compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures cinquante.)

1

PROCÈS-VERBAL

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

modification de l'ordre du jour

Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, la lettre suivante :

« Monsieur le président,

« En application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement modifie comme suit l'ordre du jour de la séance du mercredi 13 juillet :

« Mercredi 13 juillet, le matin, l'après-midi et, éventuellement, le soir :

« - Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises ;

« - Troisième lecture du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale ;

« - Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de sauvegarde des entreprises ;

« - Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif au développement des services à la personne ;

« - Lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, sous réserve de leur dépôt.

« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

« Signé : HENRI CUQ »

Acte est donné de cette communication.

3

 
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes
Discussion générale (suite)

égalité salariale entre les femmes et les hommes

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes
Art. additionnel avant l'art. 1er

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes (nos 343, 435).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, madame le rapporteur, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, mesdames, messieurs les sénateurs, toute vraie politique s'inscrit dans un projet qui lui donne sens et justifie les réformes qu'elle conduit.

Il en va ainsi de ce projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes que j'ai l'honneur de vous présenter et pour lequel je tiens à rendre hommage à Nicole Ameline.

Ce texte a un objectif ambitieux et les mesures qu'il vous propose d'adopter répondent à un enjeu qui va bien au-delà de leur contenu.

Notre objectif est de contribuer à l'émergence d'un nouveau modèle social qui n'est autre que l'approfondissement de notre modèle républicain.

Ce modèle, c'est celui d'une société qui garantit à toutes et à tous l'égalité des chances et une pleine égalité de traitement.

Ce modèle, c'est celui d'une société où le mérite seul compte et où il n'est entravé ni par des discriminations injustifiées ni par des préjugés dépassés.

Ce modèle, c'est celui d'une cohésion sociale renforcée autour des valeurs phares de notre idéal républicain.

Le texte proposé poursuit en cela le projet des fondateurs de notre République, projet dont chacun s'accorde à reconnaître qu'il doit être rénové, mais tout en visant les objectifs qui l'ont toujours animé.

Ce projet de loi est donc un projet de justice : il n'est plus tolérable que des discriminations en termes de rémunérations subsistent entre les hommes et les femmes occupant les mêmes fonctions ; de même, il n'est plus tolérable que les femmes n'accèdent pas autant qu'elles le pourraient aux filières d'emploi les plus porteuses d'avenir ou aux postes de responsabilité.

Non seulement ces discriminations sont injustes, mais surtout elles nuisent au dynamisme de notre économie. En luttant contre elles, le texte proposé est incontestablement au service de l'efficacité économique et sociale de notre pays.

L'égalité, et non l'égalitarisme, est une condition de notre compétitivité. Grâce à elle, tous les talents trouvent à s'exprimer, et la diversité qu'elle favorise est source d'enrichissement, mais aussi, à n'en point douter, de complémentarité.

En renforçant l'accès des femmes aux postes de responsabilité et à la formation, en les aidant à articuler vie professionnelle, vie personnelle et vie familiale, ce projet de loi va accroître leur présence à tous les niveaux de l'activité économique, mais aussi dans des secteurs où elles sont aujourd'hui peu représentées. L'économie va ainsi bénéficier d'un potentiel féminin encore sous-employé.

Cette égalité est également facteur d'efficacité au moment où la France, comme de nombreux pays européens, connaît un revirement démographique marqué.

Face à la diminution prévisible de la main-d'oeuvre, valoriser la performance des femmes est un enjeu crucial de productivité pour les entreprises et de compétitivité pour notre économie.

De même, pour faire face au vieillissement démographique, une natalité plus dynamique suppose que la maternité et ses suites ne soient pas une source d'inégalité dans l'emploi comme dans la formation.

C'est pourquoi ce texte a vocation à neutraliser l'impact de la maternité sur l'évolution salariale, à améliorer la prise en compte de la parentalité et à favoriser la conciliation entre vie professionnelle et vie privée.

Enfin, faire justice aux femmes et contribuer à leur meilleure insertion professionnelle est aussi un enjeu de cohésion sociale, car une société unie est, par définition, une société qui traite chacun sur un pied d'égalité.

C'est donc au titre de ma double compétence, cohésion sociale et parité, que j'ai l'honneur de porter ce texte devant vous.

Ce projet de loi n'est pas le premier à s'intéresser au sujet qui nous préoccupe, celui des femmes.

Le principe d'égalité salariale figure déjà dans le traité de Rome de 1957 et dans notre code du travail depuis 1972.

Plusieurs lois, dont celles de 1983 et de 2001, sont intervenues depuis lors pour tenter de concrétiser le principe fixé par le préambule de notre Constitution, que je ne résiste pas à vous rappeler : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme ».

L'impact de ces lois n'a pas été négligeable puisque l'écart salarial s'est réduit de moitié depuis les années soixante.

Pour autant, nous ne pouvons pas considérer cela comme suffisant. Nous avons tous fait le constat que ces lois successives n'ont pas pleinement atteint leur objectif.

Par exemple, en 2004, trois ans après l'adoption de la loi Génisson, 72 % des entreprises n'avaient encore jamais organisé les négociations spécifiques, que réclamait cette loi, sur le thème de l'égalité professionnelle.

Le texte que nous vous présentons était donc nécessaire pour concrétiser le projet que je viens d'évoquer.

L'INSEE confirme, avec tous les observatoires qui ont étudié la question, que l'écart des salaires entre les femmes et les hommes reste significatif : la masse salariale représentée par les femmes est inférieure de plus de 20 % à celle des hommes.

Cet écart, s'il se réduit, ne diminue pas fondamentalement. On constate que le rattrapage s'est même interrompu de façon significative depuis les années quatre-vingt-dix.

La discrimination pure et simple reste de l'ordre de 5 % à 10 %, selon les secteurs professionnels.

M. Roland Muzeau. Oh, c'est bien plus que cela !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le reste de l'écart, en moyenne de quinze points, s'explique par des raisons structurelles liées aux filières d'emploi occupées par les femmes. Les emplois féminins sont concentrés dans les dix familles professionnelles où les salaires proposés sont les plus faibles. Je pense notamment aux secteurs du textile, de l'hôtellerie restauration, des services à la personne, de la propreté et de la grande distribution.

Sur les 8,4 millions d'actifs qui perçoivent un salaire inférieur au SMIC, 80 % sont des femmes, et cette proportion est supérieure d'environ dix points au niveau constaté au début des années quatre-vingt-dix.

Il y a donc là, clairement, un recul et une nécessité d'action.

Ces secteurs sont, en outre, les moins porteurs d'emploi, ce qui explique la persistance d'un « sur-chômage » féminin qui n'a pas faibli depuis trente ans et qui a même, sur certains secteurs de notre territoire, tendance à s'aggraver.

Quelle que soit leur catégorie sociale ou leur classe d'âge, les femmes sont plus souvent, et surtout plus longtemps, au chômage que les hommes. Le taux de chômage féminin s'élevait à près de 11 % à la fin de l'année 2004, contre 9 % chez les hommes.

Enfin, ces secteurs professionnels sont aussi ceux qui concentrent la plus grande proportion de travail intérimaire, de contrats à durée déterminée et à temps partiel.

En 2003, sur quatre millions de travailleurs à temps partiel, 82 % sont des femmes et, dans la majorité des cas, il s'agit de temps partiel subi. Une femme sur trois travaille à temps partiel contre un homme sur vingt seulement !

Le cumul emploi à temps partiel et emploi peu rémunéré est particulièrement désastreux pour l'égalité salariale.

Il n'est plus tolérable que des femmes, souvent en situation de monoparentalité, aient à subir des horaires éclatés tout au long de la journée, d'où des amplitudes horaires très importantes, sur un lieu de travail souvent extrêmement éloigné de leur domicile, ce qui les oblige à s'absenter de chez elles du matin au soir, avec toutes les conséquences que cela entraîne, notamment pour leurs enfants.

C'est pourquoi la question du temps partiel est au coeur des préoccupations du Gouvernement et constitue l'un des sujets prioritaires sur lesquels je travaille.

C'est dans cet esprit que j'ai commencé à rencontrer l'ensemble des partenaires sociaux.

La régulation des conditions du travail à temps partiel n'est pas l'objet de ce projet de loi, mais je compte engager aux côtés de Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher une consultation approfondie avec les partenaires sociaux sur ce thème.

Je vais également confier au Conseil économique et social une mission d'expertise sur ce sujet tant le phénomène est aujourd'hui prégnant et tant il appelle des réponses concrètes.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est certain !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'inégalité dans l'emploi liée à la concentration des femmes dans certaines filières professionnelles se double d'une inégalité dans l'accès aux responsabilités, inégalité qui touche, elle, tous les secteurs professionnels.

Le nombre de femmes cadres a augmenté depuis les années quatre-vingt, mais leur part dépasse à peine un tiers.

Moins de 10 % des dirigeants d'entreprises et moins de 5 % des membres de conseil d'administration sont des femmes.

C'est ce diagnostic global qui nous a amenés à réagir et, pour tenir compte des efforts passés et des raisons de leur échec, nous avons décidé de changer de méthode.

Nous posons clairement, et pour la première fois, un objectif de résultat : mettre fin une fois pour toutes à la discrimination salariale entre les femmes et les hommes dans notre pays, dans un délai que nous fixons à cinq ans.

Le contexte actuel est particulièrement favorable à la réalisation de cet objectif ambitieux parce que la volonté de réussir est générale, comme l'a montré la signature unanime, le 1er mars 2004, de l'accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Cet accord a jeté les bases indispensables à la réussite de cet objectif. Pour la première fois en effet, les éléments structurels de la discrimination salariale ont été pris en considération. Ainsi, le lien entre l'exercice de la parentalité et les conditions de travail a été reconnu, et les partenaires sociaux s'accordent sur le fait qu'il convient de mieux orienter l'appareil de formation professionnelle pour permettre aux demandeuses d'emploi comme aux salariées d'accéder à des filières différentes, qualifiantes et, surtout, porteuses d'emplois pour demain.

Le calendrier que nous avons adopté répond à la méthode que nous avons choisie : faire confiance au dialogue social et laisser aux acteurs sociaux la responsabilité et le temps d'agir.

Nous invitons solennellement ces derniers à relancer la négociation collective dès les prochains mois, au niveau des branches professionnelles comme à celui de chaque entreprise.

Cette invitation s'accompagne de trois dispositifs fortement incitatifs pour tenir compte des résultats de la loi Génisson, qui, malheureusement, sont restés insuffisants.

Tout d'abord, en cas d'échec ou d'absence de négociation de branche, le ministre chargé du travail pourra réunir une commission mixte paritaire afin que s'engage ou que se poursuive la négociation.

Ensuite, une convention de branche ne comportant pas de disposition relative à la suppression des écarts de salaires ne pourra pas être étendue.

Enfin, les accords salariaux des entreprises ne seront enregistrés, donc validés et opposables aux tiers, que s'ils sont accompagnés d'un procès-verbal d'engagement des négociations.

Voilà qui permettra d'avancer résolument vers notre objectif !

A mi-parcours, nous réunirons une conférence nationale sur l'égalité salariale. Si les résultats constatés ne sont pas satisfaisants, le Gouvernement soumettra ceux qui ne se seront pas engagés dans la démarche à une contribution financière assise sur la masse salariale.

M. Roland Muzeau. Ce sera trop tard !

Mme Annie David. Il faut le faire tout de suite !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Voilà pour le dispositif d'égalité salariale. Suffit-il pour concrétiser le projet que j'ai évoqué au début de mon intervention ? Assurément non.

Nous ne pouvons nous contenter d'un objectif quantitatif, car les motifs des discriminations qui susbistent sont d'ordre structurel.

Nous avons donc décidé d'agir vigoureusement sur les trois principaux facteurs de discrimination : la parentalité, la formation, les pesanteurs et les habitudes s'agissant de l'accession aux postes de responsabilité.

Pour mieux concilier l'emploi et la parentalité, nous souhaitons que la progression du salaire de la personne en congé maternité ne se limite plus aux seules augmentations collectives pour inclure également l'augmentation moyenne résultant des augmentations individuelles intervenues dans l'entreprise.

C'est la norme qui a été retenue par les entreprises, qui prévoient déjà la compensation de l'effet négatif de la maternité sur l'augmentation du salaire. D'autres systèmes de référence étaient, bien sûr, envisageables.

Aucun système n'est parfait. Celui que nous avons retenu nous paraît cependant préférable, et nous y reviendrons dans le débat, à celui qui consisterait à faire bénéficier les salariées de retour de congé d'une augmentation individuelle calculée sur la base de celles qu'elles avaient elles-mêmes perçues dans les trois années précédentes. Il nous semble, d'une part, que ce dispositif pénaliserait les nouveaux embauchés et, d'autre part, qu'il ne tient absolument pas compte des aléas de conjoncture que subit l'entreprise pendant le congé. En outre, il nous faut veiller ensemble à ne pas introduire de freins à la rémunération des jeunes femmes. Or, l'employeur pourrait être incité à ne pas les augmenter dans la crainte d'avoir à payer une prime trop élevée à leur retour de congé de maternité.

Toujours dans l'optique d'améliorer l'employabilité des femmes, ce qui est l'objet de notre mobilisation, le texte vise à faciliter pour les PME les modalités de remplacement des salariées parties en congé de maternité.

Concernant l'accès des femmes aux postes de responsabilité, nous adoptons une démarche plus volontariste pour augmenter leur participation aux instances délibératives et juridictionnelles.

Lors du débat à l'Assemblée nationale, les modalités de mise en oeuvre de la parité au sein des instances délibératives ont été renforcées, et cela tant pour les conseils d'administration des entreprises publiques, qui doivent incontestablement aller plus loin et donner l'exemple, que pour ceux des sociétés anonymes.

Là encore, nous consolidons la place des femmes au sein des conseils de prud'hommes en renouvelant, pour les élections de 2008, le processus de féminisation mis en place en 2002.

Notre dernier levier d'action vise à généraliser l'accès des femmes à l'ensemble des outils de la formation professionnelle et à l'apprentissage.

Les discriminations constatées résultent en grande partie, en effet, de la persistance chez les femmes de cursus de formation orientés depuis l'école vers les secteurs où les emplois sont plus précaires et moins rémunérateurs. Là encore, les constats sont affligeants : aujourd'hui, on compte à peine 25 % de femmes dans les filières scientifiques.

Nous vous proposons plusieurs mesures pour essayer d'aller plus loin.

D'abord, les partenaires sociaux pourront majorer l'allocation de formation d'au moins 10 % pour le salarié qui engage des frais supplémentaires de garde d'enfant afin de suivre une formation en dehors de son temps de travail.

Ensuite, le projet de loi facilite l'accès à la formation des femmes revenant de congé parental lorsqu'elles sont amenées à changer d'emploi.

Je rappelle également que le ministère de l'éducation nationale s'est engagé, dans le cadre de la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, à augmenter de 20 % la place des filles dans les filières scientifiques de l'enseignement général et technologique d'ici à 2010.

Enfin, je souhaite que les régions, compétentes en matière d'apprentissage et de formation professionnelle, favorisent le plus possible la présence de jeunes filles et de femmes, en facilitant leur accueil dans leurs structures et en les invitant à rejoindre des formations qualifiantes leur ouvrant la porte vers des métiers d'avenir et, évidemment, plus rémunérateurs.

Le projet de loi prévoit à cet effet que le plan régional de développement des formations professionnelles devra assurer une présence équilibrée des femmes et des hommes dans chacune des filières de formation.

M. Nicolas About, président de la commission. Très bien !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Voilà, dans ses grandes lignes, la volonté qui m'anime. L'égalité salariale est un enjeu trop important pour que l'ensemble des forces productives de la nation ne se mettent pas en mouvement pour que la France de demain, la France qui gagne, assure une place équitable à 52 % de sa population, soit plus de la moitié, dans tous les secteurs de la vie publique, sociale et professionnelle.

C'est autant une question de justice que de dynamisme économique et de cohésion sociale. C'est donc un très beau projet pour notre République. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Esther Sittler, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi un nouveau texte sur la parité professionnelle ? C'est la question que l'on pouvait se poser lors de l'annonce de ce projet de loi. Pourtant, contrairement à ce que l'on pense, le Parlement n'a adopté que deux lois en plus de vingt ans en ce domaine : la loi Roudy de 1983 et la loi Génisson de 2001. Mais, je ne sais pourquoi, lorsqu'il s'agit de parité, certains trouvent parfois qu'on en fait un peu trop !

Le texte que j'ai l'honneur de rapporter au nom de la commission des affaires sociales n'est pourtant pas une loi de plus, une loi de trop. Il ne se contente pas de formuler une déclaration de principe. Aujourd'hui, l'exigence de parité n'est plus seulement une question démocratique ou sociale : elle est devenue un enjeu économique, ce qui explique que le Président de la République en ait fait une priorité au début de cette année.

M. Guy Fischer. On n'y croit plus !

Mme Esther Sittler, rapporteur. D'abord, comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, le marché du travail commence à connaître des tensions démographiques fortes : à partir de 2006, ce seront 100 000 actifs qui se retireront chaque année du marché du travail. Il faut donc mobiliser, dès maintenant, des ressources supplémentaires en main-d'oeuvre.

Ensuite, il nous faut admettre une réalité qu'aucun texte n'a fait disparaître : en France, l'écart salarial entre les hommes et les femmes est encore de près de 25 %.

