M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er A, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le dernier alinéa de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 Q sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.
« Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 914 694,10 euros. »
II. - Après l'article 885 U du même code, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'ils possèdent sur la base suivante :
Evolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée |
% - Taux d'intégration |
Egale ou supérieure à une évolution de 2 points |
15 |
Egale ou supérieure à une évolution de 1 point |
35 |
Egale à 1 |
50 |
Entre 1 et -1 |
65 |
Entre -1 et -2 |
85 |
Entre -2 et -3 |
100 |
Entre -3 et -4 et au-delà |
125 |
« Un décret d'application visera à prévenir les tentatives d'utiliser ce système de modulation pour essayer de diminuer de façon injustifiée la contribution à l'impôt de solidarité sur la fortune. »
La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. On pourrait évidemment s'étonner de trouver ici, dans ce chapitre consacré à la détention durable d'actions, un amendement relatif à l'imposition des actifs professionnels au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Mais, alors même que ce texte semble avoir pour objet de renforcer la confiance, émoussée par des perspectives de croissance pour le moins incertaines, et de moderniser l'économie, il nous paraît utile de rappeler ici qu'une juste imposition des différentes formes de patrimoine, fondée sur une recherche de l'efficacité économique, est plus que jamais nécessaire.
Quelle idée, pour certains, que nous rappelions que le patrimoine industriel constitue un élément non négligeable de la fortune des plus riches de notre pays ! A écouter les discours plus compatissants les uns que les autres à l'égard des fortunes prétendument surtaxées, on pourrait croire que ces hommes et ces femmes sont de généreux donateurs qui mettent leur fortune à la disposition du pays !
Je ne peux manquer de relever, une fois encore, que la question de l'impôt sur la fortune est encore et toujours soulevée et est au centre des préoccupations de certains.
A l'Assemblée nationale il s'est trouvé, en particulier, un président de commission, par ailleurs très proche du Gouvernement, pour avancer, à l'instar de cent députés de la majorité guidés par le député-maire de Poissy, localité où les salariés de PSA savent ce que signifie au quotidien la fortune, que le budget 2006 devrait être l'occasion pour réduire l'assiette de l'impôt, en excluant de celle-ci l'habitation principale des redevables.
On nous fait larmoyer sur le destin tragique de quelques habitants de l'île de Ré, dont les biens ont, pour des raisons diverses, acquis une valeur importante, en oubliant évidemment qu'une telle mesure intéresse d'abord et avant tout ceux dont l'habitation principale est d'une autre teneur.
Dans l'ombre, si l'on peut dire, le futur retraité de la présidence du MEDEF attend ainsi que la loi l'autorise à défalquer de son patrimoine son château d'Ognon, d'une valeur sans doute autrement plus importante que les maisons rhétaises ou les appartements de quelques centaines de cadres parisiens ayant pris de la valeur sous les effets de la conjoncture du marché immobilier.
Un problème se pose par ailleurs : nous aurons mercredi un débat d'orientation budgétaire au cours duquel l'on va nous expliquer que les marges sont étroites, les possibilités de réduire les impôts limitées, qu'il faut faire une pause sur la baisse de l'impôt sur le revenu et que nous ne pouvons rien faire sur la TVA ou la remise en place de la TIPP flottante, alors que ces impôts frappent lourdement les ménages les plus modestes.
Et, par un coup de baguette magique, on pourrait trouver moyen à réduire l'ISF, comme on a réduit les droits de mutation ! Et on persévère dans l'allégement des droits de donation ou de transmission !
Cette contradiction manifeste met au jour l'hypocrisie du discours officiel : derrière l'engagement dans l'action pour l'emploi, on est de plus en plus généreux avec les plus aisés, et de plus en plus inflexible avec les plus modestes.
Notre proposition est une mesure de justice sociale, dont un volet aménage l'impôt pour les entreprises créatrices d'emplois, impôt qui prend à contre-pied la protection systématique des détenteurs de capitaux.
L'amendement vise à intégrer les biens professionnels à hauteur de 50 % de leur valeur en modulant le taux d'intégration en fonction des choix faits par l'entreprise en matière d'emploi et de salaire.
