M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Si je m'en tiens à la motivation de cette motion, selon laquelle le texte est contraire à la convention européenne des droits de l'homme, je peux vous dire que les débats que nous avons eus tant en commission que dans cet hémicycle n'ont pas permis de le démontrer. La commission émet donc un avis défavorable.
Mmes Éliane Assassi et Annie David. C'est un peu court !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Je voudrais revenir sur les propos de M. Charles Josselin, que j'écoute toujours avec beaucoup d'intérêt lorsqu'il intervient ; déjà, dans mes précédentes fonctions, nous avions engagé un dialogue.
Il y a un point sur lequel, malheureusement, monsieur le sénateur, je ne peux pas vous suivre : c'est la réalité des chiffres. Encore une fois, je ne veux absolument pas polémiquer. (Mme Bariza Khiari rit. - M. Robert Bret s'exclame.) Je veux simplement rappeler les chiffres que chacun d'entre vous pourra commenter : l'aide au développement est passée de 4,7 milliards d'euros en 2001 à 9,2 milliards d'euros en 2007 - la progression est assez claire -, elle avait en revanche fortement diminué entre 1997 et 2002.
M. Charles Josselin. Le pic, c'est la dévaluation du franc CFA. Après, elle diminue.
M. Brice Hortefeux, ministre. En tout cas, monsieur Josselin, je vous cite les chiffres ; ensuite, chacun en fait ce qu'il veut ! L'aide publique au développement est passée de 0,47 % à 0,31 % du revenu national brut entre 1996 et 2001.
M. Bernard Frimat. C'est simpliste !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je souhaitais simplement vous apporter ces précisions qui me semblent éclairantes.
Monsieur Mermaz, vous avez évoqué de nombreux sujets ; je n'y reviendrai pas. Vous avez d'ailleurs assez habilement fait semblant d'approuver les initiatives du président et du rapporteur de la commission des lois, tout en défendant la question préalable. C'est quelque peu contradictoire, vous en conviendrez ! (Mme Raymonde Le Texier s'exclame.)
Vous avez cité la convention relative aux droits des migrants, mais vous avez oublié de préciser qu'elle n'a été signée par aucun pays européen. Et vous voudriez que la France soit seule à la ratifier ? Encore faudrait-il, monsieur Mermaz, que cette convention s'intéresse non seulement aux droits mais aussi aux devoirs des migrants.
La vérité, c'est que la politique d'immigration que vous avez menée quand vous étiez au pouvoir a complètement échoué. Elle a d'ailleurs été très clairement sanctionnée par les Français ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Frimat. Et ça, ce n'était pas polémiquer...
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 31, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 6 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Khiari et M. André, MM. Collombat, Mermaz, Dreyfus-Schmidt, Frimat, Peyronnet, Sueur et Yung, Mme Boumediene-Thiery, M. Assouline, Mme Cerisier-ben Guiga, M. S. Larcher, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 32, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, le projet de loi, adopté par l'assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile (n° 461, 2006-2007).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à Mme Bariza Khiari, auteur de la motion.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cela a été dit et redit, pour la quatrième fois en cinq ans, le Gouvernement demande au Parlement de légiférer sur l'immigration et l'asile.
L'examen de ce texte vous semblait suffisamment urgent pour justifier la convocation d'une session extraordinaire et déclarer l'urgence.
En réalité, ce gouvernement entend une nouvelle fois, dans la précipitation, limiter l'exercice des libertés fondamentales que sont le regroupement familial et l'asile, sans laisser au Parlement et à ses commissions permanentes le temps nécessaire à une information exhaustive et éclairée.
Entre le projet initial présenté par le Gouvernement et le texte adopté par l'Assemblée nationale, ce ne sont plus dix-huit mais quarante-sept articles que nous avons à examiner. Le temps laissé au Sénat a été beaucoup trop court, d'autant que certaines dispositions introduites par l'Assemblée nationale méritaient de toute évidence une ample réflexion.