Mme Esther Sittler, rapporteur. Pourquoi ? Parce que, pour la première fois depuis les années quatre-vingt-dix, on observe un ralentissement du rythme de rattrapage salarial. Or, les éléments objectifs qui pouvaient jusqu'à présent « justifier » ces inégalités ont disparu, puisque, globalement, les femmes sont désormais plus diplômées que les hommes. De fait, une fois neutralisés les effets d'âge, de formation, de métier et d'évolution de carrière, il reste une différence de 15 % qu'on ne peut expliquer.

Les discriminations y sont-elles pour quelque chose ? Il est indéniable que les femmes ont payé cher la crise de l'emploi. Je pense, par exemple, à la persistance d'un surchômage féminin ou du travail à temps partiel, qui est assuré à 82 % par des femmes, et cela souvent malgré elles. Or, madame la ministre, il ne nous a pas paru tout à fait normal qu'un texte traitant de la parité n'aborde pas le thème du travail à temps partiel subi des femmes, mais vous venez de nous assurer que c'était l'une de vos préoccupations principales. Vous vous êtes engagée à travailler sur cette question et j'espère que les partenaires sociaux sauront trouver des solutions à ces situations difficiles, qu'on observe notamment dans le secteur des services à la personne et dans la grande distribution.

Plus largement, j'ajouterai que 78 % des emplois non qualifiés sont occupés par des femmes et, en général, sans réel espoir de progression pour elles. Cette précarité a des conséquences lourdes sur leur niveau de vie, en particulier lorsqu'elles sont isolées et ont des enfants à charge.

Sur les 8,4 millions d'actifs qui perçoivent un salaire inférieur au SMIC, 80 % sont des femmes. Comme vous l'avez rappelé, madame la ministre, cette proportion est supérieure d'environ dix points au niveau constaté au début des années quatre-vingt-dix.

Enfin, on commence à mesurer les effets pervers d'une politique familiale à deux vitesses qui, en émancipant les femmes en mesure de faire garder leurs enfants grâce à des revenus suffisants, en a maintenu d'autres, moins qualifiées, dans un système d'assistanat dont elles peinent à s'extraire. Un rapport révèle même qu'en ouvrant l'allocation parentale d'éducation aux mères de deux enfants, la loi a créé une nouvelle « trappe à inactivité ». Comme si, entre travailler et élever ses enfants, il fallait encore choisir !

Mme Eliane Assassi. Il faut encore choisir !

M. Roland Muzeau. C'est bien là le scandale !

Mme Esther Sittler, rapporteur. Mes chers collègues, la longue marche vers l'égalité n'est donc pas arrivée à son terme, et c'est à pas comptés qu'elle avance. Pour autant, nous devons prendre garde à ne pas rallumer une guerre des sexes. Celle-ci est bien derrière nous.

Nous devons également éviter de « victimiser » les femmes, notamment les plus diplômées ou les plus jeunes. Ce qu'elles attendent n'est certainement pas que les entreprises les embauchent parce qu'elles y sont obligées,...

Mme Annie David. Alors elles n'embaucheront pas !

Mme Esther Sittler, rapporteur. ...mais qu'on leur donne les moyens de concilier leur vie professionnelle et leur vie personnelle et familiale, et d'assurer leur émancipation économique, sans renoncement personnel.

Seule cette démarche de construction démontrera que la femme active est source de plus-value pour l'entreprise, et non pas une contrainte.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Bien sûr !

Mme Esther Sittler, rapporteur. Comment gérer cette nouvelle exigence ? On peut certes faire confiance aux femmes et en leur capacité à se défendre seules, surtout pour les salariées appartenant aux catégories professionnelles supérieures, mais qu'en est-il des autres ?

D'autres voies ont été explorées.

Premièrement, la voie de la lutte contre les discriminations. Or, malgré quelques imperfections, tout un arsenal législatif permet déjà aux femmes de se défendre.

Deuxièmement, la voie de l'amélioration de la formation initiale et professionnelle. Contrairement aux idées reçues, les femmes sont, je l'ai dit, plus diplômées que les hommes. Elles ont également accès à la formation professionnelle dans des proportions plus élevées qu'on ne le pense.

Troisièmement, la voie de la lutte contre les idées reçues. Je crains, hélas ! que cela ne dépende pas du législateur.

Quatrièmement, la voie de la sanction des entreprises. Je ne suis pas sûre que ce soit une vraie solution : la loi Génisson a montré les limites de l'exercice puisque 72  % des entreprises n'ont pas signé les accords d'égalité prévus par cette loi.

Mme Esther Sittler, rapporteur. Quel est donc l'apport du texte ?

D'abord, tirant les leçons des échecs antérieurs, le Gouvernement a compris qu'une sanction immédiate peut créer plus de problèmes qu'elle n'en règle.

Ensuite, il ne propose pas de s'en tenir aux déclarations d'intention, ce qui lui aurait fait perdre toute crédibilité aux yeux des femmes qui attendent toujours beaucoup des initiatives prises en matière de parité. Entre convaincre et contraindre, le Gouvernement a privilégié la voie de la conviction, la sanction n'étant qu'un ultime recours. Il évite ainsi le double écueil qui consisterait, d'une part, à penser que l'égalité se décrète, alors qu'elle s'organise, d'autre part, à encourager la guerre des sexes, alors que l'égalité professionnelle suppose, aujourd'hui, un partenariat intelligent entre les hommes et les femmes, au sein de l'entreprise.

Outre la mise en place du label « égalité », symbole de « l'exemplarité gagnante » des entreprises, il a incité les partenaires sociaux à négocier sur le sujet. Mais, comme souvent lorsqu'il s'agit de parité, les partenaires sociaux, y compris les syndicats de salariés, n'ont pas véritablement su dépasser le stade de l'incantation. Le Gouvernement a donc dû aller un peu plus loin.

Déjà la loi de cohésion sociale contenait des propositions remarquables en la matière, comme la professionnalisation des femmes peu qualifiées de retour d'un congé de maternité ; le projet de loi en faveur des PME prévoit aussi de donner aux conjoints d'entrepreneurs un statut juridique créateur de réels droits sociaux ; la loi d'orientation sur l'école a mis l'accent sur la nécessité d'orienter les filles vers d'autres filières que les filières traditionnellement féminines.

Le présent texte apparaît, par conséquent, comme l'aboutissement d'une démarche volontariste engagée depuis deux ans. Il vise quatre objectifs, ainsi que l'a indiqué Mme la ministre.

Il tend, d'abord, à supprimer les écarts de rémunération en cinq ans.

Il vise, pour améliorer la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, à neutraliser les effets de l'absence pour cause de maternité : d'une part, la salariée bénéficiera des augmentations de salaires versées pendant sa période d'absence ; d'autre part, une aide financière est prévue pour les petites entreprises qui souhaitent embaucher du personnel en remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption.

Il a pour objet de renforcer l'arsenal législatif relatif à la lutte contre les discriminations au travail s'agissant des mesures visant l'intéressement et la distribution d'actions, ainsi que l'état de grossesse.

Il vise, enfin, à améliorer la représentation des femmes dans le monde du travail, notamment dans les conseils d'administration des entreprises publiques et les conseils des prud'hommes.

Comme on le constate, madame la ministre, l'originalité de votre projet de loi - auquel j'associe Mme Ameline en lui rendant hommage - réside dans le dispositif d'incitation des entreprises soumises, non plus à une obligation de moyens, mais à une obligation de résultat.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Tout à fait !

Mme Esther Sittler, rapporteur. Les dispositions proposées sont dictées par le bon sens pratique et la recherche d'une efficacité immédiate : si les entreprises veulent profiter de compétences nouvelles, elles devront nécessairement défendre une autre idée du management.

L'Assemblée nationale a largement enrichi ce texte et nous sommes favorables à une grande partie de ses apports. Pour notre part, nous avons été animés par le souci de trouver un équilibre entre droits des femmes et contraintes imposées aux entreprises.

M. Roland Muzeau. On ne fait pas cela pour les hommes ! (Sourires.)

Mme Esther Sittler, rapporteur. Les amendements que je présenterai ont notamment pour objet de ne pas imposer aux entreprises qui embauchent, des règles et des charges susceptibles de limiter leur développement, - surtout lorsque, comme maintenant, l'économie ne se porte pas très bien - et donc d'aboutir à l'effet inverse de celui qui est recherché.

Mme Eliane Assassi. Il ne faut pas ennuyer les patrons !

Mme Esther Sittler, rapporteur. Je pense ici à l'échec de la contribution « Delalande ». Nous en reparlerons au sujet des augmentations salariales à accorder aux femmes revenant d'un congé de maternité ou d'adoption.

Dans le même souci, j'évoquerai aussi l'instauration de quotas de femmes dans les conseils d'administration des sociétés privées ou l'obligation de nouvelle négociation aux branches et aux entreprises qui ont déjà récemment conclu des accords sur le thème de l'égalité salariale.

Notre second souci a été de ne pas accroître le risque de contentieux et nous vous proposerons, par divers amendements, des dispositifs mieux définis.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission est convaincue de l'utilité du projet de loi que nous allons examiner. Beaucoup de femmes l'attendent et croient aux mesures proposées.

M. Roland Muzeau. Elles n'attendent que cela !

Mme Esther Sittler, rapporteur. Au-delà, c'est l'équilibre démographique et économique de notre marché du travail qui est en jeu. Elle vous propose donc d'adopter ce texte et les amendements qu'elle vous présentera. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. Je vous remercie, madame le rapporteur, et salue votre première intervention à la tribune. (Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'était remarquable !

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Gautier.

Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la raison fondamentale de notre débat d'aujourd'hui, qui intéresse pas moins de 12 millions de femmes en activité dans notre pays, peut se résumer à quelques chiffres.

En 1952, l'écart des salaires entre femmes et hommes était de 54  %. En 1995, soit quarante-trois ans plus tard, il avait diminué pour approcher 26 %; depuis lors, nous constatons que l'évolution s'est pratiquement arrêtée puisque le chiffre stagne et n'est malheureusement jamais descendu en dessous de 24 %.

Aussi, dès l'annonce de ce projet de loi, des interrogations se sont fait jour et la question s'est posée de savoir s'il était nécessaire d'élaborer un nouveau texte de loi sur le sujet. On a fait remarquer que le législateur était déjà intervenu à plusieurs reprises. Notre délégation était bien placée pour le confirmer puisqu'elle a été la première à effectuer, en 2002, un recensement exhaustif des normes relatives à l'égalité des rémunérations entre les femmes et les hommes.

Ces normes sont nombreuses : elles figurent dans le préambule de la Constitution, dans plusieurs conventions internationales, aux différents « étages » du droit européen, ainsi que dans notre code du travail.

Le cadre juridique français est donc très étoffé et conforme aux engagements internationaux et européens de la France. Pour autant, il n'est pas appliqué convenablement.

La délégation a ainsi mis en évidence que 72 % des entreprises interrogées n'ont jamais organisé la négociation spécifique et obligatoire prévue par le code du travail sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle. Pire, il a été démontré que nombre d'entre elles méconnaissaient la loi de 2001 !

Il va de soi que les grandes entreprises employant plus de 1 000 salariés, dans la mesure où elles sont dotées de structures, de directeurs des ressources humaines, de représentants syndicaux, ont une approche différente du sujet par rapport aux petites et moyennes entreprises.

Les chiffres que je viens de citer résultent d'un sondage, commandé par notre délégation, en 2004, à un institut dont nous remercions la présidente d'être venue en personne commenter les résultats lors d'une de nos réunions. Il se trouve que cette femme chef d'entreprise a été tout récemment élue à la présidence du Medef, ce qui est un événement marquant. J'espère qu'elle pourra, à ce titre, - et je me ferai fort de le lui rappeler _ contribuer à résoudre un problème que le sondage avait parfaitement mis en lumière.

J'ajoute que, fondamentalement, c'est la culture d'entreprise qui reste perfectible et, à ce titre, je suis convaincue que notre économie a tout à gagner d'une progression des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises publiques et privées. A cet égard, le texte adopté par l'Assemblée nationale a, comme l'a souligné précédemment Mme le rapporteur, perfectionné le dispositif initial consacré à la féminisation de la représentation des salariés et des conseils d'administration : notre délégation en approuve pleinement le principe.

Par ailleurs, nos collègues députés ont même adopté un seuil minimum de féminisation de 20 % des conseils d'administration : si certains jugent l'avancée un peu audacieuse du point de vue juridique, d'autres, au contraire, l'approuvent. Très concrètement, la délégation constate que la féminisation des exécutifs est bien souvent un gage d'amélioration de l'efficacité et de l'équité dans l'entreprise.

En examinant les faits, on constate que les écarts de rémunération ont cessé de se réduire depuis 1995 et que les négociations obligatoires sur ce thème sont très peu dynamiques. Dans ces conditions, fallait-il continuer à déplorer le phénomène, baisser les bras et constater simplement cette carence ? Non, car j'estime, résumant en cela le sentiment de la délégation, que la persévérance, la pugnacité et la volonté de remettre l'ouvrage sur le métier sont un facteur essentiel de succès, en particulier pour transformer les mentalités et certains préjugés qui évoluent malheureusement moins vite que la législation.

Ce texte, en fixant un objectif clair et un délai, tient compte du processus de labellisation et de négociation déjà engagé, comme vient de le rappeler Mme la ministre.

La méthode prônée par certains juristes consiste à multiplier les nouvelles normes, les procédures et les sanctions. Or, nous constatons toutes et tous que cette façon de procéder rencontre des limites au moment où, par exemple, notre code du travail comporte déjà plus de 3000 articles d'une terrible complexité. Quoique favorable, par principe, à la sanction de l'inobservation des règles, la délégation estime que, comme dans d'autres domaines de la parité, on peut s'interroger sur l'efficacité des pénalités financières immédiates et leur effet restreint sur les comportements. Bien évidemment, je fais ici allusion aux pénalités financières en matière de parité dans la vie politique,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes... mais je n'insisterai pas, car tel n'est pas l'objet de mon intervention.

Plus grave encore, cette méthode pourrait produire des effets pervers, comme Mme Sittler l'a parfaitement exprimé. Soyons réalistes et efforçons-nous de concevoir des cadres juridiques compatibles avec la création d'emplois - objectif qui nous tient aujourd'hui à coeur et qui est prioritaire - et plus encore avec leur maintien sur le territoire.

Vous me permettrez d'intégrer dans le raisonnement un fait sociologique. Les femmes, dans leur grande majorité, s'autolimitent en matière de carrière et de revendications salariales ; elles ne savent pas et n'osent pas demander. Si le législateur doit soutenir leurs droits, il est en même temps assez naturel que nos travaux reflètent aussi leur attente qui n'est souvent rien d'autre que le respect de l'équité.

S'agissant des entreprises, j'ai pu constater, au cours des différentes auditions auxquelles a procédé la délégation, à quel point, pour certaines d'entre elles, la fixation d'objectifs chiffrés est un élément primordial des stratégies de réduction des disparités.

Je vous en livre un exemple frappant et réel : certains grands groupes, hélas peu nombreux ! ont pris à ce point conscience de la nécessité de développer la mixité professionnelle qu'ils se sont fixé des objectifs en matière de recrutement de femmes, et que c'est le bonus de leurs dirigeants qui est « pénalisé » lorsque le but n'est pas atteint.

Il faut reconnaître, soyons réalistes, que les entreprises les plus efficaces en matière d'égalité professionnelle ne sont pas toujours celles qui connaissent le mieux le détail de la réglementation. Quoi qu'il en soit, leur réussite tient à la mobilisation autour d'un objectif et on ne peut que regretter, encore une fois, qu'elles ne soient pas assez nombreuses aujourd'hui.

De ce point de vue, le texte que nous examinons a le mérite de délivrer un message particulièrement clair. De plus, la délégation a constaté que le projet de loi s'appuie sur le droit existant en insistant sur son application effective. Il n'ajoute donc pas de réelles complications dans le code du travail et il respecte l'exigence de stabilité des normes et des objectifs.

En ce qui concerne sa force contraignante, d'éventuelles pénalités calculées sur la masse salariale pourront être mises en place à titre dissuasif après le bilan qui sera effectué d'ici à deux ans, voire trois ans.

Mais la délégation a observé que, si les pénalités sont différées, le texte comporte néanmoins des dispositifs fortement et immédiatement contraignants, comme le refus d'extension des accords de branche, au cas où l'égalité des rémunérations n'aurait pas fait l'objet de discussions et de résultats satisfaisants. Ce sont là des mesures qui devraient se révéler efficaces.

Je souhaite maintenant vous présenter les recommandations de la délégation, en vous montrant qu'elles sont essentiellement animées d'un souci du concret.

La première série de recommandations vise à favoriser la diffusion des « bonnes pratiques » en matière d'égalité salariale.

A l'évidence, et en pratique, l'une des meilleures façons d'appliquer la loi est de s'inspirer des accords existants. Le prolongement direct du projet de loi est donc, comme le souligne la délégation, de faciliter la diffusion des expériences réussies, en s'efforçant tout particulièrement de lever les obstacles juridiques à la mise en ligne sur Internet des accords d'égalité professionnelle. Un amendement a été déposé en ce sens, auquel je souscris totalement en espérant qu'il sera adopté. L'objectif, c'est qu'en « cliquant » la bonne rubrique d'un site adéquat, un entrepreneur ou un directeur des ressources humaines puissent trouver immédiatement des exemples d'accords déjà conclus. C'est un affichage lisible par tous et surtout incitatif à l'égard des autres entreprises.

Il faut aussi tendre à généraliser au sein de l'entreprise la présence d'une interlocutrice à l'écoute des salariées pour améliorer les possibilités de médiation et de dialogue.

