M. le président. L'amendement n° 125, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 1er D, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Après l'article L. 241-14 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Dans les entreprises de 20 salariés au plus, pour toute embauche d'un salarié percevant une rémunération inférieure à 3 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance, les cotisations sociales patronales d'origine légale et conventionnelle, dues au titre des salaires versés à ce nouveau salarié, sont prises en charges par l'Etat, si les cotisations déjà acquittées par l'entreprise le sont sur une assiette moyenne supérieure à 1,6 fois le salaire minimum interprofessionnel de croissance ».
II - La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs mentionnée aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Cet amendement fait suite à une proposition faite par le Premier ministre dans son discours de politique générale.
Le texte que nous proposons a pour objet de donner rapidement un signe très favorable à la création d'emploi dans les PME, sans que ces embauches conduisent à augmenter les charges des entreprises de façon trop importante. Il incite par ailleurs les entreprises à verser des salaires supérieurs au SMIC puisqu'il est réservé à celles d'entre elles qui versent en moyenne un salaire supérieur à 1,6 fois ce montant.
Ce dispositif s'appliquera à des entreprises qui ne bénéficient pas de la réduction générale des cotisations prévue par l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, en d'autres termes « l'allègement Fillon ». En effet, il concerne uniquement des entreprises dont le salaire moyen est supérieur à 1,6 fois le SMIC, seuil qui correspond au plafond de l'allègement Fillon.
L'avantage est enfin réservé aux embauches portant sur des salaires inférieurs à trois fois ce montant et ne peut, en conséquence, être détourné pour le versement de salaires importants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission considère que l'objet de cet amendement qui vise à instaurer une incitation puissante à l'embauche est louable.
Toutefois, nous pensons que le dispositif n'est pas complètement achevé. Il nous semble pouvoir susciter quelques effets d'aubaine. Il a surtout un coût très élevé et il introduirait des différences de traitement importantes entre les embauches selon leur date.
Nous souhaitons, bien entendu, entendre l'avis du Gouvernement. La commission sera amenée, sauf si le Gouvernement donne un avis favorable, à solliciter le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement comprend bien l'objet de cet amendement, qui soulève néanmoins trois problèmes majeurs.
Tout d'abord, la plupart des entreprises visées bénéficient déjà de l'allégement Fillon, qui, je le rappelle, est calculé salarié par salarié. Autrement dit, ce n'est pas parce que, en moyenne le salaire versé est supérieur à 1,6 SMIC que l'entreprise n'a pas le droit à l'allègement Filon. Il est donc difficile de plaider pour un allègement supplémentaire qui viendrait s'ajouter au précédent.
Ensuite, vous proposez de distinguer nouvelles embauches et salariés existants, ce qui peut constituer une rupture d'égalité, même si nous en comprenons la finalité. Il est difficile de traiter différemment des salariés anciens et des salariés nouveaux, sauf dans le cadre de mesures de soutien à l'embauche pour l'emploi de public connaissant des difficultés particulières, ce que l'on fait par ailleurs.
Enfin, c'est au niveau du SMIC que les allègements de charges sont efficaces. Entre 1,6 et 3 SMIC, l'essentiel d'une baisse de charges entraîne surtout une hausse de salaire net dans le cadre de la négociation salariale. L'efficacité sera donc à peu près nulle en termes de créations d'emploi.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission souhaite, après avoir entendu le Gouvernement, que M. Jégou accepte de retirer cet amendement, car le dispositif qu'il vise à instaurer reste à parfaire.
M. le président. L'amendement n° 125 est-il maintenu, monsieur Jégou ?
M. Jean-Jacques Jégou. Nous avons sans doute commis une erreur, car nous considérions que ce dispositif ne s'appliquait pas aux entreprises qui bénéficiaient de l'allégement Fillon.
