M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 122, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-1 du code de commerce est ainsi modifié :
I. Au début de la dernière phrase, sont ajoutés les mots : « Dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, ».
II. Il est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la société anonyme ne comporte qu'un seul actionnaire, l'actionnaire unique exerce les pouvoirs dévolus à l'assemblée générale des actionnaires par le présent chapitre. Ses décisions sont mentionnées au registre des décisions de l'actionnaire unique.
« La société anonyme à actionnaire unique est dirigée par un président désigné par l'actionnaire unique et révocable dans les mêmes conditions. Les attributions dévolues par le présent chapitre au conseil d'administration ou au directeur général sont exercées par le président de la société ».
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Rien ne justifie de fixer à sept le nombre d'actionnaires d'une société anonyme ne faisant pas appel public à l'épargne. Les entrepreneurs doivent avoir le choix de limiter le nombre d'actionnaires de la société qu'ils souhaitent créer, sans avoir à recourir artificiellement à sept actionnaires.
Ainsi, la société anonyme ne faisant pas appel public à l'épargne pourrait avoir un actionnaire unique. Cette possibilité permettrait de satisfaire aux exigences du droit communautaire puisque le règlement (CE) n° 2157/2001 relatif au statut de la société européenne prévoit que les dispositions nationales qui interdisent aux sociétés anonymes d'avoir un actionnaire unique sont sans application pour les sociétés européennes filiales.
La société anonyme à actionnaire unique serait également utile en droit national puisqu'elle permettrait de constituer des sociétés anonymes unipersonnelles.
M. le président. L'amendement n° 142, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le début de la seconde phrase est ainsi rédigé : « Dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, (le reste sans changement)... »
2° Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la société anonyme ne comporte qu'un seul actionnaire, l'actionnaire unique exerce les pouvoirs dévolus à l'assemblée générale des actionnaires par le présent chapitre. Ses décisions sont mentionnées au registre des décisions de l'actionnaire unique.
« La société anonyme à actionnaire unique est dirigée par un président désigné par l'actionnaire unique et révocable dans les mêmes conditions. Les attributions dévolues par le présent chapitre au conseil d'administration, à son président ou au directeur général sont exercées par le président de la société ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. Mes chers collègues, il existe des EURL, entreprises unipersonnelles à responsabilité limitée, qui sont des SARL unipersonnelles. Il existe des SASU, sociétés par actions simplifiées à associé unique, qui sont des sociétés unipersonnelles. Il n'existe pas de sociétés anonymes unipersonnelles. Pourquoi ? Je ne l'ai jamais compris et personne n'a été en mesure de me l'expliquer de façon rationnelle !
L'exigence des sept actionnaires remonte à Napoléon III. Les avis des historiens du droit divergent quant aux raisons pour lesquelles, à l'époque, ce chiffre a été arrêté. Certains pensent qu'il s'agirait d'anglomanie, cette disposition ayant existé dans la loi anglaise. D'autres pense que l'Empereur aurait tranché entre deux ministres qui proposaient l'un le chiffre de cinq et l'autre celui de dix.
Quoi qu'il en soit aujourd'hui, requérir sept actionnaires pour constituer une société anonyme n'a aucune espèce de rationalité. Il est tout à fait concevable que de vraies sociétés anonymes soient constituées avec un seul associé, bien d'autres pays connaissant cette forme juridique.
Au demeurant, le règlement communautaire du 8 octobre 2001 relatif à la société européenne - que connaît bien M. Jean-Guy Branger - prévoit la possibilité de constituer des sociétés européennes unipersonnelles et renvoie, pour une large part, aux dispositions de la législation nationale régissant les sociétés anonymes.
Ainsi, si nous nous dotions de SA unipersonnelles, nous irions davantage dans le sens de la cohérence, de l'homogénéité et de l'attractivité de notre droit par rapport à l'évolution communautaire.
C'est dans cet esprit que la commission des finances, qui a bien conscience d'empiéter un peu sur le droit commercial et sur le domaine incontesté de la commission des lois (Sourires.), s'autorise à présenter cet amendement.
Nous sommes par ailleurs heureux de partager cette initiative avec l'un des groupes de notre assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. La proposition qui est faite calque le régime de constitution des sociétés anonymes ne faisant pas appel à l'épargne publique sur celui des sociétés par actions simplifiées.
