle que, cette année, la dotation de solidarité urbaine augmentera de 9,4 % et que la dotation de solidarité rurale progressera dans une proportion identique, si le comité des finances locales en est d'accord.
La péréquation n'a jamais été aussi élevée qu'aujourd'hui. Nous sommes évidemment favorables à son amélioration. Néanmoins, nous pensons qu'il n'est pas opportun de modifier par petites touches la répartition de la DGF. Pour cette raison, nous vous invitons à prendre en considération les contributions de votre collègue Alain Lambert, à attendre les conclusions du groupe de travail constitué au sein du comité des finances locales sur l'impact du recensement et, enfin, à étudier avec la Conférence nationale des exécutifs l'effet que pourrait avoir un déplacement du curseur dans un sens ou dans un autre.
Nous ne disposons pas réellement d'études sur les effets que pourrait avoir votre amendement, monsieur le sénateur. En particulier, nous ignorons quelles seraient les conséquences des transferts auxquels vous proposez de procéder, dont le montant atteint tout de même 2,5 milliards d'euros pour les communes et plus de 140 millions d'euros pour les départements. En outre, j'observe que votre amendement ne s'appliquerait pas aux régions, qui ne sont pas concernées par le critère du potentiel financier.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J'ai écouté avec attention les remarques qu'a suscitées cette proposition de loi. J'ai beaucoup apprécié la façon dont Michel Moreigne nous a présenté la situation de la Creuse, car elle illustre bien les difficultés dans lesquelles se trouvent les départements, dont on ne prend jamais en compte les charges qui leur ont été transférées quand on analyse la situation de leurs ressources.
Monsieur le rapporteur, en montrant que la Creuse ne bénéficierait aucunement de la réforme de la péréquation telle que la propose notre collègue dans son amendement, vous illustrez à votre tour parfaitement mon propos.
Aujourd'hui, nous sommes dans une situation très particulière : les ressources et le potentiel financier d'un département ou d'une commune sont analysés sans jamais qu'il soit véritablement tenu compte de ce que sont leurs charges réelles. C'est un problème pour appréhender au mieux la situation financière des collectivités territoriales.
Prenons l'exemple d'un département très industrialisé comme la Seine-Saint-Denis. On pourrait penser qu'il dispose de moyens extrêmement importants. Or, compte tenu des charges qui lui incombent, de la composition de sa population et de la faible capacité contributive de cette dernière, il rencontre de vraies difficultés pour supporter le coût des services nécessaires à la vie quotidienne de ses habitants. Tant qu'on raisonnera à masse constante, on ne progressera pas. C'est là un point faible de cette proposition de loi, qui, par ailleurs, me semble intéressante.
L'État affirme consentir cette année un effort en matière de DGF, mais il le fait payer aux collectivités qui bénéficient de la DCTP. S'agit-il nécessairement de collectivités très riches, dont les populations peuvent être mises à contribution ?
Un certain nombre de communes qui se retrouvent dans cette situation ont, depuis plusieurs années déjà, potentiellement perdu des capacités par rapport à d'autres qui, pour leur part, ont vu leurs capacités se développer. Je rejoins notre collègue Jean-Pierre Sueur quand il affirme que l'effet péréquateur de la DGF est inférieur à 10 %. De fait, certaines collectivités vivent moins bien qu'il y a quelques années en raison de la baisse de leurs recettes qu'ont provoquée ces formules.
J'admets qu'il serait utile de procéder à des analyses complémentaires et qu'il ne serait pas opportun de procéder à des changements par petites touches. Pourtant, la loi de finances pour 2007 a apporté une modification à la DGF- précisément par une petite touche -, qui a concerné environ 3 000 communes et qui a porté sur 13 millions d'euros.
Une véritable réforme de la péréquation passe par l'engagement de moyens supplémentaires.
Des deux propositions que j'ai faites, je n'en rappellerai qu'une seule. L'État perçoit le produit de la cotisation minimale de taxe professionnelle, qui devrait normalement échoir aux collectivités locales. L'an prochain, il percevra à ce titre 2,5 milliards d'euros, contre 2,3 milliards d'euros cette année. Pour quelle raison ce système anormal perdure-t-il ? Pourquoi l'État encaisse-t-il le produit d'une taxe destinée aux collectivités territoriales ?