Par ailleurs, je ne méconnais pas le coût important de ce dispositif, et puisque, comme vous le dites, monsieur le ministre, cet amendement ne produirait pas l'effet recherché, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A l'article L. 225-16 du code de commerce, après les mots : « les premiers commissaires aux comptes », sont insérés les mots : « ainsi que le premier représentant du comité d'entreprise titulaire d'une action symbolique ».
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Pour restaurer la confiance dans l'économie, il convient tout d'abord, selon nous, de restaurer la confiance du salarié dans son entreprise. Pour ce faire, le comité d'entreprise doit pouvoir participer aux décisions du conseil d'administration.
Les salariés en tant que tels, c'est-à-dire les salariés qui ne sont pas actionnaires, doivent être représentés au conseil d'administration afin d'être associés aux choix stratégiques de leur entreprise. Les salariés, qui connaissent bien les contraintes et l'environnement de leur entreprise, peuvent apporter une information intéressante sur les réalités de la société.
Actuellement, les délégués du comité d'entreprise ont un pouvoir trop limité : ils n'ont qu'une voix consultative, ce qui n'est pas suffisant. Aussi, allouer une action symbolique au comité d'entreprise permettrait de faire sauter l'obstacle juridique selon lequel seul un actionnaire peut être administrateur au sein du conseil d'administration.
Instituer, dès la création de la société, un administrateur représentant du comité d'entreprise, grâce à cette action symbolique qui est remise au comité, permettrait d'associer les salariés dés le début. Ce statut conférerait à cet administrateur une voix délibérative.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Cet amendement m'a plongé dans une certaine perplexité.
En effet, M. Marc suggère que le représentant du comité d'entreprise reçoive ce qu'il appelle une action symbolique. J'aimerais comprendre ce qu'est une action symbolique. Est-ce le symbole d'une action ou est-ce une action d'une catégorie particulière ? Si c'est une action d'une catégorie particulière, il faut d'abord créer cette catégorie dans la loi et, si c'est un symbole d'action, cela ne représente rien.
J'avoue ne pas bien comprendre cette démarche. Au demeurant, au-delà de ce qui nous est présenté ici, je voudrais relever que plusieurs des amendements que nous allons examiner opèrent dans le même sens une certaine confusion entre différents organes sociaux dotés de compétences différentes par la loi.
Le comité d'entreprise est un organe de représentation qui exerce des missions définies par la loi. Le conseil d'administration est l'organe collégial de direction stratégique de l'entreprise. Vouloir créer un tel lien entre comité d'entreprise et conseil d'administration, alors qu'il existe par ailleurs des administrateurs salariés, qu'il existe d'autres manières d'associer le personnel à la gestion et même à l'administration de l'entreprise, me semble relever de la confusion des genres.
C'est essentiellement pour cette raison que la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur Marc, le Gouvernement partage votre avis sur l'intérêt de la représentation des salariés au conseil d'administration.
Je n'ai jamais eu à m'en plaindre dans mes précédentes fonctions. Contrairement à certains de mes anciens collègues, j'ai toujours considéré qu'il était important que les conseils d'administration comprennent des administrateurs représentants les salariés, qu'il s'agisse d'administrateurs élus par les actionnaires salariés - il y en a de plus en plus et c'est une bonne chose -, ou d'autres, hérités des lois de privatisation.
Comme vous l'avez rappelé, s'ils n'ont pas voix délibérative, les représentants des comités d'entreprise assistent au conseil d'administration, et c'est une bonne chose.
Au demeurant, j'adhère à l'analyse juridique de M. le rapporteur ; comme lui, je ne vois pas très bien l'applicabilité de votre proposition.
Par ailleurs, les administrateurs étant élus par l'assemblée générale, si l'assemblée générale souhaite élire des administrateurs issus des salariés, elle en a parfaitement la possibilité, et j'y suis favorable à titre personnel, mais je ne vois pas l'intérêt d'inscrire dans la loi une disposition spécifique qui l'y oblige.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Tout le monde aura bien compris, je pense, que nous proposons qu'une action de l'entreprise soit remise au comité d'entreprise ; il n'y a donc pas lieu de créer une catégorie spécifique, monsieur le rapporteur.
