sommaire
présidence de M. Christian Poncelet
3. Finances publiques et finances sociales. - Débat d'orientation sur une déclaration du Gouvernement
MM. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État ; Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.
MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.
présidence de M. Guy Fischer
MM. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances ; Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales, chargé des équilibres généraux de la sécurité sociale ; Gérard Cornu, en remplacement de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.
MM. Michel Mercier, Marc Massion, Joël Bourdin.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Christian Poncelet
4. Questions d'actualité au Gouvernement
Mme Gisèle Gautier, M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.
émergence de nouveaux virus et grippe aviaire
MM. Gilbert Barbier, Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.
MM. Dominique Mortemousque, Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement.
MM. François Marc, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
MM. Bernard Fournier, Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire.
risques liés à l'exposition à l'amiante
Mme Marie-Christine Blandin, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
ouverture des magasins le dimanche
MM. Roger Karoutchi, Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.
M. Robert Laufoaulu, Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable.
suppressions d'emplois dans la fonction publique
MM. Yannick Bodin, Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
5. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Liban
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Philippe Richert
6. Candidature à un organisme extraparlementaire
7. Finances publiques et finances sociales. - Suite du débat d'orientation sur une déclaration du Gouvernement
MM. Georges Othily, Philippe Dominati, Thierry Foucaud, Jean-Marie Vanlerenberghe, Jean-Claude Frécon, Roland du Luart, Yvon Collin, Guy Fischer, Jean-Jacques Jégou, Bernard Cazeau, Serge Dassault.
MM. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État ; Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
Clôture du débat.
8. Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire
Suspension et reprise de la séance
9. Cour des comptes. - Adoption définitive d'un projet de loi
Discussion générale : MM. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement ; Bernard Saugey, rapporteur de la commission des lois ; Jacques Mahéas, Dominique Braye, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Yves Détraigne.
Clôture de la discussion générale.
Amendement no 1 de M. Jacques Mahéas. - MM. Jacques Mahéas, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 2 de M. Jacques Mahéas. - MM. Jacques Mahéas, le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 3 de M. Jacques Mahéas. - Retrait.
Adoption de l'article.
M. Jacques Mahéas.
Adoption définitive du projet de loi.
10. Vins à appellation d'origine contrôlée. - Adoption définitive d'une proposition de loi
Discussion générale : MM. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Jackie Pierre, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Roland Courteau.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Adoption définitive de l'article unique du projet de loi.
11. Transmission d'un projet de loi
12. Dépôt d'une proposition de résolution
13. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
14. Dépôt d'un rapport d'information
15. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉCÈS D'UN SÉNATEUR
M. le président. J'ai le très profond regret de vous faire part du décès brutal de notre collègue Pierre-Yvon Trémel, sénateur des Côtes-d'Armor depuis 1998. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Chacun de nous a pu apprécier la personnalité attachante de notre excellent collègue et la qualité de ses interventions en commission et en séance publique.
Je prononcerai son éloge funèbre ultérieurement.
Pour l'heure, au nom du Sénat, je présente nos condoléances les plus attristées à toute sa famille et aux membres du groupe socialiste du Sénat et partage leur peine. (MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)
3
Finances publiques et finances sociales
Débat d'orientation sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat d'orientation, sur les finances publiques et les finances sociales.
Messieurs les ministres, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, c'est avec un très grand plaisir que j'ouvre ce débat d'orientation budgétaire, le dixième depuis 1990. C'est sur l'initiative de notre commission des finances que l'on doit ce temps fort de notre année financière.
La parole est à M. Thierry Breton, ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, messieurs les présidents de commission, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord vous dire combien nous sommes heureux, Jean-François Copé, Xavier Bertrand et moi-même, de venir vous présenter aujourd'hui les grandes orientations de nos finances publiques pour l'exercice 2007.
Ce débat d'orientation budgétaire, nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer en commission, est historique, et ce à trois titres.
Tout d'abord, le document d'orientation budgétaire que vous avez devant vous intègre de manière exceptionnelle l'engagement national de désendettement dont le Premier ministre avait demandé la mise en place dès le mois de janvier, à l'occasion de la conférence nationale des finances publiques, et à la suite du rapport sur la dette que j'avais commandé à M. Pébereau.
Je veux dire ici combien je me réjouis du consensus qui est ressorti des travaux de la commission des finances, en tout cas en ce qui concerne l'objectif, comme M. le président de la commission des finances a pu le vérifier.
Ensuite, comme à l'habitude, vous seront présentées les grandes lignes du budget de l'État pour 2007, dont nous avons voulu faire une étape essentielle de la trajectoire de désendettement, une étape historique, même, puisque la dépense de l'État progressera en 2007 d'un point de moins que l'inflation, du jamais vu depuis plus de vingt ans !
Enfin, ce débat d'orientation budgétaire intègre les grandes orientations de la politique de sécurité sociale et du projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté à l'automne : je laisserai le soin à Xavier Bertrand de vous les détailler.
Sans plus attendre, mesdames et messieurs les sénateurs, je souhaite entrer dans le vif du sujet.
Concernant les perspectives économiques, je dirai quelques mots sur les hypothèses de croissance que nous envisageons pour la construction du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Les bons résultats de la croissance au premier trimestre s'inscrivent clairement dans la fourchette retenue par le Gouvernement pour l'ensemble de l'année 2006, à savoir entre 2 % et 2,5 %. La composition de cette croissance confirme d'ailleurs l'excellente dynamique de notre économie.
D'une part, la consommation des ménages, premier moteur de l'activité, a progressé très vite, de 0,8 %, au premier trimestre, soit un rythme annualisé de 3,2 %, apportant une contribution d'un demi-point de PIB à la croissance.
D'autre part, l'exportation, second moteur de l'activité, poursuit son net redressement depuis l'été 2005 et affiche une nouvelle progression de 2,9 % sur le premier trimestre, à un rythme annualisé de près de 12 % en croissance, soit le meilleur résultat depuis six ans ! Le commerce extérieur apporte ainsi une contribution fortement positive à la croissance, de 0,6 % au premier trimestre.
Les autres indicateurs confirment assez largement cet optimisme sur le deuxième trimestre.
Les enquêtes disponibles font apparaître une poursuite, voire une accélération de cette dynamique au deuxième trimestre : les enquêtes dans l'industrie sont proches de leur plus haut niveau depuis cinq ans, celle de la Banque de France notamment ; les enquêtes dans les autres secteurs, particulièrement dans les services et la construction, sont également nettement au-dessus de leur moyenne.
L'inflation reste bien contenue, autour de 2 % sur un an, malgré la hausse du prix du pétrole. Contrairement à ce que certains commentateurs ont pu écrire, ici ou là, je ne vois pas d'effet de second tour dans les chiffres de cette inflation.
Du reste, ce rythme d'inflation soutient le pouvoir d'achat et la consommation des Français, qui n'ont jamais autant consommé, comme le confirment les statistiques mois après mois.
M. Roland Muzeau. Ah !
M. Thierry Breton, ministre. La conjoncture de nos principaux partenaires commerciaux est par ailleurs favorable. En Allemagne, notre premier partenaire commercial, le moral des industriels est à son meilleur niveau depuis la réunification, ce qui est très important pour nos entreprises.
Enfin et surtout, la situation de l'emploi ne cesse de s'améliorer : le taux de chômage a diminué pour atteindre 9,3 % à la fin du mois d'avril - soit 210 000 demandeurs d'emploi en moins depuis un an. D'après les orientations fournies par mon ministère, nous devrions franchir avant la fin de l'année la barre des 9 % et nous attendons plus de 200 000 créations d'emploi en 2006.
Vous le voyez, la phase de reprise conjoncturelle qu'a connue l'économie française au second semestre de l'an dernier est bel et bien derrière nous : notre économie est désormais installée sur une tendance de 2 % à 2,5 % de croissance, soit la fourchette retenue pour construire le projet de loi de finances pour 2006.
Je note d'ailleurs que la note de conjoncture de l'INSEE publiée la semaine dernière accrédite ce scénario.
La prévision de croissance de l'INSEE, traditionnellement prudente, se situe dans notre fourchette, avec 2 % pour cette année et des progressions trimestrielles sur les trois trimestres à venir qui se situent à un rythme de 2,4 % en taux annualisé, c'est-à-dire à 0,6 % par trimestre. L'INSEE table en outre sur un chômage revenu à moins de 9 % en fin d'année.
Comme quoi le scénario que nous défendons avec mes collègues ministres et avec nos collaborateurs de Bercy n'est finalement pas si irréaliste !
Pour 2007 et les années suivantes, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis confiant dans la capacité de notre économie à absorber les chocs comme la hausse du prix du pétrole ou l'appréciation de l'euro et à rester sur un rythme de croissance de 2 % à 2,5 % ; il s'agit d'une hypothèse prudente.
Vous le savez, notre ambition, pour notre pays, est une croissance comprise entre 3 % et 4 %. C'est pourquoi j'ai aussi voulu envisager, dans ce débat d'orientation budgétaire, un scénario à 3 % de croissance, qui nous permettrait d'atteindre plus rapidement - c'est-à-dire avant 2010 - nos objectifs de finances publiques, tout en améliorant le niveau de vie de nos concitoyens.
J'en viens maintenant au coeur de ce débat d'orientation budgétaire de 2006 : l'engagement national de désendettement.
Celui-ci doit nous permettre de parvenir à l'équilibre des comptes publics et de ramener notre endettement sous les 60 % du produit intérieur brut à l'horizon de 2010.
Nous avons construit cette trajectoire de désendettement et d'assainissement des finances publiques en quatre étapes essentielles, qui constituent autant d'engagements.
J'ai d'ailleurs souhaité que chacun de ces engagements fasse l'objet de résultats chiffrés, mesurables, sur lesquels nous pourrons être jugés. Nous associons des moyens précis pour arriver à atteindre ces objectifs que je déclinerai dans un instant.
Chacun de ces moyens s'inscrit dans la stratégie globale de désendettement, qui repose sur les trois piliers que je ne cesse de marteler.
Le premier est le relèvement de notre croissance, grâce à la réforme fiscale, à celle du marché du travail, à la priorité donnée à la recherche et au développement, à la politique de développement des PME. Toutes ces mesures s'inscrivent parfaitement dans la contribution française à la stratégie européenne de Lisbonne.
Le deuxième pilier est la maîtrise de la dépense. La dépense de l'État n'aura pas progressé plus vite que l'inflation pendant quatre ans ! Désormais nous proposons qu'elle baisse d'un point - c'est une première dans notre histoire économique -, car cela me semble indispensable.
Le troisième pilier est la cession d'actifs non stratégiques, et plus généralement la recherche systématique de tous les leviers de désendettement. Ainsi, plus de 15 milliards d'euros auront été affectés au désendettement sur les années 2005 et 2006.
Je reviens rapidement sur notre premier engagement pour 2005, à savoir ramener le déficit public sous la barre des 3 %.
Tel était l'engagement que j'avais pris devant vous il y a un an, en présentant mes objectifs de finances publiques. Cet engagement a été tenu - et au-delà ! - malgré certains pronostics négatifs, voire ironiques. Finalement, nous avons obtenu exactement une baisse de 2,88 % !
M. Roland Muzeau. La Cour des comptes dit que ce n'est pas vrai ! C'est une grosse manipulation !
M. Thierry Breton, ministre. Je précise, du reste, que la Commission européenne, elle-même, nous a donné quitus de ce résultat par la voix de M. Almunia, commissaire européen, qui est chargé de le vérifier en s'appuyant sur les services d'Eurostat.
Je note, d'ailleurs, que la France est le seul des quatre grands pays européens - Allemagne, Royaume-Uni, Italie - à être revenu sous la barre des 3 %.
Notre deuxième engagement porte sur 2006 : réduire l'endettement dès cette année d'au moins deux points de PIB. Je prends l'engagement de ramener l'endettement de 66,6 % à moins de 64,6 % du PIB d'ici à la fin de cette année.
Cela montrera que l'effort de désendettement, qui doit par nature s'inscrire dans la durée, peut aussi porter ses premiers fruits rapidement. C'est un point qui me paraît absolument essentiel pour nos compatriotes.
À cet égard, je comprends pleinement, monsieur le rapporteur général, votre voeu de fixer des objectifs à long terme, c'est-à-dire à 2030. C'est vrai, la dette est un enjeu de long terme, qui demande un effort dans la durée. Encore faut-il commencer dès maintenant à en infléchir la tendance !
Pour autant je suis convaincu que nous ne pouvons pas attendre pour revenir dans les clous de Maastricht en ce qui concerne la dette, soit pour revenir en dessous de la barre des 60 % du PIB.
En outre, avoir des objectifs à court terme me paraît indispensable pour pouvoir mobiliser les Français sur cet enjeu majeur du désendettement. Comment ? Par la mise sous tension systématique de l'ensemble des leviers disponibles de désendettement.
J'ai ainsi pris, mesdames, messieurs les sénateurs, la décision d'actionner très rapidement trois leviers.
D'abord, les recettes de cessions d'actifs seront prioritairement affectées au désendettement. L'affectation du produit des cessions des concessions autoroutières représente déjà 10 milliards d'euros.
En outre, la vente des titres d'Alstom et d'Aéroports de Paris représente plus de 2 milliards d'euros supplémentaires. Au total, entre le 1er janvier et le 31 mai 2006, l'Agence France Trésor a déjà racheté pour plus de 8,6 milliards d'euros de dette, pour l'essentiel grâce aux recettes de cessions.
Ensuite, le pilotage de la trésorerie de l'État sera profondément infléchi. J'ai décidé d'un principe très simple : pas un euro d'endettement de plus que le strict nécessaire pour faire face à la gestion courante !
Par conséquent, tout en veillant à ce que sa capacité de disposer de la trésorerie dont l'État a besoin reste intacte, l'Agence France Trésor va, d'une part, se doter de nouveaux outils tels qu'un bon du Trésor à taux fixe, un BTF, à très court terme pour limiter au minimum son matelas de sécurité et, d'autre part, bénéficier d'une amélioration des remontées d'information de la part des administrations dépensières, au sens non péjoratif du terme.
Dans ces conditions, j'ai demandé à l'Agence France Trésor de limiter les émissions de dette aux stricts besoins de la gestion courante.
Ainsi, l'encours de bons du Trésor à court terme a été réduit de 11,3 milliards d'euros entre le 31 décembre 2005 et le 31 mai 2006.
En outre, je peux d'ores et déjà vous annoncer que l'État va, pour la première fois depuis vingt ans, réduire son appel au marché de 10 milliards d'euros par rapport au niveau prévu dans le programme d'émission initial. Le programme en 2006 de financement net à moyen et à long terme de l'État passera donc de 119,5 milliards à 109,5 milliards d'euros.
Enfin, cet effort d'optimisation de la trésorerie doit être partagé par l'ensemble des acteurs publics : État, organismes sociaux, collectivités locales, ou structures comme la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV et le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA par exemple.
C'est dans cet esprit que le directeur général du Trésor et de la politique économique coordonnera un comité interministériel de la trésorerie des administrations publiques, dont j'ai annoncé la création à l'occasion du Conseil d'orientation des finances publiques que j'ai présidé la semaine dernière.
Cependant, en même temps que nous réduisons de manière substantielle l'endettement, nous poursuivons nos efforts de réduction du déficit public, qui passera de 2,9 % à 2,8 %, malgré le contrecoup de la soulte des industries électriques et gazières, les IEG, pour 0,5 point de PIB l'année dernière.
D'abord, l'exécution du budget de 2006 sera tenue de manière rigoureuse, à l'euro près. Nous avons, vous le savez, mis en réserve 6 milliards d'euros dès le début de l'année, aux termes de la loi organique relative aux lois de finances.
Concernant les comptes sociaux, nous sommes globalement dans les clous de ce qui était prévu au moment de la loi de financement de la sécurité sociale ; Xavier Bertrand y reviendra.
Notre troisième engagement pour 2007 est de ramener le déficit public sous le seuil du déficit stabilisant.
C'est, mesdames, messieurs les sénateurs, la condition nécessaire pour rendre pérenne la dynamique du désendettement amorcée cette année.
Cette notion est clef dans notre stratégie de désendettement, car le déficit stabilisant est le niveau de déficit pour lequel le ratio dette sur PIB se stabilise en l'absence de tout mouvement d'actifs et de passifs. En d'autres termes, dès que ce déficit est atteint, toute amélioration nouvelle du déficit contribue automatiquement à réduire la dette.
Avec une croissance de l'ordre de 2,25 %, ce déficit stabilisant est d'environ 2,5 % : c'est bien l'objectif que nous nous fixons pour 2007. Comment l'atteindrons-nous ? Jean-François Copé l'expliquera dans un instant.
Pour ma part, je me contenterai de trois remarques.
D'abord, la dépense de l'État l'année prochaine progressera de 1 % moins vite que l'inflation, c'est ce qu'on appelle le « moins un volume ». Je veux souligner que nous appliquerons à Bercy, dès l'année prochaine, la règle du « zéro valeur », c'est-à-dire une stabilisation de nos dépenses en euros courants !
Ensuite, je vous rappelle que ce projet de loi de finances permettra de financer la réforme fiscale par la baisse de la dépense budgétaire.
Enfin, comme le Premier ministre l'a annoncé, la baisse des plafonds d'effectifs sera précisément de 15 032 postes. La baisse pour Bercy sera de 2 988 postes.
Quant à notre quatrième engagement, il est de mettre en oeuvre dès aujourd'hui les outils de gouvernance de l'ensemble de nos finances publiques indispensables pour atteindre l'équilibre des comptes au plus tard en 2010 et passer sous les 60 % d'endettement.
À partir de 2008, pour atteindre ces objectifs, l'effort de maîtrise de la dépense devra se poursuivre. Ce ne sera possible qu'en associant encore mieux l'ensemble des acteurs. C'est tout l'enjeu du Conseil d'orientation des finances publiques que nous avons mis sur les rails la semaine dernière. Un certain nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, y ont participé, et je les en remercie.
Ces objectifs sont ambitieux, mais parfaitement crédibles. Sous l'hypothèse d'une maîtrise collective maintenue de la dépense publique, l'objectif serait atteint en 2009 avec 3 % de croissance par an. Cependant, même en retenant une hypothèse prudente de croissance de 2,25 %, l'objectif serait atteint en 2010.
Outre la croissance, l'autre enjeu est donc bien la maîtrise de l'ensemble des dépenses publiques.
Il faudra, d'abord, maîtriser les dépenses de l'Etat, qui doivent rejoindre progressivement le « zéro valeur », comme nous l'avons fait nous-mêmes à Bercy dès cette année.
Il faudra, ensuite, maîtriser les dépenses sociales, dont il faudra limiter la progression à « plus un volume » sur la période.
Enfin, il faudra maîtriser les dépenses locales, voire les faire tendre vers le « zéro volume », dans le respect évidemment de l'autonomie financière des collectivités locales, pour ne pas risquer une augmentation préjudiciable des prélèvements obligatoires.
L'outil de cette réduction ordonnée et maîtrisée des dépenses publiques est une nouvelle gouvernance plus stable et plus vertueuse des finances publiques que le Conseil d'orientation des finances publiques est chargé de proposer.
Comme premières pistes de travail, je lui ai soumis les différentes options de rénovation de la gouvernance de nos finances publiques, qui figurent dans le débat d'orientation budgétaire ou qui ont été évoquées avec les collectivités locales lors de la concertation engagée au mois de mai.
Pour ce qui est de l'État, la mise en oeuvre de la LOLF assure une meilleure gouvernance des finances publiques. Les audits systématiques ouvrent des pistes nouvelles de réforme afin de dépenser mieux et moins à qualité de service public maintenue ou améliorée.
Pour ce qui est des collectivités locales, dans le cadre du Conseil d'orientation des finances publiques, le Gouvernement souhaite, d'une part, mieux les associer aux décisions les concernant et élargir leurs marges d'initiative et d'action dans le champ des compétences qui leur ont été transférées et, d'autre part, réfléchir aux moyens d'une meilleure maîtrise de la dépense locale ; Jean-François Copé y reviendra dans un instant.
Enfin, pour ce qui est des organismes sociaux je laisse évidemment Xavier Bertrand le soin de revenir sur ces pistes plus en détail.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement vous présente aujourd'hui, par ce débat d'orientation budgétaire, un acte majeur de responsabilité politique.
Les efforts inédits de pédagogie et de sensibilisation menés par ce Gouvernement quant aux risques d'un endettement incontrôlé de notre société ont porté leurs fruits.
M. Roland Muzeau. Ah bon ?
M. Thierry Breton, ministre. Chacune et chacun ont pu s'approprier le sujet.
Je constate que les Français considèrent aujourd'hui la dette publique comme l'une de leurs cinq préoccupations majeures. Il était temps de s'en préoccuper et je regrette que certains, par des programmes qui fleurissent ici ou là, contribuent de nouveau à accroître potentiellement cet endettement. Je n'ai pas cité le nom des personnes, mais elles se sont reconnues !
Jean-François Copé, qui a fait un chiffrage précis de l'incidence d'un certain nombre de ces programmes sur l'endettement de la nation, reviendra sur ce point.
Je suis donc convaincu, mesdames, messieurs les sénateurs, que les orientations que nous sommes venus vous présenter aujourd'hui répondent aux inquiétudes de nos concitoyens.
Ce programme pluriannuel de désendettement consiste à dire non pas « vous verrez plus tard », mais « donnons-nous les moyens d'agir et de juger sur pièces dès aujourd'hui. » ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, ministre délégué.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget dont nous vous présentons avec Thierry Breton aujourd'hui les grandes orientations est un rendez-vous bien particulier.
Il s'agit de vous présenter les orientations du dernier budget de cette législature.
M. Marc Massion. Bonne nouvelle !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est le moment privilégié de faire le point sur les priorités sur lesquelles nous avons été élus en 2002 et sur lesquelles nous avons des comptes à rendre aux Français
C'est évidemment aussi l'occasion pour nous de prendre date et de marquer nos choix pour l'avenir. Dans ce domaine, croyez-moi, nous ne serons pas en arrière de la main !
Pour construire ce budget et vous présenter ses orientations, nous avons profité d'un contexte totalement inédit.
D'une part, des outils nouveaux sont désormais à notre disposition à travers une nouvelle constitution financière, la LOLF, et le rapprochement entre le ministère du budget et celui de la réforme de l'État. D'autre part, le rapport Pébereau sur l'endettement de la France, qui a été commandé par Thierry Breton, représente également une opportunité remarquable.
Toutes les conditions sont donc réunies pour vous présenter un budget dont le contenu diffère assez largement des précédents. Néanmoins, il continue de s'inscrire dans ce que nous avons fait depuis le début de la législature. Ainsi, nous fixons trois objectifs.
Premier objectif, on remplit le contrat passé par les Français en 2002. La totalité des priorités sur lesquelles les Français attendent de nous des résultats sont financées.
Tout d'abord, en ce qui concerne la restauration de l'autorité de l'État, qu'il s'agisse de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, du budget de la justice ou de la loi de programmation militaire, les crédits sont au rendez-vous.
La loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure est appliquée, puisque 1 787 postes en équivalent temps plein de gendarmes et de policiers seront créés. Au total, sur l'ensemble de la législature, plus de 12 000 emplois de policiers et de gendarmes auront été créés auxquels s'ajoutent 2 000 adjoints de sécurité.
Le budget de la justice augmente de 5 %. Il est vrai qu'un peu de retard avait été pris en raison de lourds programmes d'investissement, mais il sera comblé.
Quant à la loi de programmation militaire, elle est entièrement respectée pour la cinquième année.
J'ajoute que la France respecte ses engagements en matière d'aide publique au développement, puisque le seuil de 0,5 % du revenu national brut sera atteint, conformément à ce qu'avait décidé le Chef de l'État.
Ensuite, en ce qui concerne la nécessité de répondre aux défis de l'avenir, ce budget traduit les engagements précis que nous avons pris en matière d'enseignement supérieur et de recherche : 1 milliard d'euros de moyens supplémentaires sont dégagés en leur faveur et 1 500 emplois seront créés dans les universités et les établissements publics de recherche. Là encore, nous sommes au rendez-vous !
Deuxième objectif, nous rendons un meilleur service public aux Français.
Nous avons bien évidemment à coeur de dépenser moins, mais surtout de dépenser mieux. C'est ce qui marque la différence. Comme l'a dit Thierry Breton, la dépense publique est en baisse. Pour la première fois depuis très longtemps, elle progressera moins que l'inflation.
C'est à l'idée de créer une administration plus moderne et moins coûteuse au service des Français que nous travaillons. Dans cet objectif, nous avons décidé de nous appuyer sur trois outils nouveaux.
Le premier est utilisé tous les jours par les Français, je veux parler des nouvelles technologies.
Nous avons l'intention - c'est tout l'intérêt du rapprochement du ministère du budget et de celui de la réforme de l'État - de mettre Internet à tous les étages. Ainsi, près de six millions de Français ont déclaré cette année leurs impôts sur Internet. C'est un record absolu ! À la clé, il y a un meilleur service rendu aux Français, une administration qui se modernise et de moindres besoins en termes d'effectifs.
Le deuxième outil, ce sont les audits de modernisation.
J'ai déjà eu l'occasion d'en parler au Sénat, en particulier devant la commission des finances : il y a six mois, j'ai créé un programme inédit. Ainsi, d'ici à la fin de l'été, 100 audits, qui couvriront 100 milliards d'euros sur les 266 milliards d'euros du budget de l'État, radiographieront l'ensemble des grands programmes de l'État. L'objectif est de faire la chasse aux gaspillages, de chercher des gains de productivité, de mesurer en permanence l'efficacité de la dépense publique afin que les Français en aient pour leurs impôts, que les usagers voient le service public se moderniser et que les fonctionnaires puissent directement profiter des gains de productivité réalisés.
J'ai d'ailleurs lancé cette semaine la quatrième vague, qui comprend 35 audits recouvrant 38 milliards d'euros, sur différents sujets, tels que la dématérialisation de la chaîne pénale, la mise en place de l'agence de délivrance des titres sécurisés de l'État, les aides de l'État accordées aux entreprises, les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux ou encore l'entretien de l'immobilier de l'État.
Pour certains ministères, les audits ont montré des gisements de modernisation considérables. J'ai évoqué tout à l'heure la déclaration d'impôt sur Internet. Sachez que cela représente 750 emplois.
Je pourrais aussi parler de l'audit sur les décharges de services des enseignants du second degré. Je vous rappelle qu'elles représentent l'équivalent de 28 000 postes et qu'elles sont régies par des textes datant de 1950. L'audit remarquablement réalisé sur l'initiative de Gilles de Robien a conclu à la possibilité de supprimer 10 000 emplois à terme. Néanmoins, nous comptons procéder de manière intelligente, concertée, progressive, adaptée. Ce sont donc 3 000 emplois qui seront économisés cette année.
Le troisième outil, ce sont les outils d'intéressement à la réforme.
Il s'agit des contrats de performance. L'objectif est que tous les ministères puissent signer avec le ministère des finances un contrat d'objectifs visant à moderniser l'administration de l'État.
Un ministre doit bien sûr porter une ligne politique, décider, veiller à ce que les choses avancent et à ce que les réformes soient engagées. Mais il est aussi le patron de son administration. Il a la mission de la moderniser sans cesse. De ce point de vue, les contrats de performance seront des éléments clés.
Thierry Breton et moi-même avons signé ce type de contrat avec l'ensemble de nos directeurs à Bercy. D'autres ministères agissent de la même manière. Je pense, par exemple, au ministère de l'équipement, qui réduira ses effectifs de 1 267 postes en équivalent temps plein.
À travers ces trois leviers, on offre un service public complètement rénové et l'on ouvre de nouvelles voies à la modernisation de notre pays dans l'avenir. L'objectif est de rendre ensemble le meilleur service public au meilleur coût. Comme par hasard, quand on le fait, la dépense publique diminue.
À cet égard, je voudrais prendre un engagement très clair : aucune des baisses de crédits ou des diminutions d'effectifs figurant dans ce budget ne portera atteinte à la qualité du service public.
M. Roland Muzeau. Bien sûr que si !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. En particulier, le choix que nous avons fait concernant les 15 000 départs à la retraite non financés - en réalité moins 19 000 et plus 4 000 - est à chaque fois parfaitement argumenté et documenté.
Par exemple, le ministre de l'éducation nationale, Gilles de Robien, a scrupuleusement veillé à ce que les décisions qu'il a prises et qu'il a soumises au Premier ministre soient à chaque fois parfaitement justifiées. Elles sont fondées, soit sur le résultat des audits, soit sur la réalité démographique.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Prenons le cas des décharges de service des enseignements du second degré, qui ont fait l'objet d'une décision courageuse. Voilà en effet des années que les décisions dans ce domaine sont différées. Il a pris l'engagement, et je m'inscris dans ses pas, qu'il n'y aura aucune fermeture de classe, ni aucune baisse d'effectifs dans les classes, ni, contrairement à ce que j'ai pu entendre ici ou là, aucune réduction du nombre de classes accueillant des enfants handicapés. (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je le souligne, car la polémique qui s'est développée sur ce sujet est regrettable. Nous concourons tous au même service, celui de l'intérêt général !
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il faudra donc faire très attention à éviter la caricature lors du débat budgétaire de l'automne. Rappelons que, lorsque l'on parle de 15 000 fonctionnaires de moins, il s'agit bien entendu de départs à la retraite non remplacés à un moment où le pic sera considérable, à savoir entre 70 000 et 80 000 départs à la retraite. Il faut donc replacer cette notion dans ses justes perspectives.
Je le répète, ces réductions sont totalement argumentées. Avec votre concours, mesdames, messieurs les sénateurs, je veillerai durant tout le débat budgétaire à en faire la démonstration.
Enfin, je serai attentif au fait que le contrat de performance soit « gagnant-gagnant ». Comme je l'ai dit, la négociation avec tous les ministères s'est déroulée dans un contexte très nouveau et elle n'a donné lieu à aucun passe-droit. Il n'y a donc eu ni perdant ni gagnant, car ce n'est pas l'esprit de la LOLF.
Souvenez-vous ! Par le passé, les ministres satisfaits étaient ceux qui pouvaient venir annoncer dans cet hémicycle que leur budget avait augmenté. Ils montraient ainsi leur poids politique à la représentation nationale, à la presse et parfois aux Français.
Demain, les ministres qui réussiront ne seront pas ceux qui auront augmenté leur budget, mais ceux qui auront respecté les engagements pris dans le cadre de la LOLF. Émergeront donc de nouvelles stars que l'on ne connaissait pas forcément auparavant, qui valoriseront leur travail à travers les résultats obtenus. Voilà un point qui, à mon sens, changera beaucoup le regard des Français vis-à-vis des décideurs politiques.
Vous le voyez, à travers nos choix, nous assumons nos responsabilités. C'est d'autant plus important que nous aborderons le débat budgétaire à l'automne dans un contexte bien particulier, celui d'une année précédant l'élection présidentielle.
M. Guy Fischer. Ah bon ! (Sourires.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'entends bien faire en sorte qu'à l'occasion de l'examen du projet de budget nous ayons un débat politique au sens noble du terme. Il faudra mettre les pieds dans le plat, et la majorité et l'opposition seront invitées à dire à quoi doit servir l'argent public.
Ce débat ne sera pas inutile, car gouverner, c'est aussi hiérarchiser les priorités, être cohérent avec les engagements que nous prenons devant les Français. De ce point de vue, ce budget nous permettra de prendre date. Et le choix sera simple.
Le premier choix, c'est celui de la responsabilité et du réalisme. Il faudra être capable de dire aux Français : « Nous financerons la totalité des priorités politiques sur lesquelles nous nous engageons et sur lesquelles vous attendez des résultats, à savoir les grandes missions régaliennes de l'État : la sécurité, la défense, la justice, l'éducation, l'emploi. »
Il faudra également veiller en permanence à moderniser l'État en évitant de dire systématiquement que l'administration fonctionne moins bien si l'on ne crée pas plus de postes. Nous sommes capables de faire la démonstration inverse et d'affecter les postes de fonctionnaire là où c'est nécessaire, là où nous avons besoin de moderniser notre pays. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas vrai. Il manque de tout partout !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ai beaucoup de respect pour le groupe communiste, mais je suis fatigué d'entendre depuis des années ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes fatigués aussi !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... - je l'entendais déjà quand j'étais petit - l'idée selon laquelle l'administration fonctionne moins bien si l'on n'augmente pas sans arrêt les postes dans l'administration.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Alors que c'est l'inverse !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allez dire cela dans les hôpitaux !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Sur ces sujets, on entend les mêmes propos démagogiques, et je le regrette !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voit déjà les effets dans les écoles !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Avec ce budget, il n'y aura aucune suppression de postes. Quant aux départs à la retraite non remplacés, ils seront démontrés, justifiés et documentés. Cela s'appelle l'engagement politique, la modernité !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le disque du PC est rayé !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Les réactions que j'ai entendues à gauche de l'hémicycle me conduisent à évoquer le deuxième choix, dont vous avez été l'illustration souriante, madame Borvo Cohen-Seat (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP), mais tout de même criante. Je veux bien évidemment parler du choix classique de la dépense publique supplémentaire financée, comme d'habitude, avec plus d'impôt et plus de dette.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument pas !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je me permets de vous dire que désormais, sur ce sujet, nous ne vous lâcherons pas.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous non plus !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. N'ayant pas encore eu le plaisir de lire le projet communiste, ...
M. Josselin de Rohan. Il n'y en a pas !
M. Roland Muzeau. C'est lequel le vôtre ? Celui de Villepin ou de Sarkozy ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... et ayant quelques moments à perdre, je me suis livré à la lecture détaillée du projet socialiste. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Non seulement le compte est bon, mais en plus j'en ai eu pour mon argent.
M. Josselin de Rohan. Notre argent, l'argent des Français !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le parti socialiste ne l'avait pas chiffré, tant il avait peur d'y perdre ses lunettes. J'ai donc procédé à son évaluation, et je suis parvenu à 115 milliards d'euros, dont 104 milliards d'euros de dépenses éternelles et 11 milliards d'euros pour la seule renationalisation d'EDF.
M. Dominique Braye. Quand on aime, on ne compte pas !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Même si ces politiques ont toutes échoué au cours du XXe siècle, il faut quand même qu'en 2006 la gauche- si elle est élue l'année prochaine -, ajoute la promesse de renationaliser EDF.
Avec un total de 115 milliards d'euros, c'est une telle horreur financière que le parti socialiste n'a toujours pas chiffré son projet ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Impatient, angoissé à l'idée que l'on puisse contester un travail aussi précis que celui que j'ai pu mener, j'attendais que le parti socialiste annonce mercredi le « contre-chiffrage ».
M. Dominique Braye. On l'attend !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Or, hier matin, le parti socialiste a annulé la conférence de presse qu'il devait tenir. Il n'avait certainement pas fini de recompter. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. On aimerait mieux avoir le chiffrage des recettes !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je persiste et signe : le chiffre que j'ai indiqué est exact. Je suis d'ailleurs disponible pour un débat contradictoire sur ce sujet.
En d'autres termes, quand nous proposons de moderniser l'État, de financer nos priorités politiques tout en réduisant la dette publique et en dépensant mieux, vous proposez...
M. Josselin de Rohan. Le contraire !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...d'augmenter dans des proportions absolument folles les dépenses publiques.
MM. Dominique Braye et Alain Vasselle. Comme d'habitude !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et je ne parle pas à la légère. C'est 7 points de PIB supplémentaires !
M. Marc Massion. C'est faux !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Avec ces 7 points de PIB supplémentaires, nous arriverions à 61 % de dépenses publiques rapportées au PIB !
M. Jean-Claude Frécon. Vous êtes hors sujet !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Même les Cubains n'ont pas osé faire cela ! (M. Dominique Braye rit.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et où trouveront-ils l'argent pour financer ces dépenses ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général. Où vont-ils trouver l'argent ?
M. Guy Fischer. Dans les stocks-options !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et dans le CAC 40 !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ils pensent à la bonne vieille formule : « Faire payer les riches. » C'était Georges Marchais qui le disait déjà lorsque j'étais enfant. Ils n'ont pas changé. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. A l'époque, il y avait encore des frontières.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous, vous faites payer les pauvres !
M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence, je vous prie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour ma part, j'ai des doutes. (Brouhaha.) Depuis que je suis devenu ministre du budget, je me demande s'il y aura encore suffisamment de riches en France qui pourront payer.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Rassurez-vous ! Il y en a de plus en plus, des riches !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le monde a changé depuis Georges Marchais, mais sans vous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai ! Aujourd'hui, les pauvres ont de moins en moins et les riches ont de plus en plus !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. À force, les riches se sont délocalisés en nombre important. Cela risque de poser quelques problèmes. (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Qu'est-ce que cela signifie, madame Borvo Cohen-Seat ? Ce sont encore les classes moyennes, c'est-à-dire ceux qui travaillent et qui n'ont droit à rien, qui devront payer.
M. Dominique Braye. C'est évident !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous, nous présenterons un projet politique dans lequel nous aurons à coeur que les classes moyennes,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et M. Marini qui fustige les fonctionnaires ! C'est une honte !
M. le président. Un peu de silence, je vous prie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... qui travaillent pour soutenir l'économie du pays, l'emploi et l'investissement, puissent continuer à le faire dans une société de respect. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Fustiger les fonctionnaires ! Quelle honte !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Attendez, madame Borvo Cohen-Seat ! Je n'ai pas complètement terminé. (Exclamations.)
Je souhaitais évoquer un dernier point avant de lancer le débat. Nous aurions pu croire que les Français se laisseraient prendre à un projet socialiste qui rase gratis à 115 milliards d'euros.
Or il y a eu un sondage sur le sujet. Et, puisque la gauche est toujours prompte à commenter les sondages quand ils ne sont pas bons pour le Gouvernement, permettez-moi d'évoquer - une fois n'est pas coutume - un sondage sur le projet socialiste. Là encore, j'en ai eu pour mon argent.
Selon ce sondage, qui a été réalisé voilà quelques jours par l'institut BVA, 60 % des Français jugent ce projet irréaliste...
M. Jean-Claude Frécon. Vous avez loué l'hémicycle pour organiser un meeting de l'UMP ? (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...et 65 % d'entre eux considèrent qu'il ne donne pas envie de voter pour un candidat socialiste.
M. Josselin de Rohan et M. Dominique Braye. Les socialistes rasent gratis !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et votre Gouvernement est soutenu par 20 % des Français à peine !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Certes. Mais, comme on nous parle toujours des sondages sur le Gouvernement, il n'est, me semble-t-il, pas forcément inutile que vous connaissiez également les sondages à propos du parti socialiste.
J'ajoute que ce projet est seulement socialiste. Vous n'avez pas encore signé avec les communistes, mesdames, messieurs les sénateurs socialistes. Le jour où vous le ferez, vous doublerez la facture. (Rires sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est ridicule !
M. Roland Muzeau. Apparemment, vous commencez à trembler !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Là, je peux vous dire que nous aurons véritablement de quoi méditer sur la différence entre la gauche et la droite.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous ne sommes pas dans un meeting politique !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les points que je souhaitais aborder pour vous présenter ces orientations budgétaires.
Je suis très content d'avoir suscité votre émotion, madame Borvo Cohen-Seat. (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous vous intéressez beaucoup à moi en ce moment ! (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cela me permet de rappeler qu'en politique, au sens noble du terme, il y a une différence entre la majorité et l'opposition.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vrai ! Avec vous, il n'y a même pas 20 % de social !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il s'agit d'un débat de fond à propos duquel nous aurons l'occasion de nous opposer tout au long de l'automne. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. François Trucy. Ah ! Il est vraiment bon !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est affligeant !
M. Guy Fischer. Ils ne changeront jamais !
M. Josselin de Rohan et M. Dominique Braye. Les communistes défendent le projet socialiste !
M. Roland Muzeau. Sauf que nous, nous voulons le SMIC à 1 500 euros tout de suite !
M. le président. Mes chers collègues, je vous demande un peu de silence afin de poursuivre notre débat.
M. Alain Vasselle. Maintenant nous allons voir comment nous serons soignés !
M. Guy Fischer. M. Bertrand va nous endormir !
M. Roland Muzeau. Il va nous parler des exonérations non compensées !
M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat d'orientation sur les finances sociales qui nous réunit aujourd'hui constitue une avancée importante introduite par la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
En effet, au moment où le Gouvernement s'engage dans la phase d'élaboration et de préparation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il est essentiel pour le Parlement de disposer d'une présentation générale des orientations et des grands équilibres financiers pour pouvoir mieux préparer les choix budgétaires que nous serons amenés à effectuer à l'automne.
Un impératif de cohérence s'impose plus que jamais dans le pilotage des finances publiques. C'est dans cet esprit que nous travaillons en compagnie de Philippe Bas, de Thierry Breton et de Jean-François Copé.
C'est bien l'objectif que nous cherchons à atteindre, dans le prolongement de la Conférence nationale des finances publiques, présidée par le Premier ministre. Celle-ci s'est tenue le 11 janvier dernier et a rassemblé le Gouvernement, le Parlement, le Conseil économique et social, les associations d'élus locaux, les partenaires sociaux et les représentants des organismes de protection sociale.
Souhaitant placer notre pays sur la voie de l'équilibre des comptes publics et mettre en oeuvre la stratégie de désendettement que Thierry Breton vient de détailler, le Premier ministre a assigné aux finances sociales deux objectifs.
D'une part, le retour à l'équilibre du régime général de la sécurité sociale devra être effectif à l'horizon 2009.
D'autre part, afin de tenir compte de la nécessaire hausse des dépenses sociales dans notre pays, notamment pour faire face aux besoins croissants dus aux effets du vieillissement et au progrès médical, nous souhaitons que l'évolution des dépenses de l'ensemble des administrations de sécurité sociale soit de plus 1 % au-delà de l'inflation.
C'est dans ces perspectives, et dans le prolongement des réformes engagées, que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 sera conçu. Il sera ensuite discuté à l'automne.
Je centrerai d'abord mon propos sur les implications sur l'assurance maladie et, par voie de conséquence, sur les dépenses de santé.
Le retour à l'équilibre de la branche maladie du régime général en 2009 suppose que les dépenses d'assurance maladie évoluent en moyenne sur la période de 2,2 % en valeur, soit 0,4 % en volume, sur la base d'une hypothèse d'inflation à 1,8 %.
Cela implique la poursuite de l'inflexion déjà constatée des dépenses d'assurance maladie que nous enregistrons depuis 2004 grâce à la réforme de l'assurance maladie.
Les dépenses relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, ont augmenté de 6,4 % en 2003, de 4,9 % en 2004 et de 3,9 % en 2005, 2005 étant la première année depuis 1997 au cours de laquelle l'ONDAM adopté par le Parlement a été respecté.
Pour 2006, l'objectif est clair : nous visons une progression de 2,5 %. Nous sommes donc résolument sur la voie de la maîtrise des dépenses d'assurance maladie. Nous avons notamment enrayé les rythmes de croissance atteints par le passé.
Il nous faut donc poursuivre dans cette voie. Les tendances qui se dégagent depuis le début de l'année sont d'ailleurs constantes. Mois après mois, on constate une modération des dépenses, en particulier s'agissant des soins de ville. Entre le mois de janvier et le mois de mai de cette année, ces dépenses ont augmenté de 1,4 % seulement par rapport à l'année 2005.
La conséquence de cette modération des dépenses est la réduction très claire du déficit de l'assurance maladie. Après avoir atteint 11,6 milliards d'euros en 2004, ce déficit a été ramené à 8 milliards d'euros en 2005. Sans la réforme que la majorité a adoptée, il aurait été de 16 milliards d'euros.
En 2006, le déficit sera à nouveau significativement réduit, pour se situer légèrement au-delà de 6 milliards. En 2007, notre objectif est de continuer clairement sur cette trajectoire en visant un déficit inférieur à 4 milliards d'euros.
Cela signifie que le déficit de la branche maladie aura été divisé par quatre en moins de trois ans.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et ce n'est pas négligeable, loin de là !
M. Guy Fischer. Mais les chiffres sont truqués !
M. Xavier Bertrand, ministre. Quand on est attaché à la pérennité de notre système de sécurité sociale, on doit effectivement se féliciter de tels résultats, qui sont notamment dus à l'action des Français.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tout cela fait beaucoup de chiffres. C'est d'ailleurs normal dans le cadre d'un débat d'orientation budgétaire.
Pourtant, ces chiffres ne constituent pas une fin en soi. Ce que nous voulons, en revenant à l'équilibre financier, c'est sauvegarder notre système de sécurité sociale en le modernisant et en l'améliorant.
C'est d'ailleurs en cela que la réforme issue de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie se distingue des autres « plans de sauvetage » qui l'ont précédée. Elle n'a pas contenu, et je l'assume, de mesure par essence brutale ou spectaculaire.
Il s'agit au contraire d'une réforme structurelle, qui vise à soigner mieux en dépensant mieux. Cela repose sur des changements de comportement et place la qualité au premier plan. Selon nous, le redressement financier de l'assurance maladie va de pair avec une politique de santé plus ambitieuse. Nous sommes donc animés par une approche qualitative et structurante sur le long terme.
À cet égard, l'essor du parcours de soins autour du médecin traitant est une réussite. Plus de 40 millions d'assurés sociaux ont aujourd'hui choisi leur médecin traitant. En outre, 78 % des consultations s'effectuent dans le cadre du parcours de soins et moins de 2 % seulement sont des consultations hors parcours de soins, la personne ayant consulté directement un spécialiste alors qu'elle avait un médecin traitant.
La maîtrise médicalisée est également un succès. Rappelez-vous pourtant les « Cassandre », qui nous disaient que celle-ci ne fonctionnerait jamais. Elle est le fruit d'une attention plus grande des professionnels aux conditions de prescription, s'agissant tant des médicaments que des indemnités journalières.
Un tel engagement nous a permis d'obtenir des résultats concrets et favorables. Ainsi, avec l'avenant n° 12 à la convention nationale des médecins, qui a été signé cette année, l'objectif est de 800 millions d'euros pour l'année 2006 et de 600 millions d'euros pour l'année 2007.
Nous sommes donc engagés sur une dynamique qui nous permet également de maîtriser les dépenses en évitant les charges inutiles.
Année après année, la Caisse nationale d'assurance maladie, la CNAM, ou la Cour des comptes nous indiquent qu'il y a entre 6 milliards et 8 milliards d'euros de dépenses inutiles dans notre système. Pouvons-nous continuer à nous satisfaire de ce constat sans engager les solutions permettant d'y mettre un terme ?
Ces dépenses inutiles pèsent non seulement sur notre déficit, mais nous aurions en plus besoin de ces 6 milliards à 8 milliards d'euros pour investir dans notre système de santé.
Voilà pourquoi nous avons décidé notamment que les examens inutiles, qui représentaient un surcoût compris entre 1 milliard et 1,5 milliard d'euros par an, devaient également constituer une priorité. Nous devons y mettre un terme.
Le secteur du médicament constitue également un élément important de notre politique de redressement.
Nous comptons notamment sur les génériques, qui nous ont permis d'économiser en 2005 au total 234 millions d'euros supplémentaires, dont 170 millions d'euros au titre de l'augmentation de leur pénétration.
Je le rappelle, les accords qui ont été signés entre l'assurance maladie, les pharmaciens et les médecins prévoyaient une progression de la substitution avec un objectif de 70 % à la fin de l'année.
Ces engagements seront non seulement tenus, mais ils seront même très certainement dépassés. En effet, si l'objectif est de 70 % au 31 décembre, nous avions déjà atteint un taux de 67,3 % au 14 juin.
Nous avons donc fait le choix de renoncer à la généralisation du tarif forfaitaire de responsabilité, le TFR, qui avait été envisagée initialement. Nous avons accordé notre confiance au pharmacien et cette confiance n'a pas été démentie par les faits.
Ensuite, la politique des prix est un ressort important, qui a permis de dégager 365 millions d'euros supplémentaires en 2005.
La question des grands conditionnements constitue également un aspect attendu par nombre de Français, à la fois parce que le dispositif relève du bon sens, mais également parce qu'il permet des économies. Ainsi, plus de vingt médicaments sont désormais disponibles en conditionnement de trois mois. Leur délivrance produira ses effets à partir du deuxième semestre 2006.
Au total, toutes les mesures adoptées dans le secteur du médicament produisent leurs effets. Ce qui est encourageant, c'est que nous assistons enfin à un infléchissement indéniable des dépenses médicamenteuses sur les premiers mois de l'année. Les dernières données font état d'un taux d'évolution de seulement 1,8 %pour le mois de mai, contre 2,2 % au mois d'avril, 3,9 % au mois de mars, 4,6 % au mois de février et 5,7 % au mois de janvier.
Pour leur part, les établissements de santé se sont engagés dans les réformes structurelles prévues par le plan « Hôpital 2007 ». La part de tarification à l'activité s'élève aujourd'hui à 35 % pour les établissements publics et privés participant au service public.
Le Gouvernement a également entrepris des travaux de mesure des charges spécifiques en vue d'une convergence réussie entre les tarifs des établissements publics et des établissements privés.
Parallèlement, la rationalisation des achats et l'amélioration du contrôle de gestion et des systèmes d'information permettront également au secteur hospitalier de pouvoir répondre aux objectifs de santé que nous lui avons assignés, tout en proposant les meilleurs services et soins aux meilleurs coûts. Comme le dit souvent le président Nicolas About, il s'agit de « soigner mieux en dépensant mieux ».
Enfin, il nous faut développer la prévention, qui est une condition pour garantir à terme la maîtrise durable des dépenses d'assurance maladie et pour améliorer l'état de santé des Français.
En complément de la dynamique instaurée par la réforme de l'assurance maladie, il y a la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.
Je pense également à toute la stratégie de prévention. Nous devons aujourd'hui mettre résolument le cap sur la prévention, tout en ayant aussi à l'esprit que le suivi et les résultats des plans de santé publique et des plans stratégiques en matière de santé sont pour nous une évidence au jour au le jour.
C'est grâce à l'ensemble de ces actions, fidèles à la logique de maîtrise médicalisée des dépenses, que nous continuerons à dégager des marges de manoeuvre pour améliorer la qualité de notre système de santé et renforcer l'accès aux soins.
La majorité a notamment voté des mesures qui ont permis de revaloriser l'aide à la complémentaire. Grâce à cela, celles et ceux qui ont longtemps été considérés comme trop riches pour pouvoir bénéficier de la couverture maladie universelle, la CMU, et qui ne l'étaient pas suffisamment pour pouvoir se payer une complémentaire pourront enfin en avoir une. En effet, le Président de la République a souhaité un relèvement du plafond de revenus des bénéficiaires de ce dispositif.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 permettra de mettre en oeuvre cette mesure, qui profitera à 900 000 personnes supplémentaires.
J'en viens maintenant aux orientations régissant les politiques de sécurité sociale.
La loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a confié aux partenaires sociaux la mission de faire des propositions au Gouvernement et au Parlement, afin de réformer et de moderniser la branche accidents du travail et maladies professionnelles. Les partenaires sociaux ont constitué des groupes de travail. Un accord a déjà été trouvé sur une réforme de la gouvernance.
S'agissant de la tarification, qui constitue aussi un levier en matière de prévention, il convient d'en revoir les modalités dans la mesure où les règles actuelles sont franchement peu lisibles et surtout peu sensibles à la sinistralité propre à chaque entreprise.
Le Gouvernement est attaché à ce que les négociations avancent rapidement de manière qu'il puisse, avec le Parlement, prendre ses responsabilités dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Pour ce qui est de la branche vieillesse, le Gouvernement a proposé en 2003 une réforme structurelle et globale qui garantit l'avenir de notre système par répartition. Son adoption reflète un consensus sur la nécessité de préparer d'ores et déjà les échéances démographiques à venir, notamment à l'horizon 2020. La réforme des retraites constitue aussi un processus continu, dans le prolongement des réflexions de long terme sur le fondement du diagnostic du Conseil d'orientation des retraites, le COR.
Nous respecterons le calendrier et les échéances fixées en 2003. Des rendez-vous ont été pris, le premier d'entre eux étant fixé en 2008, date à laquelle le Gouvernement transmettra un rapport à la représentation nationale, qui sera rendu public et discuté.
Ce rapport permettra notamment, grâce aux travaux du COR, d'analyser tous les effets de la réforme et d'envisager, le cas échéant, les mesures complémentaires, au-delà de la consolidation des mesures-clés de 2003.
La dynamique des prestations vieillesse observé en 2006 a conduit la commission des comptes de la sécurité sociale à réactualiser à la hausse ses prévisions de déficit de la branche retraite, en raison d'une forte montée en charge des départs anticipés des salariés ayant effectué de longues carrières. Ce dispositif, nécessaire à l'équilibre à long terme de la réforme des retraites, rencontre un succès plus important que prévu. Cela montre bien quelle était l'attente dans le pays. Ces mesures représentent un coût de 1,8 milliard d'euros en 2006 et pèse sur les comptes de la Caisse nationale d'assurance vieillesse.
Au-delà de ces effets à court terme, la mise en oeuvre de la réforme des retraites permettra d'améliorer les perspectives financières de la branche vieillesse. Dans son rapport, le COR évalue l'impact de la réforme d'août 2003 sur le régime général à près de 50 % du besoin de financement à l'horizon 2020.
Par ailleurs, nous savons que le redéploiement des cotisations chômage lié à la baisse engagée et progressive du chômage permettra d'équilibrer le régime général. Ainsi, la politique pour l'emploi du Gouvernement, qui a déjà permis une baisse de 200 000 du nombre de chômeurs en un an, est l'un des facteurs de redressement structurel du régime général.
Il faut également souligner l'enjeu fondamental que constitue le niveau d'emploi des séniors pour la viabilité financière de nos régimes de retraite. Cela déterminera notre capacité à conserver un haut niveau de retraite.
La politique de la famille constitue aussi un volet important des dépenses de protection sociale : elle représente près de 50 milliards d'euros, dont 62 % sont gérés par la branche famille du régime général de sécurité sociale. Interviennent également les collectivités locales, notamment au travers de l'action sociale en direction des enfants, la branche maladie, qui prend en charge les dépenses de maternité, ou encore l'État, en tant qu'employeur ou par le financement des bourses, qu'elles soient scolaires ou universitaires.
La politique familiale se traduit par ailleurs par la gratuité des services publics, en particulier l'éducation, ou d'importantes dépenses fiscales.
Au cours de ces dernières années, la conciliation de la vie familiale et professionnelle a constitué un élément structurant de la réorientation des politiques familiales. Ainsi, ce n'est pas un hasard si la France connaît aujourd'hui le taux de fécondité le plus élevé d'Europe continentale. Et si, dans le même temps, le taux d'activité des femmes y est l'un des plus forts, cela reflète le succès de la politique que vous avez soutenue et votée. (Mme Nicole Bricq s'exclame.) Le travail des femmes favorise en effet la natalité, à condition qu'une politique ambitieuse permette de concilier vie familiale et professionnelle.
C'est précisément pour faciliter les choix familiaux que la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, a été instaurée au 1er janvier 2004. Cette prestation connaît un succès dépassant les espérances puisque, d'ici à la fin de l'année, elle concernera 250 000 bénéficiaires, au lieu des 200 000 prévus. Cette montée en charge rapide a entraîné une progression plus dynamique que prévue des dépenses de la branche famille, qui ont crû de plus de 10 % entre 2004 et 2005. Cette prestation devrait toutefois avoir achevé sa montée en charge d'ici à la fin de l'année 2006.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont aujourd'hui, clairement, les dynamiques sur lesquelles nous sommes engagés. Nous sommes fidèles à la feuille de route tracée par le Président de la République s'agissant du retour à l'équilibre des comptes publics.
En ce qui concerne plus particulièrement la réforme de l'assurance maladie, je souligne de nouveau que celle-ci est en marche. Si la sécurité sociale n'est pas encore aujourd'hui complètement guérie, reconnaissons qu'elle va mieux, ce dont nous pouvons nous réjouir. Cette réforme produit ses résultats et nous allons amplifier en 2006 et en 2007 les dynamiques mises en oeuvre.
