compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉPÔT DE RAPPORTS DU GOUVERNEMENT
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre :
- conformément à l'article 4 de la loi n° 2002-1487 du 20 décembre 2002 de financement de la sécurité sociale pour 2003, le rapport sur les suites données aux recommandations de la Cour des comptes sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, établi en application de l'article L.O. 132-3 du code des juridictions financières ;
- le rapport sur les conditions de la création d'états généraux de la lutte contre l'alcoolisme, en application de l'article 42 de la loi n° 2004 806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.
Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.
3
CANDIDATURE À UN organisme extraparlementaire
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de l'établissement public de la Cité des sciences et de l'industrie.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires économiques à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.
4
COMMUNICATION D'un avis d'une assemblée territoriale
M. le président. J'ai reçu de l'Assemblée de la Polynésie française un avis du 20 octobre 2005 sur le projet de loi autorisant l'adhésion à la convention internationale sur le contrôle des systèmes antisalissure nuisibles sur les navires.
Acte est donné de cet avis.
Les documents relatifs à cet avis ont été transmis à la commission compétente.
5
violences urbaines
M. le président. Mes chers collègues, le Gouvernement m'a informé que M. Dominique de Villepin, Premier ministre, ferait devant le Sénat une déclaration, suivie d'un débat, sur les violences urbaines, le mardi 15 novembre, à seize heures trente.
Acte est donné de cette communication.
La conférence des présidents se réunira demain, mercredi 9 novembre, à douze heures quinze, pour organiser ce débat.
Sans anticiper sur ce dernier, je voudrais, en cet instant, exprimer, en notre nom à tous, la vive inquiétude du Sénat face aux violences qui affectent plusieurs quartiers, sur tout notre territoire.
Par-delà nos opinions politiques, nous avons tous conscience de la gravité des événements à laquelle notre République est confrontée.
L'urgence commande de prendre toutes les mesures nécessaires au rétablissement de la sécurité et de l'ordre public. La loi républicaine doit s'appliquer également partout.
Représentants constitutionnels des collectivités territoriales, nous le savons bien : une fois de plus, les élus locaux sont en première ligne.
Nous en sommes convaincus, ces élus de proximité sauront se mobiliser, aux côtés de l'Etat et des habitants de ces quartiers, pour apporter des réponses à court terme et ouvrir de nouvelles perspectives d'avenir en vue de recouvrer la confiance et le « vouloir vivre tous ensemble ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, je veux vous faire part de l'étonnement, mais aussi de l'indignation du groupe communiste républicain et citoyen de constater que, alors que tout appelle à l'apaisement, au dialogue et au rassemblement de la population contre la violence, la mesure phare annoncée hier par le Premier ministre consiste à déclarer l'état d'urgence en application de la loi du 3 avril 1955.
Mes chers collègues, cette loi a été utilisée le 6 octobre 1961 sur le territoire hexagonal, avec les suites que l'on connaît à l'encontre des Algériens qui manifestaient à Paris. Le symbole est une provocation ! Par ailleurs, je vous rappelle que, en 1968, cette loi n'a pas été appliquée.
Mon rappel au règlement porte sur le déroulement de nos travaux.
Il est proposé au Sénat d'organiser, mardi prochain, un débat sur les événements actuels. Soyons sérieux ! Si le Sénat se veut l'assemblée des collectivités locales, et encore plus des maires, auxquels on demande de faire plus, sans aucun moyen, face aux événements dont nous parlons, le débat doit avoir lieu cette semaine.
Je suggère donc que la question orale avec débat sur l'état de préparation de la France face aux risques d'épidémie de grippe aviaire, prévue à l'ordre du jour de jeudi, soit reportée d'une semaine. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. François Autain. La grippe aviaire peut attendre !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame Borvo Cohen-Seat.
Je suis déjà intervenu, après l'annonce du débat à l'Assemblée nationale, pour demander qu'un débat se déroule également au Sénat. On m'a fait remarquer que ce débat, s'il avait lieu demain, serait une répétition de celui qui se déroule aujourd'hui à l'Assemblée nationale, ce qui susciterait des observations, certains pouvant considérer que les propos de M. le Premier ministre ont déjà été lus dans les médias.
La semaine prochaine, nous disposerons peut-être d'éléments nouveaux pour animer le débat organisé au Sénat sur les événements que nous vivons actuellement.
M. Robert Bret. Le Sénat est répétition ! Merci, monsieur le président ! (Les membres du groupe CRC quittent l'hémicycle.)
M. Charles Revet. Tout le monde s'en va ?
6
Accord de coopération dans le domaine de la technologie de la centrifugation
Adoption d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre les gouvernements de la République française, de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et du Royaume des Pays-Bas, relatif à la coopération dans le domaine de la technologie de la centrifugation (nos 40, 52).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai eu l'honneur de signer le 12 juillet dernier à Cardiff, avec mes collègues néerlandais, britannique et allemand, un accord qui vise à encadrer la coopération industrielle dans le domaine stratégique de l'enrichissement de l'uranium.
Cet accord quadripartite, communément désigné « AREVA-URENCO », mettra en oeuvre les accords industriels conclus le 24 novembre 2003 entre l'industriel français AREVA et le consortium nucléaire germano-néerlando-britannique URENCO.
L'enrichissement de l'uranium, étape nécessaire pour la fabrication des combustibles destinés aux réacteurs nucléaires, est actuellement effectué à l'usine du groupe AREVA, établie sur le site du Tricastin, selon le procédé de la diffusion gazeuse.
Cette usine, entrée en service en 1978, devrait fermer vers 2012, et une nouvelle usine utilisant le procédé de la centrifugation devrait être mise en service progressivement, entre 2007 et 2012.
La France, qui disposait à la fin des années soixante d'une certaine avance en matière d'enrichissement par diffusion gazeuse, n'a donc pas participé à la coopération internationale sur les techniques de la centrifugation.
Aujourd'hui, le consortium germano-néerlando-britannique URENCO dispose d'un savoir-faire en la matière, résultant de cette collaboration engagée voilà plus de trente ans.
Désireuse de répondre aux défis technique et économique et de moderniser sa technologie, AREVA s'est donc naturellement tournée vers URENCO pour négocier l'acquisition de ce procédé de centrifugation.
La constitution du consortium URENCO est fondée sur le traité d'Almelo, signé à Almelo aux Pays-Bas, le 4 mars 1970, liant l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Ce traité interdit tout transfert de technologie afférent à la centrifugation vers des Etats tiers, sans la conclusion d'accords de coopération particuliers.
L'accès par AREVA à la technologie de l'enrichissement de l'uranium par centrifugation ne pouvait donc se faire que par la négociation d'un accord intergouvernemental avec les trois Etats parties au traité d'Almelo.
L'accord quadripartite qui vous est aujourd'hui soumis permettra donc d'assurer le maintien et la modernisation de nos capacités d'enrichissement, segment important du cycle du combustible nucléaire. Il assurera à AREVA la possibilité de pérenniser ses positions sur le marché de l'enrichissement, qui représente aujourd'hui 16 % du marché mondial.
La technologie de l'enrichissement par centrifugation a été retenue dans la mesure où elle offre actuellement les meilleures garanties en termes de compétitivité économique, de fiabilité technique, de faible impact environnemental, et rend possible une mise en service industriel rapide.
Aux termes des accords industriels du 24 novembre 2003 susmentionnés, AREVA et URENCO deviennent actionnaires à parts égales d'une société commune nouvelle, dénommée Enrichment technology company, ou ETC. Celle-ci assurera, d'une part, la recherche-développement et la gestion de la technologie de la centrifugation et, d'autre part, la fabrication et la vente des centrifugeuses.
Il est prévu que les quatre gouvernements supervisent la coopération entre AREVA et URENCO dans le cadre d'ETC, concernant l'utilisation et la protection de la technologie de la centrifugation. Un comité de représentants sera formé, qui prendra ses décisions à l'unanimité.
L'accord oblige les Etats à adopter toutes les mesures appropriées pour en faciliter l'exécution et à veiller à ce que ETC n'effectue aucune discrimination entre les clients sur le territoire des quatre Etats pour la fourniture de la technologie de la centrifugation.
Disposition centrale de cet accord, une clause d'utilisation pacifique énonce l'engagement des quatre gouvernements, conformément au traité de non-prolifération nucléaire, à ne pas utiliser la technologie de la centrifugation acquise dans le cadre de cette coopération pour aider un Etat non doté d'armes nucléaires à fabriquer ou à acquérir des armes nucléaires.
Par ailleurs, la France s'engage à veiller à ce que cette technologie ne soit pas utilisée pour la production d'uranium permettant la fabrication ou l'acquisition d'armes ou de dispositifs explosifs.
Le respect de ces engagements est suivi par la mise en place de garanties internationales et de contrôles par l'Agence internationale de l'énergie atomique.
La protection physique des matières nucléaires utilisées ou produites dans le cadre de cette coopération sera assurée sur la base de normes agréées ; il en est de même pour la protection des informations relevant du droit de propriété, qui sera soumise à des procédures définies en commun, la protection des informations classifiées relevant des droits nationaux. Un dispositif de règlement des différends par une commission d'arbitrage ainsi que des mécanismes de modification et d'amendement sont prévus dans l'accord.
La coopération technologique entre les quatre Etats européens, qui résultera de l'accord AREVA-URENCO, constitue également une avancée significative et souhaitable dans la perspective du grand marché européen de l'énergie. Il consolidera, par ailleurs, la capacité industrielle et l'indépendance énergétique de l'Europe. Il prévoit la possibilité de conclure des accords de coopération avec d'autres Etats ou avec des organisations internationales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je conclurai en appelant votre attention sur le fait que l'accord qui vous est soumis aujourd'hui comporte des enjeux majeurs pour le maintien de la filière nucléaire française et permettra la construction par AREVA de sa nouvelle usine d'enrichissement.