Il nous a semblé que cette attribution, qui revêt une dimension symbolique, constituait, à travers le comité d'entreprise, une marque de reconnaissance des salariés.
Il s'agit, en l'occurrence, de favoriser la confiance au sein de l'organisation. Cela nous a semblé aller dans le sens de ce projet de loi, puisqu'il a apparemment pour vocation d'améliorer la confiance au sein de l'entreprise, celle-ci étant un élément essentiel pour restaurer la confiance dans l'économie en général.
M. le président. L'amendement n° 89, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 225-21 du code de commerce sont supprimés.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Dans un passé encore récent, l'endogamie du capitalisme français a souvent été vilipendée, voire dénoncée, et nous pensons que le cumul des mandats en est une cause.
Dans la discussion générale, le ministre nous a renvoyés à la loi relative aux nouvelles régulations économiques en considérant que c'est au moment de la discussion de cette loi que nous aurions dû présenter les propositions que nous formulons cette fois-ci.
Nous l'avons écouté : par cet amendement, nous voulons revenir à la lettre et à l'esprit de la loi NRE, qui limitait le nombre de mandats à cinq. En effet, la loi Houillon du 29 octobre 2002 et la loi de sécurité financière ont supprimé cette avancée en élargissant les exceptions.
Aujourd'hui, les mandats exercés dans les filiales ne sont pas pris en compte pour le calcul des mandats dont le cumul est limité. Pourtant, des exemples récents nous l'ont encore démontré, les dysfonctionnements dans les grands groupes sont dus à la défaillances des administrateurs : soit ils sont trop peu indépendants, soit ils sont trop peu vigilants !
Le champ d'application de ces exceptions est tellement large qu'il vide de son efficacité la limitation du cumul des mandats. Nous vous proposons donc, mes chers collègues, de revenir au principe d'origine de la loi NRE et de lui rendre toute sa force.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. On ne peut pas accepter cette logique, car, dans un groupe de sociétés contrôlées, la répartition des mandats d'administrateurs est une décision de gestion interne.
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur. On ne peut apprécier, selon les règles générales de cumul des mandats, les mandats exercés au sein du groupe.
A ce titre, la législation actuelle me semble bien faite. Nous avons abouti, après de longues discussions, à un équilibre qui apparaît à peu près satisfaisant, notamment avec la loi relative aux nouvelles régulations économiques de 2001, reprise par la loi du 29 octobre 2002. M. Hyest peut ici en attester. (M. Hyest opine.) Je ne pense pas que l'on doive aller au-delà de cette législation, qui est pragmatique.
Enfin, je voudrais souligner que le droit des groupes est une nécessité. Une société contrôlée ne doit pas être traitée en tout point comme une société indépendante. Certes, elle garde sa personnalité morale, son patrimoine, et il faut veiller à les respecter. Mais elle fait partie intégrante d'un groupe ayant une unicité de stratégie. Le réalisme économique commande de veiller à cette distinction.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Un groupe comprend des filiales qui sont contrôlées majoritairement, comme l'a rappelé M. le rapporteur. Bien souvent, dans les sociétés contrôlées, des salariés du groupe siégent au sein des conseils d'administration afin de garantir l'unicité du groupe.
Il s'agit là d'un exercice difficile pour ces salariés, qui doivent partager la vision stratégique de l'entreprise, qui siègent dans le cadre de leur fonction et dans l'intérêt général du groupe. Lorsque j'étais chez France Télécom, j'avais d'ailleurs interdit que les salariés représentant la maison mère dans les filiales bénéficient de jetons de présence.