C'est toute la logique de la réforme souhaitée par le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Il s'agit donc d'un travail de longue haleine, nécessitant un suivi de la réforme, ainsi qu'une véritable constance. C'est dans cet esprit que j'ai décidé de mettre en place, depuis le début du printemps, un comité de suivi de la réforme de l'assurance maladie et de pilotage de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, qui réunit le directeur de la sécurité sociale, le directeur des hôpitaux, le directeur général de la santé, ainsi que le président du comité économique du médicament et le directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, l'UNCAM, afin de faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande réactivité, c'est-à-dire, tout simplement, pour suivre l'évolution des dépenses d'assurance maladie.
Ces réformes reposent avant tout sur des changements de comportement. Elles supposent aussi des évolutions, qu'il faut ancrer dans la durée. C'est dans cet esprit que Philippe Bas et moi-même travaillons. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 s'inscrira dans cette même logique, une logique de réussite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le rendez-vous de ce jour est une première, car en décidant d'organiser un débat d'orientation conjoint sur l'ensemble des finances publiques, celles de l'État, celles de la sécurité sociale et celles des collectivités territoriales, nous nous efforçons de mettre en perspective la situation de nos finances publiques. Ainsi, nous marquons de notre empreinte, à un moment crucial, les prochaines discussions de l'automne.
Nous souscrivons pleinement à votre engagement national de désendettement et à vos orientations, messieurs les ministres. C'est une nécessité ! La Cour des comptes elle-même n'a-t-elle pas rappelé que 2005 prolonge les tendances antérieures ?
S'agissant du fond de nos débats, en vous renvoyant pour l'essentiel à l'excellent rapport de Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, je centrerai mon intervention sur la nécessaire recherche de la compétitivité. Sans compétitivité, la croissance ne sera pas durable. Sans compétitivité, les ressources de notre système de prélèvements obligatoires seront décevantes. Sans compétitivité, le chômage restera à des niveaux socialement insupportables. Sans compétitivité, notre pacte social ne manquerait pas de se déliter.
Certes, la compétitivité ne se décrète pas, mais nous disposons, me semble-t-il, de deux puissants leviers pour la favoriser.
Le premier, c'est la nécessaire et indispensable réforme de l'État, pour laquelle nous pouvons compter sur un outil puissant et largement consensuel : la LOLF. Nous venons d'en percevoir le potentiel, la puissance latente, pour peu que la volonté politique s'en empare.
Le second levier consiste à sortir du chemin de la croissance atone et, pour cela, à alléger les charges pesant sur la production qui est aisément délocalisable - dans un marché global, les emplois ne manquent pas de suivre - en les reportant sur les produits ; j'y reviendrai dans un instant.
J'évoquerai d'abord l'indispensable réforme de l'État.
Il faut mettre fin à cette accoutumance à la dépense publique, qui constitue l'une des tristes caractéristiques du modèle social français actuel et qui ne nous a pas pour autant permis de renouer avec la compétitivité.
Nous devrions ainsi connaître en 2006, s'agissant de l'État seul, un déficit budgétaire quotidien de près de 125 millions d'euros, car l'État s'autorise, nous le savons bien, ce qu'aucun ménage ni aucune collectivité locale ne pourrait faire : il dépense 20 % de plus que ce qu'il perçoit !
Le corollaire en est l'explosion du montant de la dette publique, qui atteint un niveau historiquement élevé et de moins en moins supportable, ainsi que la commission Pébereau l'a souligné, sans, du reste, faire l'objet d'aucune contestation.
Si l'on ajoute à cette charge les engagements hors bilan résultant du poids des retraites des fonctionnaires - estimé à plus de 800 milliards d'euros par la Cour des comptes, à 430 milliards par la commission Pébereau -, c'est un stock de dette latente correspondant à plus de deux années de produit intérieur brut que nous devons supporter. Je n'ose même pas mesurer le poids effectif des dettes du secteur public. Au total, ce sont donc près de 2 000 milliards d'euros qui doivent être inscrits au passif du bilan de l'État.
Dans le prolongement des travaux de la commission Pébereau, vous disposez, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, d'une seconde occasion pour faire de la pédagogie. Je sais que vous mesurez l'importance que prendra le bilan d'ouverture : en application de la LOLF, le Gouvernement doit établir au 1er janvier 2006 ce bilan qui recensera les actifs et les passifs de l'État.
Croyez bien que la commission des finances veillera à ce que tous les actifs soient correctement évalués et à ce qu'aucun passif ne soit sous-estimé, et ce afin de nous permettre de disposer d'un état des lieux clair, d'une solide base de référence.
Messieurs les ministres, toute omission de dette directe ou indirecte - je pense aux pensions du mois de décembre, payées en janvier de l'année suivante, soit un peu plus de 3 milliards d'euros ; je pense aux régimes spéciaux de retraite, ou bien encore à des entreprises publiques dont chacun sait que la liquidation se soldera par la reprise d'une dette par l'État -, toute sous-évaluation de provisions, toute sous-estimation des obligations à assumer remontera à la surface dans les prochaines années, effacera les bons résultats attendus, neutralisera les signes positifs, polluera tous les messages encourageants.
À cet égard, j'aimerais que vous nous indiquiez dans quels délais vous envisagez de nous présenter ce bilan du patrimoine de l'État au 1er janvier 2006.
M. Jean-Claude Frécon. M. le ministre n'a pas le temps : il fait les comptes du parti socialiste !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne doute pas qu'y seront inscrits - je ne cite que le seul ministère de la défense - les 2,1 milliards d'euros de factures impayées au 31 décembre 2005.
Je sais bien que les PME qui avaient assuré les prestations et les fournitures ont pu mobiliser leurs créances. Autrement dit, au 31 décembre 2005, il y avait des créances reconnues par des entreprises qui pouvaient être négociées auprès des banques, mais l'État n'avait pas constaté sa dette. Par conséquent, au 31 décembre 2005, messieurs les ministres, il faudra bien constater ces 2,1 milliards d'euros, de même que les 45 milliards d'euros de reste à payer sur les dépenses d'équipement militaire, qui représentent à elles seules trois années de la loi de programmation militaire !
La discussion de la loi de règlement a été très instructive et significative. Quatorze ministres sont venus devant le Sénat ; les auditions étaient ouvertes à l'ensemble des sénateurs et au public. Quatre débats ont eu lieu hier et avant-hier. À l'occasion de ces débats, nous avons constaté que la plupart des ministères concernés avaient, ici ou là, des dettes impayées. Nous tenons cet état à votre disposition, messieurs les ministres.
Adepte d'un langage de vérité, vous avez proclamé l'année dernière, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, que la France vit au dessus de ses moyens.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Voilà des propos forts, que nous entendons bien, parce qu'ils sonnent juste.
À ce titre, l'annonce faite, grâce à une gestion de la fonction publique plus dynamique, moins statique, de la création de 4 000 postes de fonctionnaires, largement compensée par la suppression de 19 000 emplois, pour une large part non pourvus, va dans le bon sens. Nous sommes donc nombreux à vous soutenir dans cette démarche reposant sur plus de transparence et de sincérité dans la présentation des comptes publics.
Efforçons-nous donc de cultiver l'esprit de la LOLF afin de mieux préserver le consensus qu'elle a suscité et de tenter, ensemble, d'y voir clair. Mettons de la lumière dans chaque pièce de la maison publique. Mais, mes chers collègues, ne nous leurrons pas ; la LOLF n'est qu'un cadre d'action, un mode d'emploi du budget et, en aucun cas, elle ne définit la politique à suivre. C'est un aiguillon certes puissant, mais qu'il faut savoir ou vouloir utiliser. Elle n'est rien sans détermination et volonté politique. Or, chacun le sait, la réforme est difficile à mettre en oeuvre et, surtout, aucune réforme n'est à effet immédiat. Les effets bénéfiques ne se font sentir qu'à moyen terme, selon un calendrier qui n'est pas toujours en phase avec le calendrier politique.
Mais la réforme de l'État ne pourra, seule, nous permettre de renouer avec la compétitivité de la « maison France ». Oui, le chantier de la réforme de l'État est incontournable, mais il nous faut également rompre avec la croissance atone.
Certes, ainsi que vous l'avez rappelé ce matin, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, les indices sont encourageants. Veillons à ce que ces bonnes nouvelles ne constituent pas autant d'arguments pour encourager les conservatismes et les corporatismes et justifier leur immobilisme.
Nous le savons tous, pour porter remède à la situation actuelle de nos finances publiques, il faut réformer. Et les bonnes réformes, au stade où nous en sommes, passeront nécessairement par des ruptures.
En ce domaine comme dans d'autres, n'hésitons pas à nous comparer à ceux qui ont su redimensionner le champ des interventions publiques sans nuire, bien au contraire, à la qualité du service public, à comprendre ceux qui ont mené à bien leurs réformes structurelles.
Dans un monde globalisé où s'accélèrent les mutations, changeons nos schémas de pensée pour les adapter aux contraintes du troisième millénaire, faute de quoi nos précieux atouts vont s'altérer chaque jour un peu plus.
Nous devons ainsi, afin de préserver la qualité de nos services publics et notre cohésion sociale, faire évoluer notre système de prélèvements obligatoires.
A l'ère de la globalisation, des entreprises nomades, des délocalisations réelles ou masquées, il nous faut réfléchir à la possibilité d'asseoir l'impôt non plus sur les facteurs de production, désormais volatiles - les productions sont aujourd'hui très facilement délocalisables - mais sur d'autres assiettes, notamment les produits.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cessons, en ce domaine, de demander de nouvelles contributions ou de nouveaux rapports à des experts pour utiliser ce qui existe déjà.
À ce titre, je me félicite tout particulièrement des déclarations qui appellent à renouer avec la valeur « travail » et à envisager pour ce faire une très large palette de moyens.
Tous ceux qui veulent travailler plus - ils sont nombreux -, tous ceux qui sont désireux d'entreprendre - ils sont également nombreux - attendent des gages de liberté et de compétitivité. Il est donc temps de redessiner notre horizon fiscal, avec des mesures simples, lisibles, compréhensibles, expurgées des niches et autres exonérations « ciblées »...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...qui pervertissent notre code général des impôts et que le Conseil constitutionnel, après la Cour des comptes, a dénoncées
Ce grand chantier ne peut se concevoir sans une réhabilitation de l'entreprise, car c'est elle qui crée de l'emploi, qui diffuse la richesse. Cessons donc de demander à nos entreprises de prendre en charge la solidarité édictée par les États pour faire vivre la cohésion sociale et organisons un nouveau partage des tâches : aux entreprises, la responsabilité de l'activité, de l'investissement, de la création de richesses et d'emplois ; aux citoyens, le financement de la solidarité.
Donnons en particulier des gages aux petites et moyennes entreprises : c'est le tissu des PME qui fait la croissance. Je sais bien que les entreprises du CAC 40 sont notre fierté - plus de 80 milliards d'euros de bénéfices et plus de 30 milliards d'euros de dividendes -, mais, au final, bien peu d'emplois y sont créés et des pressions sont parfois exercées sur les fournisseurs pour les inciter à produire ailleurs et à délocaliser leurs emplois, sans parler de quelques cas infimes qui laissent à penser que, dans cette financiarisation à outrance, certains dirigeants peuvent être atteints par la folie de l'argent.
Mme Nicole Bricq. Parlons-en, au contraire !
M. Jean Arthuis., président de la commission des finances. De toute évidence, l'avenir du pays, la croissance, la création d'emplois dépendent des petites et moyennes entreprises.
Parmi les signes les plus tangibles, figure la réforme fondamentale des prélèvements obligatoires.
Tel est le sillon que notre commission trace depuis de nombreuses années et qui, chaque jour, s'élargit et s'approfondit. La « TVA sociale », puisque c'est d'elle qu'il s'agit, doit devenir un thème central de réflexion, et je me félicite que, chaque jour, le nombre de ses disciples s'accroisse.
J'ai bien dit « TVA sociale », et non pas « taxe sur la valeur ajoutée des entreprises ». En effet, cette dernière serait une invention diabolique, qui constituerait une seconde taxe professionnelle, dont nous mesurons les effets quelque peu corrosifs sur l'investissement et sur l'emploi.
Je souhaite que ce débat puisse venir devant l'opinion publique, car il est, à mon avis, l'une des grandes orientations pour stimuler la croissance et sortir de ce niveau d'activité dont la progression est malheureusement atone.
Ainsi, à taux de prélèvement global inchangé, les cotisations sociales assises sur le salaire seront diminuées au profit d'un prélèvement reposant sur l'assiette la plus large, touchant toutes les activités, qu'elles soient nationales ou réalisées hors de nos frontières. Le Danemark et les autres pays scandinaves se sont engagés dans cette voie. Leur réussite est une référence !
L'on pourrait ainsi régler le douloureux problème du plombier polonais. En effet, celui-ci paie a priori ses cotisations sociales en Pologne alors qu'il travaille en France. Si la TVA devient le vecteur du financement de la protection sociale, lorsque le plombier polonais interviendra à Paris ou dans n'importe quel village français, il acquittera une TVA qui participera au financement de la protection sociale en France.
À nous, en liaison avec le Gouvernement, de prendre notre destin en main, de tracer les orientations budgétaires et fiscales au service de la compétitivité de demain et des emplois d'après-demain.
Tel est le sens de notre engagement. Soyez assurés, messieurs les ministres, que nous serons toujours à vos côtés dans cette démarche de lucidité et de courage. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat d'orientation sur les finances sociales qui a lieu ce matin est une première dont je me félicite.
En effet, ces dernières années, nous nous raccrochions au débat d'orientation budgétaire, sans vraiment y être invités. Cette année, nous intervenons conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005 qui, dans son article 6, a prévu la possibilité de ce débat.
Pour les membres de la commission des affaires sociales, ce débat est très important et je voudrais m'arrêter un instant sur les conditions dans lesquelles il a lieu.
L'article LO 111-5-3 du code de la sécurité sociale, introduit par la loi organique du 2 août dernier, prévoit deux choses : d'une part, un rapport, d'autre part, un débat.
Le rapport, impérativement déposé au cours du dernier trimestre de la session ordinaire, doit être consacré aux orientations des finances sociales et comporter deux éléments : premièrement, une description des grandes orientations de la politique du Gouvernement en matière de sécurité sociale au regard des engagements européens de la France ; deuxièmement, une évaluation pluriannuelle de l'évolution des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale ainsi que de l'ONDAM.
Le débat, qui n'est pas obligatoire, est organisé sur la base de ce rapport, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Il peut être concomitant du débat d'orientation budgétaire, mais, là encore, la loi ne l'impose pas. Or que se passe-t-il cette année ?
Un rapport a bien été déposé par le Gouvernement la semaine dernière. Mais celui-ci ne répond pas tout à fait aux exigences de la loi organique et ne concerne pas exclusivement les finances sociales.
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Intitulé « Engagement national de désendettement », il englobe à la fois des considérations sur l'économie nationale, la présentation de mesures destinées à renforcer le pilotage des finances publiques, tant centrales que locales ou sociales, et les principales orientations aussi bien des finances de l'État que des finances sociales.
Malheureusement - et n'y voyez pas une critique -, sans doute préparé par les services de Bercy, ce document noie un peu les finances sociales dans la masse. À la page 35, par exemple, seul est mentionné le caractère « préparatoire au débat d'orientation budgétaire » de ce rapport, malgré le souci affiché du Gouvernement de renforcer la coordination entre les finances de l'État et les finances sociales.
En outre, contrairement à la lettre de la loi organique, ce document ne comporte aucune évaluation pluriannuelle de l'évolution des recettes et des dépenses des administrations de sécurité sociale et encore moins de l'ONDAM. Seul est rappelé l'objectif d'un retour à l'équilibre du régime général à l'horizon 2009, ce qui est un peu maigre, vous en conviendrez. Là encore, les scénarios pluriannuels décrits pour les recettes et les dépenses du budget de l'État sont bien plus développés et étayés par une analyse plus approfondie.
Notre commission a décidé de considérer cette première application des nouvelles règles de la LOLFSS comme un « galop d'essai »...
M. Roland Muzeau. Un échec !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... qui devra être amélioré l'an prochain. Ainsi, nous souhaitons que le rapport qui sera établi l'année prochaine laisse plus de place aux finances sociales et qu'il soit plus rigoureux dans sa présentation, sur la partie qui nous concerne, bien sûr.
M. Guy Fischer. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Par ailleurs, pour en finir avec ces questions de procédure, je voudrais vous faire part d'un très vif désir que M. Alain Vasselle et moi-même avons pour le prochain PLFSS : la commission des affaires sociales souhaite vous entendre, monsieur le ministre délégué au budget, dès la présentation en conseil des ministres du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Une telle audition n'a jamais eu lieu. Compte tenu des imbrications entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, elle me paraît aujourd'hui indispensable. S'y ajoute le fait que les finances sociales sont désormais devenues, pour ainsi dire, la variable d'ajustement des finances de l'État. Il serait bon que le ministre délégué au budget - directement concerné par cet état de fait - vienne en rendre compte devant notre commission.
M. Guy Fischer. On s'y préparera !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le ministre de la santé et le ministre délégué à la sécurité sociale, que nous entendrons aussi, bien sûr, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... car ils sont les principaux responsables de la bonne gestion des finances sociales, n'ont en effet pas la chance de maîtriser tous les cordons de la bourse ni toutes les ficelles des comptes. Aussi, pour que nous puissions voter en toute connaissance de cause le budget social de la nation, nous avons besoin de vos explications, monsieur le ministre délégué au budget.
Le décor du débat étant planté, j'en viens maintenant à la présentation d'une série d'observations sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale lui-même ; M. Alain Vasselle vous exposera ensuite les remarques de notre commission sur l'évolution des finances sociales.
Je rappellerai d'abord les insuffisances que nous avons relevées dans ce projet de loi voilà quelques mois et que nous vous avons demandé de corriger, messieurs les ministres, demande que je réitère aujourd'hui.
Si ces insuffisances sont bien naturelles pour une première application du nouveau cadre organique, il nous avait paru important de les recenser, car des améliorations peuvent et doivent y être apportées, afin que l'intention du législateur organique soit pleinement respectée.
Il conviendra donc de renforcer le cadrage pluriannuel en développant l'annexe B, de façon à justifier plus solidement les évolutions prévues, et en présentant plusieurs scénarios, à l'image de ce qui existe dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances.
Ainsi, dans le document de l'année dernière, le Gouvernement nous indiquait que la masse salariale progresserait en moyenne de 4,45 % par an jusqu'en 2009 et que l'augmentation annuelle de l'ONDAM serait contenue à 2,2 %. Aucune explication développée n'était donnée sur le moyen de parvenir à ces chiffres. Il en est de même dans le document qui sert de base à notre débat de ce matin. Il faudra absolument que cela change dans le prochain PLFSS.
De même, il conviendra de fournir, dans l'exposé des motifs du projet de loi, les raisons des diverses évolutions envisagées, notamment pour les prévisions de dépenses, de recettes et d'équilibre. Dans le texte de l'année dernière, aucun des tableaux d'équilibre, des prévisions de recettes ou de dépenses n'était justifié.
Il serait par ailleurs souhaitable que les montants inscrits dans le projet de loi soient présentés en millions d'euros et non en milliards arrondis à la centaine de millions d'euros près. Cette excessive simplification va à l'évidence à l'encontre de la recherche de sincérité et de précision des comptes.
Enfin, il serait utile de disposer d'un chiffrage précis des différentes mesures nouvelles proposées, en recettes et en dépenses, ainsi que cela existe pour le projet de loi de finances.
Par ailleurs, en ce qui concerne l'ONDAM, l'annexe de l'année dernière, trop succincte, ne permettait pas de prendre l'exacte mesure des ambitions du Gouvernement. Le découpage proposé en six sous-objectifs ne nous donne pas non plus entièrement satisfaction, que ce soit en termes de lisibilité, de clarté ou de précision. En particulier, nous aimerions que l'un des sous-objectifs soit consacré aux dépenses de médicaments, avec une ventilation entre les médicaments prescrits par les médecins de ville et ceux qui sont prescrits à l'hôpital.
Nous souhaitons donc, vous le comprenez, que le Gouvernement étoffe sa présentation et ses projections concernant l'ONDAM, qui se situe au coeur des évolutions et au centre de la réforme.
Des marges de progrès existent. Nous resterons vigilants sur leur mise en oeuvre, car il en va de la crédibilité du Parlement et de la valeur de notre vote sur le budget social de la nation.
À cet égard, je voudrais vous faire part, messieurs les ministres, de ma satisfaction quant aux propositions que vous venez de nous transmettre sur les programmes de qualité et d'efficience. Avec ces programmes, il s'agit d'insuffler un nouvel esprit dans le PLFSS et la gestion des finances sociales. Nous l'avions souhaité en discutant de l'élaboration du nouveau cadre organique. Il prend forme aujourd'hui et nous nous en félicitons.
Cette démarche répond à une priorité : responsabiliser les acteurs. Elle s'inscrit dans la même ligne que les conventions d'objectifs et de gestion conclues entre l'État et les caisses nationales, qui ont déjà permis d'enregistrer de réels progrès dans la gestion des différentes branches de la sécurité sociale.
Je voudrais tout particulièrement souligner notre accord avec la méthode que vous avez retenue pour définir ces programmes de qualité et d'efficience, leurs objectifs et les indicateurs qui leur sont associés. Ainsi, nous partageons tout à fait votre souci d'avoir une approche globale des finances sociales et de faire de la discussion du PLFSS le lieu unique du débat autour des politiques en lien avec la sécurité sociale.
En effet, limiter ce débat au seul champ strictement défini de la loi de financement aurait des inconvénients majeurs. Un seul exemple permet de l'illustrer : parler de l'accès aux soins sans faire allusion à la couverture maladie universelle, ou en ignorant la couverture maladie complémentaire, n'a guère de sens.
Cela signifie que nous ne devons pas exclure de nos réflexions certaines politiques qui figurent dans le projet de loi de finances. L'essentiel des crédits relatifs à la sécurité sociale est toutefois, je le rappelle, retracé dans le cadre de la loi de financement, soit 382 milliards d'euros en 2006 pour les seuls régimes de base de la sécurité sociale, à rapprocher des 276 milliards d'euros du budget de l'État pour ce même exercice.
Le deuxième aspect de la méthode que nous approuvons est l'équilibre que vous avez recherché, dans la définition des objectifs et indicateurs, entre ce qui relève d'une stratégie à moyen terme et ce qui s'inscrit dans des priorités de court terme.
Cela aboutit à des objectifs de politique publique à portée relativement large, s'inscrivant dans une action à moyen et long terme - par exemple « concilier vie familiale et vie professionnelle » ou « assurer un égal accès aux soins », ou encore « garantir la viabilité financière des régimes de retraite » - et à des indicateurs de résultat précis : « le nombre de bénéficiaires de l'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé », « la dispersion territoriale des modes de garde », ou encore « le nombre de bénéficiaires de la mesure de cumul emploi-retraite ».
Nous vous ferons par écrit, messieurs les ministres, quelques remarques ponctuelles sur cette batterie d'objectifs et d'indicateurs. Mais sachez d'ores et déjà que nous attendons beaucoup de cette démarche. Elle doit nous permettre de mesurer effectivement et concrètement les progrès de gestion des finances sociales. Nous en serons des contrôleurs actifs et vigilants, car ce qui préoccupe avant tout notre commission, c'est l'amélioration de la maîtrise des équilibres sociaux, dans l'intérêt général de nos concitoyens.
(M. Guy Fischer remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat de fin de législature est particulièrement important, car il nous permet d'avoir une vision globale des enjeux financiers : il s'agit non seulement du budget de l'État ou du budget social, mais également de l'enjeu macroéconomique du secteur public au sens large.
Nous ne nous préoccupons pas seulement de la présente année ou de l'année qui vient : nous ouvrons une perspective qui, nous le savons, sera couverte par une nouvelle législature. Notre débat de ce matin consiste donc à poser les bases, issues de la réalité, qui seront celles de l'action future, quels que soient les choix exprimés par les Françaises et les Français l'année prochaine.
La perspective des années à venir est conditionnée par les chiffres et les constats d'aujourd'hui, et par la pédagogie que nous pouvons développer à partir de la réalité d'aujourd'hui.
L'objectif fondamental qui se dégage des documents que vous nous avez communiqués, messieurs les ministres, consiste à faire refluer la dette publique. Tel est l'aspect prioritaire de votre message. Nous ne pouvons que nous réjouir de la prise de conscience qui s'est accélérée ces derniers mois, notamment grâce à l'action du ministre des finances, Thierry Breton. Tout le monde s'accorde aujourd'hui sur le caractère insoutenable de l'endettement du pays et de son évolution au fil de l'eau.
Mme Nicole Bricq. Nous ne sommes pas d'accord sur les solutions !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne parle pas encore de solutions, nous y viendrons, ma chère collègue !
M. François Marc. Vous n'en avez pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances se réjouit à l'unanimité, je crois pouvoir le dire, de cet état de choses, et elle vous invite, mes chers collègues, à faire preuve de rigueur.
Le terme « rigueur » mérite un bref commentaire. La rigueur, ce n'est pas la punition.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La rigueur, c'est la cohérence, c'est le sens des responsabilités, c'est la bonne gestion. En d'autres termes, la rigueur consiste à accomplir le service pour lequel on est élu.
Le premier témoignage de la rigueur, c'est la vérité. Dire la vérité en mots, c'est bien ! La dire en chiffres, c'est encore mieux !
De ce point de vue, monsieur le président du Sénat, permettez-moi de déplorer une nouvelle fois que nous ne disposions pas, en séance plénière dans l'hémicycle, d'écrans incrustés dans les pupitres, comme cela existe dans de nombreux parlements plus pauvres que le nôtre. On ne peut plus se satisfaire de commentaires verbaux de chiffres, alors que les choses seraient tellement plus simples à comprendre, plus rapides à exposer, si nous disposions enfin de ce matériel élémentaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Très juste !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, il faut faire bouger les choses ! Et pas seulement à l'extérieur de nos murs ; à l'intérieur aussi ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. le président. M. le président du Sénat vous a entendu, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je remercie M. le président de son écoute attentive et de son aide pour faire aboutir ce vieux projet qui, si je ne me trompe, était déjà soutenu par Alain Lambert lorsqu'il présidait la commission des finances.
J'en reviens à mon propos. Le Gouvernement nous incite à respecter des principes. Sur ce terrain, la commission des finances le suit, à une large majorité.
Il convient d'abord de mobiliser l'État et les administrations de sécurité sociale pour revenir rapidement au-dessous du solde qui stabilise la dette publique, c'est-à-dire le solde en deçà duquel le rapport entre la dette publique et le produit intérieur brut ne croît plus. Il n'est pas encore question de réduire la dette publique ; il s'agit de parvenir au point où elle cesse de s'accroître en proportion de la richesse nationale.
Ensuite, il importe, nous dit le Gouvernement, - et nous le suivrons - de rechercher des économies structurelles et de s'aider par une démarche empirique, celle des audits de modernisation.
Je souhaite rendre hommage à l'action pugnace du ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, Jean-François Copé, car ce levier expérimental est essentiel pour faire bouger les mentalités. Ce n'est pas par doctrine que l'on réduit des crédits ou des effectifs ! C'est tout simplement parce que le peuple français nous demande des comptes et qu'il a le droit de bénéficier de services publics lui garantissant que son argent est utilisé au mieux.
Mes chers collègues, je voudrais que nous y réfléchissions un instant, et même sur les travées de l'opposition : au nom de quoi le peuple devrait-il être moins exigeant qu'un actionnaire vis-à-vis de la société dont il possède des parts ? Au nom de quoi l'État devrait-il être le seul agent économique immobile dans un monde où tout bouge ?
M. Dominique Braye. Très juste !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous devons nous adapter et rechercher des économies structurelles. Il faut donc améliorer la gouvernance de nos services publics et s'assurer qu'ils disposent des ressources stables nécessaires à l'accomplissement de leurs missions ; j'y reviendrai.
La commission des finances approuve donc ces principes. Toutefois, elle a voulu aller plus loin et elle s'est livrée à un test de cohérence : elle s'est demandée quel était le chemin pour atteindre les objectifs fixés Tel est l'exercice auquel nous nous sommes livrés et nous avons estimé, messieurs les ministres, que la copie du Gouvernement n'était pas complète sur cet aspect des choses.
En ce qui concerne le cap clair et réaliste à tenir à moyen terme, nous estimons, pour notre part, qu'il convient de ramener le déficit public à un point de produit intérieur brut à la fin de la prochaine législature, c'est-à-dire en 2011. C'est l'échéance la plus significative.
De quel déficit s'agit-il ? Je voudrais maintenant l'expliquer.
Il s'agit, dans notre esprit, du déficit structurel, c'est-à-dire de celui qui reflète les éléments permanents des charges et des ressources du système public,...
M. Yves Fréville. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...hors mesures exceptionnelles et hors effets de la conjoncture. Il est nécessaire de raisonner selon cette méthode pour s'assurer que les économies réalisées sont de vraies économies, que les progrès obtenus sont de vrais progrès et que les circonstances n'empirent pas ou n'améliorent pas de façon factice la réalité profonde de nos comptes publics.
Par conséquent, l'objectif que nous considérons, à tort ou à raison, comme réaliste, est d'abaisser le déficit public à un point de PIB à la fin de 2011, donc le taux d'endettement à 40 % par rapport au produit intérieur brut en 2030.
Comment y parviendra-t-on ? En chiffres ronds, cela suppose de faire passer le déficit public annuel de 60 milliards d'euros à 20 milliards d'euros. Il faut donc obtenir 40 milliards d'euros d'améliorations structurelles.
À cet égard, il convient de considérer, monsieur le ministre de la santé et des solidarités, que les réformes votées au cours de la présente législature, à savoir la réforme de l'assurance vieillesse et celle de l'assurance maladie, vont rapporter 10 milliards d'euros. J'y insiste, mes chers collègues : pour l'ensemble des membres de notre assemblée, tous groupes confondus, le travail de cette législature trouvera sa traduction dans les résultats de ces deux réformes, à condition de « serrer les boulons », à condition d'être sérieux et pragmatiques dans leur application, comme l'est, de manière remarquable, le ministre de la santé et des solidarités,...
Un sénateur de l'UMP. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...à condition de suivre la feuille de route, à condition de mettre en oeuvre avec persévérance ce qui a été voté. Si ces préalables sont respectés, les réformes décidées au cours de la présente législature permettront un freinage des dépenses à hauteur de 10 milliards d'euros par an par rapport à la tendance spontanée d'évolution de celles-ci.
Cela étant posé, il reste donc 30 milliards d'euros d'économies à trouver.
Comme les membres de la commission des finances et le rapporteur général n'ont pas beaucoup d'imagination, ils ont considéré que ces 30 milliards d'euros pouvaient se répartir en trois paquets de 10 milliards d'euros chacun. C'est naturellement une simple façon d'illustrer les choses.
Tout d'abord, en ce qui concerne l'État, quel est l'effort raisonnable que ce dernier peut accomplir, d'ici à 2011, en termes de réduction structurelle de ses charges ? Nous estimons qu'un effort de l'ordre de 10 milliards d'euros est possible et raisonnable. Dégager une telle économie ne sera pas forcément simple, car il faudra trouver chaque année les meilleures solutions et déployer, là aussi, du travail, de la conviction, de la pédagogie.
Cela étant, voyons quelles sont les données fondamentales.
Nous entrons, monsieur le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dans une période où les taux d'intérêt commencent à se tendre. Nous sommes partis d'une hypothèse, qui vaut ce qu'elle vaut et qui est, bien sûr, discutable, selon laquelle, sur la période courant jusqu'à la fin de 2011, le taux moyen de financement de l'État sera supérieur de 70 points de base, soit de 0,7 %, à ce qu'il est actuellement.
En nous fondant sur cette seule hypothèse, nous constatons que la dépense annuelle supplémentaire, compte tenu des effets induits par la dette existante, sera de 5 milliards d'euros. Dans l'élaboration du budget de l'État, il faut donc d'abord tenir compte du passé et du présent de la dette, ainsi que de la dette nouvelle que nous devrons continuer à souscrire chaque année jusqu'en 2011.
Par quoi cette dépense supplémentaire annuelle de 5 milliards d'euros peut-elle être compensée ?
Elle peut l'être d'abord par la poursuite de l'effort de maîtrise des dépenses publiques par rapport à la tendance acquise ou à la tendance moyenne de la période 1994-2005. Maintenir une croissance nulle de leur volume chaque année représente une amélioration de 4 milliards d'euros.
Ensuite, il faut bien sûr s'intéresser aux principaux postes de charges du budget de l'État, et d'abord au plus volumineux, au plus essentiel d'entre eux, à savoir la main-d'oeuvre. Nous considérons que, en ce qui concerne cette dernière, la non-compensation d'un départ à la retraite sur deux rendra possible une économie annuelle de l'ordre de 5 milliards d'euros. Pour dire les choses simplement, le surcoût engendré par la hausse du taux moyen de financement de l'État serait compensé grâce à l'application de la règle de la non-compensation d'un départ à la retraite sur deux.
M. Thierry Breton, ministre. À Bercy, ce sont deux départs à la retraite sur trois qui ne sont pas compensés !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Bercy doit montrer l'exemple, messieurs les ministres !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, et il faut vous en donner acte. Si vous n'agissiez pas ainsi, comment seriez-vous crédibles aux yeux de vos collègues qui demandent des crédits supplémentaires ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous devez donc être encore meilleurs que les autres,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. ... c'est dans la vocation du ministère de l'économie et des finances !
J'en terminerai sur ce point en indiquant que, à nos yeux, la régulation des effectifs n'est pas l'alpha et l'oméga de la politique de la fonction publique ; c'est la résultante de beaucoup d'efforts, qui doivent être au moins autant qualitatifs que quantitatifs. En vérité, c'est même la première de ces deux dimensions qui doit primer : c'est en mobilisant mieux les ressources humaines de la fonction publique, en motivant, en remotivant, en impliquant les agents, en décentralisant la gestion que l'on parviendra à rendre les services publics plus efficaces, avec des effectifs un peu moindres.
À ce propos, l'application de la règle de la non-compensation de tous les départs à la retraite que j'ai évoquée à l'instant représente, pour la période considérée, 190 000 emplois. Sur ce point, n'oubliez pas, mes chers collègues, qu'aujourd'hui le poids de l'absentéisme dans les services publics de l'État équivaut à 100 000 emplois. Il existe donc des marges sur lesquelles il est possible de travailler, afin d'améliorer réellement et structurellement les choses.
En ce qui concerne maintenant les régimes sociaux, il y aura naturellement aussi des efforts à faire. À cet égard, nous avons fait figurer des chiffrages indicatifs dans le rapport de la commission des finances. Nous estimons que chacune des branches de la sécurité sociale doit pouvoir contribuer à des économies supplémentaires, particulièrement, nous l'espérons, l'assurance chômage, si elle est mieux organisée et si elle bénéficie d'une évolution favorable et durable de la situation de l'emploi.
Je voudrais achever cette présentation de nos préconisations en évoquant le volet des recettes.
Mes chers collègues, la conviction de la commission des finances est que tout le chemin ne peut pas être parcouru grâce à une action sur les seules dépenses. Il faut que les recettes soient au rendez-vous.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Première règle à suivre dans ce domaine : pas d'allégement de recettes qui ne soit compensé l'année même.
Seconde règle : définir les assiettes des impositions et contributions de manière à renforcer la compétitivité de l'économie. Le combat du président Jean Arthuis, qui est celui de toute la commission des finances, en tout cas d'une large majorité de celle-ci, c'est le combat de la compétitivité.
M. Michel Mercier. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Or, quand on constate que la France est mal placée, en Europe, au regard des taux d'imposition implicites du travail et du capital, on ne peut que redire que ces impôts reposent sur les assiettes les plus volatiles, les plus mobiles qui soient dans le monde d'aujourd'hui, et que l'impôt sur la consommation devra assurer une part plus importante des recettes de l'État.
Nous estimons en outre, messieurs les ministres, que, dans le cadre d'une nouvelle stratégie fiscale, il faudra réduire le nombre des niches fiscales, rendre les impôts plus clairs, plus lisibles, et instaurer une vraie dynamique de l'assiette, c'est-à-dire une dynamique de l'enrichissement collectif, permettant au système fiscal de fonctionner avec un rendement accru.
En effet, si nous ne bénéficions pas d'un rendement accru des prélèvements obligatoires, il est tout à fait clair que l'exercice sera plus difficile à réaliser et qu'atteindre nos objectifs imposera des coupes plus sévères dans les crédits des administrations de l'État et de la sécurité sociale.
Nous considérons enfin qu'il faut se poser sérieusement la question du coût, qui est actuellement de l'ordre de 20 milliards d'euros par an, des exonérations de charges sociales pour les bas salaires. Dans le cadre d'une politique de TVA sociale, il est possible de faire l'économie d'une partie, fût-elle modeste, de ces dépenses, économie qui se chiffrera en milliards d'euros.
De même, dans la mesure où le SMIC est augmenté structurellement chaque année, on peut s'interroger sur les raisons pour lesquelles il faudrait que le seuil de dégrèvement reste immuablement fixé à 1,6 fois le SMIC.
En tout état de cause, d'un côté comme de l'autre, il y a des économies à réaliser, qui sont des facteurs de responsabilisation et de compétitivité pour nos entreprises.
Par conséquent, mes chers collègues, à partir de ces principes - réexamen des niches sociales, suppression d'un maximum de niches fiscales, création d'un système de prélèvements obligatoires plus clair, plus lisible, plus global, plus favorable à la compétitivité -, il sera vraiment possible d'améliorer les choses.
Nous allons, d'ici peu, examiner les éléments budgétaires pour l'exercice 2007. Ce sera notre travail de la rentrée.
Le voeu que je forme, en conclusion, c'est que le Gouvernement crée les conditions d'un bon débat pour la session parlementaire qui vient. En d'autres termes, messieurs les ministres, jetez les bases stables dont nous avons besoin pour que, à partir de 2007, nous disposions de marges de manoeuvre qui soient les plus larges possible.
En effet, un État qui n'a pas de marge de manoeuvre budgétaire est un État impuissant ; un État impuissant est un État que l'on ne respecte pas, un État qui nourrit les extrémismes, les déceptions, les frustrations...
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, monsieur le ministre !
La noble mission qui est la vôtre, en cette période difficile de fin de législature, est bien de ne pas vous laisser prendre au miroir des promesses, des promesses que l'on est tenté de faire pour se débarrasser des sollicitations. Ce serait naturellement la pire des solutions, mais de cela, vous êtes convaincus, messieurs les ministres !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tant vos propos que votre action le montrent, et surtout le montreront dans les mois qui viennent. Le Sénat vous soutiendra, messieurs les ministres (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.).
M. Philippe Marini, rapporteur général. En tout cas, une large partie du Sénat soutiendra le Gouvernement. Comme vous n'aviez guère réagi, jusqu'à présent, à mes propos, j'ai pensé que vous les approuviez, chers collègues de l'opposition ! (Rires.)
Une large partie du Sénat, donc, soutiendra le Gouvernement dans cette attitude de courage qui sera à son honneur : ne pas compromettre l'avenir, permettre la préparation des choix fondamentaux en toute clarté, faire en sorte que notre pays se réconcilie avec son économie, que les Françaises et les Français, dans le grand débat à venir, comprennent que les illusions n'ont plus cours, que le monde est global...
Mme Nicole Bricq. Ils l'ont compris !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...et que tenir un langage de vérité, même si la vérité est un peu difficile à dire, est la seule vraie façon de les servir et de préparer leur avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales chargé des équilibres généraux de la sécurité sociale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il n'est pas facile d'intervenir après le rapporteur général et les présidents de la commission des finances et de la commission des affaires sociales, mais je vais tenter d'apporter, en qualité de rapporteur de la commission des affaires sociales chargé des équilibres financiers, une modeste contribution à ce débat, dont je me réjouis, à l'instar du président Nicolas About.
Il s'agit d'une première, même si nous avions contribué à un débat sous une autre forme l'année dernière. J'espère que ce nouvel environnement favorisera le dialogue entre le ministère des finances et celui des affaires sociales.
Cette discussion en amont des grandes lignes du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, à la lumière des comptes de l'année écoulée, 2005, et de ceux de l'année en cours, 2006, est une innovation que nous avions souhaitée lors de l'élaboration du nouveau cadre organique institué par la LOLFSS, et qui va, me semble-t-il, prouver son utilité cette année.
J'ai souhaité concentrer mon intervention sur l'évolution actuelle des finances sociales et sur leurs perspectives, et la décliner autour de quatre constats.
Premier constat : l'objectif rappelé tout à l'heure par Xavier Bertrand, à savoir le retour à l'équilibre en 2009, s'annonce particulièrement difficile.
Deuxième constat : les relations entre l'État et la sécurité sociale manquent de transparence. La sécurité sociale est trop souvent utilisée comme une variable d'ajustement pour le budget de l'État ; je l'ai maintes fois dénoncé, mais je constate que j'ai quelques difficultés à me faire entendre. Il ne faut jamais désespérer ; j'espère qu'aujourd'hui je serai entendu.
Troisième constat, particulièrement préoccupant : aucune solution ne semble se dessiner pour faire face à la situation qui est devenue intenable du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA. J'ai cru comprendre que Jean-François Copé en avait conscience, et j'espère qu'il en est de même pour Thierry Breton.
Un effort a été accompli l'année dernière sur le FFIPSA. Je fais partie du Conseil d'orientation des finances publiques. Jean-François Copé nous a rappelé que 2,5 milliards d'euros avaient été « mis au pot ». Sur les 3,2 milliards d'euros que représente le basculement du BAPSA vers le FFIPSA, il manque 700 millions d'euros, sans compter le flux, que nous avons laissé courir. Le tout cumulé représente une somme non négligeable, que je rappellerai dans quelques instants.
Quatrième constat : la réforme du financement de la protection sociale est une entreprise complexe, comme le montrent de récents rapports, notamment celui qui concerne l'expérience allemande ; cette dernière a fait l'objet d'une étude de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, la MECSS, mise en place au début de l'année par notre commission et que j'ai l'honneur de présider.
S'agissant du retour à l'équilibre en 2009, qui apparaît particulièrement délicat, certes, grâce aux réformes menées par le Gouvernement, les tendances antérieures se sont très nettement infléchies.
Le déficit du régime général pour 2005 s'établit à 11,6 milliards d'euros. Il devrait s'élever à un peu plus de 10 milliards d'euros en 2006, ce qui représente un léger infléchissement. Si rien n'avait été fait, je le dis à l'intention de nos collègues de l'opposition qui, trop souvent, regrettent la situation du déficit, il aurait atteint 16 milliards d'euros. Des efforts sensibles ont donc été accomplis.
Mais chacune des branches est en déficit, pour la deuxième année consécutive, et les perspectives d'amélioration restent soumises à de fortes incertitudes.
En ce qui concerne d'abord les recettes, on doit observer que les exercices 2005 et 2006 ont bénéficié, j'espère que vous en conviendrez, de recettes exceptionnelles. En 2005, la soulte des industries électriques et gazières a représenté 0,4 point dans la croissance des recettes et, comme le souligne à juste titre la Cour des comptes, cette ressource exceptionnelle n'est « pas reproductible ».
De même, en 2006, la modification des modalités de taxation des plans d'épargne logement de plus de dix ans devrait permettre d'engranger 2 milliards d'euros, soit le double des prévisions de la loi de financement pour 2006. Ces recettes ont permis d'améliorer sensiblement les résultats. Là encore, il s'agit d'un fusil à un coup, car ce sont des recettes en grande partie non reconductibles.
Enfin, mais cette fois-ci nous devons nous en féliciter, le recul du chômage a entraîné une évolution positive de la masse salariale et donc permis un meilleur rendement de la CSG. Il faut simplement espérer que cette tendance positive se maintienne au cours des prochains mois et que la croissance reste à un niveau suffisamment élevé.
Du côté des charges, on observe un indéniable ralentissement des dépenses d'assurance maladie. La progression de l'ONDAM a été contenue à 3,9 % en 2005, après avoir atteint 4,9 % en 2004 et 6,4 % en 2003. Xavier Bertrand a eu raison de rappeler tout à l'heure que l'ONDAM de 2005 est le seul à avoir été respecté depuis 1997. Le premier ONDAM résultait de la « réforme Juppé », donc de la première loi de financement de la sécurité sociale. La situation n'a cessé de déraper les années suivantes par rapport à l'objectif que nous avions voté.
Pour 2006, la prévision est de + 1,7 %, ce qui est très nettement inférieur aux exercices antérieurs. Ce chiffre démontre à lui seul le chemin parcouru et la volonté du Gouvernement non seulement d'agir, mais d'obtenir des résultats concrets.
Néanmoins, dans son avis du 31 mai dernier, le comité d'alerte a constaté un dérapage de 600 millions d'euros sur les soins de ville. Il n'est pas encore en mesure de se prononcer sur les dépenses des établissements de santé, mais rien ne dit que, dans ce secteur, on ne doive pas enregistrer des dépenses supplémentaires en fin d'année, comme cela a été constaté en 2005, à hauteur de 670 millions d'euros.
Je vous rappelle au passage que le rapport de la MECSS sur la dette sociale a fait état d'importants reports de charges des hôpitaux publics, atteignant plus de 400 millions d'euros. Les nouveaux EPRD, les états prévisionnels de recettes et de dépenses des hôpitaux, permettront d'y voir plus clair, mais la situation reste globalement déficitaire.
Je souhaite insister sur le problème du médicament. Si l'on constate en effet une certaine inflexion dans la progression des dépenses, rien ne semble être encore acquis. Le comité d'alerte affirme d'ailleurs : « c'est dans le domaine du médicament que le risque de dépassement de l'objectif, ambitieux, fixé pour 2006 est le plus grand ».
Pour suivre au plus près les évolutions de ce poste de dépenses, l'une des clés de la réussite de la réforme de l'assurance maladie, je renouvelle notre souhait, messieurs les ministres, de pouvoir disposer d'un sous-objectif de l'ONDAM exclusivement consacré aux dépenses de médicaments. L'idéal serait même de le décomposer en deux parties : l'une pour les médicaments prescrits en ville, l'autre pour les médicaments prescrits à l'hôpital.
Le ministre de la santé souhaiterait peut-être bénéficier de moyens humains supplémentaires pour l'aider dans sa tâche. Mais comme M. Copé et M. Breton sont en train de réfléchir à la diminution des effectifs de la fonction publique, sans doute pourraient-ils, à cette occasion, procéder à un redéploiement des moyens humains du ministère des finances vers le ministère de la santé pour aider M. Bertrand dans le travail qu'il doit effectuer. Car après toutes les demandes qui ont été présentées tout à l'heure par le président Nicolas About, les collaborateurs du ministre vont devoir se mettre à l'oeuvre.
Il faut tirer tous les enseignements de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui a accru de façon considérable la tâche du ministère de la santé. D'ailleurs, monsieur le ministre des finances, le document que vous nous avez remis est particulièrement discret et manque d'éléments d'information pour le Parlement sur l'évolution des finances sociales.
Vous avez été très exhaustif en ce qui concerne la loi de finances, car c'est un exercice auquel vos collaborateurs sont habitués. Mais les finances sociales sont plutôt du ressort du ministère de la santé. Alors, donnez à ce dernier les moyens nécessaires ! Ainsi, l'année prochaine, nous aurons un document qui correspondra tout à fait à notre attente. Je ne doute pas que vous effectuerez ce redéploiement.
Pour ce qui est de la branche vieillesse, nous avons encore quelques doutes sur son avenir. Ainsi, la commission des comptes de la sécurité sociale, dans son rapport publié le 8 juin dernier, a révisé à la hausse les dépenses de la CNAV pour 2006 à hauteur d'un peu plus de 800 millions d'euros.
Ladite commission évoque un point important, qui n'a pas été abordé tout à l'heure par notre collègue rapporteur général, mais qu'il y a lieu d'intégrer dans l'évolution des dépenses futures de la branche vieillesse : il est extrêmement difficile pour la CNAV de chiffrer des prévisions qui sont liées à l'évolution du comportement des futurs retraités. Il y a là une véritable incertitude, ce qui est inhabituel dans le domaine des retraites.
Deux phénomènes se cumulent : le nombre des départs intervenus dans le cadre des carrières longues - lorsqu'on a voté la réforme, on a sous-estimé l'effet qui résulterait de ce droit, tout à fait légitime, que nous avons ouvert à nos concitoyens -, et le comportement de la première génération du baby-boom, qui arrive aujourd'hui, à 60 ans, à l'âge de la retraite.
J'ai le sentiment qu'un nombre non négligeable de salariés, inquiets des effets de l'application de la réforme, font valoir plus rapidement leurs droits qu'ils ne l'auraient fait si les règles n'avaient pas changé. Ce n'est pas pour autant qu'il aurait fallu ne rien faire. Mais cette anticipation de départs à la retraite représente des dépenses supplémentaires importantes à la charge de la CNAV. La présidente de la CNAV avait évalué à 350 millions d'euros le coût d'un mois d'anticipation. Imaginez ce qu'il en est pour une année complète ! Ainsi, l'amplification du déficit peut résulter du seul changement de comportement des futurs retraités.
S'agissant de la branche famille, enfin, la croissance des dépenses reste très dynamique, principalement du fait de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, dont le coût avait été largement sous-estimé. Sa progression devrait rester significative et entraîner un déficit qui pourrait se maintenir plus longtemps que cela n'avait été envisagé par le Gouvernement ; de conjoncturel, celui-ci pourrait devenir, peu à peu, structurel. Je vous rappelle que le déficit prévisionnel est de 1,5 milliard d'euros pour 2006.
Je retiens de l'audition de Mme Prud'homme, présidente de la CNAF, qu'il est peu probable que la situation des comptes de la CNAF s'améliore avant 2009. Et ce ne serait peut-être pas avant l'année 2010 que la CNAF pourrait retrouver l'équilibre et espérer renouer avec des excédents d'exploitation d'une année sur l'autre.
Je me permets d'attirer l'attention du ministre de la santé et du ministre des finances sur un point : ce n'est certainement pas en ayant adopté la mesure qui figurait dans le projet de loi réformant la protection de l'enfance afin de compenser les nouvelles charges devant être supportées par les collectivités locales, en particulier les départements, que l'on va améliorer les comptes de la branche famille.
Mme Prud'homme a été très claire : à niveau de charges constant, on renouera avec l'équilibre et les excédents à partir de 2010. Mais si, chaque année, on ajoute 100 millions ou 200 millions d'euros à la charge de la CNAF, on retardera d'autant l'atteinte de l'équilibre en 2010. Cet objectif peut être compromis par les dispositions que nous adoptons au travers de différentes lois ordinaires.
Cette observation me donne l'occasion de rappeler à MM. les ministres ainsi qu'aux membres de la commission des finances - mais ils en sont sans doute aussi soucieux que nous-mêmes - que les lois ordinaires ne devraient plus être présentées au Parlement sans être accompagnées d'une étude de leur impact financier non seulement sur la loi de finances, mais également sur la loi de financement de la sécurité sociale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Sinon, comment prétendre parvenir à maîtriser les déficits et l'endettement du pays ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. À cela s'ajoute le problème non moins préoccupant de l'accumulation des déficits.
La loi de réforme de l'assurance maladie a traité une partie de la question pour la branche maladie grâce à la reprise de 50 milliards d'euros de déficits par la CADES. Néanmoins, monsieur le ministre de la santé et des solidarités, d'ici à 2009, un minimum de 15 milliards d'euros restera à financer.
Les 35 milliards d'euros venant du FOREC et transférés à la CADES ajoutés au déficit prévisionnel estimé à 15 milliards d'euros jusqu'en 2007 représentaient au total 50 milliards d'euros, ce qui nous avait permis d'espérer que le transfert de cette somme allait régler le problème et nous permettre de renouer avec l'équilibre. Or, en réalité, comme cela a déjà été relevé l'année dernière, il y aura malgré tout un dérapage, qui sera au minimum de 15 milliards d'euros.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Il nous faudra bien nous poser la question de savoir comment les financer. Allons-nous rouvrir la CADES ? Dans ce cas, je le rappelle, il faudra, en application de la loi organique, prévoir une recette pour assurer son financement. Ou bien parviendrons-nous à renouer avec des excédents nous permettant, sur la durée, de financer le dérapage constaté du déficit ?
Ces sommes viendront, en tout cas, augmenter notre stock de dette sociale. Or M. Pébereau avait appelé l'attention du Parlement sur la nécessité d'interdire absolument la possibilité à la fois d'ouvrir à nouveau les comptes de la CADES et de prolonger les situations de déficit.
Peut-être aurions-nous pu nous inspirer de la manière dont les Allemands ont géré le déficit des branches. En effet, en Allemagne, pays dont je reviens, la situation des comptes qui se profile à l'horizon 2007-2008 n'est, certes, pas rassurante parce qu'un déficit de la branche maladie, qui pourrait être de l'ordre de 7 milliards à 8 milliards d'euros, devrait être constaté, mais un excédent de 4 milliards d'euros a été dégagé en 2004 et aucune dette liée à la sécurité sociale n'est reportée sur les générations futures.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. En France, cette dette est actuellement de l'ordre de 100 milliards d'euros, alors qu'en Allemagne elle doit se situer entre 3 milliards et 4 milliards d'euros. Les Allemands ont géré au fil de l'eau les déficits, ce que nous n'avons pas fait dans notre pays.
« L'engagement national de désendettement » ne peut, bien entendu, qu'être approuvé, mais il signifie que l'on évite absolument de recréer les causes qui ont conduit, du moins en matière sociale, à l'accumulation de sommes que nous avons bien légèrement choisi de reporter sur nos enfants et petits-enfants.
J'en viens au deuxième constat de mon analyse, qui porte sur les relations entre l'État et la sécurité sociale. La situation n'est pas nouvelle et nous la dénonçons depuis des années ; il est donc inutile d'apporter des preuves. Je voudrais toutefois développer trois points.
En premier lieu, s'agissant des compensations d'exonérations, vous vous souvenez, bien sûr, mes chers collègues, de nos débats de l'automne dernier.
Le Gouvernement a supprimé du budget de l'emploi les sommes consacrées à la compensation des allégements de charges, d'un montant proche de 20 milliards d'euros, ce qui, au passage, est loin d'être neutre en termes de progression des masses budgétaires, et il a décidé de transférer un panier de recettes à la sécurité sociale pour en assurer le financement.
On nous avait alors promis, messieurs les ministres, et j'entends encore les paroles de M. Copé, une égalité parfaite entre les recettes transférées et les dépenses d'allégement, soit une compensation à l'euro près. (M. le ministre délégué fait un signe d'approbation.) Or la commission des comptes de la sécurité sociale chiffre à 18,9 milliards d'euros les recettes et à 19,1 milliards d'euros les dépenses, soit un écart de 200 millions d'euros. Certes, je ne désespère pas, monsieur le ministre délégué, que les engagements que vous avez pris soient respectés...
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. ...et que vous nous annonciez, soit dans la réponse que vous nous apporterez aujourd'hui, soit dans le cadre du prochain projet de loi de finances, le rattrapage qui permettra d'assurer l'équilibre des comptes et la compensation à l'euro près.
Il est indispensable que le manque à gagner pour la sécurité sociale soit compensé par l'État : ce n'est pas à la sécurité sociale de financer la politique de l'emploi ! Il devra en aller de même en 2007 et au cours des années ultérieures.
En deuxième lieu, s'agissant de la reprise des dettes du plan textile et du FOREC, la Cour des comptes, dans son rapport, précise que la question devra être réglée à l'occasion de l'établissement du bilan d'entrée de l'État. Nous insistons une nouvelle fois pour que le Gouvernement inscrive bien ces sommes en créance vis-à-vis de la sécurité sociale.
En troisième lieu, j'évoquerai la mise à la charge de la sécurité sociale de dépenses que je qualifierai de « régaliennes » et qui relèvent normalement du budget de l'État, tels le plan « grippe aviaire » ou le plan Biotox - et j'en passe ! -, ou qui correspondent à de la simple débudgétisation, comme, ces derniers jours, le financement de la réforme de la protection de l'enfance, pour un montant de 150 millions d'euros.
Au passage, je me permets de faire également allusion à des dépenses de solidarité, et je pense à la CMU. L'État a en effet su s'alléger de la subvention d'équilibre qu'il devait apporter en créant une nouvelle taxe sur les alcools pour alimenter le financement de ce dispositif, alors qu'à l'origine les droits sur les alcools finançaient la branche maladie et la sécurité sociale.