Je comprends parfaitement vos arguments, messieurs. Du reste, cet amendement serait utile aux sociétés qui se placent dans une perspective de croissance dans la mesure où il leur permettrait d'opter, dès leur création, pour la forme sociale la plus dynamique et la plus adaptée à une future cotation en bourse.
Toutefois, la création de sociétés anonymes unipersonnelles, d'après le garde des sceaux, contrevient manifestement au caractère anonyme de ce type de société.
En outre, si un tel amendement était adopté, les dispositions du code de commerce relatives aux assemblées générales devraient être adaptées.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement verrait d'un bon oeil le retrait de ces deux amendements.
M. le président. Monsieur Jégou, modifiez-vous l'amendement n° 122 de telle sorte qu'il soit identique à l'amendement n° 142 de la commission ?
M. Jean-Jacques Jégou. Bien entendu ! En tant que membre de la commission des finances, je suis solidaire de M. le rapporteur.
Je n'ai pas du tout été convaincu par les arguments de M. le ministre - lui-même, d'ailleurs, ne me paraissait pas très convaincu. Il a fait référence à l'un de ses collègues avec un sourire évocateur ! (M. le ministre fait un signe de dénégation.) Certes, je ne suis pas juriste, mais je ne vois pas pourquoi la commission des finances ne pourrait pas essayer d'innover, d'autant que ce dispositif existe déjà dans d'autres pays. Il permettrait de donner un peu d'allant à des créateurs d'entreprise qui seraient ainsi capables d'agir immédiatement.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 122 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, et ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-1 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le début de la seconde phrase est ainsi rédigé : « Dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, (le reste sans changement)... »
2° Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque la société anonyme ne comporte qu'un seul actionnaire, l'actionnaire unique exerce les pouvoirs dévolus à l'assemblée générale des actionnaires par le présent chapitre. Ses décisions sont mentionnées au registre des décisions de l'actionnaire unique.
« La société anonyme à actionnaire unique est dirigée par un président désigné par l'actionnaire unique et révocable dans les mêmes conditions. Les attributions dévolues par le présent chapitre au conseil d'administration, à son président ou au directeur général sont exercées par le président de la société ».
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Nous pouvons effectivement, en droit, raisonner par analogie : puisqu'un tel dispositif existe ailleurs, il nous faut forcément faire la même chose. Nous raisonnons souvent de la sorte ; est-ce bon pour la cohérence de notre droit ?
Tout d'abord, mes chers collègues, l'argument européen ne vaut pas. Les sociétés européennes filiales disposent d'un moyen très simple : elles peuvent créer une société par actions simplifiée. Cela ne leur est pas du tout interdit.
J'ai l'impression que la société par actions simplifée a été créée pour qu'il puisse y avoir une société à actionnaire unique. De même, il existe une SARL à actionnaire unique, qui est l'EURL. Laissons donc à la société anonyme son caractère anonyme, car il y a une contradiction entre les termes « anonyme » et « un seul actionnaire » !
Nous pouvons donc discuter du nombre d'actionnaires que doit compter une société anonyme. Nous pouvons même le ramener à deux ou à trois, mais en aucun cas en venir à un actionnaire unique.
Je rappellerai - et M. Marini s'en souviendra, lui qui est à l'origine de bien des initiatives dans ce domaine -...
M. Philippe Marini, rapporteur. Je ne sais pas comment je dois prendre cela ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ...qu'en ce qui concerne la SAS nous avons dû nous y reprendre à trois fois, car toutes les conséquences en matière de droit, notamment en matière d'application des règles des sociétés, n'avaient pas été tirées. En l'occurrence également, veuillez m'en excuser, monsieur le rapporteur, il manque de nombreux éléments dans le dispositif que vous nous proposez !
Cette mesure aurait des répercussions sur l'organisation de la société et, quoi que l'on en dise, poserait de nombreux problèmes en rendant le code de commerce inapplicable.
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, je considère que le problème de la société européenne sera réglé puisque nos amendements vont permettre la création de filiales européennes. Cela fait longtemps d'ailleurs qu'avec Jean-Guy Branger, nous estimions que, pour créer une société filiale européenne, il n'y avait rien de plus simple que de créer une société par actions simplifiée.
De plus, et je m'adresse à vous, monsieur le ministre, on sait très bien que les filiales entre deux groupes peuvent se constituer en société par actions simplifiée qui, elle, peut être à actionnaire unique. C'est prévu. Tout un chapitre du code de commerce concerne la SAS. De même, il existe une SARL à actionnaire unique.
Laissons la société anonyme telle qu'elle est. Les règles sont extrêmement précises et il faudrait réexaminer tout le titre concernant les sociétés si des sociétés anonymes unipersonnelles étaient créées.
Une telle mesure me paraît donc quelque peu prématurée. Tous les moyens existent pour créer une société par actions simplifiée à actionnaire unique. Pourquoi ajouter une autre possibilité ? Il serait un peu prématuré, dans le cadre de ce débat important qui concerne d'autres sujets, de trancher sur cette question.
En tout cas, pour ma part, je ne suis pas prêt à voter ce dispositif, qui me paraît fort incomplet et fort dangereux d'un point de vue juridique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Thierry Breton, ministre. Je tiens à dire à M. Jégou qu'il a mal interprété mes propos : j'ai pour le garde des sceaux non seulement de l'amitié, mais encore du respect. J'ai simplement fait part de la position de la Chancellerie, position qui semble être celle de M. le président de la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission. Je m'exprimerai avec beaucoup d'humilité pour ne pas être suspecté de vouloir empiéter sur les prérogatives de la commission des lois.
Ceux qui ont observé le fonctionnement des sociétés anonymes comptant sept actionnaires peuvent attester que, dans bien des cas, ce chiffre ne se justifie pas autrement que par le souci de se conformer aux exigences de la loi. C'est une fiction totale. Pour cette raison, il a fallu inventer une autre catégorie, à savoir la société anonyme simplifiée.
Si l'on a le souci de simplifier le droit et si l'on veut éviter cette hypocrisie et cette fiction, sans doute faut-il reconnaître qu'une société anonyme peut être unipersonnelle.
J'ignore si cette question peut être résolue ce soir. Cependant, dans le cadre de notre système bicaméral, laissons se confronter les points de vue de l'Assemblée nationale et du Sénat ; laissons vivre l'innovation que nous propose le rapporteur général. Il faut inviter tous les juristes à faire preuve d'humilité et à s'astreindre au respect du principe de réalité. Encore une fois, ces sept actionnaires sont des actionnaires de convenance et ne servent qu'à satisfaire à une obligation légale. C'est une fiction et une véritable hypocrisie. Objectivement, cela ne correspond à rien.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 122 rectifié et 142.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.
Articles additionnels après l'article 2
M. le président. L'amendement n° 64, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article L. 225-21 du code du commerce, les mots : « cinq mandats » sont remplacés par les mots : « deux mandats »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement est pour nous un amendement de principe.
L'article L. 225-21 du code de commerce pose clairement la question de la répartition du pouvoir au sein des conseils d'administration de nos entreprises et notamment celle du cumul des fonctions dirigeantes par un nombre relativement réduit de personnes.
Dans un certain nombre de cas, force est de constater, en effet, que ce cumul s'exerce y compris et surtout dans des secteurs d'activité où les entreprises concernées sont censées être en concurrence.
Quelques opérations de participations croisées sont ainsi souvent l'objet de « points de rencontre » entre mêmes administrateurs, les fonctions au sein des conseils d'administration respectifs étant en quelque sorte interchangeables.
De surcroît, quand on pose la question de la succession de nos dirigeants d'entreprises les plus âgés, comment ne pas regretter que le maintien de la règle de cumul des mandats prive certains cadres aux qualités affirmées par la pratique de la possibilité d'exercer un rôle dans la gestion de leur entreprise et de préparer ainsi dans les meilleures conditions les passages de témoin ?
Pour ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement visant à faciliter une plus large répartition des fonctions dirigeantes dans nos entreprises en limitant le cumul des mandats.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cette contrainte nous semble à la fois excessive et peu réaliste.
Si l'on veut voir se développer l'activité d'administrateur indépendant, si l'on souhaite voir se multiplier dans les conseils d'administration le nombre d'administrateurs indépendants non exécutifs, il faut que cette fonction puisse devenir un véritable métier, comme c'est le cas dans d'autres pays, notamment en Grande-Bretagne. Pour cela, deux mandats ne suffisent pas !
Ne serait-ce que pour cette seule raison, la commission est défavorable à cet amendement. M. Vera a fixé la barre à un niveau vraiment trop bas : sa proposition risquerait de nuire à la bonne gouvernance des entreprises.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 55 rectifié, présenté par MM. Longuet et Cornu, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I- Au début du dernier alinéa de l'article L. 225-37 du code de commerce, sont ajoutés les mots : « Dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, »
II- Au début du dernier alinéa de l'article L. 225-68 du même code, sont ajoutés les mots : « Dans les sociétés faisant appel public à l'épargne, »
La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Cet amendement a pour objet d'exonérer les sociétés qui ne font pas appel à l'épargne de l'obligation nouvelle résultant de la loi du 1er août 2003 de sécurité financière imposant au président du conseil d'administration ou au président du conseil de surveillance de présenter un rapport sur la préparation du conseil d'administration ainsi que sur les dispositifs internes d'audit et de contrôle.
Autant cette disposition paraît parfaitement légitime pour les sociétés faisant appel à l'épargne, autant, pour les sociétés fermées, à savoir celles dont les capitaux sont constitués et rassemblés par des actionnaires qui se connaissent, cette contrainte supplémentaire - qui a un coût, qui mobilise des moyens - s'avère quelque peu dérisoire dans la mesure où la plupart de ces sociétés unissent leurs actionnaires par un pacte qui est en général plus contraignant et plus stable dans la durée que cet ensemble de règles très formelles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement est tout à fait intéressant.
Il est vrai que la loi de sécurité financière impose l'élaboration d'un rapport sur le contrôle interne et exige des commissaires au compte un rapport sur ce rapport.
C'est une bonne discipline car il s'agit d'évaluer de manière plus précise et plus réaliste les procédures internes aux entreprises. Pour les grandes entreprises, c'est tout à fait judicieux. Pour les entreprises ne faisant pas appel public à l'épargne, la question peut se poser : faut-il imposer ce système contraignant partout, quelle que soit la taille de l'entreprise ?
Dans un rapport rédigé l'année dernière, un an après la loi de sécurité financière, je me suis interrogé sur ce point. Je citais les commentaires de l'Autorité des marchés financiers. Cette dernière ne me semble pas avoir une position extrêmement claire. On aurait pu s'attendre à ce qu'elle recommande que cette obligation s'applique de manière plus souple à l'égard des petites sociétés ne faisant pas appel public à l'épargne. Or ses interprétations écrites ne vont pas dans ce sens.
Connaissant certaines des difficultés auxquelles sont confrontées les PME, je crois que la proposition de Gérard Longuet mérite réflexion et qu'elle devrait trouver une suite législative.
La commission des finances, reconnaissant le bien-fondé de la réflexion, a décidé de s'en remettre à l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement considère la proposition de Gérard Longuet tout à fait pragmatique. Effectivement, après deux ans d'application de la loi de sécurité financière, on a pu voir ce qui fonctionne bien et ce qui fonctionne moins bien. Je rappelle à la Haute Assemblée que, un an après, les carences constatées dans l'application de cette disposition atteignaient 98 %, ce qui démontre qu'il y avait peut-être un problème, notamment dans les PME.
Bien sûr, pour les entreprises faisant appel public à l'épargne, il ne faut rien changer. Le dispositif actuel constitue un élément de sécurité. Il faut plutôt veiller à ce que l'ensemble de ces entreprises l'appliquent effectivement. C'est d'ailleurs ce qui est fait. En revanche, la réflexion qui porte sur les autres entreprises, en particulier sur les PME, nous semble légitime. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.
L'amendement n° 93, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article L. 225-96 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Elle statue à la majorité des deux tiers des voix des actionnaires présents ou représentés, sauf si les statuts prévoient une majorité plus forte que celle-ci. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Le débat que nous avons eu tout à l'heure sur la question des quorums lors de l'examen de l'article 2 était très éclairant. Le fait que M. le rapporteur, après avoir plaidé en faveur de son amendement, l'ait retiré par la suite montre que notre appréhension était légitime.
Comme nous n'avons pu nous opposer à l'affaiblissement des règles en matières de quorums, nous proposons de renforcer les règles de majorité à l'assemblée générale extraordinaire. En effet, c'est en assemblée générale extraordinaire que les décisions importantes sont prises. Dès lors, nous pensons qu'il faut renforcer les outils de la démocratie en son sein. Apparemment, l'objet de cette partie du texte est d'améliorer la transparence : c'est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission est perplexe. Renvoyer aux statuts la faculté d'imposer une majorité différente de la règle habituelle des deux tiers pour les décisions en assemblée générale extraordinaire nous semble assez contestable. L'un des principes de base de notre droit des sociétés, principe intangible jusqu'alors, est bien que la règle de majorité en assemblée générale extraordinaire - la majorité statutaire - est fixée aux deux tiers.
Si l'on suivait cette proposition, certaines sociétés rectifieraient leurs statuts pour fixer une majorité plus élevée. D'autres maintiendraient la règle de droit commun, celle des deux tiers, qui continuerait d'exister à titre supplétif. Pour les investisseurs, pour les personnes extérieures à la société, cela serait-il très clair ? N'en résulterait-il pas un problème d'information des investisseurs ? En tout cas, il y aurait une très grande variété de situations.
En fait, celle solution semble plutôt d'inspiration très libérale, ce qui pourrait être un compliment venant de ma part (Sourires.), mais je ne suis pas sûr que les auteurs de l'amendement aient bien mesuré toutes les conséquences de cette approche.
En rappelant que la commission s'est plutôt prononcée en défaveur de cet amendement, je souhaiterais connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement a retiré de son projet une mesure identique permettant de fixer dans les statuts de sociétés non cotées une majorité plus forte pour les assemblées générales parce qu'elle était susceptible d'entraîner des situations de blocage.
En effet, cette mesure permettrait, de facto, de donner un droit de veto à certains actionnaires importants et, comme l'a laissé entendre M. le rapporteur, je ne suis pas sûr que tel soit en réalité votre objectif, madame Bricq.
Pour cette raison, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Il ne nous avait pas échappé que, dans l'avant-projet de loi, le Gouvernement avait envisagé ce durcissement optionnel. Il nous semblait que la première version permettait d'assurer une meilleure représentativité des décisions prises en assemblée, notamment au cas où les règles du quorum seraient affaiblies. C'est la raison pour laquelle nous avons présenté cet amendement.
J'ai bien perçu les hésitations qui ont été exprimées s'agissant des risques de complexité que comporte cette disposition. Il est dommage que l'urgence ait été déclarée sur ce texte, car c'est le type même de mesure qui mériterait une navette.
Etant néanmoins consciente que cet amendement peut être source d'incertitude, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 93 est retiré.
L'amendement n° 97, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l'article L. 225-102-1 du code de commerce après les mots : « a reçu » sont insérés les mots : « ,directement ou indirectement, ».
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement a également pour objectif de renforcer la transparence dans l'entreprise.
Il vise à compléter les informations qui doivent être obligatoirement délivrées à l'assemblée générale des actionnaires conformément à l'article L. 225-102-1 du code du commerce. Il complète le droit existant et permet aux actionnaires d'avoir connaissance de la rémunération et des avantages reçus par les mandataires sociaux directement ou indirectement.
En effet, compte tenu de la pratique, il convient que toutes les rémunérations et avantages directs et indirects soient soumis à la publicité. Cette obligation de transparence doit viser les éléments de rémunération versés par une société se trouvant à l'étranger, par exemple dans un paradis fiscal, dès lors qu'elle a un lien juridique direct ou indirect avec la société pour laquelle le dirigeant comme l'administrateur exercent leur mandat.
La connaissance par les assemblées de ces précisions pourrait permettre d'éviter l'attribution de rémunérations excessives au regard de la situation de l'entreprise.
Je vous indique par avance que je ne retirerai pas cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Ma chère collègue, permettez-moi quand même de tenter de vous convaincre !
Cet amendement, dont l'inspiration est tout à fait excellente, est quelque peu superfétatoire dans la mesure où l'article L. 225-102-1 du code de commerce est suffisamment précis.
Premièrement, le montant des rémunérations et avantages de toute nature doit être mentionné dans le rapport. Deuxièmement, ces sommes sont celles qui sont reçues par les mandataires de la part des sociétés contrôlées ou de la société qui contrôle la société dans laquelle le mandat est exercé.
La définition du contrôle exclusif ou conjoint, posée à l'article L. 233-16 du code de commerce, tel qu'il résulte de la loi de sécurité financière, et que cet article a étendue au-delà du critère de détention du capital, est extensive. Elle précise en particulier que le contrôle peut résulter du droit d'exercer une influence dominante sur une entreprise en vertu d'un contrat ou de clauses statutaires.
Donc, concrètement, une société offshore, puisque vous semblez vous intéresser, madame Bricq, à ce qui se passe dans ces pays qui jouissent d'un climat agréable (Sourires.) ...
Mme Nicole Bricq. Il en est qui ne sont pas si loin !
M. Philippe Marini, rapporteur. Ces territoires-là sont un peu pluvieux ...
M. Jean Bizet. Ce n'est pas mal non plus !
M. Philippe Marini, rapporteur. ... mais ils peuvent également être tout à fait convenables ! (Nouveaux sourires.)
De telles sociétés peuvent être liées par un contrat qui réserve à l'ayant droit économique une influence dominante, même si celui-ci ne détient pas le contrôle du capital. Il me semble donc qu'au regard de la loi française ces sociétés sont couvertes par l'obligation déclarative qui est posée de façon très extensive par la loi de sécurité financière.
Dans ces conditions, votre amendement ne me semble pas utile et je vous prie de bien vouloir le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. A deux, peut-être parviendrons-nous à convaincre Mme Bricq !
Une rédaction aussi large que celle que vous proposez, madame Bricq, n'est pas sans poser certaines difficultés d'interprétation quant au champ réellement couvert.
Par ailleurs, je m'interroge sur l'efficacité réelle d'un tel amendement. Dans les faits, il accroîtrait considérablement la portée extraterritoriale du code de commerce, dont ce n'est pas la vocation. De surcroît, il ne saurait avoir un pouvoir contraignant pour une société non soumise au droit français.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement.
M. le président. L'amendement n° 65, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 225-177 du code de commerce est ainsi rédigée :
« Les autorisations doivent être précédées d'un accord d'entreprise ou de groupe conclu en vertu des dispositions de l'article L. 132-27 du code du travail portant augmentation des salaires effectifs, dont la validité est subordonnée à la signature par une ou des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections au comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, qui fixe les conditions dans lesquelles seront consenties les options. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. La question de la transparence de la gestion de nos entreprises est posée directement à travers cet amendement, comme à travers l'ensemble des articles que nous examinons.
La question des plans d'option d'achat d'actions, en mauvais franglais les « stock options » - vous noterez, monsieur Marini, que je fais l'effort de parler en français - anime nos débats depuis une bonne douzaine d'années.
On connaît la philosophie de ces plans : récompenser les salariés et singulièrement les cadres dirigeants, y compris dans des sociétés non cotées, en leur permettant d'acquérir des parts de capital de l'entreprise à taux préférentiel comme une sorte de rémunération accessoire à la rémunération normalement soumise à cotisations sociales et à impôt sur le revenu.
Nous ne reviendrons évidemment pas sur les errements du débat en la matière, sinon que, malgré un relatif alourdissement de la fiscalité des plans d'option d'achat d'actions, ces opérations demeurent plus « intéressantes » sur un plan fiscal qu'une majoration de la rémunération salariale.
Les accessoires ont d'ailleurs, dans certaines entreprises, pris tant de place qu'ils sont devenus l'essentiel de la rémunération des dirigeants.
Il nous semble que nous ne pouvons nous contenter de soumettre de telles décisions de gestion à la seule appréciation d'une assemblée générale extraordinaire, surtout quand on voit comment le présent texte en assure la tenue.
Cet amendement vise donc à favoriser le développement de la transparence dans la mise en oeuvre des plans d'option, en les soumettant à la négociation collective et en les associant obligatoirement à la signature d'un accord collectif sur l'évolution des salaires.
En effet, ce qui choque généralement le plus dans cette affaire, c'est que, si les assemblées d'actionnaires ne mettent pas en question l'attribution des plans d'option, en revanche, la modération salariale y est souvent, quant à elle, à l'ordre du jour et présentée comme une obligation.
C'est un peu comme si rémunérer le capital - le capital porteur de plus-values latentes, sinon pourquoi mettre en place un dispositif de plans d'option ? - interdisait de rémunérer le travail à sa juste valeur.
On ne peut pourtant, monsieur le ministre, rétablir la confiance dans l'économie qu'en assurant un partage équilibré de la richesse potentielle créée par le travail dans une entreprise.
Dans l'attente de rouvrir le débat - cela viendra à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances - sur le traitement fiscal des accessoires de rémunération, nous ne pouvons que proposer cette disposition de transparence et d'équilibre visant à associer, sinon à lier, accord collectif sur les salaires et mise en place de plans d'option.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Chère collègue, si j'apprécie votre pratique de la francophonie financière,...
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur. ...sur le fond des choses, néanmoins, la commission ne peut vous suivre.
Les plans d'options ont fait l'objet de différentes mesures de clarification et de transparence, notamment dans la loi de sécurité financière. Ces plans représentent toujours un élément de motivation important pour les dirigeants, les principaux cadres d'une entreprise, mais ils ne doivent surtout pas être confondus avec des compléments de rémunération. Ils n'ont de légitimité, notamment en ce qui concerne leur régime fiscal, que pour autant qu'existe une prise de risque.
Dès lors que les dirigeants de l'entreprise, les dirigeants salariés, sont associés aux risques liés à l'évolution de la stratégie de l'entreprise, c'est un instrument utile. Mais, comme de toute bonne chose, il ne faut point abuser. Cette question doit être laissée à l'appréciation des assemblées générales, qui doivent, en principe, être attentives à ce que la dilution du bénéfice par action n'excède pas certaines limites.
Dans ces conditions, la commission est défavorable à l'amendement n° 65.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. L'attribution d'options de souscription d'actions au bénéfice des dirigeants ou des salariés est une pratique aujourd'hui strictement encadrée.
Je rappelle qu'elle doit préalablement, comme l'a rappelé le rapporteur, être autorisée par l'assemblée générale. Elle fait l'objet chaque année d'un rapport spécial des commissaires aux comptes. Dans ces conditions, il ne paraît pas nécessaire au Gouvernement d'encadrer davantage cette pratique.
C'est la raison pour laquelle il n'est pas favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l'article L. 225-237 du code du commerce est ainsi rédigée :
« Les commissaires aux comptes portent à la connaissance du conseil d'administration, du directoire et du conseil de surveillance, du comité d'entreprise ou des représentants du personnel, selon le cas : »
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L'article L. 225-237 du code de commerce, qui porte sur le rapport des commissaires aux comptes, dispose : « Les commissaires aux comptes portent à la connaissance du conseil d'administration ou du directoire et du conseil de surveillance, selon le cas : 1° les contrôles et vérifications auxquels ils ont procédé et les différents sondages auxquels ils se sont livrés ; 2° les postes du bilan et des autres documents comptables auxquels des modifications leur paraissent devoir être apportées [...] ; 3° les irrégularités et les inexactitudes qu'ils auraient découvertes ; 4° les conclusions auxquelles conduisent les observations et rectifications [...] ».
Il s'agit donc simplement pour nous de renforcer la transparence de la gestion des entreprises en rendant accessibles les documents comptables de l'entreprise à ses propres salariés ou à leurs représentants.
Il convient en effet, si l'on souhaite renforcer la confiance dans l'économie de faire en sorte que les salariés, premiers intéressés dans toute décision de gestion portant sur leur devenir ou celui de leur entreprise, soient informés, autant que faire se peut, de la réalité des faits et des choix opérés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement ne nous semble pas utile, car le comité d'entreprise, aux termes des articles L. 432-1 et L. 432-4 du code du travail est informé et consulté sur les questions intéressant l'organisation, la gestion et la marche de l'entreprise et, à ce titre, il reçoit régulièrement des informations et rapports sur la situation de celle-ci.
Par ailleurs, à l'instar d'une précédente proposition, il me semble procéder d'une certaine confusion des genres entre les différents organes sociaux.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?