Il est vrai que les femmes n'ont pas de référente dans les petites et moyennes entreprises et qu'en l'absence de représentants syndicaux elles n'osent pas toujours se confier à un homme, et ce encore moins si c'est un supérieur hiérarchique, voire le chef de l'entreprise. Certes, une mesure législative générale et contraignante en la matière est inimaginable pour l'instant, j'en ai tout à fait conscience. Pourtant, la conviction de la délégation est que, partout où cela est possible, il faudrait aménager, pour les salariées, une possibilité de dialogue et de rencontre.

Par ailleurs, la délégation recommande de veiller, dans la gestion des ressources humaines des entreprises et des collectivités publiques, à mieux articuler la mobilité professionnelle avec le souci de rapprochement des conjoints.

Depuis la loi Roustan du 30 décembre 1921 - elle est si ancienne que l'on ne s'en souvient plus ! - le statut de la fonction publique comporte un dispositif juridique assez précis dans ce domaine. Cependant, comme les débats au sein de notre délégation l'ont souligné, ce dispositif ne résout pas tous les cas concrets et il faut veiller à en perfectionner l'application.

Pour les salariés, aucune disposition du code du travail n'évoque directement le souci de rapprocher les conjoints, à deux exceptions près : la synchronisation des congés annuels et la possibilité de démissionner pour suivre son conjoint, sans perdre ses droits à l'assurance chômage. C'est là un problème humain essentiel que nous avons eu l'occasion d'évoquer lors de nos entretiens avec vous, madame la ministre. Sa solution ne peut pas faire l'objet d'une formule juridique simple. Je souligne, au nom de la délégation, que les entreprises, et au moins celles d'une certaine taille, doivent se soucier du couple autant que faire se peut dans les décisions de mobilité professionnelle.

J'ajoute que, dans les cas, les plus nombreux, où elles suivent leur conjoint, en France ou à l'étranger, les femmes connaissent une période de recherche d'emploi. Se trouvant au chômage, elles sont une nouvelle fois pénalisées. Cela n'est pas acceptable, notamment dans le secteur public. Nous avons eu de multiples témoignages à cet égard.

M. Philippe Nogrix. C'est un point essentiel !

Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Dans sa deuxième série de recommandations, la délégation a estimé qu'il serait hautement instructif de mesurer les effets directs et induits du rééquilibrage des rémunérations.

Tout d'abord, même si la tâche ne paraît pas facile, il conviendrait de chiffrer l'effort financier consenti par les entreprises pour combler les écarts de rémunérations entre les genres. Un tel chiffrage aurait le mérite de donner des indications claires sur le rééquilibrage. Il permettrait, en effet, de mesurer si la véritable discrimination salariale estimée par l'INSEE à 5 % - c'est ce que l'on appelle la part résiduelle - est en voie d'extinction et d'évaluer le chemin qui reste à parcourir en matière de réduction des écarts de rémunérations.

Eradiquer la discrimination est, on le sait, une obligation indiscutable, selon le principe souvent cité : « à travail égal, salaire égal ». Réduire les différences de salaires suppose de franchir une étape en favorisant l'égalité des chances dans l'accès aux emplois les mieux rémunérés et dans les déroulements de carrière. De ce point de vue, il faudrait sans doute étudier de façon approfondie la corrélation entre le rééquilibrage des rémunérations et le rééquilibrage dans l'accomplissement des tâches domestiques entre les femmes et les hommes.

La délégation insiste, en particulier, pour que soient recensés les résultats concrets du réexamen des grilles de qualification pour garantir, à compétences équivalentes, une rémunération égale. La raison de cette recommandation est simple. En effet, les qualités que réclament certains emplois majoritairement occupés par des femmes sont assez mal valorisées par des grilles de salaires parfois si anciennes qu'elles sont devenues obsolètes, n'ayant plus rien à voir avec la réalité actuelle.

A l'étranger, on mesure également les retombées positives, pour les entreprises, en termes de résultats, des bonnes pratiques en matière d'égalité professionnelle. La délégation propose de faire de même en France, premier pays à avoir mis place un dispositif de « labellisation » pour l'égalité salariale. A cet égard, permettez-moi, madame la ministre, de rendre hommage à votre prédécesseur, Mme Ameline, qui a accompli un travail remarquable au sein de son ministère pendant plusieurs années. Je tiens à l'en féliciter et à lui exprimer mes remerciements.

Au total, nous souhaitons bénéficier d'un bilan sérieux et précis établissant le rapport entre le coût et les avantages résultant de l'application du présent projet de loi.

Enfin, troisième série de recommandations, nous souhaitons impliquer les pouvoirs publics dans le processus.

Eveiller les consciences, c'est impliquer non seulement les partenaires sociaux, mais également les déléguées régionales aux droits des femmes dans le processus de discussion et sensibiliser les inspecteurs du travail au thème de l'égalité salariale.

Nous préconisons également de faire de la fonction publique et du secteur public un « laboratoire », qui ait valeur d'exemple, de l'égalité salariale et de la représentation des femmes dans les équipes de direction.

Enfin, je souligne que la délégation a regretté que les questions de précarité et de travail à temps partiel ne soient pas prises en compte par le présent texte. Elle a fortement insisté, à l'unanimité de ses membres, pour que ces sujets fassent l'objet très prochainement d'un projet de loi complémentaire.

Madame la ministre, vous nous avez clairement annoncé, confirmant les propos que vous avez tenus devant l'Assemblée nationale, ainsi que lors de la réunion que vous avez bien voulu tenir dans votre ministère, votre volonté de trouver une solution à ce problème, très important pour les femmes, de la précarité et du travail à temps partiel.

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, notre pays a besoin de justice sociale, mais aussi d'efficacité. Pour combattre nos déséquilibres économiques et sociaux, le travail des femmes est un facteur essentiel pour l'avenir.

Nous devons nous projeter en avant, car tout est lié. Je mentionnerai le déséquilibre démographique, qui se profile avec le papy boom, la nécessité, pour les régimes de retraite, d'augmenter le nombre de cotisants. Cela va de pair avec la réduction de l'écart des montants de pensions perçues par les hommes et les femmes, qui est, je le rappelle, de l'ordre de 42 %.

M. Guy Fischer. Et la réforme des retraites a aggravé l'écart !

M. Roland Muzeau. C'est le silence sur ce point !

Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Nous devons définitivement stopper le gâchis humain et financier qui consisterait à dissuader les femmes de valoriser sur le marché du travail leur réussite scolaire et universitaire. Elles font aujourd'hui des études plus longues et obtiennent souvent des résultats plus brillants que leurs homologues masculins. Donnons-leur le sentiment d'être reconnues et rémunérées sans discrimination.

Madame la ministre, par ce projet de loi, vous avez mobilisé tous les acteurs concernés par les inégalités salariales qui perdurent. Vous avez pris des mesures qui s'imposent pour améliorer, voire amplifier les textes existants par la voie de la négociation ou par des dispositions plus contraignantes.

Si ce projet de loi est adopté, les femmes seront au rendez-vous de l'économie moderne et de la justice sociale. C'est en tout cas ce que nous souhaitons très vivement, toutes et tous

Je ne veux pas achever mon propos sans vous remercier, messieurs, de votre présence à ce débat sur la parité qui nous apporte pour l'avenir une lueur d'espoir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il n'y aura pas de politique de cohésion sociale digne de ce nom dans notre pays tant qu'une véritable égalité salariale entre les hommes et les femmes n'aura pas été établie.

Voilà près de trois décennies que ce sujet est abordé par nos assemblées et, malgré quelques avancées, les chiffres restent confondants. En effet, l'écart salarial moyen entre les hommes et les femmes est de près de 25 %. S'ajoute à cela l'absence de qualification, 78 % des emplois non qualifiés étant occupés par des femmes qui n'ont aucune perspective d'évolution de carrière.

Il ne faut pas hésiter à parler de précarité dans ce cas, puisque, en matière de revenus, les 8,4 millions d'actifs qui perçoivent un salaire inférieur au SMIC, sont à une majorité écrasante des femmes - 80 %, avez-vous dit, madame la ministre. Ces mêmes femmes perçoivent une retraite mensuelle moyenne deux fois inférieure à celle des hommes.

Le recours au travail à temps partiel est fréquemment invoqué comme justificatif de certaines inégalités. L'argument ne pourrait être pris en compte qu'à la condition que le temps partiel soit librement choisi. Or tel n'est pas le cas aujourd'hui pour nombre de femmes. Sur quatre millions de travailleurs à temps partiel, on compte une immense majorité de femmes. Trop souvent, le travail à temps partiel lorsqu'il existe correspond à des horaires non maîtrisés, menace alors la stabilité de la vie familiale et se traduit fréquemment par des salaires insuffisants.

De surcroît, ces femmes sont en outre les premières victimes du chômage et des délocalisations. Cette situation a créé de nouvelles inégalités. Alors qu'elles représentent 45,9 % de la population active, le taux de chômage féminin s'élevait à 10,9 %, contre 9 % chez les hommes, à la fin de l'année 2004.

Les secteurs où les femmes sont surreprésentées sont aussi ceux où les salaires proposés sont les plus faibles. Vous les avez cités, madame la ministre, il s'agit notamment du commerce de détail, des industries du textile, de la chaussure.

Les femmes sont les premières victimes d'une mondialisation non régulée et d'une Europe peu combative pour défendre ses salariés au regard du reste du monde.

C'est d'abord les femmes qui sont visées lorsqu'il s'agit de baisser les salaires pour faire face à une concurrence internationale. Ce sont souvent elles les premières licenciées. C'est à elles que certains dirigeants d'entreprises ont proposé de partir à Madagascar ou en Roumanie pour des salaires inférieurs à un euro de l'heure !

Mme Eliane Assassi. Tout à fait !

M. Bernard Seillier. Il existe évidemment des exceptions - elles ont été citées. C'est ainsi que certaines femmes occupent des fonctions d'encadrement ; une femme, et je m'en réjouis, vient de prendre la tête du MEDEF. Mais les chiffres demeurent explicites. En effet, moins de 10 % des dirigeants d'entreprise et moins de 5 % des membres des conseils d'administration sont des femmes. Force est de constater que les lois relatives à l'égalité professionnelle ne sont pas réellement mises en oeuvre.

M. Bernard Seillier. J'en viens à un aspect capital, celui de l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle. Il est à la source de bien des quiproquos.

Le taux d'activité salariée des mères s'élève à 80 % lorsqu'elles ont un enfant de moins de trois ans, mais il chute à 58 % lorsqu'elles ont deux enfants, dont un ayant moins de trois ans.

Le rapport Milewski fait éclater la réalité du quiproquo en soulignant que l'allocation parentale d'éducation, l'APE, n'a pas contribué à faciliter l'emploi des femmes. En effet, selon ce rapport, en ouvrant l'accès de l'APE aux femmes de deux enfants, la réforme de 1994 a entraîné une baisse sensible du taux d'activité des mères dont l'un des deux enfants a moins de trois ans, créant une « trappe à inactivité ».

N'est-ce pas plutôt de l'ouverture d'un sas de liberté et de décompression qu'il conviendrait de parler ?

L'allocation parentale d'éducation a favorisé l'exercice du libre arbitrage, que personne ne peut critiquer, à moins d'être doublement injuste : injuste à l'égard du choix des femmes, qui leur appartient sans que l'on soit autorisé à porter un jugement péjoratif sur leur préférence et leur arbitrage ; injuste à l'égard de la hiérarchie des valeurs sociales, car parler d'inactivité à propos de la maternité et de l'éducation des enfants n'est possible que par défaut de nos comptabilités publiques, qui ne donnent une valeur à l'être humain qu'à travers le versement des capitaux décès.

Il est bien connu que la comptabilité nationale enregistre une croissance du produit national quand une assurance-vie est liquidée à la mort de son souscripteur. Rien de tel n'est pris en compte à la naissance d'un enfant, hormis le montant éventuel des allocations familiales. Encore ne faut-il pas oublier le fait que la naissance d'un enfant fait diminuer le produit national brut par habitant, contrairement à celle d'un animal de boucherie, qui le fait croître, puisque, dans le premier cas, le dénominateur de la fraction augmente alors que, dans le second, l'animal fait progresser le numérateur.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quelle démonstration !

M. Bernard Seillier. Je doute que les mères de famille qui s'occupent de leurs enfants à plein temps en favorisant leur éveil et leur épanouissement apprécient les termes de « trappe à inactivité ». Il s'agit, pour les mères qui le souhaitent, de pouvoir arbitrer entre leurs activités, et ce n'est pas là tomber dans je ne sais quelle trappe, car elles jouent en réalité un rôle fondamental dans notre société, rôle dont nous ne tenons pas compte puisque le travail accompli n'est ni rémunéré ni pris en compte économiquement à sa valeur sociale réelle.

Aussi, je regrette vraiment que le rapport n'ait pas soulevé cette question essentielle, alors même que la part des allocations familiales dans les revenus des ménages n'a cessé de diminuer depuis le début des années cinquante par rapport à celle des salaires.

Lorsque les femmes souhaitent exercer une activité salariée, il faut qu'elles disposent, à travail égal, d'un salaire égal à celui des hommes, mais il faut aussi favoriser leur liberté d'organisation, en permettant à celles qui veulent bien mettre au monde et élever des enfants, qui sont certes les leurs, mais aussi en quelque sorte les nôtres, de le faire.

Je vous recommande à ce propos, mes chers collègues, la lecture de l'article de Michel Godet intitulé La famille, une affaire publique, paru dans la dernière revue Futuribles. Quelques vérités élémentaires y sont opportunément rappelées.

N'oublions pas, en effet, que l'avenir des retraites par répartition dépend directement de la famille. Nous profitons du fait que le travail maternel n'est pas rémunéré par la société au niveau du profit réel que celle-ci en tire. Favorisons la liberté des femmes dont nous sommes tous bénéficiaires et gardons-nous de paraître accuser celles-ci d'être inactives lorsqu'elles choisissent, momentanément ou plus durablement, le travail maternel et non pas le travail salarié.

L'inégalité la plus grande est celle qui oblige certaines femmes à renoncer au travail maternel faute de ressources suffisantes. Ne serait-ce pas pour masquer cette plus scandaleuse inégalité que certains s'efforcent de culpabiliser et de pénaliser le travail maternel ? C'est en tout cas un très mauvais calcul, de tout point de vue.

Sur le plan social, il n'y a d'humanité, de fraternité et de société durable que s'il y a des familles avec des enfants. Et, sur le plan de la justice, faire de la maternité et du travail familial qui l'accompagne soit un luxe réservé aux classes aisées, soit la richesse secrète, mais coûteuse, des prolétaires, conduit à une impasse.

C'est pourquoi cette question restera encore longtemps pendante dans nos sociétés, obnubilées par des comptabilités restreintes et restrictives, qui mesurent de manière partielle et partiale les inégalités.

Cette situation rend d'autant plus urgente la nécessité de remédier, si possible, aux inégalités salariales et de faciliter l'articulation entre vie professionnelle et vie familiale, faute de pouvoir assurer d'emblée une égalité totale entre les femmes pour arbitrer entre le travail professionnel et le travail familial.

Cela dit, ce projet de loi prévoit des mesures intéressantes visant à faciliter la vie des femmes et le fonctionnement des entreprises, afin de concilier vie familiale et vie professionnelle.

Je citerai, notamment, l'aide financière forfaitaire accordée aux petites entreprises de moins de cinquante salariés qui souhaitent procéder au remplacement d'un salarié en congé de maternité ou d'adoption, la possibilité pour les partenaires sociaux de la branche concernée de prévoir une majoration de l'allocation de formation de 10 % au moins pour le salarié qui engage des frais supplémentaires de garde d'enfant pour suivre une formation en dehors de son temps de travail, enfin l'extension du crédit d'impôt famille en faveur des entreprises qui engagent des dépenses pour assurer la formation de salariés qui ont été recrutés à la suite d'une démission pendant un congé parental d'éducation.

Vous privilégiez, à juste titre, madame la ministre, les négociations par branche ou par entreprise en ce qui concerne l'évolution des salaires des femmes. En cas d'échec de ces négociations, le Gouvernement propose de mettre en place un dispositif plus contraignant : après avoir procédé à un diagnostic, obliger les branches professionnelles et les entreprises à programmer des mesures visant à supprimer les écarts salariaux.

Il est prévu d'imposer aux entreprises qui n'auraient pas ouvert de négociations salariales une contribution sur la masse salariale. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous donniez quelques précisions quant à la mise en oeuvre concrète de ce dispositif contraignant.

Le projet de loi prévoit également que les régions organisent des actions destinées à répondre aux besoins d'apprentissage et de formation, en favorisant un accès plus équilibré entre les femmes et les hommes.

La formation doit jouer un rôle majeur dans l'objectif d'égalité salariale, même si la progression du nombre de jeunes filles diplômées est spectaculaire depuis vingt ans. Le plan régional de développement des formations professionnelles devra ainsi assurer une présence équilibrée des femmes et des hommes dans chacune des filières de formation.

De plus, les contrats d'objectifs devront permettre une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les métiers préparés par les différentes voies de formation initiale et continue. Il est essentiel que les conseillers d'orientation dans les collèges et les lycées fassent connaître les filières où les offres d'emplois sont loin d'être satisfaites - ce qu'ils ne font pas toujours - et insistent sur le fait que certaines professions qui manquent de bras sont aujourd'hui ouvertes aux femmes.

Le projet de loi vise enfin à assurer une représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les conseils d'administration des entreprises publiques. Il prévoit de supprimer en cinq ans l'écart de représentation entre les sexes, s'agissant de la nomination des personnalités qualifiées proposées par les ministères de tutelle. Je souhaite, naturellement, que nous évitions les quotas ; ceux-ci doivent à chaque fois être envisagés comme un dernier recours.