La mise en oeuvre des accords industriels a été soumise à une clause de caducité : l'entrée en vigueur le 31 décembre 2005, au plus tard, d'un accord de coopération liant les quatre Etats concernés et fournissant l'encadrement étatique nécessaire au bon déroulement de cette collaboration.
Cet accord comporte des dispositions qui relèvent du domaine de la loi. Il doit, de ce fait, faire l'objet d'une loi autorisant l'approbation de cet accord, en vertu de l'article 53 de la Constitution.
C'est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir approuver le projet de loi qui vous est soumis. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Xavier Pintat, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'accord signé à Cardiff le 12 juillet 2005 entre la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni doit permettre la concrétisation d'une alliance industrielle dont découlera un projet extrêmement important pour l'avenir de notre production nationale d'électricité et pour la filière nucléaire française : la construction sur le site du Tricastin, à Pierrelatte, d'une nouvelle usine de fabrication de combustible nucléaire qui succédera à l'actuelle usine, en exploitation depuis 1979.
Le groupe français AREVA est l'un des quatre principaux fabricants mondiaux de combustible nucléaire. Vous l'avez rappelé, madame la ministre, l'usine d'enrichissement d'uranium de sa filiale Eurodif, au Tricastin, avait été conçue pour une durée de vie de vingt-cinq ans. Diverses opérations de maintenance et de modernisation ont permis de prolonger cette durée d'au moins une dizaine d'années, mais il n'est pas envisageable d'aller au-delà, d'autant que le procédé d'enrichissement par diffusion gazeuse qui est utilisé est extrêmement consommateur en électricité et rend l'exploitation de moins en moins compétitive.
L'accord que nous examinons aujourd'hui va permettre à AREVA de poursuivre son activité dans le domaine de l'enrichissement et de conserver une position forte sur le marché du combustible en lui donnant accès à la technologie de l'enrichissement par centrifugation mise en oeuvre par l'autre fabricant européen de combustible, le consortium URENCO, qui associe à parts égales des intérêts allemands, britanniques et néerlandais.
Cette alliance industrielle, dont le principe a été formalisé par les deux sociétés voilà deux ans, exige un accord intergouvernemental, URENCO étant elle-même régie par un traité entre ses trois pays fondateurs.
L'accord dont vous venez d'exposer les principales dispositions, madame la ministre, présente aux yeux de la commission des affaires étrangères - je parle sous le contrôle de son président, M. Serge Vinçon - plusieurs aspects très positifs.
D'abord, il permet d'envisager à une échéance très proche le renouvellement de notre capacité nationale de production de combustible nucléaire. Il offre ainsi une garantie d'approvisionnement pour notre parc de centrales nucléaires et contribue donc à notre indépendance énergétique.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Xavier Pintat, rapporteur. Ensuite, il ouvre à AREVA le bénéfice de la technologie de la centrifugation, qui a fait ces dernières années, notamment grâce à l'utilisation de la fibre de carbone, des progrès considérables. La nouvelle usine Georges-Besse II devrait commencer à fonctionner dès 2008 et consommera, j'y insiste, cinquante fois moins d'électricité que l'actuelle usine d'Eurodif.
M. Xavier Pintat, rapporteur. AREVA, qui envisage un investissement total de l'ordre de 3 milliards d'euros pour cette usine, pourra ainsi maintenir sa compétitivité et demeurer un acteur majeur sur le marché mondial du combustible nucléaire.
Par ailleurs, l'alliance entre AREVA et URENCO a été avalisée par la Commission européenne, qui n'a pas émis d'objection au regard des règles de concurrence et a considéré que le bon fonctionnement du marché ne serait pas faussé.
Enfin, l'accord intergouvernemental encadre de manière particulièrement rigoureuse, dans le domaine de la non-prolifération nucléaire, les conditions de fonctionnement de la nouvelle société européenne ETC qui fabriquera les centrifugeuses. L'engagement des Etats en la matière sera placé sous la surveillance de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'AIEA.
Il faut rappeler que la France a mis un terme depuis plusieurs années à la fabrication de matière fissile pour les armes nucléaires et a entrepris le démantèlement de ses unités de production, notamment l'usine d'uranium hautement enrichi de Pierrelatte. De plus, la France et les trois autres Etats parties à l'accord ont souscrit un protocole additionnel à leur accord de garanties avec l'AIEA. Ils sont en effet également membres du Groupe des fournisseurs nucléaires et respectent un code de conduite pour l'exportation de biens à double usage.
Il est un point qu'il faut souligner, mes chers collègues : le présent accord vient opportunément rappeler que les développements dans le domaine nucléaire civil ne sont aujourd'hui envisageables qu'en contrepartie du respect des standards les plus élevés en matière de non-prolifération.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires étrangères a approuvé cet accord, dont l'entrée en vigueur rapide est indispensable à la concrétisation des accords commerciaux entre AREVA et URENCO. Elle vous demande donc, mes chers collègues, d'adopter ce projet de loi. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre les Gouvernements de la République française, de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et du Royaume des Pays-Bas, relatif à la coopération dans le domaine de la technologie de la centrifugation, signé à Cardiff le 12 juillet 2005, et dont le texte est annexé à la présente loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté à l'unanimité. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Charles Revet. C'est une très bonne chose !
7
Loi d'orientation agricole
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, d'orientation agricole (nos 26, 45, 50).
Dans la discussion des articles, avant d'aborder l'examen de l'article 19, nous en revenons à l'article 11 bis, précédemment réservé.
Article 11 bis (précédemment réservé)
A partir du 1er janvier 2010, la commercialisation et la distribution de sacs ou emballages en plastique non biodégradables sont interdites sur le territoire français.
Un décret fixe les modalités techniques de cette mesure ainsi que les sanctions et les conditions de vérification de la biodégradabilité des emballages susceptibles d'être commercialisés ou distribués.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, sur l'article.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 11 bis du projet de loi d'orientation agricole pose le principe de l'interdiction de la commercialisation et de la distribution des emballages et des sacs en plastique à compter du 1er janvier 2010. Cette mesure soulève un certain nombre de questions concernant tant la définition de la notion de biodégradabilité que l'objet de l'interdiction ou son champ d'application. Nous verrons ces trois points dans un instant.
Dans un premier temps, je souhaite vous faire part, mes chers collègues, de quelques remarques.
Il est en effet important de préciser dès à présent que la réutilisation d'un cabas serait sans doute plus efficace pour la protection de l'environnement et que c'est vers cela que nous devons tendre.
De plus, il ne faut pas oublier qu'un sac biodégradable reste source de pollution ; il est donc plus important, je le soulignais à l'instant, d'en limiter la diffusion à la source. Cela est d'autant plus vrai que, durant les trois mois où le sac est censé se dégrader progressivement, il peut produire les mêmes effets qu'un matériel non biodégradable : je pense en particulier aux animaux, tels les dauphins, qui peuvent l'avaler.
Enfin, il serait utile d'établir un réel bilan environnemental coûts/avantages, dans la mesure où la production des matières nécessaires à la fabrication des sacs ou emballages peut elle-même être source de désagréments pour l'environnement. Prenons l'exemple du maïs : sa culture nécessite de grandes quantités d'eau et s'accompagne souvent de l'utilisation de produits phytosanitaires ; un problème d'OGM peut même se poser.
Ainsi, un certain nombre de contraintes ne doivent pas être ignorées au moment où nous débattons de ce sujet.
La deuxième partie de mon propos vise plus précisément la mesure proposée dans le projet de loi, selon les trois axes précédemment énoncés.
En premier lieu, vous n'êtes pas sans savoir, mes chers collègues, qu'une étude récente de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, relative à la « biodégradabilité et [aux] matériaux polymères biodégradables » concluait qu'il ne fallait pas confondre les deux concepts de biodégradation et de biodégradabilité, qui demandent à être définis et normalisés.
Il est en effet nécessaire, pour clarifier le débat et pour que chacun d'entre nous puisse affirmer sa position, que soit mis au point un langage commun entre scientifiques, prescripteurs, distributeurs, utilisateurs et industriels : c'est l'objet de la norme NFU 52-001, intitulée « matériaux biodégradables pour l'agriculture et l'horticulture ». Cet effort est également relayé à l'échelle européenne ; cependant, la technicité des éléments du débat et les inconnues entravent encore largement la clarification entreprise.
A ce stade, précisons d'emblée que certains produits ont déjà été commercialisés, à tort, sous le label « biodégradable ». Ainsi, l'exemple du Néosac, sac en polyéthylène, a montré combien il était facile de confondre biodégradation et fragmentation. Il est bien évident que la fragmentation n'est en rien une solution pour un développement durable de l'environnement.
En deuxième lieu se pose la question de l'objet de l'interdiction. Doit-on interdire tous les sacs non biodégradables ou seulement ceux qui sont distribués à la sortie des caisses ? Dans ce dernier cas, quels magasins seraient concernés ? Les supermarchés ne sont pas seuls !
Il est également difficile de légiférer sur les emballages des denrées alimentaires dans la mesure où l'innocuité de tels emballages biodégradables n'est pas encore établie. L'état actuel de la recherche scientifique sur ce dernier point ne permet donc pas une interdiction générale des sacs et emballages non biodégradables.
En troisième lieu, et ce sera mon dernier point, quel doit être le champ d'application de l'interdiction ? Aux termes de l'article 11 bis du projet de loi sont seules interdites la commercialisation et la distribution desdits sacs et emballages. Or, nous savons que bon nombre de produits importés continueront de nous parvenir emballés dans des matériaux interdits par la législation française. Sachant que le coût de l'emballage biodégradable risque d'être plus élevé, se pose la question du surcoût que devront supporter les produits emballés selon les nouvelles normes françaises. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à étendre l'interdiction aux sacs et emballages importés.
Nous sommes cependant conscients des difficultés qui ne manqueraient pas de surgir si cette disposition risquant d'être considérée comme une atteinte à la concurrence et à la libre circulation des marchandises était évoquée. L'harmonisation des règles, au moins au niveau communautaire, est donc d'une grande importance.