En brusquant l'ordre du jour, vous avez privé notre assemblée du temps et de la sérénité nécessaires à l'examen de dispositions qui modifient profondément notre droit, comme celles des articles 5 bis sur l'utilisation de tests ADN pour prouver la filiation et 14 quater créant un livret d'épargne pour le codéveloppement, ou de l'article 20 modifiant la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés pour faciliter le recueil de données sensibles.
Cette précipitation reflète, quoi que vous en disiez, une certaine condescendance à l'égard du travail parlementaire.
De même, la commission des affaires étrangères aurait dû en toute logique être saisie pour avis, comme elle l'a été à l'Assemblée nationale.
De plus, de trop nombreuses dispositions renvoient, de façon floue, à d'hypothétiques décrets d'application. En l'état actuel du texte, il est impossible de dire que le Parlement sait précisément ce qu'il vote.
Pour le Gouvernement, l'immigration n'est pas une question, c'est un filon. Depuis cinq ans, vous ne cessez de cristalliser les peurs de nos concitoyens. Vous avez alimenté les amalgames les plus intolérables, pour des motifs électoraux - cela a été fort bien dit par Charles Josselin - ou, plus prosaïquement, pour tenter de dissimuler l'échec de votre « choc de confiance ».
Alors, pourquoi délibérer une nouvelle fois aujourd'hui ? Pourquoi une telle urgence ? Évidemment, les élections municipales sont proches...Vous nous demandez d'examiner ce texte alors même que la loi du 24 juillet 2006, que vous aviez elle aussi fait voter dans l'urgence, n'est pas encore appliquée dans son intégralité.
Le Président de la République a prétendu faire de l'évaluation des politiques publiques une de ses priorités. Il a même nommé un secrétaire d'État pour cela ! Étrangement, il n'existe à l'heure actuelle aucune évaluation réelle de vos réformes passées. Il n'existe pas plus d'étude d'impact des dispositions que vous nous proposez aujourd'hui. Dans ces conditions, la commission saisie au fond n'est pas suffisamment éclairée pour délibérer une nouvelle fois.
Ces évaluations et études d'impact auraient pourtant été intéressantes à bien des égards. Elles auraient montré que les lois passées n'ont répondu à aucun des enjeux qui se posent en matière d'immigration et que, sur ce sujet, vous avez sans cesse mené la même politique, en rendant ineffectives des libertés fondamentales et en criminalisant les étrangers, faisant peser sur eux toujours plus de suspicion...
Après ces remarques de forme, il convient d'examiner ce texte au fond. Là encore, il nous semble impossible de délibérer en l'état. Votre projet va en effet à l'encontre de plusieurs des principes fondamentaux qui régissent les libertés publiques.
Certes, l'expression de « regroupement familial » existe toujours. Mais, dans les faits, vous en avez progressivement rendu l'exercice impossible.
Non contents de restreindre les libertés fondamentales des étrangers, vous portez atteinte aux principes les plus fondamentaux d'organisation de la justice. En prévoyant, à l'article 12 quater, que l'obligation de quitter le territoire français n'est qu'une modalité d'exécution de la décision de refus de délivrance du titre de séjour et qu'elle ne fait pas l'objet d'une motivation particulière, vous interdisez de fait aux juges de se prononcer sur la régularité de la mesure d'éloignement.
D'une façon plus générale, toute la philosophie de ce texte repose une opposition dangereuse entre immigration subie et immigration choisie.
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que ce texte était directement issu d'une lettre de mission de M. le Président de la République qui fixe les nouveaux caps de la politique d'immigration. La France devrait ainsi réduire l'immigration familiale et favoriser le développement de l'immigration de travail.
Cette opposition est simpliste, « stigmatisante » et vexatoire pour tous les bénéficiaires du regroupement familial qui, eux aussi, au même titre que les autres travailleurs de ce pays, font partie de cette « France qui se lève tôt ».
Cette opposition ne peut que nuire à la sérénité des débats. Le groupe socialiste estime qu'il s'agit d'un argument supplémentaire pour justifier sa demande de renvoi à la commission.