Par conséquent, tant pour les mesures favorables à l'adéquation entre la vie familiale et la vie professionnelle que pour le volontarisme fort dont il fait preuve dans le domaine de l'égalité salariale entre hommes et femmes, ce texte constitue une avancée sociale incontestable et mérite d'être largement soutenu.

Je souhaite enfin profiter de cette occasion pour adresser mes compliments tant à Mme Esther Sittler, pour son rapport, qu'à Mme Gisèle Gautier, pour son rapport d'information sur le sujet qui nous occupe. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.- M. Charles Gautier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Michel de Montaigne disait : « Les femmes ont raison de se rebeller contre les lois parce que nous les avons faites sans elles. »

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est plus le cas ! (Sourires.)

Mme Gisèle Printz. C'est dans cette optique que j'interviens dans la discussion générale sur un sujet qui me tient beaucoup à coeur : l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Je commencerai par un constat que tout le monde connaît, mais qu'il est toujours utile de rappeler : les femmes représentent plus de 50 % de la population française et contribuent par leur travail à la richesse de notre pays.

Malheureusement, elles ne sont pas traitées sur un pied d'égalité avec les hommes. La situation des femmes sur le marché du travail est même très préoccupante. On y observe des inégalités persistantes, qui commencent très tôt, dès la fin de la scolarité.

En effet, bien que les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons et qu'elles soient majoritaires au sein de la population étudiante, elles sont moins nombreuses dans les filières prestigieuses comme les classes préparatoires ou les écoles d'ingénieur. De plus, le diplôme obtenu par une femme est moins valorisé que celui d'un homme. Ainsi, un homme de quarante ans, bachelier, a 13 % de chances d'être cadre, contre 6 % pour une femme qui se trouve dans la même situation.

L'accès à la formation professionnelle continue fait partie de ces discriminations anormales dont les femmes sont victimes. En effet, les statistiques font ressortir qu'une femme âgée de trente-cinq ans a deux fois moins de chances qu'un homme du même âge d'y accéder du fait de son statut précaire.

Comme les femmes occupent largement des emplois à faibles qualifications, où des formations sont rarement proposées, elles ne peuvent avoir de plan de carrière.

Par ailleurs, le taux de chômage des femmes reste plus élevé que celui des hommes et, si la féminisation s'est accrue dans des professions où les femmes étaient peu présentes, elle a davantage augmenté dans les professions souvent dévalorisées, où les femmes étaient déjà surreprésentées.

Le fait de parler d'emploi féminin et d'emploi masculin ne contribue-t-il pas à renforcer cette discrimination ? Le seul critère de choix doit dépendre de la capacité physique ou intellectuelle de la personne, fût-il un homme où une femme.

La structure de l'emploi des femmes est aussi un élément clé de la discrimination. En effet, le rapport de l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, de mars 2005 relatif aux facteurs de précarité montre que 82 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes. Il s'agit très majoritairement de temps partiels subis. Une enquête réalisée en 2004 par l'INSEE montre d'ailleurs que les trois quarts des femmes travaillant à temps partiel souhaiteraient travailler plus. Car elles sont souvent chef de famille et élèvent seules leurs enfants.

S'agissant de l'articulation des temps de vie, je note par ailleurs que les schémas traditionnels évoluent peu. Les femmes consacrent toujours deux fois plus de temps que les hommes aux tâches domestiques et les hommes trois fois moins de temps que les femmes aux enfants. L'incidence sur la carrière professionnelle s'en ressent.

Enfin - et c'est l'aboutissement logique de ces situations qui perdurent -, les femmes gagnent en moyenne 27 % de moins que les hommes. Depuis une vingtaine d'années, cet écart ne se réduit plus. On observe même que, à catégorie professionnelle équivalente, l'écart demeure de 10 % à 15 %, ce que rien ne peut justifier. Les femmes sont donc victimes d'une discrimination directe en matière de salaire.

Madame la ministre, vous proposez d'adopter un nouveau projet de loi, dont le principal objectif est la suppression des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes. Cet objectif est certes louable, mais il soulève tout de même une interrogation majeure : fallait-il un nouveau texte ?

Rappelons que le principe « à travail égal, salaire égal » est inscrit dans le code du travail depuis 1972,...

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je l'ai rappelé !

Mme Gisèle Printz. ... et que le principe de l'égalité des droits entre les hommes et les femmes est reconnu dans le préambule de la Constitution de 1946. La loi Roudy relative à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes date de 1983, et la loi Génisson de 2001 l'a complétée en imposant, notamment, une obligation de négocier sur l'égalité salariale dans les entreprises et les branches professionnelles.

Je souhaite aussi rappeler l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

N'oublions pas non plus la législation communautaire : l'article 119 du traité de Rome concerne le principe de l'égalité de rémunération ; la directive du 23 septembre 2002 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, est souvent plus performante que notre droit interne.

De plus, le Conseil européen a adopté, en juillet 2003, un texte traitant des inégalités entre hommes et femmes en matière de rémunérations.

En réalité, les textes existent ; ce qui manque, c'est une volonté forte de les faire appliquer.

A ce sujet, l'excellent rapport d'information réalisé par la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes démontre que 70 % des entreprises n'ont pas entamé de négociation dans le cadre de la loi Génisson relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Plus grave encore, beaucoup de femmes avouent ne pas être au courant de cette loi. La bonne volonté ne suffit donc pas ; il faut des contraintes. Le Gouvernement doit faire preuve de plus de fermeté pour faire appliquer ces lois ; il sait très bien le faire en d'autres occasions.

Mais comme un nouveau texte nous est aujourd'hui soumis, nous allons essayer d'en apprécier la pertinence.

On peut regretter, tout d'abord, que ce projet de loi traite de l'inégalité salariale de façon aussi réductrice. En effet, celle-ci se réduit aux seules conséquences dues à la maternité ; mais ce n'est pas la seule cause. Ma collègue Patricia Schillinger reviendra plus précisément sur le thème de la maternité tout à l'heure.

Les écarts de salaires entre les femmes et les hommes sont la résultante de plusieurs facteurs, notamment des difficultés d'embauche et d'accès à la formation. Si le congé de maternité influe sur la carrière des femmes, ce sont bien davantage les responsabilités familiales ultérieures, le travail domestique non partagé et l'absence de structures d'accueil pour les enfants non scolarisés qui handicapent les femmes.

Une grave lacune du projet de loi concerne le temps partiel subi. Rien n'est proposé pour y remédier, alors qu'il concerne 3,25 millions de femmes actives sur 11 millions.

Mme Gisèle Printz. Seule la loi sur les 35 heures a pu freiner ce phénomène. Comme je l'ai déjà souligné, 75 % des femmes qui le subissent sont avant tout des chefs de famille monoparentale, pour qui temps partiel équivaut à pauvreté.

Rappelons que le temps partiel est surtout un moyen détourné pour le Gouvernement de faire baisser les statistiques du chômage. Et comme les femmes qui travaillent à temps partiel ne sont pas considérées comme des chômeuses, elles ne sont pas prioritaires dans les politiques de l'emploi.

Je me permets d'insister sur le caractère particulièrement négatif du temps partiel subi, dont les conséquences fâcheuses sur les femmes se manifestent non seulement durant leur carrière professionnelle, mais aussi au moment de la retraite. En effet, souvent, le temps partiel ne suffit pas à valider des trimestres. Et comme les retraites découlent directement des salaires perçus au cours de la carrière professionnelle, les disparités perdurent lors de la retraite. Ainsi les femmes restent-elles confinées dans une précarité encore plus grande.

On peut regretter, ensuite, que ce projet de loi ne s'adresse qu'au secteur privé et ne concerne pas la fonction publique où, en dépit d'une égalité salariale, une inégalité de rémunération demeure en raison des primes et du fameux « plafond de verre ». Il serait souhaitable que l'Etat employeur donne le bon exemple.

L'article 4 met en place des dispositifs pour faire respecter l'application de ce texte, mais ceux-ci restent insuffisants. Nous ne pouvons d'ailleurs que déplorer le caractère non persuasif de ce texte et l'absence délibérée de sanctions, par exemple dans le cas où les négociations de branche ou d'entreprise n'aboutiraient pas à la réduction des écarts de rémunération.

Pour contrôler l'application de la loi, il aurait au moins fallu demander aux entreprises un rapport annuel sur leur politique salariale. Que le Gouvernement présente un rapport d'évaluation au Parlement six ans après la promulgation de la loi me parait un peu tardif. Que fera-t-on si ce rapport est négatif ? Une nouvelle loi sera-t-elle élaborée ? On tourne en rond !

De plus, il aurait fallu associer à cette loi une embauche significative d'inspecteurs du travail, pour se donner les moyens d'un contrôle plus efficace.

Concernant les conseils des prud'hommes, la loi prévoit une « représentation équilibrée », ce qui veut dire tout et rien à la fois. Pourquoi ne pas proposer des listes paritaires pour que les femmes y soient mieux représentées ? Nous avons bien su le faire pour les élections municipales, régionales et sénatoriales. C'est une question de volonté !

Mme Gisèle Printz. Dans le même ordre d'idées, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements visant à une meilleure représentativité des femmes dans les conseils d'administration ou les conseils de surveillance des établissements industriels et commerciaux, dans les conseils d'administration des sociétés anonymes et dans les fonctions de délégués du personnel. Il s'agit d'une très bonne initiative.

Légiférer sur l'égalité salariale constitue un temps fort de la vie politique d'un pays. Pour autant, de nombreuses questions restent en suspens.

J'ai mentionné tout à l'heure le temps partiel subi, mais il ne faut pas oublier la formation professionnelle,...

Mme Annie David. Effectivement !

Mme Gisèle Printz. ...qui devrait être permise durant le temps de travail lorsqu'un problème de garde d'enfant se présente, ou encore l'aménagement du temps de travail des femmes, qui devrait tenir compte des aléas de la vie parentale.

En outre, la discrimination dont sont victimes les femmes d'origine étrangère n'est même pas évoquée dans le projet de loi.

Mme Annie David. Exactement !

Mme Gisèle Printz. Il faudra pourtant répondre un jour à ces questions de société !

Mme Annie David. Plus de lacunes que d'avancées !

Mme Gisèle Printz. Enfin, il aurait été opportun d'associer plus étroitement les déléguées régionales aux droits des femmes et à l'égalité dans le processus de négociation salariale.

Pour conclure, on peut regretter que ce projet de loi, qui part certainement d'une bonne intention, reste très insuffisant pour garantir l'égalité salariale. Des préjugés tenaces font obstacle à l'égalité entre les hommes et les femmes. Il faut que les mentalités évoluent. Ainsi, le salaire des femmes ne doit plus être considéré comme un salaire d'appoint.

J'encourage les femmes à être plus revendicatives pour affirmer leurs capacités et faire valoir leurs droits.

Par ailleurs, on peut s'interroger sur l'avenir de ce texte dans la nébuleuse des nouvelles mesures prises par le Gouvernement en matière d'emploi et de droit du travail. Celles-ci ne favoriseront pas les conditions d'emploi des femmes, ni celles des hommes, d'ailleurs ! 

Mme Annie David. C'est sûr !

Mme Gisèle Printz. On se dirige vers un démantèlement du code du travail dont les femmes risquent d'être les premières victimes.

Malgré le peu d'enthousiasme que nous inspire ce texte, nous proposerons plusieurs amendements visant à en améliorer le contenu. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Janine Rozier.

Mme Janine Rozier. Madame la présidente, madame le ministre, madame le rapporteur, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mes chers collègues, le présent projet de loi marque une étape importante sur la voie de l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, puisque la féminisation de la population active a beaucoup progressé en quelques décennies.

Plusieurs chiffres ont été avancés et les orateurs qui m'ont précédé à cette tribune ont procédé à de nombreux rappels. Mais sans doute est-il utile de dire et redire les mêmes choses pour qu'elles avancent ! D'ailleurs, devant la persistance des inégalités, le Gouvernement a, depuis trois ans, engagé une nouvelle dynamique, dont nous souhaitons ardemment la réussite.

Ainsi, l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a défini des objectifs, tout en privilégiant le dialogue social au sein de l'entreprise.

Je tiens également à souligner l'importance du label « égalité », créé par Mme le ministre Nicole Ameline en juin 2004, qui distingue les entreprises ayant mis en place des mesures concrètes pour promouvoir l'égalité professionnelle. Depuis, ces labels se sont multipliés, car les dirigeants ont bien conscience que l'égalité professionnelle donne de leur entreprise une image de modernité. Cette piste est très intéressante puisqu'elle encourage une démarche volontaire.

En janvier dernier, le Président de la République a fixé un objectif de suppression de l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes d'ici à cinq ans.

Le présent projet de loi apporte une réponse à cette exigence en traitant, dans son titre Ier, des inégalités salariales. L'écart moyen de rémunération en France entre les femmes et les hommes est d'environ 25 %. Cette différence s'explique principalement par la présence des femmes dans des emplois ou des secteurs moins qualifiés.

Nombre d'entreprises estiment ne pas discriminer les femmes, tout simplement parce que ces dernières n'occupent pas les mêmes postes que les hommes. Néanmoins, lorsqu'on effectue des comparaisons à conditions d'emploi identiques, l'écart de salaire « inexpliqué », c'est-à-dire lié à la discrimination, demeure autour de 15 %. Ce chiffre est évidemment très décevant.

Comment accepter à notre époque que, à travail égal, le salaire ne soit pas égal ? Pourquoi rémunére-t-on davantage un homme, alors qu'il ne travaille ni plus, ni mieux ? (Sourires.) Ce dernier reste d'un passé peu flatteur de dominance masculine ne devrait plus perdurer, d'autant qu'il est démontré qu'au cours d'un cursus scolaire semblable les filles sont plus consciencieuses et plus motivées, et réussissent mieux que les garçons.

M. Paul Blanc. Ça, c'est vrai !

Mme Janine Rozier. L'inégalité n'est pas seulement salariale, elle est aussi professionnelle.

Les sociologues notent que l'écart se creuse entre les femmes diplômées et cadres, qui s'en sortent de mieux en mieux et voient leur pouvoir d'achat progresser, et les femmes moins qualifiées, qui restent cantonnées dans le temps partiel et les « petits boulots ». Les femmes sont bien plus nombreuses que les hommes à occuper des emplois temporaires, tels que les contrats à durée déterminée, les emplois aidés, les stages, etc. Tout le monde a dénoncé cet état de fait.

Selon l'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, aujourd'hui, près de 80 % des salariés à bas salaires, c'est-à-dire dont le montant est inférieur au SMIC, sont des femmes. Et cette proportion est d'environ 10 points supérieure à celle qui avait été atteinte au début des années quatre-vingt-dix.

Même si les femmes diplômées accèdent de plus en plus à des postes à responsabilités, elles se cognent encore au « plafond de verre », selon une expression consacrée. Elles ne sont que 7 % parmi les cadres dirigeants, alors qu'elles constituent près du tiers des cadres administratifs et commerciaux. Celles qui obtiennent des postes à responsabilités ont souvent dû, consciemment ou inconsciemment, faire le sacrifice de leur vie de femme ou de mère.

Il est nécessaire d'agir, pour des raisons évidentes de justice, mais également pour l'économie de notre pays. Les économistes prévoient une baisse de la population active, en raison des départs à la retraite. Pour compenser cette baisse, la solution consisterait à augmenter la population des femmes sur le marché du travail. Sans même parler de cette échéance, on voit bien que le développement de l'activité féminine est étroitement lié au développement de l'emploi global : c'est dans les pays où le taux d'activité féminine est le plus élevé que le taux de chômage est le plus bas.

Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, madame la ministre, je me réjouis que le Gouvernement agisse. Pour certains, bien sûr, il suffirait de laisser patiemment le temps faire son oeuvre. Mais l'histoire des avancées qui ont jalonné l'ascension de la femme dans la société montre bien que légiférer est utile et qu'il nous faut périodiquement faire un rappel à l'ordre.

Compte tenu de la lenteur des progrès réalisés, de l'insuffisante application de la loi du 9 mai 2001, nous n'avons d'autre choix que de mettre en place une certaine contrainte. C'est en cela que le texte que nous étudions aujourd'hui est original : il laisse place à la fois à la confiance accordée aux partenaires sociaux et à l'intervention nécessaire de l'Etat.

Le projet de loi s'inscrit dans la continuité de ce qui a déjà été entrepris. Mais, à la différence des textes précédents, il prévoit un cadrage dans le temps et incite les entreprises à une logique de résultat.

Ce texte prend en compte le travail de la femme dans son ensemble.

D'abord, s'agissant des salaires, les entreprises et les branches professionnelles devront négocier la suppression des écarts de rémunération selon des modalités et un calendrier précis. Des sanctions financières à mi-parcours sont prévues s'il s'avère que la loi n'est pas respectée. Le champ des discriminations interdites est étendu et les moyens de défense des femmes sont renforcés.

Ensuite, pour ce qui est des difficultés que la femme rencontre en tant que parent, des mesures sont proposées pour garantir son droit aux augmentations individuelles, pour aider les entreprises à embaucher pendant son absence, pour encourager la formation de la femme qui a repris son travail, toutes mesures qui peuvent aider les femmes à concilier vie familiale et carrière.

Enfin, en ce qui concerne la représentation des femmes au sein d'instances telles que les conseils de prud'hommes ou les conseils d'administration d'entreprises publiques, la notion de seuil permettra d'éviter les trop nombreuses nominations de femmes « alibi » et isolées.

Je n'entrerai pas davantage dans le détail des mesures que les orateurs précédents ont très bien décrites. Il me semble que ces dispositions, par les progrès très concrets qu'elles vont générer, devraient être unanimement approuvées par notre assemblée.

Toutefois, je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur d'autres questions qui me semblent importantes et qui faciliteraient la vie des femmes voulant, ou devant, exercer une profession.

Je pense notamment à l'école, où les inégalités se préparent, où tout se joue déjà. Il faut agir en amont pour améliorer l'orientation des filles, élargir le choix des filières. Avec la loi d'orientation pour l'avenir de l'école adoptée en avril dernier, le Gouvernement a déclaré mener un combat pour l'égalité à l'école.

Toute une éducation reste à faire pour briser les schémas traditionnels et aider les filles à faire preuve d'audace. Elles n'osent pas s'orienter dans des secteurs où elles rencontreront la concurrence de leurs collègues masculins, craignant de ne pas être choisies ou d'être mal considérées. Plus tard, sur le marché du travail, elles n'osent pas briguer certains postes, toujours pour les mêmes raisons.

Ces blocages sont levés trop lentement. Un effort pourrait donc être accompli au travers de réunions d'information présentant des métiers dits « masculins », ainsi que des témoignages de femmes qui s'épanouissent dans des filières ou des postes où il n'allait pas de soi, a priori, de voir une femme.

Je note de façon positive le développement croissant des carrefours ou forums des métiers destinés à informer les jeunes. Mais je regrette, notamment en cette période d'« après-examen », où les jeunes, garçons et filles, doivent choisir leur orientation, le manque de clarté des filières proposées, ainsi que le manque de coordination entre les filières ouvertes et les besoins des entreprises.

Encore trop de voies sans issue, pénalisantes pour tous, déconcertent et démobilisent. Notre économie en pâtit.

Il faut aider les femmes à oser. Les jeunes femmes souffrent d'un handicap sur le marché du travail à cause de leur trop grande discrétion et d'une réticence à faire preuve d'ambition. Quand elles font acte de candidature, souvent, elles n'osent pas imposer un salaire de départ suffisant.

La famille, les professeurs, bref, l'ensemble de la société et notre histoire sont à l'origine d'une certaine autolimitation des femmes. Il faudrait former les femmes à la négociation salariale. Nombreuses sont celles qui prennent du retard en termes de salaire par rapport à leurs collègues masculins, parce qu'elles n'osent pas demander une augmentation.

D'autres sujets restent à traiter et je pense, bien sûr, aux modes de garde des enfants. En effet, comme vous l'avez souligné, madame la ministre, et je m'en réjouis, il n'est pas possible de parler du travail des femmes sans évoquer la maternité. Si vous le permettez, je ferai également allusion à la famille.

Les études montrent que l'insertion des femmes dans le monde du travail, à tous les stades de la carrière, est en partie fonction de l'organisation sociale de prise en charge de la petite enfance et de l'organisation scolaire. Améliorer l'accès des femmes à l'emploi suppose une amélioration du service public de l'enfance. Certes, nos voisins nous envient nos crèches et nos écoles maternelles, mais toutes les femmes qui ont dû rechercher une solution de garde savent que nous sommes encore loin du compte.

Nous assistons pourtant aujourd'hui à un phénomène spontané de prise en compte du problème par des entreprises, avec la création de crèches internes. Seules quelques grandes entreprises et quelques communes d'avant-garde ont enclenché ce mouvement. Il serait souhaitable que d'autres les imitent et que le Gouvernement joue un rôle incitatif.

Je voudrais également attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'encourager une plus grande flexibilité des modes de travail. Des horaires plus appropriés, le télétravail, pourraient permettre aux femmes de concilier plus sereinement leur vie familiale et leur vie professionnelle. Cette réflexion est également valable lorsqu'on souhaite que des jeunes femmes, mères de famille, participent à la vie associative et aux conseils municipaux.

Lorsque j'étais maire de ma commune, je regroupais dans la même soirée deux ou trois réunions de commission à la suite afin que les conseillères n'aient à s'absenter de leur foyer qu'une seule soirée dans la semaine. Ce système ne devait pas être si mauvais puisque mon successeur l'a conservé.

J'évoquerai maintenant un autre point : le travail à temps partiel. Selon l'INSEE, les femmes sont cinq fois plus nombreuses que les hommes à travailler à temps partiel. Dans ce monde nouveau, peuplé de tant de familles monoparentales, comment élever des enfants avec le salaire d'un travail à temps partiel ? Pourtant, la part du travail à temps partiel « contraint » est évaluée à 44 % !

Bien évidemment, la perte financière se répercute plus tard sur les retraites. Un amendement proposé par notre rapporteur permettrait d'améliorer la situation des femmes travaillant à temps partiel en leur donnant un accès prioritaire aux heures supplémentaires. J'espère qu'il fera l'unanimité.

Je voudrais ajouter un mot sur le congé parental. Si des mesures existent pour aider les femmes dans l'étape essentielle de leur vie qu'est la maternité, il reste encore beaucoup à faire. Lorsque les femmes décident d'avoir des enfants, elles sont conscientes de mettre en jeu leur carrière. Pour vivre la période de la petite enfance de façon sereine, nombreuses sont celles qui souhaiteraient arrêter de travailler. Certes, le congé parental est un premier pas. Mais il faudra un jour aller plus loin, afin que les femmes reçoivent une indemnité plus élevée, qui leur permette réellement de s'arrêter pendant une période indéterminée.

Notre politique familiale doit prendre en considération le déchirement des femmes qui reprennent le travail alors que leur bébé n'a que quelques semaines. Nous savons tous les bienfaits de la présence maternelle dans la toute petite enfance !

M. Philippe Nogrix. Elle est indispensable !

Mme Janine Rozier Notre pays est en retard dans sa façon d'aborder la maternité. L'allaitement, dont les vertus sont unanimement reconnues, est encouragé tant que la mère est en congé de maternité. Mais les femmes sont contraintes de l'arrêter à la reprise du travail. Le congé, trop court, ne le prend pas en compte, alors que l'OMS recommande au minimum six mois d'allaitement de l'enfant. Toutes les études concordent sur les bienfaits de l'apport de lait maternel dans la durée.

En réponse à la prise de conscience des femmes, aujourd'hui mieux informées, le code du travail prévoit maintenant que, pendant une année, les mères allaitant leurs enfants disposent à cet effet d'une heure par jour durant les heures de travail. Même si ce n'est pas la panacée, cette solution, méconnue ou volontairement ignorée, est loin d'être entrée dans les moeurs. On imagine les difficultés d'une mère qui voudrait la faire appliquer et on imagine également la gêne causée dans l'entreprise.

Le problème a donc été pris en considération, mais les bonnes réponses n'ont pas encore été trouvées. Un congé prolongé et soutenu financièrement devrait être étudié. Ce serait un pas de plus vers la modernité et une façon de re-considérer la famille. (M. Philippe Nogrix applaudit.)

Résoudre le problème de l'égalité professionnelle est complexe tant il existe d'aspects à prendre en considération. Le projet de loi va dans le bon sens et, bien évidemment, notre groupe le votera. Je souhaiterais néanmoins que mes suggestions soient entendues, car, je le redis avec force, la famille est le creuset de notre société.

On a tort de dire, couramment, qu'une femme qui reste à son foyer pour élever ses enfants ne travaille pas. (Marques d'approbation sur les travées de l'UC-UDF.) A ce titre, elle ne bénéficiera d'aucune retraite. Pourtant, elle fabrique du bonheur, et l'argent ne saurait compenser cela. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après Michel de Montaigne, on peut citer un autre écrivain tout aussi célèbre, en tout cas l'un des sénateurs les plus connus, Victor Hugo : « Une moitié de l'espèce humaine est hors de l'égalité, il faut l'y faire rentrer : donner pour contrepoids au droit de l'homme le droit de la femme. ».

Un siècle plus tard et soixante ans après l'institution du suffrage féminin, la France est toujours caractérisée par une participation des femmes à la vie politique plus faible que celle que l'on rencontre dans les autres pays européens, même si, bien sûr, les lois relatives à la parité ont déjà fait beaucoup.

Des progrès sont donc encore nécessaires pour atteindre le seuil de 30 % considéré par l'Union européenne comme la condition minimale pour que les femmes exercent une influence réelle sur les politiques publiques.

A l'instar de l'égalité politique, l'égalité professionnelle n'est pas pleinement acquise. Symptôme révélateur de ces inégalités persistantes : les rémunérations.

Depuis quelques années, les femmes sont entrées massivement dans le monde du travail. En quarante ans, le nombre d'hommes sur le marché du travail a augmenté d'un peu plus de 1 million alors que celui des femmes a progressé de 5,5 millions. On compte aujourd'hui 12 millions de femmes actives pour 14 millions d'hommes. Pour autant, la diminution des écarts de salaires entre les deux sexes stagne. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : à travail égal et à qualification égale, une femme ne perçoit aujourd'hui en moyenne que 80 % de ce que toucherait un homme.

Il existe une autre source d'inégalité : les écarts moyens de rémunération ; ils sont très variables d'une catégorie socioprofessionnelle à l'autre. Tandis que, chez les employés, les femmes gagnent presque autant que les hommes, chez les cadres, elles ne gagnent que 77 % du salaire de leurs homologues masculins. Ces écarts de salaires sont d'autant moins acceptables que l'on ne peut reprocher aux femmes d'être moins diplômées que les hommes, au contraire !

Il faut tenir compte, en outre, de l'impact sous-estimé de ces salaires sur les retraites des femmes, qui seront diminuées d'autant. Enfin, notons que les femmes ont toujours un accès difficile aux postes stratégiques, que ce soit dans le secteur privé ou public.

Cette situation est non seulement contraire au principe constitutionnel d'égalité, mais également préjudiciable à l'économie française. Comme l'a souligné notre collègue Mme Sittler, dans la perspective du choc démographique que connaîtra le marché du travail lors du départ à la retraite de la génération du baby-boom, le travail des femmes sera un vecteur de croissance.

En conséquence, aucune raison économique ne justifie ces discriminations. La productivité des femmes est la même que celles des hommes et la mixité apparaît même comme un facteur de performance dans les entreprises. C'est donc bien dans les mentalités que reste ancrée cette inégalité : l'inéquité salariale est le fruit d'obstacles plus culturels qu'économiques.

Certes, la loi seule ne suffira pas à changer les mentalités ou à lever les préjugés culturels. Toutefois, elle peut y contribuer dès lors qu'elle enrichit et renforce les mesures précédentes.

En matière d'égalité salariale, nous devons beaucoup à la législation européenne, particulièrement développée depuis les années soixante-dix. Différentes dispositions des traités successifs, mises en oeuvre par l'adoption de directives, témoignent de la forte préoccupation de l'Union européenne en matière d'égalité salariale, celle-ci étant devenue un axe majeur de l'acquis communautaire. La jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes contribue aussi largement à l'avancée du droit de l'égalité.

Le législateur français, pleinement conscient de la nécessité à la fois sociale et économique de parvenir à une égalité de rémunération, a également contribué à la formation d'un droit de l'égalité salariale. Trois lois ont ainsi précédé le texte que nous examinons aujourd'hui.

Au regard de l'accumulation des textes, on est en droit de s'interroger sur l'efficacité et l'effectivité de la norme de droit dans la mesure où les lois se suivent sans rien changer, ou pas suffisamment. L'inflation législative aurait-elle pour objet de masquer une impuissance législative, comme le relevait déjà le juriste Georges Ripert en 1949 ? Comment éviter, madame la ministre, que votre loi ne reste lettre morte ? Assurément par une approche novatrice, non seulement globale, mais aussi coercitive.

Pour juger de l'approche globale, on ne peut s'arrêter à l'intitulé de votre texte, car celui-ci est inadéquat : le projet de loi ne porte pas uniquement sur l'égalité de rémunération, même si celle-ci en constitue le coeur ; il traite aussi d'aspects fondamentaux de la parité professionnelle, tels l'accès à la formation, à l'apprentissage ou à certaines instances délibératives et juridictionnelles comme les conseils d'administration ou de surveillance des entreprises publiques, ou les conseils des prud'hommes.

Volontaire et audacieuse, l'Assemblée nationale est allée plus loin en prévoyant, d'une part, des quotas et, d'autre part, une représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration des sociétés anonymes. Si, juridiquement, cette mesure prête à discussion, il demeure vrai, comme l'a très justement rappelé Gisèle Gautier, que la mixité au sein des instances exécutives est un facteur de dynamisme et un modèle pour l'entreprise.

Madame la ministre, nous souscrivons aussi pleinement à l'objectif de conciliation entre parentalité et vie professionnelle qui sous-tend votre texte. A cet égard, nous proposerons un amendement visant à ce que les salariés puissent utiliser le congé parental d'éducation, d'une durée maximale de trois ans, jusqu'aux seize ans de l'enfant. Période souvent délicate, l'adolescence est en effet un moment où la présence des parents est fortement ressentie.

S'agissant de l'aspect coercitif, nous estimons que votre texte ne va pas assez loin. Il s'agit pour nous d'un point très important. Des mécanismes très incitatifs sont créés pour favoriser l'émergence de l'égalité salariale. Seront-ils suffisants ? Sans sanctions comparables, par exemple, à celles qui s'appliquent aux entreprises ne respectant pas leur obligation d'emploi de personnes handicapées, le présent projet de loi risque d'être aussi peu appliqué que les précédents.

Aussi, nous défendrons un amendement, à nos yeux essentiel, tendant à ce que la contribution assise sur les salaires, dont seront redevables les entreprises qui n'auront pas respecté leur obligation légale d'organiser des négociations relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes, soit non pas renvoyée à une future loi, mais inscrite dès à présent dans celle-ci.

Vous souhaitez privilégier la concertation. On ne peut que vous en féliciter ; nous y sommes tous pleinement favorables. Mais inscrire d'ores et déjà dans la loi qu'en cas d'échec le Gouvernement mettra en place une sanction pécuniaire c'est préjuger de l'inefficacité de celle-ci.

Pourquoi ne pas prévoir dès maintenant qu'une contribution financière sera demandée aux entreprises qui manqueront à leur obligation de négociation ? Ce n'est pas adopter un dispositif plus coercitif de prime abord, c'est seulement faire preuve de loyauté à l'égard des entreprises et les encourager à la responsabilisation. C'est aussi reconnaître que, faute de contraintes, les lois précédentes n'ont pas été appliquées. Inscrire dans cette loi la taxe sur la masse salariale évitera en outre de contribuer à l'inflation législative que dénonçait le président du Conseil constitutionnel, Pierre Mazeaud, en début d'année.

En tout cas, le groupe de l'Union centriste-UDF sera très attentif à la manière dont cette loi sera appliquée. Il lui semble en particulier indispensable que le pouvoir réglementaire établisse très vite des indicateurs sérieux et solides, ainsi que des objectifs chiffrés précis à atteindre, sur la base desquels pourront s'engager les négociations collectives. Nous aimerions avoir un engagement du Gouvernement sur ce point.

Pour finir, j'aimerais vous faire part de notre déception de ne pas voir inscrites dans le projet de loi des mesures visant à lutter contre le temps partiel subi. (Mme Annie David fait un signe d'approbation.) Grand oublié de ce texte, il touche pourtant majoritairement les femmes. Faut-il rappeler qu'en 2003 82 % des 4 millions de travailleurs à temps partiel que compte notre pays étaient des femmes ?

Le temps partiel est souvent imposé aux femmes pour des emplois peu qualifiés ; il est facteur de précarité et, bien sûr, il contribue à renforcer l'écart de salaires de base constaté entre hommes et femmes.

Pour ces raisons, le groupe de l'UC-UDF défendra deux amendements, l'un visant à éviter que le statut de salarié à temps partiel ne donne lieu à des emplois du temps attentatoires à la vie privée et familiale imposés par l'employeur, l'autre tendant à ce que les salariés à temps partiel bénéficient en priorité d'un droit d'affectation aux emplois à temps complet de l'entreprise.

Nous attendons maintenant que le Gouvernement tienne l'engagement pris devant l'Assemblée nationale de réunir les partenaires sociaux sur ce thème.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. C'est fait !

Mme Catherine Morin-Desailly. L'ère du fatalisme est révolue. C'est en combattant les inégalités sur tous les fronts que nous parviendrons à faire avancer l'égalité professionnelle : parce que cette dernière, qui ne doit pas se limiter à l'égalité salariale, participe au progrès social, nous devons tous y être attentifs. Je souhaite que ce texte soit, pour nous, une aide.

J'ose espérer qu'à la faveur, pour la première fois de son histoire, de l'élection d'une femme à la présidence du MEDEF, P-DG de l'institut auquel la délégation aux droits des femmes a commandé, en 2004, un sondage très révélateur, les entreprises bougeront. Il me semble que, demain, elles n'auront pas d'autre choix. Nombre d'entre elles auront pris la mesure de la nécessité de travailler leur image. Ne rien faire serait courir le risque de se faire accuser de ringardise. Au contraire, apparaître comme une entreprise égalitaire, progressiste et innovante leur permettra d'influer sur leur capacité de recrutement et sur leur clientèle potentielle.

Il me reste à remercier Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, de l'excellence de son travail, et Esther Sittler de la qualité de son rapport.

Le groupe UC-UDF, attentif au sort qui sera réservé à ses amendements, soutiendra ce texte, qui reste volontairement consensuel. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Madame la ministre, avant d'exprimer l'opinion du groupe communiste républicain et citoyen sur le texte qui nous est soumis, je tiens à protester très énergiquement contre l'absence de M. Larcher. En effet, non seulement le texte dont nous discutons aujourd'hui méritait sa présence à vos côtés, mais, de plus, M. le ministre avait pris l'engagement de recevoir une délégation des travailleurs de l'entreprise Nestlé de Marseille, victimes, comme vous le savez, de la fermeture de cette dernière. Ils sont ici, et il leur est répondu que M. Larcher ne peut pas être là.

Ce genre de comportement est préoccupant compte tenu des difficultés immenses auxquelles se heurtent des centaines de familles et de salariés face à un groupe qui, je le rappelle, enregistre des milliards d'euros de profits.

Bien évidemment, la lutte continue chez Nestlé, et le Gouvernement en entendra encore parler.

La justice a, une première fois, condamné l'attitude de ce groupe, et je trouve que c'est bien mérité.

J'en viens au projet de loi qui nous est aujourd'hui soumis.

Ce texte est-il dicté par un souci de justice ? Nous aurions souhaité qu'il en fût ainsi, mais la première des motivations exprimées dans le rapport est plus cynique, puisqu'il est indiqué que « la baisse prévisible de 100 000 nouveaux actifs par an implique de rechercher des ressources de main-d'oeuvre que les femmes sont en plus grand nombre pour fournir. »

De la loi du 13 juillet 1983, dite « loi Roudy », à la loi du 9 mai 2001, dite « loi Génisson », voilà donc presque vingt ans que le législateur a, par de nombreuses dispositions, pour prétention de supprimer les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes, ce sans véritables résultats.

C'est devenu un véritable leitmotiv que de dire que ces lois ne sont pas appliquées, que les dispositifs mis en place sont insuffisants et pas assez contraignants.

Pourtant, le débat a été relancé grâce à l'adoption, en mars 2004, d'un accord interprofessionnel pour lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes, puis par le projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Malheureusement, force est de constater que ce dernier est, lui aussi, plus que décevant.

Deux raisons majeures expliquent cela. Ce texte vise à lutter contre les inégalités de salaires entre les hommes et les femmes, qui, si elles ont légèrement baissé au cours des vingt dernières années, sont encore démesurées, puisque, en 2002, l'écart moyen était d'environ 19 %, pour monter jusqu'à 23 % chez les cadres. Mais, comme tout ce qui s'est fait depuis vingt ans sur ces questions, les articles de ce projet de loi ne comportent que des mesures purement incitatives et absolument pas coercitives.

C'est même un choix revendiqué par le Gouvernement : vous indiquez, en effet, madame la ministre déléguée, qu'entre convaincre et contraindre vous avez choisi de convaincre. Vous ajoutez également que l'égalité ne se décrète pas. Malheureusement, vingt ans d'échec apportent la démonstration concrète que, sans loi coercitive, il n'y a pas d'avancée réelle. J'en veux pour preuve la loi sur la parité aux élections. Où en serions-nous aujourd'hui sans elle ? Poser la question, c'est y répondre.

En ayant pour objet de supprimer les écarts de rémunération dans les cinq prochaines années, c'est-à-dire d'ici à 2010, par l'intermédiaire de négociations de branches, les mesures prévues dans le présent projet de loi reposent uniquement sur le « bon vouloir » des entrepreneurs au lieu de les contraindre à considérer également leurs salariés, qu'ils soient hommes ou femmes.

D'ores et déjà, avant même qu'il soit adopté, nous savons donc que ce texte sera inefficace et qu'il ne résoudra rien au fond. Il n'est, en réalité, qu'un ensemble de mesures d'affichage social, sans contestation sur le fond d'une immense injuste pour les femmes.

Par ailleurs - et c'est peut-être le plus important - le débat sur les inégalités professionnelles n'y est envisagé que sous l'angle des inégalités de rémunération.

Cette vision réductrice des problèmes sociaux ne peut que nous faire penser au proverbe chinois : quand le sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt. En effet, la réalité sociale des discriminations sexuelles est beaucoup plus complexe et grave que ce que vous avez l'air de penser.

Madame la ministre dois-je vous rappeler que l'égalité salariale ne sera possible que lorsque toutes les discriminations professionnelles auront disparu et que l'on traitera de manière globale l'organisation du travail des salariés, en tenant compte de leur vie personnelle et familiale ?

Or les millions de femmes qui sont entrées dans la vie active au cours des quarante dernières années sont toujours confinées dans quelques secteurs d'activité, essentiellement le tertiaire et les services, où elles sont d'ailleurs plus vulnérables et victimes de ségrégations professionnelles, parce qu'elles occupent des postes peu qualifiés, peu valorisés, et se voient imposer un temps partiel, qui plus est peu compatible avec la vie familiale ou personnelle.

Le fond du problème, c'est que les inégalités majeures entre les hommes et les femmes résident dans le fait que ce sont les femmes qui sont le plus victimes de la précarité, car cantonnées à des emplois mal payés et instables. Victimes de discriminations, leurs chances de progression dans leur emploi sont beaucoup plus faibles. Ainsi, 63 % des contrats « aidés » concernent les femmes. Ce sont elles qui sont le plus touchées par le chômage : plus de 10 % des femmes actives sont au chômage et de plus en plus d'entre elles sont au chômage non indemnisé. En fin de carrière, elles sont souvent sans emploi ou en invalidité.

A cela, il faut ajouter que la vision sexiste du travail qui vise à prêter aux femmes des « caractéristiques » spécifiques - docilité, finesse, capacité d'effectuer des « petits travaux », notamment - est encore la culture dominante qui règne au sein du patronat français.

Bref, considérées comme une « variable d'ajustement », une « main-d'oeuvre mobilisable », ce sont toujours les femmes qui sont les plus contraintes à accepter des contrats à temps partiel : 82,1 % des temps partiels sont occupés par des femmes.

Or, un temps partiel, c'est un salaire partiel, éventuellement une indemnisation de chômage partielle, puis une retraite partielle. Près de 3,5 millions de femmes sont confrontées à cette réalité, qu'elles n'ont pas choisie et qui fait d'elles des salariées pauvres.

Depuis vingt ans, en effet, le travail à temps partiel a explosé dans certains secteurs - le commerce, l'hôtellerie, la restauration, les services aux particuliers et aux entreprises - et chez une catégorie professionnelle particulière : plus de la moitié des femmes concernées sont des employées. Qu'elles soient caissières, vendeuses ou femmes de ménage, la plupart n'ont pas choisi d'occuper un poste à temps partiel. Elles ont préféré avoir un emploi de quelques heures plutôt que d'être au chômage. Beaucoup d'entre elles travaillent pour un salaire bien inférieur au SMIC et avec des horaires extrêmement éclatés.

Sur les 8,5 millions d'actifs qui perçoivent un salaire inférieur au SMIC, 80 %sont des femmes. Ce chiffre représente une aggravation de 10 % en dix ans.

Il est donc grand temps de « tordre le cou » à l'idée de « choix ». Temps choisi, temps subi : en dépit des apparences, la question n'est pas pertinente. Que signifie « choisir » quand les pressions sont tellement fortes qu'il n'y a pas d'autres solutions, quand les emplois proposés ne sont jamais à temps plein, quand les contraintes de la vie familiale deviennent trop complexes ? Les pressions ne sont pas uniquement d'ordre économique ou domestique ; elles sont également, et fortement, idéologiques : le travail à temps partiel a été construit de toutes pièces comme étant la forme d'emploi idéale pour les femmes.

La question est donc non pas tant de savoir si le travail à temps partiel a été choisi un peu, beaucoup, passionnément ou pas du tout, mais d'en mesurer les conséquences. Au fil des ans, il est devenu la figure emblématique de la division sexuelle du marché du travail. Il est, dans le même mouvement, devenu le moteur de la pauvreté laborieuse. Le sujet est pourtant longtemps resté tabou en France, comme si les working poors étaient une exclusivité américaine.

Or le sous-emploi échappe très largement à votre analyse des inégalités professionnelles, parce qu'il se confond, pour partie, avec le travail à temps partiel, que les stéréotypes culturels qualifient systématiquement de « bon pour les femmes ».

Il est tout à fait frappant, en effet, de voir comment le travail à temps partiel demeure exclu de votre réflexion sur l'emploi et le chômage. Le sujet est relégué au chapitre de la diversification du travail ou, plus désolant encore, à la rubrique relative à la « conciliation de l'emploi et de la vie familiale », mais il est rarement abordé sous l'angle de la pénurie d'emploi.

Il n'y a donc, dans votre projet de loi, rien sur tout cela, rien sur le temps partiel imposé aux femmes. Vous ne faites qu'en appeler à la bonne volonté des employeurs, sans les contraindre à en faire preuve, sans même les y inciter.

Si la bonne volonté suffisait, l'inégalité serait aujourd'hui en voie d'extinction, puisque, dans la loi « Roudy » du 13 juillet 1983, dont c'est l'anniversaire demain, était abordée la question des écarts de rémunérations entre les hommes et les femmes - or, près d'un quart de siècle après, ceux-ci n'ont presque pas changé ! - et que cela fait presque cinquante ans que, dans l'article 51 du traité de Rome, ces questions-là étaient traitées.

Il faut donc que les sanctions soient exemplaires et, surtout, appliquées, et que des obligations soient mises en oeuvre, donnant ainsi de la vraie visibilité à cette urgence sociale.

Enfin, il ne faut pas perdre de vue que si les problèmes d'inégalité professionnelle entre hommes et femmes sont le résultat d'une conception machiste de l'ordre social, elles sont aussi confortées par votre politique libérale, qui charrie chaque jour encore plus de précarité dans l'emploi et qui touche en premier lieu les femmes.

Les secteurs professionnels de l'éducation, du social, ou encore de la santé, sont des secteurs hautement féminisés qui subissent des assauts constants. Ce sont donc les femmes qui sont les premières touchées par la régression sociale. Ainsi, les réformes sur la retraite, avec le passage des dix meilleures années à vingt-cinq années, sont une véritable catastrophe : parmi les retraités pauvres, à savoir ceux qui perçoivent moins que le minimum vieillesse, huit sur dix sont des femmes.

En réalité, ce texte a pour objet non pas de satisfaire les besoins des femmes, mais de répondre aux exigences et aux besoins de l'économie française.

Mme Annie David. Exactement !

M. Roland Muzeau. Il s'agit non pas de faire respecter l'égalité des droits, de réduire les discriminations, de lutter contre la précarisation des femmes ou de remédier à leur paupérisation lorsqu'elles partent à la retraite, mais bien de discuter des besoins des entreprises en matière d'emploi et des opportunités à saisir en la matière.

Mme Annie David. Très bien !

M. Roland Muzeau. Au fil du temps, des avancées ont été obtenues sous l'impulsion des femmes, des mouvements féministes et des syndicats, dans la marche vers l'égalité professionnelle avec les hommes.

C'est dans cet esprit que nous avons déposé, voilà plusieurs mois, une proposition de loi : il s'agissait de lutter contre les inégalités professionnelles liées au genre en s'attaquant à la précarisation de l'emploi, qui, en premier lieu, touche les femmes.

Ainsi, dans un premier temps, cette proposition de loi visait à améliorer les dispositifs de négociations de l'égalité entre hommes et femmes au sein de l'entreprise en y intégrant la question des salaires et de la reconnaissance des qualifications, en augmentant le nombre d'indicateurs d'évaluation de l'égalité entre hommes et femmes et en permettant une plus grande représentation des salariées, notamment au sein des petites et moyennes entreprises.

Puis, dans un second temps, ce texte prévoyait la mise en place de mesures concrètes de lutte contre les inégalités, telles que l'instauration de dispositifs visant à limiter l'usage du temps partiel imposé, la suppression de l'exonération de charges sociales liées à la création de contrats à temps partiel, la protection contre le licenciement des salariés qui ne voudraient pas se voir imposer ce type de contrat, ou encore la possibilité, pour les représentants du personnel, de refuser un contrat à temps partiel qu'on voudrait leur imposer.

Enfin, ce texte visait à mettre en place des dispositifs coercitifs destinés à assurer l'égalité salariale et à rendre les négociations obligatoires. Or, malheureusement, à l'heure actuelle, ce texte n'a pas encore été examiné en séance publique. Nous avons déposé une trentaine d'amendements reprenant, entre autres, les mesures contenues dans cette proposition de loi.

Nous espérons, madame la ministre, que vous saurez écouter nos arguments au cours de ce débat et que, contrairement à ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale, vous ne refuserez pas en bloc d'intégrer ces dispositions tendant à contraindre les entreprises à assurer l'égalité professionnelle et à mieux encadrer le recours au temps partiel dans ce projet de loi.

Si tel n'était pas le cas, madame la ministre, nous serions obligés de voter contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici devant un projet de loi dont les objectifs affichés ne peuvent laisser indifférent et auxquels tout parlementaire ne peut qu'adhérer : supprimer les écarts de rémunération, concilier l'emploi et la parentalité, promouvoir l'accès des femmes à des instances délibératives et juridictionnelles, améliorer l'accès des jeunes filles et des femmes à l'apprentissage ou à la formation professionnelle.

Comment pourrions-nous exprimer notre désaccord ? Qui contesterait la situation que connaissent actuellement les femmes, elles qui sont arrivées massivement sur le marché du travail depuis quelques dizaines d'années ? L'égalité n'a en effet que faiblement progressé. Le taux d'activité des femmes est de 63,4 %, contre 74,6 % pour les hommes. Mais quel traitement leur est réservé dans le monde du travail et dans la société !

Si les filles obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les garçons, elles sont moins nombreuses dans les filières prestigieuses, scientifiques et techniques. A elles, principalement, les emplois de service, les emplois non qualifiés et surtout le temps partiel non choisi ! En effet, 82 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes ; 32 % des femmes qui travaillent sont à temps partiel. Elles percevront donc une retraite partielle, mais j'y reviendrai.

Cette situation aboutit logiquement à une discrimination salariale. Même à catégorie professionnelle équivalente, l'écart entre les salaires des hommes et ceux des femmes demeure de l'ordre de 10 % à 15 %. Or rien ne peut le justifier ! Voilà encore une forme d'injustice dont les femmes sont victimes.

Que nous propose-t-on aujourd'hui ? Pour remédier à cet état de fait, le projet de loi contient quinze articles, qui sont loin d'être convaincants. En effet, madame la ministre, vous ne modifiez en rien la législation relative au temps partiel. Pis, de nouvelles exonérations de cotisations seraient actuellement à l'étude afin de faciliter le développement du travail à temps partiel.

Par ailleurs, aux termes de la loi Fillon du 4 mai 2004, l'encadrement de l'organisation du travail à temps partiel relèverait de simples accords d'entreprises, et non d'accords de branches.

L'organisation de la vie et du temps personnel d'une femme n'est pas encore prise en compte, comme en a d'ailleurs témoigné la réforme des retraites, dont les femmes sont les grandes perdantes. (Murmures d'approbation sur les travées du groupe CRC.)

Madame la ministre, comment voulez-vous que l'on accorde du crédit à vos déclarations de bonnes intentions ? (Mme la ministre déléguée s'exclame.)

Permettez-moi de vous rappeler qu'en moyenne les retraites des femmes sont inférieures de moitié à celles des hommes.

M. Claude Domeizel. Loin de réduire les inégalités qui existent dans ce domaine, la réforme Fillon contribue à accentuer nombre d'entre elles.

M. Guy Fischer. Il faut le dire !

M. Claude Domeizel. Faut-il rappeler que la réforme de 1993 de M. Balladur avait déjà entraîné une baisse de 13 % des pensions de retraite des femmes ?

M. Guy Fischer. Et voilà !

M. Roland Muzeau. Loi scélérate !

M. Claude Domeizel. Mais revenons-en à la loi Fillon d'août 2003. L'une des conséquences de cette loi est que 60 % des femmes des générations nées entre 1954 et 1974 vont voir le montant de leur pension baisser, contre 40 % des hommes. Les causes, nous les connaissons tous : aux mesures générales de diminution des retraites s'ajoutent les conséquences du temps partiel et des périodes d'interruption liées à la maternité et à l'éducation des enfants.

Je le répète : un tiers de femmes travaillent à temps partiel et elles représentent 86 % des personnes touchant le SMIC.

Et ce n'est pas tout, madame la ministre ! Avec le jeu conjugué de la décote et de la remise en cause des avantages conjugaux et familiaux, de nombreuses femmes n'y trouveront pas leur compte.

M. Guy Fischer. C'est une remise en cause des avantages !

M. Claude Domeizel. Les conséquences seront lourdes, voire très lourdes, madame la ministre ! Certes, sous la pression, votre gouvernement est revenu sur les pensions de réversion, mais il a supprimé la bonification d'un an par enfant pour les femmes fonctionnaires qui avaient choisi de constituer une famille avant d'exercer une profession soit pour des raisons personnelles, soit du fait de leurs études.

M. Guy Fischer. Et après, on parle de politique familiale !

M. Claude Domeizel. Non, madame la ministre, nous ne pouvons vous croire ! Voilà deux ans, déjà pendant une session extraordinaire, votre gouvernement a pris des mesures qui ont creusé l'écart entre les femmes et les hommes. Et, aujourd'hui, vous avez l'audace, madame la ministre (Mme la ministre déléguée s'exclame.), de nous présenter un projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, alors que vous avez agi dans le sens contraire en 2003 !

La retraite, qui est un salaire différé, doit aussi être égalitaire. Et ce n'est pas cette loi qui changera les choses dans ce domaine.

Le seul moyen de corriger les inégalités dues à la maternité en matière de retraite est de réviser la loi Fillon. Mais cela nécessite une remise à plat de l'ensemble des avantages familiaux et conjugaux, comme l'avait suggéré le Conseil d'orientation des retraites, le COR.

Alors, mes chers collègues, quelle doit être notre attitude face à ce double langage ? Ce projet de loi n'est-il pas qu'un acte de foi ? Comment vous croire, madame la ministre, quand, parallèlement à ce projet de loi, déclaration de bonnes intentions, vous ne faites rien contre le travail à temps partiel,...

M. Guy Fischer. Il ne faut pas voter un tel projet de loi !

M. Claude Domeizel. ...laissant les femmes se heurter à la politique globale de l'emploi que vous avez mise en place ces trois dernières années ?

Nous sommes désolés, madame la ministre, mais ce n'est pas ainsi que nous concevons une politique de valorisation du travail de la femme !

Nous sommes pour l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Malheureusement, votre projet de loi ne contient, selon nous, aucune idée nouvelle.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Oh !

M. Roland Muzeau. Rien du tout !

M. Claude Domeizel. Ce texte n'est qu'une rationalisation de dispositions existantes ; il n'est que belles paroles. Dans les faits, les mesures que vous avez instaurées depuis trois ans, loin d'épargner les femmes, les pénalisent un peu plus.

M. Roland Muzeau. Absolument !

M. Guy Fischer. Et de manière non négligeable !

M. Claude Domeizel. Nous ne pouvons cautionner cela, et les Françaises nous comprendront.

Le contenu de ce projet de loi, sous un intitulé séduisant, est en fait très light. (Sourires.)

Telles sont les réflexions que suscite ce texte, que nous tenterons d'améliorer par amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Guy Branger.

M. Jean-Guy Branger. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le 4 janvier 2005, Jacques Chirac, Président de la République (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.), a exprimé le souhait que le Gouvernement présente un projet de loi visant à parvenir à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes dans l'entreprise d'ici à cinq ans.

M. Claude Domeizel. On n'y est pas encore !

M. Jean-Guy Branger. Plusieurs textes existent déjà,...

M. Jean-Guy Branger. ... telles la loi Roudy, votée en 1983, et la loi Génisson, qui date de 2001, mais force est de constater qu'ils ne sont pas suffisamment respectés.

Mme Gisèle Printz. Pas du tout, même !

M. Jean-Guy Branger. La loi Roudy réaffirmait déjà l'égalité professionnelle dans le droit français et obligeait les entreprises à publier chaque année un rapport comparant les situations des femmes et des hommes et à proposer des plans dits d'« égalité »...,

M. Guy Fischer. Ça, c'est bien !

M. Jean-Guy Branger. ...mais le non-respect de cette obligation n'était assorti d'aucune sanction.

M. Roland Muzeau. Et voilà !

M. Guy Fischer. Nous sommes d'accord !

M. Jean-Guy Branger. Même si ce texte ne vous paraît pas parfait, vous pourriez peut-être admettre la réalité, mes chers collègues : nous avions déjà réfléchi à la question,...

M. Roland Muzeau. Bien sûr !

M. Jean-Guy Branger. ... mais les mesures qui ont été prises n'ont pas eu les effets escomptés, loin s'en faut !

La loi Génisson actualisa la loi Roudy en prévoyant des sanctions pénales et en imposant, notamment, l'obligation pour les entreprises de négocier sur les objectifs en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Mme Gisèle Printz. Elles ne l'ont pas fait !

M. Jean-Guy Branger. Le bilan de ces deux lois est loin d'être convaincant,...

M. Roland Muzeau. Justement !

M. Jean-Guy Branger. ... et leur application mitigée démontre bien les limites de la contrainte législative : la majorité des entreprises n'ont jamais organisé de négociations spécifiques sur le thème de l'égalité professionnelle.

M. Roland Muzeau. C'est une honte !

M. Jean-Guy Branger. Mais il faut bien comprendre que, derrière l'inégalité salariale, se pose le problème de la place de la femme au sein des entreprises.

En effet, comment, aujourd'hui, une maternité peut-elle encore constituer un préjudice pour une femme qui souhaite faire carrière ? Pourquoi si peu de femmes siègent-elles au sein des conseils d'administration ? Et je ne parle pas des postes à responsabilités !

Je fais partie de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. A ce titre, je suis tout particulièrement sensible aux problèmes de violences contre les femmes. Mais n'est-ce pas une forme de violence, et sournoise, que l'on commet encore ?

La conscience de l'inégalité, qui ne coûte pas cher, a progressé plus vite que la résolution du problème. Je vous remercie, madame la ministre, de nous soumettre aujourd'hui un texte complet.

Parmi les droits sociaux garantis aux femmes, c'est le droit au travail qui occupe la première place. Il suffit de jeter un oeil sur le passé pour constater combien le travail rémunéré des femmes a contribué à leur garantir le droit à la dignité et à l'autonomie, comme à assurer le bien-être financier de leur famille.

Aujourd'hui, il faut aller plus loin, car le travail n'est plus seulement un moyen d'assurer la subsistance individuelle ou familiale. Il est devenu, en plus, un facteur de réalisation personnelle et d'intégration sociale : de nos jours, la majorité des femmes souhaitent et réclament un épanouissement, dans leur vie tant professionnelle que familiale. Elles se veulent, elles se sentent les partenaires des hommes, leurs égales, et elles ont raison !

Mais si les femmes ont gagné en droits et en indépendance, il faut bien reconnaître qu'il reste un domaine où les inégalités persistent : le monde du travail.

Bien que la discrimination envers les femmes concerne tous les aspects de la relation de travail, qu'il s'agisse du recrutement, des conditions de travail ou du licenciement, c'est en matière de rémunération qu'elle est la plus évidente, la plus visible. Il existe en effet des chiffres avérés, qui ne peuvent être mis en doute.

Ainsi, alors que les femmes représentent 46 % de la population active, elles étaient, voilà encore peu de temps, payées en moyenne 25 % de moins que les hommes ; ce chiffre était de 21 % chez les cadres.

En effet, si l'écart de rémunération moyenne entre les femmes et les hommes se révèle plus faible dans le secteur public - le salaire moyen des femmes y était, en 2002, inférieur de 14 % à celui des hommes, alors que, dans les secteurs privé et semi-public, il était inférieur en moyenne de 19,5 % -, il reste que, quel que soit le secteur, c'est parmi les cadres que cet écart est le plus important.

Je souhaite rappeler ce qu'est l'égalité salariale : une femme et un homme accomplissant un travail de valeur égale gagnent un salaire égal. Exprimé ainsi, il paraît aberrant d'être obligé, aujourd'hui, en 2005, de légiférer sur ce sujet !

Un fait serait de nature à nous rassurer : nous ne sommes pas les seuls à connaître une telle situation. En 2002, dix-huit pays européens ont fait l'objet d'une analyse. On a ainsi comparé les salaires moyens de femmes travaillant à plein temps avec ceux d'hommes travaillant dans les mêmes conditions : la différence moyenne s'est établie à environ 20 %, au préjudice des femmes !

Je fais aussi partie de la commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes au sein de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, dans le cadre de laquelle j'ai pu participer à certains travaux concernant le sujet plus large des discriminations pratiquées à l'encontre des femmes sur le lieu de travail ; j'ai alors pu constater que les discriminations sont monnaie courante dans l'ensemble des pays européens.

Malgré les indéniables efforts mis en oeuvre, malgré l'augmentation des niveaux d'études et de qualification des femmes, aucun pays n'est parvenu à l'égalité dans ce domaine. Et même, certains pays parmi les plus avancés en matière de lutte en faveur de l'égalité des rémunérations entre femmes et hommes, qui ont obtenu des résultats rapides, ont constaté qu'à partir du moment où un certain palier de correction des inégalités avait été atteint cette correction ne se poursuivait alors que beaucoup plus lentement.

Je prendrai l'exemple de la France : l'écart moyen des rémunérations s'est effectivement stabilisé si l'on considère qu'en 1998 les salaires moyens des femmes travaillant à temps plein ou à temps partiel étaient d'un quart inférieurs à ceux de leurs confrères masculins. En 2002, cette différence atteignait 21 %, tout en prenant en compte le temps partiel. Si l'on ne s'intéresse qu'aux salariés travaillant à temps complet, l'écart de rémunération tombe à 12 %. Je reviendrai dans un instant sur cette question du travail à temps partiel.

Enfin, la crise économique a tendance à aggraver cette situation puisque la nécessité ou la volonté de rester dans le monde du travail conduit les femmes à accepter des rémunérations qui ne respectent pas les principes de l'égalité, ou encore à ne pas dénoncer les discriminations dont elles sont victimes par crainte de perdre leur emploi.

Dans les branches professionnelles et dans les entreprises, la négociation collective est bien sûr l'une des voies sur lesquelles il faut insister, puisqu'elle est l'instrument par excellence de la détermination des salaires. Mais pour que des stéréotypes concernant la valeur du travail des femmes ne se répètent pas, il faut que les femmes elles-mêmes participent plus activement aux organisations syndicales - en l'occurrence, la nomination à la tête du MEDEF d'une femme, Florence Parisot, est un exemple fort et prometteur -, et qu'elles prennent part aux négociations collectives afin de défendre au mieux leurs propres intérêts. C'est le sens dans lequel vous avez voulu aller, madame le ministre, et je ne peux que vous en féliciter.

Un autre point me semble très positif : dans le projet de loi que nous examinons, les entreprises sont soumises non plus à une obligation de moyens, puisqu'on a pu clairement établir que ce système ne fonctionnait pas, mais à une obligation de résultat, avec la mise en place d'une taxe sur la masse salariale pour les entreprises qui se montreraient récalcitrantes. Ces points positifs, dont je n'ai pas entendu parler jusqu'à présent, me semblent essentiels.

En contrepartie, des aides seront apportées aux entreprises, qui permettront ainsi indirectement aux femmes de concilier vie professionnelle et vie familiale : aide financière pour les petites entreprises, afin qu'elles puissent procéder au remplacement d'une salariée en congé de maternité, et extension du crédit d'impôt famille pour les entreprises qui doivent engager des dépenses de formation à la suite de la démission d'un salarié au cours d'un congé parental d'éducation.

Si nous voulons que l'égalité professionnelle soit rapidement effective, il ne faut pas que les entreprises subissent des charges qui seraient de nature à freiner le processus.

M. Roland Muzeau. Les bonnes intentions sont finies !

M. Jean-Guy Branger. Nous irions à l'encontre de l'objectif recherché, et vous le savez parfaitement, mes chers collègues ! Mais encore faut-il le reconnaître, ce qui est beaucoup plus difficile ! Je sais d'où proviennent les protestations, et j'ai pu apprécier, durant bientôt trente ans, combien elles avaient été efficaces !

J'en viens au travail à temps partiel.

Mme le ministre a déjà promis de réunir les partenaires sociaux afin de débattre plus profondément du problème du travail à temps partiel subi, et cela me semble être une bonne chose : cette forme de travail représente effectivement l'une des principales causes de la précarité que subissent les femmes.

M. Claude Domeizel. Ce ne sont que des promesses !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Non, ce ne sont pas que des promesses !

M. Jean-Guy Branger. Tous secteurs confondus, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à occuper des emplois temporaires, prenant la forme, par exemple, de contrats à durée déterminée, et ce sont les premières à être concernées par le travail à temps partiel.

Ainsi, en 2003 presque 30 % des femmes actives occupaient un emploi à temps partiel, contre 5,4 % des hommes, et les femmes représentaient près de 82 % des travailleurs à temps partiel.

On peut immédiatement penser que cette situation concerne des femmes qui ont décidé, par choix ou par nécessité, de conserver un travail, mais de réduire le temps qu'elles souhaitent ou peuvent y consacrer, mais on aurait tort ! Car les femmes travaillant à temps partiel sont quatre fois plus nombreuses que les hommes à déclarer rechercher un travail à temps complet ou, au moins, à souhaiter travailler davantage.

M. Roland Muzeau. Et voilà !

M. Claude Domeizel. Ce n'est pas une loi qui règlera le problème !

M. Jean-Guy Branger. En effet, à l'époque où le temps de travail est limité à 35 heures, en ces temps où le maître mot est « loisirs », il ne faudrait pas oublier que des personnes, des femmes en l'occurrence, veulent ou doivent travailler. Il en existe encore beaucoup !

Je félicite donc la commission des affaires sociales et son rapporteur, Mme Sittler, d'avoir voulu répondre à ces femmes et d'avoir proposé un amendement visant à favoriser l'exercice d'un travail à temps complet pour les salariés travaillant à temps partiel.

Je conclurai en rappelant que les discriminations, même en matière de rémunération, sont une violation flagrante du droit à l'égalité, qui est un droit fondamental.

Madame la ministre, je suis convaincu que le projet de loi que vous nous présentez est un bon texte, qu'il va générer des progrès dans le domaine de l'égalité salariale et mettre en évidence toutes les inégalités qui existent entre les femmes et les hommes. Il a le mérite d'être !

Notre rôle est de vous aider et de rechercher avec vous les moyens de l'améliorer.

Pour ma part, je veux que vous sachiez à quel point je l'apprécie, car tout ce qui est fait pour lutter contre les inégalités existantes représente un bienfait pour la société. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, madame la ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, de toutes les inégalités de développement, l'inégalité entre les hommes et les femmes est l'une des plus spécifiques, et elle affecte tous les pays, même les plus avancés.

Contrairement à un certain nombre d'idées reçues, les progrès en matière d'égalité entre les sexes ne dépendent pas toujours de la richesse d'un pays. C'est d'abord une affaire de volonté politique, d'évolution culturelle et d'engagement de la société tout entière.

La démocratie est une valeur fondamentale pour notre pays et pour être effective, elle requiert une participation et une représentation égales des citoyens des deux sexes dans l'économie, la prise de décisions, dans la vie aussi bien sociale, culturelle que civile.

Certes, des progrès majeurs ont été enregistrés au cours des dernières décennies. Cependant, le constat est peu réjouissant : les femmes ont moins de chance d'être embauchées que les hommes. Elles gagnent 25 % de moins que leurs collègues masculins ; leur progression de carrière est plus lente, et ce, malgré un arsenal législatif fort.

Ainsi, les femmes et les hommes ne jouissent pas des mêmes droits dans la pratique. Ces écarts sont inacceptables : trop de femmes sont en situation de précarité pendant leur activité, puis au moment de leur retraite. Ils sont inexplicables au moment où les femmes ont les mêmes diplômes ou compétences que les hommes.

Le problème est en outre aggravé par la ségrégation professionnelle, c'est-à-dire par le fait que les femmes sont essentiellement employées dans des secteurs où le travail est traditionnellement considéré comme moins valorisant.

Mme Patricia Schillinger. En d'autres termes, la vaste majorité des femmes reste cantonnée dans ce que certains économistes appellent le « ghetto rose » : personnel de service, emplois de bureau mal rémunérés, précarité résultant de contrats à durée déterminée, intérim, temps partiel, tous types de contrats qui contribuent au creusement de l'écart salarial et qui, de surcroît, pèsent sur le montant des pensions de retraite.

L'enjeu de l'égalité entre les hommes et les femmes ne se résume pas à la seule question du montant des salaires. Derrière ce thème se profile toute la problématique de la place effective des femmes au sein des entreprises. Comment lutter contre les maternités pénalisantes pour l'avancement d'une carrière ? Comment favoriser l'accession aux formations et aux postes à responsabilités ? Comment concilier responsabilités familiales et obligations professionnelles ?

Ne disposant que de quelques minutes et de nombreux points ayant été abordés, je me contenterai d'évoquer essentiellement le problème de la maternité. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui apporte quelques avancées dans ce domaine, mais il reste encore très insuffisant. La prise de conscience est peut-être réelle, mais beaucoup reste à faire.

La maternité ne doit pas être un handicap et ne doit plus être un frein qui pénalise les femmes dans leur parcours professionnel. Dans ce texte, pour réconcilier l'emploi et la parentalité, vous proposez d'octroyer aux patrons des PME de moins de cinquante salariés une aide de 400 euros pour faire face au remplacement d'une salariée en congé de maternité. Ainsi, l'employeur ne subit aucun manque à gagner et cette indemnité compensatrice, prise en charge par la protection sociale, sous-entend qu'employer une femme constitue une charge supplémentaire. On propose donc des incitations financières pour pallier le recrutement des femmes. Ne s'agit-il pas d'une « discrimination positive » ?

Nicole Ameline a déclaré que les entreprises doivent comprendre qu'avoir des enfants ne doit pas être considéré comme un handicap. Mais cette mesure montre justement à l'employeur que la maternité est un handicap. Cette prime octroyée à l'employeur tend à accréditer l'idée que l'embauche de femmes constitue une source de problèmes pour l'entreprise.

Je ne suis pas certaine qu'en offrant aux patrons des PME des aides financières, on facilitera l'embauche des femmes. L'embauche d'une femme ne doit pas devenir un emploi aidé.

Après avoir prôné pendant de nombreuses années le retour au foyer des mères de famille, permettant ainsi d'alléger les statistiques du chômage et les finances de l'UNEDIC, la droite préconise aujourd'hui de « remettre les femmes au travail » pour faire face à la pénurie de main-d'oeuvre qui se profile avec le départ en retraite de la génération du baby-boom. Mais dans quelles conditions ? La nécessité de trouver rapidement de la main-d'oeuvre explique notamment la volonté de faire peser sur les femmes des contraintes en vue de les obliger à accepter n'importe quel emploi.

Par ailleurs, selon une étude de l'Organisation de coopération et de développement économiques, la participation des femmes au marché du travail dépend directement de leurs responsabilités familiales. Dans les pays où l'Etat investit peu dans l'accueil des jeunes enfants, la maternité reste un obstacle à l'entrée ou au maintien dans le marché du travail pour les femmes âgées de vingt-quatre à quarante-neuf ans.

En France, on note une insuffisance des crédits consacrés aux crèches, à la scolarisation des enfants de deux ans. Ainsi, 250 000 places sont disponibles pour 2,4 millions d'enfants. La pénurie de crèches atteint un tel niveau que les groupes privés commencent à flairer la bonne affaire, alors que l'on sait que, le plus souvent, ce sont les femmes qui, face aux problèmes de la garde des enfants, sont contraintes d'abandonner leur travail, au moins partiellement.

En outre, si la présence d'un seul enfant de moins de trois ans dans le ménage a peu d'effet sur l'activité des femmes, en revanche, il n'en est pas de même pour les mères de deux ou trois enfants. En 2003, le taux d'activité des mères en couple s'élevait à 80 % avec un enfant de moins de trois ans, mais à 58 % avec deux enfants, dont un de moins de trois ans. Ce projet de loi n'apporte aucune réponse à ce sujet.

Alors que l'on sait aujourd'hui que les politiques de soutien aux mères salariées, notamment la politique d'accueil de la petite enfance, jouent un rôle décisif dans les processus d'insertion ou de maintien des femmes sur le marché de l'emploi, il serait plus judicieux que l'Etat développe l'accueil de la petite enfance, aide les parents à y accéder, car le développement des modes d'accueil collectifs pour les enfants est une réponse à une meilleure articulation entre vie familiale et professionnelle pour tous.

Ainsi, les femmes pourront suivre plus librement une formation, car les écarts salariaux sont la résultante non seulement de la difficulté d'embauche, mais aussi de l'accès à la formation et des conditions de l'organisation du travail. Je ne vois dans ce texte aucune réponse à ce problème.

De plus, le recours aux aides fiscales plutôt qu'à l'expansion des modes de garde collectifs favorise les familles aisées.

En effet, la garde à domicile coûte cher, en moyenne 1 050,68 euros par mois pour un enfant d'un an. Et plus les revenus sont élevés, plus les réductions d'impôts sont importantes. Enfin, vous ne tenez pas compte de la rigidité des horaires des crèches publiques, alors que les emplois aux horaires atypiques se développent de plus en plus et que le temps de transport travail-domicile s'allonge dans les villes.

Certaines dispositions du texte soulèvent beaucoup d'interrogations quant à leur application.

L'article 1er impose la remise à niveau des rémunérations des femmes après un congé de maternité. C'est une bonne chose, à condition, bien sûr, de prendre en compte non seulement le salaire de base, mais également toute prime qui aurait pu être versée par l'entreprise dans l'intervalle, ainsi que les éventuels dispositifs d'intéressement. Les femmes en congé de maternité ont d'ores et déjà la garantie de retour à l'emploi. Mais, si elles bénéficient des augmentations générales accordées par l'entreprise, il n'en va pas de même des augmentations individuelles.

De plus, les conditions de mise en oeuvre des garanties plus larges d'évolution de la rémunération et d'évolution professionnelle des salariés ayant bénéficié d'un congé de maternité ou d'adoption doivent être fixées par un accord collectif de branche ou d'entreprise, afin de compenser les effets de la maternité ou de l'adoption sur la rémunération et les trajectoires professionnelles des salariés concernés.

Les conditions d'application de cette mesure laissent pour le moins perplexe. En effet, l'article 1er ne constitue en réalité qu'une mise en conformité avec une directive européenne et une application de l'accord de 2004. Le Gouvernement s'en remet d'ailleurs aux partenaires sociaux pour l'application de cet article, sans prévoir aucune sanction en cas de carence.

Le rapporteur à l'Assemblée nationale a même déclaré que l'essentiel était de lancer le mouvement, tout en préservant la liberté des employeurs de mettre en oeuvre, le cas échéant, ces garanties par la même négociation collective.

Le rapporteur lui-même le reconnaît : l'article 1er pourrait n'être appliqué que de façon virtuelle. Que se passerait-t-il en cas d'absence d'un accord collectif ? L'évolution des rémunérations pour les femmes revenant d'un congé de maternité ou d'adoption porterait donc sur l'augmentation minimale, calculée sur la base de la moyenne des augmentations.

Autre interrogation que soulève ce texte : s'agissant des pratiques de discrimination à l'embauche, que proposez-vous pour les femmes les plus jeunes dans la perspective d'un congé de maternité à venir ?

Pour finir, je souhaite aborder un problème qui me touche tout particulièrement et que j'ai déjà exposé et défendu à plusieurs reprises, celui du congé de maternité des femmes qui ont accouché prématurément.

Aujourd'hui, quelle que soit la date de l'accouchement, les mères assurées sociales bénéficient de seize semaines de congé indemnisé. Au-delà de ce délai, elles ne sont plus rémunérées.

L'article 10 de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui complète l'article L. 122-26 du code du travail, prévoit une nouvelle disposition permettant de prolonger le congé de maternité des salariées dans le cas où l'accouchement intervient plus de six semaines avant la date prévue et exige l'hospitalisation de l'enfant. Ce droit est applicable depuis la publication de la loi. Malheureusement, la loi ne contient aucune mesure relative à l'indemnité.

En fait, l'adoption de cette disposition a eu lieu après plusieurs modifications intervenues au cours de l'examen du projet de loi relatif aux personnes handicapées, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 puis à nouveau du projet de loi relatif aux personnes handicapées. Pour tous les parlementaires qui ont défendu cette mesure, il était évident que ce droit à un congé supplémentaire devait s'accompagner d'une indemnisation. Mais faute d'être mentionnée dans le texte ou de ne pas être placée dans le bon code, la prise en charge financière n'est pas prévue. Or ce droit nouveau n'a aucun sens s'il n'est pas accompagné d'une indemnité.

Le 28 juin dernier, j'ai posé une question orale au ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. La réponse qui m'a été donnée précise qu'il est nécessaire d'engager dès à présent une réflexion approfondie sur cette mesure, mais nous avons déjà perdu trop de temps ; il faut agir !

Je rappelle que l'allongement de la durée du congé de maternité est essentiel, car il permet à la mère et à son enfant de tisser les liens mis à mal par une hospitalisation. De plus, il est adapté aux situations de détresse dans lesquelles se trouvent des familles confrontées à la grande prématurité d'un enfant, qui peut rester hospitalisé plusieurs mois après sa naissance.

Si ce congé est sans solde, ces femmes devront reprendre leur travail, alors que leur enfant, encore en couveuse, devrait bénéficier de la présence maximale de leur mère. Il est inconcevable que ce droit soit un congé sans solde ; il doit s'accompagner d'une prise en charge financière. C'est la raison pour laquelle nous proposerons tout à l'heure un amendement permettant une telle prise en charge.

Pour conclure, je dirai que ce texte ne permet pas de répondre à tous les problèmes. Par ailleurs, toutes les solutions n'y sont pas envisagées. Je prends acte d'un manque de volonté politique. Comme je le mentionnais auparavant, la prise de conscience est là, mais il reste encore beaucoup à faire en matière d'égalité salariale !

Je terminerai par une citation : « on peut juger du degré de civilisation d'un peuple à la situation sociale de la femme ». Il faut donc agir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Madame la présidente, madame le rapporteur, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier l'ensemble des orateurs. Ils ont permis, ce matin, que se tienne un débat extrêmement riche et ont donné, au fil de leurs interventions, une vision des moyens possibles pour remédier aux inégalités actuelles et juger de l'impact des mesures que nous vous proposons de prendre dans ce texte

Je commencerai par dire à Mme le rapporteur tout le plaisir que j'ai eu à échanger avec elle et combien j'ai apprécié notre dialogue franc et constructif.

Je remercie également Jean-Guy Branger de son vibrant plaidoyer. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que les femmes ont gagné en droit et en indépendance, mais que des retards subsistent et que la société ne s'est pas mise au diapason des femmes. Le texte que nous vous proposons a précisément pour objet de tenter de mettre un peu plus la société au diapason des femmes.

Vous avez insisté, les uns et les autres, sur les différentes dispositions qu'il fallait adopter pour aller encore plus loin et avoir une démarche équilibrée. Entre la confiance excessive et la contrainte abusive, je suis convaincue qu'il existe une voie : celle que j'essaie de trouver avec vous. Pour être efficace, une condition est nécessaire : s'inscrire dans une stratégie globale d'amélioration de l'égalité des chances.

Vous avez tous fait un constat : l'égalité ne se décrète pas, elle s'organise. Mme Sittler, en particulier, l'a dit fort justement et concrètement. Oui, nous devons agir ensemble contre les discriminations. Le choix de ce texte, c'est d'abord celui de la discussion, donc de la conviction. C'est aussi, mais après seulement, celui de la contrainte. Voilà pourquoi ce texte comporte deux étapes.

Mme Sittler a fort bien dit qu'il fallait une obligation de résultat et pas seulement une obligation de moyens. En parallèle, évitons d'augmenter les formalités pour les entreprises et les risques de contentieux. Prenons garde également à l'effet boomerang : à vouloir trop bien faire, nous risquerions de voir les entreprises embaucher encore moins de femmes qu'elles ne le font aujourd'hui.

Mme Gautier a bien évidemment mis en avant l'excellent travail de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. La féminisation des instances de direction est clairement un gage de production et d'efficacité. Je partage tout à fait, madame la présidente, les constats que vous avez mis en avant, y compris celui qui porte sur le bonus des dirigeants des très grandes entreprises nationales. C'est une démarche tout à fait importante.

Je partage également votre interrogation sur l'efficacité des pénalités financières. Nous sommes effectivement nombreux ici à savoir combien, en politique, le système des pénalités s'est révélé d'une redoutable inefficacité.

Si la publicité ne pose pas de problème pour les accords de branche, c'est plus compliqué pour les accords d'entreprises en raison de la confidentialité. C'est la raison pour laquelle, à partir du 1er janvier 2006, la diffusion de ces accords sur le site Internet du ministère se fera sans aucune mention susceptible d'identifier quelque cas particulier que ce soit.

S'agissant du référent « égalité », je comprends, chère présidente, que vous soyez si attachée à cette notion. Elle ne relève pas forcément du domaine législatif, mais réfléchissons - pourquoi pas ? - au domaine réglementaire sur le sujet.

Vous avez raison de dire que travailler à la mobilité des conjoints est incontestablement aujourd'hui l'apanage de très grands groupes, quelquefois de la fonction publique. Je propose d'aller plus loin sur la diffusion des bonnes pratiques pour progresser à cet égard.

S'agissant de la formation des inspecteurs du travail, je tiens à vous dire que, dans le cadre de la réforme en cours, Gérard Larcher travaille sur cette question.

M. Seillier parle d'or quand il insiste sur l'articulation de la vie familiale et de la vie professionnelle : c'est le problème central du débat qui est le nôtre ! Toutes les études démontrent en effet la corrélation entre le taux de natalité et le taux d'activité. Les deux ne sont en aucune façon antinomiques ou antagonistes. Il suffit - ce n'est d'ailleurs pas si simple ! - de les organiser. Je suis convaincue que notre mission est de permettre aux femmes de vivre non seulement leur vie de femme et de mère, mais également une vie professionnelle. A ce sujet, je voudrais dire à Mme Rozier que je suis également totalement convaincue du nécessaire équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle.

Vous m'avez bien évidemment interrogé, monsieur Seillier, sur les dispositions contraignantes. Le 7 septembre - ce n'est pas dans six mois ! - je réunirai le Conseil supérieur. Nous parlerons alors du temps partiel subi - nous y viendrons nécessairement ! - et d'indicateurs pour ce texte. L'idée est d'avoir, à la fin de 2007, un rapport établi à partir des indicateurs que nous aurons déterminés. Si, au vu de ce rapport, il s'avère nécessaire de légiférer, nous le ferons, mais de façon simple : un ou deux articles suffiront pour déterminer les contraintes.

Madame Printz, vous m'avez interrogé sur les raisons qui sont à l'origine de cette loi : c'est la volonté d'aller plus loin dans l'application des lois de 1983 et de 2001, car nous avons unanimement constaté qu'elles n'étaient pas suffisamment appliquées. C'est la raison pour laquelle le projet de loi comporte deux étapes.

Ce texte constitue une avancée pour les prud'hommes, puisque nous reprenons l'objectif de réduction d'un tiers des écarts.

Quant aux déléguées régionales des droits des femmes, elles ont clairement toute leur place dans l'accompagnement du service public de l'emploi ; j'y reviendrai d'ailleurs dans la discussion des amendements.

Je souhaite également remercier Mme Rozier d'avoir mis en avant la méthode retenue par le texte : l'échéancier, la logique de résultat, les deux étapes. Les suggestions sur l'information sont tout à fait importantes et, à ce titre, je voudrais souligner la remarquable initiative de l'Union des industries et métiers de la métallurgie, l'UIMM, à savoir la grande manifestation du mois de mai dernier qui avait pour objet de sensibiliser les jeunes filles aux activités de la métallurgie.

J'ajoute que, pour sensibiliser, dès leur formation initiale, les enseignants sur la nécessité de l'égalité, il est prévu d'intégrer un module sur l'égalité dans les instituts universitaires de formation des maîtres.

Enfin, je suis convaincue que l'articulation du mode de garde des enfants et de la vie professionnelle est l'un des éléments vitaux pour développer le service aux familles. Je voudrais, à ce sujet, insister sur le travail qu'avait accompli Christian Jacob, lorsqu'il était ministre délégué à la famille. Ce travail sera bien évidemment repris par Philippe Bas.

Je souhaite revenir sur l'intervention de Mme Morin-Desailly et sur les sanctions immédiates. Pourquoi avons-nous prévu un délai de deux ans et demi ? Parce qu'à partir de moment où nous avons des indicateurs, des outils et une évaluation, il s'agit, en quelque sorte, du dernier avertissement avant la sanction. C'est un moyen très clair d'aller plus loin en ce qui concerne l'engagement de l'ensemble des partenaires sur le sujet.

S'agissant du temps partiel subi, que vous avez évoqué, les uns et les autres, il ne s'agit pas simplement de déclarations d'intention. Gérard Larcher a commencé son tour d'horizon. J'ai moi-même rencontré les partenaires sociaux à l'occasion de réunions bilatérales. J'ai saisi le Conseil économique et social. Ce sera l'un des sujets de la rentrée. Vous jugerez aux actes. En tout cas, les actions ont déjà commencé !

Nous sommes tous d'accord : c'est vraiment l'un des éléments clefs pour changer la condition de nos concitoyennes aujourd'hui dans notre pays. Nous savons tous que le temps partiel subi fonctionne comme une véritable trappe à pauvreté pour des gens qui travaillent. C'est donc une vraie difficulté.

M. Roland Muzeau. Il faut faire quelque chose !

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Voilà seulement cinq semaines que le Gouvernement a été nommé ! Laissez-nous le temps de travailler, monsieur Muzeau !

M. Alain Gournac, vice-président de la commission des affaires sociales. Qu'ont-ils fait lorsqu'ils étaient au pouvoir ?

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Permettez-moi d'évoquer un autre élément important qui montre que l'on peut agir concrètement.

Lors de mon audition devant la commission des affaires sociales, Mme Schillinger a abordé la question, qui lui tient à coeur, du congé de maternité des femmes qui ont accouché prématurément. Sachez que Philippe Bas défendra lui-même, cet après-midi, un amendement du Gouvernement sur ce point. Cela prouve que nous savons nous mobiliser sur les vrais sujets et qu'ensemble nous pouvons les faire évoluer.

Madame Schillinger, je suis heureuse que vous reconnaissiez dans ce texte « une prise de conscience de la maternité ». Les 400 euros dont pourront bénéficier les petites entreprises constituent en effet une incitation à l'embauche des femmes.

S'agissant de la garde des enfants, un plan « crèche » a été proposé lors de la Conférence de la famille et le Premier ministre a annoncé la création de 15 000 places de crèche sur les années 2005 et 2006. C'est en effet, aujourd'hui encore, un élément indispensable.

Mais il ne faut pas nous concentrer uniquement sur les crèches. Un enfant n'est pas élevé à trois ans, nous le savons toutes, nous qui articulons tous les jours vie professionnelle et vie privée. Il faut apporter d'autres réponses ; je pense notamment aux absences dues aux enfants malades. L'un des deux parents, le plus souvent la femme, doit rester à la maison lorsqu'un enfant ne peut pas aller à la crèche ou à l'école. Ces absences ont des répercussions importantes sur les carrières des femmes.

De nombreux points importants ont été soulevés au cours de la discussion. Il faut insister sur l'articulation de la vie de femme, de la vie de mère et de la vie professionnelle.

Avec le présent projet de loi, le Gouvernement s'attaque à plusieurs de ces points : il améliore cette articulation ; il encourage l'accès des femmes à la formation, à l'apprentissage ; il neutralise les effets de la maternité sur l'évolution de la rémunération ; il augmente la représentation des femmes dans les instances délibératives des entreprises. Sur toutes ces questions, il existe des marges de progrès importantes.

En matière d'égalité professionnelle, le Gouvernement va plus loin. La diversification des choix professionnels des jeunes filles a été abordée dans le texte sur l'avenir de l'école. Il est également animé de la volonté d'avancer en matière de temps partiel subi.

La discussion du présent projet de loi va nous permettre, concrètement, de mesurer comment nous pouvons, ensemble, aller vers plus d'égalité, plus d'équilibre, donc plus de cohésion.

Avant de conclure, permettez-moi de répondre à l'interpellation de M. Roland Muzeau relative à la délégation de Nestlé : sur l'initiative de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président du Sénat, et de M. Roland Blum, député des Bouches-du-Rhône, M. Gérard Larcher recevra une délégation de Nestlé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Roland Muzeau. Très bien !

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

TITRE IER

SUPPRESSION DES ÉCARTS DE RÉMUNÉRATION