On ne peut pas à la fois exiger la résorption des déficits sociaux et imposer à la sécurité sociale des dépenses supplémentaires qui ne relèvent pas de son champ normal de compétence. Il ne nous paraît pas juste que l'État apparaisse budgétairement vertueux au détriment des finances sociales.
J'en viens à mon troisième constat, qui concerne le FSV et le FFIPSA. Ayant déjà abordé le sujet, je me bornerai à citer quelques chiffres pour vous rappeler, mes chers collègues, que, si rien n'est fait, les déficits cumulés du FSV et du FFIPSA, qui atteignent déjà 8,3 milliards d'euros, s'élèveront en 2009 à 18 milliards d'euros, ce qui est considérable.
Il faut donc absolument que des mesures soient prises dès la prochaine loi de finances. La Cour des comptes fait le même constat et elle considère par ailleurs, comme notre commission, que les textes font obligation à l'État d'assurer l'équilibre de ces deux structures.
À la suite du débat organisé lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement a mis en place un groupe de travail chargé de trouver une solution aux problèmes du FFIPSA par le recours à la compensation. Mais ce groupe de travail, qui était présidé par Jean-François Chadelat, et auquel ont participé nos collègues Claude Domeizel et Dominique Leclerc, a abouti à une impasse. Nous nous retrouvons donc à la case départ en ayant perdu une année.
Dans ce contexte général d'accumulation des déficits, une réforme du financement de la protection sociale apparaît, à l'évidence, nécessaire. Elle s'impose en raison du volume des dépenses à financer, rappelé par Nicolas About, et de leurs perspectives d'évolution, mais, surtout, de la nouvelle exigence « zéro dette sociale » que nous sommes en train de nous fixer.
Je me réjouis d'avoir entendu le rapporteur général rappeler que les efforts accomplis grâce aux deux réformes consécutives concernant la branche vieillesse et la branche maladie ont permis de réaliser une économie de 10 milliards d'euros par an. C'est une contribution appréciable de la sécurité sociale à la maîtrise de l'endettement et des déficits, et il faut bien entendu continuer dans cette voie.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est peut-être la raison pour laquelle le parti socialiste veut supprimer la réforme Fillon...
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Rien que cela ! Je note d'ailleurs que nos collègues socialistes sont particulièrement silencieux. Or qui ne dit rien consent...
M. François Marc. Rira bien qui rira le dernier !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. ...et nos collègues approuvent donc vos propos, monsieur le rapporteur général, ainsi que les miens !
Je rappelle, à cet égard, que nous avons voté, il y a moins d'un an, une disposition que je qualifierai d' « historique » : l'impossibilité de transférer toute nouvelle dette à la CADES sans le transfert des ressources correspondantes, disposition dont le Conseil constitutionnel a confirmé le niveau organique.
Réformer le financement de la protection sociale est néanmoins une entreprise complexe, comme le montrent plusieurs rapports récemment publiés et l'exemple de l'expérience allemande.
Le Gouvernement semble avoir renoncé à proposer une réforme de l'assiette des cotisations sociales employeurs dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Dans ces conditions, monsieur le ministre, nous allons examiner avec intérêt vos propositions.
Cependant, nous pensons que les différentes pistes envisageables - instauration d'une cotisation sur la valeur ajoutée, modulation des cotisations sociales en fonction de la valeur ajoutée, introduction d'une cotisation patronale généralisée ou, quatrième piste chère à M. Arthuis et dont vient de se faire l'écho M. Marini, création d'une TVA sociale -...
M. Gérard Cornu. C'est une bonne chose !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. ...nécessitent une réflexion extrêmement approfondie, tant leurs conséquences peuvent être importantes, voire imprévisibles, notamment en termes d'activité et de compétitivité économique.
Or la préservation de notre système de protection sociale est étroitement dépendante de la bonne santé de notre économie. À cet égard, j'ai noté le réalisme de notre rapporteur général, qui a considéré que nous pouvions faire un pas dans cette direction, mais qu'il fallait avoir conscience que, ce faisant, nous ne réglerions pas la totalité du problème du financement de la sécurité sociale.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. C'est pourquoi la commission des affaires sociales va, de son côté, poursuivre elle aussi sa réflexion afin d'être en mesure d'apporter sa contribution au débat. De même, elle continuera ses activités de contrôle, comme, récemment, sur les modalités de mise en place de la tarification à l'activité à l'hôpital, ainsi que son travail de proposition, à l'image de ce qu'elle vient de faire pour le médicament.
Nous sommes bien déterminés à utiliser les conclusions de ces réflexions pour améliorer le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, dans l'intérêt de notre système de sécurité sociale, dans l'intérêt de nos concitoyens et dans l'intérêt de notre pays. J'écouterai donc avec beaucoup d'attention les réponses que nous apporteront MM. les ministres pour nous rassurer quant à l'avenir de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu, en remplacement de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des affaires économiques porte, comme vous le savez, une grande attention à la situation des finances publiques de notre pays. C'est pourquoi son président, M. Emorine, a souhaité qu'elle intervienne dans ce débat et m'a demandé d'être son porte-parole.
Nous avons souvent eu l'occasion d'exprimer notre convergence d'analyse avec nos collègues de la commission des finances. Il ne vous surprendra donc pas, messieurs les ministres, que je fasse miennes les excellentes observations du président et du rapporteur général de la commission des finances.
En effet, la résorption des déficits publics récurrents et de la dette considérable qui en est la conséquence n'est plus seulement une obligation morale envers les générations futures ; c'est désormais une ardente nécessité pour préserver l'équilibre économique et social de notre pays.
Je ne m'attarderai pas longuement sur ces éléments, car ils sont bien connus. Les éléments chiffrés présentés dans le rapport de notre collègue Philippe Marini illustrent suffisamment la gravité de la situation. Le rapporteur général a relevé, à juste titre, le paradoxe étonnant qui fait qu'alors que tous reconnaissent la gravité à moyen terme du problème de l'endettement et des déficits publics beaucoup rechignent encore à en tirer les conséquences concrètes.
Comment ne pas s'inquiéter quand on relève, en outre, que ce déficit - et l'endettement qui est son corollaire - tend de plus en plus à permettre non pas des investissements porteurs d'avenir, mais, le plus souvent, le financement de dépenses de fonctionnement ?
Messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes à l'heure des choix ! Ceux de la majorité de la commission des affaires économiques sont clairs : nous soutenons la position de la commission des finances de réduction des déficits publics.
Je voudrais, à cette occasion, mes chers collègues, vous dire la satisfaction que j'ai de voir ce Gouvernement annoncer courageusement cet effort de maîtrise de la dépense publique, loin de toute attitude électoraliste à l'approche des importantes échéances de l'année prochaine. Il s'agit là d'un geste fort de courage politique, il faut le souligner, et je crois que notre Haute Assemblée doit saluer de tels comportements vertueux du Gouvernement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Henri de Raincourt. Bravo !
M. Gérard Cornu, en remplacement de M le président de la commission des affaires économiques. Le courage du Gouvernement se doit d'autant plus d'être relevé que ce choix entraîne naturellement des conséquences concrètes : réduire les déficits, c'est en premier lieu diminuer les dépenses de l'État. De ce point de vue, il est évident que nous devons tirer parti des gains de productivité naturels réalisés par les administrations publiques pour réduire, lorsque c'est possible, leurs effectifs.
Il s'agit là d'un point très important sur lequel je souhaite qu'il n'y ait aucune ambiguïté : nous ne sommes pas pour supprimer des postes de fonctionnaires par principe. Notre commission est très attachée au service public ; elle l'a démontré sur tous les textes ayant encadré l'évolution de nos grands services publics ces dernières années.
Mais le service public que nous voulons, c'est un service au public, un service public efficace, soucieux de l'argent du contribuable, et à même de répondre au mieux aux évolutions de la société.
Dans ces conditions, j'incline à penser, comme nos collègues de la commission des finances, qu'un effort beaucoup plus important pourrait être accompli en matière de non-renouvellement des départs en retraite de fonctionnaires.
M. Gérard Cornu, en remplacement de M. le président de la commission des affaires économiques. Il nous faut, en la matière, avoir une attitude pragmatique dans le cadre d'une action de réforme coordonnée et concertée dont la fin soit l'amélioration de l'efficacité, et non la seule réduction des effectifs. Je crois très sincèrement que le pragmatisme doit nous conduire aujourd'hui à réduire les effectifs de certaines administrations.
Je ne prétends pas, mes chers collègues, qu'il s'agisse là d'une tâche simple. Mais nous pouvons être convaincus que plus nous différons les réformes, plus elles seront difficiles à mettre en oeuvre. C'est donc dès 2007, dans le cadre du projet de loi de finances, que nous devons relancer cet effort.
Je voudrais vous citer un exemple qui m'a beaucoup frappé : notre commission a auditionné, il y a quelques jours, le directeur général de l'Office national des forêts, l'ONF ; en quatre ans, cet établissement public a renoué avec l'équilibre financier, s'est réorganisé et a vu ses effectifs diminuer de 1 500 agents sur 12 000. Que l'on compare cet effort à celui qui est proposé pour l'État, et l'on verra bien que le chiffre de 15 000 postes non remplacés est excessivement modeste : moins de 0,01 % des effectifs de la fonction publique d'État.
J'ai salué tout à l'heure le courage du Gouvernement, et si j'ai un reproche à lui faire, c'est donc de ne pas avoir fait déjà quelques pas de plus sur la voie judicieuse qu'il emprunte.
Par ailleurs, messieurs les ministres, loin de moi l'idée de vous faire un procès d'intention, mais le Sénat a bien souvent été amené à constater que l'exécution budgétaire était bien moins vertueuse que les positions initiales ne le laissaient penser. La Haute Assemblée est naturellement dans son rôle lorsqu'elle vérifie que les promesses sont tenues.
De ce point de vue, je dois vous faire part de ma préoccupation à la lecture du programme de stabilité que la France a transmis à la Commission européenne. L'analyse de ce programme par le rapporteur général est sévère, mais juste ! Il est capital que l'État soit exemplaire en matière de sincérité budgétaire et de respect de ses engagements.
Messieurs les ministres, quels engagements pouvez-vous prendre aujourd'hui devant nous quant au respect de ce programme de stabilité ? En tout état de cause, je voulais vous prévenir, dès le débat d'orientation budgétaire, que notre commission abordera l'examen du projet de loi de finances pour 2007 avec des exigences très fortes en matière d'équilibre des finances publiques.
Nous sommes convaincus qu'il faut aller plus loin et que vous pouvez le faire. J'ai l'espoir que vous mettiez à profit les mois d'interruption parlementaire pour renforcer l'ambition réformatrice du projet de loi de finances que nous examinerons à la rentrée.
Enfin, mes chers collègues, je saisis l'occasion de ce débat d'orientation budgétaire pour me réjouir du fait que le concept de TVA sociale, cher à la commission des affaires économiques, mais aussi à la commission des finances, fasse son chemin. J'ai noté avec une grande satisfaction les déclarations en ce sens du président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, qui constituent une bonne base de départ pour le débat dans ce domaine.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un thème incontournable !
M. Gérard Cornu, en remplacement de M. le président de la commission des affaires économiques. Il s'agit là d'un dossier très important, sur lequel notre commission - et tout particulièrement nos collègues Christian Gaudin et Francis Grignon - a travaillé tout au long de l'année 2004. Nous pensons qu'il y a beaucoup à attendre d'une refonte de notre système de prélèvements sociaux de façon à atteindre une plus grande efficacité productive, une transparence et une simplification des prélèvements et, en définitive, un renforcement de notre économie et de notre protection sociale.
Il s'agit d'un bon exemple d'un domaine où des réformes ambitieuses sont indispensables et sont attendues par nos concitoyens. Là encore, messieurs les ministres, notre commission et, je crois, la Haute Assemblée dans son ensemble attendent du Gouvernement des propositions dès 2007.
Sur toutes ces questions, vous pouvez être assuré, messieurs les ministres, du soutien aux réformes, mais aussi de l'attente exigeante de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire : 103 minutes ;
Groupe socialiste : 67 minutes ;
Groupe Union centriste - UDF : 26 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen : 15 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe : 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai quelque scrupule à prendre la parole après autant de grands esprits et spécialistes des finances publiques, des finances sociales, des finances locales, moi qui ne suis spécialiste de rien du tout.
M. Xavier Bertrand, ministre. Allons, allons ! Comme en matière de santé, on a besoin de généralistes !
M. Michel Mercier. Je me demande où nous en sommes. On a l'impression que toutes les analyses, tous les constats ont été faits, et Dieu sait s'ils sont sévères !
Monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, vos deux discours de vérité nous ont montré où nous en sommes aujourd'hui. C'est sûrement une base de départ pour demain, car il faut bien savoir où nous en sommes pour déterminer ce que nous devons faire.
On a l'impression, après les discours des ministres, de savoir parfaitement ce qu'il faut faire. Alors, pourquoi ne le faisons-nous pas ?
Les discussions qui ont eu lieu, les constats qui ont été faits aujourd'hui ne posent-ils pas une vraie question, celle de l'efficacité de l'action publique ? Sachant ce que nous savons, voyant ce que nous voyons et étant sûrs de ce qu'il faut faire depuis vingt ans, pour quelle raison n'arrivons-nous pas à avancer davantage dans la voie de la réforme et du progrès ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est un problème d'embrayage ! (Sourires.)
M. Michel Mercier. Les prochaines échéances électorales, la présidentielle et les législatives, doivent nous amener à nous interroger à cet égard.
Ce n'est pas un problème de majorité : il y en a une et elle est pléthorique ; elle sait ce qu'elle veut.
M. Michel Mercier. Quand nous y sommes, monsieur le ministre, elle a plus de qualités, qui n'échappent à personne, et je ne doute pas des efforts importants que vous allez accomplir dans les mois qui viennent pour faire en sorte que nous y soyons encore. Je vous attends ; ma porte est toujours ouverte !
Cela dit, regardons où nous en sommes. Vous avez raison, monsieur le ministre, de nous dire que tout gouvernement doit n'avoir qu'un seul objectif, réduire la dette, pour des raisons évidentes de morale publique.
Il peut y avoir une dette justifiée, celle qui finance les équipements. Mais il y a une dette injustifiée, celle qui finance notre vie quotidienne. De ce point de vue, la plus injustifiée de toutes les dettes, c'est, bien sûr, la dette sociale. Comment expliquer à nos enfants que nous sommes en bonne santé, que cela ne va pas trop mal, et que ce sont eux qui vont payer ?
M. Michel Mercier. Certes, monsieur le ministre, mais j'ai écouté M. Vasselle qui nous annoncé des choses moins jolies que celles que vous voulez bien nous présenter, ce que je comprends.
M. Michel Mercier. Nous sommes arrivés, en quelque sorte, au bout des analyses techniques, au bout des réponses technocratiques. Ce dont nous avons besoin, c'est, naturellement, de vraies réponses politiques. Or le débat a tendance à se réduire à une exacerbation de l'opposition droite-gauche. Depuis 1978, notre pays, à chaque échéance électorale, a changé de majorité : une fois la droite, une fois la gauche. Il n'y a pas eu suffisamment de réformes et nous sommes arrivés à un pic d'endettement sans précédent.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La seule solution, c'est la rupture !
M. Michel Mercier. Est-ce que la solution qui nous a amenés à l'échec nous conduira demain au succès, monsieur le rapporteur général ?
Chiffrer le programme du parti socialiste, comme vous l'avez fait, monsieur le ministre délégué au budget, est un exercice intéressant. Même la SFIO de Guy Mollet aurait proposé quelque chose de plus moderne !
Donc, vous ne prenez pas de risque, mais cela ne nous fait avancer en rien sur la voie du progrès et de la réforme.
Ces vieux clivages, fondés sur des réalités que je ne nie pas, doivent pouvoir être dépassés.
Avoir une majorité pléthorique dans les assemblées ne suffit pas à réunir une majorité dans le pays. Sinon, les réformes auraient été beaucoup plus nombreuses au cours de cette législature.
Par conséquent, la véritable utilité de ce débat est d'aider nos concitoyennes et nos concitoyens à prendre conscience de la réalité de l'état de notre pays : un déficit, une gestion habile, des factures impayées, des reports.
Je sais bien, je ne veux pas jouer les Cassandre, que tout ne peut pas être fait le même jour. Mais il faudrait au moins progresser. Dans les trois grands secteurs des dépenses de l'État, des dépenses sociales et des dépenses des collectivités locales, celui dans lequel il est probablement le plus facile d'avancer, c'est le secteur local. Les choses sont évidentes et simples !
Le Gouvernement a mené une politique de décentralisation. On peut en penser ce qu'on veut ! Pour ma part, j'y suis plutôt favorable, parce que la décision est prise au plus près des réalités, donc de façon plus responsable. Mais cela pose aussi un certain nombre de questions : l'État a-t-il su se réformer depuis la décentralisation ?
Est-il encore justifié, une fois que l'on a transféré toutes les routes et tous les équipements aux collectivités locales, de conserver une administration de l'équipement à côté d'une administration de l'agriculture, toutes les deux à la recherche d'équipements qu'elles pourraient réaliser? Il faut procéder à une fusion. (M. Dominique Braye s'exclame.) Mon cher collègue, on peut regarder ce qui se passe dans beaucoup d'endroits ! Je vous dirais bien quelque chose sur les Yvelines, mais je vous laisse régler vous-même vos propres affaires.
L'État ne s'est pas réformé depuis la décentralisation ; il faut qu'il le fasse. Il est tout à fait normal que l'État diminue le nombre de ses agents et que les collectivités locales augmentent le leur. C'est une évidence ! Si l'on expliquait simplement que l'État s'adapte à ses missions, qui ne sont plus les mêmes, l'effectif des fonctionnaires ne soulèverait pas de telles passions.
De la même façon, messieurs les ministres, vous nous dites en permanence que les dotations de l'État aux collectivités locales augmentent plus vite que ses propres dépenses. C'est tout à fait exact ! Mais l'État tient-il compte des dépenses que ses décisions imposent aux collectivités locales ? Il s'agit, là aussi, d'un phénomène récurrent : l'État décide pour les collectivités locales et il le fait d'autant plus généreusement que cela ne lui coûte rien, ce qui constitue un vrai problème.
Or il serait possible, à peu de frais, d'améliorer le fonctionnement des administrations locales si l'État passait avec toutes les collectivités locales un véritable contrat de confiance, en ne considérant plus celles-ci comme le lieu ou le moyen de faire ce qu'il réalisait lui-même auparavant. Il suffirait simplement de prévoir que telle compétence doit être exercée localement, afin que les décisions soient plus justes, plus efficaces, et de laisser aux collectivités locales la liberté et la responsabilité de la gestion, plutôt que de décider de leurs dépenses et de chercher, dans le même temps, à diminuer leurs recettes.
Il s'agit là d'un vrai problème de philosophie de l'action qui, me semble-t-il, pourrait trouver son application dans les relations entre l'État et les collectivités locales. Cela permettrait à tout le monde de réaliser de véritables économies et servirait d'exemple pour les deux autres secteurs que sont les finances publiques et les finances sociales.
Pourquoi, sachant tout, faisons-nous si peu ? C'est la question essentielle ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Marc Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je préciserai tout d'abord que mon intervention s'inscrit parfaitement dans le débat d'orientation sur les finances publiques et les finances sociales qui nous réunit aujourd'hui.
Quant au projet des socialistes, qui semble être le livre de chevet de M. Copé,...
M. Dominique Braye. Cela devrait vous faire plaisir !
M. Marc Massion. ... il nous sera fort utile pour vous présenter dans un an, chers collègues de la majorité sénatoriale, un collectif budgétaire dont l'objet sera de corriger les orientations que nous a proposées ce matin M. Copé.
M. Dominique Braye. On peut toujours rêver !
M. Marc Massion. Je regrette, monsieur le ministre, que, tout à l'heure, vous ayez un peu confondu tribune du Sénat et tréteaux électoraux ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Quand on fait le lien, comme la LOLF nous y invite, entre la discussion de la loi portant règlement définitif du budget de 2005 et l'examen des grandes lignes du futur budget de 2007, l'on ne peut que constater une évidence : par attachement atavique, sans doute, mais aussi par idéologie, le Gouvernement n'a qu'une ligne de conduite, la persistance dans l'erreur !
Le débat d'aujourd'hui sur l'orientation que le Gouvernement entend donner à la politique budgétaire de la France en 2007 se situe dans un contexte, hélas ! connu : une croissance toujours faible ; une situation des finances publiques toujours aussi dégradée, et ce depuis maintenant quatre ans.
L'on pourrait dire que nous sommes non plus devant une fracture financière, mais véritablement devant une désintégration financière. Et le pire est encore à venir ! En effet, comment réagit le Gouvernement pour faire face à cette situation ? Il en rajoute en annonçant un train de mesures pluriannuelles, non financées, bien sûr, mais dont la gestion incombera au gouvernement qui sera issu des prochaines élections.
Écoutant l'autre jour le président de la République à la télévision, on l'imaginait très bien fredonner « Tout va très bien, Madame la Marquise. » !
Le Gouvernement se livre sans cesse à des effets d'annonce permanents.
S'agissant du contexte, nous avons affaire à une croissance économique toujours faible. Malgré une croissance mondiale très forte depuis quatre ans, la France est en panne de croissance, et ce n'est pas la politique économique suivie par le Gouvernement actuel qui pourrait changer cet état de choses.
Ce Gouvernement fait beaucoup moins bien, en matière de croissance, que les gouvernements de gauche, alors que la croissance mondiale est devenue beaucoup plus forte que lorsque la gauche était aux responsabilités.
M. Jean-Claude Frécon. C'est vrai !
M. Marc Massion. L'investissement est atone, en dépit des profits record réalisés par les grands groupes industriels en 2005. Ceux-ci ont préféré distribuer des dividendes pléthoriques ou racheter leurs propres actions, plutôt que d'investir.
La faiblesse du commerce extérieur est aujourd'hui particulièrement inquiétante. Une mauvaise spécialisation des productions, l'insuffisance de la recherche, tant publique que privée, et, par conséquent, l'insuffisance de l'innovation contribuent à expliquer le déficit historique de l'année 2005.
Nos exportations pâtissent du manque de dynamisme et de la mauvaise adéquation aux besoins du marché international de notre appareil productif. Pourtant, nulle esquisse de l'épure d'une politique industrielle à l'horizon !
La consommation s'est, certes, améliorée, mais cela est dû au fait que les ménages ont commencé à puiser dans leur épargne. La faiblesse de l'augmentation du pouvoir d'achat moyen des ménages, ainsi que la dégradation du pouvoir d'achat des ménages les plus modestes constituent une lourde menace pour l'avenir.
Pour ce qui est des finances publiques, la croissance de l'économie française continuant à être faible, il n'est pas étonnant que le poids de la dette se fasse de plus en plus sentir. En effet, le poids croissant de la dette est tout à la fois le symptôme de la faiblesse de la croissance et la conséquence de cette faiblesse.
Pourtant, le Gouvernement s'apprête à aggraver cette situation en sous-estimant pour 2007 aussi bien le déficit, hélas ! prévisible, que les conséquences probables des facteurs perturbants que peuvent constituer la hausse du prix de l'énergie ou celle des taux d'intérêt.
Rappelons qu'une erreur d'un demi-point dans l'estimation du taux de croissance engendre un manque à gagner pour l'État d'environ 5 milliards d'euros, dont 3,5 milliards d'euros de recettes fiscales.
En faisant adopter quatre ans de suite des budgets qui ont surestimé, en cumulé, la croissance de 3,4 points, le Gouvernement a provoqué une situation budgétaire dangereuse, les recettes attendues ayant été surestimées de plus de 20 milliards d'euros.
Ainsi, alors qu'en 2005 le Gouvernement annonçait une croissance comprise entre 1,5 % et 2 %, cette dernière a été corrigée à la baisse, soit 1,2 %, diminution qui est imputable à la décélération nette de la dépense publique.
Pour 2007, à nouveau, le Gouvernement veut croire, et faire croire, en une croissance comprise entre 2 % et 2,5 %, alors qu'aucun institut ne prévoit une croissance supérieure à 2 %. Quant aux données initiales relatives au premier trimestre 2006, elles indiquent que la croissance de 0,5 % est plus faible qu'on ne l'attendait, notamment en raison de la décroissance des investissements des entreprises.
Symptôme et conséquence de cette faible croissance, la charge de la dette publique représente plus de 40 milliards d'euros, soit 17 % du budget ; c'est le deuxième poste budgétaire après celui de l'Éducation nationale.
Par ailleurs, depuis six mois, la Banque centrale européenne, la BCE, a relevé son taux de base de 0,75 %, ce qui renchérit le coût du crédit de près d'un tiers.
En quatre ans, le poids de la dette s'est ainsi alourdi de 8 points. Dès lors, l'objectif consistant à diminuer cette dette de 2 points d'ici à la fin de 2007 est peu crédible, sauf à mettre le pays en panne.
Quant à la dette publique financière - État, collectivités locales et sécurité sociale -, que le gouvernement de gauche avait réussi à réduire sensiblement de 1998 à 2001, de 1,4 %, elle a littéralement explosé - plus de 10 points - depuis l'arrivée de la droite au pouvoir en 2002, pour atteindre les deux tiers du PIB aujourd'hui, soit près de 67 %. Depuis 2003, la France se situe donc hors critères européens en la matière.
Cette dette n'est pas, hélas ! le résultat d'un effort structuré pour accroître notre potentiel de croissance, d'un effort particulier en faveur de l'investissement public, de la recherche ou de l'enseignement supérieur, bref, d'un effort pour préparer l'avenir. En réalité, cette dette est le fruit d'une gestion insuffisamment rigoureuse des dépenses publiques.
Dans ce contexte, la promesse inconsidérée du candidat Chirac en 2002 de « baisser les impôts » a aggravé la situation, car tous les impôts n'ont pas diminué en France depuis quatre ans. Seuls ont baissé l'impôt sur le revenu, l'impôt de solidarité sur la fortune et les impôts relatifs aux donations ou successions, c'est-à-dire uniquement les impôts frappant les ménages dont les revenus et les patrimoines sont les plus élevés.
En revanche, les prélèvements obligatoires, c'est-à-dire les impôts, taxes et cotisations sociales qu'acquittent l'ensemble des Français, et notamment les plus modestes d'entre eux, ont augmenté, aggravant de ce fait les inégalités. Ils ont pesé de façon négative sur la croissance et, partant, sur les précieuses recettes fiscales qui auraient permis de conserver la maîtrise des comptes publics.
Le manque à gagner pour les finances publiques est lourd : environ 25 milliards d'euros pour l'impôt sur le revenu et l'ISF, sur l'ensemble de la législature en cours. Or la réforme de l'impôt sur le revenu votée en 2005 n'est pas financée et elle pèsera sur la législature suivante. Il en résulte que le fameux « engagement national de désendettement » n'est qu'un leurre publicitaire, tout comme la notion de « déficit stabilisant » !
Mme Nicole Bricq. Personne n'y croit !
M. Marc Massion. S'agissant de la détérioration des comptes publics, elle n'est pas due à une dérive de la dépense publique, d'autant que les dépenses de l'État, qui, certes, doivent être maîtrisées, peuvent devenir, par le biais de la consommation induite, le moteur d'un cercle vertueux qui résorbe les déficits.
Il n'y a aucune raison de faire des fonctionnaires des boucs émissaires. La détérioration présente des comptes publics est due, tout simplement, à une accumulation de déficits liés à des erreurs de prévision et de gestion. Le gouvernement qui sortira des urnes en 2007 trouvera un lourd « cadeau » de mesures votées et non financées : 12,5 milliards d'euros en moyenne par an, soit quelque 62 milliards d'euros sur l'ensemble d'une législature !
Tous les budgets que les gouvernements ont fait voter depuis 2002 ont reposé sur des prévisions de croissance dites « volontaristes », ainsi que sur des baisses d'impôt censées « encourager la croissance et créer de l'emploi ». Ce volontarisme a sa propre logique : il s'agit de définir un taux de croissance, lequel doit justifier les prévisions de recettes, lesquelles doivent couvrir les dépenses dans une proportion suffisante pour ne pas accroître le déficit dans des proportions trop importantes, lequel, enfin, en termes d'affichage, ne doit pas trop aggraver la dette.
Toutefois, jusqu'à présent - et cela n'est guère étonnant -, cette méthode consistant en des baisses d'impôts financées à crédit n'a pas suffi à insuffler à notre économie la vigueur nécessaire. Au contraire, malgré une croissance mondiale très forte, la croissance française reste faible, victime de l'insincérité répétée des prévisions de croissance avancées depuis 2002.
J'en viens aux dépenses, telles qu'elles sont envisagées par le Gouvernement pour 2007.
En ce qui concerne le plan de cohésion sociale, il n'est pas financé. Le coût de ce plan commencera à peser particulièrement à partir de 2007, les crédits qui lui sont destinés devant atteindre 3,9 milliards d'euros, contre 1,1 milliard d'euros en 2005.
Pour ce qui est du coût annuel du plan « Solidarité grand âge », lequel est une bonne chose en soi, il va tripler au cours de la prochaine législature. Il coûtera ainsi 3 milliards d'euros supplémentaires par an à l'horizon de 2012. Selon le ministère aux personnes âgées, il sera financé, notamment, par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, qui perçoit les 2 milliards d'euros provenant de la journée de solidarité. Mais cette Caisse n'ayant pas de réserves, le financement des mesures prévues reposera sur l'assurance maladie, dont le déficit est déjà considérable.
Ce plan, utilisé comme un effet d'annonce, et qui tente de tirer les leçons de la faillite de la suppression du statut de jour férié du lundi de Pentecôte, reporte donc à plus tard les mesures nécessaires à son financement.
Le programme « Accès des jeunes à la vie active en entreprise », qui remplace le CPE, élargit aux titulaires d'un contrat d'insertion dans la vie sociale, ou Civis, la possibilité d'accéder au bilan de compétences avec, en cas d'embauche, la faculté d'être suivis pendant un an par un « tuteur ». Ce programme prévoit d'inciter les employeurs à embaucher des jeunes en contrat jeune en entreprise, l'État leur versant une aide mensuelle de 400 euros la première année, et de 200 euros la seconde année.
Le contrat de professionnalisation sera, lui aussi, subventionné par l'État au moyen d'une prime de 200 euros par mois la première année, et de 100 euros la seconde, dès lors que le contrat débouchera sur un contrat à durée indéterminée.
Ce programme devrait coûter 150 millions d'euros en 2006, et 300 millions d'euros en 2007. Or le Gouvernement n'ayant pas prévu son financement, des députés UMP ont dû voter un amendement tendant à préciser que le coût de ce programme devrait être pris en charge par des redéploiements budgétaires et des crédits mis en réserve.
Quant au « contrat de modernisation », qui a été signé avec le secteur des cafés, hôtels et restaurants, nous constatons que, pour des raisons clientélistes - et afin de compenser le fait que les « clients » visés ne cessent de se faire abuser par le président de la République -, le Gouvernement vient d'accorder de nombreuses aides aux professionnels de l'hôtellerie et de la restauration, aux termes du contrat de croissance du 17 mai 2006 passé avec la profession : hausse de l'aide forfaitaire à l'emploi dans le secteur ; aide à la mise aux normes des entreprises du secteur accordée par l'État, qui s'engage à améliorer le système de dotation pour investissement, et qui autorisera la déduction pour les entreprises individuelles de 15 000 euros du revenu au titre d'investissements futurs ; abaissement des charges sociales sur les heures supplémentaires pour les entreprises de moins de vingt salariés ; enfin, un « grand plan tourisme » consistant, notamment, en des actions de promotion de la France à l'étranger.
Nous pouvons légitimement nous interroger sur l'efficacité d'un tel plan. En effet, ces aides ne sont aucunement conditionnées par des engagements des professionnels en termes de créations d'emplois ou de revalorisations salariales, alors que la profession a déjà bénéficié de 1,5 milliards d'euros de baisses de charges depuis juillet 2004, sans que les salariés en aient profité, puisqu'il n'y a eu de négociations ni sur l'emploi, ni sur la grille des salaires, ni sur les conditions de travail. En outre, ce plan d'aide n'a fait l'objet d'aucun chiffrage.
Le « plan Gazelle » n'est pas davantage chiffré. Il est destiné à accompagner deux mille PME à forte croissance, qui devraient bénéficier plus facilement de financements, d'un accès à des spécialistes et de soutiens d'investisseurs de proximité.
Pour neutraliser les surcoûts liés à cette croissance, la loi de finances pour 2007 devrait prévoir un « nouveau mécanisme de gel de l'impôt sur les sociétés », qui s'appliquerait dès le 1er janvier 2007, afin de « neutraliser toute augmentation de cet impôt durant la période de croissance ».
De plus, les PME en croissance devraient bénéficier d'un décalage de six mois pour payer les cotisations sociales des salariés embauchés.
Le plan de renforcement du capital-risque annoncé par le Président de la République devrait coûter 2 milliards d'euros et se trouver opérationnel dès l'été 2006. Les PME sélectionnées pourraient ainsi accéder plus facilement à des financements et à des conseils de juristes, d'experts comptables et de notaires. Bien sûr, pas plus que les autres, ce dispositif n'a pas fait l'objet d'une évaluation, du moins publique.
En revanche, les dépenses relatives à la fonction publique ont subi une attaque en règle, à travers deux mesures : d'une part, la limitation de la dépense publique, dont le rythme de croissance devra être inférieur d'un point à l'inflation ; d'autre part, la baisse massive du nombre des fonctionnaires.
Le budget pour 2007 prévoit de supprimer 15 000 emplois de fonctionnaires, dont la moitié dans les écoles, les collèges et les lycées.
Pendant ce temps, l'éducation nationale recrutera des assistants d'éducation grâce à des contrats d'une durée de dix mois, qui se termineront donc - c'est certainement un hasard ! - juste après la présidentielle et les législatives. Ces assistants ne semblent pas aujourd'hui faire l'unanimité parmi les enseignants.
Monsieur le ministre, je crois que vous avez fait tout à l'heure une erreur de vocabulaire lorsque vous avez affirmé qu'il n'y aurait pas de suppression de classes d'enfants handicapés. Les enfants dont il s'agit ici ne sont pas handicapés, mais ils ont des problèmes de comportement et ils sont placés dans des classes d'intégration scolaire, les CLIS. (M le ministre délégué, acquiesce.) Je puis vous affirmer que des CLIS ont fermé et le mouvement se poursuit, tout au moins dans mon département ; notre collègue Thierry Foucaud pourra en témoigner également.
En tout cas, je tiens à préciser que ces enfants ne sont pas des handicapés.
M. Marc Massion. Je vous en prie, monsieur le ministre délégué.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Massion, vous avez tout à fait raison, et il faut préciser ce point. : aucune des décisions d'emplois relatives au budget pour 2007 n'aura d'incidence sur les CLIS, d'une part, et sur le nombre d'enfants par classe, d'autre part ; le ministre de l'éducation nationale a eu l'occasion de le rappeler voilà peu de temps.
M. Thierry Foucaud. Espérons qu'il en sera ainsi !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le ministre, s'agissant des CLIS, nous ne pouvons pas être d'accord ! Nous connaissons déjà le nombre de fermetures de CLIS à la rentrée.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ces fermetures sont indépendantes du budget du ministère des finances !
M. Marc Massion. Quoi qu'il en soit, les 15 000 postes de fonctionnaires supprimés devraient entraîner pour l'État un gain de 250 à 300 millions d'euros, au mieux.
De façon plus générale, le Gouvernement a annoncé que la lutte contre la dégradation des comptes publics et la réduction du poids de la dette reposaient sur une évolution à la baisse de la dépense publique.
La dépense publique votée pour 2006 est de 276,3 milliards d'euros Si elle était indexée sur l'inflation, comme c'est le cas depuis trois ans, elle atteindrait 281,27 milliards d'euros.
Comme le Gouvernement souhaite qu'elle évolue moins vite que l'évolution des prix, à concurrence d'un point, la dépense publique devrait s'élever à 278,5 milliards d'euros en 2007. Toutefois, l'économie annuelle ainsi réalisée ne serait que de 2,75 milliards d'euros, ce qui est peu par rapport aux 13 milliards d'euros de programmes non financés !
Ces économies sans effets significatifs participent d'une politique à courte vue. En effet, la réduction de la dépense publique en période de creux conjoncturel peut avoir des effets récessifs.
L'INSEE vient d'ailleurs d'indiquer que, s'il a révisé à la baisse le taux de croissance de notre pays pour 2005, de 1,4 % à 1,2 % du PIB, c'est en raison de la faiblesse de la dépense publique cette même année.
S'agissant à présent des recettes, quand le Gouvernement a voulu mettre en place sa réforme de l'impôt sur le revenu, votée dans la loi de finances de 2006, il a entrepris de réduire cet impôt et de le démanteler en s'attaquant à sa progressivité et, partant, à sa vertu redistributrice.
Or cette réforme, qui entrera en vigueur en 2007, privera l'État de 3,6 milliards d'euros par an, au détriment de la justice fiscale, mais aussi des comptes publics.
Certes, il y a des gagnants ! Ce sont les contribuables dont les revenus se situent dans les tranches d'imposition les plus hautes. Les 3,6 milliards d'euros d'allégements bénéficieront pour 70 % aux 20 % des foyers imposables les plus favorisés. Les plus gros gagnants, c'est-à-dire 0,3 % des ménages, bénéficieront du cinquième du coût total de la réforme.
Les autres gagnants - si l'on peut dire, puisque ce sont souvent les mêmes contribuables que précédemment -, ce sont les titulaires de revenus fonciers qui disposent d'un capital immobilier. En effet, l'intégration de l'abattement de 20 % dans le barème de l'impôt sur le revenu et la suppression de la contribution sur les revenus locatifs font plus que compenser la disparition de la déduction forfaitaire.
Toutefois, il y a aussi des non-gagnants, peut-être même des perdants ! Ce sont les classes moyennes, les vraies : pour elles, le gain est minime, sinon inexistant, car elles ne peuvent profiter « en bas » de l'augmentation de la prime pour l'emploi, ni « en haut » de la réforme du barème de l'impôt sur le revenu. Certains contribuables, et ils sont nombreux, comme ces couples bi-actifs dont chaque membre gagne l'équivalent de 1,5 SMIC par mois, ne verront aucunement leur situation s'améliorer.
D'un point de vue économique, cette réforme est non seulement inefficace, mais encore contre-productive, car elle n'encourage pas la demande ni, partant, l'investissement. En effet, elle ne fera sentir ses effets qu'en 2007 et ne bénéficiera qu'à des ménages favorisés, qui ne s'en serviront sans doute pas pour consommer et donc relancer la croissance.
Au contraire, le creusement des déficits et l'absence de politique de relance de la croissance ne peuvent qu'entretenir les inquiétudes et les incitations à épargner, du moins chez ceux qui ont la capacité de le faire.
Le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée, qui aura un coût plus important à partir de 2007, et la suppression de la contribution Delalande représentent d'autres restrictions des moyens publics.
Le Gouvernement a présenté un plan national d'action pour 2006-2010. Destiné à développer l'emploi des séniors, il est censé permettre à la France d'atteindre l'objectif européen d'un taux d'emploi des 55-64 ans de 50 % en 2010, contre 37 % en 2004.
La principale mesure de ce plan est, de façon paradoxale, la suppression progressive, d'ici à 2010, de la contribution Delalande. Cette taxe acquittée par les entreprises qui licencient des salariés de plus de 50 ans a pourtant été instituée par la droite afin d'inciter les entreprises à ne pas se séparer de leurs séniors.
Il est vrai qu'en toute occasion l'important pour les entreprises est de contribuer le moins possible à l'effort financier national, et qu'en l'occurrence elles n'ont aucune intention de jouer le jeu. Au contraire, elles souhaitent profiter de l'aubaine des départs anticipés.
Quoi qu'il en soit, ce plan coûtera 500 millions d'euros par an, dont 10 millions d'euros de dépenses supplémentaires, et surtout 500 millions d'euros de moindres recettes, soit l'équivalent du coût de la suppression de la contribution Delalande dans le budget de l'État à compter de 2010.
En conclusion, en l'état actuel des choses, avec la poursuite de la même politique, l'aggravation des finances publiques est, hélas ! inéluctable.
Les grandes mesures pluriannuelles annoncées récemment ne sont pas financées. La question est renvoyée au-delà des élections de 2007. Le gouvernement qui sera issu des urnes devra alors faire face à un trou de 11 milliards d'euros.
Les déficits publics ont été maintenus en deçà des 3 % du PIB visés en 2005 grâce, principalement, à la soulte d'EDF et à un acompte de l'impôt sur les sociétés, événements exceptionnels qui ne se renouvelleront pas.
Le Gouvernement a augmenté le ratio de la dette de 8 points en quatre ans. Sa diminution ne pourra être que progressive, et des engagements chiffrés optimistes me semblent hasardeux.
En 2005, le Gouvernement a accru les prélèvements obligatoires de 13 milliards d'euros. Afin d'« arranger » un budget plus aisé à exécuter que ne le sera celui de 2007, il a procédé à des manipulations budgétaires qui ont été dénoncés tant par la Cour des comptes que par la Commission européenne.
Ce budget pour 2007 devra donc être corrigé au printemps prochain, sur la base, comme je le soulignais tout à l'heure, des propositions formulées dans le projet des socialistes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.
M. Joël Bourdin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en matière de finances publiques et de finances sociales, notre pays est confronté à deux paradoxes.
Le premier concerne la dette. Les Français sont individuellement peu endettés, mais collectivement surendettés.
Le 16 mars dernier, en tant que président de la Délégation du Sénat pour la planification, j'ai eu l'honneur de présenter un rapport sur l'accès des Français au crédit. Ce rapport souligne que l'endettement des ménages a beaucoup augmenté depuis vingt ans et représente aujourd'hui plus de 60 % de leur revenu annuel.
Pourtant, les Français ne sont pas confrontés à une dérive du crédit. Si leur endettement a progressé, le poids des remboursements du capital et des intérêts est resté stable grâce à la baisse des taux et à l'allongement de la durée des prêts. De plus, l'augmentation de la dette brute des ménages ne les a pas empêchés d'améliorer significativement leur situation patrimoniale nette.
Enfin, la France est l'un des pays du monde développé où l'endettement des ménages est le plus faible : la dette par habitant est près de trois fois moins élevée qu'au Danemark, et encore deux fois moindre environ que la moyenne des pays européens.
Dans l'encours des crédits à long terme en Europe, la France occupe une place très modeste, avec 8,1 %, soit nettement moins que son poids dans le PIB des douze pays concernés, qui est de 17,6 %. L'OCDE estime même que, parmi les réformes structurelles nécessaires pour que l'Europe surmonte la langueur de son économie, figure un élargissement de l'accès des ménages au crédit.
Le Gouvernement a lui-même soumis au Parlement, qui l'a adopté, un projet de loi l'autorisant à introduire par ordonnances des mécanismes d'hypothèque rechargeable et de viager hypothécaire qui visent à doper la distribution de liquidités aux ménages.
Le paradoxe, c'est que si la France peut encourager un certain endettement individuel pour soutenir la croissance économique, elle doit en même temps tout faire pour stopper la croissance inquiétante de la dette publique. En effet, la dette publique a triplé en proportion de la richesse nationale depuis 25 ans. Elle a atteint un niveau tel qu'elle handicape aujourd'hui notre pays dans la compétition internationale, elle compromet ses chances de redresser les finances publiques et elle met ainsi en cause l'avenir des générations futures.
De ce point de vue, le rapport publié par Michel Pébereau en décembre dernier a été l'occasion d'une véritable prise de conscience nationale.
Il faut également féliciter le Gouvernement pour l'effort de pédagogie qu'il a su réaliser sur un sujet trop longtemps ignoré ou négligé dans notre pays.
Dans son rapport d'information sur le débat d'orientation sur les finances publiques, notre rapporteur général, Philippe Marini, évoque trois bonnes raisons pour réduire le déficit public : tout d'abord, sur 100 euros versés par le contribuable, 15 euros servent à payer la charge de l'État ; ensuite, les générations futures devront déjà payer les retraites ; enfin, il faut restaurer, dès à présent, les marges de manoeuvre de l'État.
Toutefois, nous nous heurtons ici à un second paradoxe, qui est cette fois politique. Alors que presque tout le monde s'accorde aujourd'hui sur la nécessité de réduire l'endettement, certains, à gauche, continuent à prôner des mesures qui auraient exactement l'effet inverse.
Comme l'ont très bien montré MM. les ministres Thierry Breton et Jean-François Copé, la stratégie du parti socialiste renoue avec la facilité financière, à travers toujours plus de dépenses publiques, donc toujours plus de déficit et de dette.
Le projet du parti socialiste est une réédition de son programme de 1981, avec la même philosophie, les mêmes principes doctrinaux, et le refus de prendre en compte les problèmes du jour, les enjeux de demain et le nouveau système monétaire auquel nous avons, ensemble, adhéré.
La renationalisation d'EDF, la généralisation des 35 heures, le recours massif à l'emploi public, à travers la réactivation des emplois-jeunes, et l'embauche massive de fonctionnaires sont autant de mesures inadaptées et de contresens économiques ; nous ne trouvons d'ailleurs aucun équivalent dans les autres pays de l'OCDE.
L'abrogation de la réforme des retraites constituerait un grand bond en arrière. Dans ce domaine, la gauche a oublié d'agir, et c'est un gouvernement de droite qui a eu le courage de mettre en oeuvre une réforme historique et indispensable, pour tenir compte de l'évolution démographique.
M. Raymond Courrière. C'est pour ça que les Français sont si contents ! Regardez les derniers sondages !
M. Joël Bourdin. On ne peut pas, d'un côté, s'inquiéter de l'ampleur de la dette et, de l'autre, présenter un projet qui coûterait 115 milliards d'euros et ne pourrait être financé que par une augmentation massive des prélèvements obligatoires, déjà très élevés, ou par un triplement du déficit public.
Face à ce double paradoxe financier et politique, le Gouvernement a fait le choix du réalisme et de la responsabilité.
Il est en effet réaliste dans ses prévisions économiques, qui rejoignent d'ailleurs largement celles que nous avons effectuées dans le cadre de la Délégation du Sénat pour la planification.
Avec 0,54 % au premier trimestre, la croissance annuelle est solidement installée entre 2 % et 2,5 %, ce qui est l'hypothèse retenue pour l'élaboration du budget de 2006. Malgré la hausse du pétrole, l'inflation reste maîtrisée. Les taux d'intérêts devraient évoluer modérément, et la situation sur le marché de l'emploi continuer à s'améliorer.
De plus, la baisse du chômage est un acquis obtenu ces derniers mois et un signal encourageant pour l'avenir. Il convient d'en féliciter le Gouvernement, même s'il reste dans ce domaine, comme dans d'autres, encore beaucoup de chemin à parcourir.
Réaliste sur le plan économique, le Gouvernement est également responsable sur le plan budgétaire : les engagements en termes de déficit public sont tenus, et le désendettement est amorcé en 2006.
Ce désendettement est au coeur des préoccupations de la commission des finances et des orientations budgétaires annoncées par le Gouvernement. L'objectif fixé par le Premier ministre lors de la Conférence nationale des finances publiques du 11 janvier dernier est le retour des comptes publics à l'équilibre d'ici à 2010, pour ramener le ratio d'endettement sous la barre des 60 % du PIB.
C'est un objectif ambitieux, comme l'a relevé M. le rapporteur général, qui propose pour sa part une stratégie de désendettement à moyen terme. Au-delà des options choisies, il importe que la priorité soit donnée à la réduction des déficits publics et au désendettement.
Les principales orientations définies pour le budget 2007 s'inscrivent dans cette perspective : la progression des dépenses de l'État serait de un point inférieure à l'inflation, soit une baisse en volume après quatre années de « zéro volume ».
Cela ne remettrait pas en cause le financement des grandes priorités fixées depuis 2002 en matière d'emploi, de sécurité, de défense, de justice, d'aide publique au développement, de recherche et d'infrastructures de transport. Le financement des réformes fiscales, dont celles, majeures, de l'impôt sur le revenu et de la taxe professionnelle, serait également assuré en 2007, grâce à la maîtrise des dépenses et à la bonne tenue de la croissance.
Sur les 74 000 départs à la retraite prévus l'année prochaine, 15 000 postes ne seraient pas remplacés. La mise en oeuvre de la LOLF et les conclusions des rapports d'audits ont en effet été mis à profit pour réaliser des gains de productivité - cette expression était peu utilisée jusqu'à présent dans la fonction publique -, moderniser le service public et adapter les effectifs aux besoins réels de l'État. C'est donc tout le contraire d'une politique aveugle de réduction des dépenses et des effectifs ! La LOLF et les audits de modernisation constituent une véritable « opération vérité » sur le fonctionnement de l'État.
À cet égard, le Gouvernement peut compter sur le groupe UMP du Sénat pour le soutenir dans cette démarche inédite et pragmatique. Ce dernier a d'ailleurs mis en place un groupe de travail « LOLF et réforme de l'État », pour examiner les résultats des audits et envisager les suites à leur donner.
Cette « opération vérité » a déjà montré concrètement et précisément qu'il était possible de réduire les dépenses et les effectifs dans certains secteurs, tout en préservant ou, même, en améliorant la qualité du service public, y compris dans l'éducation nationale ; je le dis avec beaucoup d'humilité.
M. Raymond Courrière. Il en faut !
M. Joël Bourdin. Je terminerai mon intervention en évoquant la sécurité sociale et les collectivités locales, que le Gouvernement souhaite placer, aux côtés de l'État, au coeur de sa stratégie de désendettement.
Il convient, tout d'abord, de saluer les réformes courageuses engagées dans le domaine de l'assurance maladie et des retraites. Qualifiées de « premier coup d'arrêt » par M. le rapporteur général, elles traduisent notre volonté commune de parvenir à une réelle maîtrise des comptes sociaux, qui est un enjeu essentiel pour l'avenir de notre modèle social.
Ensuite, le groupe UMP tient à saluer l'engagement du Gouvernement de poursuivre le dialogue avec les collectivités locales et les organismes de sécurité sociale, dans le cadre, notamment, du Conseil d'orientation des finances publiques.
M. Raymond Courrière. Il veut surtout les faire payer !
M. Joël Bourdin. Nous apprécions sa volonté de ne pas imposer de contraintes nouvelles et de ne pas remettre brusquement et unilatéralement en cause le contrat de croissance et solidarité, qui définit la croissance globale des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales.
Le dialogue doit se poursuivre, dans le respect de l'autonomie des collectivités locales et de la sécurité sociale.
Ce n'est qu'en agissant ensemble que les grands acteurs de la dépense publique pourront parvenir à définir et à mettre en oeuvre cette stratégie de désendettement que nous appelons de nos voeux, dans l'intérêt supérieur de notre pays et des générations futures.
Messieurs les ministres, c'est dans cet esprit constructif que le groupe UMP abordera la prochaine discussion budgétaire.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l'auteur de la question, de même que la ou le ministre pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente.
situation d'eads
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Gautier.
Mme Gisèle Gautier. Ma question s'adresse à M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Depuis plusieurs mois, le capitalisme d'État en France est au coeur de la tourmente. Les crises s'enchaînent : Suez-GDF, Arcelor puis EADS. Ce dernier dossier concentre à lui seul tous les problèmes récurrents.
Pendant longtemps, ce groupe européen a été présenté comme un modèle de coopération franco-allemande. Mais aujourd'hui, la crise qu'il traverse est à la fois financière et industrielle.
M. Jacques Mahéas. Et morale !
Mme Gisèle Gautier. Nous avons tous en tête l'enchaînement des événements, que je souhaite néanmoins rappeler.
Le 13 juin dernier, la société Airbus annonce un nouveau retard de six à sept mois des livraisons de l'A380, lié à des problèmes de production de ce très gros porteur, qui pèseront fortement sur les comptes de sa maison mère, EADS, entre 2007 et 2010.
Il s'ensuit, dès le lendemain, une chute vertigineuse du titre EADS, qui perd le quart de sa valeur en une seule séance.
Par la suite, on apprend que les dirigeants du groupe franco-allemand ont vendu en masse, pour plusieurs millions d'euros, leurs stock-options au mois de mars. Une enquête de l'Autorité des marchés financiers est actuellement en cours pour déterminer s'il y a eu délit d'initié. Si tel était le cas, monsieur le ministre, le Gouvernement aurait-il l'intention de se porter partie civile ?
La crise industrielle continue à s'aggraver, puisque nous avons appris hier que l'A350 connaît des difficultés aussi importantes que l'A380. Mais la situation est plus inquiétante, puisque la réalisation de cet avion est confrontée à un problème de conception et non à un problème industriel, entraînant un surcoût de 4 milliards d'euros, équivalent au budget initial.
Si de tels dysfonctionnements perduraient, il est à craindre que le doute ne s'immisce dans l'esprit des acheteurs potentiels quant au respect des échéances de livraison promises, et qu'il n'en résulte des incidences économiques et financières.
Dans la compétition acharnée que se livrent Airbus et Boeing, un tel fiasco peut s'avérer fatal. Cette situation est d'autant plus préoccupante que des milliers de PME sous-traitantes subissent les contrecoups de ces retards et doivent déjà faire face à d'importants problèmes de trésorerie. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que les personnels de ces entreprises représentent plus de cinq fois les emplois directs du groupe.
Le week-end dernier, vous avez annoncé que vous vous donniez soixante-douze heures pour trouver un accord de sortie de crise avec les autres actionnaires. Il me semble que l'on peut parler d'échec de cette tentative. M. le Premier ministre a évoqué, lui, une solution en deux étapes.
Monsieur le ministre, même si l'État français ne détient, je le rappelle, que 15 % des actions, pouvez-vous nous indiquer quelle est la feuille de route du Gouvernement, notamment en ce qui concerne l'amélioration de la gouvernance de ce groupe ? En effet, la structure de décision a définitivement fait la preuve des ses limites ; je pense que vous en conviendrez avec moi. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Madame le sénateur, je souhaite revenir sur les propos que vous avez tenus au sujet du groupe EADS et de l'entreprise Airbus.
M. Didier Boulaud. Forgeard, démission !
M. Thierry Breton, ministre. Vous avez eu raison de rappeler que tous deux sont un fleuron de notre économie nationale comme de l'économie européenne.
Il faut remettre les faits en perspective.
L'A380 est le plus gros porteur au monde et les équipes d'Airbus sont en train de le réaliser.
M. Didier Boulaud. Forgeard, ce n'est pas un petit porteur ! C'est, lui aussi, un gros porteur !
M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence s'il vous plaît !
M. Guy Fischer. Mais M. Boulaud a raison !
M. Robert Bret. Il pose un vrai problème !
M. Thierry Breton, ministre. Effectivement, un retard a été constaté dans la construction de cet avion et l'ensemble des actionnaires en a été informé. Il faut se donner les moyens industriels mais aussi humains pour redresser la situation, en tant que de besoin, et nous avons le sentiment que tel est le cas.
Cette remarque s'applique également à l'ensemble des avions qui sont actuellement en phase de développement, notamment à l'A 350.
Ces observations étant formulées, je veux souligner que nous opérons dans le cadre d'un pacte qui lie les actionnaires, notamment les actionnaires industriels, et l'État, qui détient aujourd'hui, vous l'avez rappelé avec raison, madame le sénateur, 15 % du capital d'EADS.
Ce pacte est bien connu de MM. Jospin, Fabius, Strauss-Kahn...
M. Ladislas Poniatowski. On saura tout !
M. Thierry Breton, ministre. ...puisque ce sont eux qui l'ont négocié (Exclamations sur les travées de l'UMP.) et qui ont donné la possibilité uniquement aux actionnaires industriels, en particulier au groupe Lagardère, d'exercer les responsabilités opérationnelles et managériales.
M. Didier Boulaud. Ce ne sont pas eux qui ont vendu les stock-options ! C'est le « copain » de Jacques Chirac, pas le nôtre !
M. Thierry Breton, ministre. L'État intervient ensuite pour soutenir ces décisions.
C'est dans ce contexte que, à la demande du Premier ministre, j'ai réuni au cours du week-end dernier les parties prenantes et l'ensemble des actionnaires, qui ont leur mot à dire. Nous nous étions donné soixante-douze heures pour régler la question. Au bout de quarante-huit heures, les solutions ont été mises sur la table.