Le marché des sacs et emballages biodégradables, comme celui des biocarburants, constitue un espoir dans la diversification des activités agricoles. Cependant, il importe d'évaluer toutes les conséquences des mesures prises en termes non seulement d'environnement, mais également d'impact économique et, surtout, de santé publique.
M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, sur l'article.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'idée d'interdire les sacs en plastique non biodégradable nous préoccupait depuis plusieurs années ; mais, par commodité, nous laissions la grande distribution, entre autres, les mettre à la disposition des consommateurs.
Aujourd'hui, le phénomène prend des proportions inquiétantes : le chiffre de 17 milliards de sacs par an est avancé par M. le rapporteur, alors que, dit-on, un sac en plastique mettrait plus de cent ans à s'auto-éliminer dans la nature ; quant à son incinération, elle est extrêmement polluante.
Quelques enseignes de la grande distribution ont déjà pris des initiatives visant à réduire l'utilisation des sacs de caisse à usage unique, mais ce n'est pas suffisant : il s'agit de décider aujourd'hui une interdiction à court terme. Je me réjouis donc de l'article 11 bis, qui permet au législateur de jouer pleinement son rôle.
L'interdiction de la commercialisation et de la distribution de sacs ou emballages en plastique non biodégradable présente trois avantages : elle signifie la fin d'une pollution récurrente de l'environnement ; elle adresse un message environnemental clair à nos concitoyens ; enfin, elle ouvre de nouveaux débouchés pour le secteur agricole, puisque les sacs biodégradables sont produits à partir de composés végétaux tels que l'amidon.
Il va de soi que cette décision devra s'accompagner d'une campagne de sensibilisation invitant également les Français à réduire l'utilisation d'autres emballages non biodégradables.
D'après les industriels concernés par la fabrication de sacs biodégradables, cette interdiction pourrait entrer en vigueur dès 2010. Aussi, je souhaite, mes chers collègues, que nous votions pour que cette interdiction s'exerce dès que possible.
M. le président. Sur l'article 11 bis, je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques. Pour la clarté du débat, je demande l'examen par priorité de l'amendement n° 36 rectifié, déposé par la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
J'appelle donc par priorité l'amendement n°36 rectifié, présenté par M. César, au nom de la commission des affaires économiques, et ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Un décret en conseil d'Etat détermine les conditions d'interdiction, au 1er janvier 2010, de la distribution au consommateur final, à titre gratuit ou onéreux, des sacs de caisse à usage unique en plastique non biodégradable sur le territoire français.
Il détermine également les conditions de vérification de la biodégradabilité des sacs susceptibles d'être commercialisés ou distribués.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gérard César, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Le remplacement des sacs en plastique non biodégradable par des sacs biodégradables issus de matières premières renouvelables présente un réel intérêt environnemental. Il peut constituer également pour les agriculteurs un débouché important en matière de produits agricoles non alimentaires. Enfin, il s'inscrit dans l'objectif de renforcement de l'autonomie énergétique de la France.
Le champ de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale est cependant extrêmement large puisqu'il recouvre tous les emballages. Or les technologies permettant de remplacer des emballages non dégradables par des emballages biodégradables ne sont pas encore totalement opérationnelles.
Par ailleurs, cette substitution serait susceptible de poser des problèmes de résistance ou de stockage, en particulier pour les produits dangereux.
Enfin, l'interdiction de tous les emballages non biodégradables serait une mesure contraire à la libre circulation des marchandises.
En outre, le champ de l'amendement exclurait la possibilité de commercialiser et de distribuer des sacs cabas réutilisables. Or diverses études montrent que, lorsqu'ils sont utilisés plusieurs fois, ces sacs cabas constituent une alternative écologiquement intéressante aux sacs à usage unique.
Il est donc proposé de limiter cette suppression aux sacs à usage unique en plastique non biodégradable tout en maintenant la date d'entrée en vigueur de la mesure à 2010, afin de lancer un signal fort en direction de l'opinion publique et des professionnels concernés.
M. le président. Le sous-amendement n° 609 rectifié bis, présenté par MM. Bailly, Bizet, Grillot, Gruillot, Huré et Revet, Mmes Henneron et Gousseau, MM. Cazalet, Pointereau, Doublet, A. Dupont, Bécot et Humbert, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 36 rect. par les mots :
ainsi que des enveloppes plastiques qui entourent journaux et revues -dits « blisters » - distribués dans les boîtes aux lettres.
Ce sous-amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 102 est présenté par M. Gouteyron.
L'amendement n° 155 rectifié est présenté par M. Braye, Mme Gousseau, MM. Beaumont, Béteille et Deneux, Mme Desmarescaux, MM. Détraigne, Gérard, Hérisson, Leclerc, Merceron et Murat, Mme Sittler, MM. Soulage, Vasselle et Vial.
L'amendement n° 665 rectifié est présenté par MM. Arthuis et Zocchetto.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour défendre l'amendement n° 102.
M. Adrien Gouteyron. Je tiens à m'expliquer sur le sens de ma démarche, car je souhaite que le dépôt de cet amendement de suppression ne soit pas interprété comme un mouvement d'humeur.
J'ai étudié avec beaucoup d'attention la manière dont ce texte a été adopté à l'Assemblée nationale et je me demande si cette question a été suffisamment réfléchie ; je ne veux pas mettre en cause nos collègues députés, mais je ne suis pas dupe : certains d'entre eux avaient « mûri leur affaire » de très longue date.
J'ai déposé trois amendements sur cet article. Je ne voudrais pas que ma démarche soit considérée comme hésitante ; elle est simplement réfléchie. Je ne me laisse pas dicter mes positions par je ne sais qui à l'extérieur, et nous sommes d'ailleurs nombreux au sein de la Haute Assemblée à agir ainsi.
M. le président. Tous !
M. Adrien Gouteyron. Si j'ai déposé cet amendement de suppression, c'est pour donner à M. le ministre l'occasion de nous éclairer sur la compatibilité avec les règles européennes non seulement du texte adopté par l'Assemblée nationale, mais aussi des dispositions que nous pourrions prendre.
Mes chers collègues, je rappelle qu'une directive européenne, fondée sur les principes fondamentaux de l'Union européenne établissant la libre circulation des marchandises et interdisant toutes les entraves à la concurrence, fixe trois exigences en matière d'emballages : le recyclage et la revalorisation énergétique en fin de vie, ainsi que la valorisation par compostage.
Monsieur le ministre, si l'on ne retient que l'une de ces possibilités, ne risque-t-on pas des réactions voire des plaintes de la part d'autres pays, et même éventuellement de la part de producteurs et de consommateurs ? Cette question mérite un examen réfléchi et lucide. Je sais que, dans le domaine de l'environnement, on peut admettre des restrictions aux principes que je viens de rappeler, mais à condition que la mesure envisagée représente de toute évidence un progrès substantiel et qu'elle n'ait pas de conséquences nocives. Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que la mesure, telle qu'elle nous est proposée, risque d'avoir des conséquences extrêmement dommageables.
Monsieur le ministre, je souhaite que cette question de la compatibilité avec la directive européenne soit étudiée avec soin, afin d'éviter tout risque de pression de la part de nos partenaires, voire de condamnations qui seraient tout à fait dommageables pour notre pays.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour présenter l'amendement n° 155 rectifié.
M. Dominique Braye. Je ne reviendrai pas sur les conditions d'adoption de cet article à l'Assemblée nationale, car mon collègue Adrien Gouteyron les a clairement rappelées.
Depuis huit mois, un groupe de travail, au sein duquel je siégeais avec un certain nombre de députés, étudiait, en collaboration avec le ministre de l'écologie, ce sujet des sacs de caisse. J'ai donc été étonné que les conclusions de ce groupe de travail ne soient pas reprises dans l'amendement adopté par l'Assemblée nationale.
Cet amendement a manifestement été adopté dans le souci louable de la préservation de l'environnement, qui est d'ailleurs la principale préoccupation du groupe d'études sur la gestion des déchets, que je préside.
J'évoquerai tout d'abord le problème des emballages. Quelle est la caractéristique principale d'un emballage ? C'est sa capacité à préserver un contenu. Il doit donc être totalement neutre. Or nous savons que les produits biodégradables ne sont pas neutres et ne sont pas suffisamment pérennes pour pouvoir contenir avec efficacité un liquide ou tout autre produit. La biodégradabilité des emballages n'est donc pas pertinente, et elle va d'ailleurs à l'encontre de la directive européenne relative aux emballages, ainsi que l'a rappelé Adrien Gouteyron.
Les choses sont donc malheureusement claires pour les emballages : il n'est pas possible, en l'état actuel, de les concevoir avec des produits biodégradables.
J'en viens aux sacs de caisse. Ils produisent deux pollutions. La principale, d'ailleurs évoquée par M. de Montesquiou, est visuelle : qui n'a pas en mémoire ces sacs de caisse accrochés aux arbres à la périphérie des décharges ? La seconde pollution touche la faune marine, et Mme Didier en a parlé. En tant que vétérinaire, je me suis d'ailleurs occupé de ces problèmes, qui concernent notamment les tortues et les dauphins.
En revanche, la pollution de la matière est pratiquement nulle, car, si l'on utilise 17 milliards de sacs de caisse par an, chacun pèse un poids infime, et le total ne représente que 0,26 % des ordures ménagères ; ces sacs sont en général incinérés avec beaucoup moins de problèmes de pollution que vous l'avez indiqué, monsieur de Montesquiou.
Or, la biodégradabilité des sacs ne supprimerait certainement pas ces pollutions et les aggraverait même peut-être. Des dispositions en faveur de la biodégradabilité aboutiraient à diminuer encore chez nos concitoyens, persuadés que la biodégradabilité jouerait, les scrupules à laisser traîner ces sacs, et ces derniers présenteraient toujours les mêmes inconvénients pour la faune marine, car ils mettraient très longtemps à disparaître dans les milieux marins. Sur terre, la pollution visuelle ne serait pas non plus résolue, car la disparition des sacs prendrait quatre à douze mois.
