Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 64, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 64, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Au dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, les mots: « et sont entrés régulièrement en France ou qui détiennent un titre de séjour d'une durée au moins égale à un an », sont remplacés par les mots: « en France ».
II. Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er décembre 2007.
III.- Les dépenses résultant du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le bénéfice de l'aide juridictionnelle aux étrangers exerçant un recours devant la Commission des recours des réfugiés, même quand ils sont entrés de manière irrégulière sur le territoire. Les modalités d'entrée en France sont, en effet, indifférentes à la qualité de réfugié. Il faut donc permettre au demandeur d'asile d'assurer au mieux sa défense devant la Commission des recours.
En outre, cette modification tend à prendre en compte les exigences de la directive du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié, qui impose aux États membres de prévoir une assistance juridique gratuite lors des recours contre les décisions concernant l'admission ou la non-admission au statut de réfugié.
Ce nouveau dispositif devait être applicable à compter du 1er décembre 2007. Mais les choses n'étant pas tout à fait parfaites, le Conseil de l'Union européenne a indiqué qu'il existait, en réalité, une erreur dans la version française du Journal officiel de l'Union européenne sur la date d'entrée en vigueur de ce dispositif et qu'il fallait lire « 2008 ».
Soucieux de respecter ce point, je propose donc de rectifier l'amendement et de rédiger le deuxième paragraphe de la façon suivante : « Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er décembre 2008 ». Ainsi, le bénéfice de l'aide juridictionnelle sera étendu à ceux qui saisissent la Commission des recours.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 64 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Après l'article 64, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Au dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, les mots: « et sont entrés régulièrement en France ou qui détiennent un titre de séjour d'une durée au moins égale à un an », sont remplacés par les mots: « en France ».
II. Les dispositions du I sont applicables à compter du 1er décembre 2008.
III. Les dépenses résultant du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 260, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 66, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle est ainsi rédigé :
« Devant la commission des recours des réfugiés, elle est accordée, dans les conditions prévues à l'article 15-2 de la directive du Conseil n° 2005/85 du 1er décembre 2005, aux étrangers qui résident habituellement en France ou qui détiennent un titre de séjour d'une durée de validité au moins égal à un an. »
II. Les dépenses résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement est tout à fait dans le même esprit que celui que vient de présenter François-Noël Buffet. Cela étant, est-il vraiment indispensable de remplacer 2007 par 2008 ? S'il est possible d'agir plus tôt, qui s'en plaindra ?
L'amendement que présentera Mme Borvo tout à l'heure va encore plus loin. L'amendement du groupe CRC vise, en effet à étendre le champ d'intervention de la Commission des recours des réfugiés, qui est limité dans notre amendement.
Compte tenu de la centralisation de tous les recours devant la CRR ainsi que de la domiciliation de nombreux demandeurs d'asile en province, un problème se pose à la fois pour que les frais de déplacement du conseil soient remboursés, pour que le libre choix de l'avocat soit garanti et, sur le plan pratique, pour que le demandeur d'asile puisse consulter personnellement son dossier avec son conseil avant le jour de l'audience.
Ces trois amendements, à des degrés divers, vont dans le même sens. L'objet qu'ils visent honorera notre assemblée si elle les vote : il s'agit de renforcer les garanties dont bénéficient les demandeurs d'asile.
Je ne pense pas qu'il soit ici nécessaire d'insister trop longuement sur l'importance que peut représenter l'assistance d'un avocat dans la procédure. Comme l'a excellemment rappelé François-Noël Buffet, actuellement, aux termes de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'aide juridictionnelle devant la CRR ne peut être accordée qu'aux étrangers entrés régulièrement sur le territoire français.
Nous devons respecter nos engagements européens. La directive du 1er décembre 2005 prévoit le droit, pour les réfugiés - c'est une bonne chose -, d'entrer sans autorisation sur le territoire des pays d'accueil. Effectivement, quand on est réfugié, on se sauve ! Cette vérité est peut-être d'une banalité effrayante, mais encore faut-il la rappeler.
L'Europe impose une réforme de l'aide juridictionnelle avant une certaine date. Pourquoi ne pas faire mieux si l'on peut prendre des garanties par anticipation ?
Tel est l'esprit de notre amendement, qui n'est d'ailleurs que la traduction de la recommandation n° 27 émise par la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine.