En effet, cette formulation, puissamment relayée dans les médias, sous-entend que l'immigration familiale est une immigration subie, inactive, et pesant de manière négative dans nos comptes sociaux.
Elle assimile l'étranger arrivé en France au titre du regroupement familial à un parasite, un indésirable, un chômeur.
Elle passe sous silence le fait que le demandeur d'un regroupement a un travail stable, rémunéré au SMIC, et que, en moyenne, un an après l'arrivée sur le territoire français, 70 % des conjoints travaillent.
Il faut savoir qu'une grande partie des services à la personne, secteur économique tant vanté par ce gouvernement, est assurée par des étrangers ou des immigrés arrivés en France au titre du regroupement familial.
Selon vous, cette immigration de droit, protégée par la Constitution et par la convention européenne des droits de l'homme, serait une immigration subie. Il faudrait alors lui préférer une immigration choisie en fonction des besoins de main-d'oeuvre de la France. Ainsi, chaque année, le Parlement serait amené à fixer un quota d'étrangers par profession et par zone géographique.
Or les secteurs sous tension ne sont pas réputés à forte valeur ajoutée. Il s'agit, entre autres, du bâtiment et de l'hôtellerie-restauration.
Un amendement déposé à l'Assemblée nationale concernant l'assouplissement des conditions de séjour des travailleurs saisonniers agricoles illustre parfaitement les contours de votre fameuse « immigration choisie ».
Certains de nos concitoyens imaginent que l'immigration choisie consiste à accueillir à bras ouverts certaines catégories, les médecins étrangers par exemple. Rien n'est plus faux. Près de 5 000 praticiens de santé titulaires d'un diplôme étranger travaillent aujourd'hui dans nos hôpitaux dans des conditions très précaires, marquées par l'instabilité de leur poste, la sous- rémunération et l'absence de perspectives. Si votre gouvernement était cohérent avec les objectifs qu'il s'est assignés, notamment en termes d'intégration, il déciderait qu'il est temps de clarifier la situation des praticiens de santé en allant dans le sens d'une égalité de traitement.
L'opposition entre immigration de travail et immigration familiale est fallacieuse et populiste. Les personnes qui viennent en France au titre de l'immigration familiale ont vocation à travailler et l'immigration de travail est à l'origine de l'immigration familiale de demain.
Vous avez eu recours à un autre amalgame. En insistant sur le fait que le taux de chômage des étrangers est jusqu'à quatre fois supérieur à celui des Français, vous omettez de dire qu'en France près d'un emploi sur trois est interdit aux étrangers. Aucun poste de la fonction publique n'est accessible à un non-Européen. Il en va de même pour un nombre impressionnant d'emplois du secteur privé, dits « emplois fermés ».
S'il est légitime de réserver les emplois régaliens aux Français, aucun motif ne s'oppose aujourd'hui à ce que les étrangers aient le droit de se présenter à certains concours. La méritocratie doit valoir pour tous.
Les fondements de ces restrictions législatives et réglementaires sont historiquement datés et connotés, économiquement obsolètes et moralement condamnables. Personne en France ne pourra sérieusement prétendre lutter contre les discriminations et en faveur de l'intégration tant que subsisteront ces discriminations légales qui, par effet de système, légitiment les discriminations illégales.
S'agissant de la promotion de la diversité et de la lutte contre les discriminations, je ne vois rien, absolument rien de concret dans ce texte. C'est sans doute par ironie, monsieur le ministre, que vous avez cru bon d'ajouter le terme « intégration » à l'intitulé du présent projet de loi. En fait d'intégration, les mesures que vous proposez sont autant de nouvelles contraintes imposées aux étrangers. Vous ne faites que stigmatiser les populations qui sont déjà les plus touchées par des discriminations de toutes sortes : dans la formation, dans l'accès à l'emploi, au logement, aux loisirs.