Ce qui est plus grave, c'est que, en l'état actuel des choses, l'amendement tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale remettrait en cause la principale solution trouvée pour lutter contre la prolifération des sacs de caisse, c'est-à-dire le sac plastique consigné, recyclable et réutilisable.
M. Gérard César, rapporteur. Exactement !
M. Dominique Braye. Tous les supermarchés font actuellement baisser de façon très significative leur distribution de sacs de caisse en mettant à la disposition de leurs clients un sac consigné. Quand ce dernier est usé, les clients le rapportent au magasin pour l'échanger contre un sac neuf, et le sac usé, qui est recyclable, est entièrement réutilisé pour produire un nouveau sac. Je précise par ailleurs qu'il existe deux types de sacs consignés réutilisables : d'une part, ceux qui sont totalement recyclables et, d'autre part, ceux, peut-être plus jolis, qui sont munis d'anses en nylon non recyclable. Je vous propose par conséquent, mes chers collègues, afin de lutter contre la pollution matière, de choisir ceux qui sont totalement réutilisables.
J'ai déposé un amendement de suppression de l'article 11 bis. Je me rallierai bien sûr à l'amendement de la commission, mais je veux attirer l'attention de M. le ministre sur le fait que la biodégradabilité des sacs n'est pas la panacée.
Monsieur le ministre, si nous adoptons l'amendement de la commission, nous vous donnons un pouvoir important et nous vous faisons confiance. Nous aurions quand même pu demander, me semble-t-il - et c'est l'objet de mon amendement n° 156 rectifié -, la diminution de 50 % du nombre de sacs de caisse au 31 décembre 2006 et de 90 % au 31 décembre 2009 afin d'envoyer un signal fort à ceux qui distribuent ces sacs ; en effet, nous avons constaté, au travers des auditions que nous avons menées, que c'était quelque chose de tout à fait réalisable. Cela aurait montré la volonté de la Haute Assemblée de voir les distributeurs prendre ce problème en charge.
Monsieur le ministre, dans l'état actuel des choses, la biodégradabilité n'est pas la panacée, d'autant plus que les sacs biodégradables sont faits à 60 % avec des produits pétroliers. Ils ne sont pas uniquement à base d'amidon comme on voudrait nous le faire croire. Il y a 40 % de produits agricoles et 60 % de produits pétroliers.
M. Jean Desessard. Ce sont des sacs biofragmentables, pas biodégradables !
M. Dominique Braye. Monsieur le président, j'ai peut-être parlé un peu trop longtemps, mais j'ai ainsi défendu mes trois amendements.
M. le président. Vous avez en effet dépassé le temps qui vous était imparti, mais j'ai constaté que vos collègues vous écoutaient néanmoins avec une grande attention.
La parole est à M. Jean Arthuis, pour présenter l'amendement n° 665 rectifié.
M. Jean Arthuis. Je vais m'efforcer, après MM. Gouteyron et Braye, de justifier ma demande de suppression de l'article 11 bis.
Même si je ne doute pas des intentions qui ont animé les députés, la rédaction de l'article 11 bis comporte de nombreuses ambiguïtés, comme MM. Gouteyron et Braye l'ont d'ailleurs souligné.
Monsieur le ministre, ce texte ne s'apparente-t-il pas quelque peu à une gesticulation ? Est-ce vraiment le rôle du législateur de prévoir que la commercialisation et la distribution de sacs ou emballages en plastique non biodégradable seront interdites sur le territoire français à partir du 1er janvier 2010 ? N'y a-t-il pas là un soupçon de vanité législative ?
M. Braye a déclaré que le sac en plastique consigné constituait la bonne réponse au problème qui nous occupe. Mais, chers collègues, quand avons-nous légiféré pour rendre obligatoire le sac en plastique consigné ?
Le Gouvernement ne cesse d'invoquer la nécessité d'innover, de permettre à tous ceux qui entreprennent d'aller de l'avant. Mais comment aller de l'avant lorsque l'on vit dans un monde « hyperréglementé », « hyperadministré » ?
Certes, l'amendement de la commission va permettre de laver le soupçon d'erreur de plume. En visant tous les emballages, la sécurité alimentaire aurait pu être remise en cause. On prend donc la mesure de la limite de l'exercice.
J'en viens aux sacs de caisse. Mais la grande distribution n'a pas attendu le législateur pour savoir ce qu'elle avait à faire et pour flatter le consommateur au nom de la défense de l'environnement. Si l'amendement de la commission est adopté, la rédaction du décret sera complexe. Nous serons les premiers à contester les excès réglementaires alors qu'il aura fallu viser par le menu la manière dont les commerçants doivent mettre des sacs de caisse à la disposition de leurs clients. D'ailleurs, les sacs de caisse existeront-ils encore dans quelques années ? Mes chers collègues, je vous rends attentifs à toutes ces ambiguïtés.
En outre, comme l'a rappelé M. Gouteyron, nous ne pouvons prendre des dispositions contraires à la directive européenne. Si nous le faisons, nous vérifierons rapidement quelles sont les limites de cet exercice.
Nous avons une curieuse façon de travailler. D'une part, le Gouvernement nous encourage à réfléchir, dans le cadre de commissions, et, d'autre part, nous votons une loi avant de connaître le résultat des réflexions qui ont été engagées. C'est ainsi que cela s'est passé dans le domaine des minima sociaux, MM. Mercier et de Raincourt peuvent en porter témoignage. Pourquoi ne pas laisser travailler ces groupes de réflexion avant de légiférer ?
Je crains par ailleurs que l'on ne confonde la biodégradabilité et la notion de « 100 % compostable ». Je conçois bien l'intérêt que présente la valorisation de l'amidon, à laquelle a fait référence M. de Montesquiou. Mais comme l'a rappelé M. Braye, sans l'utilisation de matière plastique, on n'obtient pas un produit biodégradable. Il faut alors recourir au compostage, ce qui suppose une organisation particulière.
Et qu'est-ce qui nous garantit que, demain, le prix des sacs de caisse en amidon ne sera pas très élevé et que la grande distribution n'en profitera pas pour faire payer le coût de ces sacs à ses fournisseurs ?
De telles intentions, certes louables, sont-elles compatibles avec notre préoccupation constante de préserver l'emploi ? De nombreux chefs de PME de mon département -peut-être y en a-t-il aussi en Haute-Loire - emploient des centaines de collaborateurs. Ils sont déstabilisés par certains textes législatifs. Ils ne savent plus à quoi s'en tenir. Ils investissent pour rechercher des produits très légers, pour lutter contre tout ce qui peut dégrader l'environnement. Et voilà que nous prenons des décisions de nature à les mettre en difficulté, à créer de l'instabilité !
Monsieur le ministre, lorsqu'on légifère en matière d'environnement, il faut avoir une vision globale des conséquences des décisions que l'on prend. Nous devons être les garants de la cohérence des dispositions que nous adoptons. C'est bien de défendre l'environnement et l'emploi, mais encore devons-nous vérifier, avant de légiférer, la compatibilité parfaite des mesures que nous envisageons.
Cette initiative, certes louable, me paraît néanmoins superfétatoire. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement visant à supprimer l'article 11bis.
M. le président. L'amendement n° 156 rectifié, présenté par M. Braye, Mme Gousseau, MM. Beaumont, Béteille et Deneux, Mme Desmarescaux, MM. Détraigne, Gérard, Hérisson, Leclerc, Merceron et Murat, Mme Sittler, MM. Soulage, Vasselle et Vial, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le nombre de sacs bretelles de sortie de caisse distribués sur le territoire français est réduit de 50 % au 31 décembre 2006, de 90 % au 31 décembre 2009, en prenant pour référence l'année 2003.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 113 rectifié quater, présenté par MM. Gouteyron, J. Boyer et Emin, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Un décret en conseil d'Etat détermine les conditions d'interdiction, au 1er janvier 2012, de la distribution au consommateur final, à titre gratuit ou onéreux, des sacs de caisse à usage unique en plastique non biodégradable sur le territoire français.
Il détermine également les conditions de vérification de la biodégradabilité des sacs susceptibles d'être commercialisés ou distribués.
La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Cet amendement, dans un souci de compatibilité, se rapproche du texte de la directive.
Il met également l'accent, et c'est son autre intérêt, sur la filière du recyclage. Le biodégradable n'est pas la panacée. Un sac n'est biodégradable que si l'on ajoute à l'amidon - et je ne parle que de l'amidon- suffisamment de polyéthylène. Il en résulte que, au terme du cycle d'utilisation du produit, il faudra composter. Cela rend notre décision plus complexe et notre réflexion plus nécessaire.
Cet amendement, vous l'aurez compris, mes chers collègues, vise essentiellement à nous conduire vers une décision qui, je le souhaite, sera celle de la sagesse.
M. Jean Arthuis vient de tenir des propos très forts. Hier, à l'occasion de la discussion d'un amendement, certains d'entre nous observaient que nous intervenions sur des sujets qui relevaient, à l'évidence, du domaine réglementaire.
Or, pour une fois, serais-je tenté de dire, nous avions engagé une démarche très intéressante. M. Bussereau, comme son prédécesseur, et Mme Olin, soucieux de répondre à diverses initiatives et pressions, avaient décidé de réunir toutes les parties concernées dans un groupe de travail. Ce dernier avait défini des positions unanimes et arrêté un calendrier. Mme la ministre de l'environnement avait annoncé des objectifs précis. Et soudain, patatras ! Le législateur s'engage dans une démarche dans laquelle, de toute évidence, il prend le risque d'avancer avec de gros sabots, de casser une filière, de briser des initiatives déjà anciennes qui ont permis de mettre en place la filière du recyclage.