Monsieur le rapporteur, est-il vraiment nécessaire de dégrader votre amendement en le rectifiant ? Pourquoi ne pas faire plus que ce qui est prévu ? Cela ne pose aucun problème de fond.
Mme la présidente. L'amendement n° 454, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi rédigé :
« Sont admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle tous les demandeurs d'asile, tant devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qu'en cas de recours devant la commission des recours des réfugiés. L'aide juridictionnelle pour les demandeurs d'asile inclut, pour ceux qui résident hors de l'Île-de-France, une indemnité destinée à rembourser les frais de déplacement du demandeur et de son avocat lorsqu'ils doivent se rendre soit à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soit à la commission des recours. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le nombre des recours, qui s'avèrent tout à fait utiles, a augmenté et leur centralisation s'est généralisée. La Commission des recours des réfugiés est à l'origine de deux ou trois fois plus de décisions d'admission que l'OFPRA. Cela pose, d'ailleurs, un problème d'équilibre entre les deux institutions et de confiance à l'égard de l'Office, que la réforme de 2003 a un peu plus conforté.
Nous souhaitons que les demandeurs d'asile puissent bénéficier de l'aide juridique tant devant l'OFPRA que devant la Commission des recours des réfugiés.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 260, la commission estime qu'il faut respecter les dispositions de la directive et prendre le temps nécessaire à l'organisation de la réforme. Celle-ci ne peut se faire simplement, y compris, d'ailleurs, en termes de moyens matériels et financiers.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 454 vise à étendre le dispositif à tous les demandeurs d'asile, en incluant une compensation financière pour les dépassements occasionnés lors de la venue à l'OFPRA ou à la Commission des recours des réfugiés.
Il faut s'en tenir au dispositif de droit commun prévu par la loi de 1991 et ne pas chercher à aller au-delà. Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'émets un avis très favorable sur l'amendement n° 64 rectifié et je lève le gage.
Mme la présidente. Il s'agit donc de l'amendement n° 64 rectifié bis.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. En revanche, j'émets un avis défavorable sur les amendements nos 260 et 454, dont les dispositions vont au-delà de nos engagements européens.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 64 rectifié bis.
M. Bernard Frimat. Il n'y a pas de désaccord de fond entre nous. Au départ, nous souhaitons tous apporter des garanties, même si leur intensité est plus ou moins importante. La commission des lois - je parle sous le contrôle de son président - vise le même objectif que nous.
Nous avons suffisamment l'occasion de nous opposer pour éviter de le faire quand rien ne le justifie ! Cependant, j'avoue que le recul de la date me gêne. Je serais même tenté de sous-amender la proposition personnelle de M. le rapporteur, qui se conforme aux dispositions de la directive, pour revenir à la suggestion de la commission des lois. Cela dit, je suis très partagé, d'autant que l'on est sur le budget pour 2007. Donc, la capacité d'opposer l'aspect financier me semble tout de même, en juin 2006, relativement modeste...
Je souhaite vraiment exprimer des regrets. Il est dommage que cet effort commun soit ainsi amoindri. Cela ne nous conduira pas à voter contre cet amendement, parce qu'il représente néanmoins un progrès, mais il aurait fallu accorder au demandeur d'asile cette garantie une année plus tôt. Ce n'était pas un effort extraordinaire !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 64, et les amendements nos 260 et 454 n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 64 ou après l'article 66
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 65, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 64, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à appliquer l'une des recommandations faites par la commission d'enquête sénatoriale concernant le délai pour saisir la Commission des recours des réfugiés. La commission a souhaité que ce délai soit fixé à un mois.
Mme la présidente. L'amendement n° 265, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 66, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par une phrase ainsi rédigée : « A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de l'office. »
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous pensons, comme M. le rapporteur, qu'il faut allonger les délais de recours devant la Commission des recours des réfugiés. La raison essentielle, comme l'a dit ma collègue Mme Borvo, est que, sur les 13 000 personnes qui se sont vu octroyer la qualité de réfugié en 2005, moins d'un tiers d'entre elles, soit 4 184 personnes, l'ont obtenue en première instance. Cela signifie que les deux autres tiers ont dû recourir à la Commission des recours des réfugiés.
La question des délais est donc essentielle dans l'effectivité du recours. Je rappelle que l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile détermine les décisions de l'OFPRA qui peuvent faire l'objet d'un recours devant la CRR, sans préciser la durée du délai dans lequel ces recours doivent être introduits.