À plusieurs reprises, monsieur le ministre, vous avez évoqué le taux de chômage des enfants d'immigrés diplômés de l'enseignement supérieur. Selon vous, il s'agirait d'une conséquence de l'immigration, alors que c'est le fruit de votre indifférence aux discriminations.
La lutte contre les discriminations dans l'emploi passe par la mise en oeuvre d'outils innovants tels que le CV anonyme, qui permet, au moins à l'étape du recrutement, de gommer les différences tant raciales que sociales, ne laissant la place qu'à des données objectives d'expérience et de formation.
Cette mesure, adoptée à une large majorité par cette assemblée, reste aujourd'hui lettre morte faute de décrets d'application.
Dans un autre domaine, comme l'a rappelé Mme Dini, le Sénat a montré la voie de la lutte contre les discriminations en adoptant, le 1er février 2007, l'article 7 du projet de loi instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale. Cet article visait à mettre fin à l'assignation à résidence des chibani, ces vieux travailleurs migrants qui ne peuvent rentrer dans leur pays d'origine sans perdre le bénéfice de leurs droits sociaux. Or cette situation indigne de notre République perdure elle aussi faute de décrets d'application.
L'état d'une démocratie se mesure certes à la mise en place de contre-pouvoirs, mais également au sort qu'elle réserve à sa jeunesse et à ses vieux travailleurs.
Comment ne pas constater que, lorsque ces jeunes et ces vieux travailleurs sont étrangers, issus de l'immigration ou de couleur, leur sort ne vous préoccupe guère ?
Face aux enjeux réels de l'intégration, de la diversité et de la lutte contre les discriminations, vous présentez une seule proposition : faciliter et généraliser les statistiques ethniques. L'article 20 vise en effet à faciliter le recueil de données sensibles, portant notamment sur les origines ethniques, raciales ou sur la religion.
Vous prétendez que cette disposition n'est que la traduction d'une recommandation de la CNIL. Certes ! Mais alors, pourquoi ne mettez-vous pas en oeuvre, par voie réglementaire, les autres recommandations de la CNIL qui sont bien plus importantes ?
Non, vous n'avez pas la volonté réelle de résoudre cette supposée cécité statistique. Selon vos aveux, monsieur le ministre, cette disposition ne sera qu'un avant-goût de la réforme constitutionnelle que vous envisagez pour instaurer une politique de quotas. En fait, vous voulez « ethniciser » la question sociale ! (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Vous vous référez sans cesse aux valeurs républicaines et à notre identité nationale. Alors que vous voulez enfermer la France dans une conception fermée de son identité, nous croyons plus que jamais à une identité toujours en construction. Alors que vous stigmatisez les populations étrangères, nous avons plus que jamais conscience de la richesse que la France a tirée et tirera de l'immigration.
Comme l'a rappelé Mme Tasca, au moment où la mondialisation fait que les marchandises, les capitaux, les technologies circulent sans entraves, vous voulez nous rendre complices du mauvais sort qui sera fait à l'homme, au migrant, ce grand souffrant. Admettez, monsieur le ministre, que nous résistions. L'histoire de notre République nous y oblige.
Votre texte n'est qu'une énième vexation pour les étrangers, une énième violation de nos principes les plus fondamentaux. Vous essayez une fois encore, dans l'urgence, d'imposer cette logique intolérable à la représentation nationale.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste demande le renvoi de ce projet de loi devant la commission des lois et la saisine pour avis de la commission des affaires étrangères. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Le présent projet de loi a été présenté en conseil des ministres au mois de juillet. Son contenu était donc connu.
En ma qualité de rapporteur, dès le mois de septembre, j'ai entamé des auditions, que j'ai voulues ouvertes à tous les collègues qui souhaitaient y assister. Un grand nombre d'entre eux y ont d'ailleurs participé et ont ainsi pu s'exprimer, poser toutes les questions qui leur paraissaient nécessaires à la bonne compréhension de ce texte.
Aussi, bien que nous ayons travaillé dans des délais contraints, nous avons néanmoins pu examine de manière satisfaisante l'ensemble des dispositions qui nous étaient soumises.