Mes chers collègues, je souhaite que nous réfléchissions deux fois avant de nous décider, et c'est l'objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 663 rectifié, présenté par MM. Gouteyron, J. Boyer et Emin, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
A partir du 1er janvier 2012, la distribution au consommateur final, à titre gratuit ou onéreux, de sacs de sortie de caisse à usage unique en plastique non biodégradables ou non recyclables est interdite sur le territoire français. Un décret fixe les modalités techniques de cette mesure, ainsi que les sanctions et les conditions de vérification de la biodégradabilité ou de la recyclabilité des sacs susceptibles d'être distribués.
La parole est à M. Adrien Gouteyron.
M. Adrien Gouteyron. Mes chers collègues, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le fait d'avoir déposé trois amendements traduit non pas une démarche hésitante, mais un souci d'efficacité.
Le législateur et le Gouvernement sont obligés de tenir compte de la sensibilité de l'opinion, du fait que le mot « biodégradable » a une connotation un peu magique auprès de nos compatriotes, même si cela est totalement irraisonné, en tout cas mal réfléchi.
L'amendement n° 663 rectifié se rapproche beaucoup de l'amendement n° 36 rectifié de la commission. Il me semble en effet que c'est celui qui est le plus compatible avec la démarche progressive qui a été engagée.
Il laisse le temps nécessaire à l'adaptation des matériels, notamment des matériels de production qui ne sont pas toujours capables de produire les quantités de sacs biodégradables voulues dans les délais souhaités.
Il laisse aussi le temps nécessaire à l'adaptation des mentalités. Cet aspect, qu'a évoqué M. Dominique Braye voilà un instant, me paraît important. Qu'on ne s'imagine pas que la biodégradabilité est le remède miracle et la seule attitude environnementale ou respectueuse de l'environnement possible. On en perçoit bien les risques. Je pense notamment à la démobilisation de l'opinion : c'est biodégradable, donc on jette ! Toute mise en avant de la biodégradabilité exigera, n'en doutez pas, une information continue et soutenue de l'opinion. C'est pourquoi il me semble absolument indispensable de prévoir des étapes et des délais.
Enfin, cet amendement laisse le temps nécessaire à l'adaptation des techniques : on n'enveloppe pas tout avec des emballages biodégradables ; la recherche n'est pas encore en mesure de proposer une solution universelle.
Dans certains pays, l'Italie par exemple, on cherche à avancer dans cette voie, mais on le fait avec beaucoup de prudence. On a engagé des études, défini des étapes. Je ne voudrais pas que nous allions trop vite, que nous nous précipitions.
En Europe, je le rappelle, seul 0,8 % du tonnage des emballages en plastique est biodégradable. Ce chiffre montre bien le chemin qui reste à parcourir.
L'amendement n° 36 rectifié nous invite à nous engager sur ce chemin. Je m'y rallierai si les amendements de suppression de l'article 11 bis ne sont pas adoptés. J'aurais néanmoins souhaité, monsieur le rapporteur, qu'on s'accordât plus de temps. L'échéance de 2010 est quelque peu arbitraire. Pourquoi ne pas nous donner deux années supplémentaires, comme je le suggère ? Mais nous pourrions débattre de la pertinence de ces dates pendant de longues heures.
Je souhaite que le Sénat adopte une position raisonnable tenant compte à la fois de la sensibilité de l'opinion aux questions d'environnement et de la réalité économique, qu'il ne faut pas oublier, même si je n'en ai pas beaucoup parlé. En effet, des milliers d'emplois sont en jeu derrière les décisions que nous allons prendre. Enfin, le Sénat devra adopter une position tenant compte de la réalité scientifique parce que la recherche n'est pas en mesure de satisfaire les demandes formulées par l'Assemblée nationale.
M. le président. L'amendement n° 157 rectifié, présenté par M. Braye, Mme Gousseau, MM. Beaumont, Béteille et Deneux, Mme Desmarescaux, MM. Détraigne, Gérard, Hérisson, Leclerc, Merceron et Murat, Mme Sittler, MM. Soulage, Vasselle et Vial, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :
A partir du 1er janvier 2010, la commercialisation ou la distribution de sacs bretelles de sortie de caisse en plastique non biodégradable est interdite sur le territoire français.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 699, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :
1er janvier 2010
insérer les mots :
, la production
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Avec l'article 11 bis, l'Assemblée nationale a introduit un excellent article dans le projet de loi ! Le présent amendement vise même à le durcir quelque peu en étendant l'interdiction, à partir du 1er janvier 2010, à la production de sacs ou d'emballages en plastique non biodégradable sur le territoire français.
Interdire la commercialisation et la distribution de sacs ou emballages en plastique non biodégradables sur le territoire français représentait certes une mesure nécessaire et urgente. Les Verts saluent cette avancée, même tardive, et en remercient l'Assemblée nationale. Toutefois, il apparaît tout aussi vital pour la planète, notamment pour les pays en voie de développement dont la situation écologique est souvent désastreuse, d'en interdire la production dans notre pays afin d'éviter que le marché français du sac en plastique n'inonde ces pays.
MM. Braye, Gouteyron et Arthuis arguent du fait que nous ne sommes pas prêts et que nous devons retarder l'entrée en vigueur de cette interdiction. Mais depuis le début de l'examen de ce projet de loi, nous nous sommes habitués à leur peu d'empressement dès que nous abordons un sujet qui a trait à la biodégradabilité et nous avons perçu des réticences à s'adapter aux directives européennes.
L'article 11 bis nous offre l'occasion de prendre de l'avance sur les autres pays européens. N'hésitons pas, d'autant que les raisons de nous lancer sont nombreuses !
Les consommateurs sont prêts - cela a été dit -, comme l'a montré la réussite de l'expérience, menée en Corse, consistant à ne pas utiliser de sacs en plastique. Les supermarchés aussi sont prêts à jouer le jeu. De plus, en cette période de hausse du prix du pétrole, cette mesure permettra de réaliser des économies d'énergie. Les agriculteurs ont également tout intérêt à ce que les sacs soient biodégradables.
En ce qui concerne l'environnement, je ne peux m'empêcher de rappeler les propos de M. Braye. C'est tout de même formidable ! Il admet que les sacs en plastique ne sont pas bons mais, selon lui, il ne faut rien faire, car, quoi que l'on fasse, ce sera pis ! Comme vous l'avez remarqué, monsieur le président, M. Braye a pris son temps pour dire qu'il ne fallait surtout rien faire et que, de cette façon, la situation serait meilleure !
Dans son intervention, M. Arthuis a évoqué les conséquences de l'adoption de l'article 11 bis sur l'économie et sur l'emploi. Or le choix de 2010 pour l'entrée en vigueur de cette mesure donne le temps aux entreprises de s'adapter. L'adoption de cette mesure permettra à ces dernières de se reconvertir et de produire des sacs biodégradables dès maintenant, et aussi de les exporter puisqu'elles auront pris de l'avance. Les industriels français n'ont pas voulu fabriquer de voitures écologiques ; or nous constatons que les fabricants étrangers qui ont construit des moteurs écologiques les exportent maintenant !
Prendre de l'avance nous permettrait d'être compétitifs dans l'avenir. Il ne faut pas prendre de retard avec des études ! Croyez-vous que les groupes pétroliers engageront des recherches ? Non ! En revanche, ils tenteront de peser le plus possible sur le pouvoir législatif pour qu'il n'y ait pas de recherches, donc pas d'avancées.
Choisir la date de 2010 permettra aux industries de s'adapter, voire d'être compétitives dans ce domaine, comme elles auraient d'ailleurs pu l'être dans de nombreux champs liés aux énergies renouvelables.
M. Braye estime qu'il n'y a pas lieu de se faire du souci, que tout se traite bien ! Permettez-moi de citer quelques chiffres : 17 milliards de sacs sont distribués chaque année en France, soit 570 par seconde, et 170 000 tonnes de plastique sont utilisées pour cet usage ! Plus de 100 millions d'euros sont dépensés pour l'élimination des sacs ; 122 millions de sacs jonchent constamment le littoral français. Enfin, je dirai, s'agissant des d'économies d'énergie, que 4 % de la production pétrolière mondiale sert à la production des films plastiques !
Je me félicite donc de l'introduction dans le projet de loi de l'article 11 bis, et je vous propose, mes chers collègues, d'étendre à la production l'interdiction prévue.
M. le président. L'amendement n° 436, présenté par MM. Le Cam, Billout et Coquelle, Mmes Demessine, Didier et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :
distribution
insérer les mots :
et l'importation
II. - En conséquence, dans le même alinéa, remplacer les mots :
commercialisation et
par le mot :
commercialisation,
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, j'ai déjà défendu cet amendement lors de mon intervention sur l'article.
M. le président. L'amendement n° 700, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :
Un décret fixe les modalités techniques garantissant que les produits sont biodégradables et non pas simplement biofragmentables, les sanctions et les conditions de vérification de la biodégradabilité des emballages susceptibles d'être commercialisés ou distribués, ainsi que les modalités d'application du bilan environnemental. Ce dernier permettra notamment de s'assurer que les cultures utilisées pour la fabrication d'emballages biodégradables sont respectueuses de l'environnement et des ressources naturelles et répondent à un cahier des charges officiel.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de garantir que la mesure proposée à l'article 11 bis vise bien la biodégradabilité totale du produit.
La disposition qui nous est proposée doit en effet être clarifiée sur deux points relatifs, d'une part, à la notion de biodégradabilité et, d'autre part, à la prise en compte de l'environnement pour les cultures utilisées pour la fabrication d'emballages d'origine végétale.
La biodégradabilité ne doit surtout pas être confondue avec la biofragmentation. Ce processus, développé voilà quelques années, permet de fragmenter les matières plastiques dans l'environnement, sans les éliminer pour autant. Etant donné qu'il est hors de question d'encourager ce type de technique, il nous est apparu nécessaire de préciser qu'il s'agit bien de développer des produits biodégradables et non biofragmentables.