Depuis 2003, cette durée ne figure plus dans la loi, mais relève de l'article 19 du décret du 14 août 2004, qui fixe le délai de un mois pour l'exercice des recours devant la CRR. C'est le délai auquel la commission entend revenir.
Or le comité interministériel de contrôle de l'immigration a annoncé, pour sa part, la réduction de ce délai d'un mois à quinze jours.
Il importe d'envisager les conséquences pratiques d'une telle réduction.
Si le délai de recours est réduit à quinze jours, le délai effectif pour la rédaction et l'envoi du recours sera plus court dans la mesure où, aux termes de la jurisprudence du Conseil d'État, le recours doit être enregistré au greffe de la CRR avant l'expiration du dernier jour du délai de recours. En fonction du délai d'acheminement postal, le demandeur doit donc envoyer son recours plusieurs jours avant cette expiration.
La réduction du délai interdira donc tout recours effectif aux demandeurs d'asile qui n'ont pas eu connaissance à temps de la décision de rejet de l'OFPRA.
Comme vous le savez, la plupart des demandeurs d'asile sont contraints d'avoir recours à une domiciliation associative, ou chez un tiers, et n'ont donc pas un accès quotidien à leur courrier. Or la décision de l'OFPRA est envoyée par lettre recommandée, lettre qui est retournée à l'Office si le demandeur n'a pu la retirer à la poste sous quinze jours. Le délai de recours, fixé à quinze jours, sera alors expiré.
Vous le voyez, tout simplement pour des raisons de délai d'acheminement postal, le recours effectif disparaîtra.
Cette situation risque d'aboutir au rejet des recours hors délai, pour saisine tardive de la commission. En effet, les recours doivent être rédigés en français : or, nombre de demandeurs d'asile ne sont pas francophones et aucune aide pour la traduction des dossiers n'est prévue. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement prévoyant l'assistance gratuite d'un interprète pour la rédaction de la demande. Actuellement, ce sont les associations qui assurent cette tâche, dans la majeure partie des cas.
Enfin, pour des raisons de bon sens, la réduction du délai de recours favorisera le rejet « par ordonnance », par le président de la commission, des recours considérés comme dépourvus « d'élément sérieux susceptible de remettre en cause la décision de l'OFPRA », conformément à la réforme de 2003 sur l'asile. Le demandeur n'est alors ni convoqué à une audience, ni entendu par la formation collégiale.
Si le délai est trop réduit, les demandeurs n'auront pas le temps de construire une argumentation suffisante à l'appui des recours, car ils ne peuvent se contenter de reprendre leur demande telle qu'ils l'avaient présentée devant l'OFPRA ; ils doivent la reprendre à la lumière de la décision de l'Office, afin d'en contester les objections. La commission étant une juridiction de plein contentieux, elle examine l'ensemble de la demande : le recours doit donc, à la fois, reprendre la demande initiale et développer un argumentaire remettant en cause le bien-fondé de la décision de rejet de l'OFPRA.
On le voit, raccourcir ce délai crée inévitablement des obstacles en chaîne pour les demandeurs d'asile, dont beaucoup ne parviennent déjà pas à se défendre convenablement dans le cadre du droit existant.
A l'appui de sa recommandation n° 28, la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine qui, malheureusement, ne va pas au bout de la logique de son constat, estime qu'il serait « souhaitable de renoncer à faire peser sur les demandeurs d'asile la charge de la réduction des délais de procédure, sauf à prendre le risque de paraître leur marchander les moyens de faire valoir leurs droits dans un système juridique complexe et qui leur est, somme toute, sans doute moins favorable que ceux qui font une plus large place à l'oralité ».
C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons nous satisfaire de l'amendement n° 65 de la commission, même s'il va dans le bon sens, car il ne prend pas la mesure réelle de la situation.
Compte tenu de l'importance de ce délai, nous proposons, d'une part, de lui donner un caractère législatif en l'inscrivant à nouveau dans la loi - comme le fait la commission des lois - et, d'autre part, de le fixer à deux mois, délai correspondant à la durée de droit commun en matière administrative.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. En matière pénale, il est d'usage de dire : « On a la vie pour maudire son juge et dix jours pour faire appel. » (Sourires.)