J'émets donc un avis défavorable à la motion tendant au renvoi de ce projet de loi à la commission.
M. Jean-Patrick Courtois. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Madame Khiari, les motions de renvoi à la commission m'apparaissent toujours assez désobligeantes à l'égard de ladite commission. C'est particulièrement vrai aujourd'hui tant M. Hyest et M. le rapporteur ont accompli un travail méticuleux et précis.
Vous avez évoqué l'immigration professionnelle. Sans rouvrir la discussion générale, permettez-moi de revenir quelques instants sur ce point.
C'est Nicolas Sarkozy qui, dans la loi de 2006, a déverrouillé l'immigration professionnelle, laquelle était bloquée depuis 1974.
Pendant les années où vos amis ont exercé le pouvoir, il n'y a pas vraiment eu d'avancées ou d'initiatives dans ce domaine. Ce n'est pas être malveillant que de le rappeler.
Vous feignez de n'apercevoir aucune disposition en faveur de l'intégration dans ce texte. Il est vrai que ce n'est pas vous qui avez créé le contrat d'accueil et d'intégration en 2005 et qui l'avez rendu obligatoire en 2006. Ce n'est pas vous non plus qui le faites progresser cette année. Vous ne voyez pas l'intégration tout simplement parce que c'est nous qui la faisons ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 32, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 7 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 325 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 163 |
Pour l'adoption | 125 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Article additionnel avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 77, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présentera, avant le 31 décembre 2007, un plan de régularisation des sans-papiers présents sur le territoire français qui justifient d'attaches familiales en France ou détenir une promesse d'embauche ou être inscrits dans un établissement scolaire ou universitaire.
Les conditions d'application de cet article sont définies par un décret en Conseil d'État.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Il me semble que le Gouvernement devrait expliquer franchement à la société française que, comme l'asile, l'immigration familiale est une immigration qu'il juge inutile parce qu'elle est « non choisie ».
En effet, n'est désormais acceptable en France que l'étranger perçu comme rentable pour l'économie. Ni sa personne ni sa situation personnelle ne lui confèrent de droits. Jamais la politique de l'immigration n'aura été aussi unilatérale : tirer tous les bénéfices d'une main-d'oeuvre précaire et fragile sans lui conférer aucun droit.
Tout est fait pour justifier cette politique, je l'ai évoqué dans mon intervention générale. Or, plusieurs voix l'ont souligné cet après-midi, la France n'est en aucun cas un pays d'immigration massive. Malheureusement, les conséquences du discours du Gouvernement sont dramatiques, à tel point que la crainte des expulsions pousse certaines personnes sans papiers à commettre des actes désespérés.
Le durcissement des conditions de séjour des étrangers en France ne ralentit pas l'immigration ; pis, elle ne fait que pousser plus de monde dans l'irrégularité et fabrique des sans-papiers par milliers. Cette clandestinité imposée, on le sait bien, profite en premier lieu aux employeurs, qui n'hésitent pas à exploiter des sans-papiers dans des conditions évidemment déplorables et bien connues, je le répète, des services de l'État.
Toute tentative de régularisation des immigrés sans papiers au cas par cas, sur la base de critères la plupart du temps cumulatifs, ne peut qu'être injuste et arbitraire. Elle laisse hors du champ des droits fondamentaux les éléments les plus fragiles et les plus précarisés de la population et, pour le coup, crée un véritable appel d'air pour le travail illégal.
Il est plus que temps de revenir sur ces réformes. C'est pourquoi nous pensons que doivent être régularisés non seulement les enfants étrangers scolarisés et leurs parents, mais également les étrangers qui détiennent une promesse d'embauche ou disposent d'attaches familiales dans notre pays.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement tend à la régularisation générale des étrangers qui justifient soit d'attaches familiales, soit d'une promesse d'embauche.
Cette position est contraire à tous les principes que nous évoquons depuis de nombreux mois déjà : nous sommes hostiles à la régularisation générale, car nous sommes favorables à la régularisation au cas par cas, prévue dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour et des pouvoirs qui sont donnés au préfet.