M. Guy Fischer. Répondez à la question !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La réponse !
M. Thierry Breton, ministre. Dans le cadre du pacte que vous connaissez bien, il leur appartient de présenter leur plan à l'État, qui le soutiendra, car deux solutions ont été proposées.
M. Ivan Renar. La réponse à la question !
M. Didier Boulaud. Forgeard, démission !
M. Thierry Breton, ministre. Le groupe Lagardère présentera ce plan et l'État le soutiendra. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir écouter les interventions des différents orateurs et les réponses des ministres dans le calme. Il y va de notre crédibilité !
M. Didier Boulaud. En comparaison avec celle de M. Forgeard, la nôtre n'est pas atteinte !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les milliers d'enseignants, de parents, d'élus, mobilisés sur l'initiative du Réseau éducation sans frontières pour protéger et parrainer les enfants scolarisés menacés d'expulsion, sont en passe de devenir des millions.
Ces millions de personnes font acte de désobéissance civile, eu égard à la façon dont sont traités des enfants, des jeunes, des familles, en raison de leur nationalité étrangère.
Pour la plupart arrivés en France depuis longtemps, devenus sans papiers en raison des lois régressives successives, ce sont les élèves, les voisins, les copains des enfants de tel ou tel, bref M. Tout-le-monde.
Samedi, à Paris, demandaient protection, entre autres, Mlle Lu, âgée de dix-huit ans et de nationalité chinoise, M. Hanaudou, également âgé de dix-huit ans et de nationalité congolaise, tous deux lauréats au concours général du lycée Voltaire et admis en classe préparatoire scientifique. Participaient aussi au défilé les petits garçons Zouane, dont le papa, Algérien, est en France depuis 1985.
Monsieur le Premier ministre, vous avez dû reculer car votre politique du chiffre - 25 000 reconduites à la frontière -annoncée à corps et à cri, est impraticable et inacceptable.
Vous avez précisé, le 6 juin, que des régularisations au cas par cas pourraient concerner 720 familles.
Face aux réactions à ce « coup de bluff », M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur, a signé une circulaire, le 13 juin, qui préconise l'incitation des familles au retour dans leur pays d'origine ou, en cas de refus de leur part, l'examen de leur situation par les préfets en fonction de critères dont on ne sait s'ils sont cumulatifs ou alternatifs. Relevons, parmi ces critères, celui, ubuesque, « de n'avoir plus de lien avec le pays d'origine » !
Devant les imbroglios inextricables créés par la circulaire, vous avez nommé un médiateur, M. Klarsfeld.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le Premier ministre, vous avez cru bon de répéter les propos de M. Sarkozy, « humanité mais fermeté », pour ne pas donner « le signal que tous ceux qui ont des enfants pourraient venir en France ».
Ne me faites pas cette réponse (Protestations sur les travées de l'UMP) ...,
M. Dominique Braye. Il fait la réponse qu'il veut !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ...elle est mensongère de votre propre point de vue ! La loi CESEDA rend quasi inaccessible le regroupement familial.
Aujourd'hui, en France, ceux qui ont des enfants inscrits à l'école sont intégrés, comme les jeunes qui y font leur scolarité...
M. Dominique Braye. Pas tous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ces derniers, quel que soit l'âge auquel ils sont arrivés dans notre pays, doivent y poursuivre cette scolarité.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, nous vous demandons de prendre toutes dispositions pour respecter leur droit à l'éducation, conformément aux valeurs républicaines de notre pays.
M. Dominique Braye. En République, on respecte la loi !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il serait insupportable que la période estivale soit propice aux expulsions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Madame le sénateur, oui, vous avez raison : dans notre pays, certains étrangers sans papiers ont des enfants qui sont scolarisés.
Vous avez posé votre question sur un ton un peu agressif et polémique.
M. Dominique Braye. Comme d'habitude !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Permettez-moi de vous préciser que cette situation est directement la conséquence de l'absence de politique d'immigration. De fait, entre 1997 et 2002, 80 000 régularisations de sans-papiers sont intervenues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Le nombre de demandeurs d'asile a été multiplié par quatre. C'est une réalité chiffrée !
Vous avez raison, il faut que le Gouvernement réagisse. C'est ce qu'il fait en menant une politique qui est à la fois lisible et claire, guidée par un souci de responsabilité et d'humanité.
En effet, il n'y a aucune raison que la France soit le seul pays au monde où la scolarisation d'un enfant donnerait automatiquement droit au séjour. Même vous, mesdames et messieurs les sénateurs socialistes, n'avez pas demandé une telle mesure au moment de la discussion de la loi Chevènement en 1998 !
M. André Rouvière. Le problème était différent !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Pourquoi la France serait-elle le seul pays d'Europe à ne pas appliquer la convention de Dublin, qui prévoit très expressément les mesures qu'il convient de prendre ?
Le Premier ministre et le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, ont pris acte d'un certain nombre de cas particuliers qui méritent attention. Ce dernier a donc adressé aux préfets une circulaire indiquant un certain nombre de critères justes, objectifs, concrets, qui permettent d'examiner les situations au cas par cas.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Jacques Mahéas. Le retour au pays, d'abord !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Il est vrai aussi que, pour aller plus loin, pour faire preuve de générosité, pour démontrer son humanité, M. Sarkozy a chargé M. Arnaud Klarsfeld d'examiner les cas particuliers, département par département, si des difficultés surgissent.
Cela signifie tout simplement, madame Borvo, que, pour nous, ce n'est pas une affaire de posture, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah bon ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Affichage !
M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ... ou d'image. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Cela prouve tout simplement que nous, nous voulons concilier le coeur et la fermeté, mais nous avons bien compris que cela vous gênait beaucoup ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Vous aurez un article dans Paris Match la semaine prochaine !
M. David Assouline. Vous fabriquez des clandestins !
M. Bernard Piras. C'est n'importe quoi ! Ce n'est pas digne d'un ministre !
émergence de nouveaux virus et grippe aviaire
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Ces derniers mois, la grippe aviaire s'est faite plus rare dans l'actualité, mais le virus n'en a pas disparu pour autant et le risque d'une mutation chez l'homme existe toujours. En témoigne, d'ailleurs, le premier cas avéré de transmission directe entre humains, rapporté vendredi dernier par l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé, et qui a provoqué le décès de sept personnes en Indonésie.
Ce développement, attendu et redouté par de nombreux experts des maladies infectieuses, doit être l'occasion de faire un bilan de cette épizootie. Quel est l'état de la recherche sur le virus H5N1 ? Est-ce toujours le même ou observe-t-on une mutation ?
Les avis sont contrastés.
Certains experts estiment qu'il s'agit d'une mutation majeure, doublée d'une forte virulence qui pourrait annoncer le début d'une pandémie grave.
L'OMS, quant à elle, relativise, évoquant un phénomène « limité et non prolongé ».
Enfin, vous-même, monsieur le ministre, avez parlé d'une « légère mutation ».
Ces dernières hypothèses ont-elles été confirmées par une analyse génétique suffisamment approfondie de la souche en cause ? Il me paraît indispensable de consacrer des moyens appropriés à la recherche sur ce virus.
S'agissant des mesures de protection, je sais que la France y travaille. Selon la revue The Lancet, notre pays est même l'un des mieux préparés pour faire face à une menace de pandémie. Cependant, il est évident que, sans une coopération européenne et internationale étroite, notre plan de lutte sera tout à fait inefficace. Nous n'allons pas nous barricader à l'intérieur de nos frontières !
Une aide financière suffisante doit être fournie aux pays asiatiques et africains. Or, il semble que les financements arrivent pour l'instant avec « une lenteur décevante », assurait récemment un expert de l'ONU en Indonésie.
Quelles actions entend mener la France sur ces deux aspects ?
J'évoquerai aussi une autre pandémie, bien réelle celle-là, la « pandémie microbienne ».
Les souches résistantes aux antibiotiques ont, en effet, envahi la planète et, surtout, nos établissements de soins. Il y a quelques jours, une partie de l'hôpital Huriez de Lille et le service de réanimation de Châlon-sur-Saône ont été obligés d'interrompre leur activité.
La diffusion de ces bactéries a notamment pour origine un usage parfois inapproprié des antibiotiques pour certaines pathologies bénignes. Alors que notre collègue M. Alain Vasselle présentait aujourd'hui un rapport sur les maladies nocosomiales, que préconise le Gouvernement à ce sujet ?
Quand on voit, d'un côté, des pays industrialisés victimes de résistances microbiennes souvent dues à un usage abusif de médicaments de troisième génération et, de l'autre, quatre milliards d'individus continuant de subir les méfaits d'agents pathogènes tels que le paludisme, la lèpre, le sida ou encore la tuberculose, il y a de quoi s'interroger.
Au pays de Pasteur, il me semble que nous avons le devoir d'être plus vigilants en matière de prescription et plus solidaires concernant l'accès aux médicaments des pays les plus pauvres. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Depuis vendredi dernier, nous avons eu confirmation par l'Organisation mondiale de la santé d'un premier cas de transmission de la grippe aviaire de l'homme à l'homme.
L'OMS nous a indiqué qu'il s'agissait d'une « légère mutation ». Cela signifie que le virus n'a toujours pas trouvé la « clé » qui lui permettrait de se reproduire facilement et de passer d'un être humain à un autre.
Voilà pourquoi nous ne sommes pas, aujourd'hui, au début d'une pandémie ; voilà pourquoi nous devons être attentifs à tout et partout ; voilà pourquoi, en Indonésie, la priorité est aujourd'hui de maîtriser l'épizootie, dont nous savons qu'elle est le premier facteur de contamination et qu'elle permet déjà au virus de passer de l'oiseau à l'homme.
Vous l'avez dit, il faut que les moyens soient débloqués et que tout l'argent qui a été promis à Pékin en début d'année arrive sur le terrain. La France a promis un peu plus de 26 millions d'euros - c'est ce qu'a voulu le Président de la République, relayé par le Premier ministre - pour soutenir l'OMS, l'OIE, la FAO, ainsi que les instituts Pasteur de l'Asie du Sud-Est. Les aides bilatérales doivent être renforcées. La communauté internationale doit suivre l'exemple français, certes au nom de la solidarité, mais aussi - disons-le très clairement - parce que protéger et aider ceux qui sont en première ligne aujourd'hui, c'est aussi nous protéger nous-mêmes demain ou après-demain.
Voilà de quelle façon nous travaillons.
Aujourd'hui, la France, quelle que soit l'actualité et quelle que soit la place que cette dernière réserve à la grippe aviaire, continue à mettre en place des moyens de protection en mobilisant non seulement son système de santé, mais aussi l'ensemble des acteurs de la société pour savoir comment réagir si nous étions face à une pandémie. Mieux vaut, en effet, se poser les questions maintenant que trop tard.
Vous avez évoqué un autre sujet qui montre bien qu'en matière de santé publique il faut être attentif à tout, à savoir les infections nosocomiales.
M. Alain Vasselle, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale, s'est engagé dans ce combat.
Vous savez que, pour la première fois, j'ai, en début d'année, publié le tableau des efforts réalisés par tous les établissements de France pour lutter contre les infections nosocomiales, que suivra bientôt celui des résultats obtenus par chacun d'eux C'est sur ce plan aussi que nous devons faire reculer la maladie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
aides aux viticulteurs
M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Mortemousque. La Commission européenne a proposé, le 22 juin dernier, une réforme en profondeur du secteur viticole destinée à renforcer la compétitivité des producteurs de vins de l'Union européenne, qui souffrent de la concurrence croissante des vins du nouveau monde.
M. Raymond Courrière. C'est inacceptable !
M. Dominique Mortemousque. Ce projet a soulevé un tollé des viticulteurs, car l'objectif est l'arrachage de 400 000 hectares en cinq ans : ce plan d'arrachage, s'il était appliqué, ferait disparaître 12 % de la superficie viticole de l'Europe et détruirait notre potentiel ancestral de production.
Le fait de nous obliger à arracher nos vignes quand l'hémisphère Sud continue d'en planter est une véritable provocation. Cette réforme de Bruxelles ne peut aboutir qu'à un « massacre de la viticulture française », comme le dénoncent les organisations professionnelles. (M. Raymond Courrière fait un signe d'approbation.)
Les viticulteurs français s'insurgent contre ce projet, critiquant le côté défensif de la réforme. Ils proposent de mettre en place des pratiques oenologiques différentes, avec une nouvelle classification des vins et, enfin, ils veulent une politique plus offensive, avec de véritables moyens d'action à l'export.
Le Premier ministre, au nom du Gouvernement français, a jugé inacceptable en l'état la proposition de la Commission et a annoncé qu'il allait engager des discussions pour modifier les points les plus contestés du projet de Bruxelles.
Monsieur le ministre, comment le Gouvernement compte-t-il infléchir la position communautaire, alors que le contexte veut que la France ne soit ni très écoutée ni très suivie ? Pouvez-vous nous confirmer la détermination de tout le Gouvernement à se battre pour une politique européenne du vin ambitieuse, tournée vers des mesures de développement et de reconquête des marchés ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Ivan Renar. Spécialiste du vin ! Grand viticulteur devant l'Éternel ! (Sourires.)
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Vous posez une bonne question, monsieur le sénateur, puisque la Commission européenne vient de présenter un projet de réforme de l'organisation commune du marché du vin.
M. Raymond Courrière. Inacceptable !
M. Henri Cuq, ministre délégué. À ce stade, le conseil des ministres européen n'a pas encore eu à se prononcer sur ce projet. Néanmoins, ce que nous en connaissons nous a amenés à réagir immédiatement.
Il est vrai que des excédents pèsent sur les marchés ; vous le savez, des mesures sont prises pour alléger les stocks au cours de cette campagne, notamment par la distillation. Le Gouvernement y contribue de manière significative.
Cependant, ce type de mesure est à la fois coûteux et peu compréhensible sur le plan économique. Il est donc préférable, dans certains cas, de recourir à une politique d'arrachage, qu'elle soit temporaire ou définitive. Certains bassins de production se sont d'ailleurs engagés dans une telle politique, souvent avec le soutien des interprofessions ou des collectivités locales.
Ce qui n'est pas acceptable dans la proposition de la Commission, c'est l'objectif considérable d'arrachage comme instrument essentiel de gestion.
Nous ne pouvons pas soutenir un tel projet, qui, par son caractère réducteur et aveugle, ne tient pas compte des potentialités de développement du marché mondial du vin, sur lequel l'Europe, particulièrement la France, doit conserver une place d'excellence.
Restructurer notre vignoble et promouvoir nos vins serait, dans bien des cas, beaucoup plus adapté à la réalité de notre pays.
De plus, l'arrachage sans prévision de remplacement par d'autres activités agricoles ou rurales aurait des conséquences désastreuses en termes de désertification du territoire.
M. Raymond Courrière. Ce serait la désertification des campagnes !
M. Henri Cuq, ministre délégué. C'est pourquoi, monsieur le sénateur, vous pouvez compter sur le Gouvernement pour que les mesures d'arrachage, si elles doivent, dans certains cas, être maintenues dans la future organisation communautaire des marchés, soient ajustées.
Elles doivent concerner, en premier lieu, les plantations inadaptées ou illicites en Europe, et d'autres instruments de maîtrise temporaire de la production devraient être étudiés et laissés à la libre appréciation des États.
Soyez, en tout cas, assuré de l'entière détermination du Gouvernement pour veiller à ce que les dispositifs retenus soient adaptés à notre territoire et à notre viticulture. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
les gouvernances d'entreprise
M. le président. La parole est à M. François Marc. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Marc. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le SMIC mensuel s'élève aujourd'hui à 984, 61 euros. Ce revenu reste - convenons-en ! - bien modeste. Pourtant, le MEDEF, par la voix de sa présidente, juge « le niveau élevé de hausse du SMIC enregistré ces dernières années très dangereux ».
M. Guy Fischer. C'est honteux !
M. François Marc. Ainsi donc, aux yeux de certains, le SMIC à 984 euros mettrait la République en danger.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Bernard Piras. C'est honteux !
M. François Marc. Que dire, alors, de l'explosion sans précédent des rémunérations des grands patrons au cours de ces dernières années ?
Qu'il s'agisse de salaires fixes, de « bonus », de stock-options, de primes de départ, de parachutes dorés, les exemples de traitements de faveur scandaleux abondent ces derniers mois : 38 millions d'euros au PDG de Carrefour pour son départ à la retraite, plusieurs dizaines de millions d'euros de primes et stock-options au PDG de Vinci, un salaire de 3000 fois le SMIC, des plus-values suspectes sur stock-options pour le PDG d'EADS, une augmentation de salaire de 81 %, en 2005, pour le patron d'AGF !
Ainsi donc, les salaires des dirigeants explosent dans un environnement marqué par une perte d'éthique de la gouvernance d'entreprise, ainsi que par une dérive accélérée du capitalisme financier, avec, à la clé, des processus d'OPA dévastateurs.
La dégradation constatée est à ce point inquiétante qu'une grande autorité morale de ce pays déclarait hier, dans le journal Le Monde : « La démocratie est en danger, l'argent rend fou ! »
Dans ce contexte perverti, l'action de régulation de l'État est malheureusement défaillante, car la doctrine libérale du « laisser-faire » inspire très largement les politiques mises en oeuvre depuis quatre ans. On l'a vu une nouvelle fois avec l'affaire Arcelor-Mittal. Le « patriotisme économique », porté comme un étendard, a fait long feu. Monsieur le Premier ministre, ne peut-on parler de capitulation en rase campagne, face aux appétits des spéculateurs ?
Cette incapacité à agir se manifeste aussi par une large résignation en matière de régulation financière.
Ainsi, lors de l'examen au Sénat des textes portant sur la sécurité financière ou sur les OPA, vous avez rejeté les propositions socialistes sur trois sujets essentiels : l'encadrement des rémunérations des dirigeants ; plus de transparence et des sanctions renforcées contre les abus de marché ; une place avec voix délibérative des salariés au sein des conseils d'administration des entreprises.
Ma question est la suivante, monsieur le Premier ministre. Au cours d'une déclaration à Agen, le 22 juin dernier, votre ministre d'État a reconnu que ce Gouvernement avait trop complaisamment laissé la bride sur le cou à ceux qu'il a appelés les « patrons voyous ». Le président de l'UMP reconnaît sans nul doute là sa propre responsabilité, lui qui a été ministre de l'économie et des finances au cours de cette législature !
Monsieur le Premier ministre, ce constat de carence et d'échec est-il celui de votre Gouvernement tout entier ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Oui !
M. le président. La parole est à M. le ministre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud. Ce n'est pas possible !
M. Bernard Piras. Il connaît le sujet, c'est un ancien patron !
M. Jacques Mahéas. C'est au Premier ministre de répondre !
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, à votre question, la réponse est « non ».
M. Guy Fischer. Ah bon ?
M. Bernard Piras. Les stock-options, il connaît !
M. Thierry Breton, ministre. On peut dire ce que l'on veut et faire tous les amalgames imaginables, il n'en reste pas moins, monsieur Marc, que, depuis le début de cette mandature, le SMIC a augmenté, conférant ainsi à ceux qui en sont aujourd'hui les bénéficiaires un treizième mois.
M. Bernard Piras. Ce n'est pas la question !
M. Thierry Breton, ministre. Certes, ce n'est pas assez, mais, avec Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin, c'est notre fierté !
À entendre vos remarques sur la gouvernance d'entreprise, monsieur Marc, les bras m'en tombent ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aïe ! Rattrapez-les !
M. Didier Boulaud. Il se prend pour la Venus de Milo ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Thierry Breton, ministre. Lorsque votre majorité était au pouvoir, nous avons pu constater ce que la gouvernance a donné dans les entreprises publiques. Je suis bien placé pour le savoir : certains présidents qui avaient été nommés, et qui ont été maintenus dans leurs fonctions, ont décidé de faire un certain nombre d'acquisitions sans en référer à leur organe de direction, c'est-à-dire à l'État.
M. Bernard Piras. Des noms !
M. Thierry Breton, ministre. On a vu où cela les a conduits et où cela a mené l'État, mesdames, messieurs les sénateurs !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel niveau ! Élevez le débat !
M. David Assouline. On n'a rien compris !
M. Thierry Breton, ministre. Alors, de grâce, épargnez-nous les leçons de morale et les bons principes en matière de gouvernance !
En ce qui nous concerne, comment appréhendons-nous cette question ? Je prendrai l'exemple d'AREVA. Comme vous le savez, le conseil de surveillance de cette entreprise s'est réuni ce matin pour décider de la nomination d'un nouveau directoire pour cinq ans. L'État actionnaire et le conseil de surveillance ont établi une feuille de route très précise...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore une ! Les feuilles de route se superposent !
M. Thierry Breton, ministre. ...en indiquant les orientations que le directoire devrait adopter et suivre pendant les cinq ans à venir. Cela se traduit par la focalisation sur l'excellence industrielle, la sécurité, la technologie.
Un cadre très précis a, par ailleurs, été fixé : dans les cinq ans à venir, la présence de l'État ne pourra pas être diluée par opérations de marché sur le capital d'AREVA.
M. Bernard Piras. C'est du pipeau !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Après, vous privatiserez !
M. Thierry Breton, ministre. Le conseil de surveillance a donc décidé une nouvelle feuille de route,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore !
M. Thierry Breton, ministre. ...tout en respectant le principe de la gouvernance des entreprises.
Continuez à mettre dos à dos les uns et les autres, comme vous ne cessez de le faire. Pour notre part, nous respectons ce principe de gouvernance - nous différons sur ce point -, même si, tout comme vous, nous sommes attentifs aux excès. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Didier Boulaud. Forgeard, démission !
M. David Assouline. On n'a rien compris ! Vous n'avez pas répondu à la question !
M. Paul Raoult. Ils n'osent pas applaudir leur ministre !
M. Bernard Piras. Il faut dire qu'il n'était pas bon !
M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.
M. Bernard Fournier. Mesdames, messieurs les ministres, si l'accès des populations aux services publics est important pour la cohésion sociale...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah ! Très juste !
M. Bernard Fournier. ...sur l'ensemble de nos territoires, c'est encore plus vrai en milieu rural.
Nos concitoyens savent que rien n'est immuable et que le maillage territorial des services publics doit évoluer pour tenir compte des réalités et des besoins.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils devraient savoir que ce sont les parlementaires de l'UMP qui suppriment les services publics !
M. Bernard Fournier. Pour autant, cette réorganisation doit signifier non pas des services publics en moins, mais des services publics en mieux.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous parlez d'or !
M. Bernard Fournier. Les Français seront prêts à cet effort s'ils sont assurés que la rationalisation des coûts a pour corollaire l'amélioration de la qualité du service rendu aux usagers.
Indéniablement, pourtant, nous ressentons tous leur crispation dès lors qu'est abordée la question du maintien de tel bureau de poste, de telle école...
Cette crispation reflète souvent une situation locale plus ancienne de désertification. Par le passé, en effet, ces suppressions n'avaient pas pour contrepartie la garantie du maintien de la qualité du service. Nos concitoyens avaient en outre le sentiment que tout cela était décidé ailleurs, d'en haut, souvent de Paris.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par les parlementaires de l'UMP !
M. Bernard Fournier. Depuis quatre ans, le Gouvernement s'est employé à apporter une solution à ce problème. À cet égard, je veux rendre hommage à notre collègue Jean-Pierre Raffarin, qui a lancé cette méthodologie lorsqu'il était Premier ministre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Raoult. Raffarin, président !
M. Didier Boulaud. Président du Sénat !
M. Bernard Fournier. D'une part, nous avions demandé que les élus locaux - parce qu'ils connaissent mieux que quiconque les besoins réels de leur territoire - soient systématiquement consultés. D'autre part, nous avions souhaité que les réponses apportées soient globales et traitent de la totalité des services.
Nous avons été entendus ! Après le moratoire préalable sur la suppression des services publics, la concertation locale s'est engagée dans chacun de nos départements.
À présent, monsieur le ministre, vous avez élaboré, à la demande du Premier ministre, une Charte pour les services publics en milieu rural, qui doit garantir à chaque Français -j'insiste sur ce point - le droit d'accès à un service de qualité, quel que soit son lieu de résidence.
Je souhaite, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur les principes directeurs de cette nouvelle approche des besoins de nos territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est une question un peu téléphonée !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous avez raison. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Pendant trop longtemps, la réorganisation des services publics en milieu rural a été synonyme de déclin de la ruralité dans notre pays.
Ce n'est pas moins de services publics qu'il faut en zone rurale, c'est mieux de services publics. Jean-Pierre Raffarin, lorsqu'il était Premier ministre, avait lancé la Conférence des services publics en milieu rural, présidée par Paul Durieu, vice-président de l'Association des maires de France.
Vous l'avez justement souligné, monsieur le sénateur, les acteurs les mieux placés pour savoir ce qu'il y a de bon ou de mauvais pour leurs territoires,...
M. Raymond Courrière. Ce sont les maires !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...ce sont les maires ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Forts de ce constat, Nicolas Sarkozy et moi-même avons adressé à tous les préfets de France des instructions pour geler la fermeture de tout nouveau service public en milieu rural.
M. Raymond Courrière. Ils le savent déjà !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans le même temps, nous avons engagé une concertation, qui a permis à Dominique de Villepin de signer vendredi dernier avec l'ensemble des opérateurs de services au public rural, qu'ils soient publics ou privés, des règles du jeu,...
M. David Assouline. Ce n'est pas un jeu !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...à travers la charte pour les services publics en milieu rural ...
M. David Assouline. La charte, c'est le libéralisme !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...alors que, précédemment, je suis désolé de le rappeler, c'était la jungle ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud. Profitez-en, il ne vous reste plus que dix mois ! Après, ce sera notre tour !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. EDF, la SNCF, GDF, l'ANPE, l'UNEDIC, la caisse d'allocations familiales, la CNAF, la CNAM, la MSA, les chambres consulaires, tous les acteurs se sont engagés à respecter ces règles.
Avec cette charte, désormais, quand un inspecteur d'académie voudra fermer une classe dans une commune parce que les effectifs seront en baisse, il sera obligé d'alerter deux ans avant le maire, afin que celui-ci puisse prendre toutes les dispositions nécessaires pour redresser la démographie. (Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Aussi ne pourra-t-on plus prendre en traître quelque acteur de la ruralité que ce soit.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Personne ne vous croit !
M. Didier Boulaud. À Utop-ville !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. La méthode se fonde sur des diagnostics, qui permettent plus d'accessibilité, mais aussi sur des moyens. En effet, en mutualisant et en assurant la polyvalence, nous engageons 50 millions d'euros dès la première année pour aider au renforcement et à la modernisation de ces services publics.
Tout cela s'inscrit aussi dans le prolongement de la labellisation de 175 pôles d'excellence rurale. La ruralité de la France méritait que l'on reconnaisse son talent, ses savoir-faire et son excellence.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En mettant en place les schémas nationaux, vous aviez considéré que la France était verticalement uniforme ; avec nous, elle est diverse, elle a sa spécificité, territoire par territoire, parce que, à nos yeux, la ruralité, c'est une chance pour la France ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne l'amiante.
Au moment où les médias se font l'écho des conflits politiciens et des scandales économiques, l'opinion publique rappelle le Gouvernement à ses devoirs et lui demande de se remobiliser sur l'intérêt général.
Hier, la méconnaissance ou la complaisance de certains acteurs économiques, politiques, scientifiques, ont provoqué le drame de l'amiante. Certains ont su prendre leurs responsabilités, mais des victimes peinent encore à faire valoir leurs droits. En effet, des entreprises refusent de leur délivrer le certificat d'exposition inscrit dans la loi. Qu'allez-vous faire, monsieur le Premier ministre ?
Je tiens également à vous alerter sur les contaminations à venir, car les risques demeurent : les fibres céramiques réfractaires ne sont toujours pas interdites ; les diagnostics coûteux ont un effet d'aubaine, mais ils ne sont pas encadrés ; la norme NF X 46-020 homologuée en 2002 n'a pas été rendue obligatoire par un arrêté ; le dossier technique amiante, le DTA, ne comporte ni plans ni mémoire du bâti.
De nombreux lieux publics, parmi lesquels un nombre significatif d'hôpitaux, restent contaminés et mal repérés : 56 % des chefs d'établissement n'ont pas rempli la grille d'évaluation sur l'état de dégradation, 20 % n'ont pas renseigné la surface concernée, 8 % n'ont pas répondu à l'enquête du mois de mars 2005.
Sur les chantiers de désamiantage travaillent 100 000 salariés : ils sont mal recensés, parfois non formés, voire non suivis. La pénibilité fait que le port des protections individuelles ne devrait pas excéder deux heures trente.
Par ailleurs, 76 % des chantiers seraient en infraction selon la direction des relations du travail, la DRT, l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, I'INRS, et la Caisse nationale d'assurance maladie.
Le transport des déchets voit « disparaître » des tonnages considérables avant traitement : 2 000 euros la tonne ; 300 euros la tonne si elle est enfouie, ce qui est contraire aux normes européennes.
Enfin, les particuliers et même les petites et moyennes entreprises sont mal informés du risque de destruction des toitures en fibrociment ou des interventions dans des restes de flocage ou calorifugeage.
Les collectivités engagent des dépenses. Elles veulent que les résultats soient probants et les risques totalement éradiqués.
Monsieur le Premier ministre, quelles mesures concrètes allez-vous prendre pour éviter toutes les contaminations à venir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Madame le sénateur, sur l'amiante, le Sénat a apporté une contribution tout à fait exceptionnelle, par le biais de sa mission commune d'information présidée par Jean-Marie Vanlerenberghe - à laquelle vous avez participé - et grâce au rapport de Gérard Dériot.
J'ai récemment eu l'occasion d'être entendu par la commission des affaires sociales sur ce sujet. L'amiante est un drame sanitaire, que nous connaissons tous. Personnellement, mes origines, entre Condé-sur-Noireau et Flers-de-l'Orne, font que je le connais d'assez près.
Sur cette question, le Gouvernement ne s'est pas montré moins vigilant, bien au contraire.
Madame le sénateur, je vous répondrai très précisément en rappelant que, le 5 juin dernier, au cours de la conférence de l'Organisation internationale du travail, l'OIT, la France a, par ma voix et sous l'autorité du Premier ministre, demandé l'interdiction mondiale de l'amiante.
Cette interdiction n'était pas prévue dans les projets de résolution de la conférence annuelle de l'OIT, résolution qui a été adoptée le 14 juin dernier.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En effet, sur les 178 pays membres de l'OIT, seuls 40, parmi lesquels figurent les 25 États de l'Union européenne, ont interdit l'utilisation de l'amiante sur leur territoire.
Quelles mesures concrètes le Gouvernement a-t-il pris ?
Tout d'abord, le Conseil d'État nous a demandé de créer une agence indépendante, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et du travail, l'AFSSET, ce que nous avons fait. En deux ans, 15 millions d'euros lui ont déjà été consacrés.
Par ailleurs, les moyens de contrôle et d'expertise ont également été renforcés grâce à la mise en place dans quinze régions, ce qui est une première étape, de cellules pluridisciplinaires destinées à aider l'inspection du travail à mener sa mission.
Nous sommes ainsi passés de 74 contrôles effectués en 2004 à 780 en 2005 et nous mènerons, au cours du second semestre, des opérations « coup de poing » dans l'ensemble des pays de l'Union européenne.
Nous allons même encore plus loin. Ainsi, dans quelques jours, paraîtra au Journal officiel un décret fixant, en matière d'amiante non friable, des conditions strictes d'homologation et de protection des travailleurs, notamment ceux du bâtiment. Nous n'oublions pas en effet qu'il y a tous les ans des décès - 800 par mésothéliome, 2 200 par cancer pulmonaire - dus à l'amiante.
Une circulaire interministérielle visant à repérer tous les bâtiments sensibles a également été signée le 14 juin dernier avec Xavier Bertrand et Jean-Louis Borloo. La liste exhaustive de ces sites sera connue au mois de juillet prochain.
Aujourd'hui, en matière d'amiante, je peux vous garantir que les problèmes qui se posent sont plutôt de l'ordre de la réparation. À la suite des rapports respectifs rendus par l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, le Sénat et l'Assemblée nationale, le Gouvernement est extrêmement vigilants s'agissant de ce sujet majeur, notamment sur l'utilisation des fibres céramiques, de formaldéhyde et des glycols.
Madame le sénateur, j'annoncerai dans quelques mois les décisions que nous allons prendre. Nous ne baisserons pas la garde, car la santé au travail est un droit pour chacun ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Didier Boulaud. Voilà un ministre qui répond aux questions ! S'ils pouvaient tous être comme lui !
M. Bernard Piras. C'est le seul qui réponde aux questions !
M. Didier Boulaud. Parce qu'il a été élu lui-même!
M. le président. Si vous voulez faire des compliments au ministre, envoyez-lui un mot !
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Ma question s'adresse à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Je souhaite en effet connaître vraiment sa position - et ce n'est pas une posture ! - sur le sujet de l'ouverture dominicale des commerces.
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme Catherine Tasca. Il casse l'ambiance !
M. Roger Karoutchi. À cet égard, nous sommes confrontés à la fois à des réticences et à des problèmes.
Les réticences émanent, et c'est logique, des autorités morales et religieuses, qui veillent sur la famille, mais aussi des organisations ou des responsables syndicaux qui craignent que cette question du travail dominical ne constitue un moyen de pression sur les salariés.
Parallèlement, se pose le problème de la menace pesant sur des centaines d'emplois du fait de la fermeture de certains magasins le dimanche. Je pense aux magasins Usines Center, mais aussi à d'autres commerces de ce type installés en Île-de-France.
Nous connaissons aussi l'exemple de pays étrangers qui ont évolué sur cette question. Ainsi, la Suède, le Portugal et le Royaume-Uni autorisent l'ouverture des magasins sept jours sur sept.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ben voyons ! Jour et nuit, sept jours sur sept !
Mme Nicole Bricq. Il n'en est pas question !
M. Roger Karoutchi. La Belgique, quant à elle, a adopté un système un peu à part, la possibilité de travailler ou non le dimanche étant laissée à l'appréciation de chacun.
En réalité, notre système est à la fois complexe, confus et parfois hypocrite. En effet, de nombreux commerces alimentaires ou situés dans des zones touristiques ont le droit d'ouvrir le dimanche, et, quelquefois, certains maires, toutes tendances politiques confondues, demandent le classement en zone touristique de sites qui n'en relèvent pas forcément, afin de permettre cette ouverture.
La vérité, c'est que des milliers d'emplois dépendent aujourd'hui de cette ouverture du dimanche, souhaitée par 72 % des Franciliens. Nous savons aussi, par des études qui viennent de paraître, que 70 % des achats effectués le dimanche ne seraient pas reportés à un jour de la semaine.
Il s'agit donc pour nous tous d'un vrai problème et d'un enjeu considérable. En effet, des emplois sont menacés alors que, dans le même temps, le commerce par Internet fonctionne sept jours sur sept. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Dans ces conditions, ne conviendrait-il pas d'évoluer sur cette question, en dépassant tous les a priori idéologiques ou autres et, si oui, dans quelles conditions ?
La position du Gouvernement a-t-elle changé à cet égard, grâce à la prise en compte des risques encourus mais aussi des problèmes que cela pose ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Dutreil, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales. Monsieur le sénateur, le principe du repos dominical est profondément ancré dans notre société, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui ? Alors, les catholiques devraient être contre le travail le dimanche !
M. Renaud Dutreil, ministre. ... pour des raisons historiques liées à la pratique religieuse, mais aussi pour des raisons sociales. Aujourd'hui, toutes les organisations syndicales sont opposées à une remise en cause de ce principe car, bien souvent, les familles se réunissent le dimanche.
Vous avez voulu situer votre question sur le terrain de l'emploi. C'est donc dans cette optique que je vais vous répondre.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Augmentez les salaires !
M. Renaud Dutreil, ministre. En France, le tissu commercial est extrêmement divers et c'est une vraie chance, pour nous, d'avoir un si grand nombre de commerçants indépendants. En effet, dans beaucoup de pays, les petits commerçants ont disparu.
Si nous libéralisions complètement le régime du repos dominical, que se passerait-il ? Le grand commerce, qui emploie de très nombreux salariés, pourrait organiser un roulement de sa main-d'oeuvre afin de permettre une ouverture toute la semaine, sept jours sur sept. En revanche, les commerçants indépendants, qui travaillent en couple, seuls ou avec un, voire deux salariés, ne pourraient pas faire face à cette concurrence nouvelle. Le résultat serait donc la destruction de centaines de milliers de commerces au coeur de nos centres-villes. Nous ne pouvons pas souhaiter une telle solution.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Karoutchi, vous voulez « tuer » tous les petits commerçants ?
M. Renaud Dutreil, ministre. Cela dit, il faut être pragmatique, et le législateur français sait l'être. Comme vous l'avez dit, de nombreuses dérogations s'appliquent déjà et, d'abord, aux commerces alimentaires de détail, qui ont la possibilité d'ouvrir le dimanche jusqu'à midi.
Vous avez cité le cas de l'Hérault : il existe effectivement une anomalie dans ce département et je vais y mettre bon ordre. J'ai d'ailleurs demandé au préfet de remédier à cette situation.
La deuxième dérogation concerne les secteurs de l'assistance informatique, de la surveillance, des ports de plaisance, de la location de vidéos et de la jardinerie. Elle leur a été accordée par un décret du 2 août 2005. Nous ne sommes donc pas dans un système rigide.
Quant à la troisième dérogation, elle vise les zones touristiques qui connaissent une affluence exceptionnelle.
Enfin, un contingent de cinq dimanches par an peut-être accordé par arrêté municipal.
Je souhaite que, sur cette question délicate, nous ayons un débat serein et que nous menions une assez large concertation de façon à bien apprécier le rapport entre le coût et les avantages d'une éventuelle avancée législative en ce domaine.
Pour ma part, je comprends ceux qui souhaitent une modernisation du système en place, mais aussi ceux qui demeurent vigilants et veulent préserver le modèle français de commerce qui a fait ses preuves, crée de l'emploi et s'avère dynamique. Il ne saurait donc être question de le bouleverser. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)
mesure anti tsunami
M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Les seize pays du Forum des nations du Pacifique se sont réunis il y a quelques jours à Paris autour du Président de la République pour le deuxième sommet France-Océanie. Ce fut un succès et je veux rendre hommage à tous ceux qui ont permis la réalisation de ce grand moment de la vie de nos îles.
Parmi les sujets qui ont été abordés, je retiens aujourd'hui la grande inquiétude exprimée par les dirigeants de la région par rapport aux catastrophes naturelles répétées, qu'elles soient liées à la tectonique des plaques entraînant les tremblements de terre et les tsunamis, ou aux vents et précipitations qui occasionnent dans notre zone des cyclones terribles.
Le réchauffement climatique reste un sujet de grande préoccupation parmi nos populations, car il conditionne à terme l'existence même de nos atolls. Le souvenir du tsunami qui s'est produit voilà un an et demi est encore ancré dans la mémoire collective du monde, mais sans doute plus encore dans celle des populations du Pacifique.
Depuis deux ans, et tout particulièrement ces trois derniers mois, les tremblements de terre de magnitude élevée, atteignant parfois 8 sur l'échelle de Richter, se succèdent, pour l'instant sans gravité, de l'arc mélanésien jusqu'au sud-est du Pacifique, et en particulier dans le secteur Tonga-Fidji-Wallis-et-Futuna, qui matérialise une zone d'affrontement et de subduction entre plaques tectoniques indo-australienne et pacifique.
Cette région, outre son intense activité sismique, est également le berceau de la plupart des volcans les plus actifs du monde, ce qui lui vaut même le surnom de « ceinture de feu du Pacifique ».
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles mesures sont mises en place pour la surveillance, la prévention, l'état d'alerte et la gestion de crise en cas de catastrophe naturelle survenant dans cette zone, en particulier à Wallis-et-Futuna, notamment s'il devait se produire une montée rapide du niveau de la mer à la suite d'un tremblement de terre ou d'un cyclone ? Je souhaiterais savoir, en particulier, si d'éventuelles mesures d'évacuation d'urgence ont été envisagées et dans quelles conditions elles pourraient être mises en oeuvre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le sénateur, la prévention des risques naturels est une priorité de l'action du gouvernement de Dominique de Villepin. J'ai présenté en novembre dernier, en liaison étroite avec mes collègues, le premier plan « séismes », qui couvre aussi le risque de tsunami.
Vous soulignez à juste titre l'exposition aux cyclones et aux tsunamis des collectivités d'outre-mer du Pacifique sud.
En ce qui concerne le risque cyclonique à Wallis-et-Futuna, la diffusion de bulletins d'alerte est assurée par Météo France, qui a prévu l'installation d'un capteur de vents sur l'aérodrome de Futuna au cours de cette année. Par ailleurs, un plan de secours spécialisé définit le rôle de chaque service de l'État et une campagne d'information est lancée avant chaque saison cyclonique.
Pour ce qui est de la prévention des tsunamis dans le Pacifique sud, c'est le centre de Hawaï qui assure la diffusion des messages d'alerte. Le secteur de Wallis-et-Futuna est alors prévenu par le Haut commissariat en Nouvelle-Calédonie.
À la suite du séisme qui a frappé les îles Tonga le 3 mai dernier, une réunion s'est tenue le 13 juin avec les principaux acteurs concernés, afin de mettre en place un dispositif permanent intégrant directement Wallis-et-Futuna dans le schéma d'alerte et permettant ainsi de réduire le délai d'alerte. Au cours du second semestre 2006, une mission de représentants de ces collectivités se rendra à Hawaï pour renforcer la coopération avec les services de la sécurité civile.
Le Haut commissariat de la République en Polynésie française, qui dispose depuis peu dans chaque commune d'un réseau de sirènes automatiques reliées par satellite, mènera une mission d'expertise en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna pour mettre en place un réseau similaire. Et en cas d'événement majeur, comme ce fut le cas en février 2006, les forces armées pourront procéder à des évacuations.
M. Didier Boulaud. Le Gouvernement va bientôt faire un exercice d'évacuation, lui aussi ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nelly Olin, ministre. Par ailleurs, le Gouvernement a demandé à l'administrateur supérieur d'étudier un plan d'évacuation des populations et de programmer un exercice d'ici à la fin de l'année. Le commissaire de la République en Polynésie française dispose de ce plan de secours spécialisé qui, vous le savez, a été élaboré en étroite liaison avec les maires.
Sachez, monsieur le sénateur, que le Gouvernement suit ce dossier avec une toute particulière attention. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
suppressions d'emplois dans la fonction publique
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le ministre, l'annonce faite par le Gouvernement de la suppression de 15 000 postes dans la fonction publique, dont la moitié dans l'éducation nationale, inquiète profondément l'ensemble de la communauté éducative, et l'opinion en général.
Vos discours parlent de l'avenir de la jeunesse mais, selon la pratique habituelle de votre gouvernement, après les effets d'annonce suit la triste réalité, qui marque un nouveau renoncement.
De tous les ministères, celui de l'éducation nationale sera le plus touché : 8 500 postes seront supprimés dans l'enseignement scolaire. Vous allez sans doute nous répondre que les postes diminuent parce que les effectifs scolaires sont en baisse.
M. Dominique Braye. Vous avez trouvé cela tout seul ?
M. Yannick Bodin. Bref, pour vous, c'est une simple opération comptable. Or, c'était pourtant une belle occasion d'améliorer la qualité de l'enseignement. Il est donc inopportun de ne pas remplacer les départs à la retraite.
M. Dominique Braye. Plus on augmente, plus cela baisse !
M. Yannick Bodin. Vous ne ferez pas croire qu'à la rentrée prochaine le taux d'encadrement des élèves, ainsi que les horaires des différentes disciplines, seront strictement maintenus. En effet, une réduction du personnel entraînera une baisse de l'offre d'options, des classes plus chargées, des dédoublements de classe non assurés et des remplacements qui ne seront plus effectués. Le temps de travail des enseignants sera remis en cause et des défaillances apparaîtront dans l'encadrement assuré en dehors de la classe.
Les 1 500 postes créés dans l'enseignement supérieur et la recherche sont une bien faible compensation ; ils ne répondent d'ailleurs pas aux mêmes besoins et sont en outre insuffisants.
Au moment où chacun réclame plus d'adultes dans les établissements, où la violence est trop souvent constatée et en progression,...
M. Dominique Braye. À cause de vous !
M. Yannick Bodin. ...que deviennent vos engagements, monsieur le ministre, en faveur des aides-éducateurs, des orienteurs, des psychologues scolaires et des infirmières ?
Votre seule réponse, c'est la diminution des postes. Une nouvelle fois, le service public de l'enseignement est maltraité et méprisé.
M. Dominique Braye. La question !
M. Yannick Bodin. Ma question est la suivante (Ah ! sur les travées de l'UMP) : monsieur le ministre, avec ces annonces de réduction de personnel, comment entendez-vous tenir vos engagements pris depuis plusieurs mois ?
Comment allez-vous répondre aux appels de la jeunesse de France, qu'elle se soit exprimée en banlieue à l'automne 2005 ou lors des manifestations contre le CPE au printemps 2006 ?
Allez-vous enfin prendre les mesures qui s'imposent en faveur d'une jeunesse qui, à juste titre, est très inquiète pour son avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Bodin, je vous remercie de votre question et vous allez, j'en suis sûr, écouter la réponse !
Je suis content de préciser devant vous que la France a le budget de l'éducation nationale le plus important du monde (Exclamations et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF), soit 80 milliards d'euros en comptant l'enseignement supérieur, ou 59 milliards d'euros pour l'enseignement scolaire.
M. Jacques Mahéas. C'est l'école publique !
M. Gilles de Robien, ministre. Regardez, monsieur Bodin, ce qui s'est passé au cours des années passées : nous avons eu 75 000 élèves en moins et 4 800 postes en plus !
M. Jacques Mahéas. C'est invraisemblable, vous dites n'importe quoi !
M. Gilles de Robien, ministre. Les yeux dans les yeux, me direz-vous que le système éducatif s'est amélioré en France ?
M. Roger Karoutchi et plusieurs sénateurs de l'UMP. Non !
M. Gilles de Robien, ministre. Je ne le crois pas ! Vous ne savez raisonner qu'en nombre de postes...
M. Jacques Mahéas. Avec la méthode syllabique, c'est sûr que cela ne va pas s'améliorer !
M. Dominique Braye. Certainement pas avec des hommes comme vous !
M. le président. Monsieur Braye, un peu de silence !
M. Gilles de Robien, ministre. Pour nous, la qualité de l'éducation nationale, c'est d'abord la qualité de l'enseignement, c'est là où les évolutions sont les plus pertinentes.
Je prends quelques exemples. Qui a fait la réforme de la lecture ? C'est nous ! (Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jacques Mahéas. C'est la meilleure ! (M. Dominique Braye proteste.)
M. Gilles de Robien, ministre. Qui a relancé l'éducation prioritaire ? C'est nous ! Qui assure le mieux le remplacement des absences de courte durée des professeurs ? C'est nous ! Qui a mis en place l'apprentissage junior à partir de quinze ans ? C'est nous !
M. Didier Boulaud. Vous ne savez pas ce que vous dites !
M. Gilles de Robien, ministre. Qui a instauré la note de vie scolaire au collègue ? C'est nous ! Qui a mis en place les trois heures de découverte professionnelle au collègue ? C'est encore nous, monsieur le sénateur ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Voilà !
M. Gilles de Robien, ministre. Tout le temps que vous passez à discuter du nombre de postes, c'est du temps que vous perdez à ne pas imaginer l'amélioration du système éducatif français !
M. Dominique Braye. Très bien !
Mme Nicole Bricq. Vous êtes mal placés pour nous donner des conseils !
M. Didier Boulaud. Vous n'aimez pas le système éducatif, vous n'aimez pas l'école !
M. le président. Un peu de silence, mes chers collègues !
M. David Assouline. Il nous provoque, monsieur le président !
M. Gilles de Robien, ministre. Tous les ans, nous améliorons le système éducatif. Nous évaluerons en CE1, à l'entrée en 6ème et au brevet les progrès réalisés par les élèves, parce qu'il nous semble inadmissible que 150 000 d'entre eux entrent en 6ème sans savoir lire ! Vous en faites une fatalité : nous ne nous résoudrons jamais à cette fatalité-là !
M. Didier Boulaud. Vous n'aimez pas l'école publique, vous n'aimez que l'argent !
M. David Assouline. Ce n'est pas sérieux !
M. Gilles de Robien, ministre. Je prends l'engagement devant vous, monsieur Bodin, que, en 2007, il y aura un professeur des écoles pour moins de dix-neuf élèves...
M. David Assouline. Par classe ou en moyenne ?
M. Gilles de Robien, ministre. ...et que la moyenne des classes en France sera inférieure à vingt-quatre élèves.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas le cas en Seine-Saint-Denis !
M. Gilles de Robien, ministre. Enfin, je voudrais vous dire une dernière chose : chaque euro, surtout à l'éducation nationale, doit être utilisé au mieux. Nous avons en effet un double devoir.
M. Dominique Braye. Ils ne savent pas la valeur de l'argent !
M. le président. Un peu de silence !
M. Gilles de Robien, ministre. Le premier, c'est d'offrir un système éducatif de grande qualité ; le second, c'est de ne pas laisser aux jeunes que nous prétendons instruire une dette excessive ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La jeunesse est mal partie !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
5
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Liban
M. le président. Mes chers collègues, j'ai le grand plaisir de saluer la présence dans nos tribunes d'une délégation de députés du Liban, conduite par M. Michel Moussa, qui effectue en France une mission sur les droits de l'homme organisée par le Sénat.
Cette visite d'étude s'insère dans le cadre du programme de coopération signé entre nos deux assemblées en 2002 : il en résulte des échanges fructueux et fréquents qui ont encore resserré les liens entre nos deux pays.
Se sont joints aujourd'hui à nos hôtes une délégation de députés actuellement en France à l'invitation de l'Assemblée nationale, conduite par M. Fouad El-Saad.
Au nom du Sénat, je leur souhaite chaleureusement la bienvenue dans notre enceinte.
Le dialogue national vient de tenir une nouvelle réunion ; je forme le voeu ardent pour que ses travaux contribuent fortement à l'affermissement de la nation libanaise.
Soyez nos interprètes auprès du peuple libanais pour l'assurer de notre profonde et sincère amitié et de notre soutien dans la poursuite des réformes institutionnelles et économiques qui doivent être poursuivies. (M. le Premier ministre, Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Philippe Richert.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
CANDIDATURE À UN organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil d'administration de l'Établissement public de réalisation de défaisance.
La commission des finances a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Henri Torre pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.
7
Finances publiques et finances sociales
Suite du débat d'orientation sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. Nous reprenons le débat d'orientation consécutif à la déclaration du Gouvernement sur les finances publiques et les finances sociales.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Georges Othily.
M. Georges Othily. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après avoir examiné le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2005, la Haute Assemblée se saisit des perspectives budgétaires que nous présente le Gouvernement en vue de la préparation du projet de loi de finances pour 2007.
Ce débat est aussi l'occasion de dresser un bilan de l'année d'exécution budgétaire écoulée pour dessiner les grandes orientations de l'année à venir.
La mise en oeuvre intégrale de la LOLF depuis le 1er janvier dernier ne produira pleinement ses effets qu'à partir de l'année prochaine, la discussion du règlement définitif du budget de 2006 permettant alors d'en mesurer - espérons-le - les premiers bénéfices.
Monsieur le ministre, je ne vous surprendrai pas en vous disant que la situation budgétaire de la France est inquiétante. Malgré vos efforts méritoires, il reste beaucoup à faire pour remettre notre pays sur le chemin de la croissance et du plein-emploi.
La préparation du budget est un acte infiniment complexe. Cependant, le gouvernement auquel vous appartenez se doit de répondre à l'objectif constitutionnel de sincérité budgétaire sur lequel repose le délicat équilibre des finances publiques.
Vos hypothèses de croissance sont encore trop éloignées de la réalité des faits. En effet, le Gouvernement a assis son budget sur une croissance comprise entre 2,25 % et 3 % du PIB cette année, alors que la moyenne entre 2000 et 2005 n'a pas atteint les 2 %. La plupart des études économiques escomptent une croissance de 2 % cette année, l'INSEE tablant même sur un taux de 1,9 %.
Il ne suffit pas de présenter à la Commission européenne un plan de stabilité pluriannuel répondant aux critères de convergence, il faut aussi que les équilibres s'accordent objectivement avec les annonces.
Le Gouvernement a fixé .un triple objectif : ne pas augmenter les prélèvements obligatoires, maîtriser les dépenses publiques et réduire les déficits publics. C'est bien le moins que l'on puisse faire !
La dette publique a poursuivi son augmentation et frôle désormais la barre des 67 % du PIB - soit sept points au-dessus de la limite imposée par la Commission européenne. Son montant dépasse les 1 100 milliards d'euros, chiffre qui n'inclut pas les dettes latentes - près de 400 milliards d'euros - constituées par le financement des retraites des fonctionnaires d'État.
Entre 1980 et 2004, elle a connu une augmentation moyenne de 6 % par an en euros constants. Il est temps de mettre un terme à ce qui est maintenant bien plus qu'un dérapage conjoncturel !
Le ratio entre la dette et le PIB pèse sur la solvabilité des administrations publiques. Les projections à moyen terme indiquent que, à un rythme inchangé, la politique budgétaire telle qu'elle est conçue par les gouvernements successifs est insoutenable pour nos finances publiques.
Pour contenir son dérapage, le déficit stabilisant devrait atteindre 1,7 % ou 1,8 % de la dette, soit un chiffre bien plus contraignant que celui de 2,5 % qui est affiché par le Gouvernement.
Dans le même temps, notre pays doit faire face à un contexte de hausse généralisée des taux d'intérêt, qui risque de peser sur un secteur à forte main-d'oeuvre comme le BTP, par définition « élastique » au coût de l'emprunt.
Les banques centrales européennes sont en train de suivre le mouvement commencé par la Réserve fédérale américaine. De ce fait, les intérêts de la dette risquent de repartir à la hausse, alors même que son coût avait été jusqu'ici stabilisé grâce à l'accroissement de la part de la dette flottante.
Or la charge de la dette représente d'ores et déjà le second poste du budget de l'État, avec un encours de 38 milliards d'euros, soit 16,5 % des dépenses.
Cette contrainte restreint d'autant la latitude de la politique budgétaire par les effets d'éviction ou encore l'effet « boule de neige » de l'encours de la charge. Les marges de manoeuvre sont extrêmement faibles. Le niveau des prélèvements obligatoires a poursuivi sa croissance et se situe désormais à plus de 44 % du PIB.
Dans ces conditions, il est politiquement et économiquement difficile de ponctionner un peu plus la richesse nationale pour combler les errements du pilotage des finances publiques.
En tout état de cause, il s'agit d'établir une véritable hiérarchie de la dépense publique, à l'instar de ce qui est proposé dans le rapport Pébereau : la politique budgétaire doit s'orienter vers des réformes structurelles et un désendettement massif, grâce à une affectation de la plus grosse partie des surplus de recettes à la réduction de la dette.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Georges Othily. L'heure n'est plus aux largesses ni aux pratiques budgétaires légalement douteuses - reports de crédits contestables, gels de crédits arbitraires, régulation budgétaire hasardeuse.
Dans le même registre, la cession d'actifs de l'État ne peut être une politique de gestion pérenne ; elle ne peut constituer qu'une opération de trésorerie provisoire.
Il faut lever tous les freins à la croissance. Nos entreprises souffrent d'une perte de compétitivité qui va en s'accentuant. Selon le Conseil économique et social, la part des exportations françaises dans le total de la zone euro a perdu près de un point entre 1998 et 2005, avec un taux de seulement 16,3 %. Cette réduction, conjuguée au déficit structurel de la balance des transactions courantes, pèse négativement à la fois sur le PIB - 0,7 point de moins - et sur le niveau d'emploi.
De surcroît, l'Allemagne, notre premier client à l'exportation, s'apprête à augmenter de trois points sa TVA, mesure nécessairement négative pour les entreprises françaises tournées vers ce marché.