En l'occurrence, le délai de un mois me paraît tout à fait raisonnable. N'oublions pas qu'une décision, que l'on pourrait qualifier de première instance, a déjà été rendue par l'OFPRA et que ce délai permet d'ouvrir la voie du recours devant la commission, sachant que l'on a d'ores et déjà connaissance des décisions de première instance.
Ce délai laisse donc le temps de former cet appel. De surcroît, rien n'empêche le requérant de compléter ensuite son dossier, avant que la commission elle-même n'appréhende l'affaire.
C'est donc un délai équilibré et adapté. En règle générale, tous les recours en appel devant les juridictions, qu'elles soient civiles, commerciales ou pénales, s'effectuent dans un délai assez court. Ainsi, il est de dix jours en matière pénale.
S'agissant du problème des interprètes, je rappelle que le dossier de saisine de l'OFPRA par le requérant se résume, concrètement, à trois ou quatre lignes d'explications. L'entretien individuel a lieu ensuite, dans les conditions que j'évoquais tout à l'heure, avec des experts et, le cas échéant, un interprète, si la présence de ce dernier est nécessaire pour bien comprendre l'objet de la demande.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 265.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Sur l'amendement n° 65, je rappelle que le délai de recours devant la commission des recours des réfugiés est actuellement fixé à un mois par décret en Conseil d'État.
Le Gouvernement n'entend pas modifier ce décret et il s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement, pour ce qui concerne l'inscription de ce délai dans la loi.
En revanche, il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 265.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 65.
M. Bernard Frimat. Cet amendement va dans le bon sens, nous ne le contestons pas. Si l'intention du Gouvernement est aujourd'hui de maintenir la durée du délai mentionnée dans le décret, puisque publicité en a été faite, il est souhaitable de la confirmer en l'inscrivant dans la loi, laquelle constitue une garantie.
En effet, d'autres solutions avaient été envisagées, notamment une réduction de ce délai à quinze jours. Or, lors des visites que nous avons effectuées dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile, les travailleurs sociaux nous ont déclaré qu'un tel délai était trop court pour monter un dossier qui permette de défendre valablement les chances du demandeur.
Il nous paraît donc important de voter cet amendement pour nous prémunir contre le raccourcissement du délai. Certes, nous aurions pu dire, avec M. de La Palice, que « deux mois, c'est mieux qu'un », mais étant désireux de nous montrer positifs, nous sommes preneurs de cette durée de un mois !
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 64, et l'amendement n° 265 n'a plus d'objet.
Chapitre ii
Dispositions relatives à l'accueil des demandeurs d'asile
Article additionnel avant l'article 65 ou après l'article 66
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 252 rectifié, présenté par MM. Delfau, Baylet, A. Boyer, Collin, Fortassin et Mouly, est ainsi libellé :
Avant l'article 65, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Après la première phrase de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« L'autorité compétente est tenue de l'informer de ce droit, dans une langue qu'il comprend, selon les modalités prévues à l'article L. 111-8 et de lui délivrer un document attestant de cette saisine et précisant ses droits prévus à l'article L. 742-6. »
II. Le début de la seconde phrase du même article est ainsi rédigé : « La demande est examinée ... (le reste sans changement) ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 262, présenté par M. Frimat, Mme Alquier, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 66, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La dernière phrase de l'article L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« L'autorité compétente est tenue de l'informer de ce droit, dans une langue qu'il comprend, selon les modalités prévues à l'article L. 111-8 et de lui délivrer un document attestant de cette saisine et précisant ses droits prévus à l'article L. 742-6. La demande d'asile est examinée dans les conditions prévues au second alinéa de l'article L. 723-1. »
La parole est à M. Bernard Frimat.
M. Bernard Frimat. Cet amendement a pour objet de s'assurer que l'information d'une personne non admise au séjour sera effectuée quant au droit dont elle dispose de déposer une demande d'asile et qu'un document attestant de cette saisine lui sera délivré.
Sauf s'il est fondé sur l'incompétence d'un autre État, en application du règlement Dublin II, le refus d'admission au séjour n'empêche pas l'étranger de saisir l'OFPRA.
Cela étant, la réalité est compliquée et difficile. Des impératifs de productivité et de rendement finissent par mettre en cause les droits des demandeurs d'asile. La commission d'enquête sénatoriale s'était d'ailleurs inquiétée, à juste titre, de la tendance systématique à réduire les délais des différentes procédures.