Madame Bricq, je comprends l'idée qui vous anime, mais le pragmatisme doit nous guider s'agissant des groupes, si nous voulons préserver leur unité. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous approuvons l'amendement du groupe socialiste, car il est nécessaire de modifier le fonctionnement des conseils d'administration en raison de l'absentéisme des administrateurs. A partir du moment où l'on instaure une limitation au cumul des mandats, on favorise automatiquement la présence des administrateurs dans leur conseil d'administration.
La recherche d'une véritable efficacité impose que les administrateurs aient un nombre de mandats limité afin qu'ils y consacrent le temps nécessaire. Nous voterons donc cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 90, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-37 du code de commerce est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport précise l'objet, le nombre et les résultats des opérations de contrôle réalisées par le conseil d'administration en cours d'année, ainsi que le nom des administrateurs qui y ont participé. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Selon l'actuel article L. 225-37 du code de commerce, « le président du conseil d'administration rend compte, dans un rapport [...], des conditions de préparation et d'organisation des travaux du conseil ainsi que des procédures de contrôle interne [...] ».
Cet article ne précise pas l'objet, le nombre et les résultats des opérations de contrôle réalisées par le conseil d'administration en cours d'année ni même le nom des administrateurs qui y ont participé. Si l'on veut réellement renforcer les moyens de contrôle du conseil d'administration, il importe de fournir les éléments d'information indispensables à l'exercice de ce contrôle. Nous souhaitons donc que les outils qui existent actuellement en droit des sociétés puissent atteindre leurs objectifs.
La restauration de la confiance passe par le renforcement de l'efficacité des contre-pouvoirs dans l'entreprise. Cet amendement apporte donc une précision utile permettant d'améliorer la transparence dans l'appréciation des performances et dans le contrôle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission pense, au contraire, que ces précisions sont superfétatoires. La pratique sur les moyens de contrôle internes, tout du moins en ce qui concerne ce rapport, dans les sociétés cotées est en train de s'organiser de manière satisfaisante.
En outre, je ne crois pas que, sur la forme, l'amendement soit acceptable. Je ne sais pas ce que signifie l'expression « opérations de contrôle réalisées par le conseil d'administration ». Littéralement, cela signifierait que tout le conseil d'administration se déplacerait afin d'aller vérifier des opérations au sein de la société.
Mme Nicole Bricq. Ce serait quelquefois utile !
M. Philippe Marini, rapporteur. Ce n'est pas imaginable ! Il faut essayer de rédiger la loi de façon précise et réaliste.
Par ailleurs, il existe des dispositions sur les conventions réglementées et les transactions des dirigeants sur les titres de l'entreprise, qui viennent tout récemment d'être renforcées. Les franchissements de seuils sont soumis à de strictes obligations. Il existe donc d'ores et déjà tout un arsenal de procédures qui nous semble satisfaisant.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement partage l'analyse brillante que vient de faire M. le rapporteur. Il émet donc également un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je veux apporter deux précisions.
Tout d'abord, tous ceux qui connaissent les firmes et le management savent très bien de quoi je veux parler en évoquant les contrôles. Je ne me situe pas dans la logique du contrôle sur pièces et sur place, qui vaut dans certaines administrations, mais dans celle du contrôle de management.
Ensuite, la justification de cette proposition peut se trouver dans un certain nombre de commentaires entendus ces derniers temps : nombre d'administrateurs n'auraient pas tous les éléments nécessaires pour apprécier les résultats, et les observateurs extérieurs ne disposeraient pas non plus de tous les éléments d'appréciation.
Le contenu de cet amendement n'a donc rien d'original. Il pose simplement une exigence formelle de manière plus impérative.
M. le président. L'amendement n° 87, présenté par M. Marc, Mme Bricq, MM. Massion, Yung, Peyronnet, Godefroy et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 225-252 du code de commerce est ainsi rédigé :
« Art. L. 225-252. - Les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225-120, soit en se groupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les actionnaires peuvent, pour les mêmes faits et simultanément, intenter une action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, en réparation du préjudice, direct ou indirect, qu'ils ont subi personnellement. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Il s'agit d'un amendement important, car restaurer la confiance dans les organes de gestion et de direction de l'entreprise passe nécessairement par le renforcement des contre-pouvoirs.