Malheureusement, la proposition de loi que nous examinons n'est pas suffisamment aboutie pour régler cette question. Aussi, je m'abstiendrai sur l'amendement que présente notre collègue François Marc, tout en précisant que la rédaction proposée par la commission pour l'article 1er ne me convient absolument pas.
M. le président. La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.
M. Charles Guené. La générosité des auteurs de la présente proposition de loi m'émeut. En tant que « rural », je me demande même si je ne serais pas allé plus loin...
Cela dit, il est assez curieux de voir comment l'inspiration vous vient, mes chers collègues du groupe socialiste, lorsque vous n'êtes plus aux affaires. M. Sueur devient carrément lyrique, qui nous entonne un fabuleux opéra sur l'air du « Marchons ! Marchons ! ». « Et même dans le brouillard ! », serais-je tenté d'ajouter, tant est grand votre état d'impréparation, comme l'ont très bien montré nos collègues Jean-Pierre Fourcade et Alain Lambert. (Sourires.)
La précipitation est évidente et le plus grave, c'est qu'il n'y a pas eu de concertation, avouez-le, et encore moins de simulation.
Il est utile de rappeler, surtout en ce moment, que le Président de la République lui-même a adressé une lettre de mission à Mme Lagarde, précisant que, dès 2008, les valeurs locatives seraient modernisées et que la réforme serait axée à la fois sur la péréquation, mais également sur les quatre principes suivants : « proscrire autant que faire se peut la superposition des autorités ayant un pouvoir de taux sur une même assiette, attribuer à chaque collectivité territoriale un niveau de diversification suffisant de ses ressources fiscales, supprimer à terme toute interposition de l'État entre les collectivités et les contribuables, enfin, limiter les transferts entre collectivités ».
On sent qu'une réforme est prête, et je crois que nous ne pouvons vraiment pas retenir les propositions qui nous sont faites aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle notre groupe ne votera pas cet amendement, bien qu'il en soit tenté.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. L'amendement que nous vous soumettons vise à créer un filet de sécurité pour les collectivités : on ne peut pas laisser les plus pauvres d'entre elles dans l'état où elles peuvent parfois se trouver, avec, au surplus, l'augmentation des charges transférées. C'est la base de cette proposition. On peut y être opposé, mais il faudra s'en expliquer auprès des élus.
S'agissant de la Creuse, qui a été évoquée, l'argument ne tient pas, cher collègue Michel Mercier, parce que la question du potentiel financier mérite un réexamen attentif avant que l'on puisse refaire les comparaisons. C'est un sujet sur lequel nous aurons de nouveau l'occasion de débattre.
Permettez-moi d'ajouter qu'il me paraît dangereux de voter la version de cet article 1er qui nous est proposée par la commission des finances. Pourquoi ? Certains d'entre vous ont prétendu qu'aucune simulation ni aucun chiffrage n'avaient été réalisés. Nous, nous les avons faits pour votre proposition !
Ces chiffrages, qui ont été effectués par des experts spécialisés dans ce domaine, donnent les indications suivantes : ce sont non pas 10 millions d'euros, mais 7 millions d'euros qui pourraient être déplacés avec votre proposition, monsieur le rapporteur. Cette somme serait à répartir par le comité des finances locales entre la DSU, la DNP, la dotation des groupements, et la DSR. Donc, il n'y a pratiquement aucune chance que la DSR en soit destinataire, ou alors elle le sera très peu, compte tenu du mode d'affectation habituel et du besoin en DNP.
L'idée d'abaisser le seuil pour favoriser la péréquation paraît logique, mais elle ne fonctionne que pour les départements et les régions. Or vous avez décidé de les exclure. D'après une étude approfondie menée en 2006, l'impact de la réforme de la dotation forfaitaire est tel que 56 % des communes à faible potentiel fiscal sont défavorisées par la désindexation de la DGF à travers la garantie que vous voulez accroître, alors que 75 % des communes à fort potentiel en bénéficient.
Donc, avec votre système qui s'appuie sur l'extension du dispositif de garantie, on obtient un résultat contre-péréquateur. En effet, je le souligne à nouveau, sur l'ensemble des communes, les 75 % les plus aisées bénéficieront de la garantie de façon plus avantageuse, tandis que les 56 % les plus défavorisées, qui ont un faible potentiel fiscal, subiront encore un peu plus l'écart de ressources qui naît de l'attribution de DGF.