De plus il est impératif de conserver la rédaction actuelle de cet article du projet de loi qui vise l'interdiction des sacs comme des emballages en plastique non biodégradable. En effet, il ne faut pas oublier que les sacs de caisse représentent seulement 15 % des sacs en plastique.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle certains intervenants, favorables à la suppression de l'article, se rabattent sur l'amendement de la commission qui réduit de 85 % l'effet de la mesure. En ce qui me concerne je demeure bien entendu attaché à la rédaction de l'Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gérard César, rapporteur. Notre débat est riche. Pour autant, nous faisons face aujourd'hui à une question sérieuse pour l'avenir non seulement de notre nation, mais aussi de la planète. Il est important que nous puissions y consacrer le temps nécessaire. Je comprends parfaitement le souci de nos collègues qui sont intervenus sur ce point.
M. Gouteyron, auteur de l'amendement n° 102, nous a précisé qu'il s'agissait d'un amendement d'appel, car il a déposé deux autres amendements tendant à réécrire l'article 11 bis.
Mon cher collègue, la commission ne peut émettre qu'un avis défavorable sur votre amendement n° 102, puisqu'elle soutient l'article 11 bis en proposant de le modifier. Elle vous donne acte toutefois du fait qu'il s'agissait d'un amendement d'appel.
En présentant l'amendement n° 155 rectifié, M. Braye, président du groupe d'études sur la gestion des déchets, a dit qu'il était favorable à un système équilibré, progressif et prenant en compte les contraintes environnementales, techniques et économiques. Comme M. Gouteyron, il a soulevé la question des nombreux emplois concernés dont le maintien, en l'état actuel de nos connaissances, deviendrait évidemment problématique.
En soutenant l'amendement n° 665 rectifié, qui vise également à supprimer l'article, M. Arthuis a lui aussi fait un certain nombre d'observations. J'ai écouté avec attention ses arguments et j'ai apprécié sa connaissance parfaite du monde de l'environnement et des problèmes qui se posent à la planète.
M. Braye a présenté trois amendements en même temps. L'amendement n° 157 rectifié vise le même objectif que l'article tel que la commission propose de le modifier.
La mise en oeuvre de la disposition que l'amendement n° 156 rectifié tend à instaurer paraît trop complexe et brutale. Tout d'abord, elle semble complexe, car la réduction du nombre de sacs bretelles de sortie de caisse distribués sur le territoire français serait organisée en deux étapes et prendrait pour référence l'année 2003, impliquant des calculs compliqués afin d'établir l'évolution de la distribution et la production des sacs. Ensuite, elle serait brutale, car elle impliquerait une diminution de la moitié du nombre de sacs de caisse en plastique en une année, ce qui me paraît manifestement irréaliste au regard des capacités industrielles existantes en matière de sacs biodégradables, comme M. Gouteyron l'a parfaitement souligné.
L'amendement n° 113 rectifié quater, présenté par M. Gouteyron, vise à interdire la délivrance de sacs en plastique non biodégradable de sortie de caisse à partir de 2012. Il se rapproche beaucoup de l'amendement n° 36 rectifié que j'ai eu l'honneur de présenter. Outre la formulation, seule diffère la date prévue pour l'entrée en vigueur de la mesure : 2010 pour l'amendement de la commission, 2012 pour l'amendement de M. Gouteyron.
Nous avons déjà eu l'occasion de discuter de cet aspect en commission. Sur ce sujet, il nous paraît préférable de maintenir la rédaction de l'Assemblée nationale. En effet, il importe que la date d'entrée en vigueur de cette mesure ne soit pas trop éloignée dans le temps, car il est nécessaire de lancer un message fort non seulement à nos concitoyens et aux professionnels concernés, mais aussi au monde de la recherche et à la filière existante, c'est-à-dire les fabricants.
L'amendement n° 663 rectifié, troisième amendement de M. Gouteyron, qui fait preuve de beaucoup de générosité (Sourires), entraînerait la poursuite de l'autorisation après 2012 de la commercialisation ou de la distribution des sacs en plastique dès lors qu'ils seraient recyclables.
Or il n'existe pas actuellement de dispositif de recyclage de ces sacs en plastique. Le fait qu'ils soient recyclables n'a donc pas d'incidences positives particulières sur l'environnement. Par ailleurs, l'adoption de cet amendement reporterait à 2012 l'entrée en vigueur de la mesure. Pour ces deux raisons - et cela n'étonnera personne -, la commission préfère son amendement n° 36 rectifié et elle demande aux auteurs de l'amendement n° 663 rectifié de bien vouloir de le retirer. D'ailleurs, M. Gouteyron a très clairement dit que l'adoption de l'amendement n° 36 rectifié permettrait de laisser le temps nécessaire à l'adaptation. J'ai bien entendu son propos et je le remercie d'avoir précisé ce point, qui me paraît très important pour toute la filière.
L'amendement n° 157 rectifié, présenté par M. Braye, vise à interdire la délivrance de sacs bretelle de sortie de caisse en plastique non biodégradable à partir de 2010. Il se rapproche donc beaucoup de l'amendement n° 36 rectifié de la commission des affaires économiques. Toutefois, sa rédaction paraît moins précise, dans la mesure notamment où il ne renvoie pas à un décret. Or, il importe qu'un décret soit pris pour préciser les modalités d'application de cette mesure. Mais, pour en avoir discuté avec M. Braye en commission, je le sais prêt à se rallier à l'amendement de la commission. Il l'a d'ailleurs rappelé encore tout à l'heure en séance.
Avec l'amendement n° 699, M. Desessard souhaite préciser que l'interdiction de commercialiser et de distribuer des sacs en plastique non biodégradable à partir du 1er janvier 2010 vaudrait également pour la production de tels sacs. Il n'y a aucune raison d'interdire la fabrication d'un produit n'ayant pas de conséquences néfastes sur la santé ou la sécurité alimentaire. Une telle interdiction serait en effet contraire au principe communautaire de libre industrie. De plus, l'interdiction de commercialiser et de distribuer de tels sacs aurait pour effet que leur production ne présenterait plus aucun intérêt. La demande des auteurs de cet amendement serait donc satisfaite par la force des choses. La commission demande par conséquent le retrait de cet amendement. A défaut, elle émettrait un avis défavorable.
L'amendement n° 436 vise à interdire, outre la commercialisation et la distribution, l'importation des sacs en plastique non biodégradable à partir du 1er janvier 2010. L'interdiction de l'importation paraît contraire aux règles internationales relatives au libre-échange des biens et des produits. De plus, importer un tel produit alors que sa commercialisation et sa distribution sont interdites sur le territoire français ne présentera pas d'utilité.
Comme pour l'amendement précédent, le souhait des auteurs de cet amendement serait satisfait de lui-même. La commission demande donc le retrait de ce texte. A défaut, elle émettrait un avis défavorable.
L'amendement n° 700 vise à détailler le contenu du décret accompagnant la mesure d'interdiction. Les précisions apportées par cet amendement semblent superflues et alourdissent inutilement la rédaction du texte, l'ensemble des points cités ayant bien évidemment vocation à figurer dans le décret. Telles sont, monsieur le président, les observations de la commission à propos de ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, ministre. Sur le fond, si j'ose dire à propos de sacs (Sourires), nous connaissons évidemment tous les dégâts que peuvent causer les afflux de sacs sur notre environnement. Elu du littoral, comme certains d'entre vous - je pense notamment à Mme Papon ici présente -, je constate sur nos plages, sur nos côtes et dans bien d'autres endroits de forte affluence touristique la dégradation de l'environnement. Il est donc nécessaire d'agir.
Mais je voudrais tout d'abord rappeler la façon dont les choses se sont passées à l'Assemblée nationale. Un amendement qui n'avait pas été examiné par la commission des affaires économiques a été présenté de façon évidemment sympathique par un parlementaire, Francis Delattre, député du Val-d'Oise. Le débat a été très rapide et le texte a été voté à l'unanimité en quelques minutes.
J'ai appelé l'attention de l'Assemblée nationale sur les conséquences économiques très graves de l'adoption de l'amendement, comme l'ont très bien fait un certain nombre d'entre vous, en particulier M. Adrien Gouteyron, et sur l'interdiction un peu rapide de l'utilisation et de la commercialisation des sacs en plastique. Un certain nombre de députés élus de départements pour lesquels les conséquences d'une telle disposition étaient importantes n'étaient pas là : je pense notamment à MM. Laurent Wauquiez et Lucien Guichon, respectivement députés de la Haute-Loire et de l'Ain, grandes zones de production dans notre pays. Et l'amendement de M. Delattre a été adopté, devenant l'article 11 bis.
Aujourd'hui, les interventions de qualité de MM. Arthuis, Gouteyron et Braye, comme de tous les sénateurs, de la majorité ou de l'opposition, qui se sont exprimés sur le sujet, montrent que la Haute Assemblée souhaite adopter une disposition raisonnable dont l'application aurait des conséquences économiques acceptables pour les industries concernées.
C'est pourquoi je suis pour ma part favorable à l'amendement n° 36 rectifié de la commission des affaires économiques, disposition raisonnable qui constitue un intelligent compromis.
En conséquence, je ne peux émettre le même avis sur les autres amendements, non que j'y sois hostile, mais simplement parce que je me rallie à l'amendement présenté par M. le rapporteur.
M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir, en la circonstance, confirmé par vos propos l'affirmation de Jules Ferry, mon prédécesseur à ce fauteuil, pour qui l'institution sénatoriale servait à veiller à ce que la loi soit bien faite !
La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote sur l'amendement n° 36 rectifié.
M. Paul Raoult. Les membres du groupe socialiste approuvent l'amendement n° 36 rectifié, qui leur paraît raisonnable, même si, je l'avoue, la présence d'une telle disposition dans une loi d'orientation agricole m'étonne quelque peu.
M. Gérard César, rapporteur, et M. Dominique Bussereau, ministre. Nous aussi ! (Sourires.)
M. Paul Raoult. Mais pourquoi pas ? Nous ne pouvons pas aujourd'hui rejeter d'un revers de main ce texte que les députés ont voté.