Cet amendement me fournit l'occasion de dépeindre, dans la pratique, la situation des étrangers qui ont réussi à poser le pied sur le territoire et qui ont quitté la ZAPI, leur demande ayant été jugée manifestement infondée.
Lors des témoignages que nous avons recueillis au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, la préfecture de Créteil a été citée. Il n'est pas dans mon intention de la dénigrer, car ses agents y accomplissent correctement leur travail, compte tenu des moyens dont ils disposent. Je veux simplement vous décrire la situation telle qu'elle nous a été rapportée.
Tout d'abord, il faut se présenter de bonne heure à la préfecture ; les files d'attente commencent au petit matin, le nombre de demandeurs reçus par jour étant limité. Muni d'un numéro, le demandeur d'asile attend, longtemps !
Puis, sur présentation de son passeport et d'un justificatif de domicile, il se voit remettre un formulaire à remplir, en français - sans l'aide du personnel, qui n'est pas là pour cela -, une liste de pièces à fournir, une convocation, sur papier bleu, pour un deuxième rendez-vous.
Le jour fixé, il revient à la préfecture et attend, cette fois dans la file d'attente des demandeurs munis d'un papier bleu.
Après avoir rendu le formulaire dûment rempli, il reçoit un nouveau numéro. Il fait ensuite l'objet d'une prise d'empreintes digitales numérisées, pour vérifier s'il n'a pas déposé une autre demande d'asile et s'il n'est pas inscrit au système d'information Schengen aux fins de non-admission sur le territoire.
Il retourne dans la salle d'attente, avec sa famille, ses enfants.
Après vérification de son passeport, de son absence sur la liste des refusés, s'il a fourni deux photos, si son formulaire a été rempli sans faute, si son justificatif de domicile est accepté, il reçoit un dossier de demandeur d'asile. Dès lors, muni d'un récépissé valable un mois, il est en situation régulière.
Mais il n'a que trois semaines pour déposer son dossier, dûment complété en français, à l'OFPRA. Au-delà de ce délai, le dossier ne sera pas examiné, ce qui signifie que tout sera fini pour le demandeur, que l'asile lui sera fermé.
Pourquoi ai-je attiré votre attention sur ce véritable parcours du combattant que doivent suivre les demandeurs d'asile, sans compter la difficulté de l'accès à la langue, même si les associations s'honorent de les accompagner dans leurs démarches ?
Par cet amendement, nous avons le souci de nous assurer que les pratiques exercées dans les préfectures sont en conformité avec la directive du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales d'accueil des demandeurs d'asile, en matière d'information - article 5 - et de délivrance de documents attestant la saisine de l'OFPRA jusqu'à la décision de l'Office - article 6.
Il me sera peut-être objecté que mon propos relève du domaine réglementaire et non pas de la loi. Je veux bien l'entendre.
De toute façon, vous avez les moyens de faire subir à cet amendement le sort que vous voulez, et ce n'est pas cela qui provoquera chez moi un quelconque trouble.
Ce que nous voulons, c'est que vous affichiez la garantie que le demandeur d'asile est informé du droit qu'a celui à qui l'admission au séjour a été refusée de demander l'asile et que récépissé lui en est donné attestant cette saisine.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, considérant que, à l'occasion de la première décision qui a été rendue, l'étranger a eu accès aux informations suffisantes. De surcroît, ce dispositif serait de nature à entraîner un nombre important de contentieux.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Frimat, j'apprécie que, au-delà de la simple question des domaines de la loi et du règlement - puisque vous-même soulignez que vous sortez sans doute du champ législatif pour entrer dans le champ réglementaire -, vous évoquiez les difficultés humaines rencontrées par les demandeurs d'asile dans les préfectures.
J'en conviens, une préfecture n'est pas une petite maison au milieu d'une clairière reculée où l'on ne rencontre en général que des ramasseurs de truffes... Je sais les difficultés humaines auxquelles on peut être confronté quand on ne parle pas la langue, que l'on arrive, que l'on doit faire ces démarches.
Pour autant, je ne pense pas que l'on puisse régler par la loi le problème que vous soulevez, car il s'agit de questions d'organisation. Leur importance est néanmoins incontestable, et nous y reviendrons notamment lors de l'examen de l'article 65, qui porte sur l'augmentation du nombre de places d'accueil et sur l'amélioration des conditions d'accueil des étrangers, ce qui peut inclure leur information sur tous leurs droits.