Notre appareil productif risque ainsi de pâtir de ces conditions défavorables, d'autant que la croissance française est actuellement tirée pour l'essentiel par la consommation des ménages, qui progresse plus vite que les revenus : 2,5 % en 2004 et 2,2 % en 2005, avec, dans le même temps, un recul de l'épargne. Cet état est fragile et, par définition, transitoire.
La situation du marché du travail a connu une embellie salutaire ces derniers mois, avec une baisse du chômage de 8,4 % en un an. Mais nous accusons un retard important par rapport à nos voisins qui ont fait le choix de la flexibilité sociale.
Le coût fiscal et social d'un salarié est l'un des plus élevés de l'OCDE, alors que le taux de retour à l'emploi est l'un des plus faibles parmi nos États partenaires. Une longue période d'inactivité entraîne une obsolescence des compétences, et la reprise d'activité est déréglée par les distorsions résultant de l'articulation entre les revenus d'activité et les revenus de remplacement.
L'incitation au retour à l'emploi est l'une des conditions sine qua non du retour de la croissance. Or les subventions directes de l'État aux revenus d'activité nous paraissent mal ciblées et souvent inefficaces.
Le Gouvernement a engagé une première phase de cette nécessaire réforme en redéployant le dispositif de la prime pour l'emploi. Il faut aller plus loin en posant clairement la question de l'articulation entre le SMIC et les revenus sociaux dans la perspective d'un marché du travail fluidifié.
Par ailleurs, monsieur le ministre, l'élu de l'outre-mer que je suis se doit de se faire une nouvelle fois l'écho auprès de vous des légitimes inquiétudes de nos compatriotes des collectivités ultramarines.
L'objectif de stabilité des dépenses en volume des collectivités locales fixé par le Gouvernement est déjà assez peu réaliste, compte tenu de larges transferts de compétences qui ne sont pas compensés à due concurrence, notamment en raison de l'absence d'autonomie fiscale locale. Or la situation est bien pire pour la France de l'outre-mer.
Les collectivités d'outre-mer connaissent une situation économique et sociale très préoccupante : hausse d'un chômage déjà très élevé - 23 % et près de 50 % chez les jeunes -, accroissement de la population et immigration irrégulière, fragilité du tissu économique et manque de compétitivité des entreprises.
Pourquoi l'outre-mer reste-t-il dans une situation de sous-dotation chronique, qui aggrave encore un peu plus son important retard de développement ?
Les maux sont connus, les solutions aussi. L'extension des compétences des assemblées délibérantes n'a pas été accompagnée de la compensation financière adéquate.
S'agissant de la Guyane, la situation sanitaire et médicale est catastrophique : pénurie de professionnels de santé, pénurie d'équipements sanitaires.
Messieurs les ministres, nous nous étions engagés avec le ministre de l'outre-mer à approfondir la discussion portant sur la création d'une zone franche sanitaire. La mise en place de cette dernière est vitale afin que tous les acteurs médicaux disposent enfin d'une véritable structure de soins. J'apprécierais que vous puissiez m'apporter une réponse précise à cette question urgente afin que les acteurs politiques se retrouvent avec vous pour décider de la création de cette zone franche sanitaire en Guyane.
Avec M. Xavier Bertrand et vous-même, monsieur Copé, nous avions convenu d'un rendez-vous prochainement. J'aimerais que vous en fixiez la date.
La France d'outre-mer fait, elle aussi, face aux incertitudes qui affectent l'ensemble des Français. Plus de deux millions de nos concitoyens participent eux aussi à la construction de l'avenir de la France. Et c'est bien parce que l'outre-mer français apporte à la France une dimension internationale, voire planétaire, qu'il participe à cette construction.
La dimension européenne de la France se retrouve dans l'outre-mer français. La France spatiale, tout comme l'Europe spatiale, n'existe que grâce à l'outre-mer. En effet, lorsque la fusée quitte le sol de Guyane, grâce à sa situation équatoriale, c'est une économie de plus d'un tiers que réalise l'ESA en comparaison avec ses concurrents américains et russes. L'importance de cette économie justifie largement que l'outre-mer en profite.
Sachez, messieurs les ministres, que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, fort de sa bienveillante diversité, se montrera très attentif, lors de la prochaine discussion budgétaire, aux crédits qui seront accordés à chaque ministère. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire en fin de législature fait un peu figure d'exercice convenu. Quels que soient les résultats électoraux de l'année prochaine, la loi de finances pour 2007 a vocation à ne pas être exécutée en l'état.
Ce débat d'orientation - M. le ministre nous a encouragés à le faire ce matin - nous offre l'occasion de dresser un premier bilan de l'actuelle mandature budgétaire et de dessiner des pistes de réformes afin que la France s'engage dans un assainissement réel et durable de ses finances publiques.
Le premier bilan que j'en dresse, c'est que la France aurait pu mieux faire.
Depuis plus de quatre ans, le déficit budgétaire tourne autour de 3 % du PIB. Le respect du critère de Maastricht résulte plus de concours exceptionnels, comme les fameuses soultes, que d'un effort réel et durable de maîtrise des dépenses publiques.
Le bilan est simple : l'État vit à crédit depuis plus d'un quart de siècle, les dépenses excédant les recettes de 15 % à 20 %. Même si la tendance est à la réduction, le déficit public a atteint 4,2 % en 2003 et 3,7 % en 2004. En 2005, une légère amélioration a été constatée avec un taux de 2,9 % du PIB. Il n'y a pas de quoi crier victoire !
De plan quinquennal en plan quinquennal, les gouvernements n'en finissent pas d'annoncer la réduction du déficit, voire sa suppression, ce message n'ayant comme objectif que de rassurer la Commission de Bruxelles et la Banque centrale européenne. Dans ce jeu de théâtre, vous en venez à vous congratuler lorsque le déficit est sur la crête des 3 % du PIB, ce qui est pourtant loin de ce que vous appelez le « déficit stabilisant » !
Certes, c'est toujours la faute à pas de chance, à la croissance qui n'est pas au rendez-vous, à la hausse du prix du pétrole, aux taux d'intérêt, à l'euro, ... C'est vrai, la croissance se dérobe souvent sous nos pieds ; elle arrive toujours en retard, elle est toujours fragile, et repart aussi sec.
Certes, la stagnation n'est pas que française. Depuis des années, la zone euro accumule les contre-performances avec un taux de croissance moyen d'à peine 1,2 % au cours des trois dernières années, la France étant avec l'Allemagne et l'Italie en fin de peloton alors que, sur la même période, l'économie mondiale a battu tous ses records.
Est-ce suffisant pour expliquer l'infernale dérive de nos comptes publics ? Je ne le crois pas. De toute façon, quand la croissance est de retour, les gouvernements ne réussissent pas à assainir nos finances publiques, preuve manifeste que le problème est ailleurs.
Au-delà de ces résultats, la véritable question est la suivante : pourquoi la croissance évite-t-elle les routes de la vieille Europe, en particulier les routes françaises, alors qu'elle s'épanouit de l'autre côté des Pyrénées, aux États-Unis, voire au Royaume-Uni ?
Renversons la charge de la preuve : cessons d'incriminer la croissance, le pétrole, les taux d'intérêt pour nous concentrer sur les vrais problèmes. Les déficits publics ne jouent-ils pas le rôle de boulets qui tirent notre économie vers le fond ? La dette publique - 66 % du PIB, un record en temps de paix - n'est-elle pas la cause d'un lourd dérèglement ? Pour mémoire, elle représentait un cinquième du PIB en 1981. Au rythme actuel, elle représentera 100 % du PIB en 2015.
Aujourd'hui, le seul paiement des intérêts correspond déjà à 150 % des dépenses consacrées à la recherche développement et à l'enseignement supérieur. N'est-ce pas l'incapacité des gouvernements successifs à lancer la réforme de l'État et de notre système d'État-providence qui explique tout à la fois le dérapage des dépenses et l'atonie de la croissance ? La France vit, je le regrette, au rythme de son administration. Quand elle est bien gérée, le pays connaît la croissance et l'emploi ; quand elle n'est plus gérée, les cataclysmes se multiplient. Or la dépense publique représente plus de 54 % du PIB, soit plus de la moitié de notre richesse.
Depuis 2002, les dépenses publiques ont augmenté de 134 milliards d'euros, accaparant 65 % de la création des richesses ! Pour 1 euro créé, 35 centimes restent dans les mains des Français.
C'est pourquoi une rupture est nécessaire. Si je ne peux qu'approuver l'intention du Gouvernement d'abaisser d'ici à 2010 la dette publique à 60 % du PIB ainsi que d'équilibrer les comptes publics, je tiens néanmoins à souligner que le respect de ce plan ambitieux est conditionné par l'existence d'une croissance d'au moins 2,25 % sur toute la période, ce qui semble malheureusement présomptueux.
Quelles sont les solutions pour endiguer le flot de la dette ?
Il faut surtout mettre un terme à la hausse ininterrompue des prélèvements. Dans ce domaine, nous avons dépassé la ligne rouge. Parmi les grands pays, la France détient le plus haut taux de prélèvements obligatoires avec plus de 44 % du PIB, soit 3,5 points au-dessus de la moyenne européenne. Pour la seule année 2005, les prélèvements ont augmenté de 1 %. Une fois de plus, notre pays prend la mauvaise direction.
Il y a quatre ans, une promesse avait pourtant été faite, celle de diminuer les prélèvements obligatoires, en particulier l'impôt sur le revenu, de 30 %. Cette promesse était d'autant plus importante qu'elle visait à effacer les augmentations que nous avions connues sous le gouvernement de Lionel Jospin. Je rassure M. Massion, qui est intervenu ce matin, elle n'a été respectée qu'à hauteur du tiers. Elle a été mise en sommeil, toujours en raison de cette fameuse absence de croissance.
Une fois de plus, le Gouvernement a renoncé : il a découvert la dette à la suite des rapports Camdessus et Pébereau. Certes, une telle décision est plus facile à prendre que de réaliser des économies, mais elle discrédite vos engagements et elle est contreproductive sur le plan économique.
La France recule en termes de compétitivité, en grande partie en raison des coûts fiscaux et sociaux. À ce sujet, je remercie M. le président de la commission des finances d'avoir évoqué la compétitivité nationale et les entreprises, car j'avais le sentiment que l'on cherchait plutôt à rassurer le secteur public. Il faut sortir de la politique du « ni-ni » : ni réduction fiscale ni réduction des déficits.
Le second volet important des orientations budgétaires est la réduction des effectifs de l'État. Avec la suppression de 15 000 emplois dans la fonction publique, c'est l'un des axes qui sont très commentés. Toutefois, je suis dubitatif face à cette annonce.
M. Philippe Dominati. Oui, car c'est la même rengaine chaque année. Au mois de janvier, à l'occasion des voeux, les ministres nous annoncent que la France doit en terminer avec les déficits, la dette et la dérive des dépenses. Toujours en janvier, on nous annonce qu'un départ sur deux à la retraite dans la fonction publique donnera lieu à un remplacement. À partir de l'été, on passe à 15 000. À la rentrée de l'an dernier, je vous le rappelle, on était à 8 %. On est bien loin du chiffre de un sur deux. Il y en a eu 5 000 sur 77 000 !
M. Philippe Dominati. Je prends acte que, cette fois-ci, l'engagement semble plus ferme que les précédents.
M. Philippe Dominati. Il est dommage que cet esprit n'ait pas été de mise durant toute la législature. Que d'années gâchées !
M. Jean-Jacques Jégou. Eh oui !
M. Philippe Dominati. Que d'énergie perdue, même si je ne nie pas le fait que les finances publiques avaient été gravement obérées par les jeux de passe-passe institués pour financer les 35 heures.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Eh oui !
M. Philippe Dominati. Au-delà des mots et des promesses, de quoi parlons-nous ? Pouvons-nous réellement parler de réduction d'effectifs ?
Il faut mettre les 15 000 postes supprimés en parallèle avec les départs à la retraite - 85 000 en 2007 - et, surtout, avec les effectifs de la fonction publique d'État : 2,4 millions. La réduction ne concerne donc qu'un peu plus de 0,5 % des effectifs. Nous sommes tout juste dans l'épaisseur du trait.
En outre, depuis 2003, 19 000 postes ont été supprimés sur la durée de la mandature. Il faut les mettre en parallèle avec les 17 214 postes qui avaient été budgétés dans la dernière loi de finances préparée par Lionel Jospin et les 13 675 postes créés en 2003.
La réduction des effectifs qui nous est proposée n'est donc pas un exploit en soi, d'autant que nous devons prendre en compte le fait que les transferts de compétences prévus par les lois de décentralisation adoptées en 2003 devraient s'accompagner d'une baisse des emplois au sein de la fonction publique d'État.
Or, comme lors de la précédente vague de décentralisation, nous constatons une augmentation des effectifs de la fonction publique territoriale - 25 000 créations sont attendues l'année prochaine -, une hausse des impôts et le maintien, presque à emplois constants, de la fonction publique d'État.
Certains considèrent que les réductions d'effectifs n'ont que peu d'incidences sur le déficit. Selon notre rapporteur général, une économie de près de 10 milliards d'euros des dépenses de l'État peut être dégagée sur dix ans.
L'éducation nationale serait la première victime des coupes claires du Gouvernement, avec 7 000 suppressions d'emplois annoncées. Nous avons tous entendu les cris des syndicats ; l'avenir de nos enfants serait en jeu ! Mais au moment même où les effectifs des élèves dans le secondaire sont passés de 5,613 millions à 5,538 millions, le nombre de professeurs est passé, en cinq ans, de 519 000 à plus de 523 000.
Le budget pour 2007 se doit d'être en phase avec le monde dans lequel évolue la France. Priorité doit bien évidemment être donnée à la sécurité, à la justice, mais aussi à l'enseignement supérieur, à la recherche et aux investissements.
Le budget pour 2007 devrait avoir pour seule priorité de cesser de faire payer par les générations futures le manque de rigueur des gouvernements depuis 1981. Il est temps de mettre en oeuvre une autre politique, une politique d'inspiration libérale, qui, seule, comme dans de nombreux pays, pourra nous conduire sur le chemin d'une hyper croissance. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat d'orientation budgétaire que nous menons chaque année est, le plus souvent, l'occasion de faire état de nos profondes divergences d'appréciation sur la réalité économique et sociale de notre pays et, partant, de sa traduction concrète en termes budgétaires, au-delà d'ailleurs du simple examen des données chiffrées propre à tel ou tel exercice ou à tel ou tel département ministériel.
Le débat d'orientation pour 2007 se situe dans un contexte assez spécifique, puisque rien ne nous garantit que l'équipe gouvernementale qui portera le projet de loi de finances initiale à l'automne prochain sera celle qui mettra en oeuvre l'exécution budgétaire.
Il fait suite à quatre années de gestion des affaires du pays ayant conduit, entre autres, à accroître de 200 milliards d'euros le déficit cumulé de l'État, c'est-à-dire la dette publique, dont la réduction est pourtant votre priorité.
La France a clairement besoin d'un changement de politique budgétaire, économique et sociale et d'autres orientations dans l'action de l'État que celle consistant à réduire sans arrêt la dépense publique pour faire plaisir aux marchés financiers et aux détenteurs de capitaux.
D'ailleurs, comme le rappelait ce matin M. le président Arthuis, les entreprises du CAC 40 ont réalisé plus de 80 milliards d'euros de bénéfices et ont redistribué plus de 30 milliards d'euros de dividendes à leurs actionnaires.
Monsieur le président de la commission des finances, vous nous avez certainement fourni les bons chiffres, mais notre façon de les interpréter ne sera pas du tout la même que la vôtre.
Cette insolente santé montre que la controverse sur la réalité des créations d'emplois reste d'actualité. Je pourrais également évoquer la situation de Total, la rémunération du capital, les primes d'installation confortables des PDG ou l'accumulation des plus-values sur les cessions d'actions.
Dans ces conditions, comment parvenir à relancer l'activité économique sans que l'intervention publique, et notamment l'investissement public, puisse constituer l'un des moteurs de cette croissance ?
Depuis 2002, nous avons tout connu, qu'il s'agisse de la baisse de l'impôt sur les sociétés et de la réduction de son assiette, de l'élargissement des allégements de cotisations sociales, de la diminution de la fiscalité pour les hauts patrimoines, de la nouvelle baisse de la taxe professionnelle et de la réforme de l'impôt sur le revenu, qui profite de manière quasi exclusive aux plus hauts revenus !
Or quels sont résultats ? Vous vous glorifiez de porter le taux de croissance à 2 % cette année après avoir dégagé moins de 1,5 point de croissance. Ce discours est assez répétitif. Selon les statistiques de l'INSEE, le taux serait aujourd'hui de 1,2 %.
L'effet de cette situation sur les comptes publics est tel que vous avez été contraints de procéder à quelques astuces pour respecter le fameux critère d'un déficit budgétaire à 3 % du PIB. Je pense notamment à la soulte EDF, à l'annulation massive de dépenses votées par le Parlement ou encore au règlement anticipé du premier acompte de l'impôt sur les sociétés au titre de l'année 2006 !
Cette situation a été relevée par la Cour des comptes dans son rapport annuel, qui met en cause la réalité du déficit annoncé pour 2005, compte tenu des procédés utilisés.
Monsieur le ministre, la consommation populaire, qui est le moteur de la croissance, trouve l'origine de son développement dans l'augmentation spectaculaire de l'endettement des ménages. Or celle-ci est notamment due à l'ascension des prix de l'immobilier. Certes, ces prix ne doivent pas figurer dans l'indice INSEE, mais ils constituent une réalité de plus en plus présente dans le budget des familles.
Dette pour dette, vous nous expliquez que tout sera mis en oeuvre dans les quatre années à venir pour réduire l'endettement public et que cet effort sera prioritaire, au détriment de tout autre !
Si vous gérez encore les affaires du pays après le printemps 2007, c'est tout sauf une bonne nouvelle !
Si j'ai bien compris ce qui a été dit ce matin, toute recette fiscale supplémentaire sera consacrée à réduire l'endettement public dans les années à venir. Dans le même temps, toutes les administrations publiques seront appelées à goûter aux délices des redéploiements et des économies budgétaires. C'est le produit d'une loi organique comprise comme une machine « assimilée à une politique de restriction budgétaire pure et simple », selon la formule de notre collègue M. de Raincourt.
Ainsi, 15 milliards d'euros seraient consacrés à réduire la dette publique dans les années à venir. De notre point de vue, ces 15 milliards d'euros manqueront pour l'éducation, la formation, le développement des équipements publics ou la construction de logements et viendront grossir les portefeuilles de ceux qui ont fait de la dette publique une véritable rente de situation !
Une telle démarche masque toutefois plusieurs problèmes essentiels.
D'abord, la dette publique n'est pas une catastrophe en soi.
M. Thierry Foucaud. Elle a toujours existé et il est même probable qu'elle continuera d'exister, quand bien même nous dégagerions des excédents budgétaires.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut tout de même bien payer les prêteurs !
M. Thierry Foucaud. Les chiffres les plus mirobolants circulent quant à la quotité et à l'importance de cette dette.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Décidément, les bolcheviks ne remboursent jamais !
M. Thierry Foucaud. Monsieur le rapporteur général, ce ne sont pas les « bolcheviks » qui créent la dette. D'ailleurs, si vous ne faisiez pas autant de cadeaux, elle ne s'accroîtrait pas ! Mais j'y reviendrai.
Tantôt, vous évoquez 1 100 milliards d'euros en mélangeant allégrement dette négociable de l'État, dette des collectivités locales et dette des organismes sociaux, tantôt, en insistant sur les engagements implicites de l'État, notamment en termes de retraites des agents du secteur public, vous mentionnez le montant en apparence spectaculaire, et même quasi angoissant, de 2 000 milliards d'euros !
À dire vrai, il conviendrait peut-être de se demander si, dans certains cas, nos entreprises privées ne cumulent pas elles aussi des montants d'endettement aussi spectaculaires.
Mais, pour peu que l'on soit versé à l'exercice d'analyse d'une comptabilité, il conviendrait également d'éviter de ne voir dans le bilan de l'État que le passif constitué par cette dette.
En effet, si nous rapportons le montant de la dette publique à chacun des habitants de ce pays, nous atteignons un montant de 20 000 à 30 000 euros. La somme peut impressionner, mais il faut là encore la relativiser.
Mes chers collègues, savez-vous qu'une famille de quatre personnes qui emprunte 200 000 euros pour acheter un appartement à Paris est à la tête d'une dette privée encore plus importante ?
Ensuite, comme il convient de le faire en bonne comptabilité, il faut considérer le passif, c'est-à-dire la dette, et l'actif, c'est-à-dire tout ce que l'État a constitué au fil du temps comme patrimoine public...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous souhaitez le vendre ?
M. Thierry Foucaud. ...et dont les habitants de notre pays disposent pour le bien de la vie économique et sociale.
J'insiste sur cet actif, qu'il s'agisse des autoroutes,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous voulez les vendre une deuxième fois ?
M. Thierry Foucaud. ...de nos hôpitaux, de nos établissements scolaires, de nos parcs naturels ou de nos grands musées.
À cet égard, monsieur le rapporteur général, évoquer la dette en oubliant par exemple que l'argent public a permis de créer le musée du quai Branly constitue une forme d'aveuglement.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Alors là, je n'y comprends plus rien !
M. Thierry Foucaud. Cet actif, c'est le bien de tous ! C'est ce que des années et des années d'action publique ont permis de constituer. Sur le plan comptable, il est aujourd'hui évalué à 170 000 euros pour chaque habitant de ce pays.
Au demeurant, cela signifie que la dette publique ne constitue qu'environ 10 % à 15 % de cet actif. Nous connaissons tous des entreprises privées qui apprécieraient d'avoir un tel niveau d'endettement.
En réalité, la dette publique est, me semble-t-il, instrumentalisée depuis plusieurs années pour justifier toutes les politiques désastreuses qui ont été et qui sont encore menées en matière de gestion publique.
C'est un paradoxe. Pour redresser les comptes publics, on a souvent commencé par procéder à la réduction des recettes en escomptant un effet positif sur l'activité de telle ou telle baisse d'imposition. Cela fait des années que ça dure !
Depuis 1985, on a diminué le taux de l'impôt sur les sociétés d'un tiers et l'assiette de la taxe professionnelle de 45 %, allégé les cotisations sociales sur les bas salaires, rétréci l'assiette de l'impôt sur les sociétés et réduit l'impôt sur le revenu des plus riches. Et tout cela pour quels résultats ?
Depuis 1985, notre économie n'a créé qu'un peu plus de 2 millions d'emplois dans le secteur marchand. Ce sont des emplois de plus en plus précarisés et de plus en plus mal rémunérés, puisque plus de huit millions de salariés perçoivent la prime pour l'emploi !
La croissance est donc molle et les revenus dont la progression est la plus dynamique sont, comme par hasard, les revenus du capital et du patrimoine. En 2005, ces revenus ont crû deux fois plus vite que les revenus du travail, ce qui est une source d'inégalité croissante entre les Français !
Mais regardons maintenant le coût de ces différentes mesures.
Entre la baisse du taux de l'impôt sur les sociétés, l'allégement des cotisations sociales sur les bas salaires et la « réforme » de la taxe professionnelle, ce sont 450 milliards d'euros qui ont été dépensés, ou plutôt engloutis, depuis vingt ans !
Ces 450 milliards d'euros représentent la moitié de l'encours de la dette publique négociable de l'État.
Et, par exemple, plus de 15 milliards d'autres euros sont dépensés chaque année pour alléger la fiscalité des entreprises, sans compter l'effet du report des déficits et le solde des acomptes versés !
Et puisque vous êtes si attentifs et sourcilleux s'agissant des évolutions de la dépense publique, comment ne pas pointer que la .prise en charge par l'État des cotisations sociales des entreprises est passée d'un coût annuel de 6 milliards de francs en 1992 à une facture de 22,2 milliards d'euros, soit plus de vingt fois plus, en 2005 ?
Vous le voyez, la source des déficits publics ne réside donc ni dans une utilisation dispendieuse des crédits, ni dans un recrutement inconsidéré de fonctionnaires, ni dans un excès de dépenses sociales. Elle se situe d'abord dans une politique d'incitation fiscale qui est venue se substituer sur la durée à toute véritable intervention publique dans la vie économique et sociale.
De notre point de vue, la situation budgétaire de 2005, à la suite des autres exercices, consacre la faillite de cette orientation et il conviendrait de l'infléchir sérieusement en 2007.
Dépenser mieux ne signifie pas dépenser moins, car il convient d'abord de prélever justement les moyens de répondre aux attentes sociales.
L'impôt doit retrouver la place qui est la sienne. Il ne doit pas être utilisé de manière exclusive à payer des frais financiers sans cesse plus élevés au bénéfice des détenteurs de titres de dette publique.
Nous refusons de placer la gestion publique sous la coupe des marchés financiers, comme vous vous y préparez, ainsi que le traduisent les annonces de réduction de la dépense en euros constants et les suppressions d'emplois de fonctionnaires que vous avez programmées.
Au demeurant, cette politique-là est fondamentalement injuste. Les plus modestes ne bénéficieront pas sur la durée de votre réforme de l'impôt sur le revenu et ils n'ont que peu de rendement à attendre de la baisse de la fiscalité du patrimoine. Ce sont également eux qui subiront de plein fouet la réduction du budget de l'éducation et les coupes claires dans les budgets sociaux, comme celui de la politique de la ville ou celui du logement.
Et ils pourront en échange payer toujours plus d'impôts locaux, de taxes pétrolières et de TVA sur leur consommation courante !
À cette politique injuste socialement et économiquement, nous répondrons le moment venu par l'alternative politique - elle aura des traductions fiscales et budgétaires - que nos concitoyens attendent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, beaucoup a été tenté ces dernières années dans le sens d'une maîtrise de nos finances sociales.
Au vu des résultats, le constat d'ordre général est qu'il reste énormément à faire. Les résultats ne sont pas tout à fait à la hauteur de nos espérances. Essayons d'examiner objectivement les faits.
Il y a un premier point positif, qui est le présent débat d'orientation. Ce nouveau rendez-vous, qui a été institué par l'article 6 de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, constitue une avancée indéniable en matière de contrôle parlementaire et de transparence des comptes sociaux.
Il est tout simplement regrettable qu'aucune indication ne nous ait été apportée quant aux orientations pour l'année 2007. Il nous appartient donc d'extrapoler. La loi organique a aussi créé des procédures d'alerte qui ont fonctionné pour l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM.
Il n'en demeure pas moins que l'on noie les finances sociales dans la masse des finances publiques. Avec le président de notre commission des affaires sociales, Nicolas About, nous attendons plus de rigueur et de transparence à l'avenir.
Mais venons-en au fond. Les chiffres publiés dans le rapport gouvernemental nous donnent des raisons d'espérer - je pense notamment à la réduction du déficit général de la sécurité sociale et du déficit de la branche maladie -, ainsi que des motifs d'inquiétude, s'agissant en particulier des déséquilibres financiers des branches vieillesse et famille.
Les soldes sociaux demeurent fortement négatifs. Nous sommes loin des prévisions optimistes faites à l'occasion de l'examen de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. L'amélioration du solde du régime général pour l'année 2006 devrait être modérée.
Le déficit pourrait atteindre 10 milliards d'euros, ce qui serait malheureusement supérieur aux 8,9 milliards d'euros prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Néanmoins, cela serait effectivement inférieur aux pics et aux records que nous avions connus en 2004.
Nous assistons à un reflux lent, mais la dynamique des déficits sociaux est, quant à elle, enrayée.
L'analyse de ce déficit est également encourageante en ce qui concerne la branche santé. Le solde de cette branche passe de 8 milliards d'euros à 6 milliards d'euros, ce qui correspond peu ou prou à l'objectif annoncé en 2004. La maîtrise médicalisée des dépenses de santé semble avoir permis de réaliser 500 millions d'euros d'économies en 2005. Les dépenses de médecine de ville - dépenses d'honoraires, de prescriptions et de médicaments - ont faiblement progressé. Est-ce la preuve d'une prise de conscience collective, d'un changement structurel de nos pratiques ? L'avenir nous le dira.
Il reste à traiter la question cruciale du secteur hospitalier, dont les performances financières sont mauvaises, ce qui n'est pas étonnant. Alors qu'il représente près de 50 % des dépenses de santé, le secteur hospitalier, public et privé, a été totalement exclu de la réforme du 13 août 2004.
Comment réformer le système de soins de façon structurelle en faisant l'impasse sur la moitié des dépenses qu'il génère ? Nous n'avons eu de cesse de dénoncer ce fait, et, en tant que président du conseil d'administration d'un centre hospitalier, je suis personnellement confronté aux difficultés que doit affronter ce secteur.
Ce n'est un secret pour personne, la réduction du temps de travail a lourdement pesé sur les budgets des établissements de santé.
Le passage à la tarification à l'activité, la T2A, ne se fait pas non plus sans douleur. Par principe, nous sommes favorables à ce nouveau mode de financement. La dotation globale pour les hôpitaux publics figeait les situations et ne prenait pas suffisamment en compte l'activité médicale et le service rendu.
La T2A appelle à la transparence des coûts, ce qui facilitera les coopérations entre les secteurs public et privé, coopérations vers lesquelles doivent s'orienter tous les bassins afin d'optimiser les offres de soins sur leur territoire. Du fait de son fonctionnement, l'hospitalisation privée y était davantage préparée. Elle a donc basculé plus tôt vers cette tarification. Dans ces conditions, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, nous ne comprenons pas pourquoi les dépenses des cliniques ont augmenté huit fois plus que celles des hôpitaux au cours des derniers mois. Avez-vous un éclaircissement à nous apporter sur ce point ?
En matière de T2A, les choses sont plus compliquées pour les hôpitaux et les établissements privés à but non lucratif. Ces établissements sont en effet insuffisamment aidés pour assurer la transition dans de bonnes conditions. Ils se heurtent à une situation financière difficilement tenable à court terme. C'est ce qui explique l'importance des reports de charges des hôpitaux publics, évoqués par notre excellent rapporteur Alain Vasselle.
Par ailleurs, une question demeure : où en est-on dans l'identification et la justification des divergences tarifaires actuelles entre le secteur public et le secteur privé ? Cette question est d'autant plus importante que, si l'on en croit Bertrand Fragonard, le président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, l'objectif de convergence des tarifs entre le public et le privé pourrait ne pas être atteint en 2012, date de son achèvement théorique. Sait-on selon quelles modalités ces deux secteurs verront converger leur T2A ?
La réévaluation des enveloppes consacrées aux missions d'intérêt général est le pendant de la problématique du passage à la T2A. Monsieur le ministre, compte tenu des difficultés financières rencontrées par les établissements publics, comment les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation, les MIGAC, vont-elles évoluer ?
De façon plus générale, il reste beaucoup à faire en matière hospitalière. Une grande réforme s'impose, comme l'a constaté récemment le président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Selon lui, « il existe dans le secteur public suffisamment de marges de productivité ».
Yves Cannac fait le même constat dans le rapport qu'il a rédigé au nom de l'Observatoire de la dépense publique de l'Institut de l'entreprise. Il évoque même la possibilité de réaliser 10 milliards d'euros d'économies en matière d'établissements de santé. Il s'agirait de rationaliser la carte hospitalière, de réduire le volume de la demande de prestations, notamment en développant l'hospitalisation à domicile, dont le coût semble inférieur de 40 % à celui d'une hospitalisation en établissement.
Dans son rapport, Yves Cannac suggère également de réaliser des économies d'échelle en constituant des centrales d'achat. C'est là, à notre avis, une piste prioritaire. En la matière, les agences régionales de l'hospitalisation, les ARH, auront un important rôle d'incitation à jouer.
Enfin, des économies considérables peuvent être attendues d'une gestion plus efficiente des hôpitaux. Le rapport gouvernemental révèle que des efforts sont faits dans cette direction. Cependant, ces derniers semblent encore être insuffisants. Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, où en est-on de la réforme des structures hospitalières ?
Si, globalement, la branche maladie poursuit son redressement, le solde du régime général ne s'améliore que de façon limitée, du fait de l'alourdissement des déficits des branches retraite et famille.
En ce qui concerne la branche retraite, une grave question se pose à nous aujourd'hui. Le dispositif créé par la loi du 21 août 2003 en faveur des salariés ayant commencé à travailler très tôt a rencontré un succès bien supérieur à celui qui était escompté. La Caisse nationale d'assurance vieillesse, la CNAV, a révisé à la hausse le montant des prestations versées en 2006, pour un peu plus de 800 millions d'euros. Ma question est simple mais cruciale : le dispositif relatif aux carrières longues sera-t-il durablement soutenable ?
L'alignement des régimes spéciaux sur le régime général constitue un autre problème de la branche vieillesse. L'alignement des régimes de la RATP, de la SNCF ou des marins, par exemple, est inévitable, à l'instar du régime d'EDF. Mais alors, qui compensera ? L'État ? Et à quel taux ? Quel sera le taux actuariel pour les soultes afférentes ? Celui de Bercy ou celui des banques ? Il nous faudra rester neutres. À cet égard, le soin de déterminer un taux actuariel équitable devrait à mon avis être confié à une autorité indépendante de Bercy. Où en est votre réflexion sur cette question, monsieur le ministre ?
Plus globalement, la réforme de 2003 était partielle. Il faudra donc revenir sur le financement de la branche vieillesse en 2008.
Enfin, j'évoquerai le déficit croissant de la branche famille. Le solde négatif de cette branche historiquement excédentaire est lié à la prise en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE. Lors du débat sur le projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, vous nous avez expliqué, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, que le déficit était conjoncturel : « les prestations sont indexées sur les prix et les recettes sont indexées sur les salaires qui, du fait de la croissance, progressent plus vite que les prix », avez-vous déclaré. Or nous ne voyons pas ce que la PAJE a de conjoncturel, sauf à considérer, peut-être, que la démographie ne dépend que du temps qu'il fait !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Dans ces conditions, n'est-il pas à craindre que la réserve de 5 milliards d'euros conservée par la branche ne fonde comme neige au soleil d'ici à 2010 ?
Monsieur le ministre, nous attendons des réponses à toutes ces questions de fond. Ces réponses sont d'autant plus urgentes que nous ne pouvons faire peser sur les générations futures le poids de nos impérities budgétaires. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Mon intervention devait porter uniquement sur les problèmes des collectivités locales, mais je souhaite quand même revenir en quelques mots sur ce qui s'est passé en séance ce matin, monsieur le ministre délégué au budget.
Mme Nicole Bricq. Attention !
M. Jean-Claude Frécon. Je pensais, peut-être avec un brin d'innocence - il m'en reste ! -, que l'on se faisait, au Sénat, une autre idée des débats que la vôtre, monsieur le ministre. Votre intervention ce matin, en partie agressive et outrancière, à l'instar de celle à laquelle nous avions déjà eu droit en commission des finances la semaine dernière,...
M. Jean-Claude Frécon. ... relevait d'un meeting politique et n'avait pas lieu d'être, selon moi, dans cet hémicycle,...
M. Jean-Claude Frécon. ... dans le cadre d'un débat d'orientation budgétaire.
À titre de comparaison, il se trouve que, hier, celui des sénateurs qui siège dans cet hémicycle depuis le plus longtemps - quarante ans - avait rassemblé plusieurs d'entre nous, issus de tous bords politiques, dont le président du Sénat, afin de nous rappeler ce qu'est une deuxième chambre et comment fonctionne un bicamérisme démocratique et utile. Ses propos étaient d'un autre genre !
M. Jean-Claude Frécon. Les propos que vous avez tenus ce matin s'inscrivent-ils déjà dans le cadre de la campagne des prochaines élections législatives, à l'occasion desquelles vous ferez peut-être acte de candidature ? Permettez-moi donc de vous signaler que nous sommes entrés dans le délai de douze mois précédant une élection, soit le délai pour les comptes de campagne.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous intégrez les 115 milliards d'euros dans les comptes de campagne ?
M. Jean-Claude Frécon. Le Sénat serait-il devenu une salle que l'on loue pour un meeting politique ?
Mme Nicole Bricq. Bonne question !
M. Jean-Claude Frécon. On peut faire de la politique et avoir une attitude un peu plus...
M. Jean-Claude Frécon. Républicaine, en effet !
M. Dominique Braye. Il veut nous museler !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quand on demande des dépenses, il faut dire d'où vient l'argent !
M. Jean-Claude Frécon. J'en viens maintenant aux problèmes des collectivités locales.
Vous avez défendu deux idées.
Vous avez tout d'abord défendu l'idée d'une meilleure maîtrise des finances publiques. Les élus locaux, messieurs les ministres, ne sont pas hostiles à l'idée de maîtriser les dépenses publiques. Simplement, en matière de finances, on distingue les dépenses et les recettes.
M. Dominique Braye. On se demande d'ailleurs où vous trouvez les recettes !
M. Jean-Claude Frécon. Je rappelle que vous avez mis en place deux nouvelles structures, deux organismes supplémentaires : la Conférence nationale des finances publiques et, dernièrement, le Conseil d'orientation des finances publiques. Il existait déjà le Comité des finances locales et, en son sein, l'Observatoire des finances locales, ainsi que, au Sénat, l'Observatoire de la décentralisation. Certains se demandent donc si, au moment où l'on supprime un certain nombre de structures, il était nécessaire d'en créer deux nouvelles. Pour ma part, je laisse cette question en suspens.
Vous avez ensuite défendu l'engagement national de désendettement. Permettez-moi de vous rappeler ce que vous savez déjà, monsieur le ministre, comme les élus locaux. L'État s'endette pour son fonctionnement, alors que les collectivités locales s'endettent pour leurs investissements, et uniquement pour cela, parce qu'elles n'ont que ce droit-là.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est heureux !
M. Jean-Claude Frécon. Et c'est heureux !
M. Jean-Claude Frécon. Je vous rappelle également que les collectivités territoriales réalisent 70 % des investissements publics de ce pays.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Claude Frécon. Ces investissements sont donc importants pour les collectivités territoriales et pour le pays, car ils induisent un certain nombre d'emplois, et donc de la croissance, élément déterminant.
Si nos communes, nos départements, nos régions peuvent éventuellement avoir un déficit exceptionnel, elles ne sont pas autorisées, en revanche, à avoir un déficit durant plusieurs années. Elles sont alors immédiatement mises sous surveillance, ce qui est normal, mais tel n'est pas le cas pour l'État qui, depuis plusieurs années, et sous des gouvernements successifs,...
M. Dominique Braye. Depuis 1981 !
M. Jean-Claude Frécon. ... cumule les déficits !
L'État n'est donc certainement pas le mieux placé pour donner des leçons aux collectivités locales en matière de gestion !
Quelles propositions faites-vous ? Ces deux derniers mois, vous avez fait deux propositions concernant les collectivités territoriales.
Votre première proposition est d'établir des normes indicatives de régulation des dépenses locales, qui seraient fixées à l'échelon national et s'appliqueraient à toutes les collectivités.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, combien nous avons été choqués par cette proposition, qui nous paraît tout d'abord contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Les collectivités territoriales, si on limite leurs dépenses, ne pourront plus conduire un certain nombre d'actions. En outre, cette proposition nous semble contraire aux fondements de la décentralisation, décentralisation dont vous avez fait des gorges chaudes et dont vous avez souhaité inscrire l'acte II dans la Constitution.
Alors, pourquoi nous faire une proposition manifestement si contraire à deux principes importants de notre république ?
Votre seconde proposition consiste à revoir le contrat de croissance et de solidarité. Permettez-moi de rappeler l'historique de ce contrat.
Depuis une vingtaine d'années, les collectivités territoriales demandaient à avoir une meilleure vision des lois de finances, les propositions de l'État n'étant connues qu'au mois de septembre pour l'année suivante, ce qui limitait considérablement la visibilité nécessaire à l'engagement d'un certain nombre de dépenses. Finalement, en 1996, le gouvernement Juppé avait accepté un pacte de solidarité. Le mot « pacte » était un peu usurpé, parce qu'il s'agissait non pas d'un pacte négocié mais d'un pacte proposé : c'était cela ou rien !
Ce pacte de stabilité, mis en place en 1996, reconduit en 1997 et en 1998, n'était indexé que sur l'inflation - seulement à partir de la deuxième année -, et non sur la croissance. Or, comme cela a été dit tout à l'heure, les collectivités locales sont l'un des moteurs essentiels de la croissance.
Ce pacte de solidarité a ensuite été remplacé par un contrat de croissance et de solidarité, sous le gouvernement Jospin, qui a proposé une indexation progressive sur la croissance, jusqu'à un tiers de celle-ci, par échelons successifs. Les collectivités locales vivent maintenant depuis près d'une dizaine d'années sous le régime de ce contrat de croissance et de solidarité.
Vous proposez de supprimer toute référence à la croissance pour ne garder que la référence à l'inflation. Vous envisagez également de ne conserver cette indexation sur l'inflation que pendant quelques années, pour, éventuellement, en arriver à une croissance zéro, comme celle qui caractérise le budget de l'État.
Monsieur le ministre délégué au budget, les élus locaux, par l'intermédiaire de l'Association des maires de France, de l'Association des départements de France et de l'Association des régions de France, ont vigoureusement protesté contre l'une et l'autre de ces propositions.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean-Claude Frécon. Je rappelle que, dans la loi de finances pour 2006, ont été introduites des mesures aboutissant à diminuer les ressources perçues par les collectivités territoriales sur la fiscalité, qu'il s'agisse du plafonnement de la taxe professionnelle, du plafonnement de la taxe sur le foncier non bâti, ou de la notion de bouclier fiscal.
M. Jean-Claude Frécon. Après avoir, l'an dernier, coupé nos ailes fiscales, vous proposez, cette année, de tailler dans les dotations de l'État.
M. Jean-Claude Frécon. Quelles ressources restera-t-il aux collectivités locales ? Après la fiscalité, après les dotations, il reste encore l'emprunt ! Peut-être envisagez-vous des restrictions d'emprunt l'année prochaine ? Il me semble quand même que nous avons atteint un point de non-retour !
M. Dominique Braye. C'est un peu réducteur !
M. Jean-Claude Frécon. Les représentants des trois grandes associations d'élus locaux ont déclaré que ces derniers attendent aussi de « l'État qu'il apporte au préalable [des] garanties sur l'effort consenti par lui-même et qu'il démontre concrètement sa capacité à réduire les dépenses liées à son fonctionnement propre ».
Ils ont également indiqué que l'État devait « cesser de peser sur les dépenses des collectivités locales par des transferts non compensés, la territorialisation de ses politiques publiques et la mise en oeuvre de normes réglementaires entraînant des charges supplémentaires ».
Voilà ce que vous disent tous les élus locaux, monsieur le ministre délégué au budget !
Nous réaffirmons que le débat sur l'évolution des dotations de l'État est indissociable d'une profonde réforme de la fiscalité locale et de l'attribution de véritables marges de manoeuvre aux collectivités territoriales.
Monsieur le ministre délégué au budget, considérez-vous toujours nos collectivités locales comme des partenaires privilégiés de l'État pour faire de la France un grand pays ? C'est ce que nous essayons de faire de notre côté.
M. Jean-Claude Frécon. Nous aimerions bien - non pas pour vous dire que nous avons toujours raison, car nous pouvons aussi avoir tort - que des discussions s'engagent.
Un signe encourageant nous a toutefois été donné par le Premier ministre, qui, dans une lettre adressée la semaine dernière aux présidents des trois grandes associations d'élus locaux, a fait savoir qu'il reportait cette réforme du contrat de croissance et de solidarité à 2008.
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est une bonne nouvelle !
M. Jean-Claude Frécon. C'est en effet une bonne nouvelle, je le reconnais.
Autre bonne nouvelle, les normes ne seraient plus impératives. Cette question devrait être rediscutée également l'année prochaine.
M. Philippe Marini, rapporteur général. De quoi vous plaignez-vous ?
M. Jean-Claude Frécon. Par conséquent, puisque le débat est renvoyé à l'année prochaine, attendons !
En conclusion, monsieur le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, permettez-moi de vous donner un exemple très précis de cette réforme de l'État qui a pour objet de permettre à tout le monde de faire des économies. Il s'agit d'un petit problème mais qui risque, je n'en doute pas, de faire quelques vagues dans les collectivités territoriales.
Au titre des fonctions que j'exerce de longue date au sein du comité des finances locales, M. Jean-Pierre Fourcade, président de ce dernier, m'avait chargé du groupe de travail sur la comptabilité M14 .
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très perfectible !
M. Jean-Claude Frécon. Que la première mise en place de cette comptabilité M14 n'ait pas été parfaite est compréhensible. Un certain nombre de modifications doivent être apportées, nous le savons.
J'ai moi-même présidé ce groupe de travail voilà trois ans, et nous avons travaillé durant presque un an et demi. De nombreuses propositions allant dans le sens de la simplification ont été émises, qui visent non seulement à soutenir les efforts de gestion qui sont demandés mais également à accroître la lisibilité et à réduire les dépenses.
Des ordonnances ont été prises par le Gouvernement afin de mettre en oeuvre certaines des propositions de réforme formulées par le groupe de travail, dans lequel étaient représentées toutes les tendances politiques ainsi que les administrations concernées, la direction générale de la comptabilité publique et la direction générale des collectivités locales.
Nous avions notamment suggéré de réduire considérablement le nombre de pages des documents nécessaires à la comptabilité des communes M14. Or l'ordonnance puis les circulaires qui ont suivi ont entraîné le résultat inverse. Ainsi, certains maires nous disent - en s'appuyant parfois sur les travaux du groupe de travail que j'ai présidé, et là, je ne peux pas être d'accord - qu'un document qui, naguère, se présentait sous la forme d'une seule page en nécessite aujourd'hui parfois une vingtaine !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il y a trop de fonctionnaires pour rédiger les ordonnances et les circulaires !
M. Jean-Claude Frécon. Peut-être faudra-t-il effectivement revoir les circulaires, car le document auquel je fais allusion, que nous utilisons souvent dans nos collectivités locales, ce sont les décisions modificatives mineures. Quand il manque 1 000 euros sur une ligne budgétaire, après délibération, le conseil municipal peut décider de transférer cette somme d'une ligne budgétaire à l'autre. Cette décision modificative mineure est répertoriée dans le tableau joint au projet de délibération. Cela prenait une page.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous nous éloignons des orientations budgétaires !
M. Jean-Claude Frécon. Non, monsieur le rapporteur général, il s'agit toujours de faire des économies !
Or, désormais, il faut présenter une nouvelle fois toutes les pages du budget concernées par la modification, ce qui peut correspondre à une vingtaine de pages supplémentaires.
C'est un petit problème, je vous l'avais dit, monsieur le ministre. Mais y remédier serait montrer que nous pouvons faire autrement, que les collectivités locales assument, avec l'État, leur part de responsabilité et qu'elles ne rechignent pas à la tâche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - MM. Jean-Jacques Jégou et Michel Mercier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Roland du Luart.
M. Roland du Luart. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat d'orientation sur les finances publiques et les finances sociales constitue l'occasion de s'interroger sur les effectifs au sein de la fonction publique et, plus largement, sur la gestion des ressources humaines de l'État.
Cet enjeu est d'autant plus lourd qu'il s'agit de prendre la mesure des évolutions qui travaillent en profondeur toutes les administrations publiques, en particulier les départs à la retraite massifs des générations issues du baby-boom. Nous connaissons également toutes les contraintes fortes qui pèsent sur les finances de l'État, ainsi que l'impératif d'assainir nos finances publiques.
Le détail de la ventilation des crédits du prochain budget, que vous avez rendu public voilà quelques jours, monsieur le ministre délégué au budget, témoigne d'ailleurs clairement de cette préoccupation.
Il ressort de cette répartition un certain nombre de priorités.
Ainsi, la mission « Justice » se détache, avec 6,28 milliards d'euros de crédits, soit une augmentation de 5 % par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances pour 2006.
Cette hausse significative mérite d'être saluée, comme doit l'être également l'objectif plus général de baisser de 15 000 emplois les effectifs de la fonction publique d'État.
Dans ce panorama d'ensemble, il convient toutefois de ne pas perdre de vue certaines spécificités inhérentes à la mission « Justice ».
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, le ralentissement du rythme des créations d'emplois dans les juridictions judiciaires avait été souligné. Pour mémoire, 186 postes de magistrats et 14 postes de fonctionnaires étaient créés, soit, au final, et après prise en compte des délais d'affectation, 83 équivalents temps plein travaillés pour 86 postes créés.
Au regard des engagements pris dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation budgétaire pour la justice, le taux de réalisation des créations d'emplois dans les juridictions judiciaires, cumulées sur quatre exercices budgétaires, se révèle, ainsi, assez décevant. Il n'atteint, en effet, même pas 50 %.
Ce taux global masque, certes, d'importantes disparités. Des efforts tangibles ont notamment été consentis en faveur des postes de magistrats, avec un taux de création - satisfaisant - de 65 %.
En revanche, le renforcement des effectifs des personnels des greffes reste, à ce jour, trop modeste, le taux de création atteignant seulement 38,5 %. Or un magistrat ne peut travailler utilement sans l'assistance d'un greffier ; malheureusement, dans de nombreuses juridictions, celui-ci fait défaut.
Cette évolution hypothèque la concrétisation de la programmation quinquennale fixée par la loi d'orientation et de programmation budgétaire pour la justice.
Cette situation est d'autant plus regrettable, monsieur le ministre délégué au budget, que les promesses de créations d'emplois faites en 2002 ont suscité de fortes attentes. En tant que rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la mission « Justice », j'ai pu personnellement le constater sur le terrain. À la cour d'appel de Paris, où j'ai récemment effectué un stage d'immersion, lors de mes déplacements à l'École nationale de la magistrature et à l'École nationale des greffes, comme dans les juridictions de mon département, j'ai partout noté un sentiment de doute, teinté de craintes pour l'avenir.
Le découragement guette, en particulier dans les rangs des personnels de greffe, qui interprètent cette évolution comme le signe d'un désintérêt et d'une absence de reconnaissance de leur position, pourtant centrale, au sein de l'institution judiciaire.
Le risque est d'autant plus fort que de nombreuses réformes ont fait peser sur ces personnels des charges et des responsabilités supplémentaires : la création des juges de proximité, avec un greffe commun pour le tribunal d'instance et les juridictions de proximité, l'instauration d'une procédure de redressement personnel, qui a entraîné le transfert vers les tribunaux d'instance et de grande instance d'une masse considérable de dossiers de surendettement, ou encore les nouvelles conditions d'intervention du juge des libertés et de la détention, qui conduisent à tenir des audiences tardives dans le cadre des enquêtes de flagrance.
Depuis plusieurs exercices budgétaires, le déséquilibre entre les créations de postes de magistrats et de fonctionnaires tend à se pérenniser. Il se traduit, aujourd'hui, par un ratio entre fonctionnaires des greffes et magistrats de 2,63.
Le rythme des départs à la retraite, qui s'accélérera à partir de 2008, ne peut que contribuer à aggraver cette situation, l'évolution de la pyramide des âges des personnels des juridictions judiciaires étant particulièrement défavorable. Ainsi, ce sont 230 greffiers qui partiront à la retraite en 2008, au moment où une promotion ne comptant que 200 élèves sortira de l'École nationale des greffes.
Ce déséquilibre entre les effectifs de magistrats, d'une part, pour lesquels un effort très significatif a été engagé depuis plusieurs années, et ceux des greffiers en chef et des greffiers, d'autre part, est particulièrement préoccupant et mérite une attention toute particulière, monsieur le ministre.
Alors que de nouvelles promotions, importantes en nombre, vont sortir de l'École nationale de la magistrature, la réforme de l'École nationale des greffes conduite en 2003 a eu pour conséquence un ralentissement du rythme des sorties des promotions de greffiers en chef et de greffiers. La durée de la scolarité à l'École nationale des greffes a en effet été portée de douze à dix-huit mois. La disparition à terme du goulet d'étranglement semble d'autant plus hors de portée que, entre l'ouverture d'un concours de recrutement de magistrats ou de greffiers et l'entrée en école, il peut s'écouler de six à neuf mois. Au total, le délai entre l'autorisation d'un concours de recrutement, accordée en loi de finances, et ses premiers effets sur le terrain s'élève donc à deux ans au moins.
Pourtant, des moyens humains supplémentaires doivent être alloués aux greffes pour permettre à ces services de fonctionner dans de bonnes conditions. Le rôle des greffiers en chef et des greffiers est essentiel aux côtés des magistrats, à l'audience ou encore dans les services administratifs régionaux. Dans mon intervention d'hier, j'ai soulevé le problème du transfert vers ces services de personnels des préfectures : vous vous souvenez, monsieur le président, monsieur le rapporteur général, que la réponse du ministre délégué aux collectivités territoriales ne m'a pas tout à fait satisfait.
Quelles sont donc, monsieur le ministre, les dispositions prises, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2007, pour répondre aux attentes fortes de nos concitoyens à l'égard de l'institution judiciaire et lui permettre d'assurer efficacement sa mission ?(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, si l'on part du principe que l'état des finances publiques est le reflet de la politique d'un gouvernement, force est de constater que la situation actuelle est préoccupante.
En effet, cette situation est le fruit d'orientations et de choix budgétaires qui n'ont pas démontré toute leur efficacité. Nous sommes d'ailleurs nombreux à le rappeler sur les travées de l'opposition, à l'occasion de l'examen des projets de lois de finances.
Que constatons-nous depuis 2002 ? Tout d'abord, une dégradation continue du solde budgétaire. En 2004, la dette publique a encore augmenté de 2,4 points de PIB et la dépense publique de 4,1 %. La dette publique approche les 67 % du PIB alors que les critères européens, je le rappelle, fixent un plafond de 60 %. Ces quelques chiffres sont éloquents, surtout lorsque l'on sait que le solde budgétaire de 2005 a été artificiellement maintenu par des reports ou des gels de crédits, l'utilisation de recettes non fiscales ou encore la réduction massive des services publics, sous prétexte de modernisation.
Une nouvelle fois, la croissance sert cette année de variable d'ajustement alors qu'elle est toujours susceptible d'évoluer en cours d'année. Le dernier budget, comme le précédent, a été bâti sur une hypothèse de croissance trop optimiste. Déjà, les prévisions retenues en 2004 dans la loi de finances pour 2005 n'ont pas été atteintes. Des éléments liés à l'environnement international ont pesé sur notre taux de croissance : la hausse de l'euro, l'augmentation des prix du pétrole et la désinflation compétitive allemande. Pour finir, le taux de croissance a été de 2 % au lieu des 2,5 % espérés. Tabler sur la fourchette haute est toujours plus confortable au moment de la présentation du budget de l'État mais, finalement, nous le savons bien, les comptes enregistrent une moins-value fiscale. En 2006, nous risquons, hélas ! monsieur le ministre délégué au budget, de connaître la même déconvenue. La loi de finances a été élaborée sur une prévision de croissance de 2,25 à 3 % alors que, une nouvelle fois, celle-ci ne dépassera pas 2 %.
Dans ces conditions, le déficit prévisionnel risque d'être encore très élevé. La Commission européenne est très pessimiste puisqu'elle nous prédit un déficit de 3,1 % du PIB en 2007. Bien qu'une procédure communautaire pèse sur notre pays, cela n'empêche pas le Gouvernement de continuer les baisses d'impôts, notamment en faveur des plus aisés.
Je ne vois pas dans cette politique de stratégie globale de désendettement à long terme. Or il y a urgence : nous connaissons les conclusions du rapport Pébereau et ses chiffres éloquents. Il est clair qu'il existe un consensus sur la nécessité de remettre la France sur un chemin budgétaire plus vertueux...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellent !
M. Yvon Collin. ...ou, en tout cas, d'esquisser la voie menant à un déficit supportable pour les futures générations. En effet, nous savons tous que la pérennité de notre modèle social exige des actions vigoureuses.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !
M. Yvon Collin. Pour ma part, comme je l'ai évoqué l'année dernière ici même, il me semble essentiel de sortir d'une approche exclusivement franco-française de la politique économique. Il est en effet temps de s'inscrire dans un contexte européen si nous voulons résorber nos déficits publics.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent !
M. Yvon Collin. En effet, la question posée aujourd'hui à la France concerne l'ensemble des pays de la zone euro : pour chacun des États membres, il s'agit de stopper la dérive des finances publiques sans casser la croissance.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Yvon Collin. Il est tout à fait illusoire d'espérer atteindre cet objectif tant qu'une impulsion forte ne sera pas intervenue au niveau européen. Compte tenu du degré d'interdépendance des économies européennes, la régulation conjoncturelle de l'activité est une question d'intérêt commun. Or, la politique monétaire mise à part, les politiques de régulation de la conjoncture, c'est-à-dire les politiques budgétaires ou salariales, sont des politiques nationales. Cette situation favorise les stratégies individuelles des États membres de la zone euro, lorsqu'il faudrait au contraire une véritable coordination des politiques économiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Yvon Collin. C'est pourquoi une initiative politique forte et collective de l'Eurogroupe serait la bienvenue. À cette occasion, quelques principes fondateurs pourraient être rappelés.
Tout d'abord, l'Eurogroupe doit clairement affirmer sa confiance dans l'euro et rappeler que la monnaie européenne permet à l'ensemble des pays de la zone de profiter durablement de taux d'intérêt bas. Ensuite, l'Eurogroupe doit pouvoir s'exprimer collectivement sur le taux de change de l'euro face au dollar. Enfin, l'Eurogroupe doit affirmer que les politiques budgétaires sont aussi au service de la régulation conjoncturelle, dans le respect de la discipline budgétaire.
Monsieur le ministre délégué au budget, depuis cinq ans, le débat budgétaire en Europe est indigent car les États ne respectent pas les engagements qu'ils prennent à l'égard de leurs partenaires, ce qui ne contribue certainement pas à restaurer la confiance dans l'économie européenne.
Enfin, si les taux d'intérêt sont les mêmes dans l'ensemble de la zone euro, les conditions de crédit peuvent considérablement varier d'un pays à l'autre, notamment du fait de systèmes financiers très différents. Les écarts de conjoncture observés ces dernières années tiennent d'ailleurs beaucoup à ces disparités.
En conclusion, l'Eurogroupe doit donc inviter les pays de la zone euro à unifier les pratiques et institutions, leviers de transmission de la politique monétaire, pour évoluer vers un système financier plus homogène. Il n'y aura pas, monsieur le ministre délégué au budget, de croissance économique soutenue et durable en France sans l'unification des pratiques budgétaires au sein de la zone euro. Je suis sûr que vous l'avez bien compris. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, pour la cinquième année consécutive, les comptes de la sécurité sociale sont en déficit. Pis, depuis trois ans, le déficit du régime général excède les 10 milliards d'euros, puisqu'il est estimé par la commission des comptes de la sécurité sociale à 10,3 milliards.
Mais si l'on prend en compte l'ensemble des régimes de base et le fonds de solidarité vieillesse, le déficit de la sécurité sociale atteindrait environ 15 milliards d'euros en 2006. Or, nous savons à quel point les chiffres peuvent varier en quelques mois, et nous ne serions pas étonnés de découvrir à l'automne un déficit encore plus important.
Il est sûr, en tout cas, que la sécurité sociale connaît une grave crise financière, avec un besoin de financement de l'ordre de 3 milliards d'euros au moins pour la seule année à venir.
Pour les années précédentes, vous aviez eu recours à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, ce qui équivalait à faire peser sur les générations futures vos orientations budgétaires contestables ; mais, en 2006, cette « largesse » n'est pas envisageable. Évidemment, vos annonces de retour à l'équilibre pour 2007, puis pour 2009, nous paraissent bien irréalistes.
Une fois encore, cette année comme l'an passé, les quatre branches sont dans le rouge.
L'assurance maladie n'a pas réalisé les économies annoncées, ce qui ne nous étonne pas. Le déficit sera d'au moins 6,3 milliards d'euros. Pourtant, la masse salariale est plus importante que prévue et la ponction opérée sur les plans d'épargne-logement s'avère être une véritable manne financière. Malheureusement, elle ne pourra pas être reconduite, et c'est bien heureux pour les petits contribuables pauvres.
Pourtant, les assurés sociaux ont eux aussi été largement mis à contribution, avec des déremboursements massifs de médicaments, l'augmentation du forfait hospitalier ou encore la création du forfait de 18 euros sur les soins lourds.
La branche vieillesse creuse son déficit avec un solde négatif de 2,2 milliards d'euros en 2006 contre 1,4 milliard d'euros annoncé. Ce constat est particulièrement alarmant, car aucun débat de fond n'a été engagé, comme nous le réclamons de longue date, alors que les départs à la retraite commencent à être massifs.
La branche famille voit aussi ses comptes se dégrader avec un déficit de 1,5 milliard d'euros au moins contre 1,2 milliard d'euros prévu. Cela s'explique largement par la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, excessivement coûteuse, bien que ne permettant pas une réelle égalité entre les familles, ce que nous avions d'ailleurs dénoncé lors de sa création.
La sous-dotation chronique de cette branche, en particulier pour le financement des structures collectives, pèse aussi très lourd et met en cause la pérennité du système. On peut aussi s'inquiéter des dernières annonces de M. le ministre Philippe Bas, lors du débat sur le projet de loi réformant la protection de l'enfance, puisqu'il envisage la création d'un fonds dont l'essentiel du financement serait assuré par des charges nouvelles imposées à la Caisse nationale d'allocations familiales, la CNAF.
La branche accidents du travail et maladies professionnelles maintient son déficit, ce qui n'est pas pour autant acceptable. Il convient d'abord de rappeler qu'elle n'est pas initialement autorisée à être déficitaire ; de plus, les arbitrages n'ont pas encore été rendus sur la prise en charge des travailleurs victimes de l'amiante. Les projets de réforme de cette branche sont aussi attendus avec beaucoup d'inquiétude, car chacun sait que le patronat cherche à se désengager de ses responsabilités en matière de santé et de sécurité au travail. D'ailleurs, personne n'ignore que des milliers d'accidents du travail ne sont pas déclarés.
Enfin, en ce qui concerne les deux fonds de financements, le fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, et le fonds de solidarité vieillesse, le FSV, ils se trouvent, eux aussi, dans des situations dramatiques. Le FFIPSA annonce un déficit de 1,3 milliard pour la seule année 2006,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Plus ! 1,9 !
M. Guy Fischer. ... mais ce sont au total 5 milliards d'euros cumulés qui font défaut.
Voilà pour les premières estimations chiffrées. Cette situation s'explique, selon nous, par des réformes irréalistes, inefficaces et inégalitaires.
C'est principalement le cas de la réforme de l'assurance maladie engagée par M. Douste-Blazy qui est critiquée de toutes parts, que ce soit par les assurés sociaux, bien sûr, qui sont les principales victimes, mais aussi par les mutuelles, les médecins libéraux, les personnels hospitaliers, etc.
Par exemple, le dossier médical personnel est coûteux et sans effet, le forfait de 18 euros n'est pas techniquement applicable et le parcours de soins est incompréhensible, compte tenu du maquis tarifaire. L'hôpital public est littéralement asphyxié, en particulier avec la mise en place de la comptabilité sur la base de la tarification à l'activité, la T2A, qui ne correspond pas au fonctionnement ni aux missions du service public. En revanche, la T2A a permis aux cliniques privées de faire exploser leurs coûts, certaines n'ayant pas hésité à frauder, alors qu'elles sont financées pour l'essentiel par la sécurité sociale.
Nous pensons aussi que l'ONDAM est irréaliste. Par exemple, on sait déjà que, pour 2006, le comité d'alerte signale un dérapage de plus de 600 millions d'euros pour la médecine de ville. Et pour cause : on compense la baisse du nombre des consultations chez les spécialistes, liée à la mise en place du parcours de soins, par la hausse de leurs tarifs !
Les premières victimes de toutes ces réformes sont les assurés sociaux eux-mêmes.
Pour l'assurance maladie, la relative diminution des déficits est due, à hauteur de 80 %, à la croissance des recettes : augmentation de la CSG et de la CRDS, diminution des remboursements, institution d'une contribution de 1 euro par consultation et d'un forfait de 18 euros pour les actes médicaux coûtant plus de 91 euros, et surtout ponction sur l'épargne populaire.
Cependant, plus généralement, c'est le pouvoir d'achat de tous qui baisse, celui des retraités en particulier, lesquels subissent la non-revalorisation des pensions.
Finalement, on constate une grave dégradation non seulement des comptes sociaux, mais aussi du niveau et de la qualité des soins dans notre pays. La permanence des soins n'est plus assurée, les plus démunis ne sont plus protégés, et, plus globalement, la santé devient un bien de luxe, qui se finance individuellement par le recours aux assurances privées, selon la logique anglo-saxonne. Cette tendance est en train de s'affirmer.
Vos choix en matière de solidarité et vos orientations budgétaires sont à nos yeux inacceptables.
Progressivement, sous votre impulsion, les interventions de l'État au titre de la solidarité se réduisent comme peau de chagrin. Vous souhaitez une sécurité sociale résiduelle, centrée sur quelques interventions ponctuelles, le reste étant abandonné aux systèmes assuranciels privés. C'est ce qui explique que vous n'hésitez pas à littéralement assécher les comptes de la sécurité sociale, par le désengagement financier de l'État.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout ce qui est excessif est insignifiant !
M. Guy Fischer. Nous aurons l'occasion d'en reparler à l'automne, monsieur le rapporteur général !
Les chiffres de déficit que vous avancez recouvrent des choix financiers bien contestables. Notre position, en matière de financement de la protection sociale, est radicalement opposée à la vôtre.
Nous pensons, pour notre part, que les moyens de fournir à tous des prestations de sécurité sociale de qualité existent.
Je me bornerai à évoquer, à cet égard, les plus de 21 milliards d'aides directes que vous accordez aux entreprises sous forme d'exonérations de charges, alors que chacun s'accorde aujourd'hui à reconnaître que les exonérations de charges restent sans effet, ou presque, sur l'emploi. Or ces 21 milliards d'euros pourraient permettre de financer bien des actions en matière de solidarité.
Globalement, pour l'ensemble des branches, les exonérations non compensées progresseraient de 10,8 % en 2006, contre 1,6 % en 2005, comme l'indique le rapport transmis par la CNAM au Gouvernement et au Parlement. Cela équivaudrait, pour 2006, à une perte nette, pour les comptes de la sécurité sociale, de l'ordre de 2,3 milliards d'euros.
Une véritable réforme du financement de la sécurité sociale doit donc être engagée, qui permette d'augmenter les recettes, seul moyen de satisfaire l'ensemble des besoins actuels, et de résorber le déficit sans altérer la qualité des soins pour tous, ni le niveau de prise en charge.
En tout état de cause, nous refusons le choix d'une plus forte fiscalisation, par le biais d'un dispositif du type de la CSG, nous rejetons toute idée de TVA sociale ; à l'inverse, nous présentons un projet de refonte du mode de calcul de la cotisation sociale patronale prévoyant une modulation et intégrant la notion de valeur ajoutée, afin de financer la protection sociale. J'espère que ce thème fondera l'un des grands débats de l'automne.
Il s'agit donc de réformer l'assiette des cotisations pour augmenter les ressources et moderniser le financement de la protection sociale, afin de conjuguer, dans la situation présente, solidarité, justice sociale et développement économique, tout en respectant les principes fondateurs du financement de la sécurité sociale.
Il est urgent de répartir plus équitablement les richesses créées, de prélever l'argent là où il est, pour l'orienter vers le financement des besoins sociaux d'intérêt collectif auxquels tiennent nos concitoyens dans tous les domaines, et particulièrement en matière de santé.
C'est avec cette exigence que les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen aborderont les débats à venir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la réforme de la protection sociale aura-t-elle lieu ?
La discussion que nous avons eue lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 était en effet emblématique d'une volonté de jeter un voile pudique sur la réalité des comptes sociaux. Lors de nos débats, le Gouvernement s'était félicité de ce que l'ONDAM serait respecté en 2005, pour la première fois depuis la création des lois de financement de la sécurité sociale.
M. Jean-Jacques Jégou. Rien n'est plus faux, monsieur le ministre : la Cour des comptes soulignait, dans le même temps, l'importance des « défauts d'imputation » qui faussaient l'ONDAM, dont le montant total s'élevait à près de 14,5 milliards d'euros en 2004. Si ce n'est pas là de l'insincérité...
Élargissement de l'assiette de la C3S, relèvement des cotisations de retraite de base et complémentaire et des cotisations de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, taxation des plans d'épargne logement, création d'un ticket modérateur pour les actes médicaux d'un coût supérieur à 91 euros, déremboursement de médicaments : le seul objet des principales mesures inscrites dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 était de venir à la rescousse d'une réforme de l'assurance maladie ne permettant pas, par elle-même, d'enrayer l'aggravation des déficits publics. Nous avons adopté un paquet de rustines constitutives d'un énième plan de sauvetage de la sécurité sociale.
La grande réforme de l'assurance maladie du 13 août 2004, la « réforme Douste-Blazy », celle que l'on a osé qualifier de « der des der », laissait de côté toute la politique hospitalière, pourtant responsable de 55 % des dépenses. Ainsi que le soulignait mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, comment espérer réformer en profondeur le système de santé et prétendre juguler le déficit lorsque l'on s'interdit de toucher à plus de la moitié des dépenses ? Cela n'est pas crédible une seule seconde.
Pourtant, le besoin de réforme est criant dans le secteur hospitalier.
Les hôpitaux, en particulier les établissements privés à but non lucratif, ont été frappés de plein fouet par le passage aux 35 heures.
En 2005, la disparition des allégements de charges liés à la réduction du temps de travail a entraîné un coût supplémentaire, pour ces établissements, de l'ordre de 90 millions d'euros.
En outre, le passage aux 35 heures n'a été rendu possible, dans ces établissements, que par un blocage des salaires de tous les personnels pendant trois ans, qui, ajouté aux allégements de charges, a permis de compenser la perte de plus de 10 % des heures travaillées.
Dans le même temps, les agents de la fonction publique hospitalière sont passés aux 35 heures sans subir aucune retenue salariale. Fort logiquement, les organisations syndicales représentant les personnels des établissements privés ont donc demandé une remise à niveau des salaires. Cette remise à niveau grève aujourd'hui le budget de ces établissements.
Les hôpitaux publics, quant à eux, ne sont pas mieux lotis. Leur passage à la T2A ne se fera pas aussi simplement que le Gouvernement l'avait déclaré. Bertrand Fragonard, le président du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, a affirmé que l'objectif de convergence tarifaire entre le public et le privé ne serait pas atteint en 2012. Et pour cause : les écarts se justifient par les divergences existant entre les missions du secteur privé et celles du secteur public. Ce dernier doit supporter des charges spécifiques de service public, charges qui expliquent d'ailleurs qu'une fraction importante de la dotation des hôpitaux publics leur soit encore versée de façon forfaitaire à travers les MIGAC, les missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation. Comment vont évoluer les enveloppes allouées aux MIGAC ? Mystère...
D'ailleurs, en matière hospitalière, tout est mystère. L'hôpital a fait l'objet de dispositions dispersées entre plusieurs textes, ce qui empêche la représentation nationale d'en évaluer très exactement la portée, entretient le flou artistique et compromet la cohérence du système entre secteur hospitalier et secteur ambulatoire.
Les établissements publics ont cependant besoin d'être remis à flot. En 2005, nous nous interrogions sur la hauteur des investissements nécessaires pour atteindre cet objectif. Tandis que le Gouvernement annonçait un montant de 300 millions d'euros, la Fédération hospitalière de France réclamait 650 millions d'euros. Les besoins de l'hôpital public sont-ils aujourd'hui enfin chiffrés avec objectivité ? Où en est-on de la remise à flot de ces établissements ? Le chantier n'est pas très avancé, si l'on en juge par le montant effrayant des reports de charges évoqués par Alain Vasselle, auxquels les hôpitaux publics recourent pour parvenir à boucler leurs budgets.
Voilà pour le secteur hospitalier, complètement laissé de côté par la réforme de l'assurance maladie. Dans ces conditions, sur quoi a débouché cette fameuse réforme ? Qu'en reste-t-il ? Pas grand-chose, j'en ai peur.
La mise en place du médecin traitant, peut-être ? Pas même. Alors que ce dispositif était présenté comme l'un des piliers de la loi du 13 août 2004, les dérogations demeurent si nombreuses que l'on voit mal comment il pourrait avoir des effets vertueux en termes budgétaires.
L'institution du dossier médical personnel constitue un résultat, me direz-vous ? Il est inutile d'y revenir longuement, nous en avons suffisamment discuté pour que vous connaissiez, messieurs les ministres, ma position sur ce sujet.
Le dossier médical personnel est certes un très beau projet sur le papier, qui vise à une véritable maîtrise médicalisée des dépenses de santé fondée sur l'amélioration de la qualité de l'offre de soins. Toutefois, un dispositif aussi ambitieux a un coût. Or la France prétend faire en dix fois moins de temps et avec dix fois moins d'argent ce que la Grande-Bretagne est péniblement parvenue à accomplir. Encore une fois, ce n'est pas sérieux, et le dossier médical personnel que l'on voit se dessiner n'a plus rien à voir avec celui que l'on nous a « vendu ». Il pourrait ne devenir qu'un simple outil comptable, alimenté à partir des données fournies par un « web médecin » recensant les médicaments prescrits par les praticiens à leurs patients, à partir des historiques des remboursements.
Dans ces conditions, la teneur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 n'était pas étonnante. Il fallait cacher, il fallait replâtrer. Ce qui s'annonce pour l'année prochaine n'est pas non plus étonnant, hélas ! Quelques réformettes, des jeux d'écritures, mais pas l'ombre d'un plan d'envergure.
À ce titre, l'exposé fait par le rapporteur de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, Alain Vasselle, est édifiant. Le Gouvernement se réjouit des chiffres produits dans son rapport d'orientation. Ils n'ont pourtant rien de glorieux en eux-mêmes et, surtout, ils sont loin de refléter l'ampleur des déficits auxquels nous devons faire face.
En 1996, la CADES a été mise en place pour une durée de treize ans. Or on sait que l'échéance sera largement dépassée. Selon Alain Vasselle, la dette reprise par cette caisse s'élèvera, à la fin de 2006, à 110 milliards d'euros, dont plus de 77 milliards d'euros resteront à amortir. C'est dire que nous avons largement abusé des « droits de tirage » sur les générations futures que nous nous sommes octroyés. Comme le suggère Alain Vasselle, il faut interdire d'alimenter encore la CADES à l'avenir.
Cependant, la dette officielle n'est pas toute la dette. La situation des organismes concourant au financement de la sécurité sociale est elle aussi très préoccupante. Elle a justifié qu'un débat spécifique lui soit consacré lors de l'élaboration de la dernière loi de financement de la sécurité sociale.
Les déficits cumulés du FSV et du FFIPSA atteignent environ 8,3 milliards d'euros. Ces déficits, on le sait, résultent de choix de gestion publique bien identifiés. À l'occasion de la transformation, en 2005, du budget annexe des prestations sociales agricoles en établissement public administratif, le FFIPSA, son déficit a été maintenu, en contradiction avec les règles applicables aux budgets annexes, et transféré directement au nouvel établissement. M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État nous a lui-même dit hier combien ce point le préoccupait.
L'État a demandé à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole d'augmenter le montant de l'emprunt qu'elle porte pour le compte du BAPSA. La charge a donc été soustraite du solde d'exécution du budget de l'État, et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 n'a apporté aucune solution pérenne. En conséquence, un déficit de 2,5 milliards d'euros subsistera à la fin de 2006.
Pour ce qui concerne le FSV, sous la précédente législature, plusieurs de ses recettes lui ont été soustraites, tandis qu'il devait assumer de nouvelles charges, telles les allocations de cessation anticipée d'activité. Cela a entraîné l'espèce de faillite à laquelle nous avons récemment assisté : le FSV, n'ayant pu faire face à toutes ses échéances et ne disposant pas de la faculté d'emprunter, a dû différer ses paiements aux différents régimes. La dette du FSV envers le régime général avoisinait, à la fin de 2005, 2 milliards d'euros. La Mutualité sociale agricole a aussi pâti de cette situation et contracté une dette importante. Les diverses mesures prévues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 n'ont permis de couvrir qu'une petite partie des besoins de financement du fonds. Ici encore, aucune solution pérenne n'a été trouvée, et la situation du FSV a une incidence sur le Fonds de réserve des retraites, qui n'est plus alimenté depuis 2000.
Il reste à mentionner, pour reprendre la typologie de notre rapporteur, la dette « cachée », celle de l'État à l'égard des organismes de sécurité sociale, principalement au titre des compensations d'exonérations de cotisations sociales. Elle atteindrait 4,4 milliards d'euros.
Il y a donc des raisons de ne pas se réjouir, messieurs les ministres ! À quoi ressemblera le PLFSS pour 2007 ? Certainement au PLFSS pour 2006... Il n'y a aucune raison que cela change : un nouveau paquet de rustines nous est promis. Pourtant, quand la dette sociale cumulée menace d'atteindre, d'ici à quatre ans, un total de 105 milliards d'euros, l'heure n'est plus aux rustines !
À quand, messieurs les ministres, un réel plan structurel ? La CNAM a récemment suggéré des pistes ; la mise en oeuvre de ses propositions pourrait engendrer 720 millions d'euros d'économies supplémentaires. Ces réflexions doivent s'insérer dans le cadre d'un « plan médicament » repensé. Je n'évoquerai pas les préconisations formulées dans le rapport Cannac, Jean-Marie Vanlerenberghe s'en étant chargé.
Un autre dossier clef a trait aux sources de financement de la protection sociale. Tandis que les ressources de la sécurité sociale sont encore principalement de nature assurancielle et pèsent sur l'emploi, les prestations assurées obéissent de plus en plus à une logique de solidarité nationale. Cette situation pose problème. Ici encore, les solutions existent : TVA sociale,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean-Jacques Jégou. ... cotisation prélevée sur la valeur ajoutée ou sur le chiffre d'affaires pondéré par la masse salariale, contribution patronale généralisée...
Ainsi, ce ne sont pas les pistes de réforme qui manquent, messieurs les ministres ; seule la volonté politique fait défaut. Effectivement, les décisions à prendre imposent que soient faits de véritables choix, des choix parfois impopulaires, donc difficiles à assumer. Aujourd'hui, ces choix ne sont pas faits. Nos enfants paieront le prix de notre manque de courage. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, selon le récent rapport d'information présenté par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, présidée par M. Alain Vasselle, la dette sociale se monte aujourd'hui à 77 milliards d'euros. Dans quatre ans, si l'on continue sur la même voie, elle s'élèvera à près de 110 milliards d'euros. Ce débat d'orientation nous rappelle que nous sommes aujourd'hui au bord du précipice.
Le Gouvernement a voulu faire de la réforme des finances sociales l'un des points forts du bilan de la législature 2002-2007 grâce à la loi portant réforme des retraites de 2003 et à la loi relative à l'assurance-maladie de 2004. À un an de l'élection présidentielle, il faut bien admettre que sa politique de pilotage des finances sociales est un fiasco.
Pour la deuxième année consécutive, toutes les branches - maladie, vieillesse, famille, travail - devraient être dans le rouge. Les chiffres publiés le 8 juin 2006 par la commission des comptes de la sécurité sociale montrent en effet que le déficit du régime général devrait atteindre cette année 10,3 milliards d'euros, au lieu des 8,9 milliards annoncés lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
Ainsi, le compte de la branche vieillesse sera déficitaire en 2006 de 2,2 milliards d'euros, et non pas de 1,4 milliard d'euros comme cela avait été annoncé.
Quant au compte de la branche famille, son déficit est estimé à 1,5 milliard d'euros, et non à 1,3 milliard d'euros comme annoncé.
Enfin, avec un manque de 152 millions d'euros pour l'année 2006, même le régime de la branche accidents du travail se trouve dans une situation médiocre.
Cela n'empêche d'ailleurs pas M. le ministre de la santé et des solidarités de rester optimiste, puisque, dans Le Quotidien du médecin du 8 juin 2006, il donne rendez-vous à ses détracteurs pour la fin de l'année, comme si, d'un coup de baguette magique, les mois restants allaient connaître brusquement un revirement.
Il est vrai que le Gouvernement table sur la réussite de la maîtrise médicalisée des dépenses de l'assurance maladie et sur la croissance exceptionnelle des recettes du régime de la sécurité sociale en 2005, de l'ordre de 5,3 %. Nous en reparlerons.
Pour nous, quelques exemples, branche par branche, montrent d'ores et déjà la dérive entre les pratiques et les résultats.
Je pense notamment à la politique de remboursement des médicaments dans la branche maladie. En effet, le plan d'économies prévu en novembre 2006 aurait dû rapporter 2,1 milliards d'euros. Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale a montré que l'abandon ou le report des baisses de prix décidé en début d'année, y compris pour le déremboursement de médicaments à service médical insuffisant, va entraîner un manque à gagner de 500 millions d'euros. Et ne parlons pas du reste !
Concernant la branche vieillesse, dont vous vous êtes félicité, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, la hausse de 0,2 % du taux de cotisations sociales cette année n'a pas empêché une aggravation de son déficit de 800 millions d'euros. Vous nous dites que cette situation résulte du succès de la mesure du départ anticipé ; certes, mais, là aussi, les décisions d'équilibre sont reportées à 2008, date de la « revoyure ». Allez-vous donner chaque année un coup de pouce aux recettes en augmentant les taux de cotisations ?
En ce qui concerne la famille, vous avez évoqué le surcoût de la PAJE. Or, nous vous avions prévenu l'année dernière de la sous-estimation du coût de cette prestation. Ainsi, alors que vous aviez estimé son financement à 1,2 milliard d'euros lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, son montant réel est évalué aujourd'hui à 1,43 milliard d'euros, soit plus de 200 millions d'euros de déficit supplémentaire.
Mais ce n'est pas tout : en décidant, la semaine dernière, de faire financer par cette branche les nouveaux dispositifs prévus dans le projet de loi réformant la protection de l'enfance, que vous avez défendu dans cette enceinte, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, vous accentuez d'au moins 150 millions d'euros - c'est votre estimation, pas celle des présidents de conseils généraux - les déficits de la branche.
M. Bernard Cazeau. Or, nous le savons, cela ne fait pas partie de la politique familiale et doit donc être financé par le budget de l'État, et non par les assurés sociaux.
Parallèlement, on peut aussi se demander pourquoi vous n'avez pas jusqu'à présent signalé les éléments relatifs aux créances des organismes sociaux envers l'État.
L'article 17 de la loi organique de 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale a instauré l'obligation pour le Gouvernement de communiquer au Parlement la situation semestrielle des sommes restant dues par l'État aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ; or, le premier état semestriel, qui vient d'être transmis au Parlement, fait ressortir qu'au 31 décembre 2005 l'État devait 4,4 milliards d'euros aux organismes de sécurité sociale.
On peut citer comme exemple les allégements de charges sur l'emploi, que l'État renâcle à rembourser dans leur totalité à la sécurité sociale alors que la loi Veil de 1994 le prévoit pourtant. Chaque année, un peu plus de 2 milliards d'euros d'exonérations ne sont pas compensés. Ces allégements connaîtront une forte augmentation en 2006, notamment avec la mise en place du plan de développement de l'emploi à domicile.
Vous avez déclaré à l'Assemblée nationale, la semaine dernière - M. Fischer l'a évoqué -, que l'ONDAM a été respecté en 2005. Mais chacun sait déjà qu'il ne le sera pas en 2006.
Mme Nicole Bricq. Oui !
M. Bernard Cazeau. Le comité d'alerte signale, pour la seule médecine de ville, un dérapage de 600 millions d'euros. Des financements complémentaires seront en outre nécessaires pour les hôpitaux publics et privés. Seront-ils seulement remboursés dans un an ?
Dans ces conditions, on peut comprendre nos doutes sur la promesse de M. Xavier Bertrand de ramener le déficit de la sécurité sociale à 4 milliards d'euros en 2007, ...
M. Jean-Claude Frécon. C'est bien vrai !
M. Bernard Cazeau. ...ou sur la vôtre, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, puisque vous évoquiez un retour à l'équilibre seulement en 2009.
M. Bernard Cazeau. Il faudra harmoniser vos violons !
Abordons la question des fonds sociaux dont vous parlez d'ailleurs très peu, et particulièrement des déficits cumulés du FSV et du FFIPSA. En effet, pour 2005, ce déficit cumulé atteint, pour le FSV, 3,7 milliards d'euros et, pour le FFIPSA, 4,6 milliards d'euros, soit un total de 8,3 milliards d'euros.
Le Fonds social vieillesse a atteint son point culminant de déficit en 2005, avec un manque de 2 milliards d'euros. Si aucune décision n'est prise par l'État, la dégradation se poursuivra pour atteindre un déficit cumulé de 8,2 milliards d'euros en 2009. Rappelez-vous que l'Etat se doit d'assurer l'équilibre budgétaire, comme le précise l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale. La Cour des comptes vous en a fait la remarque, et son président a menacé d'aller jusqu'à la non-certification des comptes.
Quant au FFIPSA, successeur en 2005 du BAPSA déjà déficitaire, son déficit cumulé est aujourd'hui de 3,2 milliards d'euros, malgré une reprise de la dette - il est vrai incomplète -par l'État. Là aussi, il s'agit d'un déficit structurel dont on peut prévoir, si rien n'est fait, qu'il s'élèvera, en 2009, à 9,4 milliards d'euros.
Le Gouvernement cherche manifestement ici toute solution qui lui permettrait de ne pas avoir à équilibrer le financement, malgré l'article L. 731-4 du code rural, en mettant à contribution la sécurité sociale au titre de la compensation inter-régime.
S'agissant de la dette sociale, le gouvernement en place depuis 2002 a à l'évidence échoué à réformer l'assurance maladie parce qu'il n'a pas pris la mesure des difficultés structurelles que connaît aujourd'hui notre système de soins.
Il s'agit bien, en effet, de moderniser l'assurance maladie en regardant les problèmes en face. Or le rapport du député Pierre-Louis Fagniez sur les orientations des finances sociales pour 2007 n'y répond pas. Rappelons d'abord que la dette reprise par la CADES s'élèvera, à la fin de 2006, à près de 110 milliards d'euros, dont plus de 77 milliards d'euros resteront à financer.
L'année dernière, les recettes issues de la contribution au remboursement de la dette sociale, la CRDS ont augmenté de 5,8 % par rapport à 2004 et ont représenté 5,2 milliards d'euros. Les intérêts payés sur la dette ont grimpé à 2,546 milliards d'euros après la reprise, prévue par la loi relative à l'assurance-maladie, de plus de 41 milliards d'euros de dettes supplémentaires. Cela signifie que le remboursement des seuls intérêts mobilise la moitié des recettes de la CADES. Depuis sa création en 1996, elle a « amorti » 35 milliards d'euros.
En dépassant un montant de 100 milliards d'euros, cette dette nous paraît avoir atteint des sommets, comme l'a dit notre collègue Alain Vasselle. Continuer à engranger du déficit dans la boîte CADES nous paraît aujourd'hui constituer une solution de commodité dangereuse pour l'avenir des générations futures qui auront à assurer notre impéritie.
Les perspectives de la dette sociale sont loin d'être réjouissantes ; le déficit cumulé, qui s'amplifie d'année en année, montre bien que les structures, et pas seulement la gouvernance, sont en cause.
S'agissant de l'assurance maladie, nous allons de plus en plus vers la déstructuration du système de sécurité sociale, tel qu'il a été mis en place dans l'après-guerre. Certains n'attendent d'ailleurs que cela pour récupérer une partie des royalties qu'ils espèrent obtenir avec un système de privatisation rampante tel que nous le voyons se dessiner pour l'avenir. Faute de mesures courageuses, à l'image d'ailleurs de celles qui ont été prises dans des pays voisins comme l'Allemagne, le système actuel ne pourra être sauvé.
Je vous l'ai déjà dit, monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, les réformes que vous avez mises en place ne me paraissent pas à la mesure du sujet.
M. Bernard Cazeau. La semi-stabilisation du déficit est due à la fois à des recettes exceptionnelles - le fusil à un coup dont a parlé tout à l'heure l'un de nos collègues de la majorité - et à des recettes de poche ponctionnées essentiellement sur les malades.
Cela ne durera pas, et il faudra que vous ouvriez les yeux sur l'efficacité de votre politique d'astuces comptables et d'économies de chandelles.
Vous avez fait le choix de ressortir ce vieux serpent de mer de la maîtrise médicalisée, qui a montré depuis des années ses limites. Tout le monde connaît le destin des différentes mesures appliquées depuis vingt ans en ce domaine.
Sans doute, monsieur le ministre, était-il difficile dans votre esprit de faire une réforme sans le concours des professionnels de santé, mais il eût été plus courageux de convaincre et de s'appuyer sur une majorité de plus en plus grande d'entre eux qui se rendent compte de l'impasse dans laquelle vous les amenez.
Plutôt que d'avoir cette volonté politique forte, vous vous êtes laissé bercer par la petite musique des partisans de la politique de l'autruche, dont on a d'ailleurs vu, lors des récentes élections régionales, qu'ils étaient loin de représenter la majorité dont ils se revendiquent habituellement.
En fait, vous êtes en train de démontrer encore une fois qu'il est impossible de régler ce problème de manière consensuelle, et vous reportez sur vos successeurs une véritable réforme.
Faute de cela, il existe aujourd'hui un risque de banalisation de la notion de déficit dans l'esprit des assurés sociaux et de leurs représentants, qui finissent par penser que l'existence de déficits persistants des comptes publics ne nuit pas au bon fonctionnement de l'État et de la protection sociale. Espérons que cela ne sera pas une entrave à la mobilisation future des acteurs du monde de la santé lorsque viendra le moment où une véritable politique s'attaquera à la réforme de fond aujourd'hui nécessaire dans nos organismes sociaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de faire sur les orientations budgétaires quelques remarques d'ordre purement financier inspirées par mon expérience de la gestion d'entreprises.
Certes, il est difficile de faire des économies, car cela pose beaucoup de problèmes aux intéressés, mais trouvez-vous normal que l'État emprunte de l'argent pour financer des dépenses de fonctionnement des entreprises privées ? Je ne suis pas contre les aides de l'État aux entreprises privées, mais sous forme d'aides à l'investissement, et non pas d'aides au fonctionnement.
L'aide au fonctionnement est en effet récurrente par nature, c'est-à-dire qu'elle doit être renouvelée chaque année, et il n'y a aucune possibilité de la rembourser puisqu'il n'y a aucune création de richesse en contrepartie, d'où une augmentation permanente de l'endettement et donc de la charge de la dette, ce qui réduit d'autant le montant de nos ressources fiscales.
Certes, la suppression de ces aides ne fera pas plaisir aux entreprises, mais on ne peut pas faire plaisir à tout le monde et ce n'est pas une raison pour emprunter : quand on n'a pas d'argent, on ne le dépense pas et on n'emprunte que pour investir.
M. Jean-Jacques Jégou. Ah oui !
M. Serge Dassault. Les chefs d'entreprise devraient comprendre aussi qu'ils n'ont pas intérêt à voir l'État continuer à s'endetter pour leurs propres entreprises.
La suppression des aides au fonctionnement pourrait être réalisée graduellement, mais encore faudrait-il commencer. M. Pébereau a démontré dans son rapport quel danger il y avait à continuer à s'endetter sans réduire notre déficit. Il faudrait donc commencer à réagir, et ce ne sera pas la gauche qui le fera, car, sans accroître les recettes, elle augmentera encore les dépenses et donc l'endettement.
Quels que soient les avantages - importants, j'en conviens - que constituent ces aides de l'État pour ceux qui en profitent, notre situation financière ne nous permet plus d'en supporter le coût : il faut l'admettre et faire comprendre aux bénéficiaires que nous ne pouvons plus continuer ainsi, car nous n'en avons pas les moyens. Dans une entreprise, quand on n'a pas les moyens de financer un investissement, on ne le fait pas, et on n'emprunte jamais pour payer les dépenses de fonctionnement.
Alors que d'autres pays, comme le Canada, le Royaume-Uni ou le Danemark, ont supprimé leur déficit budgétaire en quelques années en prenant des mesures draconiennes, nous continuons, pour notre part, à dépenser plus que nous ne gagnons.
Messieurs les ministres, permettez-moi de vous rappeler une fois de plus que le financement par l'emprunt des 35 heures et autres dispositifs associés représente chaque année pour l'État plus de 10 milliards d'euros de dettes nouvelles, soit le quart de notre déficit. En supprimant cette charge, nous ramènerions le déficit à 2,2 % du produit intérieur brut, ce qui changerait beaucoup de choses.
Alors, pourquoi continuer à payer cette charge, en s'accrochant à ces 35 heures, qui constituent la plus grave atteinte jamais portée à notre économie,...
M. Dominique Braye. C'est vrai ! C'est courageux de le dire !
M. Serge Dassault. ...aussi bien dans les entreprises que dans l'administration ?
Certes, il est très agréable de travailler moins et de partir davantage en vacances, mais c'est au prix de l'augmentation de nos coûts de production. Or, en conséquence de cette aggravation de nos coûts, nos produits ne se vendent pas bien, car nos concurrents travaillent plus, mieux et pour moins cher, nos entreprises se délocalisent et le chômage augmente.
Alors que l'État n'est plus en mesure de payer les compensations et que la dette de notre pays s'aggrave, quel est l'intérêt de continuer dans cette voie ?
Il faut être raisonnable : les 35 heures sont insupportables à notre économie et à notre budget, et nous sommes les seuls au monde à subir une telle contrainte. Tous les autres pays travaillent plus que le nôtre, pour moins cher, et nous inondent de leurs produits ; nous, nous ne vendons plus rien !
Que l'on garde l'horaire standard à 35 heures, pourquoi pas ? Mais que l'on réduise au moins le montant du coût des heures supplémentaires, entre 36 et 39 heures, de 1,25 à 1,10 !
La mise en oeuvre de cette première proposition permettrait d'alléger d'autant le coût salarial des entreprises, et nombreuses sont celles qui ont besoin d'une main-d'oeuvre travaillant plus de 35 heures. L'État pourrait alors réduire le montant des compensations, et donc réduire son déficit.
Quant aux emplois aidés, quels que soient le nombre des embauches qu'ils entraînent et leur intérêt, ils aggravent aussi le déficit, car, pour les financer, des emprunts sont nécessaires, et j'aimerais d'ailleurs connaître le nombre des emplois aidés créés chaque année dans le cadre du dispositif existant...
Je pense aussi qu'il serait préférable, pour les entreprises et pour les salariés, que l'État transforme ces aides non productives en aides à l'investissement pour favoriser la recherche ainsi que la modernisation des entreprises et de l'outil de travail, notamment dans les PME. Plus efficace que le paiement d'une partie des salaires, une telle réforme provoquerait embauches et production de richesses.
Enfin, un autre dispositif dont on a beaucoup parlé ici et qui concerne le financement de la sécurité sociale serait favorable à la réduction du déficit et à l'emploi.
Financer la sécurité sociale par des charges sur les salaires est un non-sens, car le montant des salaires n'a rien à voir avec la sécurité sociale. Ces charges représentent pour les entreprises 100 milliards d'euros et elles augmentent leurs coûts de production. Il serait donc plus utile de financer autrement la sécurité sociale.
On parle beaucoup de TVA sociale ou de valeur ajoutée, mais je voudrais évoquer - rapidement - une autre solution : l'utilisation d'un coefficient associé au montant du chiffre d'affaires moins la masse salariale.
Il est plus normal d'assujettir une entreprise en fonction de son résultat et de son chiffre d'affaires, c'est-à-dire de son activité, que de son coût du travail : sur le coût du travail, le paiement est immédiat tandis que, sur les résultats, il dépendrait du succès de l'entreprise. Si cela ne marche pas, tant pis !
L'instauration de ce coefficient, que j'appelle le coefficient d'activité, permettrait de diminuer le poids des charges sur les salaires de 30 %, de favoriser l'emploi, de réduire les coûts de production et le montant des aides de l'État à la sécurité sociale.
Elle favoriserait l'emploi, car les entreprises de main-d'oeuvre paieraient moins que les entreprises de services et les importateurs. La sécurité sociale serait financée non plus par les salaires mais par ce coefficient d'activité associé au montant du chiffre d'affaires.
Un tel dispositif favoriserait aussi l'équilibre de la sécurité sociale, car, en augmentant ce coefficient, on pourrait augmenter ses ressources sans que cela coûte quoi que ce soit à l'État.
Voilà quelques idées que je me permets de vous soumettre, messieurs les ministres, et qui, je l'espère - on peut rêver -, seront un jour appliquées pour le plus grand bien de notre budget dont le déficit pourrait ainsi être réduit. Réduire le financement des 35 heures, revoir celui des emplois aidés, adapter le coefficient d'activité pour financer la sécurité sociale, voilà quelques propositions, sans doute trop résumées, que je voulais vous soumettre pour participer à la diminution de notre déficit budgétaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. Dans ce débat d'orientation budgétaire passionnant, de nombreux intervenants se sont exprimés tout au long de la journée, apportant leur part de commentaires, d'explications, d'analyses, en quelque sorte de vérités.
Je veux à mon tour donner quelques éléments de réponse aux questions qui ont été posées, tout en me livrant à des réflexions peut-être plus personnelles sur ces différentes interventions dont je tiens à remercier les auteurs ; en effet, au-delà des différences qui, naturellement, peuvent, ici ou là, nous opposer les uns et les autres, j'y ai trouvé de quoi nourrir utilement les réflexions que je suis appelé à mener d'ici au grand débat qui nous attend à l'automne sur le projet de loi de finances pour 2007.
Monsieur Arthuis, comme toujours, votre intervention a été claire et précise. Je vous sais gré de la précieuse contribution qu'une fois encore la commission des finances apporte au ministre chargé du budget : elle permet au Gouvernement de travailler en bonne intelligence avec la Haute Assemblée, en veillant à ce que les préoccupations de celle-ci soient le mieux possible prises en compte.
Vous avez souligné que nous disposions de deux leviers : la réforme de l'État et la compétitivité de notre système de prélèvements.
S'agissant de la réforme de l'État, les outils existent, de même que la volonté politique. Il nous appartient donc maintenant de la réussir ensemble. Vous aviez encouragé la démarche des audits que j'ai lancée, approbation dont je comprends aussi qu'elle puisse être teintée d'un peu de scepticisme tant qu'elle n'aura pas donné tous ses résultats. Vous reconnaîtrez avec moi que nous avons déjà progressé depuis l'annonce du lancement de ces fameux audits.
Je vous ai promis que nous adosserions l'ensemble de nos programmes d'économie sur les résultats de ces audits : je vous donne donc rendez-vous au mois d'octobre pour en reparler.
En tout état de cause, s'agissant de la mise en oeuvre de la LOLF, vous avez souligné l'importance qui s'attache à la réalisation du bilan d'ouverture de l'État, bilan intéressant et important parce qu'il permet d'analyser plus en profondeur la situation financière de l'État. Nous en avions parlé en commission voilà quelques jours ; je veux dire ici que j'y travaille d'arrache-pied, naturellement en lien avec la Cour des comptes. Nous serons particulièrement vigilants quant à la qualité des informations qui y figureront, et je tiendrai le plus grand compte des observations et recommandations que le Parlement, notamment la Haute Assemblée, voudra bien me faire sur ce sujet.
S'agissant de la compétitivité dans la structure de nos prélèvements obligatoires, nous avons également déjà parcouru un chemin important, notamment grâce à votre appui, avec la réforme fiscale adoptée en 2006 puis avec la réforme de la taxe professionnelle, longuement débattue au Sénat.
Quant au financement de la protection sociale, c'est un chantier de longue haleine. Je sais que la TVA sociale vous tient à coeur ; je me suis attelé à l'étude de ce sujet, qui mérite un débat au sens noble du terme et donc toute notre attention.
Je constate qu'un certain nombre d'orateurs ne sont plus là, et j'en viens donc à ma réponse à M. Othily. Monsieur le sénateur, vous avez, à juste titre, souligné à quel point il était important d'atteindre le solde stabilisant ; cette notion relativement nouvelle dans nos débats, même si elle est régulièrement évoquée, m'a semblé prendre cette fois un tour particulier, à mettre en relation avec les conclusions de la commission Pébereau, avec l'objectif de désendettement et avec la mise en oeuvre de la LOLF.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention vos observations sur ce sujet, car tel est bien notre objectif pour 2007, avec un déficit estimé à 2,5 % du produit intérieur brut, taux un peu différent de celui que vous avez cité, qui correspondait au solde stabilisant pour 2005, alors que, pour 2007, nous estimons que la croissance sera plus élevée. Or, et nous aurons l'occasion d'en reparler, il y a un lien étroit entre ces deux éléments.
Vous avez par ailleurs souligné l'importance qui s'attache à l'écart entre les revenus du travail et ceux de la solidarité. C'est aussi, monsieur le sénateur, l'un de mes chevaux de bataille.
Notre pays ne peut pas continuer à accepter qu'un RMIste perde de l'argent s'il retrouve un travail. Laisser perdurer une telle situation reviendrait à transformer le RMI en une forme de statut alors même que ce ne peut être qu'une voie de passage vers le retour à la vie active.
Je sais que, dans le combat qu'il va nous falloir mener sur ce front, vous serez en première ligne.
Nous devons faire des progrès à l'image de ceux que nous avons déjà accomplis avec la revalorisation de la prime pour l'emploi, laquelle a permis d'établir un véritable écart entre, d'une part, le niveau du SMIC plus prime pour l'emploi et, d'autre part, le niveau du RMI. Certes, ce n'est pas suffisant, mais c'est un premier pas très significatif.
Il n'en reste pas moins que l'allocataire du RMI - comme celui d'ailleurs, exemple que vous avez cité, de l'allocation de parent isolé -, qui bénéficie de la CMU gratuite et de la CMU complémentaire, qui ne paie ni impôts locaux ni redevance audiovisuelle et qui, dans la plupart des cas, se voit assurer par sa collectivité garde d'enfant, cantine et transport scolaire gratuits, perd une bonne partie, voire la totalité de ces avantages au moment où il reprend un travail rémunéré au niveau du SMIC, y compris à temps partiel. Ce n'est pas sain.
Comme nous ne saurions continuer dans ce dispositif, il nous faudra, à l'évidence, avancer dans ce domaine. Sur ce sujet, nous aurons bien sûr à nous inspirer de l'excellent rapport réalisé par MM. de Raincourt et Mercier.
On ne peut pas dire que l'État ne soit pas présent outre-mer, à travers tant les crédits budgétaires provenant de tous les ministères que le dispositif spécifique de défiscalisation. Il y a, par ailleurs un plan de 150 millions d'euros pour la Guyane, et vous souhaitez, je le sais, monsieur Othily, la mise en place d'une zone franche médicale.
Il ne doit pas y avoir de malentendus entre nous sur ce sujet. Je suis tout à fait prêt à étudier cette question avec vous, mais chacun sa compétence. En ma qualité de ministre délégué au budget, je ne suis pas en mesure d'apprécier ce qu'est le contenu d'une zone franche à vocation de santé ou médicale. Pour donner du contenu à ce projet, il faut donc se rencontrer et y travailler à trois, le ministre de la santé, vous, et moi. Je prendrai en charge le volet fiscal et suis naturellement prêt à collaborer activement avec vous.
Monsieur Frécon, que vous est-il arrivé ? Que signifie ce démarrage en trombe, ce reproche que vous m'adressez de faire, au banc du Gouvernement, de la politique ?
Mme Nicole Bricq. De la politique politicienne !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le Sénat ne serait-il plus une assemblée où se tiendraient des débats politiques ?
Voilà qui est bien insolite venant de vous ! Vous fustigez en effet depuis des années, comme d'autres, et à juste titre, la dérive technocratique du débat politique, qui rend ce dernier de plus en plus inaccessible et incompréhensible à force de chiffres et de concepts, alors que les Français attendent du concret et des réflexions sur lesquelles chacun puisse se prononcer.
Ainsi, lorsque c'est le ministre qui parle et qui a le malheur d'aborder la question de manière politique, il aurait tort, et vous, qui ne le feriez jamais, vous auriez raison ? (M. Jean-Claude Frécon fait un signe de dénégation.)
Monsieur Frécon, je ne vois vraiment pas au nom de quoi j'aurais tort, lors d'un débat budgétaire, de chiffrer le projet socialiste, qui n'est autre que la manière de gérer les finances publiques de la France pour le cas où, si jamais un jour, par malheur vu de mon point de vue et par bonheur vu du vôtre, vous arriviez au pouvoir. Comprenez tout de même qu'à quelques mois de la prochaine élection présidentielle le ministre du budget qui présente ses comptes...
Mme Nicole Bricq. De mauvais comptes !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...a quelques raisons d'évoquer, en le chiffrant, le projet socialiste !
Cela dit, et sans vouloir en rajouter dans la politique, vous m'avez quand même tendu la perche ! Il y a, c'est vrai, d'un côté, le projet socialiste, dont j'ai bien compris que votre premier secrétaire avait dit qu'il était le projet de tous les socialistes - sous-entendu, les amendements sont interdits, puisque le projet est adopté -, et, de l'autre côté, des candidats à la candidature qui ne sont absolument pas d'accord avec ce programme. Vous allez me dire que je refais de la politique, mais non, je me contente de regarder les faits !
Alors que Ségolène Royal se dit contre les 35 heures, vous votez, dans votre projet, la généralisation des 35 heures !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas logique !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et alors que Dominique Strauss-Kahn dit ne pas vouloir donner la priorité à la nationalisation d'EDF, renouant enfin avec la cohérence de ses écrits d'il y a cinq ans, vous en faites la priorité absolue de la plate-forme du parti socialiste ! Comme, en plus, vous ne savez pas financer les 11 milliards d'euros, vous allez nous raconter que c'est la Caisse des dépôts et consignations qui, avec tout son argent, tel Picsou avec tous ses billets de banque, va refinancer la nationalisation d'EDF !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si cela pouvait être vrai !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et vous voudriez que je ne le dise pas ici, sous prétexte que ce serait transformer le Sénat en tribune politique ?
Quoi qu'il en soit, je me suis dit que, pour que M. Frécon me reproche de faire de la politique, c'est que lui n'en ferait pas à la tribune ! Et le voilà qui, une fois monté à la tribune, après m'avoir reproché de faire de la politique, en fait trois plus que moi,...
M. Jean-Claude Frécon. Non !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... m'expliquant que, là où moi je faisais de la caricature, lui n'en fait pas ! Et il utilise tout son temps de parole pour nous démontrer que le méchant État, de la méchante droite, de l'UMP prend l'argent aux pauvres collectivités locales - comprendre les collectivités locales socialistes !
M. Jean-Claude Frécon. J'ai exprimé la position de l'Association des maires de France !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Bien sûr que non ! C'est la position de l'Association des régions de France, l'ARF, qui, comme chacun le sait, est totalement apolitique !
M. Jean-Claude Frécon. Je n'en fais pas partie !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Frécon, sur ce sujet, il y aurait beaucoup à dire. Moi, je rêve que l'on dépolitise le débat entre l'État et les collectivités locales, pas au sens noble du terme, mais au sens partisan. Je rêve que l'on puisse faire les comptes une bonne fois pour toutes !
C'est la raison pour laquelle - vous vous en souvenez peut-être - j'avais proposé dans cet hémicycle, puis devant la conférence des finances publiques, que nous mettions tout sur la table, ce que l'État doit aux collectivités locales, mais aussi ce qu'il leur donne.
Vous avez dit tout à l'heure avec une certaine fierté, à laquelle je rends hommage, que les collectivités locales ne sont jamais endettées pour leur fonctionnement. Mais encore heureux, avec tout ce que l'État donne en dotations !
Vous avez dit ensuite qu'il fallait tout mettre à plat et que, sur le contrat de croissance, on aurait pu mieux faire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est déjà pas mal !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Souvenez-vous quand même que, depuis 2002, l'État n'a augmenté à aucun moment sa dépense publique au-delà de l'inflation, honorant, à l'euro près, son contrat de croissance, à hauteur de 3 % en moyenne depuis quatre ans. Ce n'est pas si mal pour un État radin à l'égard des collectivités locales !
Que tout soit parfait, certes loin s'en faut ! D'ailleurs, vous l'avez dit avant moi ! Comme quoi, il est des moments où, finalement, nous nous retrouvons en cette fin de journée !
En effet, dans certains domaines, l'État ne se conduit pas avec suffisamment de clarté à l'égard des collectivités locales. Quand il décide des transferts de compétences, il y a un moment où il faut s'arrêter. Rappelez-vous l'APA, qui n'était pas une bonne idée...
De la même manière, on peut considérer que, sur un certain nombre de sujets, mettre tout à plat, cela veut dire associer les collectivités locales aux décisions qui engagent leurs finances, par exemple dans le domaine de la fonction publique.
Pour ma part, je suis persuadé que, avec un peu de bonne volonté, nous pourrions faire des choses ensemble avant et, surtout, après les prochaines échéances électorales, qui ont tendance à déchaîner les passions : regardez comme vous étiez énervé tout à l'heure à cette tribune...
M. Jean-Claude Frécon. Je n'étais pas énervé !
M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'ai bien vu que tout cela vous avait passionné !
J'ajoute qu'une mission très intéressante a été confiée par le conseil d'orientation des finances publiques à M. Pierre Richard, s'agissant de la possibilité de maîtrise de la dépense publique locale. Sur ce sujet, nous aurons certainement de quoi partager des expériences.
Monsieur du Luart, j'ai reçu cinq sur cinq votre message concernant le budget de la justice. À ce propos, je voudrais vous remercier pour la qualité de votre exposé.
À travers votre démonstration, nous voyons bien qu'il est certainement possible de réaliser des économies de manière intelligente, mais que rien ne serait pire que de vouloir gagner en productivité de manière totalement basique, sans chercher à le faire intelligemment.
Votre articulation magistrats-greffiers illustre bien la distinction à faire entre une économie intelligente et une économie qui ne l'est pas.
Nous parlons avec suffisamment de liberté pour que je puisse vous le dire : je vais de ce pas évoquer cette question avec le ministre de la justice. En effet, il y a certainement des choses intéressantes à mettre en oeuvre, s'agissant tant de l'application de la loi d'orientation pour la justice que, plus généralement, de l'application de la LOLF.
Dans ce domaine compliqué, nous avons bien des difficultés. Je pense, en particulier, aux frais de justice, dont l'évaluation est très difficile en l'absence de crédits évaluatifs. Je me suis d'ailleurs souvent entretenu avec M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général de ces problèmes d'application.
Monsieur Jégou, j'ai écouté avec beaucoup d'attention votre intervention, dont j'ai apprécié la précision, même s'il nous arrive de ne pas toujours être d'accord. Je suis vraiment très attentif à la question du FFIPSA. Comme je vous l'ai dit en d'autres circonstances, nous avons trouvé une première solution sur une partie du stock de dette, puisque nous avons recapitalisé - si j'ose l'expression - à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Cela ne suffit pas. Il faut s'occuper du flux. Je vous associerais bien volontiers à la réflexion de l'automne prochain, car ce sont des sujets sur lesquels nous pouvons avancer d'un même pas de manière constructive à travers les conclusions du groupe de travail présidé par M. Chadelat. J'espère que nous pourrons trouver la meilleure solution possible.
Monsieur Dassault, j'ai écouté votre intervention avec beaucoup d'attention. Sur les différents points que vous avez évoqués et que je connais d'ailleurs, notamment le poids des charges et les conséquences désastreuses des 35 heures sur l'économie, nous nous retrouvons bien souvent.
Monsieur le rapporteur général, je voudrais rendre hommage à la qualité de votre intervention, ainsi qu'à celle de votre rapport, même s'il m'est arrivé de trouver certains de vos propos un peu durs au regard des efforts que nous déployons, les uns et les autres, pour enrayer le processus infernal de ces déficits que nous combattons en vue de maîtriser la dépense publique et pour proposer, à l'occasion de la loi de finances pour 2007, un budget très innovant dans lequel nous pourrons certainement nous retrouver au travers de convictions communes. Au-delà même du fait que nous appartenons à la même formation politique, je perçois dans votre rapport un large consensus pour amorcer le reflux de la dette.
De ce point de vue, c'est vrai, il faut donner des bases solides à cette stratégie. C'est ce que nous faisons. En ramenant le déficit à 2,8 % du PIB en 2006 et en diminuant le ratio de la dette publique de 2 points de PIB dès cette année, nous affichons clairement la couleur.