Toutefois, un certain nombre de discours m'ont fait sursauter. J'ai bien aimé l'expression « vanité législative », employée par M. Arthuis. Mais nous devrions balayer devant nos portes, car nous ajoutons, texte après texte, des exonérations fiscales qui ne sont pas toujours très justifiées, qui compliquent les choses, et qui, comme je l'ai dit au début de ce débat, nécessitent une armée de fonctionnaires des impôts chargés bien évidemment de contrôler si ces exonérations sont bien appliquées ! Dans ce domaine, nous devrions être un peu plus clairs, beaucoup plus directs et surtout moins compliqués !
M. le président. Monsieur Raoult, j'aurais aimé vous voir voter mon texte concernant le paiement à la source de l'impôt sur le revenu !
M. Paul Raoult. Peut-être étais-je à titre personnel d'accord avec vous. Mais après...
Tous ensembles, nous avons à définir une vraie politique environnementale. Or, aujourd'hui, nous avons le sentiment d'aborder le problème par le petit bout de la lorgnette, même si l'amendement est intéressant. Monsieur Arthuis, permettez-moi de vous rappeler que, dans le domaine environnemental, lorsque l'on parle d'effet de serre, de changement climatique, des accords de Kyoto, il s'agit bien d'une législation que l'on tente d'appliquer dans l'ensemble des pays de la planète, car les problèmes environnementaux y sont réels. Il est donc obligatoire de légiférer !
Peut-être convient-il de réfléchir plus profondément, à long terme, et de dégager les moyens financiers nécessaires pour que l'environnement soit effectivement respecté, car, dans le domaine environnemental, les problèmes de fond sont toujours externalisés.
En effet, si l'entreprise produit avec un emballage dont le volume est souvent exagéré, c'est la puissance publique qui traite les déchets ! C'est nous qui, à l'échelon des communes, des intercommunalités, avons à prendre en charge l'ensemble de ces déchets ! Il nous faut donc bien définir comment celui qui produit l'emballage doit aussi le prendre en charge dans l'opération de traitement des déchets qui en résulte. A défaut, nous reportons la charge sur nos concitoyens, par le biais de la fiscalité directe, des impôts locaux. Prenons l'exemple des cosmétiques, pour lesquels l'emballage est bien plus important en volume que le produit concerné. Il existe bien à cet égard quelque exagération, à laquelle je vous demande de réfléchir.
Il est temps de penser à cette fiscalité ; certains ont d'ores et déjà parlé d'écotaxe, par exemple. Dans les années qui viennent, nous serons à mon avis condamnés à prendre des positions beaucoup plus nettes qu'aujourd'hui, tout en sachant - vous avez eu raison de le dire - que cela pose la question de l'évolution d'un certain nombre d'entreprises fabriquant ces emballages, et des problèmes d'emploi dans certaines d'entre elles.
Donnons par conséquent du temps au temps pour dégager une vraie politique environnementale susceptible de traiter ces problèmes de déchets. L'amendement n° 36 rectifié, en laissant effectivement aux entreprises le temps de s'adapter, permettra d'éviter des dégâts économiques et sociaux trop importants. Mais cela ne nous dispensera pas d'une réflexion beaucoup plus profonde dans les mois, les années qui viennent.
M. le président. Monsieur Raoult, vous vous êtes étonné qu'un tel débat ait lieu dans le cadre d'une loi d'orientation agricole. Mais la justification est simple : l'article 11 bis s'intègre dans un chapitre intitulé « Améliorer les débouchés des produits agricoles et forestiers » !
M. Jean Desessard. Voilà ! Absolument ! C'était justifié !
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, pour explication de vote.
M. Gérard Bailly. Monsieur le président, vous venez de dévoiler le début de mon intervention !
Nous examinons la future loi d'orientation agricole ; pour nous, législateurs, l'objectif est donc de définir le type d'agriculture et de productions que nous voulons dans les années à venir.
On connaît, bien sûr, les productions agricoles alimentaires. Mais l'agriculture a deux autres grands rôles à jouer : elle peut orienter ses productions vers l'énergie et les matières industrielles, d'une part, et vers la protection de l'environnement et des paysages, d'autre part.
Le rôle d'une loi d'orientation est précisément de définir, pour les décennies qui viennent, l'orientation de l'agriculture de demain.
Quand on sait que la concurrence va s'intensifier dans le cadre de l'OMC, il est important d'utiliser les richesses potentielles des terres en jachère, d'autant que cela représente une surface de 1,2 million d'hectares, sur lesquels les agriculteurs, pourtant payés pour travailler la terre, ne peuvent rien produire ! Il s'agit d'un premier problème que, personnellement, je vis très mal. Il est donc normal de réfléchir aux orientations possibles de l'agriculture de demain.
En commission des affaires économiques, j'avais demandé si l'on ne pouvait songer à la production dans des quantités suffisantes de maïs et de pommes de terre, qui permettent d'obtenir, entre autres, l'amidon destiné à la fabrication d'emballages biodégradables.
Dans le même ordre d'idée, j'avais attiré l'attention sur un second problème que je vis mal : dans le Jura, nous pratiquons le tri sélectif depuis déjà vingt ans, et les maisons sont équipées de plusieurs poubelles afin de séparer ce qui est recyclable et ce qui ne l'est pas. Chaque jour, dans le courrier que nous recevons dans nos boîtes aux lettres, nous devons déchirer une petite dizaine d'enveloppes en plastique contenant de la publicité, des journaux ou même des imprimés de l'administration ! Cela représente 2 milliards d'emballages en plastique ! Quand nous ne le faisons pas, ce sont les ouvriers des chaînes de tri de Lons-le-Saunier qui sont obligés de déchirer préalablement l'emballage pour trier, d'un côté, les papiers et, de l'autre, les plastiques, afin de jeter dans des bacs différents le papier des journaux et l'enveloppe qui l'entoure !
Pourquoi l'agriculture ne s'orienterait-elle pas également demain - dans cinq, dix ou quinze ans - vers la production des produits nécessaires pour rendre biodégradables ces emballages-là ?
L'erreur qui a été faite pour le diester, par exemple, ne doit pas se reproduire. On a tergiversé pendant des années et il a fallu la grande crise pétrolière que nous connaissons aujourd'hui pour réaliser enfin que le monde agricole pouvait, comme il le clamait depuis dix ans déjà, s'orienter vers la production de biocarburants !
Je vais, bien sûr, voter l'amendement n° 36 rectifié de la commission des affaires économiques, mais je tenais à dire qu'il est important d'avoir un vrai débat d'orientation sur ces sujets-là.
Les employés de la DDE - bientôt, ceux du conseil général ! - le constatent tous les jours dans l'herbe qu'ils fauchent : les papillons blancs qui jonchent les bas-côtés de nos routes sont en fait une multitude de sacs plastiques ; on en trouve également des quantités le long des voies ferrées, plus particulièrement en banlieue parisienne. Même les beaux sites que tous nos départements ont la chance d'avoir seraient gâchés si des « équipes vertes » ne ramassaient pas périodiquement les sacs qui y traînent !
Le monde agricole contribuerait, là encore, à améliorer l'environnement.
J'ai bien entendu les messages de notre ami Adrien Gouteyron et des industriels du plastique, puisque le site d'Oyonnax est situé près de chez moi. Il ne s'agit pas, bien évidemment, de légiférer pour contrecarrer les acteurs de cette industrie. Il faut, au contraire, faire en sorte qu'ils puissent s'adapter, se transformer. Je suis donc d'accord pour leur accorder le temps d'y parvenir, à condition toutefois qu'une orientation soit donnée concernant la production de produits biodégradables pour les sacs de caisse, les emballages ou encore les blisters utilisés dans la presse. Je souhaite que, au fur et à mesure de l'évolution de la recherche, le groupe sénatorial d'études sur la gestion des déchets progresse vers cet objectif que tous, sur les travées de cette assemblée, j'en suis convaincu, nous souhaitons.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Evelyne Didier. Certes, ce texte vise à améliorer les débouchés des produits agricoles. Il n'en reste pas moins que le sujet dont nous venons de débattre est d'abord d'ordre environnemental, car, comme l'a dit M. Braye, la pollution est visuelle ; de plus, elle touche les animaux et peut-être les sols.
Nous allons faire un premier pas aujourd'hui, mais nous devrons aller plus loin, poursuivre la recherche et préciser encore les choses, afin de véritablement progresser sur ce qui est un vrai sujet. Il ne faut en effet pas sous-estimer les questions qui se posent.
Après tous les débats que nous avons eus, l'amendement n°36 rectifié nous semble constituer un compromis, et nous le voterons donc.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. « Les lois inutiles nuisent aux lois nécessaires. »
En réalité, mes chers collègues, je suis dans l'embarras. Nous sommes tous d'accord pour préserver l'environnement, pour sauver l'emploi et pour faire plaisir aux consommateurs, lesquels souhaitent payer le moins possible. Mais tout cela est-il bien compatible ?
Si nous adoptons l'amendement n° 36 rectifié, les amendements de suppression n'auront plus d'objet. Or, pour l'instant, je n'y suis pas prêt.
M. le président. Pour l'instant seulement !
M. Jean Arthuis. J'aurais aimé entendre M. le ministre répondre à la question que je viens implicitement de soulever et qu'Adrien Gouteyron a posée quant à la compatibilité entre cette disposition et la directive européenne.
En effet, si les dispositions que nous sommes susceptibles d'adopter sont en contradiction avec les dispositions européennes, notre vote sera vain, car elles pourront alors être considérées comme une entrave à la libre circulation. Même s'il est commode de voter un texte dans l'allégresse en se considérant comme les champions en matière de lutte contre l'environnement, évitons de nous raconter des histoires !