Ces dispositions ont déjà été introduites en droit français, par la voie réglementaire, en 2005. Ainsi, les préfectures remettent aux demandeurs d'asile le Guide du demandeur d'asile : information et orientation, rédigé en français, en anglais et en russe, et réalisé conjointement par le Haut Commissariat pour les réfugiés, le ministère de l'intérieur et l'association Forum réfugiés. Sur ces questions, toutes les associations ont été sollicitées, car elles sont très proches des réfugiés, les accompagnent au mieux et sont pour nous des interlocuteurs essentiels.
Ce guide est également consultable et téléchargeable sur le site Internet public du ministère de l'intérieur. Il est vrai que, s'agissant de réfugiés ne sachant pas forcément se servir d'un ordinateur ni accéder à Internet, ma réponse risque de ne pas totalement vous satisfaire, j'en conviens.
Nous avons fait de grands progrès ces dernières années pour garantir une meilleure information aux réfugiés ; je reconnais cependant que nous devons encore progresser.
Quoi qu'il en soit, je ne peux qu'être défavorable à votre amendement, vous le comprendrez, qui aborde beaucoup plus les aspects réglementaires que les aspects législatifs.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, je vous entends bien et, après vous, je salue l'action de Forum réfugiés. Les associations font un travail extraordinaire dans le domaine de l'accueil des étrangers ; elles ont droit à toute notre admiration et ne méritent pas - mais vous ne l'avez pas fait ! - d'être qualifiées de « droits-de-l'hommistes ». Ce sont des associations de grande qualité.
Qu'un guide ait été élaboré en commun avec elles et soit mis à disposition dans les préfectures, c'est très bien, tant mieux ! Qu'il ne puisse pas être rédigé dans la totalité des langues de la planète, je le comprends : ce sont là des faits qui peuvent arriver jusqu'à nos esprits limités. Mais nous sommes là aussi pour faire état des situations que nous rencontrons lorsque nous recevons des gens, pour faire remonter les informations. Comme j'essayais d'en convaincre Hugues Portelli tout à l'heure, si nous ne nous servons pas du débat parlementaire pour dire un certain nombre de choses sous prétexte que ceci ou cela est réglementaire, que faisons-nous ici ?
Il faut que les demandeurs d'asile arrivent jusqu'à la préfecture : cela suppose que soit clairement confirmé - peut-être cela peut-il faire l'objet d'une circulaire, puisque c'est la saison ! (Sourires.) - qu'une personne qui n'est pas admise au séjour sera informée qu'elle a le droit de déposer une demande d'asile. Est-ce possible, dans la pratique ?
M. Bernard Frimat. Je reconnais néanmoins que cela risque de dégrader momentanément le caractère dynamique des statistiques que recherche le ministre d'État.
Je maintiens mon amendement. Il va être rejeté, mais nous aurons eu l'occasion de nous expliquer.
Je vous entends bien, monsieur le ministre, mais tout ce qui sera fait pour améliorer la qualité de l'accueil dans les préfectures sera une bonne chose. Nous connaissons tous ces problèmes. À Lille, les personnes qui sont en situation régulière et qui doivent faire renouveler leur titre de séjour - je ne parle pas là des migrants demandeurs d'asile - forment de très longues files d'attente et l'hiver, dès quatre heures du matin, des associations leur offrent de la soupe, des boissons chaudes... Les préfets ont essayé de régler ce problème fort compliqué, par exemple en distribuant des numéros. Mais vous savez comme moi que la rareté crée tout de suite le trafic, et un marché parallèle des numéros était immédiatement apparu. Les situations sont donc très difficiles.
Monsieur le ministre, rien de ce que vous pourrez entreprendre pour améliorer dans les préfectures l'accueil réservé aux étrangers, qu'il s'agisse des travailleurs réguliers ou des demandeurs d'asile, rien de ce que vous pourrez faire pour que les agents en fonctions dans les services concernés soient de la plus grande qualité, rien, j'en suis convaincu, ne suscitera un quelconque désaccord sur aucune de nos travées.
Donc, je maintiens mon amendement, étant maintenant persuadé du sort funeste qu'il va connaître.