En résumé, grâce à notre amendement, l'assiette de l'impôt serait élargie lorsque les bénéfices imposés ont pour origine une croissance purement financière, mais allégée quand ces bénéfices sont engendrés par une croissance réelle, riche en emplois qualifiés.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Le parti communiste n'a pas changé : il en est resté à la lutte des classes. Et nous avons eu droit à un exposé de son idéologie, que je respecte, mais qui est bien typée dans notre histoire économique et sociale.
Qu'il me soit permis de m'y opposer de la manière la plus formelle. Il ne peut y avoir de richesses réparties dans l'économie que si celle-ci est en mesure de mobiliser les capitaux indispensables à l'investissement et à l'emploi. Ce n'est pas en maltraitant les détenteurs de ces capitaux, ce n'est pas en les traitant de manière vexatoire que l'on parvient à améliorer les conditions de la croissance et de l'activité.
La vision qui est celle du parti communiste est assurément une vision irréelle, une vision du passé, une vision de laquelle il faut se détourner avec force.
Bien entendu, cet amendement mérite un avis résolument défavorable de la part de la commission.
Monsieur le ministre, ce sujet de l'impôt sur le patrimoine devra être traité au fond, car la situation dans laquelle nous nous trouvons n'est absolument pas satisfaisante. Qu'un grand nombre de détenteurs de biens immobiliers qui ne peuvent ni ne veulent les vendre soient pris dans la herse de ce barème et dans des conditions d'une grande insécurité du fait de l'évolution des prix du marché immobilier, cela est absolument inique et ne pourra pas durer dans les conditions actuelles.
De même, le régime des biens professionnels, qui s'arrête comme un couperet au moment du départ du dirigeant, ne pourra pas perdurer, car c'est une situation qui met en péril beaucoup d'entreprises et qui conduit à la délocalisation d'un grand nombre de fortunes.
Dans le même ordre d'idées, le régime du déplafonnement de l'impôt de solidarité sur la fortune cumulé avec le versement d'autres impôts calculés en fonction des revenus du contribuable est un système qui n'est pas tenable. C'est, en effet, un signal extrêmement défavorable à l'égard de tous les investisseurs qui regardent notre pays et qui s'interrogent sur le lieu où ils peuvent réaliser leurs projets d'entreprise.
Sur ces sujets, mes chers collègues, il faudra, enfin, être clairs. Et ce n'est pas par de toutes petites mesures arrachées au terme de longs débats que l'on rétablira la confiance sur une question qui pèse de plus en plus sur le moral des classes moyennes et des classes moyennes supérieures dans notre pays.
Rejetant bien sûr l'amendement du groupe CRC, la commission des finances exprime, monsieur le ministre, le souhait que, enfin, sur ces sujets, de manière claire, de manière lisible, en vue de la loi de finances pour 2006, il se passe quelque chose qui réponde à l'attente que je me suis efforcé d'exprimer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Monsieur le rapporteur, vous êtes allé bien au-delà de la réponse à M. Foucaud.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur Foucaud, en donnant l'occasion à M. le rapporteur de s'exprimer, vous avez peut-être obtenu l'effet inverse de celui que vous recherchiez.
Mme Nicole Bricq. C'est vrai qu'il est intarissable !
M. Thierry Breton, ministre. Le Gouvernement partage l'avis de la commission : ce n'est certainement pas en faisant peser une taxation plus lourde sur les forces vives du pays qu'on arrivera à favoriser l'investissement dans les entreprises et, ainsi, la croissance et l'emploi.
Le Gouvernement est donc bien sûr résolument défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. M. le rapporteur vient de dire que, le moment venu, nous débattrons sur le fond de cet impôt. Nous en prenons acte et nous développerons alors notre analyse, que nous avons esquissée aujourd'hui.
Mais que la majorité sénatoriale, le Gouvernement et le rapporteur général ne comptent pas sur nous pour aider des personnes comme cet ancien patron de Carrefour qui voulait partir à la retraite avec 32 millions d'euros !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er A
I. - La transformation d'un bon ou contrat mentionné au I de l'article 125-0 A du code général des impôts, dont les primes versées sont affectées à l'acquisition de droits qui ne sont pas exprimés en unités de compte visées au deuxième alinéa de l'article L. 131-1 du code des assurances, en un bon ou contrat mentionné au I de l'article 125-0 A du code général des impôts dont une part ou l'intégralité des primes versées sont affectées à l'acquisition de droits exprimés en unités de compte susvisées n'entraîne pas les conséquences fiscales d'un dénouement. Les produits inscrits sur les bons ou contrats, à la date de leur transformation, sont assimilés à des primes versées pour l'application des dispositions des articles L. 136-6, L. 136-7, L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale, des articles 15 et 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ainsi que du 2° de l'article 11 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, lorsqu'en application de ces mêmes dispositions ces produits ont été soumis, lors de leur inscription en compte, aux prélèvements et contributions applicables à cette date.