Certes, en vertu du principe de précaution, nous avons ratifié le protocole de Kyoto, mais nous continuons de négocier au sein d'institutions telles que l'Organisation mondiale du commerce. Apparemment, personne ne trouve rien à redire au fait de faire peser, au titre de la protection de l'environnement, des contraintes fortes sur les entreprises qui produisent chez nous ; on respecte ainsi le protocole de Kyoto et on contribue à sauver la planète. Toutefois, on accepte que des produits fabriqués à l'étranger viennent concurrencer la production de nos propres entreprises, lesquelles contribuent à créer des emplois en France. Nous sommes à mon avis dans la pire des situations : on délocalise l'activité, l'emploi et, par voie de conséquence, la pollution.
M. Robert Bret. Il faut voter notre amendement !
M. Paul Raoult. Il faut faire évoluer l'OMC !
M. Jean Arthuis. Monsieur Raoult, on peut parfaitement diminuer le nombre de dispositions tendant à prévoir des dérogations fiscales, à consentir des avantages fiscaux spécifiques, à créer des niches fiscales. Vous allez pouvoir avancer des arguments pour voter le dispositif proposé par le Gouvernement, qui tend à limiter les avantages fiscaux résultant de ces dérogations, de toutes ces exonérations qui aboutissent au fait que l'on n'y comprend plus rien. Je serai d'ailleurs à vos côtés pour aller dans ce sens.
J'ajoute que les entreprises qui produisent des sacs en plastique acquittent une contribution à Eco-Emballages ; collectivement, elles doivent verser chaque année entre 40 millions et 50 millions d'euros, montant qui n'est pas négligeable. Dans le département de la Mayenne, je connais un certain nombre de ces entreprises ; elles se battent constamment pour innover et elles seront peut-être prêtes avant 2010.
Je le répète, avons-nous voté des dispositions en faveur du sac en plastique consigné ? Non ! Faisons donc un peu confiance à nos concitoyens, tout comme à ceux qui entreprennent, plutôt que de poser des principes qui nous procurent un plaisir immense en nous donnant le sentiment d'avoir réglé tous les problèmes.
Ne pensez-vous pas, mes chers collègues, que nous donnons bien souvent l'impression de faire de la politique virtuelle, ce qui crée un déficit de confiance croissant, me semble-t-il, entre nos concitoyens et la représentation nationale ? Il existe un décalage entre les belles images que nous affichons sur le grand écran du politiquement correct et ce qui est vécu au quotidien. Or ce décalage croissant est de nature à altérer la confiance du citoyen à l'endroit des politiques.
Bien que je reconnaisse l'intelligence de cet amendement, ...
M. Gérard César, rapporteur. Merci !
M. Jean Arthuis. ... je ne suis pas prêt, je le répète, à le voter. Je vous le dis, abstenons-nous une fois encore de légiférer dans le vide, parce que c'est bon en termes de communication.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre. Je répondrai aux questions que m'ont posées MM. Arthuis et Gouteyron sur la conformité de ces dispositions au droit européen.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale n'est pas conforme au droit européen, contrairement au texte proposé par la commission des affaires économiques, qui limite l'interdiction des sacs en plastique à une seule catégorie, laquelle est en l'occurrence associée à un service, les sacs de caisse. Toutefois, cette restriction permet à nos entreprises de produire et de commercialiser ces sacs dans d'autres pays de l'Union européenne. Telle est la situation actuelle.
M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux, pour explication de vote.
M. Marcel Deneux. La proposition récente de l'Assemblée nationale visant à interdire, en 2010, l'usage des polymères non biodégradables pour les emballages en plastique va poser des problèmes à la chaîne alimentaire. J'en évoquerai quelques-uns, afin de vous faire comprendre, mes chers collègues, pourquoi nous avons besoin de temps.
Les emballages en plastique actuels sont principalement constitués de polymères dérivés du pétrole et non biodégradables.
Des polymères biodégradables à base d'amidon ou de dérivés du maïs par exemple sont à l'étude, mais nous n'en sommes pas encore au stade industriel et commercial. Les industriels ont besoin de temps pour les produire, car le marché n'existe pas aujourd'hui.
De plus, les performances de tels matériaux seront très différentes de celles des plastiques qui sont actuellement utilisés. Cela ne pose pas de problèmes importants, s'agissant des sacs de caisse proposés dans les supermarchés. En effet, on pourrait sans doute trouver des solutions pour les emballages en plastique qui sont uniquement destinés à protéger les produits ; mais, pour ce qui concerne les emballages destinés à conserver les produits, tels que la viande ou le fromage, par exemple, aucune solution technique n'a été trouvée pour l'instant, car nous ne savons pas produire des résines biodégradables ayant la propriété de faire barrière, à l'oxygène notamment.
Aujourd'hui, comme le demandent les consommateurs, la majorité des emballages alimentaires vise à étendre la durée de vie des produits - viande fraîche ou portion de fromage sous vide ou sous atmosphère modifiée. Les films plastiques offrant ces propriétés sont des matériaux multicouches, qui comportent une couche de résine « barrière », comme les polyamides ou encore l'EVOH. Ces résines « barrière » sont issues de la pétrochimie, et aucune alternative biodégradable n'est aujourd'hui disponible.
Or, si les films d'emballage n'offrent plus ces propriétés « barrière », l'impact sur la durée de vie des produits alimentaires, et plus généralement sur l'ensemble de la chaîne de distribution, sera considérable. Et je ne parle pas des surcoûts significatifs entraînés pour l'industrie, la distribution et, au final, pour le consommateur.
En clair, et en l'état actuel de la technologie, la législation proposée ne paraît pas pour l'instant applicable.
Si nous analysons le problème technique plus en détail, nous constatons que, dans l'état actuel des connaissances, les plastiques biodégradables, même s'ils ne sont utilisés que comme des emballages de protection, risquent de poser des problèmes additionnels.
Tout d'abord, ces emballages seront mécaniquement moins résistants que les résines aujourd'hui utilisées.
Ensuite, contrairement aux résines actuelles qui sont fondamentalement « inertes » lors d'un contact avec les aliments, les résines biodégradables permettront une interaction possible avec les aliments - dissolution, hydrolyse -, ce qui peut rendre le contact direct problématique, s'agissant notamment des produits gras ou acides. Il est clair que ces problèmes devront être réglés, mais il faudra du temps.
Nous devons donc nous donner un délai de réflexion nécessaire. En même temps, nous devons affirmer notre volonté politique absolue de réduire au maximum l'utilisation de plastiques, ce qui, contrairement à ce qu'affirmait ce matin un grand quotidien, est bien l'objectif de tout le monde.
Tout en respectant nos objectifs environnementaux, l'amendement n° 36 rectifié me semble pouvoir répondre aux problèmes que nous devons résoudre. C'est pourquoi je le voterai.
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.
M. Adrien Gouteyron. Je veux brièvement redire que ma préférence va aux amendements de suppression.
Monsieur le ministre, s'agissant de la compatibilité des dispositions avec la directive communautaire, votre réponse est claire, mais je ne suis pas totalement convaincu.
Par ailleurs, nous n'avions pas le choix entre tout ou rien.
M. Gérard César, rapporteur. Eh oui !
M. Adrien Gouteyron. Une démarche pragmatique, consensuelle et associant toutes les parties avait été engagée. Il nous suffisait de la mener à son terme pour donner satisfaction aussi bien aux producteurs, aux tenants du biodégradable, qu'aux consommateurs, c'est-à-dire à toutes les parties concernées. Je regrette que nous nous soyons engagés dans la voie législative.
Cela dit, au nom de l'efficacité, et en vertu du principe de réalisme, je me rallie à l'amendement de la commission.
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Vasselle. J'ai des supporters ! (Sourires.)
M. Charles Pasqua. Vous étiez attendu !
M. Alain Vasselle. Je veux simplement rassurer le président de la commission des affaires économiques et son rapporteur. En effet, chaque fois que je prends la parole, ceux-ci sont inquiets, craignant que je ne réussisse à convaincre mes collègues de voter contre leurs amendements !
M. Jean Desessard. Ça a été le cas !
M. Alain Vasselle. Cette fois-ci, ce ne sera pas le cas ! Je voterai en faveur de l'amendement proposé par la commission pour les raisons que mon collègue Marcel Deneux a excellemment présentées.
Le débat nourri que nous venons d'avoir sur ce sujet démontre, si besoin était, qu'il est nécessaire de légiférer à nouveau sur la politique des déchets dans notre pays, ...
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
M. Alain Vasselle. ... car tant nos concitoyens que les collectivités se posent de sérieuses questions.
On dénonce le coût des services et le dérapage de la fiscalité locale, mais peut-être devrions-nous nous demander si notre législation est bien adaptée à ce dispositif.
M. Jean Desessard. Assez d'emballage, on vote ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle. N'y a-t-il pas lieu de responsabiliser les producteurs et les fabricants d'emballage ?
M. Gérard César, rapporteur. Tout à fait !
M. Alain Vasselle. Une fois que ce problème aura été traité, ce que les Allemands ont fait, une grande partie des difficultés rencontrées par les collectivités seront aussi réglées. En outre, la grande distribution devra également mettre la main à la poche, ce qu'elle ne fait pas suffisamment.
Toutefois, nous devons engager un débat sur ce sujet, car nous le traitons, à mon avis, de manière accidentelle, à l'occasion de l'examen d'un projet de loi d'orientation agricole. Même si MM. Bailly et Deneux ont démontré qu'un lien indirect existait avec le projet de loi que nous examinons actuellement, ce sujet mérite néanmoins un projet de loi spécifique.
M. le président. Monsieur Vasselle, vous avez toujours la possibilité de demander un débat sur ce sujet.
La parole est à M. Dominique Mortemousque, pour explication de vote. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Mortemousque. Naturellement, le groupe de l'UMP votera cet amendement, qui est le fruit de la raison.
M. Roland Courteau. Nous sommes rassurés !
M. le président. En conséquence, l'article 11 bis est ainsi rédigé, et les amendements nos102, 155 rectifié, 665 rectifié, 156 rectifié, 113 rectifié quater, 663 rectifié, 157 rectifié, 699, 436 et 700 n'ont plus d'objet.
(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)