En diminuant pour la première fois l'année prochaine les dépenses de l'État en volume, nous montrons que la dépense publique peut ne plus être une drogue, que nous sommes capables de la rendre efficace et, en tout cas d'atteindre enfin le solde stabilisant pour la dette en 2007 s'agissant de l'ensemble des administrations publiques.
Vous avez illustré les voies concrètes pour atteindre ces objectifs à l'avenir. Vous retenez une trajectoire un peu différente de la nôtre. Pour autant, nous sommes en phase. Je le sais, l'été et le début de l'automne seront mis à profit pour trouver la bonne formule dans la perspective de la préparation du budget.
J'apporterai une seule nuance peut-être : compte tenu du poids de nos prélèvements obligatoires, il me paraît possible de parvenir au retour à l'équilibre de nos comptes d'ici à 2010 sans recourir à des hausses de prélèvements obligatoires.
Pour cela, il y a une condition : maîtriser la dépense publique. La démarche que nous avons engagée associant la réforme de l'État et celle du budget en lançant ces audits permet d'introduire une nouvelle dynamique au sein de l'État. Désormais, chaque ministère, chaque ministre même, est impliqué sur ces différents sujets.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous dire pour ce qui concerne la partie budgétaire. Naturellement, M. Philippe Bas répondra sur la partie plus directement adossée aux questions relatives à sa sphère ministérielle des dépenses sociales.
Sachez en tout cas que je souhaite tirer le meilleur profit de ce débat. J'entends bien, à l'occasion de la préparation du projet de loi de finances, avoir à nouveau avec vous des échanges aussi libres et directs que possible pour faire ainsi avancer les choses. Ce sera naturellement pour nous une opportunité de progresser au service de l'intérêt général et de tous les Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai moi aussi assisté à vos débats de ce jour avec beaucoup d'intérêt. Chacune des interventions était circonstanciée, mûrement réfléchie et fondée sur une expérience approfondie de ces questions financières, concernant tant le budget de l'État que nos finances sociales.
C'est la deuxième fois en six mois que nous avons un débat au Sénat - votre assemblée a pris, à cet égard, un peu d'avance sur l'Assemblée nationale -, débat qui nous permet de discuter, avec une vision d'ensemble, de questions intéressant les finances publiques au sens large, c'est-à-dire non seulement celles de l'État, mais aussi celles des collectivités locales et les finances sociales, dont le volume est le plus important de toutes les institutions ayant un impact fort sur les transferts financiers dans notre pays.
Les finances sociales, dont les déficits sont aujourd'hui d'un montant équivalent au cinquième du déficit de l'État alors que les finances de la sécurité sociale représentent pratiquement 1,5 fois le budget de l'État, se trouvent aujourd'hui sur le chemin d'un redressement accéléré.
Comme vous l'a rappelé M. Xavier Bertrand ce matin, nous étions partis, avant la réforme de l'assurance maladie, sur une tendance de déficit à hauteur de 16 milliards d'euros fin 2005. Or nous avons en réalité limité le déficit à 8 milliards d'euros.
Pour la première fois depuis 1997 - et je le redis à M. Jégou qui le contestait tout à l'heure -, l'objectif a été scrupuleusement tenu. C'est, en réalité, du point de vue de notre capacité de redressement des comptes, un résultat totalement appréciable qui se poursuit en 2006. D'ailleurs, les résultats des premiers mois de l'année que vient de publier l'assurance maladie sont très positifs, notamment quant à la prescription de médicaments, qui accuse une très forte décélération par rapport à l'année dernière pour les cinq premiers mois de l'année. Nous sommes donc sur la bonne voie.
Évidemment, si l'on tient compte des évolutions de nos finances publiques à moyen terme, il faut avoir conscience que, compte tenu du vieillissement de la population, les besoins de santé comme la nécessité de prendre en charge les personnes âgées dépendantes vont augmenter chaque année, ce qui, bien sûr, doit nous inciter non seulement à une gestion beaucoup plus maîtrisée de la sécurité sociale, mais aussi à une réflexion sur les ressources de cette dernière.
À cet égard, je dois dire tout l'intérêt que porte le Gouvernement - M. Jean-François Copé vient d'ailleurs de s'en faire l'écho - aux propositions que le président et le rapporteur général de la commission des finances ont, avec beaucoup de persévérance et d'opiniâtreté, formulées sur la TVA sociale.
La TVA sociale constitue, en effet, une piste de réflexion pour le Gouvernement en vue de la réforme du financement de la part patronale de la protection sociale ; nous nous devons d'évoluer vers la recherche de recettes dont le dynamisme ira à la rencontre de celui de la dépense, pour autant que celle-ci soit justifiée par des raisons strictement médicales, et alors qu'elle progressera, compte tenu, je le répète, du vieillissement de la population.
M. Serge Dassault a également apporté sa contribution au débat en évoquant le coefficient emploi activité, qui fait naturellement partie, lui aussi, des pistes que nous étudions de manière approfondie en liaison avec le Conseil d'orientation pour l'emploi et le Conseil d'analyse économique.
Je voudrais également répondre à MM. Vanlerenberghe et Jégou, dont je ne partage pas l'analyse selon laquelle la réforme de l'assurance maladie aurait fait l'impasse sur les établissements de santé. Cela n'est pas le cas, je tiens à le dire solennellement.
Nous avons, dans ce domaine, engagé des réformes structurelles de grande ampleur. Le plan Hôpital 2007, la tarification à l'activité et la réforme de la gouvernance représentent en effet des chantiers d'envergure qu'il nous faut conduire dans un esprit de responsabilité impliquant une progressivité dans leur mise en oeuvre.
Quant à la montée en charge de la tarification à l'activité ainsi que la convergence entre les établissements de santé publics et privés, M. Xavier Bertrand a eu l'occasion de rappeler que nous préférons une convergence réussie à une convergence précipitée. C'est la raison pour laquelle nous avons engagé des travaux destinés à mesurer de manière très précise les charges spécifiques qui pèsent sur le service public hospitalier.
En ce qui concerne les missions d'intérêt général, nous avons également engagé des travaux importants pour définir très exactement leur périmètre, car nous ne voulons pas agir à l'aveugle, dans l'improvisation et la précipitation. Notre objectif, là aussi, est de mesurer très précisément les coûts afin de faire en sorte que, pour des missions d'intérêt général équivalentes, les établissements reçoivent les mêmes financements.
Bien sûr, comme vous l'avez dit, il existe des marges d'économie et de rationalisation. Nous en sommes conscients et nous les explorons en vue de leur exploitation. En effet, le plan de redressement de l'assurance maladie nécessite de la part des établissements d'importants efforts de rationalisation dans le domaine des achats, ce qui représente plusieurs centaines de millions d'euros, ainsi qu'en matière de gestion interne.
Monsieur Jégou, vous avez exprimé des doutes sur les résultats de la réforme de l'assurance maladie. À cet égard, je vous renverrai simplement aux chiffres : l'approbation de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie était, en 2003, de 6,4 %, contre 4,9 %, en 2004 et 3,9 %, en 2005, avec, pour la première fois depuis 1997, le respect de cet objectif fin 2005. Dès lors, s'il ne s'agit pas là d'une inflexion des dépenses, de quoi s'agit-il donc ?
Nous sommes ici en présence d'une forte inflexion du rythme des dépenses et de leur progression annuelle.
Quant aux seuls soins de ville, cette inflexion est encore plus significative : 7 % de hausse en 2002 et en 2003, 4,3 % en 2004 et 3,1 % en 2005, soit une diminution de plus de 50 % depuis le début du quinquennat.
Tels sont les résultats, tels sont les chiffres, qui se passent de commentaires ! Pour ce qui est des médicaments, nous poursuivrons dans cette voie, comme vous le souhaitez, monsieur Jégou.
Je voudrais en cet instant insister sur les résultats encourageants que nous constatons en ce début d'année 2006 concernant les médicaments génériques dont la progression, en six mois, a été tout à fait spectaculaire. En effet, la part des génériques dans l'ensemble de la distribution atteint aujourd'hui 67,3 % du marché des médicaments, alors que, à la fin de 2005, cette proportion n'était que de 61,4 %. Admettez qu'il s'agit là d'une progression très rapide qu'il convient de reconnaître objectivement.
Je voudrais maintenant répondre à M. Bernard Cazeau, qui s'est montré anxieux à l'idée du précipice qu'il redoute de voir s'ouvrir sous ses pieds.
Or, si cette anxiété est aussi forte que vous le dites, monsieur Cazeau, pourquoi soutenez-vous avec vos collègues du groupe socialiste, et avec le parti socialiste, des propositions consistant à accélérer - à « précipiter le précipice », si j'ose dire ! - en supprimant la réforme des retraites, en augmentant la CSG, en mettant fin à la journée de solidarité et, ce faisant, en cassant la croissance par l'augmentation des prélèvements obligatoires ? Ce sont toujours les mêmes recettes qui vous viennent à l'esprit, comme elles sont venues à l'esprit de M. Fischer.
Je voudrais vous faire remarquer, monsieur Cazeau, ainsi que je l'ai dit à M. Jégou tout à l'heure, que nous disposons aujourd'hui de résultats qu'il serait vain de contester, puisqu'ils sont contenus dans les chiffres mêmes. Or ce n'est pas moi qui établis ces derniers et qui fais les additions ! C'est l'oeuvre de la Cour des comptes et de la commission des comptes de la sécurité sociale. J'ajoute que ces chiffres sont à votre disposition, comme ils sont à la disposition de tous les citoyens français.
Certes, vous avez raison de souligner qu'il faut se donner des marges de manoeuvre pour la prise en charge de nouveaux médicaments. Le fait de retirer d'une liste certains médicaments dont les mérites ne sont pas aussi grands que ceux de nouveaux médicaments inscrits sur la même liste a pour objet de soigner toujours mieux et de rendre le progrès médical accessible à tous nos concitoyens, au fur et à mesure de l'apparition de nouveaux médicaments.
Sachez, par exemple, que, l'an dernier, plus de deux cents nouveaux médicaments ont obtenu une autorisation de mise sur le marché. Nous avons donc affaire à une sorte de respiration de notre pharmacopée donnant lieu à remboursement. D'ailleurs, je suis sûr qu'au fond de vous-même, monsieur Cazeau, vous qui avez exercé cette noble profession de médecin, vous ne sauriez nier l'intérêt d'incorporer sans cesse de nouveaux médicaments, quitte, effectivement, à rayer des listes ceux qui se révéleraient moins efficaces.
Nous assumons pleinement cette politique, car il en va de la santé de nos compatriotes.
S'agissant des branches vieillesse et famille, je comprends que le réel succès rencontré par les départs en retraite anticipée vous irrite. En effet, pendant cinq ans, le gouvernement que vous souteniez refusait, année après année, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, de prendre cette mesure. Soit dit en passant, il pouvait difficilement agir autrement, tant il est vrai qu'il refusait également, avec tout autant d'obstination, de s'atteler à la réforme des retraites qui était pourtant si nécessaire et que nous avons eu la responsabilité de mettre en oeuvre. Sans cette réforme, en effet, aucun droit à la retraite anticipée n'aurait été possible.
Il faudra d'ailleurs nous expliquer, pour le cas où, par malheur, le parti auquel vous appartenez reviendrait au pouvoir et supprimerait la réforme des retraites, ce que deviendraient alors ces malheureux Français qui ont commencé à travailler à quatorze, quinze ou seize ans et à qui nous avons permis - nous, pas vous ! - de partir en retraite anticipée.
Telles sont les réponses que je souhaitais apporter aux orateurs qui se sont exprimés à la tribune tout au long d'un débat dont je veux, une nouvelle fois, saluer la richesse et l'intérêt et qui sera naturellement appelé à se renouveler au cours des mois qui viennent, puisque c'est déjà le deuxième débat organisé sur ce sujet au Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 438 et distribuée.
8
Nomination d'un membre d'UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE
M. le président. Je rappelle que la commission des finances a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Henri Torre membre du conseil d'administration de l'Établissement public de réalisation de défaisance.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
9
Cour des comptes
Adoption définitive d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes (nos 398, 410).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord féliciter chaleureusement M. Bernard Saugey, rapporteur de ce projet de loi, pour le travail précieux qu'il a accompli afin d'enrichir et de faire aboutir ce texte attendu depuis longtemps. Je suis particulièrement heureux de pouvoir en discuter avec lui.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez également de saluer M. le président de la commission des lois.
Comme vous le savez, ce projet de loi tend à reconnaître la place de plus en plus essentielle qu'occupe la Cour des comptes dans notre paysage institutionnel, eu égard à l'importance des enjeux liés à la maîtrise technique de nos finances publiques.
Cette place a été largement confortée par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Celle-ci dispose que la juridiction financière se trouve désormais chargée d'apprécier la performance des acteurs publics et qu'à partir de l'an prochain il lui appartiendra de certifier les comptes de l'État.
La Cour des comptes doit donc bénéficier d'une organisation et d'un fonctionnement toujours plus adaptés à ses missions. Tel est l'objet de ce projet de loi.
Avant d'en venir à une rapide description du dispositif, je souhaiterais insister sur quelques éléments.
Tout d'abord, ce texte répond à un engagement pris par le Gouvernement devant les parlementaires en 2001. Au moment de l'examen du projet de loi portant réforme du statut des magistrats des chambres régionales des comptes, le Gouvernement avait promis de préparer un projet de texte instituant un régime disciplinaire pour les magistrats de la Cour des comptes.
Par la suite, il est apparu nécessaire de mettre en chantier un projet de loi qui dépasse la seule question disciplinaire.
D'emblée, il fut entendu que tous les droits et les garanties s'appliquant aux magistrats de la Cour devaient leur être propres et s'ajouter aux principes de gestion internes à la juridiction ainsi qu'aux dispositions du statut général de la fonction publique.
Sur ce dernier point, un article du projet de loi pose le principe selon lequel le statut des membres de la Cour des comptes est régi par le code des juridictions financières ainsi que, pour autant qu'elles ne sont pas contraires à ce dernier, par les dispositions statutaires de la fonction publique de l'État.
Ensuite, ce projet de loi, et surtout les dispositions réglementaires qui le compléteront, devrait conforter la place des juridictions financières au sein des institutions, c'est-à-dire réaffirmer leur indépendance. Cette dernière est indissociable de l'autonomie qui leur a été conférée en matière budgétaire à l'égard du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie par la création de la mission « Conseil et contrôle de l'État ». Celle-ci regroupe, notamment, le programme Cour des comptes et autres juridictions financières, qui est rattaché au Premier ministre.
Enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne suis pas sans savoir que certains d'entre vous se sont interrogés sur l'absence dans ce projet de loi de dispositions relatives aux incompatibilités touchant les magistrats de la Cour des comptes, alors même que des règles précises et rigoureuses sont prévues dans le code des juridictions financières pour les magistrats des chambres régionales des comptes.
À cela, je souhaiterais d'abord répondre que l'analogie entre la situation des magistrats de la Cour et celle des conseillers des chambres régionales paraît excessive. En effet, l'application des incompatibilités touchant ces derniers se limite au ressort de leur juridiction d'affectation, et non à l'ensemble du territoire national, contrairement à ce qui se passerait si de telles règles se trouvaient appliquées aux magistrats de la Cour des comptes.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Tout à fait !
M. Henri Cuq, ministre délégué. Surtout, la juridiction financière veille scrupuleusement au respect des règles déontologiques par les magistrats de la Cour des comptes, pour éviter toute situation préjudiciable à l'image de l'institution.
En effet, la juridiction financière est tellement attachée à ces règles qu'une réflexion est actuellement en cours, qui vise à préciser les comportements que l'on est en droit d'attendre d'un magistrat, afin qu'en aucun cas celui-ci ne puisse être suspecté de manquer à son serment.
Par ailleurs - j'y reviendrai ultérieurement - le Gouvernement a accueilli très favorablement un amendement de l'Assemblée nationale qui tendait à étendre aux magistrats de la Cour des comptes les règles relatives au devoir de réserve prévues pour les membres du Conseil d'État.
Mesdames, messieurs les sénateurs, venons-en à présent à l'économie générale du projet de loi. Un régime disciplinaire est institué. Outre des règles précises en matière de procédure et de suspension de fonctions en cas de faute grave, le dispositif qui vous est proposé prévoit que les sanctions seront prononcées par l'autorité de nomination, c'est-à-dire par le Président de la République, conformément aux propositions du conseil supérieur de la Cour des comptes.
En effet, l'instance représentative des membres de la Cour des comptes devient un conseil supérieur présidé par le Premier président de cette institution et qui comprend, à l'instar des autres conseils supérieurs, des personnalités qualifiées nommées par le Président de la République, le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale, en sus des membres de droit et des représentants élus des magistrats.
Cette nouvelle instance se substitue à l'actuelle commission consultative et reprend l'ensemble des attributions de cette dernière.
Le projet de loi vise également à modifier un certain nombre de dispositions statutaires, afin de préciser les règles de nomination et d'avancement de grade des magistrats de la Cour des comptes et d'améliorer leur carrière indiciaire.
S'agissant des nominations des conseillers maîtres recrutés par la voie du tour extérieur, le texte prévoit d'aligner les règles qui régissent la Cour des comptes sur celles qui sont en vigueur au Conseil d'État, en supprimant la condition de durée de services publics, tout en conservant l'âge de nomination à quarante ans.
Par ailleurs, les conditions de recrutement des conseillers maîtres en service extraordinaire sont modifiées : la durée de leurs fonctions passe de quatre à cinq ans et leur nombre est porté de dix à douze, afin de maintenir le rythme de leur renouvellement. La définition de leur fonction est modifiée, pour élargir le vivier des personnes susceptibles d'être nommées.
Enfin, un débouché spécifique est prévu dans le corps des magistrats de la Cour des comptes, au profit des rapporteurs extérieurs à temps plein ayant exercé leurs fonctions au sein de l'institution pendant au moins trois années.
S'agissant de l'avancement de grade, le projet de loi officialise la règle selon laquelle le Premier président propose les promotions internes et présente une liste de trois conseillers maîtres en vue de la nomination d'un président de chambre.
Par ailleurs, l'avancement au grade de conseiller maître est subordonné à l'accomplissement d'une durée de service qui doit être de douze ans en qualité de conseiller référendaire ou de dix-sept ans en tant que magistrat de la Cour des comptes.
S'agissant de l'amélioration de la carrière indiciaire, le projet de loi prévoit de fusionner les deux classes existantes en un seul grade de conseiller référendaire, afin d'assurer, notamment, une carrière indiciaire plus linéaire aux magistrats. L'essentiel des dispositions relatives à cette fusion seront édictées par voie réglementaire.
Au cours de sa séance du 13 juin dernier, l'Assemblée nationale a apporté des modifications et des précisions importantes à ce projet de loi. Le Gouvernement les a approuvées ou s'en est remis à la sagesse des députés.
Je souhaiterais citer deux de ces modifications qui me paraissent de nature à faire évoluer notablement ce texte.
Tout d'abord, le tour extérieur réservé aux hauts fonctionnaires des finances pour l'accès au grade de conseiller maître est supprimé.
Un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale tendait à banaliser ce tour extérieur, afin de tirer toutes les conséquences de l'autonomie de la Cour des comptes à l'égard du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Le Gouvernement a fait observer qu'il semblait prématuré d'isoler cette question alors même que s'engage, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, une vaste réflexion sur l'accès aux grands corps de l'État et que, partant, la réforme de cette disposition risquait de modifier l'équilibre actuel.
Néanmoins, le Gouvernement s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée, qui a voté cet important amendement.
Une seconde évolution notable a été introduite par un amendement visant à étendre aux magistrats de la Cour des comptes les règles relatives au devoir de réserve prévues pour les membres du Conseil d'État. Celles-ci disposent qu'un magistrat ne peut se prévaloir, à l'appui d'une activité politique, de son appartenance à une juridiction et qu'il doit s'abstenir de toute manifestation de nature politique incompatible avec la réserve que lui imposent ses fonctions.
Cet amendement, auquel le Gouvernement était tout à fait favorable, en particulier pour les raisons d'ordre déontologique que j'évoquais tout à l'heure, a également été adopté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont, rapidement présentés, les enjeux, les objectifs et les dispositions du projet de loi qui vous est proposé aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Saugey, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons vise à moderniser le statut des membres de la Cour des comptes, afin de conforter les principes qui en découlent.
Il poursuit principalement trois objectifs : améliorer le déroulement de la carrière des magistrats de la Cour, ouvrir leur recrutement vers l'extérieur, enfin instituer pour eux un régime disciplinaire efficace.
Je dois dire d'ailleurs que nous avons très efficacement travaillé en amont avec M. Etienne Blanc, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale.
Cette réforme, technique et absolument pas politique, concrétise un engagement ancien, pris devant le Parlement par Mme Florence Parly, alors secrétaire d'État au budget. En 2001, celle-ci avait promis de rénover le régime disciplinaire des magistrats de la Cour des comptes. Cette réforme était donc très attendue.
Le présent projet de loi tend à réduire les disparités entre le régime des magistrats de la Cour des comptes, d'une part, et celui des magistrats de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif, d'autre part.
En outre, dans le contexte actuel de la mise en oeuvre de la LOLF, ce projet de loi semble particulièrement nécessaire.
D'une part, il apportera sans doute à la Cour des comptes la souplesse nécessaire. En effet, la gestion des ressources humaines de cette institution doit désormais s'adapter à l'objectif de recherche de la performance prévue par la LOLF.
D'autre part, il permettra à la Cour de diversifier encore plus les personnels sur lesquels elle s'appuie, afin d'assumer au mieux les missions nouvelles qui lui ont été confiées par la loi organique du 1er août 2001.
Après avoir présenté les principales caractéristiques du statut des membres de la Cour des comptes et exposé les raisons qui justifient une nécessaire modernisation des règles qui leur sont applicables, je présenterai les grandes lignes du projet de loi, puis la position de la commission.
Actuellement, les effectifs en poste à la Cour des comptes s'élèvent à environ 600 personnes, dont près de 250 assurent des tâches de gestion et près de 350 participent aux activités de contrôle.
Les magistrats de la Cour des comptes, au nombre de 211 au 1er juin 2006, représentent un peu plus de la moitié des personnels en activité dans cette institution. Répartis dans les sept chambres de la Cour par le Premier président, ils constituent un corps ancien et hiérarchisé, doté d'un statut original empruntant ses caractéristiques à la fois à l'ordre administratif et à l'ordre judiciaire.
La loi du 16 septembre 1807 relative à l'organisation de la Cour des comptes, complétée par le décret impérial d'application du 28 septembre de la même année, consacre l'existence des membres de la Cour et leur reconnaît les attributs qui s'attachent à leurs fonctions, à savoir la qualité de magistrat et son corollaire, l'inamovibilité, ainsi que l'obligation de prêter serment avant d'entrer en fonctions.
Les magistrats de la Cour des comptes, comme les autres magistrats de l'ordre administratif, mais à la différence des magistrats judiciaires, sont soumis au statut de la fonction publique d'État.
À l'instar du système en vigueur au Conseil d'État, chaque grade de la Cour des comptes est accessible non seulement à des membres recrutés à la Cour des comptes au début de leur carrière par le « tour intérieur », c'est-à-dire en tant que jeunes auditeurs à la sortie de l'ENA, mais aussi à de hauts fonctionnaires extérieurs à la Cour, justifiant de plusieurs années d'ancienneté de services publics.
Ce principe vaut donc pour tous les grades, à trois exceptions près : la nomination du Premier président, laissée à la discrétion du gouvernement, n'est subordonnée à aucune règle ; les présidents de chambre, également nommés à la discrétion du gouvernement, doivent être exclusivement désignés parmi des magistrats issus de la Cour des comptes, conseillers maîtres depuis au moins trois ans ; enfin, les cinq ou six postes d'auditeur de deuxième classe ouverts chaque année sont exclusivement pourvus par les anciens élèves de l'ENA.
L'avancement des magistrats anciens auditeurs de deuxième classe recrutés au tour intérieur, donc à la sortie de l'ENA, est décidé par le Premier président de la Cour des comptes, chargé de proposer les nominations. Celui-ci se fonde sur l'ancienneté pour l'accès aux grades d'auditeur de première classe et de conseiller référendaire de deuxième et de première classes, le critère du choix entrant parfois en ligne de compte, notamment pour retarder certaines promotions. En revanche, le mérite constitue le critère essentiel pour le passage au grade de conseiller maître. L'accès au grade supérieur suppose toutefois d'être inscrit au tableau d'avancement, ce qui implique d'avoir une certaine ancienneté dans chaque grade. Toutes ces règles coutumières ne sont pas codifiées.
Plusieurs autres voies parallèles d'accès à la Cour des comptes existent et offrent une véritable « respiration » au corps des magistrats, en permettant un recrutement de profils variés.
Ainsi, les nominations au tour extérieur, qui interviennent à la discrétion du gouvernement, dans la limite du quota prévu par le législateur et dans le respect des conditions légales d'âge et d'activité, constituent un premier moyen de diversifier les compétences au service de la Cour.
L'appartenance au corps des magistrats de la Cour des comptes n'implique pas forcément de consacrer toute sa carrière au sein de cette institution. En effet, une proportion élevée de magistrats, près de 40%, surtout des conseillers référendaires et, à un degré moindre, des conseillers maîtres, exercent des fonctions dans d'autres organes ou administrations grâce aux multiples positions statutaires qui leur sont offertes.
M. Jacques Mahéas. C'est beaucoup trop !
M. Bernard Saugey, rapporteur. Cette situation n'est pas sans perturber la perception des citoyens sur le rôle de la Cour des comptes et sur ses liens avec le pouvoir exécutif.
M. Jacques Mahéas. Exact !
M. Bernard Saugey, rapporteur. Aux côtés des magistrats de la Cour des comptes, des fonctionnaires peuvent également exercer, à titre temporaire, certaines fonctions au sein de cette institution. Actuellement, leur nombre s'élève à 72, répartis inégalement sous deux statuts différents : 10 sont des conseillers maîtres en service extraordinaire, ou CMSE, et 62 des rapporteurs extérieurs.
Créé en 1976, l'accès aux fonctions de CMSE est soumis à une unique condition d'activité : soit être fonctionnaire issu d'un corps de contrôle d'un ministère exerçant la tutelle des entreprises publiques ; soit exercer ou avoir exercé des responsabilités dans les fonctions de tutelle ou de gestion des entreprises publiques. Il s'agit donc de professionnels de haut niveau, en pratique toujours issus de la fonction publique. Les CMSE sont nommés par décret pris en conseil des ministres, après avis officieux du Premier président, pour une durée de quatre ans non renouvelable. La Cour des comptes en compte donc actuellement dix, conformément au plafond fixé par le législateur.
La Cour des comptes assume une double mission juridictionnelle, en tant que juridiction du premier degré à l'égard des comptables publics et en tant qu'instance d'appel des jugements des chambres régionales des comptes depuis 1982.
D'une part, elle juge les comptes des comptables publics. Cette compétence d'ordre public est aussi applicable à toute personne intervenue irrégulièrement dans le maniement des fonds publics : c'est la situation de comptable de fait. Toutefois, la Cour ne vérifie pas tous les comptes.
D'autre part, elle est l'instance d'appel des jugements définitifs des chambres régionales des comptes. En effet, depuis la loi du 2 mars 1982 et la création des chambres régionales des comptes, qui sont aujourd'hui au nombre de 26, ces dernières sont compétentes en premier ressort pour le jugement des comptes des collectivités territoriales et ceux de leurs établissements publics.
La Cour a été également amenée à développer son activité de contrôle de la gestion des deniers publics, au service de la transparence démocratique.
Le champ de contrôle de l'institution n'a cessé de croître. Elle a désormais compétence pour contrôler obligatoirement l'État, les établissements publics nationaux, les organismes de sécurité sociale, depuis cinquante-six ans maintenant, et les entreprises publiques, depuis 1976.
Elle peut en outre contrôler deux types d'organismes de droit privé : d'une part, ceux dont la majorité des voix, du capital ou des deux est détenue par des structures soumises obligatoirement au contrôle de la Cour ou dans lesquels ces mêmes structures ont un pouvoir prépondérant de décision ou de gestion ; d'autre part, les bénéficiaires de fonds publics tels que les associations.
La Cour des comptes a connu récemment un autre changement important : l'acquisition de son autonomie budgétaire. Dans le cadre de la réflexion sur l'adaptation de la nomenclature budgétaire aux exigences de la LOLF, le Premier président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin, a exprimé son souhait de mettre fin à la dépendance étroite de la Cour à l'égard du ministère chargé des finances.
En effet, appelée à certifier les comptes et à évaluer les performances de l'État, la Cour des comptes ne pouvait plus rester dépendante du ministère responsable de la tenue des comptes publics, car le certificateur ne doit pas voir ses moyens dépendre du certifié.
Forte de son autonomie de gestion, la Cour des comptes doit maintenant, comme me l'a indiqué son secrétaire général, faire vivre le principe d'autonomie dans son organisation et son fonctionnement. Cet objectif doit se traduire, d'abord, par la mise en place d'un contrôle de gestion en son sein. Il implique, ensuite, l'adaptation de certaines procédures pour mettre fin aux interventions du ministre des finances dans les choix de la Cour, mais il suppose surtout l'actualisation du régime de responsabilité des magistrats de la Cour. En effet, la responsabilisation accrue de ces derniers est la contrepartie légitime de l'autonomie.
Par ailleurs, le projet de loi tend à accentuer le mouvement d'ouverture du recrutement des magistrats, amorcé depuis plusieurs décennies.
Tout d'abord, l'article 5 élargit le vivier des personnes extérieures à la Cour des comptes éligibles pour l'accès au grade de conseiller maître.
L'accès à la maîtrise par la voie du tour extérieur est étendu à de nouveaux candidats. D'une part, la condition actuelle d'activité, soit quinze ans de services publics effectifs, est supprimée, seule une condition d'âge, fixée à quarante ans, subsistant. D'autre part, sur l'initiative de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé le quota de postes réservés à l'administration supérieure des finances à l'intérieur du plafond de postes offerts au tour extérieur, quota qui était maintenu dans le projet de loi initial.
La condition d'activité prévue pour l'intégration à la Cour des comptes des présidents de section des chambres régionales des comptes est désormais moins rigoureuse. Il était initialement proposé de faire référence aux « années de services accomplis dans les juridictions financières ». Les députés, sur la proposition de leur commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, ont préféré faire plus largement référence aux « années de services publics effectifs ».
Ensuite, l'article 8 crée une voie d'accès privilégiée au « référendariat », au bénéfice des rapporteurs extérieurs en fonction à la Cour des comptes à temps plein depuis au moins trois ans. L'Assemblée nationale, toujours sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, estimant le nombre de candidats éligibles trop faible, a étendu ce dispositif aux magistrats ayant exercé les fonctions de rapporteur extérieur à temps plein pendant au moins trois ans.
En outre, l'article 9 clarifie la procédure applicable aux candidats qui accèdent à la maîtrise ou au référendariat par la voie du tour extérieur. Il est mentionné expressément que ces nominations ne peuvent être prononcées qu'après un avis préalable du Premier président, dont le contenu est également bien précisé. Une telle disposition, déjà en vigueur dans la pratique, tend à garantir la qualité des recrutements au tour extérieur et l'adhésion de la Cour des comptes aux profils des candidats proposés par le gouvernement.
L'article 1er assouplit le statut des conseillers maîtres en service extraordinaire, en élargissant les critères de sélection pour l'accès à cette fonction. Le projet de loi initial prévoyait d'ouvrir le recrutement aux candidats non fonctionnaires exerçant des fonctions d'encadrement supérieur au sein de l'État ou d'organismes publics soumis au contrôle des juridictions financières. L'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté une rédaction plus ambitieuse, en visant les responsables de tous les organismes soumis au contrôle des juridictions financières, publics ou privés. Dans la même logique, elle a supprimé l'obligation en vigueur pour les fonctionnaires issus des corps de contrôle des ministères d'exercer ou d'avoir exercé la tutelle d'une entreprise publique.
De plus, l'article 19 allonge d'un an la durée d'exercice des fonctions, qui reste non renouvelable mais est désormais portée à cinq ans ; cette mesure sera applicable à tous les CMSE, y compris ceux qui auront été nommés avant l'entrée en vigueur du présent texte.
Enfin, le nombre de postes offerts aux CMSE est augmenté, passant de dix à douze.
Les articles 3 et 17 regroupent sous un chapitre distinct, au sein des dispositions statutaires, les règles en vigueur relatives à l'inamovibilité des magistrats et au serment. Le droit actuel régissant la procédure applicable en matière de serment est ainsi simplifié, l'obligation de prêter serment étant limitée à une seule fois, avant l'entrée en fonctions.
En outre, l'article 3 inscrit dans ce même chapitre le principe, déjà consacré par la pratique, de la soumission des magistrats au statut de la fonction publique d'État.
L'article 2 prévoit de moderniser le statut de la commission consultative de la Cour des comptes, qui serait renommée « conseil supérieur de la Cour des comptes ».
Sans modifier ses attributions, qui demeurent strictement consultatives, sauf en matière disciplinaire, il est proposé, d'une part, d'ouvrir sa composition à trois personnalités extérieures à la Cour des comptes, nommées par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, et, d'autre part, de supprimer le principe de supériorité hiérarchique lorsque la commission rend un avis sur les mesures individuelles concernant la situation ou l'avancement d'un magistrat. Cette disposition permettra une gestion plus concertée du corps des magistrats.
Les articles 5, 6 et 7 harmonisent les conditions d'avancement des conseillers référendaires au grade de conseiller maître sur celles qui sont en vigueur pour les maîtres des requêtes au Conseil d'État.
L'accès à la maîtrise des conseillers référendaires est ainsi subordonné, non plus à la détention du grade de conseiller référendaire de première classe, mais à une condition plus simple d'ancienneté : douze ans au moins de services comme magistrat de la Cour des comptes dans le grade de conseiller référendaire ou dix-sept ans comme magistrat de la Cour des comptes.
En parallèle, dans les articles 5, 6, 7 et 8, les deux classes au sein du référendariat sont supprimées. Un grade unique de conseiller référendaire est institué, nécessitant de nombreuses coordinations dans le code des juridictions financières.
Afin d'ouvrir la possibilité de sanctionner les magistrats fautifs, tout en garantissant les droits des magistrats mis en cause, l'article 10 instaure une procédure disciplinaire moderne et adaptée aux besoins du corps. La nouvelle procédure présente trois caractéristiques principales.
Premièrement, tout magistrat qui commet une faute dans l'exercice de ses fonctions ou qui manque aux devoirs exprimés dans son serment pourra subir une sanction disciplinaire.
Deuxièmement, la décision de sanction relèvera, en principe, de l'autorité investie du pouvoir de nomination, sur proposition du conseil supérieur de la Cour des comptes, les sanctions les plus faibles pouvant être prononcées par le Premier président de la Cour, après avis du conseil supérieur.
Troisièmement, l'échelle des sanctions prévues sera actualisée et la suspension immédiate d'un magistrat ayant commis une faute grave pourra être décidée en urgence.
Je tiens à souligner que le présent projet de loi ne constitue qu'une première étape pour la Cour des comptes, compte tenu des nouveaux chantiers de réflexion qui s'ouvrent actuellement.
On peut, à cet égard, souligner les conséquences pour l'organisation et le fonctionnement de la Cour de l'arrêt Martinié du 12 avril 2006 de la Cour européenne des droits de l'homme. Un groupe de travail, au sein de la Cour des comptes, réfléchit actuellement à une réforme législative et réglementaire permettant de répondre aux critiques de la Cour européenne.
Mes chers collègues, la commission des lois, ayant le souci de permettre à la Cour des comptes de moderniser sa politique de gestion des ressources humaines dans les plus brefs délais, vous propose d'adopter conforme le présent projet de loi.
Monsieur le ministre, j'appelle l'attention du Gouvernement sur la nécessité de publier rapidement le décret d'application de la présente réforme. Je me réjouis d'ailleurs que l'avant-projet m'ait été transmis, ce qui démontre la volonté du Gouvernement de mettre en oeuvre cette réforme rapidement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes, qui nous est soumis, ne présente pas de bouleversement spectaculaire et revêt un caractère avant tout technique.
Il s'inspire pour une grande part, et sans grande surprise, du statut des magistrats du Conseil d'État concernant les dispositions relatives au recrutement et au déroulement de la carrière de ses membres. Il dote la Cour des comptes d'un conseil supérieur, véritable instance consultative compétente pour toutes les questions relatives à l'organisation de la juridiction et à la situation individuelle des magistrats. Cette dernière mesure est nécessaire dans un État de droit. Elle était attendue depuis 2001, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur.
Depuis 1834, sous la Monarchie de Juillet, les travaux de la Cour des comptes ne sont plus réservés au secret des rois ou des empereurs. Ils sont publics car, comme le disait Montesquieu, « il n'est pas indifférent que le peuple soit éclairé ».
Aujourd'hui, il nous est proposé d'examiner le projet de loi portant dispositions statutaires des magistrats, qui se devrait, à l'image de ses travaux, de favoriser cette transparence. Permettez-moi, mes chers collègues, d'exprimer quelques doutes à ce sujet.
Ce texte est prématuré selon certains, au nombre desquels je figure, et constitue une occasion manquée d'unifier les juridictions financières, alors que d'aucuns, malicieux, le qualifieront d'« opportun », pointant l'année 2007 !
Ce projet de loi est donc prématuré dans la mesure où il aurait été souhaitable de l'intégrer dans la réforme prévue par le Président de la République tendant à refondre les grands corps. Au nom de quelle opportunité est-il préférable de légiférer maintenant, alors que le sujet sera remis à l'ordre du jour du Parlement d'ici - soyons optimistes ! - à quelques mois ?
Les dispositions contenues dans la plupart des articles de ce projet de loi s'alignent sur celles qui régissent les membres du Conseil d'État ou bien tirent les conséquences de l'autonomie de la Cour par rapport au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mais de telles questions doivent-elles être débattues aujourd'hui ? Une réflexion d'ensemble sur la politique à mener dans ce domaine et sur l'accès aux grands corps de l'État est engagée, à la demande du Président de la République, je le répète, et du Premier ministre. Il paraît donc délicat de réformer le dispositif existant sur ces points, en privilégiant telle ou telle spécificité de l'un des trois grands corps, au risque de modifier les équilibres actuels.
Ce texte est également une occasion manquée. La possibilité de proposer un rapprochement du corps des magistrats de la Cour avec celui des chambres régionales des comptes n'est à aucun moment énoncée. Seules des dispositions marginales sont proposées au fil du texte. Elles consistent, principalement, aux termes de l'article 15, au doublement de la part des emplois de conseiller de chambre régionale des comptes pourvus au tour extérieur. Dont acte !
L'occasion de procéder au rapprochement des statuts des membres des juridictions financières a été manquée. Pourtant, des propositions ont été faites en ce sens par le syndicat des magistrats des juridictions financières. M. Dufaut, membre du groupe socialiste et rapporteur de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, en a d'ailleurs fait part au cours des débats.
Il convient aussi de noter que cette rénovation du statut des membres de la Cour des comptes était attendue, notamment pour ce qui concerne l'amélioration du déroulement des carrières et la partie disciplinaire. Une réforme avait été désirée, sur ces points, par la gauche, notamment par l'ancien Premier président de la Cour, Pierre Joxe. Mais toute initiative en ce sens avait alors été bloquée.
Maintenant, la nécessité de moderniser le statut des membres de la Cour apparaît comme une priorité.
Le contexte a changé très récemment. L'indépendance qui a été conférée en matière budgétaire aux juridictions financières par rapport au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est réelle. Il faut d'ailleurs s'en féliciter. En raison de la création de la mission « Conseil et contrôle de l'État », constituée notamment du programme Cour des comptes et autres juridictions financières, la Cour est désormais rattachée au Premier ministre.
Cette indépendance nouvelle devrait lui permettre de recruter avec une plus grande latitude d'action ses experts.
Comme vous l'avez indiqué dans votre excellent rapport, monsieur Saugey, près de 40 % du corps des magistrats de la Cour travaillent à l'extérieur de l'institution, où ils acquièrent des compétences nouvelles. Il s'agit principalement des forces vives de la Cour, à savoir les conseillers référendaires. Il existe donc un large vivier de matière grise. Voilà cinq ans, 30 % d'entre eux seulement - allais-je dire - étaient en position de détachement ou mis en disponibilité.
Le domaine de compétence de la Haute Juridiction s'est accru régulièrement depuis quelques années. Une solution simple et de bon sens pour faire face à un déficit d'expertise affiché pour les contrôles de la Cour, ne serait-elle pas de prévoir, au regard de chacune de ses missions, le nombre de magistrats nécessaire à leur accomplissement et de limiter, à la marge, une trop grande volatilité des effectifs, au nom de la permanence du service public ?
Je souhaite encore dire quelques mots sur les effectifs réels de la Cour. Les magistrats en poste n'exercent pas toujours leur activité à temps plein et font ce que l'on appelle communément des « ménages », comme les autres membres des grands corps de l'État. On peut considérer qu'effectivement le recrutement de deux conseillers maîtres en service extraordinaire supplémentaires est nécessaire à la bonne marche des enquêtes. On peut surtout convenir qu'un effectif de travail à temps « moins partiel » permettrait à la Cour de faire l'économie des deux emplois de conseillers maîtres demandés à l'article 1er. J'ai d'ailleurs déposé un amendement sur ce sujet.
De plus, les règles de la mobilité externe ont déjà été adaptées au fonctionnement des juridictions. Les départs peuvent être temporairement compensés, depuis un décret de 1993, par l'emploi de fonctionnaires en détachement, comme des ingénieurs d'État ou des universitaires. La Cour peut, en outre, recruter par contrat des personnes venant du secteur privé. Si cette faculté était, de fait, limitée par le faible attrait que présentaient pour ces dernières les rémunérations offertes, la situation est un peu différente depuis que la Cour dispose d'un budget propre.
Par ailleurs, l'exigence de compétences acquises dans les services publics disparaît purement et simplement dans le recrutement au tour extérieur de conseiller maître.
Le présent projet de loi vise à rénover la carrière des membres de la Cour des comptes et, dans le même temps, à renforcer la présence, à côté de magistrats recrutés à la sortie de l'ENA, de magistrats intégrés après une première carrière passée à l'extérieur de la Cour. Le recrutement de personnes issues du secteur public ou du secteur privé ayant dirigé des organismes soumis au contrôle de la Cour devrait en être facilité.
L'ambition est louable mais, pour ce faire, les modalités de nomination des magistrats de la Cour au tour extérieur sont modifiées ; ainsi, la condition relative à la durée minimale de quinze ans passée dans le service public, jusque-là requise pour accéder à la maîtrise au tour extérieur, est supprimée.
Sous le prétexte d'aligner les règles applicables à la Cour sur celles qui sont en vigueur au Conseil d'État, alors que les conditions d'âge de recrutement sont différentes - 40 ans révolus pour la Cour des comptes, 45 ans pour le Conseil d'État -, on ouvre la porte à des nominations contestables. Aucune condition d'activité dans le service public, au sens large, ne serait plus requise pour en assurer les différents contrôles.
Le Gouvernement semble proposer une « micro loi » pour faciliter l'adaptation des textes à des situations qui permettent de répondre à des cas individuels tant elle entre dans le détail, laissant une impression de rédaction pro domo sua. Tel n'est pas l'esprit d'une loi. Comme le rappelait utilement le président du Conseil constitutionnel, M. Mazeaud, en début d'année, lors de la cérémonie des voeux au Président de la République, « le principe majoritaire ne garantit pas toujours la prise en compte, dans la conduite des politiques publiques, des intérêts supérieurs de la collectivité. Les mécanismes démocratiques de prise de décision font parfois plus grand cas d'un intérêt catégoriel actuel, organisé et bruyant...
M. Dominique Braye. Parfois, mais pas toujours !
M. Jacques Mahéas. ...que d'un intérêt plus ample et plus éminent, mais aussi plus diffus. Ces mécanismes arbitrent avec difficulté lorsque la problématique devient complexe. » Il est regrettable que le projet de loi qui nous est proposé semble être une parfaite illustration de ce propos ! Veillons à ne pas multiplier ce type d'écarts !
La Cour des comptes dispose déjà d'un éventail important de différentes modalités pour s'adjoindre des expertises de contrôles externes, auxquelles il serait judicieux de donner la priorité : experts à temps plein, à temps partiel, rapporteurs extérieurs à temps plein et à temps partiel, recours à des missions d'audit, assistants, etc.
Comme je l'ai dit, le texte qui nous est présenté est donc prématuré ; il manque d'ampleur et plusieurs mesures en réduisent la portée. C'est pourquoi, les membres du groupe socialiste s'abstiendront au moment du vote. Ils ont toutefois déposé quelques amendements revenant à la rédaction antérieure du code des juridictions financières.
Pour conclure sur un clin d'oeil, indispensable lors de l'examen d'un texte aussi austère, je ferai remarquer qu'apparemment la Cour ne manque pas d'experts. J'en veux pour preuve la nomination, en ce mois de juin, au cours duquel se déroule la Coupe du monde de football, d'un nouveau consultant du journal Le Monde en la personne de son Premier président, grand amateur du ballon rond.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. On a le droit d'aimer le football !
M. Jacques Mahéas. Mon cher collègue, peut-être ne comprenez-vous pas l'humour, mais je vous saurais gré d'en créditer ma remarque !
Ainsi donc, le 13 juin, alors que l'Assemblée nationale examinait le présent texte, on pouvait lire dans la rubrique « Le Mondial » un article titré « Les supporters sont de braves gens » prouvant que la diversité d'expertise ne manque vraiment pas à la tête de la Cour des comptes ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au mois de septembre 2007, nous fêterons le bicentenaire d'une institution créée par Napoléon Ier, mais dont les origines remontent au XlVe siècle, puisqu'il existait alors déjà un corps de contrôle des finances royales.
À mi-chemin entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif, la Cour des comptes est une juridiction de première importance exerçant des missions de contrôle de l'action publique et de l'utilisation des deniers publics, mais aussi d'assistance au Gouvernement et surtout au Parlement.
La collaboration est essentielle, notamment avec la commission des finances et les commissions d'enquête, surtout depuis la création en 1999 de la mission d'évaluation et de contrôle et, désormais, depuis la mise en oeuvre de la LOLF.
Je rappelle en outre que, depuis 1832, le rapport annuel de la Cour est communiqué aux deux assemblées.
La Cour établit également pour le Parlement un rapport annuel sur l'exécution des lois de finances de l'année précédente.
Enfin, depuis 1995, elle établit et transmet chaque année au Parlement un rapport sur l'ensemble des organismes de sécurité sociale soumis à son contrôle.
À quelques mois, donc, de la célébration des deux cents ans de la Cour des comptes, dans un contexte tendant à la revalorisation du statut des magistrats en général, et en application de la LOLF, qui a conféré à la Cour une nouvelle autonomie, ce projet de loi tend à reconnaître la place de plus en plus essentielle qu'occupe cette juridiction dans notre paysage institutionnel, en rénovant en profondeur le statut de ses membres.
Cette rénovation est apparue non seulement nécessaire depuis le vote de la LOLF, en 2001, mais même urgente, puisque, dès l'an prochain, il appartiendra à la Cour de certifier les comptes de l'État.
Je n'entrerai pas dans le détail des dispositions, décrit par M. le ministre et notre excellent rapporteur, M. Bernard Saugey, et me bornerai à rappeler que ce texte comporte plusieurs grands volets.
Il a, tout d'abord, un volet disciplinaire. Un certain nombre de clarifications sont apportées, ce qui est indispensable, le texte régissant cette matière datant de 1852, alors que, depuis 1967, le statut des membres de la Cour des comptes a profondément évolué, puisqu'ils sont devenus des magistrats.
En conséquence, les règles disciplinaires, qui étaient finalement très proches de celles qui sont relatives à la fonction publique, étaient très difficiles, voire impossibles à leur appliquer.
Le projet de loi comporte également un volet relatif au recrutement, qui a pour objet d'élargir le recrutement extérieur. Ainsi, le texte tend à modifier, d'une part, les modalités de nomination des magistrats de la Cour au tour extérieur et, d'autre part, le choix et la durée de fonction des conseillers maîtres en service extraordinaire. Il élargit le tour extérieur pour accéder aux chambres régionales des comptes.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a très justement étendu le recrutement des conseillers maîtres en service extraordinaire à l'ensemble des corps de contrôle ministériels, ainsi qu'aux responsables des organismes privés soumis au contrôle de la Cour des comptes.
Les députés ont également souhaité faire bénéficier les présidents de section des chambres régionales des comptes, pour leur intégration à la Cour des comptes, du mode de calcul de la durée de services publics requise pour l'intégration des premiers conseillers de ces mêmes chambres, qui tient compte du temps passé dans un service public autre qu'une juridiction financière.
Il n'y a en effet aucune raison pour que les présidents de section soient soumis à des conditions de services publics plus restrictives que celles qui s'appliquent aux premiers conseillers.
L'Assemblée nationale a, par ailleurs, élargi l'accès aux postes réservés aux rapporteurs extérieurs aux fonctionnaires qui ont exercé ces fonctions, pendant trois ans au moins, et pas seulement à ceux qui les exercent au moment de l'intégration.
Cet élargissement a pour objet d'augmenter le nombre de candidats et, donc, les possibilités de choix. Lors du prochain recrutement de conseillers référendaires, seuls cinq rapporteurs extérieurs auraient rempli les conditions requises, alors que plusieurs dizaines de candidats pourront postuler pour le tour extérieur classique.
Pour ce qui concerne l'avancement de carrière, le présent projet de loi améliore nettement la situation actuelle, notamment en étendant aux conseillers référendaires les règles de promotion dont bénéficient les maîtres des requêtes du Conseil d'État.
Le dernier volet a trait à l'autonomie. Ce projet de loi tend à concrétiser l'indépendance conférée à la Cour des comptes par la LOLF, qui a créé la mission budgétaire intitulée « Conseil et contrôle de l'État », constituée notamment du programme Cour des comptes et autres juridictions financières, désormais rattachée au Premier ministre, en prévoyant, dans deux de ses articles, la suppression de la référence au ministre des finances dans l'exercice de certaines compétences concernant le fonctionnement interne de la Cour.
Afin de consacrer cette nouvelle autonomie de la Cour par rapport au ministère des finances, les députés ont, avec raison, supprimé la disposition qui réserve un sixième des emplois de conseillers maîtres aux fonctionnaires du ministère des finances. Il apparaît en effet anormal de réserver un quota de places au sein d'une juridiction qui doit certifier les comptes de la nation à des fonctionnaires issus du ministère qui établit ces mêmes comptes.
Le rôle de la Cour des comptes, ainsi conforté par un statut rénové, la place encore plus qu'auparavant au centre du débat politique, conformément à la volonté affichée de son Premier président, M. Philippe Seguin, à qui je tiens à rendre hommage pour le travail remarquable qu'il accomplit à la tête de cette juridiction.
Le groupe UMP votera bien évidemment en faveur de ce projet de loi, qui, comme vient de le souligner M. le rapporteur, peut être aujourd'hui adopté sans modifications.
M. Jacques Mahéas. C'est dommage !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif au statut des membres de la Cour des comptes présentant à première vue un caractère technique, il ne mérite pas de discours définitif, ni sur la Cour des comptes, ni sur les grands corps de l'État.
Estimant, pour ma part, qu'il conviendra d'engager une vaste réflexion sur la démocratisation nécessaire de ces grands corps, je me contenterai pour l'instant, puisque ce texte ne porte pas sur ce sujet, à formuler quelques remarques ponctuelles.
Ce projet de loi a pour principal objet d'étendre le recrutement de magistrats qui ont effectué une carrière professionnelle avant d'intégrer la Cour des comptes.
L'article 1er vise à modifier les règles applicables aux conseillers maîtres en service extraordinaire : il s'agit d'augmenter les nominations au tour extérieur en supprimant la condition de durée d'activité dans les services publics et en élargissant le recrutement. Le nombre de conseillers ainsi recrutés est porté de dix à douze, et la durée de leurs fonctions est allongée d'un an, pour passer de quatre ans à cinq ans.
Actuellement, peuvent être candidats les fonctionnaires appartenant au corps de contrôle des ministères exerçant la tutelle des entreprises publiques et les personnes ayant assumé des responsabilités dans les fonctions de tutelle ou de gestion des entreprises publiques.
Dans le projet de loi initial étaient élargis les critères de sélection applicables aux non-fonctionnaires : étaient ainsi visées les personnes exerçant des fonctions d'encadrement supérieur au sein de l'État ou d'organismes publics soumis au contrôle des juridictions financières.
L'Assemblée nationale a encore élargi ce dispositif, afin de viser les responsables de l'ensemble des organismes soumis au contrôle des juridictions financières, sans considération de leur caractère public ou privé.
En outre, l'Assemblée nationale a ouvert à l'ensemble des fonctionnaires issus des corps de contrôle des ministères l'accès aux fonctions de conseiller maître en service extraordinaire.
Compte tenu de ces diverses adaptations apportées au statut des conseillers maîtres en service extraordinaire, compte tenu également que sont généralement nommés à ce poste d'anciens collaborateurs de ministres, comme cela a d'ailleurs été le cas au début du mois de juin, je m'interroge sur l'opportunité de tels assouplissements et donc sur l'opportunité de l'examen de ce texte aujourd'hui.
Mes remarques suivantes ne porteront pas sur les autres dispositions du texte, qui n'appellent pas de commentaires particuliers, mais essentiellement sur des dispositions relatives aux chambres régionales des comptes qui auraient eu toute leur place dans ce texte.
Ainsi, la formation du conseil supérieur de la Cour des comptes est paritaire, même si sa composition est quelque peu modifiée aux termes de ce projet de loi : il y aura toujours neuf membres élus représentant les magistrats et les rapporteurs, et neuf membres non élus, dont, désormais, trois personnalités qualifiées nommées respectivement par le Président de la République, le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale.
Or la formation actuelle du conseil supérieur des chambres régionales des comptes ne présente pas ce caractère paritaire. En effet, il est composé, d'un côté, de sept membres non élus, dont trois personnalités qualifiées, et de deux représentants élus des présidents des chambres régionales et, de l'autre côté, de seulement six élus du corps des magistrats des chambres régionales.
Nous ne comprenons pas que soit maintenue une telle différence entre ces deux instances ; c'est pourquoi nous contestons les propos de M. le rapporteur, qui, dans son rapport, avance que la composition du conseil supérieur de la Cour des comptes « serait harmonisée avec les règles applicables aux chambres régionales des comptes ».
La seule harmonisation concerne la nomination de trois personnalités qualifiées, mais elle s'arrête là. Il y aura toujours neuf magistrats élus qui représenteront leurs collègues de la Cour des comptes, alors que six seulement représenteront leurs collègues des chambres régionales.
Ma deuxième remarque portera sur les sanctions disciplinaires applicables aux membres de la Cour des comptes et à ceux des chambres régionales des comptes.
Contrairement à ce qui existe pour le conseil supérieur des chambres régionales des comptes, l'intervention du Président de la République comme autorité prononçant la sanction a été le principe retenu pour la Cour des comptes, le Premier président ayant seulement le pouvoir de prononcer les deux sanctions les plus faibles, l'avertissement et le blâme.
En ce qui concerne les magistrats des chambres régionales, le pouvoir de sanction appartient au conseil supérieur. Là encore, une harmonisation des procédures disciplinaires entre les magistrats de la Cour et ceux des chambres régionales apparaît souhaitable.
Enfin, ma dernière remarque est l'occasion pour moi de soulever le problème de l'incompatibilité des magistrats des chambres régionales.
Alors que l'article 257-2 du code de procédure pénale dispose que les fonctions de juré sont incompatibles avec la fonction de magistrat, une telle incompatibilité n'existe pas pour les magistrats des chambres régionales.
Or le cas de figure se présente suffisamment souvent pour que le problème mérite d'être réglé. Pourquoi l'ensemble des magistrats financiers ne pourraient-ils être soumis à ce régime d'incompatibilité ?
Finalement, sur ce projet de loi, qui semble recevoir un accueil consensuel, compte tenu des diverses remarques que je viens d'exposer, concernant notamment l'opportunité de son examen, mon groupe s'abstiendra. (M. Jacques Mahéas applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, envisagé depuis plusieurs années, le toilettage du statut des membres de la Cour des Comptes était quelque chose d'attendu qui n'appelle pas beaucoup d'observations.