Mes chers collègues, j'attire votre attention sur ce point : si notre amendement n'est pas adopté par le Sénat, on en reviendra à la formulation retenue par la commission des finances. Mais cette solution, je le souligne, est contre-péréquatrice et va exactement à l'opposé de l'objectif que nous avons cherché à atteindre dans notre proposition de loi.
Dans ces conditions, nous appelons à voter notre amendement et, en tout état de cause, à ne pas adopter cette formulation, laquelle est la pire qui soit par rapport à la péréquation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Lumineuse démonstration !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 16 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 298 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 150 |
Pour l'adoption | 104 |
Contre | 194 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 1er.
Mme Gisèle Gautier. Je m'abstiens !
(L'article 1er n'est pas adopté.)
Article 2
Avant le 1er septembre 2008, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport étudiant les modalités de la substitution éventuelle, à la part départementale de la taxe d'habitation, d'une part additionnelle à la contribution sociale généralisée.
Ce rapport explore notamment les conditions et les limites dans lesquelles le taux de la part additionnelle visée au précédent alinéa pourrait faire l'objet d'une modulation à l'initiative des départements.
Il s'appuie sur toutes simulations utiles, quant aux effets d'une éventuelle réforme pour les contribuables, pour les départements, et pour le budget de l'État. Il envisage les dispositifs transitoires de lissage des effets de cette réforme pour les contribuables.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.
Mme Marie-France Beaufils. La proposition qui nous est faite dans cet article 2, et qui rappelle un peu la défunte taxe départementale sur le revenu dont il fut question voilà quelques années pour remplacer la taxe d'habitation, n'emporte pas mon adhésion, bien au contraire. Nous ne sommes pas favorables à une telle évolution du financement des collectivités locales.
Il s'agit d'un problème qui ne date pas d'aujourd'hui et qui nous semble important. Il existe un décalage entre la réalité de la taxe d'habitation dans chacun des départements métropolitains, qu'il s'agisse de l'assiette, du taux d'imposition ou du produit fiscal, et la réalité du revenu des résidents desdits départements.
On pourrait citer plusieurs exemples, mais je me contenterai d'évoquer la région Nord-Pas-de-Calais. En 2006, le revenu fiscal de référence moyen était de moins de 15 200 euros dans le département du Nord, et de 14 000 euros dans celui du Pas-de-Calais. A contrario, dans la Ville de Paris, le revenu de référence par foyer fiscal approche 28 000 euros, avec une distribution relativement éparse.
Je ne reviendrai pas dans le détail de cette situation, mais l'on sait que le profil de l'ensemble de la taxe d'habitation est différent dans chacun des départements concernés.
Si l'on s'intéressait aujourd'hui à la façon dont s'applique la CSG dans les départements, on trouverait des inégalités très importantes entre eux en fonction des revenus. Autrement dit, on risquerait de connaître les mêmes écarts, compte tenu des ressources qui sont celles que l'on connaît aujourd'hui, et de se retrouver face à la nécessité d'une modulation impérieuse de la CSG selon les départements, en fonction de la situation de la population.
Par ailleurs, il y aurait transfert entre contribuables, puisque le montant de la CSG porterait sur l'ensemble des revenus compris dans l'assiette, ce qui risquerait d'accentuer encore les disparités.
Ce serait donc une forme de pénalisation des foyers fiscaux comprenant deux salariés, voire plus. Un enfant majeur travaillant et contraint de rester au domicile serait aussi conduit à participer.
Pour l'ensemble de ces raisons, nous ne pouvons approuver cet article 2.
S'il est nécessaire de trouver les moyens de répondre au besoin de financement des obligations sociales qui ont été transférées vers les départements, nous pensons que c'est dans le périmètre d'action de la sécurité sociale que nous devons trouver une réponse à cette question.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À ce stade du débat, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi ayant été privée de son article 1er, le rapporteur de la commission des finances avait essayé de préserver à ce texte un seuil de crédibilité, de faisabilité.
M. François Marc. Cela va mal finir !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Malheureusement, le souhait absolu des auteurs de la proposition de loi n'a pas permis d'avancer.
J'ai bien conscience que nous avons d'importants rendez-vous et que le rapport que doit déposer Alain Lambert dans les prochaines semaines devrait nous permettre de cadrer notre débat. Ce sera certainement très stimulant et exaltant.