En effet, comment garantir une gestion efficace et adaptée sans que l'action du conseil d'administration ou du conseil de surveillance puisse faire l'objet d'une remise en cause ? Aucun système moderne et efficace ne fonctionne sans contrepoids !
Le conseil d'administration doit donc faire l'objet d'un contrôle efficace. La solution que nous proposons n'est pas révolutionnaire. Nous souhaitons simplement restaurer l'efficacité de l'article L. 225-252 du code de commerce.
Nous avions déjà évoqué cette carence, il y a un mois, lors de l'examen du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers. Répondant à nos amendements, dont l'objet était notamment de renforcer l'efficacité du régime de la responsabilité des dirigeants, le ministre de l'économie avait alors reconnu qu'il était nécessaire d'aller plus loin. A cet effet, il avait déclaré qu'il avait mis en place, avec M. Perben, un groupe chargé d'étudier cette question. Je le cite : « La réflexion pourrait être élargie aux suggestions que vous venez de formuler ».
Que reste-il de ces belles paroles ? Pour l'instant, rien de concret !
Actuellement, on en reste au régime général de l'action en responsabilité contre les dirigeants, tel que prévu par l'article L. 225-252 du code de commerce. Or ce régime est inefficace.
Les actionnaires victimes des agissements de leurs dirigeants agissent trop rarement. Ils n'intentent quasiment jamais d'action en responsabilité contre les dirigeants, même quand ceux-ci ont commis une faute détachable de leur fonction. En effet, la pratique et la jurisprudence ne facilitent pas l'action en responsabilité contre les dirigeants ; je pourrais même dire qu'elles la bloquent.
Lorsque la société est victime des agissements de ses dirigeants et que, en conséquence, l'intérêt social a été méconnu, le code de commerce oblige les actionnaires à avoir recours à l'action sociale afin de mettre en cause la responsabilité des dirigeants. Dés lors, le mécanisme de l'action sociale écarte, pour les actionnaires demandeurs, toute perspective de réparation directe. Les actionnaires sont alors victimes des fautes des dirigeants et, dans le même temps, ils n'ont aucune chance de toucher les dommages et intérêts, puisque c'est l'intérêt social qui aura été méconnu.
Le préjudice de l'actionnaire n'est pas cumulable avec celui de la société. C'est donc la société, considérée comme seule victime de la mauvaise gestion de ses dirigeants, qui percevra les dommages et intérêts. Les actionnaires n'ont alors aucun intérêt, ou presque, à engager une procédure coûteuse. Il importe donc de prévoir l'hypothèse du cumul des actions sociale et individuelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Je voudrais rappeler brièvement que l'action en responsabilité contre les dirigeants et les administrateurs peut consister, soit en une action individuelle exercée par la personne ayant subi un préjudice indépendant de celui subi par la société - ce préjudice doit être direct, certain et personnel -, soit en une action sociale dite ut singuli destinée à réparer le préjudice subi par la société, et donc exercée en son nom, cette action pouvant être intentée par un ou plusieurs actionnaires. Tel est l'état du droit français !
La responsabilité des administrateurs est susceptible d'être engagée dans trois cas : infraction aux dispositions législatives et réglementaires, violation des statuts, faute de gestion.
Le tiers victime d'une faute d'un dirigeant ne peut pas, en principe, mettre en cause la responsabilité personnelle de ce dernier et doit agir contre la société, sauf si le dommage trouve sa cause dans une faute détachable ou séparable des fonctions de ce dirigeant. Cette solution émane d'un arrêt récent de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 20 mai 2003.
La commission souhaite le retrait de l'amendement de M. Marc pour plusieurs raisons.
D'abord, les réflexions en ce qui concerne les actions collectives, ce qu'on appelle aussi la class action, ne nous semblent pas avoir été menées à leur terme.