La modernisation du régime disciplinaire, qui, aujourd'hui, est encore largement fondé sur un texte plus que centenaire, la création d'un véritable conseil supérieur de la Cour des Comptes, à l'image de ce qui existe pour les chambres régionales des comptes - même s'il y a quelques nuances entre les deux, comme Mme Borvo Cohen-Seat vient de le rappeler - l'élargissement du recrutement des conseillers maîtres en service extraordinaire et de la durée de leurs fonctions, l'élargissement de l'accès au grade de conseillers maîtres par le tour extérieur et la possibilité pour les rapporteurs exerçant leur fonction à la Cour des Comptes d'avoir un débouché dans le corps des magistrats sont autant de mesures qui vont dans le bon sens.
Elles permettent un rapprochement du statut des magistrats de la Cour des Comptes avec celui des membres du Conseil d'État par certaines de leurs dispositions et reprennent pour la Cour des Comptes les innovations apparues avec les chambres régionales des comptes.
Avec l'élargissement de la liste des personnes susceptibles de rejoindre la Cour, ces dispositions tendent à donner une image plus ouverte de ce monde un peu clos et mystérieux qu'est la Cour des comptes aux yeux de beaucoup d'observateurs extérieurs... ou de victimes de ses observations. (Sourires.)
Je ne reviendrai pas sur le contenu même des dispositions du projet de loi, qui ont été largement présentées et expliquées par M. le ministre et par M. le rapporteur, et qui font apparemment l'unanimité. Je dirai plutôt quelques mots sur les conséquences que l'on peut attendre de la mise en oeuvre de ce texte et sur la réflexion qu'il faudra entreprendre à l'issue de son adoption.
Il me semble en effet que ce texte en apparence purement technique, qui tire les conséquences de la diversification des missions de la Cour des comptes, notamment avec la mise en application de la LOLF, va aussi, en élargissant sa base de recrutement, permettre à la Cour d'être innovante dans ses contrôles et obliger les gestionnaires à être plus rigoureux dans la gestion des fonds publics, ce dont, dans le contexte actuel, on ne peut que se féliciter.
Je ne doute pas non plus qu'au travers de ces modifications la Cour des comptes pourra poursuivre et amplifier l'évolution qu'elle a entreprise en développant depuis quelques années la publication de rapports publics thématiques - comme celui qu'elle a publié en novembre dernier sur l'intercommunalité - dont, me semble-t-il, on tire plus d'enseignements que du traditionnel rapport public dont, hélas, on ne parle plus guère une fois que l'intérêt médiatique est retombé.
Je pense également que cette réforme permettra à la Cour de conforter son rôle d'alliée du Parlement dans sa mission de contrôle des comptes de l'État et des organismes sociaux qui, du fait de l'application de la LOLF, prend une importance tout aussi grande que le vote du budget lui-même, comme aime à le rappeler le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis.
À titre d'illustration, je citerai le rapport rendu récemment par la Cour sur l'évolution des frais de justice, rapport qui avait été commandé par le président de la commission des finances en application de la loi du 1er août 2001 et qui nous apporte un éclairage très intéressant et d'actualité - je le dis en tant que rapporteur pour avis de la commission des lois du budget de la justice - sur cet aspect préoccupant de la gestion du budget de la justice.
Je souhaite cependant appeler l'attention de M. le ministre sur le fait que cet aménagement nécessaire des dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes ne saurait nous dispenser de mener une réflexion sur le fonctionnement et la modernisation des grands corps de l'État, notamment des juridictions financières.
Force est de constater que les juridictions financières ont encore aujourd'hui, pour l'exercice de leurs compétences traditionnelles, un mode de fonctionnement extrêmement lourd : les procédures sont anciennes, complexes et difficilement compréhensibles. Cela n'est pas pour rien dans le retard avec lequel sont publiées leurs observations, ce qui prive parfois celles-ci d'une bonne partie de l'impact qu'elles devraient avoir.
Quand les observations portent sur une gestion, une affaire ou un dossier clos depuis de nombreuses années, les remarques que les juridictions financières formulent sont souvent mal comprises et paraissent décalées par rapport à l'actualité et à la nécessaire modernisation de la gestion publique.
Et que dire du cérémonial d'une autre époque qui est encore de mise lors des séances solennelles ? Or ce sont souvent les seules occasions qu'a le public de voir, par le biais de la télévision, comment fonctionnent les juridictions financières ; cela leur donne, me semble-t-il, l'image d'un autre temps.
On peut également se demander - cette remarque dépasse largement la question des juridictions financières - si un jeune magistrat sorti de l'ENA, un jeune administrateur ou un jeune contrôleur, qui n'a encore aucune expérience professionnelle, si brillant soit-il, est vraiment en situation d'apprécier de manière objective et avec le recul nécessaire la gestion d'ordonnateurs qui, eux, ont une expérience autrement plus importante que la sienne.
Mes propos ne se veulent en rien une critique de la Cour des comptes ou des chambres régionales des comptes dont je suis moi-même issu. Toutefois, nous devrons un jour nous pencher sur la question de l'adaptation du recrutement et du mode de fonctionnement d'un certain nombre de nos corps de contrôle.
Telles sont les quelques observations que je tenais à formuler, monsieur le ministre, avant de confirmer que je voterai ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
I. - Dans l'article L. 112-5 du code des juridictions financières, les mots : « exerçant la tutelle des entreprises publiques » sont supprimés, et les mots : « des responsabilités dans les fonctions de tutelle ou de gestion des entreprises publiques » sont remplacés par les mots : « des fonctions d'encadrement supérieur au sein de l'État ou d'organismes soumis au contrôle des juridictions financières ».
II. - L'article L. 112-6 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 112-6. - Les conseillers maîtres en service extraordinaire, dont le nombre ne peut être supérieur à douze, sont nommés par décret pris en conseil des ministres, après avis du premier président de la Cour des comptes, pour une période de cinq ans non renouvelable. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article L. 112-6 du code des juridictions financières, remplacer le nombre :
douze
par le nombre
dix
et le nombre :
cinq
par le nombre :
quatre
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale de l'article L. 112-6 du code des juridictions financières, afin de ramener, d'une part, le nombre de postes ouverts de conseillers maîtres en service extraordinaire à dix et, d'autre part, la durée de leur fonction à quatre ans.
Pourquoi les conseillers maîtres en service extraordinaire seraient-ils douze ? Ils pourraient tout aussi bien être quatorze puisque la Cour des comptes est constituée de sept chambres : ils seraient deux par chambre.
Par ailleurs, pourquoi sont-ils nommés pour cinq ans ? S'agit-il d'un alignement sur d'autres mandats ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le quinquennat !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tous les exercices sont portés à cinq ans !
M. Bernard Saugey, rapporteur. Sauf celui des sénateurs ! (Sourires.)
M. Jacques Mahéas. Pourquoi ces modifications ? La Cour des comptes a en effet la possibilité de recourir à de nombreuses dispositions légales pour s'adjoindre des experts. Bernard Saugey a souligné fort justement que le recours aux conseillers maîtres en service extraordinaire est apprécié dans les domaines techniques de la défense et des finances.
M. Bernard Saugey, rapporteur. Tout à fait.
M. Jacques Mahéas. Dans ces deux domaines techniques, le recours aux experts est largement ouvert. En effet, aux termes de la loi n° 70--2 qui facilite l'accès des officiers à des emplois civils, un poste par an à la Cour des comptes est réservé à un militaire de haut rang.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n'est pas la même chose !
M. Jacques Mahéas. S'il faut un expert militaire, monsieur le président de la commission, il est préférable qu'il soit pris parmi les militaires !
Ainsi, l'autorisation légale d'ouvrir deux postes supplémentaires, en portant à douze le nombre de conseillers maîtres en service extraordinaire, ne paraît pas répondre à une demande urgente et pressante d'expertise supplémentaire.
En revanche, en conformité avec l'économie générale du texte, je suis d'accord pour que l'avis du Premier président de la Cour des comptes soit requis pour ces nominations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. La commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je rappelle que les experts exercent maintenant une mission de contrôle beaucoup plus importante qu'auparavant. Or attirer les experts n'est pas si facile ! Au reste, porter le nombre de dix à douze ne constitue qu'une faible augmentation, reconnaissez-le ! De la même manière, allonger la durée de fonction d'un an ne semble pas exagéré.
M. Jacques Mahéas. En fait, vous n'avez pas d'arguments à m'opposer !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Henri Cuq, ministre délégué. Le Gouvernement ne peut être favorable à votre amendement, monsieur Mahéas.
En effet, vous le savez bien, l'accroissement d'un an de la durée de fonction des conseillers maîtres en service extraordinaire, prévue par la nouvelle rédaction de l'article L. 112-6, est amplement justifié par l'investissement en temps et en acquisition de compétences des personnes nommées.
L'apport des conseillers maîtres en service extraordinaire est des plus précieux pour le bon fonctionnement de la juridiction, et leur rôle va bien au-delà de celui de simple expert, au sens donné par le code des juridictions financières.
En effet, ces experts participent à l'ensemble des délibérations non juridictionnelles de la chambre à laquelle ils sont affectés ainsi qu'aux séances de la chambre du conseil, notamment lorsque cette formation est saisie des projets de rapports publics.
Afin de maintenir le rythme de leur renouvellement, le nombre de conseillers maîtres en service extraordinaire doit tout simplement être porté de dix à douze. Le Gouvernement n'est animé d'aucune intention maligne : il s'agit d'un simple effet mécanique.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
I. - L'intitulé de la section 5 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du même code est ainsi rédigé : « conseil supérieur de la Cour des comptes ».
II. - L'article L. 112-8 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 112-8. - Il est institué un conseil supérieur de la Cour des comptes.
« Ce conseil comprend :
« 1° Le premier président de la Cour des comptes, qui le préside ;
« 2° Le procureur général près la Cour des comptes ;
« 3° Trois personnalités qualifiées dans les domaines soumis au contrôle des juridictions financières qui n'exercent pas de mandat électif et sont désignées pour une période de trois ans non renouvelable respectivement par décret du Président de la République, par le Président de l'Assemblée nationale et par le Président du Sénat ;
« 4° Quatre magistrats les plus anciens dans leur grade de président de chambre, à l'exclusion des présidents de chambre maintenus en activité en application de l'article 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d'âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l'État ;
« 5° Neuf membres élus représentant les magistrats de la Cour des comptes, les conseillers maîtres en service extraordinaire et les rapporteurs extérieurs. Pour chacun d'eux, il est procédé à l'élection d'un suppléant. Leur mandat est de trois ans, il est renouvelable une fois. Les modalités de cette élection sont fixées par décret.
« Le conseil est consulté par le premier président sur toutes les questions relatives à la compétence, à l'organisation et au fonctionnement de la Cour des comptes, sur les modifications des dispositions statutaires applicables aux magistrats, ainsi que sur toute question déontologique, d'ordre général ou individuel, relative à l'exercice des fonctions des magistrats, des conseillers maîtres en service extraordinaire et des rapporteurs extérieurs.
« Le conseil donne un avis sur les mesures individuelles concernant la situation et l'avancement des magistrats de la Cour des comptes, à l'exception des propositions de nomination des présidents de chambre. De même, il donne un avis sur les propositions de nomination aux emplois de président de chambre régionale des comptes et de vice-président de la chambre régionale des comptes d'Île-de-France, ainsi que sur les propositions de nomination des premiers conseillers et des présidents de section de chambre régionale des comptes au grade de conseiller référendaire ou de conseiller maître.
« Sauf en matière disciplinaire, tous les membres du conseil siègent, quel que soit le niveau hiérarchique des magistrats dont le cas est examiné. Toutefois, les représentants des conseillers maîtres en service extraordinaire et des rapporteurs extérieurs ne siègent pas lorsque le conseil se réunit pour donner l'avis prévu à l'alinéa précédent.
« Lorsque la situation de l'un des membres élus du conseil supérieur est évoquée à l'occasion de l'examen d'une question figurant à l'ordre du jour, le magistrat, le conseiller maître en service extraordinaire ou le rapporteur extérieur en cause ne siège pas à la réunion. Il est remplacé par son suppléant. » - (Adopté.)
Article 3
I. - L'intitulé de la section 2 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du même code est ainsi rédigé : « Installation des magistrats ».
II. - Au début du titre II du livre Ier du même code, il est inséré un chapitre préliminaire ainsi rédigé :
« CHAPITRE PRÉLIMINAIRE
« Dispositions générales
« Art. L. 120-1. - Les membres de la Cour des comptes ont la qualité de magistrats. Ils sont et demeurent inamovibles.
« Art. L. 120-2. - Le statut des membres de la Cour des comptes est régi par le présent titre et, pour autant qu'elles n'y sont pas contraires, par les dispositions statutaires de la fonction publique de l'État.
« Art. L. 120-3. - Tout magistrat de la Cour des comptes, lors de sa nomination dans le corps, prête serment publiquement devant la cour réunie en audience solennelle, sur réquisition du procureur général, de bien et fidèlement remplir ses fonctions, de garder le secret des délibérations et de se comporter en tout comme un digne et loyal magistrat.
« Il ne peut en aucun cas être relevé de ce serment.
« Art. L. 120-4 (nouveau). - Aucun membre de la Cour des comptes ne peut se prévaloir, à l'appui d'une activité politique, de son appartenance à la Cour des comptes.
« Tout membre de la Cour des comptes, en service à la cour ou chargé de fonctions extérieures, doit s'abstenir de toute manifestation de nature politique incompatible avec la réserve que lui imposent ses fonctions. » - (Adopté.)
Article 4
Après l'article L. 122-1 du même code, il est inséré un article L. 122-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-1-1. - Les promotions des magistrats de la Cour des comptes aux grades d'auditeur de 1ère classe, de conseiller référendaire et de conseiller maître sont prononcées sur proposition du premier président de la Cour des comptes, après avis du conseil supérieur de la Cour des comptes.
« Pour les nominations au grade de président de chambre, une liste comportant plusieurs noms est présentée par le premier président. » - (Adopté.)
Article 5
L'article L. 122-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 122-2. - Les deux tiers des vacances dans la maîtrise sont attribués à des conseillers référendaires.
« Une vacance sur dix-huit est pourvue par un magistrat de chambre régionale des comptes ayant le grade de président de section, âgé de plus de cinquante ans et justifiant au moins de quinze ans de services publics effectifs. Cet emploi est attribué sur proposition du premier président de la Cour des comptes, après avis du conseil supérieur de la Cour des comptes et du conseil supérieur des chambres régionales des comptes.
« Pour les magistrats de la Cour des comptes en service détaché, l'avancement au grade de conseiller maître s'effectue hors tour.
« En dehors des conseillers référendaires et des magistrats de chambre régionale des comptes ayant le grade de président de section, nul ne peut être nommé conseiller maître s'il n'est âgé de quarante ans accomplis. »
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 122-2 du code des juridictions financières par les mots :
et ne justifie d'un minimum de quinze ans de services publics
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Oui, je suis conservateur ! (Sourires.)
M. Yves Détraigne. Ce n'est pas un défaut !
M. Dominique Braye. C'est bien de le reconnaître ! Si vous ne l'étiez que dans ce domaine, on vous pardonnerait !
M. Jacques Mahéas. Cet amendement vise donc à revenir à la rédaction précédente de l'article L. 122-2 du code des juridictions financières en rétablissant la condition de durée de services publics - quinze ans au minimum - nécessaire pour accéder à la maîtrise au tour extérieur.
Comme je l'ai rappelé dans la discussion générale, la refonte des grands corps d'État, réforme prévue par le Président de la République, devra répondre à ce type de questions.
Il est donc trop tôt pour décider d'aligner l'article L. 122-2 du code des juridictions financières sur l'article L. 133-3 du code de justice administrative, d'autant que l'âge minimal requis pour être nommé au grade de conseiller d'État au tour extérieur est de quarante-cinq ans accomplis, alors qu'il n'est que de quarante ans pour les conseillers maîtres à la Cour des comptes. Il n'y a donc pas d'alignement, contrairement à ce que nombre d'entre vous ont pu indiquer, mes chers collègues.
Plus encore, les missions de contrôle juridictionnel, de contrôle des comptes et de la gestion des deniers publics dont la Cour des comptes a la charge supposent, par leur nature même, une connaissance approfondie du fonctionnement des services publics.
Entre celui qui a travaillé une quinzaine d'années dans des services publics et celui qui, même éminent, recalé du suffrage universel par exemple, aura la possibilité de passer à ce tour extérieur, lequel préfère-t-on ? Il me semble nécessaire, pour contrôler les services publics, d'avoir une bonne expérience du service public. On ne s'improvise pas conseiller maître à la Cour des comptes : la condition d'activité préalable de quinze ans dans les services publics paraît seule en mesure de garantir un recrutement sérieux au tour extérieur.
Je suis donc persuadé que vous adopterez cet amendement, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Saugey, rapporteur. Je suis navré de vous décevoir, mon cher collègue, mais la commission s'est déclarée défavorable à votre amendement.
La comparaison que vous faites avec l'âge minimal d'un conseiller d'État n'est pas un argument : pour être nommé à la Cour des comptes au tour extérieur, avoir quarante ans suffit.
M. Jacques Mahéas. Mais on veut aligner les critères !
M. Bernard Saugey, rapporteur. En outre, il ne semble pas utile d'avoir à justifier de quinze ans de services publics.
La Cour des comptes voit ses missions s'étendre de plus en plus, avec cette nouvelle charge de certifications qu'elle ne maîtrise pas toujours. Il faut donc varier les profils des personnes recrutées, notamment en nommant des personnalités qui attestent d'une expérience dans le privé.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Des commissaires aux comptes, des experts-comptables...
M. Bernard Saugey, rapporteur. Absolument !
Le recrutement doit donc être nettement plus ouvert.
Quant au statut de la Cour des comptes, il sera aligné sur celui du Conseil d'État. Je trouve cela tout à fait pertinent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Henri Cuq, ministre délégué. Les arguments de M. le rapporteur ont déjà convaincu M. Mahéas. (Sourires.)
J'ajouterai simplement que, sans remettre en cause l'âge minimum de quarante ans requis pour être nommé à la maîtrise par la voie du tour extérieur, la modification tendant à supprimer la condition de durée d'activité dans les services publics se veut tout simplement - en dépit de ce que vous avez indiqué, monsieur le sénateur - un alignement sur les dispositions en vigueur pour la nomination de conseiller d'État par la voie du tour extérieur. Je vous renvoie à l'article L. 133-3 du code de justice administrative.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. On ne peut pas comparer le travail d'un conseiller d'État à celui d'un conseiller maître en service extraordinaire : ils sont absolument différents.
Je répète qu'il est préférable d'avoir une expérience des services publics pour mieux pouvoir juger leur gestion, vous ne pouvez pas dire le contraire !
On a vu des gens porter un jugement d'une rigueur absolue, alors même qu'ils ne connaissaient pas le service public sur lequel ils exerçaient leur mission de contrôle. Avec l'article 5, nous risquons de nommer des conseillers qui n'auront pas d'expérience des services publics. Or, pour apprécier l'exécution d'un budget, la gestion d'un service de l'État, il est bon de connaître les difficultés propres aux services publics, d'en avoir appréhendé le fonctionnement à un certain moment, peut-être même d'y avoir travaillé soi-même.
C'est pourquoi je maintiens cet amendement, qui me semble de bon sens.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Mahéas, vous voulez rétablir l'obligation de justifier de quinze ans de services publics. Mais, franchement, ne peut-on envisager que la Cour des comptes recrute des commissaires aux comptes, des experts-comptables ou des experts ayant travaillé dans de grands cabinets d'audit et qui, à ce titre, ont pu être amenés à « auditer » des collectivités territoriales ? Ils feraient bénéficier de leur expérience la Cour des comptes.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si l'on veut attirer des experts pour cinq ans, il me semble judicieux de nommer ceux qui sont en pleine possession de leurs compétences professionnelles.
Il en va de même pour le Conseil d'État.
M. Jacques Mahéas. Mais ils viennent de la fonction publique !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais non ! Tous ne viennent pas de la fonction publique !
M. Dominique Braye. Le fonctionnariat, il ne connaît que ça !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Exiger que l'on justifie de quinze ans de services publics est selon moi une profonde erreur, même si la plupart des conseillers maîtres en service extraordinaire sont issus de la fonction publique. Ne fermons pas la porte en rendant cette condition obligatoire, compte tenu de l'importance des nouvelles missions que la Cour des comptes est amenée à assumer !
M. Dominique Braye. C'est intéressant d'avoir des visions différentes !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. À la Cour de cassation, de brillants juristes deviennent conseillers référendaires, de grands avocats, des professeurs d'université - vous me direz que ces derniers viennent de la fonction publique -, ...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ...on n'exige pas d'eux une condition similaire. Pourtant, ils sont appelés à rendre des jugements.
Monsieur Mahéas, permettez-moi de vous dire qu'il s'agit d'un faux débat.
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
Après l'article L. 122-2 du même code, il est inséré un article L. 122-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-2-1. - La promotion d'un conseiller référendaire au grade de conseiller maître est subordonnée à l'accomplissement par l'intéressé soit de douze années au moins de service dans le grade de conseiller référendaire, soit de dix-sept années au moins de service comme magistrat de la Cour des comptes.
« Pour l'application de ces dispositions, les conseillers référendaires nommés directement dans leur grade sont réputés avoir la même durée de service dans l'auditorat que le conseiller référendaire ancien auditeur de 2ème classe qui les précède immédiatement au tableau. » - (Adopté.)
Article 7
I. - Dans l'article L. 122-4 du même code, par deux fois, les mots : « de 1ère classe » sont supprimés.
II. - Le premier alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils sont réputés avoir une ancienneté de six ans dans le grade de conseiller référendaire. » - (Adopté.)
Article 8
I. - Dans l'article L. 122-5 du même code, par quatre fois, les mots : « de 2ème classe » sont supprimés.
II. - Dans le deuxième alinéa du même article, les mots : « de la commission consultative de la Cour des comptes » sont remplacés par les mots : « du conseil supérieur de la Cour des comptes ».
III. - Après le quatrième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les vacances parmi les conseillers référendaires autres que celles mentionnées au premier alinéa sont pourvues au moins à raison d'une sur quatre par des rapporteurs extérieurs à temps plein exerçant leurs fonctions à la Cour des comptes depuis au moins trois ans ou ayant exercé ces fonctions pendant au moins trois ans. »
IV. - Dans la première phrase de l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : « de l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « des deux alinéas précédents ».
V. - Le dernier alinéa du même article est supprimé. - (Adopté.)
Article 9
Après l'article L. 122-5 du même code, il est inséré un article L. 122-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 122-6. - Les nominations au tour extérieur dans les grades de conseiller maître et de conseiller référendaire ne peuvent être prononcées qu'après avis du premier président.
« Cet avis tient compte des fonctions antérieurement exercées par l'intéressé, de son expérience et des besoins du corps, exprimés annuellement par le premier président ; le sens de l'avis sur les nominations prononcées est publié au Journal officiel en même temps que l'acte de nomination.
« L'avis du premier président est communiqué à l'intéressé sur sa demande.
« Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux nominations au grade de conseiller référendaire prononcées en application de l'article L. 122-4 et du deuxième alinéa de l'article L. 122-5, ainsi qu'aux nominations au grade de conseiller maître prononcées en application du deuxième alinéa de l'article L. 122-2. » - (Adopté.)
Article 10
Le titre II du livre Ier du même code est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Discipline
« Art. L. 123-1. - Toute faute commise par un magistrat dans l'exercice de ses fonctions ou tout manquement aux devoirs de l'état de magistrat exprimés dans le serment prêté en application de l'article L. 120-3 l'expose à une sanction disciplinaire.
« Art. L. 123-2. - Les sanctions disciplinaires applicables aux magistrats de la Cour des comptes sont :
« 1° L'avertissement ;
« 2° Le blâme ;
« 3° Le retrait de certains emplois ou fonctions ;
« 4° L'exclusion temporaire de fonctions dans la limite de six mois ;
« 5° La mise à la retraite d'office ;
« 6° La révocation.
« Art. L. 123-3. - Les sanctions disciplinaires sont prononcées par l'autorité investie du pouvoir de nomination, sur proposition du conseil supérieur de la Cour des comptes.
« Toutefois, l'avertissement et le blâme peuvent être prononcés par le premier président de la Cour des comptes, après l'avis du conseil supérieur de la Cour des comptes s'il est saisi soit par lui-même, soit par le magistrat en cause.
« Art. L. 123-4. - Après avis du conseil supérieur, les motifs de la sanction peuvent être rendus publics par l'autorité qui l'a prononcée.
« Art. L. 123-5. - Le conseil supérieur de la Cour des comptes est saisi des faits motivant la poursuite disciplinaire par le président de la chambre où est affecté le magistrat en cause. Dans ce cas, ce président de chambre ne siège pas au conseil supérieur. Pour les présidents de chambre et pour les magistrats qui ne sont pas affectés dans une chambre, le conseil supérieur est saisi par le premier président de la Cour des comptes, qui ne siège pas, le conseil étant dans ce cas présidé par le président de chambre en activité le plus ancien dans son grade.
« Lorsque le magistrat en cause est délégué dans les fonctions du ministère public, le conseil supérieur, saisi par le premier président, est présidé par le procureur général près la Cour des comptes.
« Ne siègent pas au conseil supérieur les représentants des rapporteurs extérieurs, des conseillers maîtres en service extraordinaire ainsi que le procureur général près la Cour des comptes, sauf, s'agissant du procureur général, dans le cas mentionné à l'alinéa précédent.
« Seuls siègent au conseil supérieur de la Cour des comptes les magistrats d'un grade égal ou supérieur à celui du magistrat faisant l'objet de la procédure disciplinaire.
« Art. L. 123-6. - La procédure devant le conseil supérieur de la Cour des comptes est contradictoire.
« Le magistrat est informé par le président du conseil supérieur, dès la saisine de cette instance, qu'il a droit à la communication intégrale de son dossier et des pièces de l'enquête préliminaire, s'il y a été procédé, et qu'il peut se faire assister par l'un de ses pairs et par un ou plusieurs défenseurs de son choix.
« Le président du conseil supérieur désigne parmi les membres du conseil un rapporteur qui procède, s'il y a lieu, à une enquête.
« Au cours de l'enquête, le rapporteur entend l'intéressé. S'il y a lieu, il entend le plaignant et les témoins. Il accomplit tous actes d'investigations utiles.
« Art. L. 123-7. - Lorsqu'une enquête n'a pas été jugée nécessaire, ou lorsque l'enquête est terminée, le magistrat est cité à comparaître devant le conseil supérieur de la Cour des comptes.
« Art. L. 123-8. - Le magistrat en cause a droit à communication de son dossier, de toutes les pièces de l'enquête et du rapport établi par le rapporteur. Son conseil a droit à la communication des mêmes documents.
« Art. L. 123-9. - Si le magistrat ne comparaît pas, et à moins qu'il n'en soit empêché par force majeure, il peut néanmoins être statué et la procédure est réputée contradictoire.
« Art. L. 123-10. - Après lecture du rapport, le magistrat est invité à fournir ses explications ou moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés.
« Art. L. 123-11. - Le conseil supérieur peut entendre des témoins ; il doit entendre ceux que le magistrat a désignés.
« Art. L. 123-12. - Le conseil supérieur siège à huis clos et donne son avis hors la présence du magistrat en cause. Son avis est rendu à la majorité des voix. En cas de partage des voix, celle du président est prépondérante.
« Art. L. 123-13. - Sauf si elle est prononcée par le premier président de la Cour des comptes qui la notifie par ses soins, la sanction est notifiée au magistrat en cause par l'autorité investie du pouvoir de nomination. Elle prend effet le jour de cette notification.
« Art. L. 123-14. - Lorsqu'un magistrat de la Cour des comptes, y compris lorsqu'il a été nommé sur un emploi de président de chambre régionale des comptes ou de vice-président de la chambre régionale des comptes d'Île-de-France, commet une faute grave, qui rend impossible, eu égard à l'intérêt du service, son maintien en fonctions, et si l'urgence le commande, il peut être immédiatement suspendu de ses fonctions par l'autorité investie du pouvoir de nomination. Celle-ci saisit d'office et sans délai le conseil supérieur de la Cour des comptes.
« Cette suspension est prononcée sur proposition du premier président de la Cour des comptes ou sur proposition du procureur général près la Cour des comptes lorsque cette mesure concerne un magistrat délégué dans les fonctions du ministère public. La suspension ne peut être rendue publique.
« Art. L. 123-15. - Sous réserve des dispositions de l'article L. 123-17, le magistrat suspendu conserve son traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement et les prestations familiales obligatoires.
« Art. L. 123-16. - La situation du magistrat suspendu doit être définitivement réglée dans le délai de quatre mois à compter de sa suspension. Si, à l'expiration de ce délai, aucune décision n'a été prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'intéressé, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales, est rétabli dans ses fonctions.
« Art. L. 123-17. - Le magistrat qui, en raison de poursuites pénales, n'est pas rétabli dans ses fonctions, peut subir une retenue, fixée par le premier président ou par le procureur général s'il s'agit d'un magistrat délégué dans les fonctions du ministère public, dans la limite de la moitié de sa rémunération totale, supplément familial de traitement compris. Il continue néanmoins à percevoir les prestations familiales obligatoires. » - (Adopté.)
Article 11
Dans l'article L. 212-11 du même code, les mots : « sur le rapport du ministre chargé des finances » sont supprimés. - (Adopté.)
Article 12
La dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 223-1 du même code est ainsi rédigée :
« Dans ce cas, il est saisi par le premier président. » - (Adopté.)
Article 13
La première phrase de l'article L. 212-19 du même code est ainsi rédigée :
« Sauf en matière disciplinaire, tous les membres du conseil supérieur des chambres régionales des comptes siègent, quel que soit le niveau hiérarchique des magistrats dont le cas est examiné. » - (Adopté.)
Article 14
I. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 221-2 du même code, les mots : « de la commission consultative de la Cour des comptes » sont remplacés par les mots : « du conseil supérieur de la Cour des comptes ».
II. - Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 221-7 du même code, les mots : « la commission consultative de la Cour des comptes parmi les membres de la commission » sont remplacés par les mots : « le conseil supérieur de la Cour des comptes en son sein ». - (Adopté.)
Article 15
Dans l'article L. 221-4 du même code, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ». - (Adopté.)
Article 16
Les sixième à huitième alinéas de l'article L. 221-7 du même code sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :
« - trois membres désignés respectivement par le ministre chargé de la fonction publique, par le ministre chargé des finances et par le ministre de l'intérieur ; ». - (Adopté.)
Article 17
Le second alinéa de l'article L. 112-1 du même code est supprimé, et les articles L. 112-3 et L. 122-3 du même code sont abrogés. - (Adopté.)
Article 18
Le décret du 19 mars 1852 sur la mise en retraite et la discipline des membres de la Cour des comptes est abrogé. - (Adopté.)
Article 19
I. - Pour l'application de l'article L. 122-2-1 du code des juridictions financières dans sa rédaction issue de l'article 6 de la présente loi, les magistrats des chambres régionales des comptes nommés, avant la date de publication de la présente loi, conseillers référendaires de 1ère classe en application de l'article L. 122-4 du même code, sont réputés avoir dans leur grade, outre la durée de services accomplie depuis leur nomination, celle accomplie dans l'ancien grade de conseiller référendaire de 2ème classe, en activité dans les juridictions financières ou en position de détachement, par le conseiller référendaire qui les précède immédiatement au tableau à la date de publication de la présente loi.
II. - Les conseillers maîtres en service extraordinaire en fonctions à la date de publication de la présente loi continuent d'exercer celles-ci jusqu'à l'expiration de la durée de cinq ans prévue par l'article L. 112-6 du même code dans sa rédaction issue de l'article 1er de la présente loi.
III. - Les membres de la commission consultative de la Cour des comptes sont membres du conseil supérieur de la Cour des comptes jusqu'à l'installation de celui-ci dans les formes prévues à l'article L. 112-8 du même code dans sa rédaction issue de l'article 2 de la présente loi, dans la limite d'une durée d'un an à compter de la publication de celle-ci.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Mahéas et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Cet amendement n'a plus d'objet ; je le retire.
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l'article 19.
(L'article 19 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. J'ai déjà défini l'état d'esprit qui nous anime. Si l'on se lance dans une réforme des grands corps de l'État, il faut qu'elle soit conséquente. Or, en l'occurrence, nous sommes en présence d'un petit texte, qui n'est pas en conformité avec l'orientation politique définie par le Président de la République. D'ailleurs, je ne comprends pas que la majorité ne suive pas la politique dictée par le Président de la République. Mais c'est un autre débat !
Quoi qu'il en soit, ce texte va créer un certain nombre de difficultés, car il est mal cadré par rapport aux autres grands corps de l'État. Je reconnais qu'il contient des avancées positives, dont certaines étaient attendues depuis 2001 et ont beaucoup tardé, mais d'autres points, pourtant importants, n'ont pas été abordés, comme le rapprochement des chambres régionales des comptes et de la Cour des comptes.
La copie est donc à revoir. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons, bien que nous ne soyons pas opposés à ce texte.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
10
Vins à appellation d'origine contrôlée
Adoption définitive d'une proposition de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la fixation des rendements des vins à appellation d'origine contrôlée pour la campagne 2006-2007 (nos 427, 428).
Je tiens à saluer M. le ministre de l'agriculture et de la pêche et à le remercier, au nom du Sénat, d'avoir fait l'effort d'être parmi nous ce soir. En effet, il était à Genève tout à l'heure encore, et il nous a rejoints spécialement pour ce débat. Nous lui sommes reconnaissants pour le temps qu'il accepte de nous consacrer et pour sa volonté de venir défendre lui-même ce texte.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je tiens tout d'abord à remercier la Haute Assemblée d'avoir bien voulu inscrire à son ordre du jour la discussion de cette proposition de loi, que M. Jackie Pierre présentera dans un instant, ainsi que la commission des affaires économiques, notamment son président, M. Jean-Paul Emorine, d'en avoir assuré l'examen. Permettez-moi également de saluer l'initiative de Gérard Bailly, qui a déposé une proposition de loi identique.
De quoi s'agit-il ? Nous avons des excédents de vins et nous devons procéder à leur distillation. Or l'Union européenne nous a proposé des prix de distillation qui ne sont pas satisfaisants. Le Gouvernement a donc décidé de compenser ce manque en ajoutant une part française complémentaire.
L'an dernier, pour les vins à appellation d'origine, nous avions obtenu une distillation de crise pour 1,5 million d'hectolitres. Malheureusement, elle n'a été souscrite que pour 1 million d'hectolitres.
Nous avons obtenu en 2006 une nouvelle distillation de crise, qui concerne 1,5 million d'hectolitres pour les AOC et 1,5 million d'hectolitres pour les vins de table.
Pour assurer le succès de la distillation, le Gouvernement a décidé d'apporter aux exploitations une aide en trésorerie complémentaire d'environ 15 millions d'euros afin d'aboutir à une souscription qui, après l'aide de trésorerie, correspondrait à 3,35 euros par degré et par hectolitre pour les vins d'appellation et à 2,90 euros par degré et par hectolitre pour les vins de table.
Je suis bien conscient que ces prix ne sont pas suffisants. En effet, si le contingent peut être rempli s'agissant des vins de table, pour les AOC en revanche, la somme proposée ne représente que la moitié environ du prix de vente actuel des appellations régionales. Le phénomène de l'année dernière risque donc de se reproduire : plutôt que de distiller, certains producteurs préféreront vendre à « prix cassés ».
Nous allons cependant nous efforcer d'assurer le succès de la distillation.
Il faut maintenant que toutes les régions livrent des volumes importants, ce qui n'a pas été le cas l'an passé. Je crois que les interprofessions ont un grand rôle à jouer à cet égard. Je les ai d'ailleurs toutes rencontrées et encouragées à suivre cette voie.
J'ajoute que les appellations bordelaises, qui n'ont pas assez distillé l'an passé, ont pris des initiatives courageuses qu'il leur reste à concrétiser.
Pour ce qui est de l'effort financier de l'État, nous prévoyons d'ajouter 24 millions d'euros si la totalité des 3 millions d'hectolitres sont souscrits.
Cette proposition de loi est intéressante dans la mesure où elle permettra au Gouvernement de fixer les rendements dans certains cas. En effet, dans le cadre de la loi d'orientation agricole, vous avez voté la réforme de l'Institut national des appellations d'origine, l'INAO. Pour être mise en oeuvre, cette réforme nécessite de prendre une ordonnance, mais celle-ci n'est pas encore prête. Nous sommes donc dans une situation de vide juridique.
Nous pensons que l'INAO, qui s'est engagé courageusement dans cette opération, peut se trouver en difficulté en cas d'excédent de l'offre. Il serait donc bon que les pouvoirs publics puissent réguler les rendements, au moins pour cette année.
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour saluer la mémoire du président du Comité national des vins et eaux de vie de l'INAO, René Renou, également propriétaire viticole en Anjou et en Languedoc, qui nous a quittés et a été inhumé cette semaine.
Cette proposition de loi nous permettra donc d'intervenir en cas d'excédents. Il s'agit en quelque sorte d'une arme de dissuasion. Peut-être ne l'utiliserons-nous pas, ce que je souhaite, car cela signifiera que la distillation est suffisante. En revanche, si la distillation est insuffisante, nous pourrons éviter la formation de stocks pléthoriques qui déséquilibreraient le marché pour les années à venir.
Vous avez eu la gentillesse, monsieur le président, d'évoquer les négociations difficiles qui se déroulent en ce moment même à Genève, où je me rendrai à nouveau demain matin. Je rappelle que la Commission a fait des propositions en matière de réforme vitivinicole qui ne satisfont pas le Gouvernement. Le Premier ministre l'a dit très clairement dans une interview au Midi libre et j'ai exprimé le même point de vue.
Nous ne récusons naturellement pas l'idée d'une réforme vitivinicole. Nous pensons même que celle-ci serait tout à fait utile, mais nous trouvons que la façon dont elle a été présentée est pour le moins brutale et provocatrice : arrachage de 400 000 hectares, ce qui représente un tiers du vignoble en Languedoc-Roussillon et, dans le même temps, autorisation de plantations. Ces deux prescriptions sont complètement contradictoires.
Aujourd'hui, j'ai profité de cette rencontre de Genève pour discuter avec plusieurs ministres européens de l'agriculture, notamment les ministres espagnol, allemand et portugais. Nous sommes décidés à agir ensemble pour que la Commission révise sa copie, car il n'est pas question d'adopter cette réforme en l'état.
En conclusion, je remercie à mon tour la Haute Assemblée d'avoir bouleversé son emploi du temps pour examiner après l'Assemblée nationale, qui l'a adoptée il y a quarante-huit heures, cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jackie Pierre, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise à permettre au secteur viticole de passer un cap difficile en attendant que soit réformée, d'ici à l'année prochaine, son organisation commune de marché. La filière, en effet, est marquée par une profonde crise, qui se caractérise par une surabondance de l'offre par rapport à la demande.
À l'échelle européenne, où ce secteur est également touché, les stocks sont en excédent de 15 millions d'hectolitres, tandis que la consommation de vin diminue de 750 000 hectolitres chaque année.
Au niveau français, les stocks étaient, au début de la campagne 2005-2006, de 70 % supérieurs à ceux de la campagne précédente pour les vins de table et de 14 % supérieurs à leur moyenne sur cinq ans pour les vins de qualité. Cette surproduction se conjuguant avec une atonie de la consommation due à une modification des comportements alimentaires, notamment de la part des jeunes, il en résulte une baisse substantielle du cours des vins, de table comme de qualité, pesant bien évidemment lourdement sur le revenu des viticulteurs : celui-ci a chuté de 56 % en 2005, selon les chiffres communiqués cette semaine par le ministère de l'agriculture.
Afin d'y remédier, la Commission européenne est intervenue le 7 juin dernier en autorisant la distillation d'une partie des stocks, c'est-à-dire leur transformation en alcool à usage industriel, en vue de réduire l'offre et donc de soutenir les cours.
Cependant, son offre a été considérée comme insuffisante par la France, ou tout au moins d'un niveau inférieur à ce qu'elle attendait, car insuffisamment rémunératrice pour les professionnels. Aussi le Gouvernement a-t-il décidé le 8 juin, et je vous en sais tout particulièrement gré, monsieur le ministre, d'apporter aux viticulteurs une enveloppe globale de plus de 20 millions d'euros. Répartie sous forme d'aides de trésorerie complétant le dispositif communautaire, elle devrait permettre à chaque producteur s'engageant dans la distillation d'obtenir 2,90 euros par degré et par hectolitre de vin de table et 3,35 euros par degré et par hectolitre de vin de qualité.
Si le dispositif de soutien, tel qu'il a été complété par la France, est appréciable, il risque toutefois d'être insuffisamment incitatif pour les vins de qualité. La rémunération garantie étant inférieure aux cours du marché, le risque est grand que certains producteurs, comme cela avait déjà été le cas l'année passée, renoncent à distiller, en espérant que la participation des producteurs « disciplinés » suffise à soutenir les cours. Or un tel jeu non coopératif limiterait considérablement la portée du dispositif : l'ensemble des quotas de distillation ne serait pas utilisé, l'offre demeurerait surabondante et les cours ne seraient pas revalorisés.
Il y a un moyen de prévenir de tels comportements, c'est de jouer sur les rendements maximum autorisés, en donnant aux pouvoirs publics la possibilité de fixer eux-mêmes ces rendements, à un niveau revu à la baisse, afin d'obliger les producteurs de vins AOC récalcitrants à limiter leur production.
C'est l'objet de la présente proposition de loi, déposée par le député Antoine Herth, identique, dans sa version initiale, à celle déposée par notre collègue Gérard Bailly.
Examiné mardi soir par l'Assemblée nationale, le texte a fait l'objet d'un amendement du député Hugues Martin, sous-amendé par le rapporteur : il prévoit que la décision du Gouvernement concernant les rendements est prise après consultation pour avis de l'INAO. Cela permet de maintenir la possibilité pour les professionnels concernés de donner clairement leur position et de prendre leurs responsabilités, tout en ne liant pas le Gouvernement dans sa décision finale.
Pour ma part, je vous proposerai, mes chers collègues, d'adopter ce texte conforme. Il ne comporte en effet plus qu'une seule disposition, simple dans son contenu, dont les seules améliorations envisageables ont été apportées par nos collègues députés. Voter le texte conforme permettrait de l'adopter définitivement juste avant la fin de la session et de le rendre ainsi applicable dès le lancement de la campagne viticole de cette année.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Dans le contexte de crise viticole sans précédent que nous connaissons, vous m'avez très souvent entendu insister, monsieur le ministre, sur l'absolue nécessité de permettre à de nombreux viticulteurs de passer un cap extrêmement difficile, faute de quoi des pans entiers de ce secteur d'activité disparaîtront.
Or, vous le savez, la situation se détériore de jour en jour. Cette situation, dans un contexte certes différent, ressemble fort à la période qui avait précédé les événements tragiques de 1907, une année qui a marqué à jamais le midi de la France.
Nous allons d'ailleurs commémorer cette révolte des vignerons l'an prochain, et je ne vous cache pas que nous allons le faire avec une certaine appréhension, tant la situation est grave. Force est de le constater, un siècle après, les vignerons éprouvent toujours, en Languedoc-Roussillon notamment, le même sentiment d'abandon.
Quel avenir les pouvoirs publics entendent-ils réserver à la première région viticole du monde ? Le pessimisme règne, monsieur le ministre. La présente proposition de loi, selon son exposé des motifs, « offre donc la possibilité de fixer par un arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'économie et de la consommation, des seuils de rendements adaptés, permettant le cas échéant de compenser un engagement insuffisant dans la campagne de distillation volontaire. » Cette possibilité est offerte à titre exceptionnel et après consultation pour avis de l'INAO.
Je comprends les intentions des auteurs de cette proposition de loi. Il s'agit de permettre au Gouvernement de baisser les rendements autorisés pour les AOC qui, dans certaines régions, ne participent pas, ou trop peu, aux mesures d'assainissement du marché et qui espèrent que les efforts de distillation seront accomplis par d'autres. Étrange comportement, en effet !
Mais, en marge de nos travaux en cette fin de session, à quelques mois des prochaines vendanges, on me permettra de faire quelques remarques d'ordre général.
La première est bien plus qu'une remarque de forme. Cessons, comme j'ai pu le lire et même l'entendre, de qualifier certaines catégories de vins « vins de qualité », ce qui tendrait à dire que les vins de pays et les vins de tables ne seraient pas, eux, de qualité... Je puis vous assurer que nous avons aussi des vins de pays de très grande qualité.
Ma deuxième remarque est pour regretter que les instances européennes aient décidé de refuser un volume de distillation plus important et à des prix plus rémunérateurs. Vous avez été précis, monsieur le ministre, et j'ai bien noté votre réaction.
Pour cette raison, je crains que cette mesure d'assainissement n'ait pas de véritable effet sur le marché. De surcroît, elle arrive bien tard, pour ne pas dire trop tard. Encore une occasion manquée, serais-je tenté d'ajouter, et toujours cette lente mais régulière dégradation du marché...
Va-t-on continuer à laisser à la crise le soin de faire le sale travail, c'est-à-dire de tirer un trait sur des zones viticoles entières ? C'est une vraie question.
Ce que nous attendons de l'État en urgence, vous le savez, monsieur le ministre, ce sont d'abord des mesures conjoncturelles autrement plus conséquentes que celles que vous avez annoncées. Je vous ai dit voilà deux mois, ici même, que des exploitations, en nombre particulièrement important, perdaient en moyenne entre 600 euros et 1 000 euros par hectare, alors que les aides que vous proposiez ne s'élevaient, en moyenne, qu'à 1 000 euros par exploitation.
Il vous faut - j'y insiste, monsieur le ministre - revoir l'ensemble des mesures conjoncturelles et mettre en place un véritable soutien social, faute de quoi, je le répète, des pans entiers de l'économie vitivinicole vont disparaître, entraînant d'innombrables drames humains.
Par ailleurs, pourquoi le Gouvernement n'a-t-il pas donné suite aux récentes décisions de l'Union européenne qui permettent de porter le montant annuel des préretraites jusqu'à 18 000 euros par an, avec un cofinancement de 50 % ?
Dans mon département, 34 % des viticulteurs ont plus de cinquante-cinq ans. C'est, à mon avis, encore une occasion manquée !
En avril dernier, lors du débat sur la situation viticole, concernant la prochaine réforme de l'OCM-vin, j'avais mis en avant les lignes de force qui nous paraissaient être fondamentales, je n'y reviens donc pas.
Mais quel choc avons-nous ressenti en prenant connaissance des orientations annoncées par la Commission européenne sur cette réforme de l'OCM vitivinicole ! C'est, comme vous l'avez vous-même souligné voilà quelques instants, monsieur le ministre, une véritable provocation !
Nous sommes là, ni plus ni moins, dans l'inacceptable ! Le plan d'arrachage de 400 000 hectares qui est proposé est inacceptable, d'autant que nous savons quelle région en pâtira le plus en France !
M. Roland Courteau. Faut-il rappeler que, par le passé, près de 120 000 hectares ont déjà été voués à l'arrachage en Languedoc-Roussillon ?
En réalité, cela ressemble fort à un plan de liquidation de la viticulture. En fait d'arrachage, nous aurions apprécié que l'on réglât le problème des 150 000 hectares plantés illicitement en Espagne, en Italie, en Grèce et peut-être même en France...
Bref, les orientations de la Commission ressemblent à une sorte de dépeçage : suppression des outils de régulation du marché, donc des distillations ; réduction des financements ; volonté de lever l'interdiction de vinifier des moûts importés des pays tiers et de mélanger les vins communautaires. Sur ce dernier point, d'ailleurs, craignons certaines tentations de fraudes et de trafics !
Le Gouvernement se doit donc de refuser l'inacceptable et il est impératif que le secteur du vin bénéficie d'une politique vitivinicole européenne et française autrement plus positive et ambitieuse que celle dont nous sommes actuellement dotés.
Toujours dans le domaine communautaire, je me permettrai une parenthèse : comment expliquer, monsieur le ministre, que des produits phytosanitaires soient interdits en France mais autorisés en Espagne ? Si vous me répondez que c'est pour des raisons de santé publique, comment expliquez-vous que l'on importe des vins espagnols issus de vignobles ayant bénéficié de traitements phytosanitaires considérés, en France, comme dangereux pour la santé ? Dans ce cas, n'y a-t-il pas lieu de contrôler la qualité des vins d'Espagne que nous importons ? Je souhaiterais connaître votre sentiment sur ce point, monsieur le ministre.
J'en viens à deux préoccupations essentielles - et ce n'est pas la première fois que vous m'entendez les évoquer, car elles touchent aux causes mêmes de la crise : la baisse de la consommation en France et la baisse de nos exportations.
Sur ce dernier point, je l'ai déjà dit, les aides à la promotion et à l'exportation sont insuffisantes comparées à celles consenties par l'Espagne, 49 millions d'euros, par l'Australie, 75 millions d'euros, ou même par le conseil régional du Languedoc-Roussillon, 12 millions d'euros.
Concernant le premier point, je ne peux que déplorer l'entreprise de diabolisation dont le vin est la cible. Peut-être faut-il chercher là l'une des raisons de la baisse régulière de la consommation, qui est, vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur, de l'ordre de 750 000 hectolitres par an ? Peut-être faut-il chercher là l'une des explications au changement de comportement alimentaire des jeunes, qui ont tendance, comme vous le soulignez également justement, monsieur le rapporteur, à délaisser le vin au profit d'autres alcools, souvent plus forts ?
Inlassablement, je rappellerai l'article L. 3311-3 du code de la santé publique, qui interdit, dans le cadre des campagnes de prévention, toute discrimination entre les différentes boissons.
Par ailleurs, comment espérer convaincre les populations de l'Europe du Nord, où la consommation s'accroît régulièrement, de consommer nos vins français, alors que la plupart des campagnes de prévention, au demeurant fort légitimes, stigmatisent régulièrement le vin, et uniquement le vin ?
Dernière provocation, monsieur le ministre : le sujet soumis aux candidats à un baccalauréat agricole, dans lequel l'on demandait aux élèves de traiter une question portant sur « les dangers du vin » ! Notez au passage que, une fois de plus, on n'évoque pas les alcools durs, ni la bière ou d'autres boissons industrielles, ni même l'alcool en général...
Quelles sont vos réactions, monsieur le ministre, par rapport à cet acte provocateur - car je ne crois pas à une simple erreur - qui reflète bien la pensée dominante de certains milieux ?
Je voudrais évoquer un ultime point, monsieur le ministre. Il semblerait que, dans certaines casernes de régions viticoles, l'on consomme du vin, du vin certes, mais provenant d'Espagne ! Convenons que, dans le contexte de crise que nous connaissons, une telle information est particulièrement choquante. Je vais donc m'employer à la vérifier, mais je serais intéressé de connaître votre sentiment.
Comme nous pouvons le constater, la crise viticole que nous subissons est d'une très grande ampleur. Alors, bien au-delà de la présente proposition de loi, je crois devoir le rappeler encore une fois, l'urgence commande de mettre en oeuvre, d'abord, un véritable soutien social aux viticulteurs en difficulté, puis une politique viticole digne de ce nom !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre. Je remercie M. Jackie Pierre de la qualité de son rapport et de la précision avec laquelle il a présenté la proposition de loi. Par ailleurs, je tiens à répondre à M. Courteau, qui a eu la courtoisie de me poser quelques questions.
S'agissant du vin en provenance d'Espagne consommé dans les casernes, monsieur le sénateur, j'avoue que je n'en ai pas entendu parler, mais je vais interroger Mme Alliot-Marie pour qu'elle diligente les informations nécessaires.
Quant au sujet donné au baccalauréat, c'est en effet une absurdité. La tentation de mettre un peu d'huile sur le feu n'y était peut-être pas étrangère... J'ai réagi avec véhémence car, comme vous, j'ai été choqué. J'ai demandé une enquête pour savoir comment les sujets étaient choisis et nous avons réformé le système pour l'année prochaine. Je vous signale que je me suis fait « enguirlander » par un syndicat enseignant que vous connaissez bien, sur le thème : « le ministre n'a pas à se mêler de nos affaires ! ». Vous voyez, nul n'est prophète en son pays... (Sourires.)
En ce qui concerne les exportations, vous avez raison, nous devons mettre le paquet.
Je me suis rendu à Hong-Kong, où s'est tenu cette année le salon Vinexpo. De nombreux viticulteurs de toutes les régions de France, dont ceux de votre région, y ont participé, et ils ont pris de bons contacts.
Il faut que nous augmentions nos efforts à l'exportation, car c'est là que nous trouverons de nouveaux débouchés. Le marché intérieur ne représente que 62 millions d'habitants. Les vins de votre région, monsieur le sénateur, sont tout à fait capables de rivaliser avec les vins australiens ou chiliens sur beaucoup de marchés, voire de les surpasser.
Nous allons mettre en place le Conseil de la modération et de la prévention. Il se réunira dans quelques jours sous la présidence de Michel Rougé. C'était la volonté d'un grand nombre de parlementaires, en particulier de sénateurs. Le président du Sénat, M. Poncelet, a désigné les représentants du Sénat et le président de l'Assemblée nationale, M. Debré, les représentants de l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne les produits phytosanitaires, vous avez également raison, monsieur le sénateur, ils introduisent une vraie distorsion de concurrence.
La loi d'orientation agricole a créé un observatoire des distorsions pour étudier tous ces sujets. Cet observatoire sera mis en place à la fin du mois de juillet, et je lui demanderai lors de ses premiers travaux d'examiner la question de l'utilisation de ces produits phytosanitaires afin que je puisse vous en rendre compte rapidement.
M. Roland Courteau. Merci !
M. Dominique Bussereau, ministre. C'est un vrai problème. Je crois d'ailleurs qu'aujourd'hui, au Perthus, de jeunes agriculteurs ont organisé des barrages et effectué des vérifications pour dénoncer la distorsion induite par les produits phytosanitaires.
Quant à l'expression « vin de qualité », elle s'inspire des règlements communautaires et de ce que l'on appelle les VQPRD, les vins de qualité produits dans des régions déterminées. Il s'agit donc d'une appellation technocratique, et non d'un jugement de valeur.
Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter.
En tout état de cause, je remercie la Haute Assemblée d'avoir travaillé aussi rapidement sur cette proposition de loi qui va maintenant être soumise à votre appréciation, mesdames, messieurs les sénateurs. Je souhaite de tout coeur qu'elle reçoive de votre part un accueil positif.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
À titre exceptionnel et par dérogation à l'article L. 641-3 du code rural, les ministres chargés de l'agriculture, de l'économie et de la consommation peuvent, après consultation pour avis de l'Institut national des appellations d'origine, fixer pour la campagne 2006-2007 les rendements autorisés pour les vins à appellation d'origine contrôlée, y compris en dessous du rendement de base fixé dans le décret de l'appellation considérée.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée définitivement.)
11
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de modernisation de la fonction publique.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 440, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
12
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE résolution
M. le président. J'ai reçu de M. Roland Ries une proposition de résolution, présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil portant création du fonds européen d'ajustement à la mondialisation (n° E-3102).
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 441, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
13
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil relative à la signature de l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement du Canada établissant un cadre de coopération dans les domaines de l'enseignement supérieur, de la formation et de la jeunesse ; Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et le gouvernement du Canada établissant un cadre de coopération dans les domaines de l'enseignement supérieur, de la formation et de la jeunesse.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3178 et distribué.
14
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de MM. Alain Vasselle et Bernard Cazeau un rapport d'information fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) de la commission des affaires sociales sur les évolutions du financement de la protection sociale et la réforme du système de santé en Allemagne.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 439 et distribué.
15
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 30 juin 2006 :
À neuf heures trente :
1. Discussion des conclusions du rapport (n° 419, 2005-2006) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information.
M. Michel Thiollière, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
2. Discussion des conclusions du rapport (n° 416, 2005-2006) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement.
M. Dominique Braye, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
L'après-midi :
3. Discussion des conclusions du rapport (n° 413, 2005-2006) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-trois heures quinze.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD