Articles additionnels après l'article 15 bis
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Article 17

Article 16

I. - Le troisième alinéa de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :

« L'existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code. Sous les mêmes réserves, il n'est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l'auteur de l'oeuvre de l'esprit est un agent de l'État, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public à caractère administratif, d'une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France. »

II. - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des articles L. 121-7-1 et L. 131-3-1 à L. 131-3-3 ne s'appliquent pas aux agents auteurs d'oeuvres dont la divulgation n'est soumise, en vertu de leur statut ou des règles qui régissent leurs fonctions, à aucun contrôle préalable de l'autorité hiérarchique. »

M. le président. L'amendement n° 170, présenté par MM. Ralite,  Renar et Voguet, Mme David et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour le troisième alinéa de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, insérer une phrase ainsi rédigée :

Les conseils des prud'hommes ne sont pas compétents pour régler les différends qui peuvent s'élever entre un auteur salarié et son employeur et qui relèvent des dispositions du livre premier et troisième du présent code.

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Depuis l'adoption de la loi du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique, les tentatives de faire basculer les droits patrimoniaux de l'auteur salarié dans l'escarcelle de l'employeur ont été fort nombreuses.

Cette loi a heureusement posé le principe - codifié à l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle - que le contrat de travail n'emporte pas automatiquement cession des droits d'auteur du salarié à son employeur, protégeant ainsi les journalistes, les réalisateurs, les dessinateurs, bref, tous ceux qui sont auteurs et qui ont dans le même temps un statut salarié.

Mais un courant défend les intérêts des entreprises contre les auteurs et remet régulièrement en cause ce principe clair en tentant de faire admettre l'idée d'une cession automatique ou implicite des droits de l'auteur salarié à l'employeur.

La jurisprudence des juridictions civiles résiste à ce mouvement en s'appuyant sur la défense de l'auteur salarié, qui est prévue dans le code. Mais récemment, deux décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation, en s'appuyant sur le fait qu'aucun article du code de la propriété intellectuelle ne réserve la compétence de son application aux juridictions civiles, ont considéré que la juridiction prud'homale serait compétente en matière de droit d'auteur.

Or les conseils de prud'hommes, juridictions professionnelles non averties des règles du droit d'auteur, n'ont pas la même rigueur dans l'application du code de la propriété intellectuelle. Ainsi, ils ont considéré que le producteur d'une oeuvre audiovisuelle est cessionnaire des droits d'une réalisatrice alors qu'aucun contrat, ni de travail ni de cession de droits, n'a été signé !

C'est faire basculer le droit des salariés en faveur de l'employeur, contre la volonté du législateur, en violation des dispositions les plus protectrices de l'auteur.

Quand on connaît la grande complexité du code de la propriété intellectuelle - cette complexité sera d'ailleurs encore accentuée par les modifications qui nous sont aujourd'hui proposées -, il est évident que seuls des magistrats connaissant à la fois les règles du contrat civil et le statut protégé de l'auteur sont capables de déterminer la qualité d'auteur, la protection de l'oeuvre, de surveiller que les règles de la cession prévues par le code de la propriété intellectuelle seront respectées et de faire respecter les droits moraux et patrimoniaux de l'auteur.

Imagine-t-on un instant un conseil de prud'hommes trancher du droit moral de l'auteur dans un conflit avec l'employeur ? Imagine-t-on un instant un conseil de prud'hommes dire que tel écrit, tel film, tel dessin, tel plan d'architecture serait ou ne serait pas une oeuvre ? C'est pourtant ce qui est en train de se dessiner après que les conseils de prud'hommes ont été déclarés compétents en la matière.

Les conseillers prud'homaux consultés, tant employeurs que salariés, ne le souhaitent pas, compte tenu de la tâche complexe qui est déjà la leur.

Aussi, mes chers collègues, je vous demande de voter cet amendement n° 170, qui vise simplement à faire en sorte que les conseils de prud'hommes ne soient pas compétents pour interpréter et appliquer le code de la propriété intellectuelle.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable. Les questions posées sont certes intéressantes, mais je les soumettrai à la concertation d'une instance qui travaille de manière très efficace, à savoir le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 170.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16.

(L'article 16 est adopté.)

Article 16
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Article 18

Article 17

Après l'article L. 121-7 du même code, il est inséré un article L. 121-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 121-7-1. - Le droit de divulgation reconnu à l'agent mentionné au troisième alinéa de l'article L. 111-1, qui a créé une oeuvre de l'esprit dans l'exercice de ses fonctions ou d'après les instructions reçues, s'exerce dans le respect des règles auxquelles il est soumis en sa qualité d'agent et de celles qui régissent l'organisation, le fonctionnement et l'activité de la personne publique qui l'emploie.

« L'agent ne peut :

« 1° S'opposer à la modification de l'oeuvre décidée dans l'intérêt du service par l'autorité investie du pouvoir hiérarchique, lorsque cette modification ne porte pas atteinte à son honneur ou à sa réputation ;

« 2° Exercer son droit de repentir et de retrait, sauf accord de l'autorité investie du pouvoir hiérarchique. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 219, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer l'avant dernier alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-7-1 du code de la propriété intellectuelle.

L'amendement n° 220, présenté par Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'avant dernier alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-7-1 du code de la propriété intellectuelle :

«1° S'opposer à la modification de l'oeuvre, lorsqu'elle est décidée par l'autorité investie du pouvoir hiérarchique dans la mesure strictement nécessaire à l'accomplissement d'une mission de service public et que cette modification ne porte pas atteinte à son honneur et à sa réputation ;

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Les droits d'auteur « à la française » se déclinent en droit patrimonial et en droit moral pour le créateur, et l'on ne peut que se féliciter de l'adoption de l'article 16, dans lequel il n'est pas dérogé à la jouissance de ses droits par un agent de l'État.

Ce texte reconnaît donc la persistance du lien entre l'oeuvre de l'esprit et l'auteur, même si celui-ci est salarié ou payé pour un service par l'État, une collectivité ou un établissement public à caractère administratif.

L'article 17 précise en son début comment s'appliquent les règles auxquelles est soumis l'agent et comment sont garanties la bonne organisation et l'activité de l'employeur.

C'est pourquoi les restrictions figurant à la fin de l'article 17 me semblent inopportunes et superflues. Elles sont superflues, car l'exercice de l'autorité hiérarchique permet des demandes fondées et un dialogue constructif. Il est inutile d'écrire que l'agent ne peut pas s'opposer à la modification de son oeuvre. En outre, ces restrictions sont inopportunes, car elles contredisent le droit moral.

Ajouterai-je qu'elles seraient du plus mauvais effet et que les élus locaux ici représentés n'ont aucune envie de se donner l'image de donneurs d'ordre soucieux, par exemple, de modifier des clichés photographiques ? La censure qui illustra l'histoire de quelques chefs d'État reniant leurs compagnons de route du passé n'est plus d'actualité. Ne laissons pas de rédaction résiduelle qui pourrait faire croire que ces pratiques seraient encore existantes et protégées par la loi. Nous n'en sommes plus là.

En revanche, le droit à l'intégrité de l'oeuvre ne doit pas être entamé. C'est précisément l'objet de l'amendement de suppression n° 219, qui est complété par l'amendement n° 220 de repli. Si nous souhaitons inscrire une disposition dans la loi, précisons au moins les conditions qui encadrent ces éventuelles modifications d'une oeuvre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. La proposition de l'amendement n° 219 est cohérente avec la tradition personnaliste du droit d'auteur, rappelée par MM. Ralite et Charasse, selon laquelle le droit moral de l'auteur ne doit faire l'objet de restrictions qu'à titre exceptionnel et sous le contrôle du juge.

Consulté sur le projet de loi, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a reconnu dans son avis 2001-1 qu'« aucune réglementation restrictive du droit moral n'apparaît souhaitable ».

C'est la raison pour laquelle la commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

En revanche, elle émet un avis défavorable sur l'amendement n° 220.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 219.

Mme Marie-Christine Blandin. L'avis de M. le ministre, un peu sec, ne nous éclaire pas beaucoup. J'imagine assez mal qu'il cautionne l'utilisation de logiciels permettant par exemple à un élu de faire disparaître telle ou telle personne d'une photo officielle.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 219.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 220.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 221, présenté par Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-7-1 du code de la propriété intellectuelle.

L'amendement n° 222, présenté par Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-7-1 du code de la propriété intellectuelle :

« 2° Exercer son droit de repentir ou de retrait, sauf lorsque l'exploitation de l'oeuvre décidée par l'autorité investie du pouvoir hiérarchique porte atteinte à son honneur ou sa réputation. »

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Dans le même état d'esprit, nous n'avons pas à entamer le principe du droit moral en interdisant le droit de repentir ou de retrait.

L'employeur n'en est pas spolié pour autant, car il dispose de tous les moyens de l'autorité hiérarchique si des pratiques répétées ne sont pas conformes à ses attentes et s'il estime que le service public en est altéré.

Mais l'éventualité très marginale de l'exercice du droit de repentir et de retrait par un salarié ne justifie pas que la loi mentionne une telle exception au droit moral.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Pour les mêmes raisons que précédemment, la commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 221 et un avis défavorable sur l'amendement n° 222.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 221.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 222.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17
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Articles additionnels avant l'article 19

Article 18

Après l'article L. 131-3 du même code, sont insérés trois articles L. 131-3-1 à L. 131-3-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 131-3-1. - Dans la mesure strictement nécessaire à l'accomplissement d'une mission de service public, le droit d'exploitation d'une oeuvre créée par un agent de l'État dans l'exercice de ses fonctions ou d'après les instructions reçues est, dès la création, cédé de plein droit à l'État.

« Pour l'exploitation commerciale de l'oeuvre mentionnée au premier alinéa, l'État ne dispose envers l'agent auteur que d'un droit de préférence. Cette disposition n'est pas applicable dans le cas d'activités de recherche scientifique d'un établissement public à caractère scientifique et technologique ou d'un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel, lorsque ces activités font l'objet d'un contrat avec une personne morale de droit privé.

« Art. L. 131-3-2. - Les dispositions de l'article L. 131-3-1 s'appliquent aux collectivités territoriales, aux établissements publics à caractère administratif, aux autorités administratives indépendantes dotées de la personnalité morale et à la Banque de France à propos des oeuvres créées par leurs agents dans l'exercice de leurs fonctions ou d'après les instructions reçues.

« Art. L. 131-3-3. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application des articles L. 131-3-1 et L. 131-3-2. Il définit en particulier les conditions dans lesquelles un agent, auteur d'une oeuvre, peut être intéressé aux produits tirés de son exploitation quand la personne publique qui l'emploie, cessionnaire du droit d'exploitation, a retiré un avantage d'une exploitation non commerciale de cette oeuvre ou d'une exploitation commerciale dans le cas prévu par la dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 131-3-1. »

M. le président. L'amendement n° 223, présenté par Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 131-3-1 du code de la propriété intellectuelle, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, la mention du nom de l'agent pour toute exploitation de l'oeuvre relevant du premier alinéa est impérative. 

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. L'article 18 du projet de loi est innovant, car il dispose que le droit d'exploitation d'une oeuvre créée par un agent public est cédé de plein droit à l'État. Cette mesure est juste, car ces oeuvres sont réalisées dans le cadre d'un travail rémunéré.

Cette cession est encadrée, puisque la rédaction envisage même, sans toutefois en préciser les modalités, une éventuelle exploitation commerciale et l'intéressement de l'auteur. Il faudra finaliser cette réflexion pour que les acteurs du secteur privé ne se plaignent pas de distorsion à la concurrence.

La proposition formulée par cet amendement n° 223 concerne plus le droit moral que la rémunération. Il s'agit de préciser que le nom de l'agent doit impérativement être mentionné. Les élus locaux maîtrisent les publications institutionnelles de leur collectivité. Si la photographie ou l'ours de la publication mentionne le nom de l'auteur, les clichés peuvent être utilisés à l'extérieur. Cet amendement est donc utile.

Il arrive même que des produits soient vendus dans le cadre d'une quasi-mission de service public, comme ce peut être le cas, par exemple, des posters d'un comité départemental de tourisme. Cet amendement devient alors nécessaire. Et si des exploitations commerciales sont envisagées, il devient indispensable.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. La cession légale prévue à l'article 18 du projet de loi porte sur le droit d'exploitation de l'oeuvre créée par un agent public.

Ce mécanisme ne porte donc en aucun cas atteinte aux différents attributs du droit moral de l'agent public dont fait partie le droit au respect de son nom.

C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable. Le texte ne vise en effet que le droit d'exploitation.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Le droit d'exploitation ne peut se faire dans le respect des droits de chacun que s'il y a traçabilité de l'auteur de l'oeuvre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 223.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

Titre III

DISPOSITIONS APPLICABLES AUX SOCIÉTÉS DE PERCEPTION ET DE RÉPARTITION DES DROITS

Article 18
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Article 19

Articles additionnels avant l'article 19

M. le président. L'amendement n° 79, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

Avant l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L.321-1 du code de la propriété intellectuelle, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Tout titulaire de droits peut, sur sa demande, être admis comme associé d'une société de perception et de répartition des droits ayant pour objet de gérer ces droits.

« Est réputée non écrite toute stipulation des statuts d'une société de perception et de répartition des droits déniant à ses associés, ou soumettant à l'autorisation de la société, le droit :

« - d'exercer individuellement certains de leurs droits patrimoniaux, à l'exception de ceux mentionnés aux articles L.122-10, L.132-20, L.133-1, L.214-1, L.217-2 et L.311-1 ;

« - de confier la gestion d'une partie de leurs droits à une autre société de perception et de répartition des droits. »

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. L'ensemble des amendements que je défends sont pratiquement tous plus ou moins issus du rapport de la commission de contrôle des sociétés de perception et de répartition des droits, institution présidée par M. Menasseyre et créée, on s'en souvient ici, sur l'initiative du Sénat.

S'agissant de l'amendement n° 79, comme vous le savez tous, il est pratiquement impossible de recouvrer les droits de la propriété intellectuelle sans adhérer à une société de gestion.

Deux propositions figurent dans cet amendement.

Premièrement, comme c'est le cas dans plusieurs législations étrangères, il s'agit de permettre à tout titulaire de droit d'être associé de la société qui gère ses droits. Il n'est pas admissible que les sociétés de perception prétendent avoir le droit de choisir leur associé alors qu'elles sont en situation de monopole.

Deuxièmement, il est prévu d'imposer aux sociétés de perception et de répartition des droits d'autoriser leurs associés à conserver la gestion individuelle d'une partie de leurs droits ou à les confier à une autre société.

Tels sont les deux objets de l'amendement n° 79, qui est pratiquement la copie de ce qui se fait dans de nombreuses législations étrangères.

M. le président. L'amendement n° 80, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

Avant l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L.321-1 du code de la propriété intellectuelle est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les sommes réparties aux ayants droit intègrent les produits financiers et patrimoniaux des sociétés concernées.

« Les droits prescrits en application du troisième alinéa et ceux dont les titulaires ne bénéficient pas de l'application du présent code, ainsi que les produits financiers de ces droits, sont ajoutés à la fin de chaque exercice aux droits de même nature perçus pendant cet exercice. »

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. L'amendement n° 80 est lui aussi issu du rapport de la commission Menasseyre rendu public voilà un mois, mais il a un objet différent de celui de l'amendement précédent.

Il s'agit, compte tenu des constatations faites par la commission sur l'abondance des trésoreries placées des sociétés, qui produisent des intérêts importants, et sur l'importance du patrimoine de ces dernières qui génère lui aussi des produits élevés, de prévoir que tous ces revenus financiers ou revenus du patrimoine, qui appartiennent évidemment aux auteurs, soient désormais mis en répartition avec les droits d'auteur et s'ajoutent donc aux masses à répartir.

Il est tout de même anormal que des sommes aussi importantes appartenant aux auteurs ne leur soient jamais distribuées et que les sociétés s'en servent généralement sans donner d'explication à personne, pour empiler toujours plus de trésorerie et pour financer leurs frais de gestion, d'ailleurs de plus en plus élevés.

Par ailleurs, les droits qui ne peuvent pas être répartis, faute de connaître leurs bénéficiaires, seraient, contrairement à la pratique actuelle, ajoutés, eux aussi, aux sommes mises en distribution. C'est ce que recommande la commission de contrôle des sociétés de gestion.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur les deux amendements, mais elle souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

Les sociétés de gestion collective sont des sociétés de droit privé, auxquelles les auteurs adhèrent de façon libre et volontaire.

Il est proposé de renforcer par la loi les monopoles de fait. Or les statuts des sociétés ne peuvent prévoir des règles discriminatoires s'agissant des conditions d'adhésion pour les ressortissants communautaires. En France, les ayants droit peuvent d'ores et déjà librement adhérer à des sociétés établies et les quitter. Le fractionnement des apports de droit est déjà possible.

À cet égard, je relève que les statuts des sociétés de perception et de répartition des droits respectent le principe de libre choix repris dans la recommandation de la Commission européenne du 12 octobre 2005.

Comme vous le savez, le ministère de la culture et de la communication dispose d'un pouvoir de contrôle sur les statuts des sociétés, pouvoir qu'il vous propose de renforcer afin d'accroître son efficacité. Le Gouvernement dispose également des moyens de faire respecter le principe de liberté d'adhésion, sans avoir à remettre en cause les règles du droit civil.

Par ailleurs, il est normal que les SPRD, qui sont des sociétés professionnelles, puissent fixer certaines conditions d'admission pour s'assurer de la réalité de l'activité qui justifie que l'on puisse y adhérer. S'il apparaissait que les conditions ainsi posées soient abusives ou discriminatoires, les autorités de la concurrence, françaises ou européennes, pourraient être saisies sur le fondement du droit de la concurrence.

L'équilibre qui doit être assuré entre les droits dont la gestion est confiée aux SPRD et ceux dont les ayants droit peuvent conserver une gestion individuelle relève, là aussi, de l'application du droit de la concurrence et du contrôle des autorités de la concurrence françaises ou européennes. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 79.

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 80. Le contrôle des associés s'exerce bien évidemment sur la répartition des perceptions, et les sociétés ont d'ores et déjà une obligation de loyauté à l'égard de leurs membres, corollaire de leur pouvoir d'agir par l'effet des apports. Je souhaite que l'information des ayants droit sur les critères de répartition soit pleine et entière et, de ce point de vue, des pistes de progrès existent.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. J'ai écouté M. le ministre avec beaucoup d'attention. Comme je l'ai indiqué au Sénat, je n'ai rien inventé. C'est un problème qui me préoccupe depuis longtemps, mais il se trouve que la commission de contrôle insiste particulièrement cette année sur cette question.

Monsieur le ministre, quand un auteur adhère à une société et décide ensuite de la quitter, elle lui répond qu'elle le radiera quand il lui donnera le nom de la nouvelle société à laquelle il compte adhérer. Tant que l'auteur ne dit pas à quelle société il va s'adresser, sa société d'origine refuse de le radier.

Les propos que vous avez tenus tout à l'heure sur la liberté, monsieur le ministre, propos qui sont sans doute l'émanation de vos bureaux et de vos services (M. le ministre proteste), me font bien rire, parce qu'ils ne correspondent pas du tout à la réalité.

Par ailleurs, quand l'auteur choisit d'adhérer à l'étranger - on peut adhérer à une société de droits n'importe où en Europe ou au Canada, par exemple -, la société concernée répond immédiatement : « J'ai bien reçu votre adhésion, j'en suis très content, et bienvenue chez nous ! Je vous prie de contacter mon correspondant en France, la SACEM ou la SACD ». Ainsi, en quittant, par exemple, la SACEM, vous vous retrouvez chez elle parce que les sociétés françaises sont généralement les correspondants des sociétés étrangères.

Voilà pourquoi je ne suis pas vraiment convaincu par vos propos.