En outre, l'indemnisation du préjudice indirect ouvrirait la voie, nous semble-t-il, à une véritable inflation contentieuse fondée sur le préjudice matériel que constituerait la perte de valeur des actions. Cela irait d'ailleurs à l'encontre des intentions exprimées par le groupe socialiste. En effet, un tel détournement de la mise en cause de la responsabilité comporterait de réels risques de déresponsabilisation de l'actionnaire.
Bien sûr, notre droit doit pouvoir être amélioré ! C'est pourquoi nous avions évoqué, lors du débat du 2 mai auquel faisait allusion M. Marc, une première solution qui pourrait consister à permettre l'avance par l'entreprise des frais impliqués par la mise en oeuvre de l'action sociale ou action ut singuli. Monsieur le ministre, il serait utile que vous nous disiez si les réflexions sur le sujet ont progressé.
Pour les raisons que je viens de rappeler, nous considérons que l'amendement n° 87 ne peut être adopté dans son état actuel ; nous en demandons le retrait, sinon nous appellerons à le rejeter.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Les termes de l'amendement n° 87 ne modifient pas réellement le droit existant en ce qui concerne la possibilité pour les actionnaires d'engager une action en responsabilité lorsqu'ils ont subi un préjudice personnel, élément constituant la lettre de l'article L. 225-252 du code de commerce.
Par ailleurs, l'introduction de la notion de préjudice indirect subi par les actionnaires, dont les contours sont assez mal définis, me paraît source de confusion juridique et d'instabilité. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 87.
Quant aux réflexions sur les actions de groupe - une class action à la française - le Gouvernement y travaille en ce moment même. Nous ferons un point d'étape avant la fin du mois de juillet et un autre en septembre. J'espère que le groupe d'experts que nous avons créé nous permettra d'émettre des propositions à l'automne.
Mme Nicole Bricq. Nous aimerions bien être tenus au courant !
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 87 est-il maintenu ?
M. François Marc. Cela fait quelques mois, sinon déjà quelques années, que le Gouvernement se voit poser la question de savoir quelle l'action peut être envisagée pour protéger les actionnaires face aux agissements de certains administrateurs. Depuis deux ans et demi, on nous répète qu'envisager une class action à la française nécessite une réflexion. On nous répond toujours que des groupes de travail sont créés, mais on ne progresse pas.
Cet amendement pouvait, nous a-t-il semblé, constituer un point d'appui en vue d'aller un plus loin et un peu plus vite ! Il nous paraissait opportun de le voter de telle sorte que le Gouvernement puisse, à l'occasion de la navette parlementaire, préciser comment un tel dispositif pouvait s'organiser.
Pour ces raisons, je maintiens l'amendement n° 87, sur lequel je souhaite que le Sénat se prononce.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances. .
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. . Je voterai contre cet amendement pour les raisons que le rapporteur a exposées. Toutefois, monsieur le ministre, je souhaite réagir à vos propos laissant entendre qu'il pourrait y avoir une class action à la française.
La commission des finances mène depuis longtemps une réflexion sur la mondialisation, la globalisation et sur les risques de délocalisation. Au bénéfice de cet éclairage, je me demande s'il serait bon de créer un système de class action qui mettrait en cause la responsabilité de ceux qui consentent encore à produire sur le territoire national ? Ne risquerait-on pas, ce faisant, de voir s'évaporer un certain nombre d'activités cherchant à se soustraire à ces nouvelles dispositions.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. .Pour ma part, monsieur le ministre, je souhaite vous mettre en garde contre les risques que ne manquerait pas de susciter cette novation juridique.
C'est très bien de vouloir mettre en cause la responsabilité de ceux qui produisent ; mais dans ces conditions, à l'heure de la globalisation, mieux vaudra aller produire ailleurs pour échapper à un tel régime juridique.
Telle est l'observation que je souhaitais faire, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.