II. - Le titre IV du livre Ier du code des assurances est complété par un chapitre II ainsi rédigé :
« CHAPITRE II
« Art. L. 142-1. - Les entreprises d'assurance sur la vie sont autorisées à contracter, sous la forme de contrats d'assurance de groupe tels que définis à l'article L. 141-1, dans les conditions prévues au présent chapitre, des engagements en cas de vie ou en cas de décès non liés à la cessation d'activité professionnelle, à l'exception d'engagements d'assurance temporaire en cas de décès, qui donnent lieu à la constitution d'une provision destinée à absorber les fluctuations des actifs du contrat et sur laquelle chaque adhérent détient un droit individualisé sous forme de parts.
« Art. L. 142-2. - Nonobstant les dispositions du code de commerce relatives aux comptes sociaux, l'entreprise d'assurance établit, pour chaque contrat, une comptabilité auxiliaire d'affectation.
« Art. L. 142-3. - En cas d'insuffisance de représentation des engagements d'un contrat, l'entreprise d'assurance parfait cette représentation par apport d'actifs représentatifs de ses réserves ou de ses provisions autres que ceux représentatifs de ses engagements réglementés. Lorsque le niveau de la représentation de ses engagements relatifs à ce contrat le permet, l'entreprise d'assurance réaffecte des actifs du contrat à la représentation d'autres réserves ou provisions.
« Art. L. 142-4. - Un décret en Conseil d'Etat précise les règles techniques ainsi que les conditions d'application du présent chapitre, notamment les cas où, nonobstant l'article L. 132-23, les contrats sont ou non rachetables ou transférables. »
III. - Le chapitre unique du titre IV du livre Ier du même code devient le chapitre Ier, et les articles L. 140-1 à L. 140-6 du même code deviennent les articles L. 141-1 à L. 141-6.
IV. - Les contrats mentionnés à l'article L. 142-1 du même code sont soumis au même régime que les contrats en unités de compte pour l'application des dispositions de l'article 125-0 A du code général des impôts, des articles L. 136-6, L. 136-7, L. 245-14 et L. 245-15 du code de la sécurité sociale, des articles 15 et 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ainsi que du 2° de l'article 11 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.
M. le président. L'amendement n° 132 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du I de cet article, après les mots :
de l'article L. 131-1 du code des assurances
insérer les mots :
et au deuxième alinéa de l'article L. 223-2 du code de la mutualité
La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.
M. Jean-Jacques Jégou. Le I de l'article 1er A précise les conditions d'application de l'article 125-0A du code général des impôts, relatif à l'imposition des plus-values générées par un contrat d'assurance vie.
Le fait générateur de l'imposition est constitué par le dénouement du contrat.
Ce texte prévoit que la transformation d'un contrat d'assurance vie libellé en euros en contrat d'assurance vie libellé en unités de compte n'entraîne pas une novation constitutive d'un dénouement du contrat, générateur d'une imposition.
Une telle mesure serait satisfaisante si elle ne réservait pas cet avantage aux seuls contrats visés par le code des assurances, créant ainsi une distorsion de concurrence au profit des organismes régis par le code des assurances.
Compte tenu du contexte d'alignement de la fiscalité applicable aux différents organismes assureurs, il nous apparaît indispensable que le I de l'article 1er A soit modifié ainsi que le prévoit cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Dès lors que les activités conduites sont identiques, qu'il s'agisse de compagnies d'assurance sous forme classique ou de mutuelles, les règles doivent être les mêmes.
L'inspiration de cet amendement nous semble donc bonne et nous voudrions, monsieur le ministre, que vous puissiez nous confirmer de façon claire que les bonnes dispositions proposées ici et qui visent à permettre la transformation des contrats en euros en contrats en unités de compte s'appliquent bien à l'identique, avec les mêmes caractéristiques fiscales, aux mutuelles et aux compagnies d'assurance.