C'est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement est naturellement du même avis que le rapporteur.
J'ai indiqué tout à l'heure un chiffre, tiré d'une enquête d'opinion, qui est tout de même assez intéressant : globalement, 87 % des Français sont hostiles aux régularisations générales.
Mme Éliane Assassi. Je pourrais vous rétorquer autre chose !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je précise que ce sont 70 % des électeurs de Mme Royal et 66 % des électeurs de la gauche non socialiste qui se déclarent défavorables à de telles régularisations. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ces chiffres ont été publiés ! Vous ne lisez donc pas les enquêtes d'opinion ? Elles constituent pourtant un très important élément d'appréciation !
Mme Éliane Assassi. Tout le monde était contre l'IVG ; pourtant, Mme Veil a été courageuse !
M. Brice Hortefeux, ministre. Sur le fond, ma réponse est donc claire : il n'est pas question de s'engager dans la voie des régularisations générales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Protestations et sifflets sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Je trouve un peu curieux l'argument de M. le ministre. Puisque 70 % des Français sont contre les franchises sur les médicaments, sur les transports sanitaires, etc., je suppose qu'il fera passer le message à son collègue... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Soyez aussi courageux que Mme Veil à son époque !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 1er ou après l'article 19
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 78, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
Les étrangers résidant en France depuis au moins cinq ans ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement a pour objet de reprendre la proposition de loi que nous avons présentée devant le Sénat en janvier 2006 et qui n'a malheureusement pas recueilli l'approbation de la majorité.
Plusieurs sénateurs de l'UMP. Heureusement !
Mme Éliane Assassi. Pourquoi « heureusement » ? J'espère que les bouches vont s'ouvrir pour nous l'expliquer !
M. Robert Bret. Ce sont des godillots !
Mme Éliane Assassi. Je regrette beaucoup de ne pas entendre plus souvent mes collègues de la majorité UMP ! J'aimerais qu'un débat d'idées s'instaure, au lieu que soient lancés dans l'hémicycle des anathèmes qui n'aboutissent à rien ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Vous pouvez protester, ce n'est pas ce qui me fera taire !
Cet amendement vise donc à accorder aux étrangers le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales. Je rappelle, chers collègues de la majorité, que votre candidat à l'élection présidentielle se disait favorable à cette mesure !
Je vous épargnerai la liste des pays européens qui ont déjà franchi ce pas vers l'égalité des droits,...
Mme Éliane Assassi. ... condition indispensable à l'exercice serein de la démocratie, de même que je passerai sous silence le fait que le Parlement européen a voté, le 14 février 1989, une résolution demandant aux pays membres d'accorder à l'ensemble des étrangers vivant et travaillant sur leur territoire le droit de vote aux élections locales.
Pourquoi, dans ces conditions, notre proposition n'a-t-elle pas été acceptée ? Pourquoi la France tarde-t-elle tant à donner ce droit aux résidents étrangers, alors que, vous le savez très bien, ils participent au même titre que les citoyens français à la vie économique et sociale du pays ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas cela, la citoyenneté !
Mme Éliane Assassi. C'est d'autant plus anachronique que les résidents étrangers se sont vu reconnaître certains droits : ils participent aux élections des comités d'entreprise et des conseils d'administration des caisses de sécurité sociale et des offices d'HLM, ainsi qu'aux élections prud'homales. Ils ont également le droit d'association.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est normal !
Mme Éliane Assassi. Ils sont assujettis à l'impôt, contribuant ainsi au financement des dépenses publiques, mais ne peuvent pas, en contradiction avec l'article XIV de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, constater la nécessité de cette contribution publique puisqu'ils ne peuvent pas participer à l'élection de représentants.
Je le répète, nous comprenons d'autant moins le rejet de notre proposition que le Président de la République, alors candidat, s'était prononcé en faveur du droit de vote des étrangers. Comment expliquer ce revirement d'attitude ?