Les contraintes sont telles que le temps est révolu où l'on pouvait spéculer sur les largesses de l'État. Sur toutes les travées, on appelle à la réduction du déficit public et au désendettement. Nous rêvons tous, naturellement, de pouvoir légiférer et de proclamer que toux ceux pour lesquels nous légiférons seront gagnants, que la péréquation n'entraînera aucun perdant. C'est un exercice particulièrement difficile, et c'est certainement, on l'a rappelé, la quadrature du cercle.
Monsieur Moreigne, vos propos m'ont fait penser à ceux de l'un de nos collègues qui, un soir, à l'occasion de l'examen des crédits des collectivités territoriales, s'exclamait : si vous tenez compte des dotations compensatrices, les pauvres ne seront plus pauvres et ils ne pourront plus prétendre à des suppléments de dotations. Vous êtes sans doute nombreux à vous souvenir de cette problématique presque pathétique !
A ce stade du débat, la proposition de loi se réduit à un seul article par lequel on demande au Gouvernement de réaliser des simulations et de les présenter devant le Parlement dans un rapport publié avant le 1er septembre 2008. Voter une telle proposition de loi nous vaudrait sans doute un blâme de Portalis. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. Laissez-le dormir !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. A titre personnel, je ne le ferai pas.
S'agissant des possibilités de substitution que nous avons évoquées tout à l'heure, le rapport de M. Alain Lambert apportera sans doute des éléments de réponse.
Pour l'heure, je considère qu'il est plus sage de ne pas voter l'article 2 de cette proposition de loi et de renvoyer toute décision aux prochains rendez-vous importants qui, eux, présenteront tous les gages et toutes les exigences de cohérence.
Je remercie M. le rapporteur de ses efforts, dont chacun apprécie la nature, afin de permettre au Sénat de voter un texte. Néanmoins, compte tenu du rejet de l'article 1er, le mieux, me semble-t-il, est de voter contre l'article 2, donc de renoncer à « sortir un texte ».
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.
M. Alain Lambert. Dans un premier temps, la proposition du groupe socialiste m'avait paru improvisée. Elle ne s'appuyait, en effet, sur aucune simulation et n'était, en outre, pas constitutionnelle. Bref, elle n'était pas faite pour s'appliquer. D'ailleurs, même Mme Beaufils en avait, avec délicatesse, débusqué toutes les ambiguïtés. La démarche ne semblant pas constructive, je ne pouvais la suivre.
Toutefois, la discussion avançant, j'ai acquis la conviction que cette proposition était moins improvisée qu'elle ne le paraissait.
Parallèlement, M. Mercier, animé d'un esprit consensuel, nous a présenté une bonne disposition.
Dans ces conditions, je ne puis que me rallier à la suggestion fort réaliste de M. le président de la commission des finances de ne pas voter l'article 2.
Il nous appartient de continuer à travailler, au sein de la commission des finances, sur la péréquation, afin de parvenir, avec le Gouvernement, à trouver une solution. Si nous y parvenons, nous pourrons dire que le Sénat aura bien travaillé.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Mercier, rapporteur. Je vous remercie de vos propos, monsieur Lambert. Nous avons tenté d'aller au bout des possibilités qui sont dévolues aux parlementaires dans l'élaboration de la loi. Le comité Balladur a présenté des dispositions visant à revaloriser le rôle du Parlement ; aujourd'hui, nous avons montré tout ce qui nous manque pour que ce dernier puisse jouer correctement son rôle.
Compte tenu du rejet de l'article 1er, il n'y a pas d'autre issue que de repousser l'article 2, qui n'a désormais plus de sens. Voter une loi ne comportant ni règles ni normes reviendrait à voter une loi de proclamation dont le seul objectif serait de demander le dépôt d'un rapport au Gouvernement. Si la réforme des institutions a lieu, nous pourrons, demain, voter une résolution.
Pour l'heure, nous sommes arrivés au bout du jeu. Au nom du groupe UC-UDF, j'appuie la demande de M. le président de la commission des finances et pour que la situation soit claire, je demande un scrutin public sur l'article 2.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Mes chers collègues, je tiens à rappeler que l'article 2 de la présente proposition de loi a été voté à l'unanimité de la commission des finances,...
Mme Marie-France Beaufils. J'ai voté contre !
M. François Marc. ... à l'unanimité moins une voix. En tout état de cause, il a recueilli l'assentiment du plus grand nombre.
Toutes les propositions qui ont été faites vont dans le sens des idées qui sont défendues par de nombreuses personnalités, y compris par M. le président du Sénat.
Demander à notre assemblée d'aller, en séance publique, à l'encontre d'un choix quasi unanime de la commission des finances ne me paraît pas contribuer à la revalorisation du rôle du Parlement. C'est, au contraire, lui demander de se faire hara-kiri !
Le groupe socialiste votera donc l'article 2, qui correspond aux propositions que nous avions formulées.
M. Alain Lambert. Un rapport se demande par lettre !
M. François Marc. Bien que l'article 1er ait été rejeté, si le Sénat adopte l'article 2, l'ensemble de la proposition de loi pourra mis aux voix et, pour notre part, nous la voterons.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur Marc, convenons qu'il n'est pas de bonne méthode législative de multiplier les demandes de rapport au Gouvernement.
Si le Sénat veut travailler dignement, il doit se doter de ses propres moyens d'expertise et de simulation. Le processus est en cours, mais il est d'une extrême complexité. Il nous faudra toute l'aide du directeur général des collectivités locales pour espérer réussir.
Lorsque l'on connaît le nombre quasi infini de paramètres qui doivent être pris en considération pour calculer la plupart des dotations, on se demande ce qu'ont fait les législateurs successifs. Nous sommes parvenus à un niveau de complexité tel que plus personne ne peut expliquer les mécanismes qui contribuent à la détermination des différentes dotations.
Il est devenu nécessaire de mettre bon ordre dans ces mécanismes. Et dans la mesure où il est permis de douter que l'État attribuera demain aux collectivités territoriales des moyens plus substantiels que ceux qu'il leur consent aujourd'hui, nous avons impérativement besoin d'un instrument de simulation. Sans être aussi achevé, peut-être, que celui de la DGCL, il devra nous permettre d'anticiper toutes les conséquences des hypothèses que nous formulerons.
Nous sommes à la veille d'un exercice parmi les plus difficiles qui soient. C'est pourquoi, mes chers collègues, j'en appelle à vos vertus premières : la lucidité, la responsabilité, le courage. Pour ma part, je m'engage à ce que nous puissions, au sein de la commission des finances, travailler avec sérénité, opiniâtreté et avec la volonté d'aboutir.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Avant que le Sénat ne se prononce sur l'article 2, je tiens à rappeler que, tout au long de cette discussion, je me suis efforcé de vous faire partager la volonté du Gouvernement d'avancer en matière de finances locales et de péréquation.
J'ai évoqué les engagements qui ont été pris de travailler avec le comité des finances locales, avec la Conférence des exécutifs, qui a été installée par le Premier ministre, en concertation avec l'ensemble des collectivités territoriales concernées.
Comme l'a souligné Alain Lambert voilà un instant, on ne peut pas à la fois déplorer le manque de concertation sur certaines questions et ne pas exiger qu'elle soit engagée sur des sujets aussi importants.
Le travail que le Premier ministre a confié à Alain Lambert constitue à notre sens un préalable à toute modification de la nomenclature des finances locales et de leur impact sur les différentes collectivités.
Le Gouvernement a manifesté à plusieurs reprises sa volonté de ne pas voir adopter cette proposition de loi.
Je tiens à saluer le travail de votre rapporteur, qui s'est efforcé d'atténuer la portée de certaines dispositions de la proposition de loi initiale et de lui apporter des améliorations.
Je tiens également à rendre hommage au sens des responsabilités du président de la commission des finances qui, à ce point de la discussion, préfère le rejet de l'article 2 , donc de la proposition de loi, plutôt que l'adoption d'un texte qui se limiterait à la seule demande d'un rapport.
Le Gouvernement est sur cette ligne. Il considère que nous devrons beaucoup travailler ensemble durant les prochaines semaines, mais sur la base des conclusions qui seront rendues par les différentes commissions en charge de ce dossier et par les experts qui ont réfléchi sur ce sujet.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 17 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 321 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 161 |
Pour l'adoption | 104 |
Contre | 217 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, les deux articles qui la constituaient ayant été rejetés, je constate que la proposition de loi n'est pas adoptée.