Si vous pouviez nous donner cette assurance, monsieur le ministre, je pense que l'amendement de M. Jégou serait satisfait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je partage tout à fait, monsieur Jégou, votre souci d'éviter l'apparition de toute distorsion de concurrence entre les différents organismes assureurs.
Cela étant, le champ d'application de la mesure en question n'est bien entendu pas limité aux seuls contrats d'assurance vie visés par le code des assurances : sont également concernés l'ensemble des contrats d'assurance vie gérés par les mutuelles. Le visa du code de la mutualité n'apparaît pas techniquement nécessaire ; celui du code général des impôts est suffisant.
Ces éléments me semblent de nature à répondre à vos interrogations, monsieur Jégou. Il ne paraît donc pas nécessaire de modifier la rédaction du projet de loi. Sous le bénéfice de ces observations, je pense que vous pourriez retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Jégou, l'amendement n° 132 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou. Les propos que vient de tenir M. le ministre seront gravés dans le marbre du Journal officiel ! Etant satisfait de sa réponse, je ne peux que retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 132 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er A.
(L'article 1er A est adopté.)
Article 1er B
I. - Après le premier alinéa du e du I de l'article 199 terdecies - 0 A du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Pour la détermination du pourcentage prévu au premier alinéa, les participations des sociétés de capital-risque, des sociétés unipersonnelles d'investissement à risque, des sociétés de développement régional et des sociétés financières d'innovation ne sont pas prises en compte à la condition qu'il n'existe pas de lien de dépendance au sens du 12 de l'article 39 entre la société bénéficiaire de l'apport et ces dernières sociétés. De même, ce pourcentage ne tient pas compte des participations des fonds communs de placement à risques, des fonds d'investissement de proximité ou des fonds communs de placement dans l'innovation. »
II. - Les dispositions du I s'appliquent aux versements réalisés à compter du 1er janvier 2005.
M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L'article 1er B vise à modifier le traitement fiscal d'un certain nombre de placements.
L'article 199 terdecies-O A du code général des impôts stipule notamment que « les contribuables domiciliés fiscalement en France peuvent bénéficier d'une réduction de leur impôt sur le revenu égale à 25 % des souscriptions en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés ».
Alors que la rédaction de cet article du code général des impôts est déjà fort complexe, on entend créer, au travers du présent projet de loi, des exceptions au regard des modalités de détermination des souscriptions retenues pour le calcul de la réduction d'impôt.
En l'espèce, nous nous trouvons en présence d'une mesure qui serait sûrement plus à sa place dans une loi de finances, d'autant que l'expertise du dispositif de l'article 199 terdecies-O A du code général des impôts n'a pas été réellement faite.
En effet, si l'on se fie à l'évaluation des voies et moyens présentée dans le cadre de la loi de finances pour 2005, l'ensemble de la dépense fiscale concernée s'élève, selon l'estimation fournie, à 220 millions d'euros, avec une augmentation annuelle de 10 millions à 15 millions d'euros.
Dans les faits, le dispositif de l'article 1er B n'est donc qu'un outil d'optimisation fiscale supplémentaire proposé à ceux qui ont les moyens d'en tirer parti et ont sans doute déjà bénéficié, pour certains d'entre eux, d'autres réductions d'impôts, ainsi que de l'abaissement des taux d'imposition du barème général.
Cet article ne vise donc à rien d'autre qu'une optimisation fiscale renforcée, par le biais d'une incitation à une relative diversification des placements. Or est-ce bien le rôle de la loi de permettre aux détenteurs de capitaux de faire face au risque grâce à une défiscalisation des placements ?
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons qu'inviter le Sénat à adopter cet amendement de suppression de l'article 1er B.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission ne peut évidemment pas suivre la logique développée par M. Vera.
Le dispositif fiscal de la loi Madelin de 1994 incite des investisseurs à placer de l'argent en fonds propres de petites et moyennes entreprises, ce qui constitue le plus risqué des placements. Pour compenser ce risque et induire un comportement favorable des investisseurs, qui peuvent placer leurs capitaux partout ailleurs, il n'est pas inutile que l'avantage dit « Madelin » existe.
J'avoue ne pas avoir bien compris la démonstration de M. Vera, bien que je l'aie écoutée avec beaucoup d'attention : qui peut investir dans les PME si l'on entend favoriser la constitution d'un capital de proximité en faisant appel à des personnes physiques ? Ce ne sont pas des personnes dépourvues de patrimoine, ne disposant pas de capacité d'investissement et donc non soumises à l'impôt qui pourront apporter des capitaux.