M. Guy Fischer. Ce sont les sondages !
M. Robert Bret. Sans doute les enquêtes d'opinion !
Mme Éliane Assassi. J'espère entendre des arguments !
Il est aujourd'hui question d'intégration des étrangers : mais quelle meilleure façon de s'intégrer que de pouvoir voter et s'investir dans la vie citoyenne du pays ?
Accorder le droit de vote et d'éligibilité pour les élections municipales serait d'ailleurs une bien meilleure preuve de la volonté du Gouvernement d'intégrer les étrangers installés durablement sur notre territoire que de leur faire signer un contrat d'accueil et d'intégration qui n'apporte aucun résultat tangible si ce n'est la stigmatisation toujours croissante des immigrés.
M. le président. L'amendement n° 175, présenté par Mme Khiari, est ainsi libellé :
Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le droit de vote aux élections locales est accordé aux étrangers non-ressortissants de l'Union européenne selon des modalités fixées par une loi ultérieure.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. L'exercice de la citoyenneté est un facteur essentiel de l'intégration à la société française. Dans notre histoire, des millions d'étrangers ont construit notre pays, et ils sont nombreux à l'avoir défendu au nom de ses valeurs de liberté de l'homme.
Nombre de pays européens accordent déjà ce droit de vote aux élections locales. De plus, les ressortissants de l'Union européenne ont, depuis 1992, la possibilité de participer aux élections municipales. Actuellement, le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales pour les ressortissants de l'Union européenne est prévu à l'article 88-3 de la Constitution.
Cette évolution ne rend que plus indigne la discrimination à l'égard des non-ressortissants de l'Union européenne, souvent installés dans notre pays depuis de longues années. Il est contraire au principe d'égalité que tous les étrangers n'aient pas les mêmes droits, alors que les élections locales les concernent au même titre et de la même manière.
L'exercice du droit de vote et d'éligibilité aux élections locales est étroitement lié à notre conception du processus d'intégration, car il est un élément moteur de cette dynamique. Aujourd'hui, les droits que nous reconnaissons aux étrangers résidents s'arrêtent à la porte des bureaux de vote.
Continuer de priver du droit de vote et d'éligibilité aux élections locales les populations étrangères vivant dans notre société est aujourd'hui un déni d'intégration. Une telle discrimination est indéfendable : il est en effet injuste que les étrangers soient « sans voix » aux élections qui concernent leur propre collectivité. Elle est aussi humainement inacceptable en ce qu'elle est un frein à une politique d'intégration réussie.
L'Assemblée nationale avait adopté le 3 mai 2000 une proposition de loi constitutionnelle, soutenue par les groupes de la majorité de gauche, accordant le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales aux étrangers non-ressortissants européens vivant en France. Les députés de droite avaient alors voté contre ce texte.
Aujourd'hui, les choses ont évolué, et des voix s'élèvent dans les rangs de l'actuelle majorité en faveur de la reconnaissance d'une expression politique de la population étrangère. Cela a été rappelé par Éliane Assassi : le Président de la République lui-même a évolué sur la question. Nous ne pouvons que nous en réjouir et penser que le temps des avancées concrètes est venu. J'espère pouvoir en constater, monsieur le ministre !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Ces amendements ont pour objet d'inscrire dans le projet de loi le droit de vote des étrangers aux élections municipales.
On nous a reproché tout à l'heure le caractère inconstitutionnel d'une partie de ce texte. L'ajout demandé le rendrait complètement inconstitutionnel ! C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur les deux amendements. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Je suis du même avis que le rapporteur, monsieur le président, mais je souhaiterais prolonger quelques instants la réflexion sur ce droit de vote.
Que signifie « droit de vote » ? Est-ce le droit d'être élu ? Est-ce le droit de voter aux élections indirectes que sont les sénatoriales ? Pour quelles élections doit-il valoir : pour les élections municipales ? cantonales ? régionales ? législatives ? présidentielle ? pour les référendums ? Est-ce tout cela ?