J'ajoute, sur l'amendement n° 80, que l'on ne distribue pas tout aux auteurs. Il faut lire, mes chers collègues, le rapport Menasseyre : le stock de trésorerie est de plus en plus important, soutenu par d'énormes produits financiers. C'est l'argent des auteurs, et je trouve immoral que ces derniers ne reçoivent pas ce qui est à eux.

Par conséquent, je me permets d'insister auprès du Sénat, compte tenu en particulier de l'avis de sagesse avisée de la commission, pour que ces deux amendements soient adoptés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 79.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels avant l'article 19
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Article additionnel après l'article 19

Article 19

L'article L. 321-3 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Dans le deuxième alinéa, les mots : « le mois » sont remplacés par les mots : « les deux mois » ;

2° Le troisième alinéa est complété par les mots : « ainsi que la conformité de leurs statuts et de leur règlement général à la réglementation en vigueur » ;

3° Il est ajouté un quatrième alinéa ainsi rédigé :

« Le ministre chargé de la culture peut, à tout moment, saisir le tribunal de grande instance pour demander l'annulation des dispositions des statuts, du règlement général ou d'une décision des organes sociaux non conformes à la réglementation en vigueur dès lors que ses observations tendant à la mise en conformité de ces dispositions ou décision n'ont pas été suivies d'effet dans un délai de six mois à compter de leur transmission ou, si la nature des observations exige une décision de l'assemblée générale de la société concernée, dès lors que ces mêmes observations n'ont pas donné lieu à décision de la plus prochaine assemblée générale suivant leur transmission. »

M. le président. L'amendement n° 81, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le 2° de cet article pour compléter le troisième alinéa de l'article L. 321-3 du code de la propriété intellectuelle, après les mots :

de leur règlement général

insérer les mots :

à la législation et

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Je le retire, ainsi que les amendements nos 82 et 90.

M. le président. L'amendement n°81 est retiré.

L'amendement n° 82, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par le 3° de cet article pour compléter par un quatrième alinéa l'article L. 321-3 du code de la propriété intellectuelle, après les mots :

non conformes

insérer les mots :

à la législation et

Cet amendement a été retiré par son auteur.

L'amendement n° 83, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

Après les mots :

dans un délai de

rédiger comme suit la fin du texte proposé par le 3° de cet article pour compléter par un quatrième alinéa l'article L. 321-3 du code de la propriété intellectuelle :

deux mois à compter de leur transmission, ou de six mois si une décision de l'assemblée des associés est nécessaire. »

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Cet amendement a pour objet de définir de manière plus réaliste les délais consentis aux sociétés de perception et de répartition des droits pour la mise en conformité de leurs décisions et des dispositions de leurs statuts ou règlements généraux.

J'ai retiré les deux amendements précédents, monsieur le président, parce qu'ils visaient à apporter une précision finalement inutile, puisque la référence à la réglementation couvre forcément la législation.

S'agissant de l'amendement n° 83, un délai de deux mois paraît amplement suffisant pour réformer une décision si l'intervention de l'assemblée des associés n'est pas nécessaire. Dans le cas contraire, il n'y a pas lieu d'attendre la réunion de l'assemblée annuelle de reddition des comptes, prévue par l'article 1856 du code civil, et un délai de six mois suffit pour élaborer les modifications nécessaires et organiser la tenue d'une assemblée des associés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. La commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Mme Marie-Christine Blandin. Au cours des débats, une lettre émanant d'une société de gestion de droits d'auteur qui, si j'en juge par les termes utilisés, était sans doute mécontente des amendements de M. Charasse, nous a été remise en main propre.

Je tenais simplement à alerter notre institution sur ce genre de pratique qui relève de la pression.

En outre, je dirai, d'un point de vue purement pragmatique, que si tous les lobbies qui se sont formés et mobilisés autour de ce texte avaient agi de la sorte, nous faisant remettre en main propre par huissier leurs arguments, leurs doléances et propositions, notre pupitre n'y suffirait plus !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

M. Ivan Renar. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié.

(L'article 19 est adopté.)