Par conséquent, la commission émet une nouvelle fois un avis résolument défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Je ne souhaite pas entrer dans le détail du dispositif, les explications données par M. le rapporteur étant parfaitement satisfaisantes.
Le Gouvernement sollicite donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er B.
(L'article 1er B est adopté.)
Article 1er C
I. - Est soumis à une imposition séparée au taux de 0 % le montant net des plus-values à long terme afférentes aux cessions de titres de participation mentionnés au troisième alinéa du a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts réalisées dans le cadre d'une admission aux négociations sur un marché d'instruments financiers destinés au financement des petites et moyennes entreprises et offrant des garanties pour la bonne information des investisseurs. La liste des marchés d'instruments financiers bénéficiaires de cette mesure est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie.
Pour les cessions mentionnées à l'alinéa précédent, une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net des plus-values de cession est prise en compte pour la détermination du résultat imposable.
II. - Les dispositions du I s'appliquent aux cessions réalisées à compter du 17 mai 2005.
Elles cessent de s'appliquer pour les cessions réalisées au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2007.
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Avec cet article 1er C, sous-tendu par la même philosophie que le système actuellement en vigueur, qui est déjà complexe, il s'agit une nouvelle fois d'instaurer une mesure d'incitation fiscale forte.
Cet article vise à améliorer encore les conditions de restructuration juridique et comptable des entreprises, en réduisant à néant la taxation des plus-values de cession de participations.
Dans le cas qui nous intéresse, il s'agit donc tout simplement de laisser les détenteurs d'actions organiser sans aucun frais des opérations de restructuration et de réorganisation de patrimoine.
Or comment oublier que ces opérations, qu'elles soient d'ailleurs ou non soumises à une quelconque imposition, sont souvent synonymes de plans sociaux pour les personnels, puisque le coût d'acquisition, s'agissant notamment des OPA, les offres publiques d'achat, ou des OPE, les offres publiques d'échange, est bien souvent amorti au travers d'une réduction des effectifs ?
Le présent article, qui, au demeurant, ne figurait pas dans la version initiale du projet de loi, est donc très contestable sur le plan social et revêt un caractère purement opportuniste. Parce que les OPA et les OPE ne présagent en général rien de bon pour l'emploi, nous ne pouvons que proposer sa suppression.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur. M. le ministre nous propose d'appliquer complètement, pour un compartiment du marché, la réforme relative aux plus-values de cession de participations qui a été adoptée sur l'initiative du Sénat au travers de la loi de finances rectificative pour 2005 et qui comporte trois paliers.
Il s'agit donc, pour faciliter l'émergence d'un nouveau marché se situant à mi-chemin entre le marché libre et un marché réglementé classique, d'aller jusqu'au bout de la réforme que nous avons nous-mêmes engagée. Je crois que c'est là une excellente mesure ; dès lors, je ne puis qu'être tout à fait défavorable à l'amendement de M. Vera.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. M. Vera demande la suppression de l'article 1er C au motif que le financement des PME nécessite d'autres solutions, sans que ces dernières soient au demeurant précisées.
La mesure présentée au travers de l'article vise à inciter les PME à faire appel aux marchés financiers afin de faciliter leur financement et à permettre leur développement en levant un obstacle fiscal à leur introduction sur ces derniers. Elle s'inscrit donc dans la logique de la création d'Alternext, qui permettra, je l'ai rappelé tout à l'heure, eu égard notamment à ce qui se passe dans d'autres pays européens qui sont nos concurrents directs, de faciliter l'accès des PME aux marchés financiers.
Par conséquent, cette mesure me paraît devoir trouver toute sa place dans les dispositifs tendant à favoriser le financement des PME. C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur Vera, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Vera, l'amendement n° 61 est-il maintenu ?
M. Bernard Vera. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er C.
(L'article 1er C est adopté.)
TITRE IER
ADAPTER L'ENVIRONNEMENT JURIDIQUEDES ENTREPRISES
Article 1er D
Le deuxième alinéa de l'article 223 septies du code général des impôts est supprimé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 62 est présenté par M. Vera, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Philippe Marini, rapporteur. La commission des finances et le groupe CRC ont présenté des amendements identiques : c'est ce que l'on peut appeler une convergence objective, car les raisons qui nous motivent ne sont pas les mêmes !
En ce qui la concerne, la commission des finances pense que les dispositions fiscales doivent être prioritairement examinées à l'occasion de la discussion budgétaire. Elle n'est pas opposée, sur le fond, à la mesure qui a été votée par l'Assemblée nationale tendant à modifier le régime de l'imposition forfaitaire annuelle, l'IFA, en matière d'impôt sur les sociétés. Il est clair en effet que ce régime est insatisfaisant, et l'idée de nos collègues députés de supprimer la première tranche d'imposition est bienvenue.
Toutefois, cette réforme peut être reportée à l'automne sans préjudice pour quiconque, puisque l'imposition forfaitaire annuelle a déjà été versée au titre de 2005. En effet, elle est acquittée avant le 15 mars de chaque année, et une éventuelle réforme de son régime n'aura donc pas d'incidence avant 2006. Par conséquent, nous sommes tout à fait en mesure de reporter l'adoption d'une disposition de cette nature à l'examen du projet de loi de finances pour 2006.
De plus, sur le fond, la suppression de la première tranche d'imposition ne fera pas disparaître le caractère antiéconomique de l'IFA. Il est rappelé que cette imposition s'applique au chiffre d'affaires et non au résultat : dès lors, elle peut avoir des effets pervers.
Certes, le montant payé au titre de l'IFA est déductible ensuite de l'impôt sur les sociétés, mais il peut constituer une charge définitive pour des entreprises durablement déficitaires ou dégageant structurellement un bénéfice imposable peu élevé au regard de leur chiffre d'affaires.
Il convient donc de réfléchir à l'ensemble du dispositif, et même, monsieur le ministre, d'aller plus loin, ce à quoi la commission des finances vous conviera, ainsi que M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, très probablement au cours des prochains mois.
Nous voudrions en effet que l'on réexamine froidement l'impôt sur les sociétés, dans l'optique d'une réduction du nombre et de l'importance des niches fiscales, c'est-à-dire des dégrèvements et régimes de déductibilité spécifiques en tout genre, car nous préférerions de beaucoup un taux général plus faible pour l'impôt sur les sociétés et moins de régimes dérogatoires et corporatifs de toute nature. La tentation a assez duré, d'ajouter les déductions aux déductions, les petits plaisirs aux petits plaisirs qui, en définitive, ne satisfont réellement personne.
Par conséquent, si nous pensons qu'il est certes tout à fait opportun de revenir sur l'impôt sur les sociétés, il convient de procéder de manière organisée, plus lucide et plus large. C'est pourquoi la mesure relative à l'IFA ici préconisée nous paraît prématurée.
Telle est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression de l'article 1er D.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° 62.
M. Thierry Foucaud. Cet article semble de bien peu de poids au regard de ceux que nous avons examinés auparavant et qui portaient sur des sujets bien plus importants.
Même si nos approches sont diamétralement opposées, je dirai, à la suite de M. le rapporteur, que la question de l'imposition forfaitaire annuelle des sociétés ne peut être décemment posée au détour de l'examen d'un projet de loi de cette nature et devrait plutôt l'être lors de la discussion du projet de loi de finances. C'est pourquoi nous demandons la suppression de l'article 1er D.
M. Jean-Jacques Jégou. C'est bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Thierry Breton, ministre. Monsieur le rapporteur, je suis conscient de la nécessité d'une réforme plus approfondie du régime de l'imposition forfaitaire annuelle.
J'avais indiqué, lors des débats à l'Assemblée nationale, que la suppression de la première tranche, à laquelle le Gouvernement est favorable, je le répète, pouvant déséquilibrer le barème, il est nécessaire d'engager une réflexion d'ensemble, au plus tard lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006. Il faudrait également en profiter pour alléger les obligations déclaratives.
Toutefois, les députés ont souhaité adresser immédiatement un signal positif aux PME, et le Gouvernement, sensible à cet argument, ne s'était pas opposé au vote de cette disposition.
Si vous y êtes également sensible, monsieur le rapporteur, vous retirerez cet amendement ; peut-être serez-vous suivi par M. Foucaud, car j'ai l'impression qu'il vous suit beaucoup ce soir. (Sourires.) Dans le cas contraire, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 1 est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Philippe Marini, rapporteur. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 62.
M. le président. En conséquence, l'article 1er D est supprimé.